Google
This is a digital copy of a book thaï was preservcd for générations on library shclvcs before il was carcfully scanncd by Google as part of a projecl
to makc the workl's books discovcrable online.
Il lias survived long enough for the copyright lo expire and the book to enter the public domain. A publie domain book is one thaï was never subjeel
lo copyright or whose légal copyright lerni lias expired. Whether a book is in the public domain may vary country locountry. Public domain books
are our gateways lo the past. representing a wealth of history. culture and knowledge thafs oflen dillicull to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this lile - a reminder of this book's long journey from the
publisher lo a library and linally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries lo digili/e public domain malerials and make ihem widely accessible. Public domain books belong to the
public and wc are merely iheir cuslodians. Neverlheless. ihis work is ex pensive, so in order lo keep providing ihis resource, we hâve taken sleps to
prevent abuse by commercial parties, iiicluciiiig placmg lechnical restrictions on aulomaied querying.
We alsoasklhat you:
+ Make non -commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals. and we reuuest lhat you use thesc files for
pcrsonal, non -commercial purposes.
+ Refrain from autoiiiatcil (/uerying Donot send aulomaied uneries of any sort lo Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical characler récognition or other areas where access to a large amount of texl is helpful. please contact us. We encourage the
use of public domain malerials for thèse purposes and may bc able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each lile is essential for informing people about this projecl and hclping them lind
additional malerials ihrough Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use. remember thaï you are responsible for ensuring lhat whai you are doing is légal. Do not assume that just
becausc we believe a book is in the public domain for users in the Uniied Staics. thaï the work is also in ihc public domain for users in other
counlries. Whelher a book is slill in copyright varies from counlry lo counlry. and we can'l offer guidanec on whelher any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume thaï a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringemenl liabilily can bc quite severe.
About Google Book Search
Google 's mission is lo organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover ihe world's books wlulc liclpmg aulliors and publishers reach new audiences. You eau search ihrough llic lïill lexl of this book un ilic web
al|_-.:. :.-.-:: / / books . qooqle . com/|
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel cl de la connaissance humaine cl sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public cl de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres soni en effet la propriété de tous et de toutes cl nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des lins personnelles. Ils ne sauraient en ell'et être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésite/ pas à nous contacter. Nous encourageons (tour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
À propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le franoais. Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les ailleurs cl les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp : //books .qooql^ . ■:.■-;. -y]
.
. ... 4'x22SC1lY
J.MiHAHY -^â^OF THE
Il jf
.3
BUREAU DU JOURNAL DES SA VANS.
Monseigneur le GARDE DES SCEAUX , Président.
- M. D ACIER, de l'Institut royal de France, secr, perp. de i'Acad. des
(inscriptions et belles-lettres, et membre de l'Académie française.
M. le Baron SlLVESTRE DE Sacy, de l'Institut royal de France,
Académie des inscriptions et bel le s- lettres.
... M. Gossellin, de l'Institut royal de France, Académie dts ins-
j criptions et belles-letires.
I M. le Baron Cuvier, conseiller d'état, de l'Institut royal de
| France, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, et
\ membre de l'Académie française.
. M. DAUNou.del'lnstitut royal deFrance, Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, éditeur du Journal et secrétaire du bureau.
M. Tessier, de l'Institut royal de France, Académie des sciences.
M. QuATREMÈRE DE QuiNCY.de l'Institut royal de France,
secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts, et membre de
celle des inscriptions et belles-lettres.
M. Biot, de l'Institut royal de France, Académie des sciences.
M. Raynouard, de l'Institut royal de France, secrétaire per-
pétuel honoraire de l'Académie française , et membre de l'Aca-
démie des inscriptions et bel les- lettres.
M. RAOUL-RocHETTE, de l'Institut royal de France, Académie
des inscriptions et bel les- lettres.
/ M. Chézy, de l'Institut royal de t-rance, Académie des inscrip-
\ rions et belles-lettres.
M. V. COUSIN , ancien maître de conférences à l'École nor-
male , profes.pur-suppléjni de l'histoire de la philosophie, à la
Faculté des lettres de l'académie de Paris.
M. Lëtronne, de l'Institut royal de France, Académie des
inscriptions et belles-lettres.
M. Abel-Rémusat, de l'Institut royal de France, Académie de*
inscriptions et belles-lettres.
AI. CHEVREUL, de l'Institut royal de France, Académie des
M. Saint-Martin, de I'Iitsiitut royal de France, Académie des
\ inscriptions et belles-lettres.
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par au,
et de 40 fr. par la poste, hors de Paris. On s'abonne à la librairie de
M. Levrault , a Paris, rue de la Harpe, n.' 81 ,- et à Strasbourg, rue des
Serruriers. Il faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouveaux , les lettres , avis , mémoires , &c.,qui
peuvent concerner la rédaction de ce journal , doivent être
adressés au bureau du Journal des Savons, à Paris, rue de
Ménil-montant, n.° 22.
JOURNAL
DES SAVANS
JANVIER 1830.
Travelsîii Arabia , comprehending an account of those territories
in Hedjai which the Mohammedans regard as sacred , by the
late John Lewis Burckhardt ; published by authority of the
association for promoting the discovery ofthe interior ofAfrica.
— Voyages en Arabie , contenant la description des parties du
Hedja% qui sont regardées comme sacrées par les Mahométans,
par feu J. L. Burckhardt ; publiés par ordre de ï association
formée pour le progrès de la découverte de ¥ intérieur de l'Afrique.
Londres, 1829, xvj et 478 pages ///-^/
J-j£ volume que nous annonçons est suffisamment recommandé à
l'attention du public par le nom du voyageur dont Ja mort prématurée
a laissé de si vifs regrets ; et les soins scrupuleux qui ont été apportés à
la publication de cette partie importante de sa relation , sont parfaite-
ment garantis par celui de M. William Ouseley, qui a consenti à s'en
rendre l'éditeur. Nous nous dispenserons donc de faire valoir les consi-
dérations qui seroient propres à appeler sur ce nouveau volume des
voyages de Burckhardt l'intérêt des lecteurs de ce journal, et nous
commencerons immédiatement l'analyse que nous devons en faire.
Djidda, Taïf(ou Tayef ), la Mecque, Médine et Yembo (ou Yamboj,
et les routes qui conduisent de l'une de ces villes à l'autre, tels sont les
objets auxquels se rattachent toutes les descriptions et toutes les obser-
vations du voyageur, qui aborda à Djidda le 1 5 juillet 1 8 14> et ne fut
de retour au Caire que le 24 juin 181 $. On sait que Burckhardt avoit
adopté extérieurement la religion musulmane, et avoit acquis parmi
les Bédouins une grande habitude de la langue arabe. A l'époque où
A 2
4 JOURNAL DES SAVANS,
il voyagea dans le Hedjaz, cette partie de l'Arabie ne reconnoîssoit
plus d'autre autorité que celle du grand-seigneur , ou plutôt de son dé-
légué, le pacha d'Egypte , Méhémet-AIi, qui , en poursuivant son expé-
dition militaire contre les Wahhabites , s'étoit emparé de la personne du
schérif de la Mecque, et avoit mis fin à son pouvoir, sacrifiant ainsi la
justice et la bonne foi à son ambition et aux intérêts de sa politique.
Le schérif de la Mecque reconnoîssoit de nom l'autorité du grand-
seigneur, et Djidda étoit le siège d'un pacha à trois queues; mais peu à
peu le schérif étoit parvenu à s'assurer dans le fait la possession de cette
ville, et à percevoir seul pour son compte tous le* droits que le commerce
payoit. Le pachalik de Djidda étoit réduit à n'être plus qu'un titre hono-
rifique, et le titulaire ne résidoit même pas dans cette ville. Le schérif
Galeb, incapable de résister aux Wahhabites, avoit feint d'embrasser leur
doctrine, et les habitans de Djidda l'avoient imité en cela. Au moyen
de cette soumission, la ville avoit échappé au pillage; le schérif, devenu
vassal des Wahhabites, avoit conservé tous les revenus qu'il en tiroit,
et les Turcs n'y avoient plus aucun pouvoir ni aucune garnison.
L'expédition du pacha d'Egypte et de son fils Toussoun, nommé parla
Porte pacha de Djidda, et par suite la destitution du schérif et son ban-
nissement, avoient entièrement changé l'état des choses, à 1 époque
du voyage de Burckhardt. Ce voyageur assure qu'au total les habitans
et le commerce de Djidda avoient plutôt gagné que perdu à ce chan-
gement, en passant sous la puissance des ÔMnanlis, et néanmoins il
attest? qu'on n'auroh ^a* trouvé un seul Arabe qui ne regrettât le gou-
vernement du schérif. La principale cause de cette disposition d'esprit,
c'est la fierté naturelle aux Arabes Bédouins, fierté qui se retrouve,
quoique dans un moindre degré, chez les Arabes domiciliés. Ils n'ont
en général que du mépris pour tous les peuples qui ne parlent point
leur langue, et qui -ont des mœurs différentes des leurs, et les Turcs
sont en outre pour eux l'objet d'un mépris spécial. L'étiquette et le
faste qui environnent un pacha turc, sont pour les Arabes un spec-
tacle étrange et rebutant. L^ schérif, à l'époque de sa plus grande puis-
sance, ressembloit à un grand schéïkh bédouin, à qui chacun peut parler
hardiment, et même avec une sorte de brutalité, tandis qu'on n'ap-
proche d'un pacha turc qu'avec toutes les formes de la plus abjecle ser-
vitude. « Lorsque le schérif, disoit à Burckhardt un des plus riches négo-
» cians de Djidda, avoit besoin d'emprunter une somme d'argent, il
» fàisoit venir deux ou trois de nous. Nous passions une couple d'heures
» en conversation avec lui, sans aucune gêne; souvent même nous dis-
» putions à très-haute voix, et toujours nous finissions par rabattre
JANVIER 1830. j
» quelque chose de la somme qu'il nous avoit d'abord demandée. Quand
©nous allions chez lui pour des affaires ordinaires, nous lui parlions
» comme je vous parie : avec le pacha, il faut que nous nous tenions
» debout, dans une humble attitude, comme si nous étions autant d'es-
» cfaves abyssins; et à la manière dont ii nous regarde, on diroit que
» nous sommes des êtres d'une nature inférieure à la sienne. J'aime-
» rois mieux , ajoutoit-il , payer une amende au schérif , que de rece-
» voir une faveur du pacha. »
Une chose qui influe beaucoup sur le sentiment de haine et de mépris
que les Arabes éprouvent pour les Turcs, c'est l'ignorance de la langue
arabe, que les Turcs ne savent <jue très-imparfaitement et qu'ils pro^
noncent mal, et celle des usages particuliers à l'Arabie : les Turcs, de
leur côté , n'ont pas un moindre mépris pour quiconque ne parle pas
leur langue et ne porte pas feur costume, et ils détestent sur-tout les
Arabes, parce que ceux-ci ne sont pas d'humeur à souffrir patiemment
leur insolente tyrannie, comme font les habitans de l'Egypte, et qu'on
ne les frappe pas impunément.
Méhémet-AIi pacha et son fils Toussoun ont bien senti tous les mé-
nagemens qu'exigeoit d'eux le caractère fier des habitans de Djidda.
Aussi ont ils soin, dit Burckhardt, de prévenir et de réprimer par une
sévère discipline l'insolence brutale de la soldatesque turque , et ne se
permettent-ils aucune de ces avanies si communes par-tout ailleurs sous
le gouvernement des pachas.
Les Arabes ont sur-tout en horreur la mauvaise foi et la perfidie qu'ils
regardent comme des qualités inhérentes au caractère des Turcs, et qui
forment un contraste frappant avec la bonne foi et l'inviolable fidélité à
leur parole dont se piquent les Bédouins. Ils ne sauroient pardonner aux
Turcs la trahison dont ils se sont rendus coupables envers le schérif, en
s'em parant de sa personne et renvoyant en Turquie, après qu'il s'étoit
déclaré en faveur du pacha, et qu'il avoit consenti à laisser occuper
la Mecque et Djidda par des troupes turques, lesquelles, à ce qu'ils
prétendent, loin de pouvoir gagner un pied ferme en Arabie, n'au-
roient jamais pénétré dans cette contrée sans l'assistance du schérif.
Djidda est une ville assez bien bâtie, riche et peuplée. Elle doit
être considérée, non pas seulement comme le port de la Mecque, mais
comme l'entrepôt commun de l'Egypte, de l'Inde et de l'Arabie, toutes
les marchandises exportées de l'Arabie et de l'Inde pour l'Egypte pas-
sant d'abord par les mains des négocians de Djidda, Aussi le commerce
est-il la principale ou plutôt Tunique profession de ses habitans, parmi
lesquels il se trouve des maisons qui possèdent de très-grands capitaux.
6 JOURNAL DES SAVANS,
La population de Djidda, comme celle de la Mecque et de Médine,
est, pour la plus grande partie, étrangère. La plupart des familles fixées
aujourd'hui à Djidda sont originaires des provinces de Hadhramaut et du
Yémen. On y compte plus de cent familles indiennes, venues sur- tout de
Surate et de Bombay. II faut joindre à cela quelques Malais , des Arabes
de Mascat, et des familles originaires de l'Egypte, de la Syrie, de la
Barbarie, de la Turquie européenne et de l'AnatoIie. Excepté les familfes
indiennes qui conservent leurs usages nationaux , leur costume et leur
genre primitif d'occupation , tous les autres habitans, quelle que soit
leur origine , ne forment qu'une seule masse, et ont adopté les mœurs des
Arabes et leur manière de se vêtir. II n'y a point de chrétiens à Djidda;
on y rencontre seulement quelques Grecs des îles de l'Archipel , qui y
apportent de temps à autre des marchandises d'Egypte. Autrefois c'é-
taient des Juifs qui y exerçoient le brocantage; mais à l'époque du
voyage de Burckhardt, il y avoit trente ou quarante ans qu'ils en
a voient été expulsés par le schérif Sérour , prédécesseur immédiat du
schérif Galeb, et ils s^étoient retirés dans le Yémen ou à Sanaa.
Quelques Banians se rendent à Djidda avec les embarcations indiennes
à l'époque des moussons; mais ils repartent avec ces bâtimens, et il
n'y a aucun Banian qui soit établi à Djidda.
Notre voyageur entre dans les détails les plus étendus et les plus
satisfais ans sur tout ce qui concerne la description de Djidda , la nature
et l'étendue de son commerce , la proportion entre les différentes
branches de ce commerce, les prix de» marchandises , qui y sont sujets
à une extrême variation , &c. Nous regrettons de ne pouvoir le suivre
dans les développemens intéressans qu'il donne à cette matière , et nous
transcrirons seulement une partie du résumé par lequel il termine cet
exposé.
ce Le lecteur reconnoîtra , dit-il , par les détails précédens, que
s» Djidda dépend entièrement, pour sa consommation et son approvi-
» sionnement, des importations de l'Egypte et des Indes orientales, et
fe cette dépendance s'étend jusqu'aux moindres objets. Le défaut de
» bras, le haut prix de la main-d'œuvre , mais plus encore l'indolence
w et le défaut d'industrie , qualités inhérentes aux naturels du Hedjaz ,
» les ont empêchés jusqu'à ce jour d'établir aucune manufacture , si
* ce n'est pour quelques articles indispensables. A cet égard , ils con-
» trastem singulièrement avec les Arabes de la Syrie et de l'Egypte ,
».qui sont en général industrieux , et qui , malgré les obstacles que le
» gouvernement oppose souvent à leurs efforts, ont néanmoins créé
» diverses manufactures , au moyen desquelles , dans quelques partiel
JANVIER 1830. 7
» de ces contrées , ils peuvent se passer de recourir aux étrangers. Les
» Jiabitans du Hedjaz paroissent ne connoître que deux sortes d'occupa-
» dons, le commerce et l'éducation du bétail. Le commerce seul absorbe
» toutes les facultés intellectuelles des habitâns des villes, sans en
» excepter les oulémas ou gens de lettres. Quel que soit le capital de
» chaque individu , il cherche à l'employer dans un trafic qui lui pro-
» cure du bénéfice, afin de pouvoir vivre sans avoir recours à aucun
» travail corporel : car ces peuples paroissent avoir pour le travail
» autant d'opposition qu'ils ont d'empressement à se livrer au commerce»
» au risque de s'exposer à toutes les inquiétudes et à tous les dangers
» qui en sont inséparables. On a peine même à trouver des gens qui
«veuillent faire les métiers les plus communs, comme ceux déporte-
* foix, &c Les individus qui exercent ces professions , sont pour la
» plupart des étrangers de la Syrie ou de l'Egypte , ou des noirs
» venus comme pèlerins, qui gagnent bien leur vie par ce moyen, et ne
» résident que passagèrement à Djidda. La seule race d'Arabes dans
» laquelle j'aie reconnu des dispositions plus industrieuses que chez les
» autres, ce sont ks natifs du Hadhramaut , ou, comme on les appelle,
» les Hadharimi. ( Hadharimé iUjLà est le pluriel de Hadhrami
" </>âil« ) Beaucoup d'entre eux sont employés dans les maisons des
» négocians , comme domestiques, portiers, commissionnaires et porte-
» faix : on les préfère, sur-tout pour ce dernier -service , à tous.au très, à
» cause de leur honnêteté et de leur adresse. »
J'ajouterai encore (es traits suivans, qui achèvent de peindre le caractère
des habitâns du Hedjaz. ce Aucun homme né dans l'une des villes
» saintes ( la Mecque et Médine ) ne consent à faire le service de
m domestique , à moins qujil n'y soit contraint par latrrainte de mourir
» de faim ; et il n'a pas plutôt amélioré sa situation , qu'il cesse de tra-
» vailler, pour se Aire colporteur ou mendiant. Le nombre des men-
» dians est très grand à la Mecque et à Djidda ; et c'est une observation
» généralement admise parmi les négocians de cette dernière ville , que
» jamais un natif de Djidda ne travaillera , tant qu'il pourra subvenir à
» ses besoins en mendiant. La mendicité reçoit de grands encourage-
» mens des pèlerins , qui sont bien aises d'exercer leur charité , au mo-
» ment où, en arrivant à Djidda, ils mettent pour Ja première fois le
» pied sur la terre sainte. »
Quoique nous ayons cru devoir retrancher tous les détails relatifs au
commerce de Djidda, nous pensons cependant qu'il convient de dire un
mot d'un article qui jette du jour sur plusieurs passages des écrivains
arabes les plus célèbres; nous voulons parler des dattes.
8 JOURNAL DES SAVANS,
L'importation des dattes à Djidda a lieu à toutes les époques de
l'année. A la fin de juin, on y voit paroître les dattes nouvelles, qu'on
nomme routeb oJ£ : cela dure deux mois; après quoi , pendant tout le
reste de l'année, on vend la pâte de datte, appelée ad joui ïj£. Pour
former cette pâte, on presse avec force les dattes, quand elles ont
acquis une parfaite maturité, dans de larges paniers, jusqu'à ce qu'on
les réduise en une sorte de masse solide et ferme, ou de gâteau:
chaque panier est d'ordinaire du poids de deux cents livres. En cet état,
Yadjoué est apporté à fa ville par les Bédouins ; on le vend sur le marché,
par morceaux plus ou moins gros , à la livre. Cet adjoué fait une partie
considérable de la nourriture journalière des classes inférieures. En
voyage, on fait dissoudre X adjoué dans de l'eau, ce qui donne une
boisson sucrée et rafraîchissante. On compte plus de douze variétés
Sadjoui , parmi lesquelles il y en a qui sont plus estimées que les autres.
A l'époque des moussons, les bâiimens du Golfe Persfque apportent au
marché de Djidda de Yadjoué de Bassora , dans de petits paniers qui
ne pèsent guère plus de dix livres. Cette espèce est préférée à toutes
les autres. Les navires des Indes orientales exportent à leur retour une
quantité considérable de cette pâte, et elle se débite avec un grand
bénéfice parmi les musulmans de l'Indoustan.
On pourroit demander pourquoi le commerce de l'Egypte avec le
Golfe Porsique , fa Mer Rouge et les côtes de l'Inde, a pour entrepôt
la ville de Djidda, qui lui doit son importance actuelle, et ne se fait
pas plutôt par le port de Suez. Burckhardt a traité cette question ;
et parmi les raisons qu'il en donne, la plupart ne sont fondées que sur
des circonstances éventuelles , et que les dispositions d'un gouverne-
ment éclairé pourroient changer en un petit nombre d'années. Une
diminution dans les droits imposés à l'entrée des marchandises, quelques
avances faites à propos au commerce pour l'aider à payer au comptant,
condition ordinaire des importations indiennes , la suppression de tout
monopole et des avanies, ne tarderoient pas à attirer le commerce à
Suez. Tant que le Hedjaz étoit soumis au schérif, les bâtimens de
l'Inde , qui dans la Mer Rouge ne se hasardent point à s'éloigner de la
côte, n'auroient guère eu d'intérêt à porter leurs cargaisons au fond
du golfe, parce que le schérif n'auroit pas manqué d'exiger d'eux le
paiement des droits , lors de leur passage devant Djidda et Yambo , ou
de leur relâche sur quelque point des côtes du Hedjaz. Cet obstacle ,
comme l'observe fort bien notre voyageur , ne subsiste plus depuis que
le Hedjaz obéit, comme l'Egypte, à Méhémet-Ali. Burckhardt croit
que les principaux obstacles qui ont jusqu'ici empêché rétablissement
JANVIER 1830. 9
d'un commerce direct entre l'Inde et l'Egypte , ce sont la jalousie et les
fausses représentations des négocians de Djidda , l'ignorance où est le
pacha sur ses propres intérêts, et peut-être la crainte de donner de
l'ombrage à la Porte, L'exemple cependant de ce commerce direct a
été donné, d'après une convention faite avec le pacha, par une maison
anglaise d'Alexandrie correspondant avec Bombay. Le premier essai,
ait en 1 8 1 5 , n'a pas eu de succès ,° mais uniquement par ia mauvaise
loi du pacha , qui a manqué ouvertement à ses engagemens. Cèpe il dam
un nouveau traité pour le même objet avoit été fait avec lui; mais le
voyageur étoit disposé à penser qu'il ne le respecteroit pas plus que le
premier , et que son avarice lui suggéreroit des moyens de vexer les
commerçans étrangers , sinon ouvertement , du moins par sa connivence
avec les Arabes Bédouins, dont il peut toujours favoriser les courses et
le pillage sur la route de Suez au Caire. II paroît toutefois, par le récit
même de Burckhardt, que l'exemple donné par la factorerie anglaise
d'Alexandrie n'a pas été perdu pour Méhémet-Ali , qui a expédié
directement , en 1 8 1 6 , un bâtiment pour son propre compte , de Suez
à Bombay; mais il nous semble douteux que les vues de ce despote
s'élèvent jamais jusqu'à comprendre que la mauvaise foi et le monopole,
de la part de ceux qui gouvernent, leur portent un préjudice encore
plus réel qu'au commerce de leurs sujets.
Burckhardt, arrivé à Djidda presque sans argent, avoit eu de la
peine à se procurer quelques fonds, qui lui étoient d'autant plus néces-
saires, que tous les objets de consommation sont d'un prix fort élevé
d^ns cette ville. Comme il n'étoit pas inconnu à Méhémet-Ali, qui se
trouvoit alors à Taïf, il prit le parti de lui faire exposer sa situation
par un Arménien nommé Bosari, qui étoit auprès de lui en qualité de
médecin. Burckhardt prioit Bosari de demander au pacha s'il voudroit
accepter une lettre de change sur son correspondant au Caire , et lui
en faire payer le montant par son trésorier à Djidda. Bosari, à ce qu'il
paroît, n'osa pas s'acquitter de cette commission; mais Méhémet-Ali,
informé par une autre personne de l'arrivée de Burckhardt à Djidda, et
de la situation pénible dans laquelle il se trouvoit, dépêcha un exprès .
avec deux dromadaires au percepteur des douanes de Djidda , et lui or-
donna de fournir sur-le-champ au voyageur deux habits complets et une
bourse de cinq cents piastres, et de le faire partir immédiatement pour
Taïf, par le retour du même messager, qui se nommoît Seid Ali
Odjakli.
Le même jour, 24 août 1 8 1 4- 9 au soir, Burckhardt se mit en route
pour Taïf, ville qui est à cinq journées de distance de Djidda , ou ,
B
io JOURNAL DES SAVANS,
comme if évalue cette distance, à soixante-douze milles. Suivant l'usage
des Arabes, il ne marcha que durant la nuit. Il traversa une partie de
la Mecque et plusieurs des lieux auxquels se rattachent les cérémonies
du pèlerinage. A une journée environ de Taïf , une montagne nommée
Djebel Kora offrit au voyageur un magnifique panorama de toute la
contrée environnante; et parvenu à un village appelé Ras-tlkora ,
et qui n'est qu'à une demi-heure" de marche du sommet de la mon-
tagne , il se trouva dans une plaine ou plateau élevé qui a environ troiV
milles de longueur de Test à l'ouest et un mille de largeur, et d'où
il eut l'aspect enchanteur de la plus riche végptatîon et d'une admirable
culture. Cette espèce d'oasis , située au milieu d'une région générale-
ment aride et sablonneuse, est habitée par des Arabes de l'ancienne et
célèbre tribu de Hodhéïl. Burckhardt apprit des Arabes qu'en avançant
vers le sud , on trouve dans les montagnes de semblables oasis , égale-
ment favorisées de la nature, et qui sont cultivées et habitées par des
tribus d'Arabes Bédouins.
Après être descendu de la montagne de Kora, et avoir marché en-
viron une demi-heure, Burckhardt entra dans une vallée fertile appelée
Wadi Aïohram Aoù commencent le territoire de Taïf et les possessions
des Arabes de fa tribu de Thékij , non moins célèbre dans les anciens
monumens de l'histoire des Arabes que celle de Hodhéïl. Sur le pla-
teau de Ras -elkora, la végétation et la culture sont entretenues par des
ruisseaux qui descendent des pics plus élevés : ici ce sont des puits qui
fournissent l'eau nécessaire à l'agriculture. Suivant le rapport des naturels,
la chaîne de montagnes qui de là se prolonge au sud jusqu'à la contrée
où commencent les plantations de café, est coupée de distance en dis-
tance par de semblables vallées en état de culture, et séparées les unes
des autres par des roches nues et stériles.
La ville de Taïf est située au milieu d'une plaine de sable, qui peut
avoir en circonférence quatre heures de marche , et qui est renfermée
entre des montagnes peu élevées, qu'on nomme Djebel Gajxvan. La ville
elle-même forme un carré irrégulier , dont on peut faire le tour, en
marchant vite, dans l'espace de> 3$ minutes; elle est entourée d'un
mur et d'un fossé , et l'on y entre par huit portes. Les maisons sont
assez bien bâties en pierre; les rues sont plus larges que dans la
plupart des villes de l'Orient; il n'y a qu'une place publique où se tient
le marché. Taïf a beaucoup souffert par l'invasion des Wahhabites , qui
s'en sont rendus maîtres en 1 8 02. L'eau est fournie par deux puits, dont
l'un est dans l'intérieur de la ville, et l'autre hors des murs , mais vis-à-
vis de l'une des portes. Taïf est renommé chez les écrivains arabes
JANVIER 1830. 11
pour ses jardins , et pour Fabondance et l'excellence des fruits qu'ifs
produisent : ces jardins ne sont point dans l'intérieur de la ville , où
Burckhardt ne vit pas un seul arbre ; ils se trouvent au pied des mon-
tagnes qui environnent fa plaine sabfonneuse dont Taïf occupe fe
centre; du reste ifs méritent feur renommée, et, avant l'invasion des
Wahhabites, c'étoit là que tous les riches habitans de fa Mecque avoient
leurs maisons de campagne. •
La population de Taïf est formée principalement d'Arabes de la
tribu de Thékif, qui ont quitté fa vie nomade pour s'y établir. II y a
aussi quelques familles de la Mecque qui y ont fixé leur domicile;
mais la plupart des étrangers qui ont choisi Taïf pour leur résidence ,
sont des musulmans de l'Inde , qui , de même qu'à Djidda , quoique
fixés en Arabie depuis plusieurs générations , conservent cependant leurs
usages nationaux. La profession à laquelle ils se livrent pour la plupart,
c'est fe commerce des drogues , des parfums et autres denrées de ce
genre, dont on fait plus d'usage dans le Hedjaz que dans d'autres pays.
Antérieurement à l'invasion des Wahhabites , il se faisoit à Taïf un com-
merce considérable , qui y attiroit les Arabes des contrées voisines , à
plusieurs journées à la ronde : c'étoit aussi un entrepôt important de
café , que des Bédouins y transportoient des montagnes du Yémen à
dos de chameaux , évitant ainsi les droits auxquels cette denrée étoit
soumise dans les ports de la côte de l'Arabie. A l'époque du voyage de
Burckhardt, les dattes qu'y apportoient les Arabes nommés Ateybe,
étoient à- peu-près l'unique objet de commerce; la misère régnoit dans
cette ville, où la vie est excessivement chère, et les rues fourmilloient
de mendians , pour la plupart indiens.
Burckhardt fia reçu à Taïf chez l'Arménien Bosari, médecin du pacha,
et le même dont nous avorts déjà parlé. A la première entrevue qu'il eut
avec le pacha, l'altesse égyptienne avoit auprès d'elle le kadhi de la
Mecque ; et notre voyageur, pendant les dix jours qu'il passa à Taïf,
se trouva fréquemment avec ce ministre de la religion , qui, à ce qu if
paroît, n'étoit pas plus convaincu que Méhémet- Ali de la sincérité de
sa conversion à l'islamisme. Le voyageur, qui se trouvoit dans une po-
sition délicate, témoigna qu'il se sentoit offensé de pareils doutes, et
ne négligea rien pour jouer parfàitemerit le rôle qu'il avait adopté.
Méhémet-Ali eut soin de faire entendre au kadhi que c'étoit à lui à juger
de la conduite qu'il convenoit de tenir envers le voyageur , en ce qui
concernoit son admission à la Mecque. Depuis son retour en Egypte,
le pacha a assuré à plusieurs 'reprises qu'il savoit à quoi s'en tenir sur
l'islamisme de Burckhardt; mais que, par suite de son inclination à aire
B z
ia JOURNAL DES SAVANS.
plaisir aux Anglais, il avait fermé les yeux là-dessus. Ii craignoit, à
ce qu'il paroît, qu'à l'exemple du fameux Àli-Bey Elabbassi, Burckhardt,
de retour en Europe, en publiant la relation de ses voyages, ne se vantât
d'avoir joué le pacha et tous (es oulémas du Caire ; et il aimait mieux
passer pour un mauvais musulman que pour une dupe. Au fond,
Méhémet-Ali avoit sur le compte de Burckhardt un autre soupçon auquel»
il mettoit bien plus •d'importance qu'à l'islamisme vrai ou simulé de
l'étranger; il le considéroit comme un espion de l'Angleterre , qui de-
voit passer dans l'Inde, et y porter les renseignemens qu'il avoit re-
cueillis sur l'Egypte: car Méhémet-Ali, instruit comme il l'étoit des
événemens qui s'étoient passés en Europe en l'année i 8 1 4 > de l'entrée*
des alliés en France, du bannissement de Bonaparte à File d'Elbe, et de
la paix qui avoit suivi le rétablissement de la maison de Bourbon sur
les trônes de FranCte et d'Espagne, s'imaginoit que la Russie et l'Angle»
terre n'avoient donné les mains à la pacification de l'Europe et abandonné
leurs conquêtes, que parce que ces deux puissances dévoient s'indem-
niser, la première aux dépens de la Turquie d'Europe, et la seconde
par la conquête de l'Egypte. Incapable de comprendre que la conduite
de ces puissances pût avoir pour but le rétablissement de la balance
politique en Europe, et qu'en faisant la guerre ou la paix, aucun
gouvernement pût être mu uniquement par les lois de l'honneur ou les
intérêts de l'humanité, et peignant d'ailleurs en peu de mots tout le
système de sa propre politique, il disoit avec chaleur : ce Un grand roi
» ne connoît que son épée et sa bourse; il tire Tune pour remplir l'autre:
» il n'y a point d'honneur parmi les conquérans. »
Méhémet-Ali portoit sur Bonaparte et son abdication , ainsi que sur
la conduite de ses généraux et de ceux qui a voient joui de sa faveur,
des juge mens remarquables. Il avoit quelque idée de ce que c'est que
le parlement d'Angleterre. En pariant du général Wellington, il rendoit
justice à ses talens; mais ce je doute fort) disoit il, que, s'il avoit eu à
» commander des soldats tels que des troupes turques, il en eût tiré
» autant de parti que je l'ai fait en conquérant l'Egypte et le Hed/az. »
Toute cette partie de la relation de Burckhardt est du plus grand
intérêt; mais nous ne pouvons pas nous y arrêter plus long-temps. Ce
que nous devons faire observer, c'est qu'il fut bientôt évident pour fe
voyageur que Méhémet-Ali ne l'avoit appelé à Taï'f que pour tâcher
de pénétrer le véritable but de son voyage , et qu'il risquoit d'y être
retenu long-temps sans aucun avantage pour lui : toutefois, il trouvoit
dangereux de montrer aucun empressement d'en sortir; et pour engager
Bosari à solliciter pour lui, sans, pour ainsi dire, s'en mêler lui-même,
•JANVIER 1830. ij
le congé qu'il desiroit, il feignit de se trouver très-bien de l'hospitalité
dont ii jouissoit chez ce médecin arménien» et d'user largement de
tous les droits de l'amitié que celui-ci lui témoignoit. Cette ruse lut
réussit; et ayant, à la sollicitation de Bosari lui-même, obtenu la per-
mission du pacha, il quitta Taïf, et se mit en route pour la Mecque,
le 7 septembre , de bon matin , s'étant muni de deux ânes pour ce
voyage* Arrivé à Wadi~Mohram , notre voyageur, en bon musulman,
prit le vêtement nommé ihram, c'est-à-dire , l'habit de pèlerin , dont il
donne la description exacte, et, le 9 septembre, vers midi, il fit son
entrée dans la ville sainte.
C'est un devoir pour un musulman qui entre à la Mecque, pèlerin
ou non, même pour les habitans de cette ville quand ils y# rentrent
après sfen être éloignés de deux journées de chemin , de ne s'occuper
-d'aucune affaire avant d'avoir visité le temple de la Caaba. Le voyageur
se fit donc conduire immédiatement aux portes de la mosquée , et là
il congédia l'homme qui lui avoit loué des ânes pour venfr de Taïf.
Il y trouva une troupe de metouafs , c'est-à-dire, de gens qui font
métier de guider les pèlerins dans la visite des lieux saints, et , eh ayant
choisi un , il se mit en devoir de s'acquitter des cérémonies prescrites
aux vrais croyans. Je passe sous silence la description de ces cérémonies,
qui sont assez connues.
Le voyageur donne ensuite une description topographique très-dé-
tailiée de la ville de la Mecque et de ses faubourgs, de ses quartiers,
de ses rues, de ses édifices publics, &c. Il a soin d'indiquer les classes,
soit «d'habitans , soit de pèlerins étrangers , qui occupent chaque rue ,
le genre de commerce affecté à chaque quartier, les lieux où Ton se
rassemble pour traiter d'affaires, apprendre les nouvelles, ou se divertir.
Cette partie du voyage de Burckhardt est entièrement neuve; avant lui,
H y avoit peu de villes de l'Orient qui nous fussent moins connues que
la Mecque : aujourd'hui , nous la connoissons pour le moins aussi bien
que le Caire, Jérusalem ou Alep. On sent bien que Je dois m'en tenir
à cette indication générale; j'extrairai seulement de cette description
quelques faits qui me semblent avoir un intérêt particulier.
On sait combien il est difficile de connoitre, même par approxima-
tion, la population des grandes ville* de l'Orient, Burckhardt croit qu'en
général les voyageurs en ont élevé l'estimation beaucoup au-delà de la
vérité. II porte la population de Damas à 250,000 âmes, et celle dti
Caire à aoo,ooo au plus, tandis que d'autres voyageurs ont donné
4oo,ooo âmes à la première de ces villes et 3 50,000 à la seconde. If
ne compte à Alep que 80,000 ou 90,000 habitans , et de 60,000 à
i4 JOURNAL DES SAVANS.
100,000 à Hama ou Hamat. Quant à la Mecque, dont il parle encore
avec plu* d'assurance, il pense que le nombre des habitans domiciliés
s'élève de 25,000 à 4o>ooo, en y comprenant les faubourgs, à quoi
il faut ajouter trois à quatre mille Abyssins et esclaves noirs; mais la ville
peut loger une population triple de celle-là.
Dans une des plus belles rues de la" Mecque, appelée Soueyga (ou
plutôt Sawëika «juj~ ) , c'est-à-dire le petit marché, se trouvent les
{xnitiques où Ton vend les marchandises les plus précieuses, telles que*
les étoffes des Indes, les schalls de cachemire, le bois d'aloès, et d'autres
substances aromatiques, le baume de la Mecque , toujours sophistiqué,
des colliers de corail ou de fausses perles, des chapelets en bois d'aloès,
de sandal ou de calembac, des colliers en cornaline, des cornalines
pour cachets, et diverses sortes de marchandises de la Chine* Toutes ces
boutiques sont tenues par des marchands indiens, contre lesquels il
existe un préjugé général en Arabie ; on les • regarde comme des
idolâtres qui n'observent les rites extérieurs de la religion musulmane
que par politique : ce On suppose, dit notre voyageur, qu'ils appar-
» tiennent à la secte des ismaéliens , de ces mystiques dévoués sur
» lesquels j'ai donné quelques détails en rendant compte de mon voyage
» au mont Liban : à la Mecque on applique leur nom à ces Indiens. II
» y en a environ une douzaine qui résident à la Mecque ; les autres s'y
» rendent chaque année à l'époque du pèlerinage : ils prennent en
33 échange de leurs marchandises, de vieilles pièces d'or et d'argent qu'ils
» font passer à Surate, d'où ils viennent pour la plupart. II y a de ces
33 Indiens qui vivent depuis dix ans à la Mecque, s'acquittant avecune
» scrupuleuse exactitude d,e toutes les cérémonies religieuses. Ils louent
33 une grande maison où ils demeurent tous ensembfe, sans y admettre
» jamais aucun étranger , lors même qu'il s'y trouve quelques apparte-
33 mens vacans. Par une pratique contraire à l'usage de tous les autres
33 mahométans, ces Indiens n'amènent jamais leurs femmes pour faire le
«.pèlerinage, quoiqu'ils fussent bien en état de fournir à cette dépense;
» et quant à ceux qui résident à la Mecque, il est sans exemple qu'ils
» s'y soient jamais mariés, de quelque durée qu'ait pu être leur rési-
» dence dans cette ville. Cela est d'autant plus remarquable, que les
» autres natifs de l'Inde qui demeurent ici pour quelque temps , y
33 prennent ordinairement des femmes, lors même qu'ils sont déjà ma*
33 ries dans leur .pays.
, ce On raconte sur ceux dont nous parlons les mêmes histoires qui
33 ont cours sur les ismaéliens de Syrie Les peines que je me
33 suis données petuf obtenir quelques renseignement authentiques sur
JANVIER 1830. 15
» leurs doctrines secrètes, n'ont pas eu plus de succès ici qu'en Syrie:
» on disoit seulement d'une mariière vague que le chef-lieu de ces
» ismaéliens étoit dans i'Inde, et que ceux de cette contrée entrete-
» noient une correspondance suivie avec ceux de Syrie. On dit qu'il
» existe , aussi bien dans FInde que dans la Mésopotamie , une secte
» Séuigneurs de lumières, et peut-être est-ce à cette secte qu'appar-
» tiennent Fes ismaéliens de Syrie et ceux de la Mecque. Ceux que
» j'ai vus à la Mecque, se rapprochent par leurs traits plutôt des
» Persans que des Indiens ; ils sont d'une stature .plus élevée et plus
» robustes que les Indiens ne le sont en général. »
L'éditeur, M. W. Ouseley, dit dans une note que les Indiens dorit
parle ici Burckhardt, sont probablement des Parsis de Surate et de Bombay1.
J'admettrois difficilement cette supposition, et je ne suis pas éloigné
de croire que ce sont effectivement des ismaéliens» On sait que l'un des
dogmesgjes ismaéliens comme des druzes est de se conformer exté-
rieurement à la religion dominante. On connoît d'ailleurs la licence de
mœurs autorisée par leur doctrine allégorique; et les livres des druzes
nous apprennent que, vers le commencement du v.c siècle de l'hégire,
if y avoit une communauté nombreuse d'ismaéliens établie au toord<-
ouest de l'Inde.
Parmi les sépultures remarquables de la Mecque , est celle d'Abou-
Taleb , oncle de Mahomet et père d'Ali. II ne faut pas se fier à. un
Mecquois qui jure par la sainte Mosquée , ou même par la Caaba ;
mais il est rare, qu'il n'ait pas intention de tenir sa parole, quand il
jure par le tombeau d'Abou-Taleb.
Une chose singulièrement remarquable, c'est qu'il y a un service
journalier de poste aux lettres , établi entre la Mecque et Djidda : cet
exemple est presque unique dans le Levant, si Ton excepte la poste
qui étoit établie entre Alexandrie et le* Caire, pour les Européens
seulement, à l'époque du voyage de Burckhardt; encore le service de
cette dernière étoit- il moins régulier que celui de la Mecque, où
d'ailleurs le port d'une lettre ne coûtoit que deux pences , et à peine
autant pour la distribution à domicile.
Je suis obligé d'interrompre ici cette notice et d'en renvoyer la suite
à un second article.
1 •
SILVESTRE DE SACY.
\
16 JOURNAL DES SAVANS,
Bibliothèque choisie des Pères de l église grecque et latine , ou
cours d'éloquence sacrée, par Marie-Nicolas-Silvestre Gùillon,
professeur d'éloquence sacrée; z6 vol. in-8.° > 1 8 24-18 29.
Paris, Méquignon-Havard , libraire, rue des Saint-Pères,
n.° io.
S'il est un pays, qui eût mérité plus particulièrement l'honneur de
produire un ouvrage aussi utile et aussi intéressant , c'est sans doute fa
France, où des savans voués à l'érudition ecclésiastique avoient, depuis
longues années , publié tour-à-tour les nombreux écrits des Pères de
l'église. Ces matériaux, amassés et disposés par des soins infatigables,
attendaient une main habile qui élevât et coordonnât le grand monu-
ment delà littérature sacrée. M. l'abbé Guidon a tenté, Rpir cette
littérature, ce que M. de la Harpe avoit entrepris pour ia littérature en
général ; mais l'auteur de la Bibliothèque choisie des Pères a eu l'avan-
tage de pouvoir mettre plus de temps que M. de la Harpe à méditer et
tracer le plan , à rechercher et disposer les matériaux.
M. de la Harpe composoit quelquefois la veille une leçon destinée à
l'auditoire du lendemain. M. l'abbé Guiilon a eu le courage de aire les
longs et grands préparatifs que méritoit le sujet qu'il vouloit traiter ;
aussi a-t-il mieux combiné son plan et mieux réglé la proportion, que
chaque partie exigeoît ; enfin on peut reconnoltre qu'il 9. véritablement
consacré à son ouvrage trente années de travail, ainsi qu'il l'assure.
Avant d'exposer le plan de la Bibliothèque choisie, il est convenable
de faire connoître les travaux des écrivains qui avoient précédé
M» Guiilon dans la même carrière. C'est la première fois que ce journal
appelle l'attention des lecteurs sur le grand ouvrage de M. Guiilon;
pendant qu'il publioit les diverses parties de sa Bibliothèque choisie ,
et que les»journaux français et étrangers en proclam oient le succès,, il
étoit peut-être convenable d'attendre que cette vaste entreprise fût
entièrement achevée, afin de pouvoir en rendre un compte exact et en
apprécier toute l'importance et toute l'utilité.
Eusèbe de Césarée, qui écrivoit sous l'empereur Constantin, inséra
dafls son Histoire ecclésiastique les monumens des auteurs ecclésias-
tiques dés trois siècles précédens. S. Jérôme , un siècle après Eusèbe,
composa un livre spécial sur les auteurs ecclésiastiques ou les hommes
illustres, auquel S. Augustin reprorfnr des omissions considérables.
Profitant du travail cTEusèbe , S. Jérôme y ajouta sur-tout des juge-
-**" -• - -— .
JANVIER I8}0. 17
mens exprimés tvec concision : son ouvrage fut traduit en' grec. Le
fameux archevêque de Cons tan tinople , Phothis, inséra dans sa Biblio-
thèque les extraits de plus de deux cent quatre-vingts auteurs. Gennade
de Marseille, Isidore de Sévilfe, Honoré d'Âutun , Sigebert de
Gembfoàrs , Henri de Gand , Pierre Diacre , l'abbé Trithème , Aubert
le Myrer Sixte de Sienne, Conrad Gesner, Scultet, le cardinal
Bellarmiii, Possevin, Larmius, Labbe, Guillaume Cave, ont obtenu
de la part de M. l'abbé Guiilon un honorable souvenir, à raison de
leurs travaux sur les Pères de l'église.' Peut-être auroit-il dû ne pas
omettre les auteurs de l'Histoire littéraire de la France, qui ont rendu
un compte «xact et judicieux des ouvrages de quelques-uns des écrivains
ecclésiastiques cités ou analysés dans la Bibliothèque choisie.
La découverte de l'imprimerie , les schismes qui éclatèrent vers la
même époque, furent cause qu'on publia et qu'on traduisit les écrits des
SS. Pères ;. plusieurs érudits consacrèrent leurs- talens et leurs soins
à les faire connaître, mais c'étoit par des publications partielles des
œuvres de chaque Père de l'église. En i 575 , Marguàrin de h Bigne,*
docteur de Sorbonne , donna , sous le thre de Sa cra . Bièuotheca>
vetebvm patRum* une collection des Pères grecs et latins , selon
1 ordre des siècles où ils avoient vécu. Cette collection, successivement
augmentée, s» composoit, eii 1 6 a a, de quinze volumes in- fol. En 1 ùjj ,
Philippe Despont , docteur en théologie , fit paraître k Lyon » en vingt
volumes in?f*L, la MAXIM A Bibuotheca patrvm , que divers
supplémens portèrent ensuite à trente-un volumes in-fel. Le docteur
Efies du Pin , en 1686, donna au public le premier volume im-8.° dé
son ouvrage intitulé « BiUiothique des auteurs ecclésiastiques* conte-
» nant l'histoire de leur vie, le catalogue, la critique, la chronologie de
9» leurs ouvrages, &c.# le sommaire de ce qu'ils contiennent, un jugement
m de leur style, leur doctrine, &c. » L'ouvrage ender est en cinquante*
huit volumes in-8! D. Petit-Didier, bénédictin de la congrégation de
Saint-Vannés, publia, fan 1691 , en trois volumes in-8.\ une critique
véhémente contre les premiers volumes de la collection de du Pin :
malheureusement pour celui-ci, Bosauet la dénonça à l'archevêque de
Paris, qui en prodama une censure le 16 avril 1 693. Parmi les motifs de
cette condamnation > H est dit que l'auteur affoiblit la piété des fidèles
envers la S*t# Vierge ; qu'il affoiblit le. respect dû à la chaire aposto-
lique, en paraissant révoquer en doute les titres de sa priocipauté;
qu'a attribue aux SS. Pèses des erreurs sur les dogmes de l'immortalité
de Famé et de fétemké des peines de l'enfer \ qu'U parie en général des
mêmes Pères avec une. liberté également contraire à la vérité et à la
c
18 JOURNAL DESSAVANS,
décence» L'ouvrage de du Pin obtint, malgré sa proscription , et peut-»
être à cause de sa proscription f quelque célébrité.
Do m Rémi Cei Hier, bénédictin de la congrégation de Saint-Vannes ,
tenta d'opposer à la collection d'EIies du Pin une autre collection
faite sur le même plan, mais dans des principes différens, et il exécuta
son entreprise sous un titre à-peu-près pareH : « Histoire générale des
xi auteurs sacrés et ecclésiastiques , contenant leur vie > le catalogue, la
» critique, le jugement, la chronologie » &c. &c.
Cet ouvrage, que Fauteur n'a point achevé et qui s'arrête à S. Bernard,
contient vingt-cinq volumes in-jj Dans Élies du Pin et dans Dom
Ceillier , orutrouve plus d'analyses que de citations ; il est rare qu'ils
donnent, par des exemples bien choisis, une juste idée de l'éloquence
des SS. Pères. ■*"
; Dès Tan 1 669 , pour offrir les modèles de l'éloquence sacrée , on
avoit publié, en huit volumes irtfoL, la BlBLWTHECA patrum
CON CIO nato RI a, dans laquelle l'évangile de chaque fête de l'église
est expliqué par les passages des Pères grecs et latins. L'auteur de cette
collection, le P. Combefis, en avoit emprunté l'idée à un recueil fait
par les ordres de Charlemagne et par les soins cPAlcuin , imprimé ,
en quatre gros volumes, à Lyon , l'an 1 y 8fc, sous le titre de Bibliotheca
kamUiarum et scrmonum priscorum ecclcsict Patrum. Malheureusement le
P. Combefis avoit amassé sans choix les matériaux de sa collection.
Pendant les xvi.e et xvn.c siècles, on publia de moindres collections >
telles que Spfcilegia , Polyanthea , Flores doctoruia , Anthologie sacrée *
Pensées et sentiraens tirés des SS. Pères , &c. &c. M. de Beauvais »
ancien évêque de Sénez, conçut le projet de faire connoître les saints
Pères sous le rapport de l'éloquence; c'étott sans doute à ce prélat,
distingué par ses compositions oratoires, qu'il eût appartenu de l'exécuter
avec succès. Retiré au mont Valérien après avoir donné la démission
de son évêché, il vouioit consacrer %e$ dernières années à ce genre
d'apostolat. Il forma le plan de ÏOrator sacmr , ou Bibliothèque du
prédicateur, qui eût embrassé, dans un ordre méthodique, les nombreux
sujets qui avoient occupé le zèle et le talent des saints orateurs, depuis
1a Genèse jusqu'à l'Apocalypse, depuis le premier concile de Jérusalem
jusqu'au concile de Bordeaux, tenu en Tan i6a4t depuis l'épître de
S. Barnabe jusqu'aux écrits de S. Charles Borromée inclusivement. Pour
remplir cette vaste entreprise, M. de Beauvais s'étoit associé de savans
collaborateurs ; mais elle fut arrêtée par les événemens de la révolution*
Je ne dois pas taire que, de 1 75 8 à 17^2 , dans «1 temps oit il étoh
de mode de faire des ouvrages que le titre quatifiott de portatifs, il parut p
.j
eu ntufxQlûms>KneBi(fIi<utiquejwrt*ti*e foPïref; cç j^tQÎt «a quelque
sorte qu'un abrégé de l'ouvrage de )Dom CeiUier^. Apre ^toutes pes
entreprises 1 littéraires r tentée* .pour répandre la cono&itsaoca des; ou-
vrages produits par Je» Pèrçtdç l'église,- M. l'abbé Gtfitfon a con-
sacré au même objet sonitftlefct.èt ses soins, ave^c une .constance, qui
était un présage da succès, sur-tout si l'on considère qu'il aa >orçgé à
publier un oyyrage qui lui coôtoît tapt te laborieuses. reiUes qu'après
lavoir terminé entièrement. Ge courage, cette force, ce gew? de per-
sévérance très-remarquable , étoient d'un heureux augure -que l'événe-
ment a justifié* , . ■■■••'..
• C'est principalement soi» le rapport de l'éloquence que M, l'abbé
Gui If on a désiré faire connoître, les divers et nombreux ouvrages des
Pères de I église* Dans un discours préliminaire, il expose avec franchise
futilité qui lui a paru résulter de son dessein. Ce discours préliminaire
à obtenu à -la -fois l'estime des ecclésiastiques et celle dès gens de lettres,
AL fabbé Guillon y fcit sentir qu'avant le christianisme, l'éloquence
n'étoit qu'un art, nais que, transportée dans les temples pour, y parler
au nom de Dieu , elle devint une fonction auguste* qui exige que « le
» prédicateur fortifie son ministère et son talent de tout ce qui peut les
» soutenir et les rendre vénérables; son ministère» on itii donnant la
» recommandation de ses pfoptes exemples; son talent, en l'appuyant
»> sur l'étude approfondie des principes et de$ modèles que l'art oratoire
» fournit à son. émulation..* H en. conclut qu'il y a une rhétorique et
une éloquence sacrées particulières à Ja prédication, bien quejes éiémens
en soient communs à l'art de la pfcrole. .
* L'ouvrage de M» l'abbé Guillon çst destiné à diriger et féconder le
talent .des jeunes ecclésiastiques qui se consacrent à la chaire; il leur
montrera les modèles d'éloquence qu'on trouve dans les nombreux écrits
des SS. -Pères. ■ Ecoutons M, i'abbé Guillon lui - même : » Quoi ,
» Messieurs^ toutes Je$ autres professions s'obligent à de longs et pé*
m nibles apprentissages ; et la plus noble et la plus importante de toutes,
» celle, dirons-nous avec le chancelier Bacon, où il est le plus daiir
*>gereu* de faire des fautes, une profession qui embrasse les intérêts
» de f éternité * une profession où nous sommes responsables, non-
p> seulement de l'ignorance des peuples* mais de cette demi^science
» plus dangereuse encore que l'ignorance elle-même , n'exigeroit pas
» un* tribut égal de veillés , de travaux et de sacrifices i » , ,
M. l'abbé Guillon, en caractérisant les auteurs sacrés, grecs ou
latins, ne les donne pas tous pour être également parfaits; $ a le cou-
rage et l'art de convenir de la vérité de quelques-uns des reproches
c 2
26 JOURNAL DES SAV ANS,
qu'on leur a faits/ Je citerai le passage relatif aux S& Pètes latins:
cr£r pourquoi dissimulerons-nous que leur style en général joigne
* de (a pureté du siècle d'Auguste ; que celui de Tertullien est de fer;
*>que S. Cyprien tient quelquefois de Tenfluce et de la dureté
» africaine; que & Augustin et S. Ambrôise paraissent trop avoir
» retenu de la profession qu'ils avoient faite de la rhétorique; qu'il
y> y a dam Lactance une facilité qui dégénère en joliesse; que S. Léon
» et 5. Grégoire pape ont trop souvent sacrifié aux défauts de leur
» siècle ; que S. Pierre Cbrysologue mérite peu une qualification aussi
y> honorable; et que, parmi les Grecs eux-mêmes, S. Chrysostome,
» admirable dans tout le reste , aime à s'épancher dans une abondance
» asiatique qui le rend parfois diffus et traînant ! »
Ailleurs , et dans le discours qu'il a placé en tête du cinquième vo-
lume, M. l'abbé Guiilon revient sur ce point, et dit avec raison que,,
malgré f admiration qui leur est due, la critique ne peut s'empêcher de
reconnoître des défauts dont les orateurs de fa Grèce et . de Rome
avoient été exempts. On desireroit que les SS. Pères eussent mis
plus de sévérité dans leur style, eussent mieux observé les convenances
du genre, eussent employé plus de méthode dans l'ensemble, plus de
mesure dans les détails.
La plupart des Pères avoient pris des leçons des rhéteurs de leur
temps : S. Jean Chrysoslome avoit étudié sous Iibanhis; S. Gré-
goire de Nazianze et S. Basile s'étoient rencontrés avec Julien aux
écoles d'Athènes. Fénélon a dit , ce me semble , avec plus d'esprit que
de justesse, dans ses dialogues :« Peut-être même que ces grands
» hommes, qui avoient des vues plus hautes que les règles communes
» de l'éloquence, se conformoient au goûrdu temps, pour Aire écouter
» avec plaisir la parole de Dieu , et pour insinuer les vérités de la
» religion. » C'est en faisant de franches concessions que M. Pabbé
Guiilon a acquis le droit de proclamer leur éloge , qu'il termine par ce
trait : ce Qui veut servir de modèle à son tour, doit commencer par
» les imiter. »
Après avoir parlé et du défaut et du mérite des ouvrages des saints
Pères,- M. l'abbé Guiilon conclut qu'un choix des passages éloquens
qui se trouvent dans leurs ouvrages sera tirés-utile aux personnes qui ,
par goût ou par état, voudront en faire une étude même approfondie :
« En les abrégeant, vous leur ôtez ces défauts; en ne leur laissant
» que leurs beautés , qui les élèvent au-dessus de toute comparaison ,
»vous en faites lt$ premiers de nos classique*» Cest ainsi que
JANVIER ifijo. 44
Mv.Taiié GuiHon^ûfic le titre de Bibliothèque choisie des saint si
jPères <m'ii.t donné, à s* ootfactbn.
Comme les traductions qui existaient des SS. Pères étoknt gêné»
paiement peu dignes des originaux, M. l'abbé GuHIon a pris le parti
de faire une nouvelle traduction dea fhgmens qu'il cite; et quand ii
profite quelquefois du travail des traducteurs, qui Tout devancé , if a Je
jxùtx scrupuleux d* le, déclaieiv H a divisé; tes ouvrages des Père? de
4'égUse en quatre classée., i •! Les apostoliques ; ce sont ceux qui vécurent
(e plus près des apôtres» jusqu'à la fin des lemps apostoliques; ces temps
.finissent au commencement du troisième siècle. Ce nom leur a été donné
très-anciennement; il reste encore un asses, grand nombre, de leurs
ouvrages dont an dit qu'ils sofct les plus andens et les plus précieux
mon u mens de la foi , dft kitiomlee* de la discipline de Féglise. Jusqu'au
siècle de & J&$me, oo en £*ok des lectures dans les églises; il
existe . entre autres yœ Collection partfotlièrê des ouvrages des Pères
apostoliques» a voL in-jbl,â publiée par Coutelier* professeur de la
langue grecque au collège de France, a/ Les Pères apologistes, qui
proclamèrent* ,{ian* les temps mêmes des persécutions» de savantes et
courageuses défenses du christianisme. 3.0 Les Pères dogmatiques* ceint
dont, les discours Ou les ouvrages traitent spécialement de la foi et de
la morale évaugelique. 4-° Enfin , les Pères controversi&tes , ceux qui
écrivirent i l'époque où la controverse commence à remporter sur l'é-
loquence, dont S» Bernard, au 111/ siècle» donna encore d'utiles
modèles. Tel est le plan que M. l'abbé Guillon s'est tracé et qu'il a
exécuté avec succès* . * ,
Avant d'aller plus bus , je soumettrai k l'auteur une réflexion qui
m'a préoccupé pendant et après la lecture de son ouvrage.
Sans doute M. fabbé Guillon na pas entrepris un ouvrage de cou*
tro verse; mais f eusse aimé que» dans quelques notes approfondies, H
eût justifié chacun des premiers Pères de l'église contre lt% attaques
dont ils ont été l'objet, et sur-tout contre celles de Barbey rac. Ce savant,
dans une préface qu'iK publia avec sa traduction de Puifendorf , sur te
Droit di la nature tt dis gens, jugea sévèrement quelques traits de la
morale des Pères qui avoient vécu jusqu'au VI.' siècle ; je n'indiquerai
pas ici les critiques qu'il crut pouvoir hasarder contre eux, et dont
quelques-unes avoient été déjà hasardées par Élies du Pin. Il est vrai
que Dom Rémi Ceillier publia, Fan 1 7 1 8 , un volume in-+9 en réponse
k Barbeyrac; mais la réplique de celui-ci n'a pas été spécialement
réfutée, et il me semble que cette tâche auroh pu entrer secondairement
dans le plan de M* fabbé Guillon, puisqu'il s'agit de reproches dirigés
a* JOURNAL DES SATAN S,
contre ia morald de* premiers Pères dfcd'églisa; «ft'mttuqj^jjtBir^
compte de leur éloquence» auroit acquît un* pius grande ter étVirïUwtit
vengé complètement leurs dbcfrioMl :->;;! or ?A -jasinoO
Ge quitta fnqipé dans la ledtbre de la BibIk>thè^ex*ctfsW| deoMttt
de^ég^ise* cJest ie (doubfe;gcfof* d'érôdîfioii- qo* fiwteariy -dèffcoie
sans «çssri d'iixi^ partv:il potoètkà fou d: toute J^rtkfftkjh s|CflSet<de*
temps ^ikieirfftsvçt ■ cfcmtwJ perty^ifc indique î sans céeiéft !pv*t*uf ifea
imitations gusiles pi<édicatia^ifi*ngrf* 4nt« farta** derSSé Pè&Kj&è
second genre <f érudition ;; qol appatifenbk<qittî«m^tffblfe>n«9v!tf^^
autant cfcpeu*ëcre plu* dtaadtsque Jè^*e*toit*tt*w^
raéifces,>parée que Fauteur nttwk p*e 4» gtifcfa i^uiî eoiseM : dféjàtâtffé
une rat*?. Cette» par.rie dm tr#rk|I lié Mw *rtbW|><^il<m^8l^p«ritt:Mtts
enrorc ïphâtgssieiàîell^^ «'■ €-' ^ '!I •-- "* ;rn
Si jé'x* càignoh de^paribîtfè *opi «xi«am, ^t^pri^e^i^iiil^k
regtfét dé ne pas trouver dam IftBlWJort^cp^clioiito des Ptrt*«to Tftgtte
les d tarions ries passage* dès-dlverrauteurÀ païeiW afctfjuôte Je* P-tftfl
ont/}neiquefoiseinprtmtéJdésîdéWiou des esp&sdottt. G^atur^toin^
d'érudition auroit été égatatieitt utile et agréable* atf*tyeuhfc* éMîKtflft-
tiques, m 'j *?. . .j ;.- -• 1 - X ,< .,.!*.- l.* tA> c^n-S^jh r •»f;..^ciîj^D
Je terminerai ce ffatmter extrait en rappfcrttrit dfc***^*^^,1*^
drç Minotuss Félix , qulpoum* Faire juger de Ja madère dora & Wbfci
GûHlomrésume et 'traduit tes Pères de l'église* l'autre «dé S. C^Hèm
et do m AL iabbé. CtiîUoh a emj>runté la traduction ]#t«que *tttiét!iè 4
Alôlipi^ ^ttPouret^oUi, r^it MinîutKis Feli*,' concevoir Diea^birtH^
» ment que comme être créateur» uni/ersel, qui n'a point eu deoeifr
» mennement et qui ne peut avtfrd*tiftrde qui tout % re<k l'existence,
» et qui ne tient la sienne que <S* Kii»hiêmfc>, qui, avant qu'il y 4fr;M
» monde, étoit à lui-même son pfupi* centre} qui a tout <*éé par sa
v parôl*; qtq ordonne tout pajr sonintettîgërK», perfectionne towpafr
»; sy vertu il/oeil ne peut le saisir ;tUofarté*ab$orbe Jiosrôibles regaftfe;
>> notre .>ih teliigence n'en j)éut • oomjfrendfe - ftromensi té Y et nos 'sens
^ bot nfe< Vantant au-devant de cet*» grandeur infini*? il -n'y a qu*<fei
^qdi pèûse- se, Conncrfïrt lor-méine^ La seule minière de concevoir tt.
» nature, c'ett de fa déclarer inconcevables à vrai dire, qui s'iiriagfoé
»cbnnoîtie la grandear de Dieu» la dégrade* Ne lui cherches pas* dé
» noaat D/€u\ voilà comme il s'appelle; il ne faut des exprepiôt)*
» individuelles que quand il y a pluralité. Dieu est seul; le mot liait*
» «mkrasset toéti Je; rappellerai pèrt, Vous" àljte concevoir quefijute
» chose d'humain ; roi, d'est «ne idée rerre&tré; tef^neur> vourfcêl**
-. .- ; JtttMVIBlt iB^cr. 70 1 *5
» ramené' fcb des idées «te mortalité., âupprsnez le» désignations. , .et
» tous arriverez à saisir quelque rayon de clarté; »■ I.
Voici OMume S. Gyprien t'exprime sur le mime sujet t
« Inaccessible à nos sens , il surpasse toute intelligence. La seule
» définition k donner de son être, c'est de dire qu'il est au-dessus de
» toute définition. Quel temple seroit digne de lui ! «l'univers tout
»entie* est son temple. Cbétif mortel, qui : tiens si peu de place dans
» fa plus étroite enceinte et m'y trouve encore au large» je prétendre»
«enfermer la divin-té dans un temple de quelques pieds! Son vrai
» sanctuaire, c'est rime du fidèle. Ne cherchons point de nom à Dieu ;
» son nom est Dieu. Les choses dont il y a plusieurs, ont besoin d'être
«distinguées les unes des autres par des noms particuliers. Dieu,
»qui est un, qui eat seul, n'a besoin, pour être reconnu, que de son
m nom de -Dieu. On ne le comprend jamais mieux qu'en le reconnois-
a» tant incompréhensible. ■*>
' RAYNÔUÀRD.
■ Mémoires de l'Académie royale de médecine.
■ TROISIÈME ET DERNIER ARTICLE.
Nous arrivons aux mémoires , qui nie sont pas la partie la mouis inté-
ressante du volume.
Le ;premier^qul se présente est de M* Itard, memb're titulaire dé
l'académie, médecin do l'institution royale des sourds-muets, et concerne
le autisme produit par la liston dts fonclioa^inttlîutucllcs. L'auteur établit
d'abord en principe que la parole est hon-seuleinerjt une fonction , mais
encore un ajft d'imitation, L'homme, selon luit. a. besoin du 'commercé
des autres pour lui communiquer cet ait,, du concours de Forgane,yuditjf
pour lui en faire entendre Jes pnanuè/es.' leçons , de la faculté d'imiter
pour lui eu faciliter tes répétitions, -etdu degré d'intelligence accordé
a son espèce pour le lui faire corupreudre et lui en fournir les matériaux,
qui sont les idées. Voilk Dourqupj^.ditril, la parole est interdite aux
animaux, même à ceux dont l'organisation physique se rapproche le plus
de la nôtre, tels que.te^quadrunianflf . % là aussi procède le mutisme
des idiots, qui ne sont , pus tous muets, npn plus que les muets ne sont
a* JOURNAL DES SA VANS,
pis toujours nécessairement idiots* Léserais idiots, quand ils ne le sont
qu'à un degré (bible* ont encore de l'intelligence ; mais elfe est lourde,
peu étendue ; et pourtant perfectible, l'entendement n'étant lésé que
dans une de ses fonctions , F attention , là mémoire , l'imitation.
M. Itard prévient que le tableau qu'il offre n'est composé que d'après
les individus qui ont été soumis à ses observations et à ses soins, vers
cette époque du jeune fige qui s'étend dépuis la deuxième enfonce
jusqu'à la révolution complète de la puberté. A l'aspect d'un rouet qu'on
lui présente» et après avoir interrogé ses parens, M. Itard forme un
premier Jugement ; il lui en faut un second plus attentif pour s'assurer
si son intelligence est en rapport avec les relations qui existent entre
lui et ses parens. II se livre ensuite à des épreuves analytiques des
diverses facultés de l'entendement du sujet. Quand toutes les épreuves ont
donné des résultats encour ageans » et fait conrioitre une intelligence qui
ne manque ni détendue ni de flexibilité» il le regarde comme capable
de recouvrer la parole et de se développer par l'éducation; mais il faut
que cette éducation soit appropriée à la condition spéciale dans laquelle
se trouve placé son mutisme. •
M. Itard indique ensuite les procédé* par lesquels on parvient
à éveiller le besoin de la faculté de parler. Ces procédés ingénieux
exigent, pour qu'on en obtienne des succès, de la persévérance dans
leur application. M. Itard a eu le bonheur, par ses soins, de guérir
du mutisme un certain . nombre de personnes attaquées de cette
infirmité.
Le même académicien a communiqué un mémoire sur quelques
phfegmasies, représentées comme causes de fièvres intermittentes per-
nicieuses. II résulte de six observations qu'il rapport, qu'une inflam-
mation atguë ou chronique des méninges ou de f encéphale petit ne se
ntanifesiër que par des symptômes in termittens, et que b fièvre connue
sbus le nom d Intermittente aiaxljue, n'est , dans certains cas , qu'une
fièvre symptomatique excitée par cette phlegmasie du cerveau. .
' j Xx&të-»t-iï un pfus grand nombre de feus de nos jours qu'il y a
quarante an*! C'est une question que s'est proposé de résoudre
M. Ësquîrol, membre titulaire de l'académie. Depuis vingt-sept ans»
il a entendu faire cette questiôh, et il a essayé d'y répondre, il y
a ait ans, $nns fe Dfctiptuiaire As sciences médicales. II est certain
JANVIER 1830. 2j
causes physiques lui paraissent être « l'hérédité , les convulsions de
»f enfance, les scrofules, les épilepsies , les lésions cérébrales, qui
» exercent sourdement leur action, et cette action est à-peu-près inva-
x> riable dans tous les temps. On peut dire la même chose des passions
» primitives; elles sont trop dépendantes de l'organisation pour ne pas
» avoir.une influence à-peu-près constante et renfermée dans fes mêmes
» limites » L'auteur ne doute pas que, pendant notre révolution, la terreur
n'ait été funeste à quelques individus dans le sein maternel; il en donne
un exemple frappant. II ne pense pas qu'il y ait des folies provoquées
par la religion , ni par les frayeurs qu'on faisoit autrefois aux enfans.
Le fanatisme politique a pu en faire naître, mais il a caus£ un plus grand
nombre de maux de nerfs. II y a peu d'années, M. le duc de ta Roche-
foucauh-Liancourt n'a trouvé, dans les hospices de Paris, que 1 009 indi-
vidus aliénés, nombre égal à celui qu'avoit trouvé Tenon en 1786.
A Lyon, à Marseille, à Nîmes et dans tout le midi de. la France,
pays où l'exagération des idées et l'emportement des passions se font le
plus remarquer, il n'y avoit pas, en 1810, époque où M. Esquirol a visité
ces contrées , plus d'aliénés qu'un demi-siècle auparavant.
Aucun royaume n'a été plus tourmenté que l'Espagne depuis (a pre-
mière invasion des Français; et cependant, en 1 827, on comptoit seule-
ment 509 aliénés dans les hospices de Madrid, Cadix , Valence, Tolède,
Barcelone, Tarragone, Saragosse, Cordoue.
En Italie, en 181 8, on ne se plaignoit nullepart de leur augmentation.
D'après ces faits, M. Esquirol conclut que les commotions politiques
ne sont qu'une cause temporaire excitant les passions, mais n'in-
fluant point sur l'augmentation du nombre actuel des fous. Ces mala-
dies semblent se multiplier davantage, parce qu'on les étudie plus,
parce qu'on en parle beaucoup depuis quelque temps. II en a été ainsi
de celles du cœur, quand Corvisart s'en occupoit ; du croup, du mutisme ,
par la même raison. Une idée très -consolante que donne l'auteur,
c'est qu'en France, par les attentions qu'on se prescrit dans le traite-
ment des aliénés, on parvient à en guérir beaucoup; car, au rapport de
M. Esquirol, sur 12,392 insensés admis dans les hospices de Bicêtre
et de la Salpêtrière, depuis 1801 jusqu'à 1821, il en est sorti 4>9*>8
guéris. Si à ce nombre on eût ajouté les idiots traités comme aliénés,
les épileptiques, les vieillards tombés en démence, la proportion des
guérisons eût dépassé la moitié des admissions. M. Esquirol croit qu'il
en est de même à Charenton et dans les villes de plusieurs départemens,
tandis qu'autrefois la guérison d'un fou passait pour une merveille.
M. Esquirol attribue l'augmentation apparente du nombre des in-
D
z6 JOURNAL DES SAVANS,
sensés au perfectionnement des institutions. Les hommes se portent
toujours où ils espèrent être mieux, soit en santé, soit en maladie! Il
arrive pour les aliénés ce qu'on a vu arriver pour les enfans trouvés : les
mères redoutent moins de les exposer, et le font sans remords, persuadées
que les administrations charitables les soignent bien.
Sur ce qu'on lui objecte que ces motifs devroient attirer plus.de ma-
lades que n'en contiennent les hôpitaux depuis qu'ils sont améliorés,
il répond que cela vient de ce qu'en même temps on a établi plus de
secours à domicile, et qu'en conséquence on ne reçoit plus de valides
dans les hôpitaux comme on le faisoit autrefois, mais seulement les indigens
qui ont besoin 8e la médecine et de la chirurgie , et quand il y a des places
vacantes ; au lieu que l'admission des aliénés dans les hospices qui leur
conviennent, est restée facile et même sujette à des abus qu'il signale.
La conclusion du mémoire de M. Esquirol est que l'encombrement
des établissemens à Paris par les aliénés ne prouve pas l'augmenta-
tion de leur nombre : les travaux et les écrits de Pinel ont contribué à
éveiller l'intérêt qu'ils doivent inspirer. L'amélioration introduite dans
les hospices qui leur sont destinés, en y attirant beaucoup d'individus, a
accrédité cette fausse croyance. Ainsi , l'augmentation n'est qu'apparente,
et {"aliénation mentale n'est point une calamité propre au temps présent.
Le mémoire qui suit, sur la mortalité en France, est de M. Willermé,
adjoint résident de l'Académie. On avoit demandé s'il y a des différences
entre la mortalité des pauvres et celle des personnes qui vivent dans l'ai-
sance. Cette question, qui fait partie d'une statistique générale, appar-
tient particulièrement à la médecine. Les opinions sur ce sujet étant
partagées, M. Willermé a essayé d'y jeter du jour. Ce médecin, qui
se livre depuis quelque temps, avec beaucoup de zèle, à des recherches
intéressantes, a recueilli et comparé un grand nombre de faits : il en a
puisé dans les statistiques publiées récemment sur la ville de 'Paris par
M. le préfet du département de la Seine; dans les documens que lui
ont fournis les feuilles mensuelles d'une municipalité; dans des états
ou tableaux communiqués par l'administration des hôpitaux, et dans les
mouvemens de population de la France, fournis par le ministre de l'in-
térieur. Les résultats qu'il a obtenus sont distribués dans huit tableaux ;
il y a ajouté un supplément, consistant en quatre tableaux, où M. 13e-
noiston de Châteauneuf a comparé les décès des enfans dans deux ar-
rondissemens de Paris, l'un habité par beaucoup de gens riches, l'autre
par beaucoup de gens pauvres, et dans deux rues de chacun de
ces arrondissemens , dont l'une est sur-tout peuplée de pauvres, et
l'autre de riches.
JANVIER 1830. 27
Nous dépasserions les limites que nous nous sommes prescrites, si
nous entreprenions une analyse détaillée de deux autres mémoires com-
pris dans la section de médecine. Le plus étendu est de M Bally,
membre titulaire de l'Académie, et a pour objet les effets thérapeutiques
de la morphine ou narcotine, principe immédiat de l'opium : if renferme
beaucoup d'observations et d'expériences qui font parfaitement coh-
noître les effets cFun médicament fort employé dans fa médecine pra-
tique. L'autre mémoire, dû au docteur Léveiffé, traite de fa fofie des
ivrognes, ou du délire tremblant, delirium tremens, nom qu'elle con-
serve dans fa plupart des* écrits publiés en Angleterre, en Danemark,
en Allemagne et en France ; c'est la mania à temulentiâ de Klapp, àpotu
de Snowden, Yencephalitis tremefaciens de Jean Frank : la cause en est
l'excès des liqueurs spiritueuses. Cette maladie consiste en une exalta-
tion des propriétés yitafes du cerveau, provoquée par des molécules al-
cooliques absorbées à fa surface des voies gastro-intestinales, transportées
dans ie torrent de la circulation. L'auteur décrit cette maladie, et il
fait connoître l'action des alcools sur l'estomac , et quelques névroses
cérébrales qui simulent le délire tremblant. Cette maladie se complique
de coups de sang et d'arachnoïde argué ou chronique, de gastrite et de
gastro-entérite; quelquefois la folie chronique des' ivrognes se convertît
en aiguë , &c.
Le premier mémoire de la section de chirurgie est de M. Larrey, un
des hommes les plus habiles dans cet art si utile à l'humanité. Ce mé-
moire a pour objet les plaies pénétrantes de la poitrine. Le but principal
de fauteur est de développer un moyen nouveau pour le pansement de
ce genre de plaies; il déclare que ce moyen lui a été inspiré par la nécessité
où il s'est trouvé de l'employer, et par le succès qu'il en a obtenu en Egypte
lorsqu'il étoit au Caire, à l'occasion d'une blessure qu'un soldat français
reçut à la poitrine p* un coup de sabre de mamelouk. Depuis cette époque,
le succès a été confirmé par beaucoup de faits. En publiant sa méthode,
M. Larrey a cru devoir indiquer le mode que paroît suivre la nature pour
Êiire disparaître le vide que laissent dans les cavités de la poitrine Tes
fluides épanchés, lorsque, par le travail spontané de la vie, ils sont ab-
sorbés, ou lorsque, par l'opération de l'empyème, on les a évacués en
dehors. II croit aussi avoir expliqué le premier comment la nature, se-
condée par l'art, peut rétablir l'équilibre dans les fonctions des organes
lésés , et conduire (e malade à une guérison parfaite.
Avant de décrire sa méthode, M. Larrey examine la nature des blessures:
il en expose les phénomènes et dévoile les inconvéniens du traitement
ancien; puis, supposant le cas où une contre-ouverture est jugée indrs-
D 2
*8 JOURNAL DES SAVANS,
pensable, il recherche quand et comment. on doit la faire. Les personnes
de Fart liront avec fruit cette partie de son ouvrage,
M. Larrey a donné, sur la taille, des observations qui font partie des
mémoires de sa section ; nous nous bornons à en transcrire une qui nous
a paru très-judicieuse: «II est bien difficile, dit -il, pour ne pas dire
» impossible, d'apprécier à priori la nature des calculs urinaires et leur
» rapport immédiat avec la vessie, afin de pouvoir fixer d'une manière
» précise le procédé opératoire convenable pour chaque espèce de calcul,
» et selon les obstacles qui peuvent s'offrir pendant qu'on l'exerce.
» D'après cette idée , un mode exclusif d'opération ne peut être adopté
» pour extraire de la vessie toute espèce de calculs. » M. Larréy se
propose de faire un parallèle entre la lithotomie et la lithotritie.
Dans un mémoire placé après ceux de M. Larrey, M. le baron Du-
puytren donne une nouvelle méthode pour guérir les anus accidentels,
maladie dangereuse et dégoûtante, qui exclut de la société les malheu-
reux qui en sont atteints. Tous les genres de maladies doivent être égaux
aux yeux des hommes qui sont en état de les guérir ou du moins de les
soulager.
L'Académie a inséré dans son volume un mémoire de M. Dugès ,
professeur à la faculté de Montpellier, sur les obstacles apportés à
l'accouchement parla mauvaise conformation du fœtus. (Je mémoire con»
tient plusieurs observations : nous citerons, comme une des plus curieuses,
celle qui concerne deux jumeaux réunis dans un seul thorax et fe haut de
l'abdomen. On y remarquoit que le thorax étoit commun et formé, des
élémens de deux; qu'il n'y avoit qu'un seul cœur à quatre ventricules
communiquant ensemble; que Its deux foies étoient fondus en un seul;
qu'il y avoit deux estomacs, ayant chacun leur duodénum, qui se portoit
vers une poche commune; les reins, les poumons. les organes géni-
taux et urinaires , n'avoient rien d'extraordinaire, excepté qu'un des reins
étoit atrophié et son uretère oblitéré.
Nous avons encore à faire connoître les mémoires de la section de
pharmacie; ils sont dans le volume au nombre de six. Il y a d'abord une
analyse de l'écorce du solarium pseudoquina , par M. Vauquelin, que les
sciences viennent de perdre. Cette écorce a été apportée du Brésil par
M. Auguste de Saint -Hilaire. M. Vauquelin l'a analysée avec tout le
soin possible, comme on n'en peut douter, et par tous les moyens que lui
dictoit une science qu'il possédoit au degré le plus éminent. Personne
n'étoit plus persuadé que lui que, malgré les travaux faits sur l'analyse
des végétaux, cette partie de la science n'est pas encore bien avancée,
en ce qui concerne les quantités respectives des matières qu'ils coiir
JANVIER 1830 %$
tiennent. Ce point cependant intéresse le pius directement ï'ai»ï de
guérir. ; ; m ..-.^iOij
Sous le titre de Considérations chimiques sur diverses concrétUnh vfy
corps humain, M. Laugier fait voir que des recherches* sur certaine*
substances* qui se forment dans l'économie animale , peuvent retidtç
service à la médecine : tant il est vrai que toutes les sciences-se donnent
des secours les unes aux autres ! II s'attache particulièrement h quelque**
unes des productions calculeuses remarquables par leur origine'.' Là
plus commune et la plus importante est la1 pierre de lavéssie, sur -là*
quelle il s'étend beaucoup. Le célèbte Scheele est le premier qui Tait
analysée ; son travail fut la source de beauapup d'autres. "Wofastroii ,
Fourcroy et Vauquelin reconnurent que les calculs urinairee étoient
composés d'un bien plus grand nombre de substances. M. Laugier dônnp
l'historique de tout. ce qui a été fait sur cet tel matière, et des moyens
employés pour dissoudre la pierre dans la vessie, ou pour l'empêcher de
s'y former. Il regarde comme son meilleur dissolvaniil'fcaude chajtti qtfîl
serait possible d'y injecter. L'urine' n'est pas la seuIe>matièrei«ptirdonn*
naissance à des concrétions; ii existe aussi des caieqls*' ttiliairès ,' tqoà
Fourcroy nommoit kdipocirts : Mk Chevreuil a 'proposé de tfes appetet
plutôt cholestérims), après avoir comparé «entre eux « les; cqrps grtu)i
L'examen de troii cents de ces calculs , par M. Thénard; a permis<tf£*
distinguer plusieurs espèces, On connoît aussi des calculs iartHrhiqàéê^
-formés à la suite d'accès de goutte; on en voit d'autres encore (dani les
glandes pinéales, lacrymales , salivaires, dans le foie, dans les prostate^
dans les poumons, et mênie dans les imestïnsr • rl..*j ♦ '«•«. »; ■jiîo'wp
Des recherches analytiques sur la violette ( viola oJorata ) r àvvià
examen de son principe actif comparé à celui de l'ipécacuanha , forment
un mémoire fu a TAcadémie^par M. P. G. Boullay. Toutes les parties de
la violette ont été employées en médecine; c'est particulièrement sa
fleur qui est d'un usage joûrfl3tter,tdtnffimme réactif en chimie, soit
comme médicament. Cependant, dit M. Boullay, aucun travail n'a
été entrepris pour fixer les idées sur les parties constituantes de ce
végétal. Quelques observations faites par M. Boullay, en préparant le
sirop de violette pour sa pharmacie, l'ont engagé à analyser toutes ses
parties; il a opéré sur ses racines, ses feuilles et ses fleurs. Il résuite
de ses expériences que la violette odorante contient un principe particu-
lier analogue à celui de l'ipécacuanha, principe résidant dans la plante
entière; que ce principe de la violette peut s'appeler émétine indigène, et
celui de l'ipécacuanha émétine exotique ; que la violette dite pensée en
diffère, en ce qu'elle ne donne aucune trace de principe actif et vomitif,
3<* JOURNAL DES SAVANS,
M, Orfila a fait des expériences sur ia violine, qui lui paroit être un
poison irritant ; il n'a pas voulu en tirer de conséquences , croyant
qu'il fàlloit encore des expériences nouvelles. Cette substance a été
employée à la Charité onze fois comme émétique, à la dose de six à douze
grains : elle produit quelques effets , mais non pas toujours. *
M* Le maire de Lisancourt, qui s'est occupé des substances végétales
employées en médecine et désignées sous le nom dlpécacuanha, avoit lu
à l'Académie un mémoire pour répondre à une question proposée par
sa section : Fixer nos connoissances sur l'histoire naturelle et l'origine des
racines connues et employées, dans toutes les contrées du globe, sous le nom
d'ipécacuanha. On sait que ces racines ont toujours donné lieu à des
erreurs occasionnées par ceux qui les récoltent et par les commerça™
qui les envoient sous des noms différens. Dans ce mémoire» fauteur
jette des lumières sur l'histoire naturelle de ces racines, et donne des
descriptions générales des plantes auxquelles elles peuvent apparte-
nir et qui excitent le vomissement, c'est-à-dire, qui sont émétiques. H
*e contente de citer celles qui le sont le moins. Suivant ses recherches,
ie nombie des plantes dont on emploie quelques parties pour faire
vomjr est très-considérable. £n résultat , il conseille de ne faire usage
que de l'ipécacuanha vrai , c'est-à-dire, des deuxt. espèces désignées par
Pison et Margrave , qui sont ïipécacuanha blanc et ïipécacuanha fuscé
du Brésil. M. Vauquelin a analysé l'ipécacuanha blanc.
Ces premiers travaux delà nouvelle Académie de médecine annoncent
aases les lumières qu'elle répandra sur la scieace la plus utile , puis-
qu'elle a pour tâche et pour but des secours à donner à l'humanité souf-
frante. .
TESSIER.
JANVIER 183O. 31
•
Ulysses-Homer , or a dïscovery of the true author oj the Ui ad
and Odyssey , by Constantin Koliades, professorin the iouian
university. London , 1 829, in-8.9 , xxiv et 67 pages.
Ulysse-Homère , % du véritable auteur de l'Iliade et de
l'Odyssée, par Constantin Koliades, professeur dans l'université
ionienne. Paris, 1825), in-fol., viij et io4 fpag. avec le
portrait de l'auteur , et 20 cartes et gravures.
SECOND ARTICLE.
Il reste à prouver qu'Ulysse est l'auteur de V Iliade, et des Paralipomines
attribués à Quintus de Smyrne.
Le moyen que fauteur emploie, c'est de montrer que le poète est
aussi exact dans ia description de la Troade que l'a été le chantre de
l'Odyssée dans celle d'Ithaque. La conclusion qu'il en tirera, sera que
les deux poèmes sont du même auteur, par conséquent d'Ulysse.
M. Constantin Koliades entreprend donc une comparaison détaillée
entre la Troie d'Homère et la topographie actuelle du pays : il trouve
la coïncidence parfaite ; pas un trait n'y manque. Nous jugeons inutile de
le suivre dans ce travail assez long ; car l'opinion qu'il y soutient est
précisément celle que M. Lechevalier a exposée dans son Voyage de
la Troade. M. Constantin Koliades le défend contre quelques objec-
tions, et, entre autres , contre celle qu'a faite M. Gossellin (1), rela-
tivement au sens de mf) dans le passage ou Homère parle d'Achille qui
traîne le cadavre d'Hector autour de Troie. Comme il n'est pas possible
de tourner autour de la Troie de M. Lechevalier, notre auteur s'efforce
de prouver que mfi signifie , en cet endroit, devant et non pas autour.
Cette explication , qu'on est obligé d'admettre quand on adopte cette
opinion sur l'emplacement de Troie , est forcée et invraisemblable, quoi
qu'en dise M. Constantin Koliades.
Cette opinion , très- ingénieuse , est , comme on sait , à très-peu près ,
celle que le comte de Choiseul-Gouffier a développée dans le tome Iï
de son Voyage pittoresque en Grèce. Il doit nous suffire de rappeler ici
que, transmise d'abord à la Société royale d'Edimbourg, en 1791,
■ ■■■■■'■ ■ ■ 1 ■ . . . 1 . . , ■ ■ . . , .
(1) Sur Strabon, tom. IV , part. 2,pag. t8o.
32 JOURNAL DES SAVANS,
elfe produisit une grande sensation parmi* les savans; elle trouva
beaucoup de partisans, et elfe en conserve encore. Vivement criti-
quée , elle fît naître fe trop sceptique mais curieux ouvrage de Bryanl.
Des objections plus sérieuses furent faites par d'autres critiques. Quoique
M. Constantin Koiiades fa regarde, ce qui pproît tout simple, comme
parfaitement démontrée, ceux qui auront fu les écrits des adver-
saires, et sur -tout ceux du major Renneff et de M. Maclaren . ne
pourront manquer d'y trouve* des difficultés énormes. Mais c'est fe cas
de toutes les hypothèses qu'on a proposées depuis, et qui ne la valent
pas, à beaucoup près. Un esprit impartial n'est complètement satisfait
d'aucune ; et pour nous , après un examen attentif de tout ce qui a été
dit sur ce sujet par Strabon et par les modernes , nous sommes intime-
ment convaincus de l'impossibilité d'en savoir là-dessus plus que les
anciens, lesquels ne savoicnt rkn de la position précise de Troie.
Chacun détruit sans peine toutes les hypothèses de ses prédécesseurs :
MM/Rennelf et Maclaren, celle de M. Lechevafier et de Choiseul-
Gouffier ; M. Maclaren , celle de M. Rennell ; et qui le voudra détruira
celle de M. Macfaren : niais si l'on cherche une base pour en établir une
plus solide, on sentira que le terrain manque sous les pieds.
Pour retrouver cette exactitude que l'on vante dans fa Troade d'Ho-
mère, chacun, selon son opinion , fait des suppositions plus ou moins
vraisemblables, presque toutes gratuites ou arbitraires; changemens dans
les noms de fleuves , dans fa direction de (eur cours , disparition de
sources, attérissemens,&c. ; et avec ces suppositions, personne ne réussit
à ramener les données du poète à une topographie uniforme: que seroit-
çe, si l'on prenoit les traits géographiques tels qu'if fes fournit! J'en tire
là conséquence, qui pourra faire crier au paradoxe, mais dont if seroit
facile de montrer fa justesse, qu'Homère n'a pas vu la plaine de Troie,
et qu'if Fa décrite sur des relations orales : en pareil cas , on fe sait ,
des erreurs et des malentendus topographiques sont inévitables. Reste-
rait fa supposition que, connaissant le pays, if Pauroit inexactement
décrit; mais elfe n'est pas compatible avec fa recherche d'exactitude
qu'on ne peut méconnoître dans les récits du poète, toutes fes fois
qu'il parle de ce qu'if sait bien.
Que Troie fût située aux environs du cap Sigée et de f'Heffespont ,
dans un point quelconque de fa plaine du Menderé, entre l'Ida et fa mer,
c'est ce que les anciens ont toujours reconnu, et ce qui résulte avec évi-
dence des poèmes homériques , en dépit des objections sceptiques de
Bryant et d'Hobhouse. Mais à quel point précisément de cette plaine!
JANVIER J83Ô; 3J
Voilà ce qui et oit ignoré même des gens do pays, dès l'époque de la
fondation Sllium recens f dans le vu/ siècle zy^at J. C, et ce qiie
les anciens n'ont jamais su' depuis. Tout, le prouve, les discussion*
contradictoires de tant de savans dans l'antiquité, de Démétrius de
Scepsis, qui é toit du pays, d' lies liée d'Alexandrie, de Strabon, les
prétentions des habitans àllium recens, soutenues avec tan* de persé-
vérance; que Xerxès, Alexandre et les Romains ne doutèrent point
que leur ville ne fût Troie» II faut donc nous ^signer k n'en Jamais
savoir davantage.
M. Constantin Koliades partant de la gjrande exactitude qu'il croit re-
connoître dans la description homérique de Ix plaine de Tfoie,faitrpôur
l'Iliade le même raisonnement que pour l'Odyssée. « S'il n'est pas permis
» de douter que l'auteur n'ait bien vu et étudié la plaine de Troie , il faut
» de toute nécessité admettre, ou qu'il a fait partie de. liarméecTAgaipemnonj
» ou qu'il soit venUf quelques siècles après, se .placer sur le cap Sigée ou
» le Pergama, pour y ip éditer le plan de l'Iliade.» pour en adapter tous
» lés épisodes à toutes les localités de la plaine. *~.Credat judaus
» Apella. x» Mais la seconde supposition n'est peint du tout improbable;
qu'y auroit-il donc cFinçrpyabie à ce qu'un poète se fût transporté sur
les lieux pour donner k ses chants plus de vérité l La première suppo-
sition n'est donc pas admissible de toute nécessité. L'auteur n'en tire
pas moins une conséquence décisive, ce // est donc indubitable et rigou-
» reusement prouvé que Fauteur des poèmes sur la guerre de Troie faisojt
» partie de l'armée d'Agamemnon ( p. 79 ). *> Voilà, il faut. en convenir,
une conclusion peu rigoureuse.
L'auteur de {'Iliade étojt donc un des héros 4t fftrmie d'Agamemnon.
Ce pas fait, il fout en faire un autre, . Lequel de ces héros! C'est
Ulysse. Et pourquoi! Le voici: d'après un passage de f Iliade ( XI,
765-769), Nestor et Ulysse furent envoyés pour rassembler tes troupes
dans toute la Grèce; jurais Nestor, étant trop vieux, dut laisser à
Ulysse la plps grande, .partie des .démarches nécessaires» II dut acquérir
dans ces voyages, cette connoissance exacte du pays qui brille dans lé
catalogue v et qu'aucun héros n'a dû posséder au même degré ( p» 8 1 ).
Donc Ulysse est: Fauteur de ï Iliade*
. Ici se termine, l'exposé des preuves directes à& f hypothèse de
Spiridion KoIiades.j;jD^S;le reste du commentaire, son fils coo->
tinue de recopier ses voy^gçs en ; ditersef parties de ia Grèce, et bit
ressortir plusieurs . trait? qui montrent l'exactitude, de certains détails
dans Je catalogue^ Tout. Ce récit n*apprend.xien de nouveau» et semble
avoir pouf but principal -d'amener d^s lithographies médiocres y repré-
£
î4 JOURNAL DES SAVANS,
sentant desvues du temple de Minerve à Sunium , delà vallée de Tempe,
dei rumés de Trézène, JOrchorhène , dç Jupiter à Égine , des murs
dé Tirynthe, de la porte des Lions à Mycènes, la plupart connues par
les ouvrages de Gel/, de Dodwell, et djautres. Hors de !a Grèce, l'au-
teur va visiter Rie de Jlfénin? , sur la côte d'Afrique, l'île des Loto -
pliages d'Homère j ceHe SEguse, qu'if croit être une île qu'Homère
place prêt de celle des Cyclopes: il visite cette île elle- même, qui' est
la Sicile; celle cfEole, qui étoit entourée dtun mur d' airain, caractère au-
quel, selon M. Koliades , on ne peut méconnoître Vite des Sirènes, qui
doit être ceHe que Diodore appelle Ostiodes, attendu que les Sirènes lais-
soient exposés dans leur île les os de leurs victimes ; puis le pays des Les-
tttgons, au* environs de Mola di Gaete, et enfin Tîle de Cfrcé , qui est
le promontoire de ce nom, &c. Par-tout il trouve des preuves des
connoissances exactePet profendes cTUlysae , Fauteur dfe l'Odyssée.
Rien n'égale la confiance avec laquelle notre professeur donne
les noms modernes des lieux qu'a parcourus Ulysse; on diroit" qu'il
commente Strabon ou Ptolémée. II semble ne pas soupçonner qu'il
y ail matière à quelque doute sur le théâtre de ces voyages , et
ignorer toutes les discussions contradictoires des anciens et des modernes,
qui n'onyamais pu s'entendre sur la géographie des voyages d'Ulysse.
En laissant de côté les idées folles d'un Cratès , parmi les premiers ,
cF<ra Juste lipse , d'un Barnès, d'un Ramus , (Ton Rudbeck ( i ) , parmi
les seconds, qu'on passe en revue les opinions des critiques anciens qui en
dit émis de raisonnables , de CalUmaque , de Posidouius , «TÀristarque ,
cFÂpolIodore , d'Eratosthène, cTHipparquê et de Strabon; qu*on relise
ensuite ce. qu'ont écrit les meilleurs critiques modernes, depuis Frère t
Jusqu'à Voss, M. Mannert et M. GosseIKn, qui ont fait de grands efforts
db sagacité pour comprendre quelque chose à cette géographie , on de-
meurera convaincu que l'occident de (a Méditerranée étant inconnu oux
Grecs du temps <f Homère, les pays oii il a fâitvoyager son héros , peuplés
de déesses » de géanset de monstres , se perdoient dans le vague de son
horizon , çt ne désignent aucune localité précise. Maintenant, après tant
<f inutiles efforts des savans de toutes les époques, entreprendre de
retrouver le pays des Cyclopes, des Lestrygons, des Lotophages , des
Ctnrmériem, de Circé et de Calypso, est k-peu-^rèk aussi mutilé et
doit amener un résultat presque autsi incertain que ai Ton eherchoit le
théâtre de* voyages de Gulliver C'est donc un ftiot de grand sens que
celui d'JÉratosthène , un des premiers Critiques de ^antiquité t « Qu'on
(i> Uktn, Gtogr, der Çrieçken und Romer, I. Th. ri. Abth. Si 314. £
, .JANVIER 1830; .;..'■ ;. Jî
» trouvera le Heu des erreurs d'Ulysse, quand on aura trouvé l'ouvrier
«qui a cousu l'outre des vents ,{i). » j.; .
On a vu plus haut f opinion de l'auteur et de Vidiuur sur les
Paralipomines de Quhuus. Lé développement et les preuves de cette
opinion sont exploses dans une conversation qui termine f ouvrage;
M. Koliades raconte qu'en parcourant l'Italie méridionale, pour y
retrouver lea trace; du voyagé d'Ulysse, il arriva à on certain couveni
d'Ascoli, qhi- possédait une riche bibliothèque. Quand Je bibliothécaire
sut que le voyageur étoit d'Ithaque, if alla lui chercher Un manuscrit
qu'if gardoit religieusement sur des tablettes privilégiées* « Voici > lui
» dit-il, le trésor le pies prédeux que vous ayez pu trouver dans vo$
» voyages. C'est un poôme qu'on attribue vulgairement à un certain.
» Quintus, qui étoit, dit-on, Calabrois. » Là-dessus, il en lit un frag**
ment. M. Koliades est frappé des beautés du premier ordre qu'il entend.
Le vieillard l'assure que le reste est de la même force, et qpe ce poème
n'est pas seulement homérique, mats homérissim; il entame alors une
grande dissertation, pour lui prouver que ce poémedoit être d'Homère*
Pour y parvenir, il s'attache à écarter les indices d'une époque récente
qu'on y a découverts. Je ne sais comment il se fait que lé bibliothécaire
d'Ascoli trouve tout juste les mêmes explications que M. Tourlft ,>
fe. traducteur français de Quintus: si c'est un hasard, Je hasard
n'est point heureux; car on ne peut rien voir de moins satisfaisant
que ces explications. Je ne puis les citer toutes; mais comme le*
bioliothécaire et M. Constantin Koliades tiennent beaucoup à {3e*
erreurs quîlfc * ressuscitent , il faut en examiner quelques-unes qu'on: a
vantées, d'après eux, comme des vérités démontrées sans réplique. II est
utile d'en frire justice , pour qu'elles ne reparaissent plus. Je chçrar
donc les trois observations capitales ; le lecteur jugera de ce que doit
être le reste. ■ . ■
Il y s, dans Quintus , m passage (2) où Cbafeas prédit à Énée que*
j>arUht des bordkdu Xamhe, il ira sur ceux du large Tbymbris (9ùfâC§t*
i,?r wfvfUâ>^r «p JKcaàtA fakirm ) , fonder une vil|e sacrée (.wf v** itf*t
ifW ), dont fa domination, s'étendra sur toute la serré, depuis l'orient
jusqu'à l'ecailem (fixe* W inikier à* &} Jaufrunût JW ïxfrti ■). II esl
impossible de désigner plus clairement la colonie cTÉnée en Italie, la fon-
dation de ttome et les destinée* de f empire romain. Le traducteur fran-
çais des Paralipomines , qui croit également que le poème est d'Homère,
ne veut reconnoître ici ni leTibrtmi Roipe. Le Thymbris est le Thymbtc
(1) Àp, Strab. 1,24.— (2) xui, 337 sq. .5 •*- <l •' - ' -
C 2
\
3* JOURNAL DES SAVANS,
( Usez Thymbrhis ) , ruisseau à sec les trois cpiarts de l'année , et qui se
rend dans le Scamandre ; fa ville fondée par Enée est Tàyntbra, qui devint,
dit M. Tourlet, XrÙ-fl$rifsante.On nenat ou il a pris ce Ait; car Thym-
ira,, selon Homère* Démétriufe de Scepsb et Strabon , est une plaine,
et non une* ville. Pline et Etienne de Byzance sont les seuls qui en
aient faix une vilfe 9 par un malentendu qu'a déjà signalé Choiseul-
Gouffier ( i ). Avec une telle explication cf ailleurs, le passage de Quimus
n'a aucun sens, et Iç. vers evpCetr ficaxim est absurde. Cela n'em-
pêche pas le bibliothécaire de la reproduire et: de la développer.
Selon lui , il s'agit d'une vi[\e fondée sur les bords du Tkymbrius, qui coule
pris du Xanthe , d'où l'on pou rr oit conclure cfuil n'est pas meilleur
helléniste que critique. Les deux exemples suivans appiiieroient cette
conclusion.
. Dans un autre endroit (2), Quintus compare Àgamemnon et Mé~
nélas enveloppés par les Trpyens, « à des sangliers et à dés lions corn-
abattant, dans une enceinte, lorsque des rois y rassemblent et y
y> renferment cruellement des hommes pour les faire périr misérable*
» ment sous la dent de ces animaux terribles* » On ne saurait non plus
désigner plus clairement (es combats du cirque qui avoient lieu sous les
empereurs. Le bibliothécaire, au lieu de lire le: texte dans son précieux
manuscrit, consulte le traducteur français, qui s'égare encore une .fois 1
sur la foi de son guide, il ne< voit là ni cirque, ni araphithé&tre, qi rien
de pareil. «II s'agit seulement, dit-il, d'une chasse dans laquelle les
» [Srinces rassembioiem alors leurs chasseurs pour .combattre, dans les
39 forêts et sur les montagnes, des lions et de* sangliers. *> On pourrait
demander aip bibliothécaire ce qu'il fait des mots turc Jfpxi? , de ^
nourrie oAtâ'ép dwpm i*o *&.i%oït* s'il né toit pas de toute évidence qu'il
n'a pas même regardé le texte.
Mais voici , selon lui , une preuve décisive de l'ancienneté, du poème.
La mention fréquente que le poète fait des signes du zodiaque, attesterait
à elle seule, comme on l'a déjà dit, qu'if ne peut être Homère , puisque
les Grecs de son temps ne connoissoient pas Je zodiaque. Là-dessus ,
le bibliothécaire d'Ascoii prend un peu d'humeur : « Eh quoi! dit-.
» il à ce sujet , le poète étoit-H obligé de dire tout ce qu'il avoit
y
(1) Voyage fin. en Grice, II, 297.— (2) Tw P 7r jûwotmf urne] r/>*fSrr
%jm Vf te m**<? {put tiV» Mirnç,\ jjua* T$?m JtàJeme *ftf&nvt\ «^«AiW V
iihïm, mmwif 7i»vrnftM$»»H Q«»r<r »W rant #*?<-. ST. **t ■».. 1* rf Twhcn
xomm.de Q. oTsect, 1, 5. 13.
.... .. - ^ .
- T
".■• JANVIER iB%& I ' 37
«appris des zodiaques de Tecuyrl* et de Iattopoifs^'eri^ri 'mot de
» (astronomie que fen enteigécAv * 'Mem jibis •« daiwJla Yftebey aur
>xent porte»» dont lut rois ése*dai«ht'féun^tt>riqi)tèfes,4èWs sciences
net .leur commerce, jusque dam ta. Bactràn» et ta» lndés !*■!!< coh-'
tiniie arec fa même nhraciié t*« D'ailleurs; qu*anroit-on i HpStidi& h
» Fauteur, des ParaJipotnènel, Vil fous démo/moit luï-m'ènie-itr/row-
» iniquement que l'époque ;cit ihécriVott étotFVorilrte de ^â gWrrV'Jfel
» Troie i » Assurément rienv Mais voyons U d*lrttonflir»tion--« ÎDjnis le
«discours de Lycorm)de ft Néornoterne* H est dît : Je "tremble, -d mon
*> fils ! que tu ne-quitsea ces .rivage» dans le* temps ou le sbleff passe
n dm- sagittaire m eapricerm , au ,lors4*'ti fartage siiec Pktébi h four- et
» lis- térùkrts^ Très-certainement, Fépoque où le soleil partagé égile-
».ment avec Phcebé leljoùr «[Vks téÀèbtvs est fèquinoxe 5 et censé-
» qumment l'autre époque indiquée est le solstice d'hiver, M (hoii d'étfr;-
s> puisqu'il s'agît de mauvais temps» Cela nom reporte donc fe -ffpoque'
»où le solstice (fhtw.aroitliniv lorsque le soleil introït deris te'signé
*>du capricorne, c'est-à-dire, à iwnsr siieiet, -Doue, fauteur lies Paraît'
*pamèveS étoa «atemporaèn de ip guerre de Troîti » lie» fâcheux', pour
celte dimomirttioo, qu'il ne. soit, pas question le monts 'du monde,
dam le paseagejBegné ( i ) , mlétPkabé,. ne étt psrtêgt du fèttrW des
thùbns. Ity a fmHkxin plus d'une «hqse'k due sur cette! deméirslràtion
astronomique et mathématique. La circonstance principale sur laquelle
elle s'appuie, telle de Phctbépii partage te jeur et les Untbre», n'existe
que dans la traduction française de M^ Tourlet Pe deux thèses- l'une v
ouïe bibliothécaire d'Àscob aJuactte tsaduciion plue attentivement que
(1) X. 297 w. Je Cite le pacage: 'Apà e$ Aî/H , -nute , i'»V niât ,i(mfiiaiai\
nny», h T&nt&t, r ôfarAtt, &t: ii «ma, | -ïWf, Ït' 'afaïuptï Vtryj^w,"
»'&vra\ n'ùiW, fiA-dn,-; ■:.;■ €.:■■.> .-.:■ pwngb ^\ifàmt\ «ÇmiIwV, .iir ;£$i4' Xfj-ejjr
IMl'wMf.ÛMW,^' M»V Ùuwcïe icain m.mw #C>*4 fl'ef nv| iUl&f KÊflf^eftùut
«m1 «rffwr Ûe*«W.l AiAft* S" ù fl»t«V £*n ùmmtà* f¥^i*\ifh'%»$îlh»fUe
Jr tàftd Ci'iSt* wfrm>. I fxwSw airawmi x'iy /**>« *aîn>i#7 GajjtamfJ. * «n
IU*r«Af Wxtnu Alttr, wgft w (ctw>l J*y<ft3« W,!^» •"« «Ao'r, ïr Jï yi âW|
«Erre*, ■» «tu tityi&în h'mi <À'or «#3^ olwwn | tut/èit it'imimkn^.lStrkaiè j^vjut
iau^tmt. Voici la traduction «/**» donné* Aï. Tmuittde ce tvag-'fawage,
remarquable par li redondance et. i^MOhjirtnca dpl(SU/lfli elle a I air d'Être
faite lâr nu aiifre texte, uot elle «ft inej|C(« et tropou^e. «Je frpoi^lf , o
»men fili.queni ne quittés ce rivage dani lé temps ou lé soleil passe du lagi.t-
» taire au signe «fè caprfeonse, ou hrpju'tt fartàgt avec PKoâéJf /éur'a'-ît*
» tinàbta. Redoute «uni fo*u«tt*udou rspprechtd'frhtprfetptttlt? Ptéhdet
*éuwHtmw*4* i)cîrj(lcs#a. a> lever (»u>.:dWift lie «ms^^w* f*«.
■ t« pas^Ule atomes, m Tem. ll,pag. 3a.
38 JOURNÂt D£S*SAfMANS,
son m^\isqripJ)o^^ mswXsctli ion^wkç^iioofm^iSérentedecdk
dçs, «WJWM*;. ^ «ita^vmte far l'effet
d'iu^sagacïtg rmwitàle^ MiGoû^^
dit-il, uoe cçpît ^m pet** * dtfpsiiser tf éclairer, ce doute* Mais la
men/iça df ,P4## s'y fr(niyeroa# qtieJacJémonstrittoom'en.serort pas
ineillture. Ojy^ a, ftij; jusquktde Meii malheurouipSoappyctthms de fci
précision des équiftOwSj&J* détêntidàtkui *b| ?4gë dp monuraens;
majs ceHe-cî e$j pn^ba Weaieht la plœnàJhe tueuse de tuâtes. Le soIsHoe
d'hiver, php$ lors. #¥ .passage d* sagittaire aiiiiaprioaiDe9 indique dne
antiquité. é$ twitc siicUsyïïQUi dit le :bibfcotlekairew Mais -pu. à-t-il
pris cela.! N'est-ce pas là au contraire précisément l'époque fixée pour
le solstice d'hivftr p$r les fiâtes .ej dajcndriers towains^ll <&*i clair que
Lyco^ède pats* «*? ré vue toutes les épéques de Tannée regardées par les
ancien* coinme, celles où h navigatkméféit.daageMpse^ savoir f le corn*
mea&imeiit de l'hiver, k l'époque du solstice,, km de f entrée /dp solpii
dans le capricorne s réquinoû d'automne; lai coucher des Pléiades , qui
a voit bfi\k le 8 novembre. .C'est eoeoce une époque? voisine dé çeifee4fe
qui est marquée pftr cette expression Qhscuiw :* Ou >qoand certaine
» astr^t sont entraînés: 4ans la vaste, ner* Qmn . descendant rers * (es
x> ténèbres.» \j$ couder Vespertinai de b c^tùse 'MOêm? e^oit <tte»
2} la fin d'avril; l'époque où, ayant passé ia monié| du temps de sénappa**
ritiqn nçtttirae » il cpoirnence. A desoeâdre yera^son coucher/ doit *é*
pondttà wv&nbrt t>u déoembra.:Toii(tcf cesMdicatidns se rapportent
avçc, évidente àfépoc£ie romaine. ■„■■. - . -i :.; . ,.•• tup
. ÎJfapa. n'insisterons' gaa davantage sur Ja validité des. autres prewv«e
que le bibliothécaire rapporte en faveur de la haute antiquité du
poème | nos lecteurs en savent maintenant ft-d«$us "auTtfflrqifit 'fifuT
II résume sa longue dissertation en disant ? ^.Vpiqla conséquence
» qu'il fiiu tirer de ces, recherches. Il y ^, dans^p pofme, des chants
*> entiers qui respirer le génie tfJipraè^e quand: ikétoit dans la force
»de fige et du talent} et <hao«n sait que ^génle ne sSmhe point;
» D'autres trahissent là vferlfeste "du poêté >Toà a^jtërtffenrtent attx époques
» de son sommeil, ^ii#^ çt Ton y ren-
>>f»otrç *o«pen&^ A* ^ .. .*
M* le professeur de ftiniversité ionieone»ne troav* rien- k redire à
toot celai bien au -46ittraife ■f-irCertfcsV dft-ify trtôhvértérable, votrç
* avét #tt tant tfc clarté et âfc'tarbts tfans le1 çVrs de çè^ç ^cussi^ ^
» c^é . vous avea^ fini, gw.^^tnuqpt,:^!!^., wwm #tfsi*ttblew*
QuftJ* JtfMrçtbéçaij*^^ traduction française?
porte4fa'itk4ugwne*i*y Wp jfétenrier
que* M. •Coettiarifirt Këft&fcs, professeur dans u« rniî^rtiti grecque,
teéêéf I Té*<Jt*'iF aaifcfe , éàw ta lëcflirè d'Hoirie* , ibiï às*« ihàrràïs
tng%^fifaît de stytë, pour* itt&nnof tre fa rrtffn du cH&ntre de flKadë
Ans uti pbëme du se troutcttt parfois de beaux morceaux , mars dont
le nyfe> la versification et les idées trahissent à chaque pas Pépoque des
Coluthus, dès Nôrnius et dés Ttyphfodore.
Avahftfe se sëjparer de soh interlocuteur * M« Constantin Koliades
loi dit : ce Mon cœur sept le besoin dé vous offrir un fiibfe hommage
»*de ma reconnoissanœ. en' tons communiquant te résultat de mes
^voyages. Je croîs avoir découvert (ici M. Constantin Koliades oublie
*qué c'est son père ètnôri pas fui qui à fait cette découverte : suum
»t*iqut) que cet auteur est Ulysse, toi d'Ithaque, et le fragment
» précieux que Jte viens de voir ért utie preuve convaincante de fa
» vérité de diéi conjectures.» Le vieillard, à son tour r est frappé
comme d'un trait de tanière ; i! s'écrie t Per Dio, te bon } vtro, } bat
troveto. Pour ne pas demeurer ërt resté if nh si bon procédé, if fait
présent à M. Constarttfa KoHàdes <Tune belle copie dû précieux fiag-
tneni et Hmère ; puis Hs se séparent en se Jurant une amitié éternelle.
M: KoKades -vèvhrt dwè sort pays, ou il eut fe double chagrin d'ap-
prendre la mort de tord Guilfort , son biehfaitèbr, et celle de son père,
à laquelle if tâétott pas préparé, pùfcqu'S sôri arrivée à Corfbu if en
recevoit encore dès nouvelles très-satiifafomtes : «Ces deux hommes
» vertueux, dît- il, sont au iefn de la divinité, où ifs intercèdent encore
» pour le salut de la Crée* et la patx du Monde. » II termine enfin
son livre par fe profet <Ftm monument qu'on éfevéroh k Homère , dans
file d'Ithaque, portant, Comme on fa- dit plus tant, répigrapljè
OATI2ETÏ OM-HPOX , tfeat-*-tiiW , seloft la tnducdoû du professeur
dans l'université ionienne 9 concernant TJlystt, en Mm temps héros et
poète.
Nous avons tâché klè dbAner, daitt cette atiafyse, une idée exacte de
la hotoveffe* hypothèse , et de ftiéftre nos teétëutt eh état de juger de ce
nouvel essai pour rtiottdré1 Ùfte qtfeiti6à hxsbfubîe. Peut-être pen-
seront-ils comme riertit que Spiridlôdi Koliades itoroft pti garder son
tecrèt sans un grand iffewvénîéhf péàr htitièncè. Son hypothèse
n'est pas seulement invraisemblable , défaut qu'elle partage avec
(Tau très , elfe a de plus celui ifê ne reposer que sur des argumens
sans aucune valeur, et. 4&r* en q^nu^cHon avec In *wfa» notions
qu'on peut regarder comme positive* relativement à -Té^oque d'Ho-
mère. Pour ne chef que les plu* antiete btsràriens qui nous en parient,
Hérodote le faisoit vivre 4oo ans avant lui* c'est-à-dire, environ 300
4c JOUBLNAt Pf#/$*V;ÀNS,
ans après la guerre d^. Troie [i\; et Thuçydifte, sans marquer d'épo-
que» iti^qt&'ii yivoît fort long- temps après cette guerre (a). Leur opinion
est qçefy inéepar plusieurs traita de rilipde, Lorsque au début du catalo-
gue* te poète invoque les Muses pour qu'elles lui révèlent les noms
des guerriers» il dit : a Car nous autres hommes nous n'entendons que
y> te bruit' de la* renommée* » Cela n'annonce-il pas qu'il vivoit long-
temps, après L'événement! Faites-en 'un contemporain» et sur-tout un
témoin de. l'événement, et le vers n'a plus de sens. C'est Pope qui Ta
rëmargué je premier», et c'est avec toute justesse» quoi qu'en ait dit
Mitfbrd. JUes passages ou le poète, parlant des énormes pierres lancées
par Diomède et Hector,, dhque deux- hommes tels qu'ils existent aujour-
d'hui ne ppurrpient seulement les soulever, 'annoncent encore évw
demuiextt une date postérieure de, beaucoup à- la guerre de Troie.
Suppqser, cpttypie QA. Constantin KoKades, que le poète auroit com-
pps'é ses puvfage^ dans cm âge avancé» pe suffit pas pour rendre compte
de Ja difficulté. Les anciens ne s'en sont pas iàit.une autre idée. Virgile ,
en imitait ces passages , Quaiiu mené homàntm fr^ucit corpora tellus(4),
a bien montré Je seos qu'il y attac^çi(« Veileius Paterculus les cite en
preuve, qu H 9 mère, vivoit long- temps après la gperre de Troie t hoc
enim uLhçminum* ita.seçulprum notatur différente ( j ). ,
: ^QufW:^ ^ patrie d'Homère, çn mettait de côtéja plupart des in*
diçes .que W*>od. a tirés de ses poèmes -pour prouver qu'il étoit d'Ionie,
parce qu'ils i^^rouvent.rien* il reste; le vers du catalogue où le poète
dit que les Locriens sont situés au-delà de VEubie (6)9 ce qui annonce
que l'auteur de ce catalogue écri voit dans un. lieu, situé à l'orient de la
Grècç* II est étrange que M. Constantin ICpliadea, qui,connoît si bien
Honièrç', .n'ait fah nulle attention à ce; passage, qui doit détruire son
système à se* Jeux ^puisqu'il ne recoonoît qu'une m^in dans fiiiade.
Quant aux partisans de l'opinion de Woïf et de Heyne , ifs ne
tireront d'autre conséquence du ven9 sinon quç: l'auteur du catalogue #
netoit.pas du continent de {a Grèç£;. encpçe .ne serait-elle pas tort
rigoureuse , car le. vers peut être une intfrpolatioiv
jl n'y a doijc «m'up seul foifc positif à: -tiret, des passages des anciens
et despoéiues; homériques co/iceru^nt feur, auteur »c'e*t qu'il a vécu
1 t •
• « 'ri
rito
-■ \i) HcroA* //, *»; — (i) Tfcècnfr t,'Ji W*w-&irç?f'-"»r Tputwr. ' —
<-.{ foi:/.'!* ti'iib •ù-t&'j ,.»,I i::*:: i.:.: ;ofa w-ï.' '.:/■.:*: . .'.'. . —
JANVIER 1830. 4i
long-temps après la guerre de Troie: mais combien de temps! voilà
ce qu'on ne saura jamais, pas plus que le véritable emplacement de
Troie et le théâtre des voyages d'Ulysse.
La science de l'antiquité présente encore assez de questions à ré-
soudre, assez d'utiles recherches à faire. C'est lui rendre service que
de signaler celles dont la solution est évidemment désespérée; car
elles ne sont bonnes qu'à faire naître de ces disputes interminables,
où Ton fait assaut de mauvaises raisons, personne n'en ayant de bonnes
à donner. Leur moindre inconvénient est de n'aboutir et de ne pouvoir
aboutira rien; car elfes en oqt un bien plus grand encore, c'est d'entre-
tenir, parmi les gens superficiels, l'idée trop répandue qu'on peut tout
soutenir et rendre probable dans les recherches d'érudition , et qu'il suffit
pour cela d'un peu d'esprit, d'une sorte d'adresse à torturer quelques
passages tirés le plus souvent d'auteurs qu'on n'a jamais lus. Rien ne seroit
plus propre à favoriser cet injuste préjugé que certains ouvrages qui
paroissent de notre temps, et sur-tout que les éloges dont ils sont l'objet.
LETRONNE.
Mon u mens et Ouvrages d'art antiques , restitués d'après les
\ descriptions des écrivains, et accompagnes de dissertations
archéologiques, par M. Quatremère de Quincy ; 2 vol. pet.
in-jbL Paris, 1826 et 1828; chez J. Renouard.
Il y a deux manières de concevoir et de traiter l'antiquité figurée.
L'un et consiste à restituer^ l'aide du dessin, le monument perdu ou
anéanti, en s'aidant autant qu'il est possible de la description de ce
monument, telle que les anciens nous l'ont transmise, d'une façon plus ou
moins exacte ou complète, en traits plus ou moins vagues ou caracté-
ristiques ; l'autre se borne à l'interprétation des monumens existons et
connus, en combinant toutes les données antiques que peut fournir,
soit l'étude des textes, soit l'examen et la confrontation de ces mo-
numens eux-mêmes. Chacune de ces deux méthodes a ses avantages et
ses inconvéniens. Si la première, exploitant à son gré tout le domaine
du possible, s'attache à tirer de l'oubli, à sauver de la destruction même
les oeuvres d'un art qui n'est plus; si, en recomposant pièce à pièce,
en rétablissant en leur entier des monumens dont l'existence, après
avoir été une merveille, étoit restée un problème, elle ouvre ainsi à nos
F
4* JOURNAL DES SAVANS,
connoissances un monde tout nouveau» h mesure qu'elle recule les. li-
mites du monde ancien, on ne sauroit nier, cTun autre côté, que fe
résultat de ces doctes et ingénieuses combinaisons n'ait toujours quelque
chose d'illusoire. Quelque fidèle aux traits de la description antique
que soit l'image créée par le génie moderne; avec quelque habileté
que fa science et le goût , l'érudition et le dessin , se soient combinés
pour la produire, un monument restitué de cette manière n'est jamais
qu'un monument imaginaire ; ce n'est qu'un souvenir idéal fixé sous
une forme positive. Le seul fait réef que l'antiquaire ait établi, c'est
que l'ouvrage ancien était possible; mais ce n'est jamais, en définitive*
que sa propre pensée qu'il a revêtue d'un corps sensible ; et plus cette
image qu'il nous présente est précise, plus elle est hypothétique; plus
if fa rend palpable, et plus elle est arbitraire; plus il y fait entrer d'é-
fémens antiques , et plus elle se trouve chargée de traits modernes.
L'autre méthode, en ne recherchant dans l'antiquité figurée que ce
qui est, c'est-à-dire , la moindre partie de ce qui fut, se condamne, par
cela même, à n'embrasser l'art des anciens que d'une manière trop
étroite, et à ne l'apprécier que d'une manière trop exclusive. En réglant
ses idées d'après le seul monument qu'il possède, l'antiquaire se trouve
trop aisément conduit à n'estimer que ce qu'il connoît, à généraliser
des faits particuliers, et à fonderies principes sur des exceptions. Mais,
d'un autre côté, if a du moins, pour les vérités qu'if établit, comme
pour les erreurs mêmes qu'il commet, une base solide, un élément
réef. Il ne s'égare pas dans le vide; il ne poursuit pas une ombre; if
s'attache à quelque chose de sensible et de palpable; il n'interprète
que ce qui existe. Si son explication tombe, le monument reste; et
<?est un fait qui demeure dès ce moment acquis à là science, et qui
profite tôt ou tard à la vérité. •
Dans un temps ofi les monumens éi oient encore rares et mal cômp/is,
if étoit naturel qu'on s'attachât de préférence à la première méthode ;
que l'on essayât de suppléer à l'indigence où l'on itoit, en cherchant
dans les textes ce qu'on ne trouvoit pas dans les musées; en un morK
que l'on recomposât des monumens fictifs, faute de monumens réels à
exploiter. Ainsi , en France, M. de Gaylus, publiant une galerie de ta-
bleaux homériques, ou cherchant à faire revivre fa peinture encaustiqué
des anciens à l'aide de procédés nouveaux, ou rétablissant par la
pensée et par le crayon des monumens dont il ne subsistoit plus qu'une
description superficielle, quelquefois même une simple mention, té-
moignoit ainsi combien étoit alors étroit et borné le domaine de l'ar-
chéologie. On voit, par l'activité des efforts, par la variété dés travaux
JANVIER 1830. 4?
de cet habile homme , si digne encore de respect dams ses erreurs
mêmes , comment on croyoît pouvoir alors suppléer , par les ressources
de l'érudition ou de Fart moderne , à l'insuffisance de ce qu'on avoit
recouvré de mo nu mens antiques, et que c'étoit , en quelque sorte , par
impuissance ou par désespoir de faire des découvertes réelles dans le sol
classique, que l'on fouilloit dans les auteurs, pour en extraire au moins
une image des monumens qui manquoient. Mais depuis le siècle de
Caylqs, tant de découvertes heureuses se sont opérées , et se succèdent
encore tous les jours, sur tous les points du vaste champ de f antiquité;
tant de monumens de toute espèce ont été rendus à la lumière ; tant
de notions positives ont remplacé les fausses idées d'une science con-
jecturale , que les études archéologiques ont dû prendre l'autre direction
qui a été indiquée. Winckelmann contribua plus que personne à ramener
.l'antiquité figurée dans cette voie, où Visconti et Zoëga marchèrent à
son exemple, et où tout ce que l'Europe compte aujourd'hui d'anti-
quaires s'efforce de suivre, chacun suivant la mesure de ses facultés
ou de ses ressources, les traces de ces grands hommes; et telle est
l'étendue d'une carrière si loin encore d'être épuisée, et qui semble
même s'agrandir à mesure qu'elle s'exploite, que l'archéologie ne
déviera plus, suivant toute apparence, de cette marche régulière et
sûre, et ne renoncera plus à cette méthode expérimentale et positive,
si ce n'est à de rares intervalles, et sauf quelques exceptions plus ou
moins importantes.
C'est dans Tune de ces exceptions , et certainement dans la plus
recommandabie de toutes, que se placent la plupart des travaux de
M. Quat remère de Quincy. Familier avec la pratique de tous les arts
du dessin, autant que versé dans leur histoire, aucun antiquaire n'a eu
peut-être, depuis la renaissance des lettres , autant de moyens de
traiter avec succès l'archéologie , sous l'un ou l'autre des rapports dont
il a été question, ou sous tous les deux à-Ia-fbis. Aucun ne pouvoit
apporter k cette étude un sentiment plus vrai, un discernement plus
éclairé des beautés antiques, et ne pouvoit embrasser, d'un coup-d'oeil
plus vaste et plus sûr , la théorie générale de l'art et ses nombreuses
applications; Mais c'est sur-tout vers la méthode de restitution que
M. Quâtremère de Quincy se trouvoit entraîné, par la nature particu-
lière de son esprit et par toute la direction de ses études. Il étoit doué
de cette vue métaphysique quf devine le génie de l'art , à part fes monu-
mens, et qui recompose ces monumens eux-mêmes, à l'aide de leurs
moindres élémens. II possédoit , en même temps, dans fe crayon , un
instrument sûr et prompt, avec lequel seul l'antiquaire peut toujours
F a
44 JOURNAL DES SA.VANS,
•
réaifser ce qu il conçoit et recréer ce qu'il retrouve. Aussi M. Quatre-
mère de Quincy s'est-il plus occupé, dans tout le cours d une vie labo-
rieuse, de restituer à la science les monumens qu'elle a perdus» que
d'interpréter ceux qu'elle a recouvrés; aussi s'est- il plus servi, dans ses
restitutions elles- mêm^s, des textes pour faire des monumens, que des
monumens pour expliquer des textes; et dans cet emploi de l'érudition,
s'est-il encore aidé du dessin plus que de toute autre chose. C'est
ainsi qu'il avoit fixé les vrais principes et déterminé les vrais caractères
de l'architecture égyptienne , avant qu'on en eût connu les monumens
d'une manière tant soit peu fidèle; c'est ainsi qu'à l'occasion du Jupiter
Olympien de Phidias, dont il s'étoit proposé de rechercher pièce à
pièce les élémens, et de relever, si je puis parler ainsi, toute la ma-
chine, il avoit recomposé un art tout entier; et si la merveille de (a
sculpture antique, ressuscitée par l'érudition, reste toujours anéantie
par le fait, l'art qui la produisit a vu: du moins son existence constatée,
son histoire rétablie, ses procédés expliqués , ses secrets même décou-
verts; et un grand fait est venu prendre, dans nos connoissances, la
place qu'a voient laissée vide tant de monumens détruits sans retour.
Ce sont de nouvelles applications du système dans lequel ont été pro-
duits la plupart des travaux de M. Quatremère de Quincy, que présentent
les deux volumes dont nous renddhs compte ; ce sont encore des monu-
ment restitués. Mais quelques-uns de ceux qui font partie de ce recueil
n'y paroissent pas pour la première fois. Ainsi. la restitution du char
funéraire d'Alexandre, et celle du bûcher d* Hé phœstio ri, avoient été déjà
publiées dans un des volumes des nouveaux Mémoires de l'Académie
royale des belles-lettres , aussi bien que la restitution de la Minerve du
Parthénon, dans le Jupiter Olympien, pag. 226. et suiv., sauf quelques
rectifications ou additions qui changent trop peu de chose à la nafure*et
au résultat de ces divers travaux, pour exiger que nous en rendions un
compte particulier. Nous nous attacherons de préférence aux trois
dissertations nouvelles que nous offre cet intéressant recueil.
. La première a pour objet la restitution du tombeau de Porsenna,
monument de l'antiquité étrusque , décrit par Pline , sur la foi ou même
avec Ie$ propres expressions dé Varron (1). Ce n'est pas la première
fois que ce monument a donné lieu à un travail semblable , bien que
M. Quatremère de Quincy regarde M. de Caylus comme le seul critique,
à sa connoissançe , qui ait p nu frappé de ce qu'il y a d'impraticable dans
la disposition de ce .monument, tel -que le texte et les versions de Pline en
ii 1
(1) Plin. Hist. nat. XXXV 1, 19, .4.
JANVIER 183a 4*
dennent idée (1). M. Quatremère de Quincy ne pouvoit cependant pa»
ignorer les discussions qui s'étoient élevées à ce sujet entre des sàvçnq
italiens, toujours si jaloux d'illustrer à leur manière les monumewhidc
leur pays. Ainsi * $ans; parler de la dissertation italienne du P. Gorten
novis {z)f où le tombçau de Porsenna est représenté, avec ses pyraitiidefc
et ses coupolqs, comme une grande machine électrique , plus meiiv«£>
leuse encore que. n'est le fabuleux monument décrit par Pline, oui
même , sans remonter jusqu'à Léon-Baptiste Alberti , qui en admettoâ^
la réalité, en n'en retranchant que le petasus de bronze (3) , ce monur
ment avoit trouvé, parmi les académiciens de Cortone , des défen-
seurs et des restaurateurs (4/ 9 aussi bien que de vigoureux adversaires
parmi d'autres antiquaires de Rome et de Chiusi même (5). On est allé
jusqu'à vouloir retrouver des restes du labyrinthe de Porsenna (6) y dont
Pline déclare, pourtant, en termes assez positifs, qui/ ne subsistoii.ét
son temps aucun vestige ; et la querelle s'est continuée sur ce terrain;,
jusqu'à nos jours, où des architectes tels que M. del Rosso (7), et de*
savans tels que M* Orioli (8) , ont cru pouvoir soutenir, jusqu'à un cer-
tain, point, l'existence du monument de Porsenna, en se fondant. sur
quelques analogies, plus, ou moins réelles , plus ou moins applicables \
la. question | que .présentent d'autres tombeaux antiques. Toute cette
con reverse archéologique méritoit bien peut-être dç n'être pas atftSf.
complètement omise par M. Quatremère de Quincy, notammeiH fa\
restitution proposée, par Orsiqi et accompagnée de six planches gravées^
où le monument de, Porsenna est reproduit sous tous ses aspects, av£ç>
pians, Couper, détail* et élévation (9). M, Quatremère de Quincjh
n'ignoroit pas non. plus sans doute que d'autres savans, tels qu^j
M. Hirt, avoient déclaré fabuleux de tout point le monument efl
(i) PojLk 131* — [2) Del Mausoleù di Porsenna , disserta^ 0 ne del padr, D.
Angefo Cortenovis. — (3) L. B. Alberti, de Re œdificatoriâ , lib. VIII, c/'jJ
— (4) Voyez la dissertation du D.r Luigi 1 ra monta ni, sopra Vaniico Aiomfi
mémo del re. iPorsemw, dans le IX.* volume.du recueil de l'Académie de Cortone^
pag. 54-70, avec un appendice du même, pag. 70-72. — (5) Voyez les obserh
varions d'un anonyme (Onofrio tfoni ) sul Laberinto di Porsenna , dana le
second rohime des MeinorU per le belle arti , pag. çcxxxv-iccxlj, Roma, 1708.
Des doutes semblables avoient été exprimés par un antiquaire de Chiusi,
Màcchioni, dans sa Desertyione délia famiglia Cilnea , Napoli, 1688 ; et plutf
récemment, un sa va.pt [florentin, M. fialdelli, a cru devoir adopter et suivre sa M
restriction l'opinion -sévère d'Onofrio Boni; voy. son Saggio di antiçhuàprimixive,
pag.. \\6. -- (6) oaniï^Viaggio, II, 392. — (7) G. del Rosso, Congetture sopnji
due nionumehit ètrusco-fiesolani, Pisa , 1 826 ; voy. pag. 23-30. — (8) Dei sepolcrall
Eéifizr deW Etruria m<^; fe. -PoHgraf. fiesot , 1 820 , in -4?— (9) WïSupph-
mentoalla Dissertazione di L. Tramvv tari i+ dani le lX*cvol\iToe Àcs^Dissettaçioni
di Cortona ; 72-82.
/
4* JOURNAL DES SAVANS,
question , d'après des motifs assez graves , rires soit de (impossibilité
physique de la construction , soit de fa disparition totale d'un pareil
tombeau dans l'espace de quelques siècles» et dans un pays où des
monument de ce genre se trouvoient si notoirement placés sous la
double protection de l'orgueil national et du sentiment religieux (i).
Quor qu'il en soit, M, Quatremère de Quincy s'est attaché uniquement
k montrer, par la discussion du texte de Pline, que le monument étoft
possible , et conséquem ment qu'il étoit réel. C'est sous ce rapport que
nous allons examiner brièvement l'opinion nouvelle qu'il propose.
La principale difficulté du texte de Pline , à part les mots jabulositas
et fabula, que l'on peut entendre dans un sens plus ou moins rigou-
reux % sans que cela tire beaucoup à conséquence , réside, de l'aveu de
tous les critiques , et de celui de M. Quatremère de Quincy lui-même,,
dans le mo,t supra, qui indique une superposition immédiate et verticale
de pyramides ; mot répété trois fois dans le texte de Pline, 4 l'occasion
des trois étages dont se composoit le monument. Cette élévation perpen-
diculaire de trois étages dé masses pyramidales ayant paru une chose
impossible d'après toutes les données de l'art de bâtir, chacun a essayé
d'éluder de diverses manières le sens positif et absolu de cette préposition
embarrassante; et l'interprétation qu'en propose à son tour M. Quatre-
mère de Quincy , est que cette supra-position, comme il s'exprime , n'a
pu ttre qu'en retraite, ou si on l'aime mieux, en amphithéâtre, de la manière
a**un gradin est dit être au-dessus d'un autre, quoiqu'il soit en reculée.
Oest aaprès cette idée qu'if a restitué le tombeau dePorsenna, lequel eit
devenu, de cette manière, un monument presque ordinaire. Mais c'est
précisément en cela que pèche , suivant nous , la nouvelle explication.
Il est clair que Pline, voulant donner Fidée d'un monument tout- à-fait
particulier, d'un édifice qui, dans sa structure comme dans ses pro-
portions, ex ce doit toutes les notions reçues , cum excédât omnia fabulositas,
n'a pu, après une pareille déclaration, décrire un monument aussi
simple » aussi facile à bâtir et à concevoir , que celui qui résulteroit de la
disposition de trois étages en retraite ou en amphithéâtre. Pline se sert
trois fois , et certainement avec intention, du mot supra, que M. Quatre-
mère traduit la prefnière fois par sur, la seconde fois par plus haut, et la
troisième par au-dessus* De là, il résulte nécessairement que le sens de
Pline n'est pas rendu , et qu'en réduisant ainsi la difficulté à une subtilité
Jram maritale, le problème reste encore à résoudre. Il en est de même
Il autres difficultés de détail , telles que Vorbis aneus et petasus, placés
(l) Hirt» ûmékkt àer Baukuhtt, I, 249*2)0.
JANVIER 1830. 47
de manière, dit Pline, ut unus omnibus sic tmpositus, c'est-à-dire,
que sur toutes ces pyramides rignoit un globe et un chapeau, qui \s cul
les .couvrait toutes. M, Quatremère de Quincy, supposant ici une
ambiguïté causée , selon lui , par la manière trop littérale dont Varron
tfeduisoit là chronique étrusque , pense qu'il faut entendre ici omnibus
dans le sens de singulis , en sorte que ce globe unique , qui couvroit lt$
cinq pyramides, se réduiroità un seul globe pour chacune des cinq
pyramides; et ce seroit par une suite de la même amphibologie que
Pline auroit parlé d'un seul globe, supra quem orbcm , au lieu de cinq
globes, qui se sèroient trouvés effectivement. En changeant ainsi Pac-
Ception ou le nombre des mots , et même en leur substituant d'autres
mots, M. Quatremère de Quincy 'réduit assez aisément le monu-
ment de Porsenna à des élémens simples et à des formes commune*;
et toutes ces suppositions admises, fa restitution qu'il présente de ce
monument devient très-facile et nous semble très- satisfaisante. Mais ce
(Jurnous paroft évident, c'est que cette restitution n* répond en aucune
façon à l'intention de l'auteur ancien. Quant aux exemples de mont»-
mens analogues, que M. Quatremère de Quincy. allègue à Tappui de
sa restitution, savoir, le tombeau d'Àlyatte, tel qu'il e$t décrit par
Hérodote (1), étfe prétendu tombeau des Curiaces, pvèsd'ÀIbano (1)*
cette analogie, remarquée parla plupart des critiques, entre autres par
M. Orioli (3) , par M. Niebuhr (4) » et tout récemment encore par
M* Ott. Mùller ( j) , se réduit à l'emploi de cinq pyramides dressées sûr
un mêmte plan, aux quatre angles et au centre d'un massif carré, ce qui
offre effectivement un des principaux élémens du tombeau de Porsenna,
et une disposition d'origine étrusque (6) et asiatique applicable à la
première et à (a dernière partie de ce tombeau, mais ce qui ne présente
dû reste aucun rapport avec tes trois ordres de pyramides ou superposées
ou en retraite. De tout Ceci il résulte que le monument de Porsenna,
te! qu'il est décrit par Pline d'après Varron, complètement détruit
qu'il et oit du temps de Varron et de Pline, est un monument imagi-
*
* • »
(1) Herodot, l ,pj. — (2) Bartoli . Sevolc. ant. tav. I et 2. — (a) Pag, 22-20
—{4) Rom. GeschA, 87. — (j) Vie Etrysk. IV, 2, 1 , II, 220. — (6) L'opi-
nion (a plus vraisemblable, au sujet du prétendu tombeau des Curiaces, est celle
qura exposée récemment M, Nfbby, Viaggio antiq. nei contotni d\ Roma, II,
144-145» suivant laquelle ce tombeau , de forme vraiment étrusque, auroit
été celui d'Aruns, fils de PoTsenna, tué dans un, combat, près d'Aricia;
Tit. Liv. 11,0* J'ai moi-même publié un monument étrusque, duquel il résulte
que la disposition de ce tombeau étoit effectivement conforme à des données
étrusques. Voy. mes Monument inédits > pi. XXI, n* 4.
40 JOURNAL DES SAVANS.
naife, dans fa disposition duquel il entrait néanmoins des élécnens réels
'et vraiment étrusques , tels que les cinq pyramides érigées sur un sou-
bassement carré, et couvertes probablement d'un globe ou d'un chapeau
de: bronze; telle est l'opinion énoncée en dernier lieu par M. Hirt et
par M. Mu fier, opinion suivant laquelle la fable étrusque du tombeau
de Porsenna peut encore mériter une place dans l'histoire de l'art ,
comme tradition, prodigieusement exagérée dans les. termes où elle nous
est parvenue, mais fondée en partie sur quelque monument réel, ou
imaginée, d'après un système, proprement étrusque.
C'est encore la restitution d'un monument décrit* par le seul Pline
entre tous les auteurs qui nous sont restés de l'antiquité, et déclaré
impossible par la plupart des critiques modernes, que M. Quatremère
de Quiney a entreprise dans le second mémoire dont nous allons parler.
Il s'agit d'une peinture de Parrhasius, qui dut être fort célèbre, à en
juger parla manière dont elle étoit conçue et exécutée, du tableau où
Parrhasius s'etoit proposé , dit Pline (i), de représenter le peuple au
le. démos d'Athènes , avec toutes ses qualités et tous ses défauts. L'idée
de ce tableau , où dévoient se trouver cumulées tant d'expressions, non*
seulement diverses, mais encore contradictoires, a paru pleine de
difficultés insurmontables, de quelque manière qu'elle eût été réalisée,
soit par un seul personnage , soit par une réunion de plusieurs figures.
Aussi la plupart, des. critiques se sont-ils accordés à rejeter l'existence
de ce tableau comme impossible, et ceux qui ont cru pouvoir l'ad-
mettre comme réelle, n'en ont-ils proposé que des explications plus
pu moins invraisemblables. M. Quatremère commence par établif ,
contre l'opinion, de Caylus, premièrement que ce tableau a réelle-
ment été exécuté comme le décrit Pline, et malgré l'expression vo/e-
knt, dont se sert Pline; en second lieu, qu'un pareil tableau du peuple
d'Athènes, si mortifiant qu'il fût pour la vanité de ce peuple, pou-
voit être autorisé par l'exemple des. portraits satyriques du Démos
introduits dans les comédies d'Aristophane. En accordant k Fauteur
ÇÊS.Heux points, qui seroient cependant sujets encore à quelque con*
testation, le dernier sur -tout, puisqu'il n'y a réellement aucune parité
entré des caricatures théâtrales , passagères comme la représentation
ejle-même, et un tableau qui dut être fait pour un lieu public, ou
destiné à une longue existence, il s'agit de voir comment M. Quatre-
mère a cru pouvoir résoudre les difficultés bien autrement graves qui
résultant de la composition même du tableau. Caylus i'avoit jugée infi-
.■■ ' . •' ','.-■' ' * '
(i) Plin. Hist. nat., XXXV, JP> je, 5.
praticable, nuis* à *a Vérité , d'après le! raison» » étrangères™ •fonçi<Je,la
question, qui vieniteqt d'être indiquées. De|}iieàt>Lanaitae et W/ieJarid
n'avoie&t pu là concevoir autrement que par une réunion de figjireij
ce qui éloit s'éloigner, non-seulement du texte de. £ii*> npi* enCbiti
des habitudes de fart antique, et. en particulier » de 'celles d» talent dp
Parrhasius, qui ne peignit guère que des figures isolées. M. Quitter
mère ne semble connoître, que ces deux opinions , représentées parais*
noms de Oes quatre critiques* k* seuls qu'il ai* çkés et • qu'il: .se mm
attaché à réfuter, entre tous «les antiquaires moderne quiftesont qgcupfe
de cette question. Il étoit cependant d'autres expirations qutmérjtoiciH
d'être indiquées dans cette discussion 9 ne fût-ce que pour présenter VU
état complet des opinions sur ce point d'Archéologie; et je vais tâchefc
de suppléer» en quelques mots, au silence de M. Quat remère (i). . ;
Les interprètes du passage de Pline, et les critiques .de fhittqîre: d$
l'art qui s'en sont occupés». se partagent en detax grandes classes , les uiïa
qui nient fa possibilité du tableau en question , les autres qqj .çbercfiffif
à l'expliquer. Les premiers , entre lesquels . il existe encore quelque*
nuances d'opinions* regardent le récit de Pline comm^un conte ridicule»
dérivé de son ignorance en fait cTart, et de sa crédulité; jugement sévère»
exprimé avec quelque mesure par Eckhel (2) , et d'une manière plus
tranchante par M. Boettiger ( j) ; ou du moins ils le considèrent comme
une espèce de raillerie fine et détournée; c'étoit l'avis de Caylus (4)>
et c'est sans doute le moins probable de tous. La seconde classe sq
subdivise encore entre ceux qui expliquent le tableau de Parrhasius par
une seule figure, ou qui le recomposent à leur manière par une réu-
nion de groupes divers. A la tête des premiers se distinguent Winckçfr
mann ( j) et l'auteur des Lcttrts athéniennes (6) , ainsi qu'un artiste ajio-
(1) C'est ce qu'a fait l'auteur <Tun article intitulé der Demos dès Parrhasius,
et inséré dans le Kunstblatt , 1820, n. 11/pag. 43*44» P^ec l'intention de
f (réparer la solution de ce problème historique, plutôt qu'avec la prétention de
a donner lui- même. II manque cependant à cet article quelques indications que
j'ai ajoutées dans celui-ci, et sans doute il m'en sera écnapu^Dlus d'une encore
à moi-même; tant il est difficile, sur la moindre quesri^B^chto!ogrqne,«Ie
réunir tout ce qui a été dit, et sur-tout de dire ce qu'il y aW plus raisonnable.
—(2) Docf. ni/m. IV, 190. — (3) Vasengemàlde , 11 , 48*49.— (4) Mémoires de
VAcad. des inscriptions, XXV, 164-165. — (5) WLnckelmann a exprimé plusieurs
fois cette idée, dans son- écrit sur V Imitation, et dans son Essai sur l'allégorie';
voy. Werht , 1, 202, et II, 472. L'opinion que ses commentateurs allemands
exposent à leur tour ,'ibid. VI , 2, 180, au sujet du tableau de Parrhasius, est
celle du doute fondé principalement sur le caractère grave et nobU de toutes les
compositions historiques de ce peintre. -«- (6) Athéniens* Brief. 1 , 529.
$0 JOURNAL DES SAVANS,
nyifte, qui, dans le Muséum de Mtuset ( i) , a pris la peine d'indiquer
un k un les divers Irak* fie h physionomie, *vèc la eouféttr propre il
chacun d'eux v qui dévoient répondre aux deteçt expression* dttftteàtes
indiquées par Pline. II faut encore ajouter à ces chiques M, Hirt (2) ♦
qui se représente ie démos de Parriushis comme une seule Jtgure, et
même tomme un* figure de Jeune homme, en laissant du reste chacun
fibre de l'imaginer comme il l'entend : ce qui ne compromet te Juge-
tuent dé personne, mais ce qui n éclairât pas beaucoup ia question*
A cette occasion, je remarque que ie doute exprimé par M. Quat re-
mère au sujet d'une personnification du démos athénien sous les twits
dVm jeune homme, correspondante à celle des villes représentées par
desjemmes, cotoroe on les voit sur h célèbre base de Pouzxoles et sur
tant de médaille* grecques , que ce doute* disons-nous* est facile à dis-
siper 'par des autorités graves et nombreuses. Des statues du démos
d* Athènes erdu démos de Lacédémone sont citées, dans ces deux villes;
par Pausanias (3); et des statues semblables j groupées ensemble, telles
que celles du démos de By^ance couronnant celjii d'Athènes, et du
démos des Syrdctaains couronnant celui des Rhodiens, durent ètre.asse*
communes dans l'antiquité, à en juger d après ces exemples célèbres,
rapportés par Démosthène (4) et par Polybe (5). Mais it est vrai
qu'aucun de ces exemples ne paroft applicable k ridée du démoï de
Parrhasius , telle que Pline nous l'a donnée ; et il ne semble pas qu'on
paisse y rapporter non plus une image du peuple it Athènes peinte par
Aristotaus (o), bien que le docte et judicieux Heyne ait été d'avis
qu'on pouvoit interpréter, d'après" ces statues du démos, le passage de
PKne en question (7).
Parmi les critiques qui ont essayé d'expliquer le tabfeaa de «Par-
rhasius- par une réunion de groupes, M* Quatremère de Quxocy
nedevoit pas oublier Durand, qui, dans sa traduction ou paraphrase
du xxxv.c livre de Pline , développe et achève en ces termes la pensée
de son auteur : « Ce qu'il y a de plus hardi, c'est que toutes ces
«expressions si différentes y sont très-bien ménagées, distribuées en
» plusieurs groj^fc» et toutes renfermées dans un même cadre*;» et il
est probable qu^^est cette glose de Durand , conforme au sentiment
de DepHes, cjui a fourni la première idée des compositions imaginées par
(1) Meusels Muséum, v. J. 1789, 8.'* St. — (2) Bilderbach, H «eft,
S. iW.— ()) Pausan. 1, 3, *//,?, 4; su, il, A — (4) ï>ew>sdt; de
Coron, pag. aéj, Reiske. — (5V Polyb. Hist. y, 8&M6) P'™- Hier, nos.
xxxv, n> 4o» — (7) Heyne> Opuec, acad* 1 V , 406;
-M
Lanausé (s}"tt p*r Viefcnd j(a)*;M«is<il.cst unCare «ne inteiprcutipit
qui méritait tféqre seuueiilse,cef«nf diÉilisiii ds<*>ufiei> (es. auliefe, «t
offians néanmoins uarnoycn dé les coactfier» c>$t «elle du peintre
Grund , . auteur tfun traité «UeÉiand** r, Ar ptinhtrt des Grôch qu* <Mp*
pose que *e iKws dq Parrfaasius éioér est compwukx» ai phtaitq*
grattpetyioè><h>ifffi>oitAi figure idéale, dit jtf«w jteiwmnîfié et dhaiggft
d'attributs symboliques (j)y dus ie :gea*»d« lableaftiidePbiiostfatCi
mikuftr if&tajt. Toutefois» je dcés ebsonrer que cette <éBratèse analsçie
avok été séfiitée d'avance par Heyne (4K : • r ( : ^
- C'est «i»<xpinioo tente nonteUe ^aj>reposerà pdq tau* M. Que*
Henière<de Quincyi (Cette apkàorn est que ié tableau <^e Parràûsiu* fui
conçu dae* fesféft.<e*firàe éeiigqûs de Je caiicaturè^i confomaémeet
au etodèle peodwl pe^Aristepbadej et cetke «rkatete, M* Quatre*
mère pense ^priwi:peqt se Ja figjuer de deur ntanière** > soir par «ne
smie dcperiteàfigère* fçpréfcemant Je mètne personnage dans des Attî*
tildes et atec de} cupi^siaro différentes , en rapport *yec les diverses
passions JndJqoées par Wine, aoh ,• et c'eql à c^fte îdêç. que fautent,
s'arrête jcfc (uréftteas»* >aa moyen dfale oonyosîtioii -de, i plusieurs
masques Ôusôûins^ oo]t*ses d'aniataint symboliques * giôupéé ensemble
etoppofcésftsafc feàtre^ dans ie génie de ce qu'on appelle des gylttsu
Les dru» ipt indpaux motifs c$ai ont servi de base à cette explication t.
méritent <f être examinés séparément; cà* il y a ici plus d'une considéra*»
fron qui jort da cercle tfupt question particulière, et qui touche à>
fbisioire même de Fort. * t- A'<\ - • , j- •.■*. ,.a> v:- .n > t. ., <
' ' M. Quatremère stanorise, *n premier KetL, du témoignage de Pline
sur ia nature et ie caraèéèrc du aaknt de Pairhasms ;; qui pinxit ei Mino-
xibus tiàbetïn Kbidines Cêgmcre ptodantis joci se refichta* M. I Quatre-
Jtoése interprète xe m^$ iiblditcs par caprices t et en conséquence -il
«oit -dan* ces diUsteintns dt Ptyifaasnis, des peintures dans Je goût de
ilarabçsqœ ou< de ta caricature* Mais 3 anef>a*ott «émir* que Je mot
tilhelines M jamai*>eut dans cette plume de Pline? œt danp aucun, des
àombseear passage de car auteur , où .ie même iqot se reproduit (-j)*
d*autr*< sent que ceJid dé sujets tktncimx , comme l'ont entendu tous
» \> *~j . ■.'.", .•'..'. .. . tî '. . . -.t» '.UJ '...; ' ■
s .
mmmm
* • • ' ■ .' * J ■ i •* ' i- • - ^ I ' ' * > ■ ■ i ' l » t . '. . ! ' -• *..»•. ; ; i . I ' -
.JJlÛMms de VdcM'-i&Mesrlemb XXY, 2jj.^ (z\Aristipp. Brif.T, 300,
J26. — (3) Die Afalerei der Grièchen, occ, pag. 625. II est presque inutile de
ideûiiv ief «nelMte tadveitaece 4e Faàleur^ md ik^23«|risa .(^eju«e ) » au
iit*4tJD6^»^ûW^*D6 leteM dePUae;^(4)%tâiattiai tooi. V , tu ^8y
^^^ypato, grau tin ^rvtf| Ubidiacs c«Jce^ *r per obxœmutet biber*. Ideai^
XIV, 22: roitf adulteriix calata, tanquwnper separuw^ebtèa(\§bidix^s tmmeUntfa
G a
5* JOURNAL ÏI>$E .SJLVÀNS,
le* interprètes *t et mm Sût qudnotiif aitëuh né s'eét ;p*s sappeléj; mai*
tjuc i>*rtnd , dans igotf gtqetftm» fotiapfarase! de* (Pline, ift pu manqué
dtf TOqppcftter ici(t),*'est qme ^antiquité aroit oannn \m ée œ* petits
ti^kàxx /iunckax de Parrhashis , cf est • à savoir, une Atmimtte , qui fut
Mgééefr Tibère ,iet placée par aè prince dans sh propce dtftfàbte (2) : ce
<pri a* laisse jracun dpute sW Je griiiee de ne uhleait f et conaéqutmmpat
sor la riatbre- des détesemen* de Fanrhasiu&
■ * * - -
•/ Jfct; Quatremètede Quincy trouic «n second nmifà Jappai tb son
explication, dans l'usage que firent lès anciens de cet associations bi-
zan-çs tt symboliques de têtes <àe personnages • au d animaux envers,
espèces de mtétaphore* de la langue mstatfre»:prdpres à ej)|)eimef cer-
taines fcféëe'moraiesj reiigied&esott'p^ sujet, il cite
un* passage de, Platon, où H est question de fichage; tfm* monstre à plu*
tittirs têtes, SapiV xuuixou {pf tetauf jbèu-4 Bnage analogue à celte de
belhia multorum capimm d'Horate y qu'il : rapproche de celle qu'on
trpaye sur des pierres gravées, connues des antiquaires sons le nom, de
gtyUes on grypkes (3), lesquelles offrent» coéimeon aati* *n asaem-»
Mage de tètes humaines, ou de fragraenscTamn^aux divers^ disposés de
manière & former un seul animal grotesque, avet les, têtes ou fes-f^rties
ttonquées de plusieurs* Mais il y a ici , à ce qu'il rions jetable» pi us
djune méprise grave à relever. 12 'abord , -en ce qui concerne Jes pylltï
des pierres gravées» il n'est pis -douteux que la composition et Texécution
de ces pierres , du genre des. abraxas , n'appartiennent à une époque où
s'exerça l'empire des superstitions orientales , et conséquemment qu'il
ne saurait y avoir rien de xx>mniun entre ces combinaisons chimériques ,
produites pour la plupart sot» l'influence des idées gnostiquts» et les
compositions de fart grec. Il y a, nous ne craignons; pas' die f affirmer,
entre des monstres, tels que les grylles, et le démos de Parrhasius, quel
qu'il fût, un immense intervalle -de temps, une révolution toute entier©
dans Us principes et dans les habitudes de l'imitation. Quant au goit de
Veurabesque proprement dit, auquel; M. Quattemèrè est <Tavis que le
talent de Parrhasi us put descendre, par caprice 00 pqr délassement, il
est certain que cette opinion est contraire à l'idée que toute l'antiquité
nous a transmise du caractère de ce peintre, qui se recotnmandoit sur-
tout par l'élévation du style et par la profondeur et la vérité de Fex-
• • » • • .. . ■■ ■ • . > / . •. • ,
■ ■ ■ ' .M 1 ■ 1 ■ 1 1.1 11 11 1 ) w—mmmÊimmfm
de Du/and,
• »
#.*—(*) iSoetoq. in Tibet. 44$ *°y* * ce sujet Jet observations
pag. 048.*-* (j) Gori, *Wui. Flortnt. F, tab. xmtl> 50; Cayles,
Recueil d'anùq. tom. V, p. 409 Begtr, SpkUeg. JO, $ l y Garisrat* Dmjjuêtk.
11, 316*17; joa^a}; 66**9vu . / ^\ /":.■■ ^.- , .w «.. . ..\ m -.,
JANVIER 1830. i. 51
pression. Remarquer -que ctstpai -rapport à cette dernière qualité du
talent de Parrhasîus que Pline cite sa peinture. du démos comme offrant
le plus hairt'ctegré de lieîtetex^ressfoiî, pointa la plus extrême diffi-
culté vaincue; et jugez si oviJi&.&* pour exprimer la timidité, un sirig>$
pour rendre la colère , et ain.si du reste , seroient des moyens bien propres
à justifier ridée que Piîpe *en\ble *vpir conçue du prodigieux mérite de
ce tableau et du grand talent de son auteur. Quand même on admet*
trait que Parrfrasiu* pm ^e livrer à de pareils caprices et se délasser par
de pareilles images, û ne s'ènsuivroit pas que son démos eût été une
production de ce genre; car Pljne le cite dans le nombre de ses corn*
positions historiques ,' ou dû grand style, avec son Thésée, son Afé-
léagrc > son flertule, son Persée ; et dans' tous ces ouvrages, comme
osais les études de dessin que ftarrhasiu* avoit laissées et qui servoient
de modèles aux arfistea, comme dans ses petits tableaux licencieux eux-
mêmes, c'est toujours par la perfection dq dessin et par le mérite de
f expression <Jue se distinguoit son talent. Comment concilier de pa-
reils témoignages et de pareils faits avec l'idée d'une composition gro-
tesque et monstrueuse v telle que celle des gryllcs, exécutées d'après des
tombinaisons gnos tiques, par des mains déjà presque barbares, dans
le second et le troisième siècle de nôtre ère, et peut-être même plus
bas encor^L
L'exarom de l'hypothèse de M. Quatremèrede Quincy pou rr oit don-
ner lieu à beaucoup d'autres observations ; mais ce seroit courir le risque
de nous trop éloigner du seul objet que nous ayons dû nous proposer,
celui d'analyser les dissertations de ce savant, afin de mettre nos lec-
teurs à même d'en d'apprécier le sujet , le mérite et l'importance. De
la discussion , encore trop étendue peut-être , à laquelle nous venons
de nous livrer, il riésuke, pour nous servir de$ propres expressions de
M. Quatremère, qu'il est plus facUe de prouver ce que ne fut pas la pein-
ture du démos, qu'il ne le sera de dire ce qu'elle fut en effet. Aussi nous
garderons-nous bien de hasarder à notre tour la moindre conjecture
suf ce que fut ou ne fut pas cette peinturé, qui peut-être n'a jamais
éfcisté, telle que Pline la décrit, que dans l'imaginadon de cet auteur ,
trompé par quelque récit enthousiaste ou par quelque anecdote apo-
cryphe. Dans tui second article, nous rendrons compte du dernier mé-
moire de M. Quatremère de Quincy, qu'il nous reste à faire connaître,
sur la restitution des frontons du Paxthinon.
RÀOÙL-ROCHETTE.
■%*
54 JOURNAL DES SAVANS,
! , . .'"i ' ' 'j i ' ssessBsst^saaaaasaassssssB
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE, SOCIÉTÉS ACADÉMIQUES.
L'Académie des sciences a éfn M. Roussin pour remplir, dans là section de
géographie et navigation* la place vacante par le décès de M. de Rossd.
L'Académie royale des sciences, arts et Délies-lettres de Caen, a publié nn
volume de Mémoires, contenant les résultat* de set travaux durant les quatre
années 1825, 1826, 1827 et 1828; Caen, impr.^de Chalopin, 1829, 395 pages
?//-&• Ce volume contient, outre l'exposé aes^travaux de l'Académie par son
secrétaire , M. Hébert , des Mémoires de M. Trouvé, médecin, snr l'influence de
l'air de la mer et des bains de mer, tt sur la topographie médicale de i'hôtel-diea
de Caen; de M. Simon, sur les opérations géodesiqnes et topographiques du
département du Calvados; de MM. de Magncville et Hérault, sur les terrains
de te département ; de M. Labbey de la Roque, sur le siège du Mont-Saint-
Michel par les Anglais, en 1423 et 1424» one notice sur la vie et les ouvrages
de M. Lamouroux, par M. Eudes de Long-Champ; on rapport de M* Lair sur
les voyages de M. 4 UrviUe , &c. &c. •
La Société d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers , a fait pa«
roitre le Bulletin des travaux auxquels elle s'est livrée depuis le 2 juin 1 820 jusqu au
5 août, deux parties in-8.0 1 Poitiers, impr. de Saurin; !/• partie ,^I les- lettres,
sciences et ara, pag. 281-341 ; 2.c partie, agriculture, pa g. .42-60. Les deux articles
les plus étendes de la i.rr partie sont un essai (historique) de M. Filieau sur
l'ordre judiciaire et administratif dans le département de la Vienne, commence-
ment d'un travail qui devra jeter du jour sur l'histoire politigue du Poitou; et,
un rapport de M.~ Legentil- Laurence sur des essais de la méthode de M. Jacotot,
dite enseignement universel. — On vient d'imprimer â part une notice sur la
déesse Oca , par M. A. André ; Poitiers, Saurin, 1830, in- 8.*, 28 pag. C'est le
Mémoire dont nous avons fait mention dans notre cahier de juillet 1829*,
P*g- 44* > 44*- »
L'Académie royale des sciences* belles-lettres et arts de Bordeaux , vient
de faire imprimer chez. Brosler un vol. in-// intitulé Séance publique du
8 juin i8z$ , 234 pages avec o planches. Discours de M. Lacour, président.
Rapport sur lès travaux de l'Académie , par M. Blanc-Dutrouilh secrétaire
géaml. Notice sur M. Bosc Épttre à Zatmé, par M. Joiannet; dissertatiofc
du même snr des antiquités, sur des monumens de l'époque gauloise* Note
sur des ossexnens fossiles, par NL BillaudeL— -L'Académie n'a recq aucune,
réponse à là question qu'elle ava^t proposée en ces termes : ce Quelle rut, sur les
«destinées de là France; Ffnflùerice du divorce de Louis Vil !» Ce sujet reste au
concours pour 1830 : le prix sera -une médaiHe d'or de 30a francs.'
La Société des. sa ej ces, jà \Jirexhi, a ouvert des concours sur les sujets
suiyahs : Histoire des frères de là vie commune ; — Exposé de la controverse des
nominaux et des réalistes dp p^yn |gfi«.T—pioyraphig de F. G. Walckenaer;
JANVIER 1830. jj
— pxamen de PauthSnticité des fragment attribués aux anciens pythagoriciens.
Le» prix seront décernés en 1831.
LIVRES NOUVEAUX.
r
FRANCE.
Trésor de la langui grecque, de Henri Estienne, dans lequel le texte de rameur
est conservé intégralement» rangé par ordre alphabétique, et augmenté des
travaux de l'édition anglais^ et des nouveaux éditeurs; publié par M. Hase,
membre de l'institut , et par MAL de Sinner et Fix , d'après le plan soumis à l'A-
cadémie des inscriptions le 29 mai 1829, et approuvé par sa commission:
Paris» typographie d'Ambroise- Firmin Didot, librairie de Firmin Didot,
février 1 030. Tel est le titre d'un prospectas qui vient d'être publié en 1 5
pages in-f.a sur 2 colonnes. On y expose les motifs qui ont déterminé k entre-
prendre cette édition nouvelle : les exemplaires complets de la première sont
devenus fort races, et coûtent 300 à 400 francs; le prix de celle qu'on vient
d'achever en Angleterre excède 1200 francs. Une partie du prospectus est
destinée à prouver que l'ordre alphabétique est préférable à l'étymologique : les
éditeurs conviennent que sur ce point ils ont des autorités imposantes à com-
battre, Henri Estienne, Walckenaer, MM. Parr, Boissonade , Herman; et
en conséquence, ils demandent qu'on leur permette une excursion assez
étendue : peut-être la trouvera-t-on trop courte. Les 4 dernières pages du
prospectus in-fol. sont rédigées en latin,, et annoncées parce titre : « De ratione
et legibus secundùm quas res prosodica in nova Thesauri Iingus graecae
editione quae. Parisiis proditura est,4ractanda nobis tsse videtur. » L'ouvrage
entier se composera de 28 livraisons , petit in-foLk 2 colonnes, sur papier vélin
et collé. La première livraison paraîtra le i.cr avril 1830; et à partir de cette
époque, on publiera régulièrement de $k 8 livraisons par an. Prix de chaque
livraison, 12 francs; de tout l'ouvrage, 336 francs, le quart de.ee que coûte
l'édition de Londres, à laquelle on a lieu d'espérer que celle de M. Firmin
Didot sera préférable à plusieurs égards.— Le prospectus a été aussi imprimé
in-S.c, 64 pages.
Solvique et phonique, c*est-ihd\te , le Mécanisme de la parole dévoilé, et écri-
ture universelle au moyen de 48 phonins ou lettres qui, à l'aide de quelques
signes, acefns et marqués, désignent tous les sons de la parole avec leurs
qualités prosodiques; précédé dune esquisse de JTiistoire de l'écriture, et
suivi d'une mc#ode de noter la déclamation moyennant 12 chiffres duodé-
cimaux, &c; par M» Ch. L. B. D. M. G. Parii, Firmin Didot, 1829, in-12,
182 pages, avec une planche et un tableau. Prix, j francs.
Journal de la langue française, grammatical, littéraire et philosophique,
rédigé par une société de grammairiens et de philosophes. Paris, imprimerie
de Carpentier-Méricburt, librairie de Ch. Bécnet, et au bureau du journal,
rue de Richelieu, n.° 2iMi paraît chaque mois un cahier d'environ 48 pages.
Prix de l'abonnement annuel, 20 francs à Paris, 22 francs dans les départe-
mens. Le prospectus de la -.quatrième année de ce recueil périodique an*
nonce qu'on se propose d'en agrandir le cadre et d'en varier le dessein.
Nous remarquons dans le n.° 4* un article où M. Lemare relève un assez
grand nombre de fautes et d'incorrections qni deviennent de plus en plus
\
$6 JOURNAL DES SAVANS,
fréquente» daus les journaux quotidiens; par exemple {«Tille n'écrit que far
» occasion , et cette occasion, il est singulier qu'elle l'ait saisie* — i«e retour de
a» M. ne fut pas aussi heureux que son allée. — M. A. est passé dernièrement à
« Pau. — Une signification judiciaire aétë faite à M. B., à l'effet de demander
*> sa radiation des listes électorales. — Des avertissemens ont été envoyésu
i> domicile des contribuables pour leur réclamer cet impôt, &c. &c. » M. Le-
mare a inséré dans un autre cahier des observations critiques sur la méthode
de M. Jacotot, dite l'enseignement universel; elles sont suivies d'une apologie
de cette méthode, par M. Marrast. Il se peut que, même après cette ingénieuse
apologie, les remarques de M. Lemare subsistent
Les Géorgiques de Virgile, traduites en vers français avec le texte en regard, et
des remarques sur la traduction de Delille ; 22.e volume des Œuvres de M. Mol-
levaut, membre de l'institut,* &c. T. î.cr (livre i,** des Géorgiques). Paris,
imprimerie de Fain , librairies de Lan g lois et de Crevot, 1830, in-iS,x et 149
pages. Prix : 2 francs je c. zzzSolem quis dicere falsum Audeat!. . . . UU etiam
extincto &c.
DELILLE Qui pourroit, ô soleil! t'accuser d'Imposture ! •
Tes immenses regards embrassent la nature.
Cest toi qui nous prédis ces tragiques fureurs
Qui couvent sourdement dans l'abîme des coeurs.
Quand César expira, plaignant notre misère, .
D'un nuage sanglant tu voilas ta lumière.
Tu refusas ie jour à ce siècle pervers :
Une éternelle nuit menaça l'univers.
Que dis-je ï tout sentoit notre douleur profonde ,
Tout annonçoit nos maux. le ciel , la terre et l'onde ,
Les hurlemens des chiens , et le cri des oiseaux.
Combien de fois l'Etna, brisant sts arsenaux, &c.
M, MOLLEVÀ.UT .Lis au front du soleil : qui soupçonne sa foî l
Souvent même il annonce, en secouant l'effroi,
Des états ébranlés le taciturne orage ,
La perfidie, et Mars enflant sa sombre rage.
César mourant, ô Rome! il déplora ton sort;
Et quand son front brillant prit son voile de mort, .
Tu craignis, siècle impie! une nuit éternelle.
Tout élevoit alors une voix solennelle,
Et le ciel, et la terre, et les flots frémissans.
Quels sinistres oiseaux, et quels chiens aboyans!
L'Etna brisé couvrit les plaines éperdues
De globes enflammés et déroches fondues.
Dans ie ciel des Germains les armes se heurtaient;
Sur leurs immenses flancs les Alpes s'agitaient;
Les bois silencieux prolongeaient un murmure
Immense. . . . L'ombre pâle erre en la nuit obscure, &c.
Virgile avait dit : Vox quoqueper lucos vulgo txaudita silentts Ingens. « Cette
» longue suite de spondées, dit M. Molle vaut, et le mot inzens rejeté à l'autre
«vers, donnent à cette voix une longueur immense: il talloit essayer cette
*> coupe admirable. » C'est ce qu'a fait le nouveau tradacteur, en rejetant de
même le mot immense, quoiqu il eût déjà employé cette épnhète dans l'un
des deux vers précédens : sur leurs immenses flancs. Nous nous abstenons de
toute comparaison entre l'ancienne traduction , dont le succès brillant semblait
JANVIER 1830. 57
durable, et la nouvelle» qui suppose aussi une étude profonde du texte de
Virgile et une grande connoissance de notre' langage poétique. — Les pages
125-148 du volume z'/w<? que nous annonçons contiennent un morceau du 4.0 livre
de l'Enéide, traduit par Deiille et par M. Molle vaut, les 40 premiers vers de
la traduction que M. Molle va ut a faite des Saisons de Thompson, et le début
de la Louisiane, poëme épique en dix chants , qui doit paraître en 1830*
Phœdri Aug. liberti Fabularum œsopîarum libros quatuor, ex codice olim
pithasano, deinde peleteiïano, mînc in bibliotheca vrri excelientissimi ac no-
bilissimi Lud. le Pelletier de Rosambo, marchionis, paris Francise, amplissimo
senatui à secretis,.caet. est., contextu codicis nunc primùm intègre in lucem
prolato, adjectâque varfetate lectionis è codice remensi incendio consumpto,
à Dom. Vincentîo olim enotatâ, cum prolegomenis , annotatione, indice»
edidit Julius Berger de Xivrey. Le prospectus (Paris, Firm. Didot, 3 pag.
in*S.0) annonce que cette édition ne sera tirée qu'à 225 exemplaires. — On avoit
regardé comme perdu le manuscrit d'après lequel P. Pithou a donné la pre-
mière édition de Phèdre, en 1 J96, à Troyes; mais il y a plus de vingt ans
» dans la bibliothèque de MM. le
qu'on assure qu'il s'est conservé dans la bibliothèque de MM. le Pelletier. C'est
ce qu'on lit dans l'une des notes ajoutées par A dry à la préface de Desbillons ,
Eag. xxxiv de l'édition des Fables de Phèdre publiée en 1807,1/1-/2, chez
)uprat-Du verger. Adry avoit, en 1798, inséré dans le Magasin encyclopédique
de Millin , une dissertation sur les quatre manuscrits de Phèdre , savoir, ceux de
Pithou, de r^eims, de P. Daniel et de Perotto. —Jusqu'ici ce qui pouvoit le
plus tenir lieu du manuscrit de Pithou, c'est l'exemplaire de l'édition de 1596
qui se«crouve à la bibliothèque de Sainte-Geneviève, et sur lequel Nie. Rtgault
a porté Jes leçons du manuscrit qui diffèrent de celles de cet imprimé. L'édition
que M. Berger de Xivrey annonce aujourd'hui, et qui comprendra les variantes
recueillies par Dom Vincent sur le manuscrit de Reims, 'sera d'autant plus
utile, qu'il s'agit d'un texte qui n'est pas encore parfaitement établi : nous ne
comprenons pas pourquoi Ton veut ne mettre en vente que 200 exemplaires,
et porter le prix a 2ofr.— On vient de publier un volume intitulé Phœdri
Aug. liberti Fabularum libri quinque, cum Faerni fabulis, P. Syri sententiis,
paralielisque fabulis Joannis de la fontaine. Le texte de Phèdre est suivi
aussi de notes grammaticales , &c. , par une société de professeurs, sous la
direction immédiate de M. Em. Lisfranc. Paris, impr. de Lachevardière , libr.
de Bélin Mandar, 1829, in-18 , 174 pag.
Tragédie ed altre poésie di Alessandro Mançpni, Milanese, con Paggiunta di
aie une prose sue e oi altri; settima ediaione, 1829, 510 pag. Î/1-/2. Paris, impr.
de Crapelet, librairie deBaudry.
Il a paru 72 livraisons ou volumes in-8.° de l'édition que donnent MM. De-
iangle frères des Œuvres complètes de Voltaire, avec des notes historiques , scien-
tifiques et littéraires de MM. Clogenson, Daunou, L. Dubois, Etienne,
Ch. Nodier, &c. Le dernier tome publié est le 8." de la correspondance, an-
nées 1752, 5 j, 54 et 55. Toutes les lettres de Voltaire, et (en plus petits
caractères) celles de ses correspondans , ne forment qu'une seule et même série
chronologique ; les volumes qui restent à imprimer la conduiront de 1758 à
1778. II manque de plus encore deux ou trois tomes de mélanges littéraires, et
la table générale. Cette édition , sortie des presses de M. Jules Didot atné , ^st
à distinguer par la beauté de l'exécution typographique et par des notes nouvelles.
ft
j8 JOURNAL DES SAV'ANS,
M. Beuchot a mis au jour 20 volumes de l'édition de Voltaire cu'il a en-
treprise vers (afin de Tannée 1828, et que nous avons annoncée aans notre
cahier d'octobre de cette même année, page 6)6. Il a mis à la tête de l'Histoire
de Charles XII une préface où se lisent des détails historiques qui ne sont pas
sans importance. « L'Histoire de Charles XII, écrite en 1727 et 1728, fut
» imprimée pour la première fois en 1731 , 2 vol in-n. Dans la première édi-
tion, Voltaire accusoit les Hambourgeois d'avoir acheté à prix d'argent la
» perte d'AItena, et d'avoir refusé asile à sis malheureux habitans. Un anc-
» nyme combattit cette opinion dans le tome X de la Bibliothèque raisonnée,
» page 469- Voltaire n'eut que long-temps après connaissance de cet article.
» Convaincu par les raisons que donnoit l'anonyme, il se rétracta : cette ré-
» tractation est le sujet de la Lettre sur l'incendie d'AItena... La Motraye, qui,
» pendant le séjour à Bender, avoit été attaché à Charles XII, publia, sous
» la forme d'une lettre à M. de Voltaire, des Remarques historiques et cri-.
» tiques sur l'Histoire de Charles XII, 1732, i/i-#2. Voltaire, Tannée sut*
» vante, fît imprimer ces Remarques à la suite d'une nouvelle édition de se$
» ouvrages, et les accompagna de notes qui, jusqu'à ce jour, n'ont été données
«dans aucune édition des Œuvres de Voltaire: on trouvera ces notes, au
» nombre de soixante-six, à la fin du présent volume, précédées chacune -du
» passage, de la Motraye, nécessaire pour son intelligence. t> Les préfaces et
les notes de M. Beuchot font connoître avec cette exactitude tous les faits
relatifs aux ouvrages de Voltaire. L'édition aura 70 vol. \n-8.°> imprimés chez
M. Firmin Didot; elle comprendra plusieurs articles et divers éclaircissement
qui ne se rencontrent point dans les autres éditions des mêmes oeuvres.*
Essai sur la littérature romantique, par M. Audin ; Paris , à la librairie de
l'auteur, 1829, 52^ pages in-li. Prix 3 fr. L'auteur recherche pourauoi la
poésie romantique, nie en France, n'a pu s'y acclimater, tandis qu'elle est
aujourd'hui fêtée en Allemagne et en Angleterre. Selon lui, « l'absence d'une
» langue nationale, et le mélange sans nombre de jargons que bégayoit chaque
» province, au moment où le romantique s'întroduisoit dans les chants des
» Lardes de l'Armorique et de FOcchanie, sont les principaux obstacles qui se
» sont opposés à ce qu'H se naturalisât ea France. » On voit que l'histoire du
romantisme n'est guère plus facile à comprendre que sa théorie.
Kitab Teqouym Al-boldan, ou Géographie d'Aboul-Fêda, édition autogra-
phiée, d'après un manuscrit arabe de la bibliothèque du Roi. Par M. H. Jouv,
membre de la Société asiatique, revue et corrigée par M. Reinaud , membre du
conseil de la même société, &c. Première livraison, 60 pages in-4.0 Paris,
imprimerie lithographique de Knetch-Senefelder, 1829; chez l'éditeur, rueGué-
négaud, n.° 7. Aboui-Féda vi voit dans la première moitié du XI V.* siècle : prince
de Hamah en Syrie, il a pris part aux grands événemens de son temps, et par-
couru une partie des contrées qu'il décrit ; il a d'ailleurs profité de tous les»
traités de même genre composés avant le sien. Une édition de sa géographie,
entreprise par Gagnier, n'a point été achevée* D'autres orientalistes en ont
publie seulement quelques fragmens; l'ensemble de l'ouvrage n'est connu que
parla version latine de Reiske, qui encore n'est pas complète. Ces faits et
quelques autres sont retracés dans le prospectus de l'édition que Ton vient de
commencer, d'après le manuscrit 578 de la Bibliothèque du Rot* II y aura quatre
livraisons , chacune de 64 pages et du prix de 4 fc> de 6 &• ,ur grand papier
•JANVIER 1830. 59
vélin satiné: la souscription est ouverte chez M. Jouy, rue des Mauvaise.--
Paroles , n.° 21. La publication du texte arabe de cette géographie donnera lieu
sans doute d'en imprimer ensuite une traduction française*
Voyage militaire dans l'Empire othoman, ou description de ses frontières et
tle ses principales défenses, soit naturelles, soit artificielles, avec 5 cartes
géographiques, par M. le baron Félix de Beaujour. Ut si occupati profuimus
aliquid civibus nostris, prosimus etiabi,,si possumus, otiosi, Cicer. Tuscul. 1. 1.
Paris, imprim. et librairie de Firmin Didot, 1829, 2 vol. in-8.°9 539 et 608 pag.
L'ouvrage est divisé en dix livres : I. La M orée; il. la Grèce orientale; lli. la
Grèce occidentale; IV. les frontières septentrionales de la Turquie; V. les
frontières qui bordent la Mer Noire. (Tome II ) VI. les frontières de la Turquie
asiatique; VII. la Syrie; V1I1. l'Egypte; IX les frontières maritimes de la
Turquie; X. Système d'attaque et de défense de la Turquie en général. — Les
cinq planches qui accompagnent ces deux volumes sont des cartes de la Turquie
d'Europe, du pourtour septentrional de la Mer Noire, de la Turquie d'Asie,
de l'Egypte et du Bosphore, dressées par M. La pie. Nous reviendrons sur cet
ouvrage, qui contient plusieurs articles d'histoire militaire, ancienne et moderne.
Tableau de l 'Egypte, de la Nubie et des lieux circonvoisins , ou itinéraire à
l'usage des voyageurs oui visitent ces contrées, par M. Rifaud, de Marseille;
dédié à S. A. R. Madame, duchesse de Berry. Paris, imprim. de Crapelet,
librairie de Treuttel et Wiirtz, 1830, i/i-&V*vj, 371 et 60 pages, avec une
carte du cours du Nil. L'ouvrage est divisé en vingt^quatre chapitres, dont
1es*deur premiers contiennent un précis de la géographie physique et politique
de l'Egypte. Les suivans décrivent diverses parties de cette contrée. Le dernier
a pour objet le mont Sinaï, la Mer Rouge, l'Arabie Pétrée. — Les pages 321 à
379 du volume contiennent les rapports faits au sein des académies et sociétés
littéraires sur les collections de M. Rifaud , rapports qui ont été particulièrement
annoncés dans notre cahier, d'octobre 1829, pag. 635, 636. — L'auteur a joii t
déplus à son Tableau de l'Egypte 60 pages contenant le vocabulaire des dia-
lectes vulgaires de la Haute-Egypte, le vocabulaire du dialecte de Fachetrou
en Nigritie, les noms arabes des fours, des mois, des nombres, &c— M. Rifaud
a publié le prospectus d'un ouvrage intitulé Voyage en Egypte, en Nubie et
Vieux circonvoisins t dépuis 1805 jusqu'en 1827, cinq vol. in- 8.* de texte, et un
atlas in-folio de 300 planches. Prix de l'ouvrage entier, $00 fir. , à payer par
livraisons. On souscrit chez l'auteur, i Paris, rue de la Rochçfoucault, n.° 1 5.
— Une description des fouilles .et des découvertes faites par M. Rifaud dans
la partie Est de la butte Koum-Médinet-eh-Farès, au Fayoum, a été lue à la
Société de géographie, le 19 juin 1829, et imprimée cruz Crapelet, 16 pages
in- S.0 9 avec une planche lithographiée.
Histoire romaine de M. B.-G. Niebuhr, traduite de l'allemand sur la troi-
sième édition, par M. B. P.-A. deGolbery, conseiller à la cour royale de Colmar,
correspondant de l'Institut. Strasbourg, imprim. de Levrault; Strasbourg et
Paris, librairie de Levrault, 1830, 2 vol. in-tf.* xxx), 442> XJ et 4$8 pages.—
Nous nous proposons de rendre compte de cet ouvrage, qui a obtenu, à ce
u'on assure, un très-brillant succès en Allemagne, et même en Angleterre, où
a- été déjà traduit. La traduction française, dédiée à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, a été rédigée avec un grand soin; elle étoit depuis long-
temps attendue r on ne doit pas s'étonner des retards qu'efle a éprouvés;
H 2
ï
60 JOURNAL DES SÀVÀNS,
c'étoit un travail difficile; et d'ailleurs la troisième édition du texte n'est publiée
que depuis 1828.
Histoire de la barbarie et des lois du moyen âge , de h civilisation et des
mœurs des anciens comparées à celles des modernes, de l'église et des gou-
vernemens, des conciles et des assemblées nationales chez les différens peuples ,
et particulièrement en France et en Angleterre, par MM. Toulotte et Théodore
Favre. Paris, imprim. de Gautier-la-Gujoifie, librairie de Dureuil, 1820, 3 vol.
in-8.% ensemble de 91 feuilles. — M. Toulotte avoit auparavant puolîé une
Histoirf des empereurs en 3 vol.in-8.0 Fijy^jnotre cahier d'octobre, 1829^.634.
Bibliothèque des croisades, par M. Michaud, de l'Académie française. Paris,
imprim. de Ducessois, librairie de J. Ducollet, 1829, //!•&', 1. 1 et II, xv et
885 pages; t. III, ibid., k>4 P^ges; t. IV, Chroniques arabes (concernant les
croisades ), traduites et mises en ordre par M. Reinaud, employé au cabinet des
manuscrits de la Bibliothèque du Roi. Paris, imprim. royale, 1829, /n-&", x'v#
et 582 pages.-* Table générale des 'chroniques et des pièces analysées dans les
quatre volumes de la Bibliothèque des croisades, Paris, imprim. de Ducessois,
1829, 55 pages in- 8.° Prix de tout l'ouvrage, 29 fr. — Il a été tiré des exem-
plaires particuliers du tome IV, sous le titre A Extraits des Historiens arabes
relatifs aux croisades, ouvrage formant, d'après les écrivains musulmans, un
récit suivi des guerres saintes, nouvelle édition, entièrement refondue et con-
sidérablement augmentée. Notre-cahier de février contiendra un article sur les
trois premiers volumes de la Bibliothèque des croisades*
Histoire des rois et des ducs de Bretagne, par M. Roujoux. Paris, imprim% de
Fain, librairie de Dufer, 1829, 4 vo'# '*-&* Prix, 30 fr.
Examen d'un diplôme de Van 877, parun membre de la Société des antiquaires
de Normandie. Paris, 1829, 24 pages in-8.'
Cours d'antiquités monumentales, professé à Caen par M. de Caumont,
secrétaire de la Société des antiquaires de Normandie. II y aura six livraisons,
dont chacune (texte et planches) coûtera 6 fr., et par la poste 6 fr. 50 c. M. dé
Caumont traitera successivement des antiquités celtiques, romaines et du moyen
âge. On souscrit à Caen, chez les principaux libraires; à Rouen, chez
M. Frère; à Paris, chez M. Lance, rue Croix-des-Petits-Champs, n.° 50.
Voyage archéologique dans l 'ancienne Étrurie, par M. Dorow, conseiller de
cour de S. M. le roi de Prusse, &c; traduit de l'allemand sur le manuscrit
inédit de l'auteur, par M. Eyriès. Paris , imprim. de Belin , librairie de Merlin,
1829, /n-^.% 58 pages et 16 planches. Prix, 12 fr. Kwrç dans notre cahier
de mars 1829, p. 1 31-143, un a rue le de M. Raoul-Rochette sur la collection
de vases et autres monu mens étrusques de M. Dorow. II sera rendu compte de
son Voyage archéologique dans notre prochain" cahier.
Antiquités de V Alsace , ou châteaux, églises, et autres monumens des dé-
partemens du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, avec un texte historique et des-
criptif, par M. de Golbery. Supplément : Antiquités romaines des pays limi-
trophes du Haut-Rhin : Mandeure, 12 pages de texte in-folio, et 4 planches.
Ouvrage publié par Engelmann et compagnie, à Mulhouse, et à Paris, rue du
Faubourg-Montmartre, n.° 6.
Rapport sur la situation des bibliothèques publiques en France, par M. J.-A.
Buchon. Paris, imprimerie d'Éverat, 36 pages in*8.9 M. Buchon a particu-
lièrement visite les bibliothèques et archives du département de l'Yonne. Quel-
JANV
1ER
•
R 1830. 6t
ques-uns des manuscrits qu'il a remaf^P à Auxerre avoient été déjà décrits ou
indiqués; mais il en fait connoître qui n'étoient pas encore connus. H transcrit
le préambule de l'interrogatoire et de la condamnation de Jacques Cœur, acte
authentique, conservé dans les archives du château de Saint-Fargeau.
. Entretien sur Us principes de la philosophie , dans lequel des idées systématiques
modernes en métaphysique sont discutées, et les notions de la raison ramenées
à celles des rapports qu exprime la pensée active de l'homme par l'affirmation
et l'induction; publié par M. J.-B -M. Gence, avec des notes et le tableau de la
classification générale des connoissances, développé dans l'ouvrage. Paris,
imprimerie de Migneret, 1830, 48 pages in-8S, avec un tableau. Les interlo-
cuteurs qui figurent dans cet entretien, sont Descartes, Gassendi, Claude Saint-
Martin, un ami de Saint-Martin, et un grammairien philosophe de l'école de
Port-Royal. Cet opuscule, destiné, ce semble, à faire revivre la doctrine
théosophique de M. Saint-Martin , est dédié à M. A m. BertolaccL — MM. Gence
et Monnard se proposent de publier une traduction de l'ouvrage allemand
intitulé Stunden der Andach , qui a paru de 1809 à 18 16, à Arau, sous la
forme de feuilles hebdomadaires, et dont on assure qu'il s'est fait douze éditions
successives, donnant un total de 60,000 exemplaires. La version française
portera le titre de Méditations religieuses, en forme de discours, pour toutes
les époques, circonstances et situations de la vie domestique et civile: elle
paraîtra, par livraisons, le samedi de chaque semaine. Le prix de 12 livraisons
//!-£' est fixé à 5 fr. ; on souscrit chez MM* Treuttel et Wurtz , à Paris, à
Strasbourg et à Londres.
Histoire de l'économie publique en Italie, ou abrégé critique des économistes
italiens, précédé d'une introduction, par le comte Joseph Pecchto; traduit de
l'italien par M. Léonard Gallois. Paris , impr. de David , libr. de Levavasseur ,
1 829 , in-8.°, 428 pages. Pr. 7 fr. 50 cent.
Les Ages de la nature , ou l'histoire de l'espèce humaine, par M. le comte de
Lacépède. Strasbourg, impr. de Levrault; Paris, librairie de Levrault, 2 vol.
in-8s, ensemble de 41 feuilles 1/4. Pr. 12 fr.
Traité de la lumihe, par J. F. W. Herschel , président de la Société astrono-
mique de Londres, traduit de l'anglais , avec des notes, par MM. Vershulst et
Quételeu Paris, Malher et compagnie, 1829 ; tome l.er, in-8,° , 200 pages et
4 planches. Pr. 5 fr. Un second volume complétera cette traduction.
Traité complet de la peinture, par M. P. . • . de Montabert. Paris, impr. de
Béthune, librairie de xsossange père, 1829, 9 vol. in-8S , et un cahier 111-4/
de 144 Penches. Pr. 120 fr.
Histoire de l'agriculture ancienne des Grecs depuis Homère jusqu'à Théo-
cri te, avec un appendice sur l'état de l'agriculture dans la Grèce actuelle;
suivie de quelques réflexions et propositions politiques sur k sort de la Grèce et
de l'Europe d'après le traité d'Andrinople du 14 septembre 1820 , par M. J. B.
Kougier, baron de la Bergerie. Paris, Dentu, 1830, in-S.° , 492 pages.
Pr. 6 fr.
Recueil général des lois françaises depuis Tan 420 jusqu'à la révolution de 1 789,
r M. Isambert, M. de Crusy, ( feu M. Jourdan ), M. Armet, et M. Taillandier.
:s tomes I- VI m- 8.° de cette méthodique et utile collection, embrassent toute la
législation de la monarchie depuis le V." siècle jusqu'à la fin du xiv/ : nous en
avons rendu compte dans nos cahiers de novembre 1822, pag. 643-650; de mat
B
6z JOURNAL DES SAVANS,
1H24, 4'J-4l9- — Les tomes VU-Xf|Pbliés en 1825, inipr. de Pochard, libr,
de Belin-Leprieur et de Veidière, 883 et 953 pages , correspondent aux années
1401-1483; ordonnances de Charles VI, Charles Vif et Louis XL Le*
tomes XI , XII, XIII , ann. 1483-1559, règnes de Charles VIII, Louis XII ,
François I," et Henri II, om été annoncés dans noire cahier d'octobre 18.29,
pag. 637. Les six vol. suivansont paru en i820,savoir; T, XIV, ann. 1559-1583;
François II, Charles IX, Henri 111,650 pag. T. XV, 1 589-1610, Henri IV,
iveiaoopag. T. XVI, 1610-1643, Louis XIII, 556 p. T. XV11, Louis XJ V
jusqu'en 1661, xij et 406 pag. T. XVIII (ann. 1661-1671 }. 44*pag- T. XIX
( 1672-1 686), 5j4 pag. — Six volumes contenant les ordonnances de Louis XVI
jusqu'en 1789, ont été indiqués pag. 638 de notre cahier d'octobre 1828. Ainsi,
il ne manque plu* à ce recueil nue les volumes qui correspondront aux vingt-
neuf dernières années de Louis XIV, et au régne de Louis XV. L'ouvrage entier
aura 30 vol., et une table générale. Les jurisconsultes éciairés et laborieux qui le
publient, y ont joini des préfaces, des notes et des tables; ils n'ont négligé, pour
le rendre exact et complet, aucun soin , aucune recherche; ils ont fait usage
de tous les monumens et documens qui leur ont été accessibles. Nous revien-
drons sur l'ensemble de cette collection , lorsqu'elle seta terminée.
Collection générale des lois, décrets, arrêtés, séna tus-consul tes, avis du conseil
d'état, réglemens d'administration, ordonnances des Kois, publiés depuis
1789 jusqu'à 1830, dans la collection du Louvre iri'j..' , le Bulletin des lois,
le Moniteur, et autres recueils officiels; recueillie 1
Kondonneau, ancien propriétaire du dépôt des I
pectus qui annonce 4 vol. à joindre à ceux qui 0
in-S.'). Il y aura de plus une table générale en qui
Prix de chaque volume (5 50 à 600 pag, J , 7 fr. 50e ;
e en ordre par M. Loui
s. Tel est le titre du pros-
t déjà paru ( Impr. royale,
re tomes du même format,
à Paris, et 9 tr. par la poste.
éditeur propriétaire, rue Saint-André-dei-
On souscrit chez Ar. Galloi
Arc», n.° 30.
On vient de publier le prospectus et un spécimen d'un nouveau journal
intitulé Gazelle littéraire, revue française et étrangère de la latiratutt, des
sciences , des beaux-ans, &c. Les articles de chaque numéro seront distribm s
sous les titres suivans : ouvrages inédits, revue des livres nouveaux, revue
rétrospective ou d'anciens livres, géographie et voyages, articles originaux,
académies) beaux-arts, cours publics, biographie, journaux étrangers , stati:-
tique, romans, variétés et nouvelles littéraires, théâtres, bulletin bibliographique,
observilions météorologiques, correspondance. Un numéro de 16 pag. in-^.J
paroîrra chaque jeudi. On s'abonne chez Sautclet et compagnie, à raison de
14 fr. pour trois mois , 26 fr, pour six mois, 50 tr. pour l'année, à Paris. Ces
prix sont un peu plus élevés pour les dépanemens et pour les pays étrangers.
ITALIE. Biografia vniversale; tome LVII (te-to) de la traduction Ju-
lienne, revue et augmentée, de la Biographie universelle, ancienne et moderne.
Vuniâc , Missiaglia, 1829, in-8.'
ESPAGNE. Historia de la Uterarura espanola,- Histoire de la Ihtêratwt
espagnole, traduite de l'allemand de BouterwecL en espagnol par José Gorm-z
dt- h Cortina et Nie. Huguide y JVlollinedo. Madrid, Aguado, 1829, hi-fi,' ;
tome I."
PAYS-BAS. Hugoms Grotii Bpistolj-, &c. ; Leitres inédites de Hug. Gratis
h J. d'Oxtnstitrn et à J. Sabrius ; réponses de J. d'Oxerstiero , &c. Harlem,
JANVIER 1830. * tfj
Loosjes, 1 820, in-8 .° C'est la troisième classe de l'Institut des Pays-Bas qui publie
ce volume, dont la préface est de M. C. A. Den Tex , secrétaire de cette classe.
On dit que ces lettres peuvent contribuer à éclaircir et à compléter plusieurs
détails de l'histoire diplomatique du xvil.c siècle.
ALLEMAGNE.
Commentarius in Dinarchi orationes très : scripsit Chr. Wurm. Norimberga*,
Baueret Raspe, 1828, in-8.° Fr. 1 rxd.
Georgius Syncellus et Nicephorus, ex recensione G. Dindorfii. Bonn a?, Weber,
1829, 2 vol. in-8.° Pr. 8 rxd. 8 gr. Ces deux volumes appartiennent à la nou-
velle édition des Historiens byzantins , entreprise par M. Niebuhr.
Geschichte der Ommaijaden in Spanien t Histoire des (Maures) Ominiades
en Espagne, précédée d'un exposé de l'origine des royaumes chrétiens espa-
gnols, par M. Ansbach. Fra ne fort-su r-Ie-Mein, Varrentrapp, 2, vol. in-8.° ,
375 et 376 pages.'
Wien's erste Aufgehobene, &e.fmHistaire de la levée du premier siège de Vienne
par les Turcs, composée en partie d'après les récits, inconnus jusqu'ici, de divers
écrivains turcs et chrétiens, à l'occasion du joo.e anniversaire de cet événement,
par le chevalier Joseph de Hammer. Pesth, 1829, in-8.0
Aglaophamus , sive de theologice mysticœ Grœcorum causis libri très ; auctorc
Aug. Lobeck. Àccedunt poetarum orphicorum reliquia». Regiomonti, Born-
trager, 1829, 2 vol. in-8.° Pr. 20 gr.
Fundgruben des àlten Notdens, ë?c.t Mines de Vancien Nord, par M. Th.
Legis, contenant des poésies lyriques, épiques , &c, des mythes et des tradi-
tions du temps des Goths et des anciens Germains, traduits pour la première
fois des originaux islandais, avec des éclaircissemens critiques, mythologiques
et historique], par M. Th. Legis. Leipsick, Nauch, 1829, 4 v°l- in~8.°
Geschichte der romischen Rechts , &i,/ Histoire du droit romain , au moyen
âge , par M. Fred. Ch. de Savigny. Heidelborg , Mohr et ZimmeT, 4 vol. in -8°
DANEMARK. Edda Saemundar hins Froda. Eddarhythmica feu antiquiôr,
vulgô saemundina dicta : pars tertia , continens carmina Vèluspà , Hàmavàl et
Kigsmàl ; ex codice bibliothec» régie hafniensis pergameno, neenon diversis...
membraneis chartaceisque mêlions note manuserrptis; eu m interpréta tione
latinâ, lectionibus variis, notis, glossario, &c.Accedit Iocupletissimum pris-
corum borealium theosophfae et mythologie lexicon, addito denique eonmidem
gentili calendario, jamprimùm indagato ac exposito. Haunia?, Gtldendal,
18,28, //1-4/
ANGLETERRE.
A compendious Grammarofihe egyptun language, as contained in the coptic
and sahidic dialects, with observations on the bashmuric; together wiih
alphabets and numerals in the hieroglyphic and enchorial characters, and a
few explanatory observations; bv the rev. Henri Tattam. M. A. F. R. L., <5cc;
with an appendix consisting or the rudiments of a dictionary of the ancient
egyptian language, in the enchorial character, by Th. Young, &c. — Gram-
maire abrégée de la langue égyptienne, suivant les dialectes copte et sahidique,
avec quelques observations sur le dialecte bashniourique; à laquelle on a joint
6i
JOURNAL DES SAVÀNS.
des alphabets et les signes de la numération dans les caractères hiéroglyphique)
et enchorial (ou vulgaire ), avec un petit nombre d'observations explicatives,
par M. H. Tattam, et un appendix contenant les rudimens d'un dictionnaire
de l'ancienne langue égyptienne, dan» le caractère enchorial, par AL Th. Young.
Londres, 1830, in-8.°
Tliouglits on the origin and desceiit oftlu gael. . . ; Pensées sur l'origine de la
langue gallique, par M. James Grant. Londres, 1828, in-S.'
Researches into the origin and affinity of the principal languages of Asia and
Evropa ; Recherches sur l'origine et l'affinité des principales langues de l'Asie et de
l'Europe, par M. Vans Kennedy. London, 1818, in-S.'
History of the rise of the mahomedan power in InJia, tîll the yeart6i2,
translaied from the original petsian oFMahomed Kasim Feriskhta , by John
Briggs. Histoire des progrès de la puissance musulmane dans l'Inde jusqu'à
l'année 1612, traduite du persan de Mohamed Feriskhta, par le colonel J. Brigg?.
Londres, 1829, 4 vol. in-S.'
Aimais and antiquities of Rajast'han , or the central and western Rajpoot
states of India. Annales et antiquités de Rajast'han, ou des états de Rajpoot
dans les parties centrales et orientales de l'Inde, parle lieutenant colonel Toi).
Londies, Smith et Elder, 1829, in-4.* ; tome I."
NOTA. On peut s'adressera la libraitiede M. Levrault, à Paris, rue de la
Harpe, n.' Si ; tt à Strasbourg, rue des Serruriers, pour se procurer les divers
ouvrages annoncés dans le Journal des Savans. Il faut affranchir les lettres
et le prix présumé des ouvrages.
TABLE.
Voyages en Arabie, par feu J. L. Burckhardt. {Article de AI. Sil-
vestre de Sacy. ) Pag.
Bibliothèque choisie des Pères de l'église grecque et latine, par AI. Ma-
rie-Nicolas- S dvestre Guillon. {Article de M. Raynouard. ). . . .
Mimaiïtt de l'Académie royale de médecine. ( Troisième article de
AI. Tessier. )
Ulysse-Homère, ou du véritable auteur de l'Iliade et de l'Odyssée,
par Constantin Koliades. ( Second article de Ai. Lettonne. ). . .
Monumens et ouvrages d'art antiques , par M. Quatremèie de Qtùncy.
{Article de Af. Raoul-Rocheite. )
Nouvelles littéraires . .
FIN DE LA TABLE.
Errata du cahier de
Pag. 685, lie. 6 de la ne
lis. df)(ifU. Pag. 688, lig .
Murenora, lis. Marmara. Pag. 690, lig. 26, A0H , lis. A0A. Pag. 693 , 1,
mt servira, lis. servira.
'vembre. Pag. 683 lig. an\ep.,jnérite, lis. caractère.
t'Tfw£t,\u. -rpmZ». Pag. 687, lig. i2,w^f'a,
23 , Hiérop'olis , lis. Hierapolis.~Pzg.689, lig. 19,
h- '
JOURNAL
DES SAVANS.
FEVRIER I820.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1830.
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 4° fr- Par 'a poste, hors de Paris. On s'abonne, à la maison de
librairie LEVRALLT, à Paris, îue de la Harpe, n.° 85; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33. II faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouveaux , les lettres, avis, mémoires, &c, qui
peuvent concerner la rédaction de ce journal , doivent être
adressés au bureau du Journal des Savans , à Paris , rue de
Ménil-montant, n.° 22.
: .1 \ ( / . A /• I.. i /i : ■ * i
ï
JOURNAL
DES SAVANS.
FÉVRIER 1830!
Rétablissement du texte de la divina commedia,^(T/^/i/
du Purgatoire, où le troubadour Arnaud Daniel s'exprime
en vers provençaux.
Uans le vingt-sixième chant du Purgatoire, Fauteur et héros de la
DIvina COMMEDIA, Dante, interroge le troubadour Arnaud Daniel ,
qui lui répond en vers provençaux.
Cette singularité littéraire est un hommage rendu par le poète italien
à la langue et à la poésie des troubadours en général , au mérite et à la
renommée d'Arnaud Daniel en particulier.
Non-seulement Dante étoit familiarisé avec la langue des poètes du
midi de h France, dont il cite quelquefois des passages dans son ou»
vrage de la Volgare eloquenza, mais encore, outre les vers inséré*
dans la Divina commedia, il en composa quelques autres qui sont
parvenus jusqu'à nous.
Malheureusement, à l'époque où Dante publia ses ouvrages, les
auteurs ne pouvoient surveiller et corriger, comme les procédés de
l'imprimerie l'ont ensuite permis, les copies faites et reproduites en des
temps et en des lieux différens; l'ignorance et quelquefois le prétendu
savoir des copistes introduisoient dans les manuscrits des variantes
presque toujours défectueuses , qui devenoient des fautes plus ou moins
grossières. \
Mais combien il leur étoit plus difficile d'éviter les erreurs, lorsqu'ils
transcrivoient des vers composés dans une langue qu'ils ne connois-
soient pas, ou, ce qui étoit puis dangereux peut-être, qu'ils ne con-
noissoient qu'à demi!
Si pavois à prouver mon assertion, je citerois les vers des troubadours
insérés par Dante dans son traité de la Volgare eloquenza : les
textes des bons manuscrits des troubadours présentent la leçon originale
1 a
68 JOURNAL DES SAVANS,
de ces vers ; et puisqu'il n'est pas permis de présumer que ce poète fes
eût défigurés lui-même en les transcrivant, il faut tenir pour certain que
les fautes qui s'y trouvent sont le malheureux ouvrage des copistes (i ).
Aussi les diverses transcriptions des manuscrits des troubadours ,
faites en Italie, n'auroient pu fournir des textes assez purs pour pu-
blier une édition correcte des principaux ouvrages de ces poètes : dans
ces manuscrits, beaucoup de mots sont mal-à-propos coupés ou con-
fondus; f orthographe italienne les dénature quelquefois; tout concourt
à prouver que la transcription est l'ouvrage de copistes évfdemment
étrangers à la langue du midi de la France.
Toutefois je suis bien loin de vouloir rabaisser la valeur et l'impor-
tance de ces manuscrits précieux , de ces dépôts conservateurs de la
langue et de la littérature provençales; j'aime à avouer que, s'ils
n'eussent pu suffire à exécuter mon projet de publier un Choix des
poésies originales des troubadours , ces mêmes manuscrits n'en ont pas
moins contribué au succès de cette entreprise littéraire. II m'a été
facile de reconnoître et de juger les leçons fautives; en les rejetant,
j'ai profité de tout ce qui pouvoit confirmer ou améliorer les textes des
manuscrits copiés ou restés en France, et je ne saurois trop remercier
les diverses personnes qui m'ont procuré fa communication et les
copies des manuscrits étrangers.
II ne faut donc pas s'étonner si la réponse d'Arnaud Daniel , contenue
à la fin du vingt-sixième chant du Purgatoire, altérée de copie en co-
pie, n'offroit plus qu'un texte défiguré et presque inintelligible, lorsque
la découverte de l'imprimerie permit de publier, pour la gloire de la
littérature italienne, et pour l'avantage de toutes les littératures mo-
dernes, la DlVINA COMMEDIA.
Sans doute les premiers éditeurs n'attachèrent aucun soin ni aucune
importance h choisir les meilleures leçons qui eussent rétabli les vers
provençaux dans leur pureté primitive.
(i) Je me borne à un seul exemple : dans les diverses éditions de la VOLG ARE
ELOQUENZA , on lit ainsi un vers d'Arnaud Daniel:
Solvi che sai io sobraffan chen sorz
Les bons manuscrits rapportent ce vers tel que je l'ai imprimé :
Sois sui que sai io sobrafan que m sortz.
Seul je suis qui sais l'extrême chagrin qui me surgit.
Tandis que, d'après le texte imprimé dans les éditions de la VoLGARE ELO-
QUENZA, solvi pour SOLS SUI est un mot étranger à la langue des troubadours,
chen ou ch'cn pour que M auroit pu signifier que dans , mais c'eût été un
contre-sens.
s
FÉVRIER 183O; ; 69
Comment ce déiail eût- il occupé un éditeur, un imprimeur, qui,
vraisemblablement, ignoroit la langue des troubadours, à une époque
où leur ancienne renommée étoit beaucoup déchue» et où rien ne per-
mettait d espérer quelle seroit réhabilitée !
Les éditeurs postérieurs ont soigneusement reproduit les leçons que
les premières éditions a voient accréditées, et la publication de quelques
variantes n'a pas réussi à rendre le texte plus pur et plus clair : la raison
en est simple ; on ne connoissoit plus les règles de la langue des trou-
badours ; on ne présumoit même pas que ces règles eussent existé.
Pour rétablir le texte des vers provençaux tel qu'il me paroît que
Dante les a composés, j'ai pris le .soin d'en recueillir, lus variantes
dans les divers manuscrits de la Divin A COMMEDi a : plusieurs de ces
manuscrits a voient conservé partiellement les leçons originales ; il suf-
fisoit de les reconnoître, d'en faire le choix et le rapprochement; ce
moyen , aussi simple que certain , m'a permis de reproduire le texte
primitif, sans y mêler aucune correction conjecturale, et en invoquant
seulement l'autorité irrécusable des manuscrits.
Avant de rapporter l'ancien texte diversement altéré dans les
manuscrits et dans les imprimés de la Divin A commedia, il me paroît
convenable de faire connoître le troubadour Arnaud Daniel , auquel
Dante a rendu un hommage aussi solennel.
c< O frère, est-il dit au 26/ chant du Purgatoire, celui que mon
» doigt te désigne (et alors il indiqua un esprit qui étoit devant lui)
» fut le meilleur auteur dans son idiome maternel. Il surpassa tous ses
» rivaux par ses vers d'amour et par ses proses de romans : laisse dire
» les sots ; ils prétendent que le poète du Limousin lui est préférable ;
» c'est qu'ils considèrent plus la renommée que la vérité , et ils acceptent
» ainsi des opinions, au lieu de consulter l'art et la raison.'
» Je m'avançai un peu vers l'esprit désigné ; je lui dis que je desirois
» connoître son nom, et aussitôt il me répondit. ... •
» Votre demande polie me plaît tant, que je ne puis ni ne veux me
» cacher à vous. Je suis Arnaud , qui pleure et vais chantant ; je vois
» avec chagrin ma folie passée , mais je vois avec transport le bonheur
» que j'espère à l'avenir. Maintenant je vous supplie, par cette vertu qui
» vous guide au sommet sans éprouver le tourment du froid ni celui du
» chaud, qu'il vous souvienne de soulager ma douleur 1). »
On a vu que Dante donne la préférence à Arnaud Daniel sur le
(1) Je traduis d'après le texte rétabli, pag. 74.
TO JOURNAL DES SA VANS,
poète Kmousin : ce poète étoit Grraud de Bomeif, dont il reste environ
quatre-vingt-dix pièces.
«* Giraud de Borneil , dit le biographe des troubadours , naquit en
» Limousin au pays d'Exideuif , dans un riche château du vicomte de
* Limoges pi étoit d'une condition peu élevée, mais savant «homme de
» lettres: il eut naturellement beaucoup de sens, et fut meilleur trouba-
» dour qu'aucun de ceux qui avoient existé avant lui ou qui existèrent
» après. C'est pourquoi il fut appelé maître des troupadours,
» et H l'est encore pour tous ceux qui entendent parfaitement les corn-
» positions ingénieuses , heureusement nuancées d'amour et de raison.
*> Il fût beaucoup honoré par les personnages distingués , par les con-
»'noi*seurs , et par (es dames qui entendoient les savantes expressions
^ de ses chansons. Sa manière de vivre étoit telle, que, pendant tout
*> l'hiver, il étudioit et s'instruisolt , et, pendant tout l'été, il adoitpar
» les cours, menant avec lui deux musicien* qui chahtoient ses chansons.
* Il ne voulut jamais se marier; et tout ce qu'il gagnoit, il le donnoif à
» ses pauvres parens et à l'église de sa ville natale; cette église s'appeloit
» et s'appelle encore Saint- Gertafs. »
Ce qui ajoutait encore à la réputation de Giraud de Borner! , c'est
tju'il passoit pour le premier troubadour qui eût fait des chansons.
On lit dans la vie de Pierre d'Auvergne : « H ne fit aucune chansohf
»cûr dfens ce temps aucun chant ne s'appeloit chanson (i), mais
» VERS : depuis lors, Giraud de. Borneil fit la première chanson qui
*»fut jamais composé*; Pierre d'Auvergne étoit tenu pour le premier
» troubadour du monde, jusqu'à ce que vint Giraud de Borneil. »
On lit dans la vie de Bertrand de Born qu'Alphonse II, roi d'Aragon,
tfiarioit les chansons de Giraud de Borneil aux sirventes de Bertrand de
Born. C'étoit rendre un noble hommage au talent et à la renommée de
Giraud de Borneil.
Dante- ose combattre cette opinion générale , pour accorder la pré-
férence à Arnaud Daniel.
Dans le sirvente que Pierre d'Auvergne composa pour critiquer
divers troubadours, le passage suivant est dirigé contre Grraud de
Borneil.
(i) Il 6st vraisemblable que le biographe étoit mal instruit: quand le comte
de Poitiers, à la fin du Xl.c siècle ou dans les premières années du XII.e, com-
mença une pièce par ce vers, FARAI CANSONETA NUEVA, sans doute la
chanson étoit connue; le diminutif catisoneta n'a pu être employé qu'après le
primitif canson.
; ^fe H<m& *#. Giraj&d-dfe BonreUt fcîli i^Iiroît un litige séché ao
» soleil 9 avec son chant maigre et dolent qui est un chant rdfi
porteuse deau ; s il se regardoit au miroir, il ne se priser oit pas un
» trait d églantier. Le troisième est Bernard de,YenUdoùi:#. qui est un
» cran en dessous de Giraùd de qornen. >p ,
Ainsi la satire de Pierre d*Àu y ergne. n'attaque que là personne de
Giraud de BorneH, et, à moH aVts', ce nest p« un eiôge médiocre que
de placer Btfrifaï^'deVehtadôùrïpres fui."/1
o:j|^8 Anoirçe de Montaudon lancer à iocmtfcÀir an. sit^enté qui devînt le
pppdsmt {testai de Fietfrd <d'Autoc«gn4 ; "; fe rnoine satrriqàe1#epK)dto k
^rruud Daniel son génie dwwwk^itdoffvi'» ;,;-|,i '■'» . .* L> j - r ^:*
. ;.<sLe sepuàmo est* Arnaud Djanid, qui t, de tdute sa vienne chanta
»^efl*fXjÇiB|>té:unj& çeuiç pièce qu'en tt'éptend pas; :depufe qu'il chassa
^Vtle 4wvre avec Je bceuf etxçu'it ^geâeontre i la courant J son chant #ie
» valut pas un fruit d'égJarilier; » '. ÏM-s'.D.m. . : /.i-. >!»; «;«; :n vu «
^/Cçtte ept&ioii xki 1 mofoe ide Montaucton me coiïdiiit>ifatureHemlnt
^?f!èrnde*^ornpositîi)usLd?Arnaai £}.lniel. Dame tëaniottÊ sans ie**'
triction dans les vers déjà cités, et Pétrarque, -dans sbn Trhmpke
4[nw<mt a dit 1 ce,' Le premier entre 1 ïàuà , Arnaud Paniei * grand maure
>> {£a,mour, qui (ait encore honneur ai son poys par qep poésies neuves et
•> Jolies ( j). m» '-f.'.r:-. ; /»,/ i *'■ i> ,-"•:>-■
nJf est peraiis dftctoifeque d^sbomposith>ns considérables tfAmaûrf
Ç>ani^J ont été>petdue&>: puisqufil s'en faut beaucoup que, d'après
faftvftr$ qui nous ntstèret ri* iip , oippûtJuicoûfirmer le titre de grand
açutre d'amour (a).; mais cetae qplaitâàmon luràvok été méritée sans
dputçpafi (statues ouvrages» teIsr*p»*ott roman de Lançelot du Lac,
— é—à+mm yè«*»«*Ui— — ^— — — — „ , , — . — — — — — — — — — — ■— — m—+mm
\ - • •
<t .f I : : l . ! f iJ 1 II . '«
(^jti ur Fw luaitli^rimb ArnaWb-DamtHo ;.;•■» . • '' -"' • *•'"•
•)t/' l > o Gr*n,waeftr$4/^ j ju -, . .)-...:■
ljI < \ . "è {Petr A RCA, Trionfo d*amore ^cap. 4.) ^ ,
•^iOint'k'tbme Vtfu Choi* dès fotsïès Ses troùbadoufs , faiditd'AVrtîuà
Daniel, page 30 : « En lisant- !*i*HWtagesxfu F irons réstêirt de ce tro&Dadtitïr; étf
* ÇJfW^Wrfl^cUWB^M lewiwkes de:lai.«raa<fcxfllébkité.dbnt ilaf^dii dt ion
• vîvanteiquiiy^ ç««Wfiî^é|9«f? 4t <3«AMi^4l:S^^Maîfcl^ciftMOrâ
a,farcnt trant rrm Ui recueil» qui le» conntiinene. Arnaud Daniel semble avoir
"îtSè -!*Jîfef r5e,rie- ^' V^f*-» .■}'<9Kw<fi«d« expwwiPM.l'iw^Mrtiocf 4«»
*rtim recherch^(i?, , ; , cl,.BIJ,rii[ fi„iB '|J,n -j mu '*ibn obir.n.A -.rh
7x . JOURNAL DES SÀVÀNS ,
traduit en allemand fers; la fin du XIH." siècle , et celui dont Pulci parle
eft'oes ternies: .
[' ' . Dopo coitui venne H famoso Arnaldo,
Che molto diligentemcnte ha icritto,
£ investtgô le opre di Rinaldo,
De Te gran coie che fecé in Egitto, &c.
( M ar gante M aggiore, cant. 27 , ott. 80. )
jî Le biographe d'Arnaud Daniel avoit dit de ce poète : ce Arnaud
* Daniel, fot du même pays qu'Arnaud de Marueil, de l'évèché de Pé-
» rigord, et d'un château appelé Ribeyraa il étoit gentilhomme. II
«apprit parfaitement les lettres; et se passionnant pour Fart des trou-
*badoùi'*yil abandonna les. lettres «et se fit jongleur : il inventa une
» manière , de trouver en rimes difficiles; c'est pourquoi ses chansons
» lie sont pas aisées à entendre ni à apprendre. »
Les vers que Dante a prêtés à Arnaud Daniel sont beaucoup plus
, soit pour Ja diction, soit pour les rimes, que les pièces qui nous
restent de ce troubadour.
Parmi les textes imprimés de la Divina commedia que je pourrois
indiquer, afin d'y appliquer les corrections fournies par divers manus-
crits, je choisis l'édition que, dans le siècle dernier, le P. Pompée
Yenturi publia avec commentaire , d'après celle que les académiciens
de la Crusca avoient donnée en l 590. Pans son commentaire , il
^exprima singulièrement sur ces vers , qù'H traduisit en note r «* Ar-;
*.naud Daniel, dît-il, lui répond en langue franque, partie provençale
* et .partie catalane» associant ensemble le méchant français avec fe
»plus mauvais espagnol , peut - être pour montrer qu'Arnaud pariait
» bien l'une et l'autre langue (1). »
M. Biagioli, dans son commentaire sur la Divina commedia ,
attaque vivement ces expressions du P. Venturi , et propose quelques
corrections du texte, fournies par une personne très-habile dans la
langue dès troubadours ; ces corrections , sans faire trop de violence
aju texte, foufnjssoient un sens assez naturel.
J^avois moi-même donné à un autre éditeur de Dante mes correc-
tions conjecturales , pour ramener le texte à une intelligence facile.
, Mais toutes ces tentatives n'étant fondées sur l'autorité d'aucun ma-
■h :\ 1
'Sp}X31l flspotodetn lingtt*Agianntezéra^ parte provenzale, è parte catalans,
attttE&ftnido întftme petfidë francese col perttmo spagnuolo, forse per mostrâre
che Arnaldo nelL' una e nell' altra lingua- era buon parlatore; J
FÉVRTER 1830. 73
nuscrit, avoîent besoin d'être justifiées par la confrontation de ces vrais
témoins , de ces uniques garans du texte primitif : c'était donc à tra-
vers les nombreuses variantes des divers manuscrits que Ton pouvoit
suivre les traces de ce texte, et remonter à la véritable leçon de Fil-
lustre poète. ,
En 1823, parut à Udine une nouvelle édition qui, importante à
plusieurs égards, Test devenue sur-tout pour aider au rétablissement
de ces vers provençaux.
Le texte entier de la Divina COMMEDIA, accompagné de notes,
est heureusement corrigé et rétabli d'après un grand nombre de ma-
nuscrits dont la liste se trouve en tête du premier volume, et notam-
ment d'après un manuscrit de la bibliothèque du commandeur Bartolini;
circonstance qui a fait distinguer cette édition par le titre de BARTO-
LINIANA.
Les vers provençaux y offrent quelques corrections remarquables ;
l'éditeur me fit l'honneur d'exprimer ses regrets sur ce que la distance
des Heux ne lui avoit pas permis de conférer avec moi, pour assurer la
vraie leçon primitive.
Excité par les vœux de l'éditeur, et favorisé de ses propres investi-
gations, je résolus d'exécuter le projet que j'avois formé depuis long-
temps, de vérifier, dans les manuscrits de Dante, toutes les variantes
qu'ils pouvoient fournir, de les choisir d'après lès règles grammaticales
et les notions lexicographiques de la langue des troubadours, afin de
retrouver par ce moyen le texte primitif.
Les nombreux manuscrits de la bibliothèque du Roi , trois manuscrits
de la bibliothèque royale de l'Arsenal, auroieht 'presque suffi au succès
*fle l'opération, qui devint assuré par la communication que j'eus des
variantes des manuscrits de Florence et de Rome.
C'est ainsi que, sans aucun secours conjWturaf , sans aucun déplace-
ment ni changement de mots, je suis parvenu, par le simple choix des
variantes, à retrouver un texte provençal conforme à la grammaire et à
la lexicographie de l'époque, et tel qu'il a dû être produit par Dante,
qui, comme je l'ai déjà dit, connoissoit parfaitement la langue des
troubadours.
TEXTE DE L'ÉDITION DU P. POMPÉE VENTURI.
Tan m'abbelfs votre cortois deman ,
Chi eu non puons, né vueil a vos cobrire;
Ieu sut Arnaut, che plour , e vai cantan ;
Con si tost vei la spassada folor
t
74 JOURNAL DES SAVANS,
Et vie giau sen le }orf che sper dcnan.
Ara vus preu pera chella valor,
Che vus ghida ai som délie scalina ,
Sovegna vus a temps de ma dolor.
TEXTE RÉTABLI D'APRÈS UN GRAND NOMBRE DE MANUSCRITS (l).
Tan m'abellis vostre cortes deman ,
Ch' ieu non me puesc ni m voil a vos cobrire;
(i) COMMENTAIRE JUSTIFICATIF DES CORRECTIONS.
/." vers. Tan m'abcllis vostre cortes deman.
Tant me fiait votre courtoise demande.
VoSTRE au lieu de votre, vestre, &c, mss. de la Bibl. du Roi 700J, anc. fonds ; —
de la bibl. roy . de l'Arsenal, n.° 30; — de la bibl. Barberina , ce. q. 1 .• ; — texte
de l'édition Bartoliniana. Cortes au lieu de cortois, mss. de la Bibl. du Roi
700^, anc. fonds; — de la bibl. roy. de l'Arsenal, n.° 30 ; —de la bibl. Barberina,
ce. 4« * -° et 2.0 ; — de la bibl. Angelica , S. 10. ; — de la bibl. Casanatense. H. a,
III. 4 et y ; — texte de l'édition Bartoliniana.
2.* vers. Ch* ieu non me puesc ni m voil a vos cobrire.
Que je ne me puis ni nu veux à vous cacher.
PueSc ou puosc , au lieu de puons, pons , &c. , mss. delà bibl. royale de l'Ar-
senal, n.° 30; — de la bibl. Baroerina, S. 2 9 ; — de la bibl. Mediceo-Laur., cod.
du XlV.e siècle, 36; — texte de l'édition donnée par l'Académie de la Crusca. Ni
au lieu de ne, mss. de la bibl. roy. de l'Arsenal, n.° 30 ; — de la bibl. Barberina , ce.
q. i.°; — de la bibl. Mediceo-Laur. du XIV.* siècle, n.° 25, n.° 36, n.° 155; du
XV.e siècle, n.° 18, n.° 27, n.° 28, n.° 72; — de l'abbavé florentine du XïV.c siècle
avec le commentaire de Buti. Vos au lieu de vus <xc. , mss. de la bibl. roy. de
l'Arsenal, n.° 29 et n.° 30; — delà bibl. Angelica, S. 2. 9. , et S. 2. 10; — de la
bibl. Casanatense, H. 111. 4*
4-e vers, Consiros vei la passada follor.
Chagrin je vois la passée folie.
CoNSlROS et non con si tost, consitos, &c, mss. de la Bibl. du Roi, 7,002 et
700^, et n.° 5 fonds réservé; — de la bibl. roy. de l'Arsenal, n.° 29 et n.° 30
bis; — de la bibl. Barberina, ce. q. 2; — de la bibl. Mediceo-Laur., cod. du
XIV.C siècle, n.° 2, n.° 7,n.° iyj du XV.e siècle, n.° 1, n.° 20, n.° 27, n.° 37;
— texte de l'édition Bartoliniana. Là PASSADA au lieu de las passada, laspas-
sada, &c. , mss. de la Bibl. du Roi 700J; — de la bibl. Mediceo-Laur., cod.
du XIV.C siècle, n.° 130, et du XV e siècle, n.° 72.
// vers. E vei jauzen Jo joi qu'esper dcnan.
Et je vois joyeux le bonheur que j'espère à l'avenir.
Vei JAUZEN au lieu de giausen , giau sen, &e. Presque tous les manuscrits qui
n'ont pas défiguré ce mot, portent Giausen pour JAUZEN, les copistes ayant
substitué , d'après l'orthographe italienne, Gl au j des troubadours. La variante
FÉVRIER 183& <n
leu sui Arnautz, che plor e vai cantan ;
Consiros veî la passa da follor
E veî jauzen lo joi qu'esper denan ;
Aras vos prec, per aquella valor . .,
Que us guida al som sens freich e sens câlina»
Sovegna vos atenprar ma dolor.
•
jauzen se trouve aux mss de la Bibl. du Roi 700J; — de la Bibl. du Roi,
supph1 non coté; — de la bibl. roy. de l'Arsenal, n.° 30. Lo JOI au lieu de lo jor,
le gioi , mss. de la bibl. Mediteo-Laur., cod. du XIVe. siècle, n.° 36, n.a 2$ ,
n,u6t n.° 155, n.° 16 ! ; — duxv.* siècle, n.° 3-, n.° 27,n.° 20; — de la bibl. del
Villanij XlV.e siècle, n.° 1 .; — Je la bibl. Barberina, ce. q. 2.0 — de la bibl.
Casanatense, H. III. 5 ; — texte de l'édition Bartoliniana. L'article LE au lieu de
LO étoit une faute si grossière, qu'il est étonnant qu'elle se trouve dans l'édition
publiée par l'Académie de la Crusca. Qu* au lieu de c/i. C'est encore ici une
substitution de l'orthographe italienne à l'orthographe de la langue des trouba-
dours. Qu' ou K se trouve dans un petit nombre de manuscrits, tels que ceux,
de la Bibl. du Koi suppl.' non coté; — de la bibl. roy.. de l'Arsenal > n.° 29 et
n.° 30 ; — de la bibl. Casanatense, et au texte de l'édition Bartoliniana.
6j vers. Aras vos prec per aquelia valor.
Maintenant je vous prie par cette vertu.
ARAS, au lieu d'ara, mss. de la bibl. roy. de l'Arsenal, n.° 30. Vos au lieu
d'us, de vus, mss. de la bibl. Casanatense, H. ni. 5 ; — de la bibl, roy. de l'Ar-
senal , n.° 29 et n.° 30. Prec et non preu, &c, mss. de la bibl. du Roi, 700 £,
et n.° j fonds réservé, mss. de la bibl. roy. de l'Arsenal , n.° 29 et n.° 30; —
texte de l'édition Bartoliniana. Aqu.ella au lieu dzachella, mss. de la Bibl. du
Roi, n.° 5 , fonds réservé ; — de la bibl. roy. de l'Arsenal, n.° 29 ; — de la bibl.
Mediceo-Laur., cod. du XI V.e siècle, n.°25, cod. du xv.e siècle* n,° 1 , cod. del
Villani xrv.c siècle, n.° n.
7/ vers. Que us guida al som sens freich e sens câlina.
Qui vous guide au sommet sans froid et sans chaud.
Que au lieu de ch , ms. de la bibl. roy. de l'Arsenal, n.° 29. Sens DOL ou
freich E SENS CALINA et non de l'escalinà, mss. de la Bibl. du Roi,
n. 7001 , n.° 700-j, n.°72j2et n.° 72*3 ; — de la bibl. roy. de l'Arsenal, n.°2o;
— de la bibl. Barberina, ce. q. 2 ; — ae là bibl, Casanatense, H: ni. 5 ; — de fa
bibl. Mediceo-Laur., cod. du xiv.c siècle, n.° 2 et n.° 141 , cod. du XV.« siècle,
n.à 1 ; — texte de l'édition Bartoliniana. Que us ne forme qu'un pied et guida
al que deux.
8.f vers. Sovegna vos atenprar ma dolor
Qu'il souvienne à vous de soulager ma douleur.
Atenprar ou atenplar au lieu de a temps de, mss. delà Bibl. du Roi 7001
et 725^, anc. fonds; — de la Bibl. du Roi, n.° 10, fonds réservé; — de la
bibl. Mediceo-Laur. , cod. du XV.« siècle , nu° 8.
K 2
4 •
76 JOURNAL DES SAVÀNS,
OBSERVATIONS SUR QUELQUES MOTS DU TEXTE RÉTABLI. •
j.f vers : Ieu SUI Arnautz.
Cette portion de vers se trouve dans un ouvfage d'Arnaud lui-même X
Ieu SUI Arnautz qu'amas l'aura. ( Vie d'Arnaud Daniel.)
Je suis Arnaud qui amasse l'air.
4? vers : Consiros, COSSIROS, adjectif, signifia triste, chagrin,
soucieux , rêveur.
Per que m'a m mais un paubre qu'es joios
C'un rie ses joi qu'es tôt l'an CONSIROS.
( Folquet de Marseille : S'al cor plagues. )
C'est pourquoi j'aime plus un pauvre qui est joyeux qu'un riche sans
toute l'année chagrin.
Consire, cossire, consirier, cossiriers , signifi oient dans la
langue des troubadours, rêverie, souci , inquiétude, chagrin.
Cossiraire eut la même acception que COSSIROS. Et le verbe
CONSIRAR signifia considérer, contempler , rêver, réfléchir,
j.' vers : Jauzen, joyeux , jouissant, heureux.
D'amorpusJAUZENSqueno suelh. ( Arn. DANIEL : A b placer. )
Plus joyeux d'amour que je n'ai coutume.
J OY , bonheUr, joie; esperar, espérer.
E s'ieu anc jorn fui gays ni amoros ,
Er non ai JOY d'amor ni non l'esper.
(Folquet de Marseille : S'al cor.)
Et si jamais un jour je fus gai et, amoureux, maintenant je n'ai
bonheur d'amour , ni ne l'espère.
y.c vers : Som signifia sommet, sommité, tant au propre qu'au figuré.
Cascun jorn s'en anava
AI SOM de la raontanha. ( V. de S. Honorât. )
Chaque jour il s'en alloit au sommet de la montagne.
El som detota perfectio. ( V. et vert,/©/, j/. )
Au sommet de touU perfection.
Dol forme sans doute un sens complet avec câlina. Dol signifia
douleur, deuil.
Ai! quais dols es! (Giraud deCaleNSON: Belhs seuher.)
Ah! quelle- douleur c'est!
Trop* es lo DOLS angoissos e cozens
{Aimeride PeguilaiN: S'ieuanc.)
La douleur est trop angoisseusett cui$anter
FÉVRIER 1830. 77
. La version sens dol se troure dans un plus grand nombre de
manuscrits que celle de SENS freich. Toutefois je préfère celle ci , et
voici mes raisons :
i.° L'oppo$itipn dç frejch et, de câlina étoit employée par les
troubadours, et elle est plus naturelle que celle de SENS DOL et SENS
câlina ; elle est sur-tout dans le génie de la langue des troubadours.
Tant ai de jôi per freg ni per CALINA.
( Guillaume de Berguedan : Can vei.)
Tant) ai de bonheur par le froid et par le chaud.
2.0 Dante , au troisième chant du Purgatoire , parle des tourmens que
le froid et le chaud font éprouver aux infortunés qui sont retenus dans
le purgatoire :
A sofferir tormenti CALDI e GELI
Simili corpi la virtù dispone.
N'est-il pas évident que le troubadour fait allusion à ces tourmens
causés par le froid et par le chaud , quand il dit que la vertu de ces
étrangers les guidera au sommet sans froid et sans chaud, c'est-à-dire ,
sans éprouver l'action du froid et du chaud qui tourmentent dans le
purgatoire! On a vu que câlina signifie chaleur.
Cant i'ivers se déclina
E toma la câlina. ( Guillaume de Tudela. )
* Quand l'hiver s'éloigne. ... et la chaleur retourne.
ACALINAR signifia échauffer.
^■ntro que si a ben tempratz
fi trop freit ni trop ACALINATZ.
(Deudes de Prades : Auq cass.)
Jusqu'à ce qu'il soit bien tempéré, ni trop froid ni trop échauffé.
J'ajouterai , en faveur de cette variante CALINA, que le mot n'existant
pas dans fa langue italienne, il ne seroit guère croyable que (es copistes
l'eussent placé dans divers manuscrits, s'il n'avoit été employé primiti-
vement dans le texte de Dante, au lieu que le mot scalina existant
dans la langue italienne , ces copistes ont été facilement induits en
erreur jusqu'à défigurer Ce texte par l'insertion de ce mot SCALINA.
Atemprar, atrempar, formés deTEMPRAR, trempar, signifient
tempérer, adoucir, soulager.
Mas la freidor de la lhuna et de l'aire atrempa cela calor.
(Liv.de Sydrac,jW. $6. )
Mais la froidure de la lune et de l'air tempère cette chaleur.
3o JOURNAL DES SAVÀNS,
une aussi brillante destinée. II sera Complet te ment satisfait, si le lecteur
a la patience d'aller jusqu'au bout, et de voir dans son ouvrage un
échantillon un peu curieux d'une littérature si éloignée. C'est. évaluer
trop peu son propre travail; çt il n'y a pas d'amateur du théâtre qui ne
lui sache gré d'avoir pris la peine de faire connoître une production
assurément très-remarquable, même indépendamment de l'époque et de
la contrée reculée où elle a pris naissance.
Le sujet du drame nouveau est historique, au moins pour 1er fond,
pour le nom et le rang des principaux personnages , et pour quelques-
uns des événemens auxquels il est fait allusion. Mais à la Chiner
comme ailleurs, on se donne beaucoup de liberté pour arranger lés
faits de l'histoire que Ton veut introduire dans le cadre d'une composi-
tion dramatique. Sous l'un des empereurs de la dynastie des Han , dont
le règne" précéda de quelques années la naissance de Jésus-Christ, la
nation des Hioung nou, qui, suivant Ueguignes, n'est autre que celle
des Huns, avoit formé dans la Tartarie deux, états, l'un au nord et
Fautre au midi. Le prince de l'un de ces états ayant été vaincu et mis
à mort par les Chinois, la nouvelle de sa défaite causa à son rival,
souverain de l'autre moitié de la nation Hioung -nou, un sentiment
mêlé de joie et de terreur. II envoya une ambassade à l'empereur^ et
témoigna le désir d'être admis à l'alliance. de la famille impériale. L'env
pereur avoit parmi sts femmes une fille de bonne maison , ce qui. veut
dire qu'elle netoit de la famille ni d'un médecin, ni d*un ouvrier,
ni d'un marchand. Cette fille , nommée Wang-tsiang> reçut le titre
de Tchao-kiun, et l'empereur Ja donna en mariage au prince tartare.
C'est de cette manière que les souverains de la Chine satisfont ordinai-
rement au désir qui leur est manifesté par les rois étrangers, leurs
voisins, et les mariages qui confèrent à ceux-ci le droit de se donner
pour gendres des empereurs chinois sont presque toujours des alliantes
de cette espèce. Voilà à-peu-près le fondement historique sur lequel
Fauteur a établi la fable de sa tragédie. Du reste, il s'est permis beau-
coup d'altérations graves à la vérité des faits; et ce qu'il y a de re-
marquable, c'est qu'au lieu de suivre les inspirations de la vanité na-
tionale , en montrant la Chine dans sa splendeur, humiliant les nations
voisines par la supériorité de sa puissance et de sa civilisation , -il 4 fait
un tableau qui a eu de la réalité dans plusieurs époques dç déca-
dence , mais qu'on peut appeler tout-à-fait fantastique pour le temps qu'il
a choisi.' II est permis de penser qu'il a lui-même composé sa pièce
sous l'influence anti-nationale des Mongols, alors maîtres de la Chine,
et que: jamais» sous une dynastie d'origine chinoise, un auteur du pays
ue m serait if>lu à dégrader ainsi à plaisir et contre k vérité de l'his~
FÉVRIER 1830. Bi
toire, la mémoire d'un empereur dont le règne n'a pas été sans gfoire.
Le prologue est, comme H arrive souvent, récité par deux person-
nages qui paraissent successivement sur le théâtre, et qui sont sup-
posés agir et parier en deux lieux très-éloignés l'un de l'autre. Le pre-
mier est le prince des Tartares, suivi des tribus soumises à son obéis-
sance. Il entre en déclamant des vers qui signifient que d'innombrables
archers le reconnoissent pour leur chef, et qu'il est attaché comme allié
à la dynastie de Han. Il décline ensuite son propre nom. «Je suis, dit-il,
le tchhen-iu ( empereur) Hou-han-ye. J'habite dans les déserts de Ta
Tartarie ; je domine seul sur les régions du Nord. La chasse est l'occu-
pation de notre vie; la guerre, notre unique affaire. Wen-wang { au
XI i.c siècle avant Jésus-Christ), fuyant devant nous, transporta plus à l'o-
rient le siège de son empire. Weï-kiang, redoutant nos armes , implora la
paix avec nous. Hiun-yo, Hian-yun, tels sont les noms que nous
avons portés sous différentes dynasties. Tchhen-iu, Kho-han, voilà les
titres que nos princes ont reçus par succession de temps. Dans nos
guerres , au temps des Han , les affaires qui occupoient l'empire accrurent
notre puissance; nos armées furent portées au nombre d'un million d'ar-
chers. Mon aïeul, le tchhen-iu Mo-thun, enferma dans le Pe- teng
l'armée de Kao-ti de la dynastie de Han, et l'y retint sept jours. La paix
fut conclue par l'entremise de Leou-king , et à la condition qu'une pont
cesse impériale seroit donnée en mariage à mon prédécesseur. Les
mêmes relations se sont renouvelées a chaque génération jusqu'au règne
de Hotï-ti et de l'impératrice Liu-heou. Sous Sîouan-ti, les princes de
notre famille se sont disputé le trône, et noire puissance a été affaiblie
par les troubles qu'ils ont excités. Enfin, toutes nos tribus m'ont élevé au
trône sous le nom du tckken-iu Hou-han-ye, et je suis véritablement
neveu par alliance des empereurs de la dynastie Han. Je me suis avancé
vers le midi , et j'ai approché des frontières de l'empire à la têle de cent
mille combattans. Je m'honore du litre que porte ma maison tar-
taro-chinoise. Ces jours derniers, j'ai dépêché et envoyé pour offrir le
tribut et solliciter la main d'une princesse impériale. J'ignore encore
si l'empereur des Han voudra tenir les engagemens qui ont été jurés. »
Je ne m'arrêterai pas à faire observer de légères différences qui
existent entre la traduction qu'on vient de lire, et celle de M. Davis.
Maïs ce récit, mis dans la bouche d'un prince tartare, et destiné à
commencer l'exposition, offre plusieurs singularités. Le résumé des mal-
heurs que les Chinois ont éprouvés dans leurs guerres avec les Hioung-
nou, est présenté par un souverain contemporain de notre ère; et les
événemens qui y sont rappelés, sont les uns très-anciens, puisqu'ils se
\
82 JOURNAL DES SAVANS,
rapportent au xn.c siècle avant Jésus-Christ, et les autres beaucoup trop
modernes, puisque le titre de khan, par exemple, a été pris pour la
première fois par Tou-fun , qui vivoit quatre cents ans après fe per-
sonnage qui en parle. If faut aussi remarquer les expressions S al lié de
la famille impériale, de neveu des princes de Han et de dynastie tartaro-
chinoise, par lesquelles Hou-han-ye se désigne Jui-même ainsi que sa
maison. Au roi des Tartares succède le ministre chinois Mao-yan-cheou,
qiii, au milieu du palais de son maître, se plaît à faire, dans un monologue,
Ténumération de ses ruses , de ses perfidies et de tous les moyens odieux
par lesquels il a réussi à capter la confiance de l'empereur, en lui appre-
nant à écarter ses plus sages conseillers et en favorisant son penchant
pour les voluptés. L'empereur en personne interrompt ce fastueux éta-
lage des crimes, des mauvais sentimens d'un traître , et vient , après s'être
nommé , dire que les femmes qui peuploient le palais intérieur ( i ) de son
père ont été renvoyées. Comment, ajoute-t-il, supporter cette soli-
tude'. Le ministre lui propose d'user du droit que lui donne le titre de
fils du ciel t et de faire chercher dans tout l'empire toutes les filles, sans
distinction de rang, qu'elles appartiennent à des princes, à des grands, à
des militaires ou à des gens du peuple , pourvu que leur âge soit entre
quinze et vingt ans, et que leurs attraits soient dignes du palais. L'em-
pereur goûte cet avis, et donne à Mao-yan-cheou la commission de
désigner, parmi les beautés de tout l'empire, celles qui mériteront que
leurs portraits lui soient présentés, pour faire lui-même son choix. Ainsi
finit le prologue, qui, comme l'observe le traducteur, est proprement
un acte, formant, avec les quatre qui suivent, la division la plus habi-
tuelle des drames chinois.
Au premier acte , le ministre vient raconter aux spectateurs de quelle
manière il s'est acquitté de sa commission. Son choix s'est dirigé sur
quatre-vingt-dix-neuf filles , dont les familles lui ont fait d'immenses
présens pour obtenir la préférence. Mais à Tseu-koueï, petite ville du
département de Tching tou, il a trouvé la fille d'un certain Wang-
tchang-tche, nommée Wang-tsiang. et surnommée Tchao-kiun, douée
de tous (es attraits imaginables, supérieure en beauté à toutes les femmes
de l'empire. Le père est un laboureur peu fortuné; le ministre lui a
demandé cent onces d'or pour mettre sa fille au premier rang sur sa
liste. Le père a objecté sa pauvreté, et s'est fié aux charmes de sa fille
pour la tirer de l'obscurité. Mao-yan-cheou vouloit l'exclure de ia liste:
(i) M. Davis se sert du mot arabe de haram , et met en note nehkoung.
il y a dans le texte heou-koung, palais de derrière, arrière-palais.
FÉVRIER 1830.
Sj
il se ravise ensuite, et se borne à altérer son portrait, pour qu'en le
voyant, l'empereur relègue la belle Wang-tsiang dans le palais d'exil
(ling koung). « Elle sera malheureuse toute sa vie, s'écrie- t-il : l'homme
dont Ja haine est foïble n'est point un sage; celui qui ne sait pas
nuire ne mérite pas le nom d'homme. » Après cette belle maxime, il
se retire, et fait place à la charmante Tchao-kiun elle-même. Il s'est
écoulé du temps depuis son arrivée dans le palais : mais la ruse du mi-
nistre a été couronnée de succès ; elle n'a pas encore vu l'empereur.
Elle déplore son abandon , en jouant de la guitare au clair de la lune.
L'empereur, qui, parmi les beautés qu'on lui a nouvellement amenées,
n'en a pas encore trouvé une qui pût mériter ses bonnes grâces, a ré-
solu, cette nuit même, de parcourir de nouveau son palais, décidé à
fixer enfin son choix. Il passe près du lieu où Tchao-kiun exhale .ses
plaintes, l'entend, la fait approcher, admire sa Lt.au te , apprend son
aventure de sa propre bouche, ordonne le supplice du traître Mao-yan-
cheou, et accorde le titre de reine à Wang-tsiang. Celle-ci témoigne
avec une rare naïveté sa joie ei son trouble à l'occasion des bontés dont
son souverain l'honore. Un rendez-vous est indiqué pour le lendemain
matin. La nouvelle reine rentre dans son appartement pour se livrer au
sommeil.
La première scène du deuxième acte se passe en Tarlarie. Le prince a
reçu de la cour de Chine une réponse défavorable ; on a prétexté la
trop grande jeunesse de la princesse qu'il deinaudoit en mariage. Mais
le palais des Han ne coniUnt-il pas une foule innombrable de dames!
Quelle difficuté de fui en accorder une! Des pensées de vengeance
occupent son esprit ; il craint toutefois de rompre une paix qui a duré
tant d'années. Tandis qu'il est agité de pensées diverses, Mao-yan-
cheou, échappé au supplice qu'il avoit mérité, arrive au camp des Tar-
tares, et se fait présenter à leur souverain. Il est porteur du portrait
de la belle Tchao-kiun; il veut le montrer au prince des Hiong-nou,
l'enflammer pour elle et l'obliger à la demander à l'empereur de la
Chine Admis en présence de Hou-han-ye, il lui fait un récit concerté
des causes de sa disgrâce , une peinture séduisante des charmes de
Tchao-kiun. Le prince, cédant a ses suggestions, se décide à renyoyer
en Chine une seconde ambassade, et se montre résolu, en cas d'un
nouveau refus, a faire une invasion dans les Ci mirées méridionales. La
scène est ensuite transportée dans le palais des Han; la princesse est
à sa toilette. L'empereur , toujours plus épris d'elle , a négligé le soin des
affaires, pour être tout entier à sa passion: il a cessé de présider son
conseil; il n'a pu, dans ce jour, attendre jusqu'à la fin de la séance; il
84 JOURNAL DES SAVANS,
rentre chez sa maîtresse chérie pour l'observer à sa toilette ; il trace un
tableau poétique des sentimens dont elle a rempli son cœur et du
plaisir qu'il se fait de la retrouver. Mais à peine goûtent-ils le bonheur
d'être réunis, qu'un des présidens du conseil demande à être introduit.
Un envoyé tartare est arrivé à l'issue de la séance; il a fait*part de
l'ultimatum de son maître. On a remis à ce dernier le portrait d'une
princesse qu'il demande en mariage pour unique condition de la
paix. S'il éprouvoit un refus, rien ne pourra l'empêcher de faire une
invasion dans les contrées du midi, à la tête d'une armée innombrable.
L'empereur se récrie à cette proposition. L'envoyé est admis en sa pré-
sence, et répète sa demande. La princesse, malgré l'amour qui l'attache
à son souverain, offre de se dévouer pour le salut de l'empire. Après de
longs débats entre la passion et le devoir, la tendresse et la politique,
Fempereur est contraint de céder aux menaces des Tartares, aux vœux
de ses peuples , aux prières de ses ministres ; il renonce à celle qu'il
aime : il la cède au dangereux allié qui met à ce prix la continuation
de la paix entre les deux empires.
Le troisième acte s'ouvre par la scène des adieux. L'empereur ne peut
se résoudre à laisser éloigner celle qu'il aime ; il l'a reconduite près de la
ville. Aujourd'hui, s'écrie Tchao-kiun, je suis encore la princesse de
Han, et j'en porte les ajustemens : demain, je serai la femme d'un chef
barbare ; je dois en revêtir le costume. Gardez ces vêtemens, marque de
ma dignité passée. L'ambassadeur tartare presse le départ; les mi-
nistres chinois exhortent l'empereur à la résignation. Ce prince se dé-
sole, et laisse enfin partir l'objet de sa passion. — Le roi des Huns entre
ensuite; on lui a rendu compte du succès de la négociation : il attend (a
princesse, à laquelle il décerne d'avance le titre de reine des Huns,
pacificatrice des barbares. Il ordonne le départ de ses troupes pour le
Nord, et se retire. — La princesse paroît: Quelle est cette contrée,
demande- t-elle à l'envoyé qui guide sa marche! — Ce p>ays, arrosé par
4e fleuve du Dragon Noir, est la limite de la Tartarie et de la Chine.
Tout ce qui est au sud dépend du roi de Han; ce qui est au nord fait
partie de l'empire tartare. — La princesse, s'adressant au roi des
Huns: Grand roi, dit-elle, donnez-moi une coupe devin, pour que je
fosse une libation vers le midi , en prenant congé de (a maison de Han ,
au terme de mon long voyage. — Empereur des Han, s'écrie-t-elle,
la vie actuelle de ta servante est terminée ; je vais l'attendre dans la vie à
venir; et elle se précipite dans le fleuve. — Hou-han-ye fait de vains
efforts pour la sauver : if déplore cette fatale issue d'une négociation
qui lui promettoit le bonheur; il ordonne les funérailles de la princesse,
33o.
8î
et fait livrer l'auteur de touies ces infortunes à l'empereur de fa Chine,
pour que la juste vengeance de ce prince soit exécutée, et pour conso-
lider la paix des deux états.
L'action principale est terminée, et le quatrième acte n'est qu'un épi-
logue assez court, contenant les regrets de l'empereur des Han. II n'a
pu reprendre le soin des affaires publiques ; le souvenir de la princesse
qu'il a dû sacrifier au salut de l'état l'occupe tout entier. Il brûle des par-
fums en son honneur; l'abattement et la douleur le livrent au sommeil.
La princesse lui apparaît en songe, et comme si elle se fût échappée des
mains de ses conducteurs; un soldat tartare la poursuit dans le palais,
la saisit et l'entraîne; l'empereur se réveille à cette vision : les cris ré-
pétés d'une oie sauvage viennent ajouter a son trouble; ce présage
extraordinaire le prépare a la nouvelle qu'apporle le président du con-
seil. Un envoyé tartare vient d'arriver, amenant avec lui le perfide
Mao-yan -cheou enchaîné. Il apporte la nouvelle du dévouement de la
princesse et de sa fin tragique, et demande les ordres de l'empereur.
Ce prince prononce l'arrêt du traître, dont la tête sera une offrande à
l'ombre de la princesse, et termine la pièce par quatre vers qui en con-
tiennent en quelque sorte le résumé.
L'analyse qu'on vient de lire ne donne pas l'idée d'un drame fort
régulier; mais elle suffit pour faire entrevoir l'intérêt qui peut s'atta-
cher à certaines situations , a des scènes bien faites , à un grand nombre
de détails heureusement développés. Le caractère de la princesse est
beau du commencement à la fin. Celui de l'empereur est foible ; et c'est
de la part de l'auteur un tort d'autant plus grave, qu'en cela sur-tout il
s'est écarté des traditions de l'histoire. Mais cette faute étoit, pour
ainsi dire, inévitable dans le sujet qu'il a inventé, et l'on voit souvent,
même en Occident, des caractères historiques ravalés par des écrivains
qui mêlent aux faits réels des particularités entièrement imaginaires.
Mao-yan -cheou ressemble aux traîtres de tous les pays. Sa conduite
est d'abord dictée par des motifs au-dessous de la dignité tragique; la
vengeance qu'il tire de son maître auroit pu le relever, si fauteur eût
eu plus d'habileté. Il n'y a rien a dire du roi des Huns ni du président
du conseil; ce sont de? rôles sans couleur, et qui ne sont là que pour
concourir faiblement à l'action. C'est au reste une chose assez remar-
quable qu'une pièce en cinq actes dont la fable est nouée et dénouée
à l'aide de trois personnages seulement. II en résulte un intérêt peu
partagé, et c'est la seule des trois unités qui soit observée dans la
pièce, La scène est à chaque instant transportée de la Tanarie à la
Chine, et du palais des Han aux bords du fleuve du Dragon N'oir.
J
96 JOURNAL DES SA VANS,
L'action commençant avec la commission donnée à Mao-yan-cheou de
chercher de belles personnes dans les provinces de l'empire, doit
durer assez long-temps pour donner le temps aux divers envoyés tar-
tares d'aller et de revenir. Le cri de foie sauvage est un avertisse-
ment pris dans les idées superstitieuses des Chinois, et l'apparition de
la princesse et du soldat tartare qui la poursuit, n'a, comme l'observe
le traducteur anglais, rien de plus extraordinaire que la vision sem-
blable qni a lieu dans la tragédie de Richard III. C'est en songe que
l'empereur voit sa bien-aimée; et si le poète, pour la montrer éga-
lement aux spectateurs, s'est vu forcé de la ramener en personne sur
la scène , c'est qu'il n'a pas su ou osé faire débiter à un personnage en-
dormi les paroles qui auroient été nécessaires pour faire connoître les
idées qui se présentoient au prince durant son sommeil.
M. Davis a très-bien entendu l'ouvrage qu'il avait entrepris de tra-
duire : iia rendu généralement avec beaucoup d'exactitude la partie du
drame qu'il a cru devoir faire passer en anglais; et si, dans l'analyse
que nous en avons faite sur l'original > on vient à noter quelques pasages
que nou« exprimons un peu autrement que hii, il sera juste de remarquer
que le* différences sont ou tout-à-fait insignifiantes, ou relatives à des
|inriii'ulntiti'$ historiques qui n'ont aucune importance dans un ouvrage
dr cotte miture. Mais la version de M. Davis, très-exacte dans les par-
tir» tir l'original quelle comprend, est loin Jètre complète. Si nous
relevons cette circonstance, ce nest pas dans la vue de diminuer le
|ii«tr tribut d'éloges qu'on doit au traducteur; mais n*us ne pouvons
supprimer une observation qui se rapporte k la forme même des com-
positions dramatiques des Chinois, et qui doit servir à en faire juger le
génie et le mérite.
I.e style des drames ordinaires h la Chine est très-simple et très-
facile dans le dialogue, dans les récits , dans tout ce qui est indispensable
h l'exposition de la fable, au progrès de faction. Il faut qu'il en soit
ainsi, pour que <\i's spectateurs de tout état puissent suivre la marche de
la pièce et prendre intérêt aux scènes qui se jouent devant eux. Mais si
les parties qui sont écrites de cette manière suffisent pour donner une
idée générale des accidens, de la situation des personnages, de leurs
rapports mutuels et de la catastrophe, elles sont loin de présenter, avec
les développemens nécessaires, les nuances des sentimens, le jeu des
passions, les réflexions morales; ces objets sont toujours renfermés dans
la partie poétique du drame , dans des couplets plus ou moins étendus ,
écrits en vers et destinés à être chantés, et qu'on peut d'autant mieux
comparer à nos ariettes, que l'air qui convient aux paroles est toujours
FÉVRIER 1830. 87
indiqué au commencement. C'est cette partie poétique qui donne aux
pièces un mérite littéraire qui en fiiit le charme pour les amateurs ins-
truits, qui soutient leur attention et anime la scène à leurs yeux. Une
pièce chinoise de ce genre est un opéra, dont la prose représente le ré-
citatif. Réduit à cette prose, ce n'est plus qu'un canevas, qui fait, à la
vérité, connoître les noms des personnages, leurs intérêts, leur conduite
et les conséquences qu'elle entraîne, mais qui ne donne aucune idée
des émotions qu'ils sont supposés ressentir et produire au- dehors. Une
pièce ainsi traduite est abrégée de plus de moitié ; mais qui pourroit dire
combien elle a perdu ^p son intérêt! Cette perte doit naturellement
être en proportion du génie plus ou moins élevé de l'auteur et de son
talent pour la poésie : car plus il affectionnera cette manière noble et
majestueuse de s'exprimer, et plus il donnera à la partie du chant, aux
couplets en vers, aux ariettes. D'ailleurs la place que ces ariettes oc-
cupent ne saurait, sans inconvénient, rester vide, à moins qu'on n'en
avertisse avec soin: car si, par exemple, un héros doit prendre une
résolution, ses motifs, puisés dans son caractère ou dans sa situation,
les raisons qu'il a de se soumettre au sort ou de*le braver, seront exposés
avec les ornemens propres à la mélopée ; et en ne rendant de son rôle
que les portions écrites en prose, on risquera de rapprocher le com-
mencement et la fin de son monologue au point que sa détermination
paroîtra fantasque ou ridicule. Les nuances s'effacent, la gradation dis-
paroît entièrement; et en accourcissant de moitié son rôle, on affoiblit
d'autant l'impression que ce rôle peut produire, et l'intérêt de toute na-
ture qu'il peut inspirer.
Nous ne prendrons, dans la pièce qui nous occupe , qu'un seul
exemple, qui justifiera les considérations précédentes. L'empereur est
auprès de la princesse qu'il chérit ; il assiste à sa toilette. Un conseiller
d'état est introduit; il expose la demande du roi des Huns. L'empereur
se trouble; il laisse entrer ï ambassadeur, l'écoute, cède à ses menaces,
et renonce à l'objet de sa tendresse. Moins de trente lignes de prose
renferment tout ce que de pareilles circonstances inspirent aux person-
nages qu'elles intéressent, et, sur ce nombre, l'empereur n'en prononce
pas dix. Une telle stérilité de pensées et de paroles ajoute encore à ce
que la faiblesse de ce prince peut avoir d'avilissant, losqu'il se décide,
par amour de la paix, a céder sa maîtresse à son rival; mais, en réalité,
son rôle n'a pas ce laconisme déplacé. Huit grands airs, d'une centaine
de caractères chaque, sont intercalés dans l'original, entre le moment
de l'arrivée de l'envoyé tartare et (a fin du deuxième acte, et c'est l'em-
pereur qui chante tous ces airs, pour exprimer d'abord son indignation
88 JOURNAL DES SAVÂNS,
des lâches conseils que lui donnent ses ministres , puis sa douleur de se
voir enlever par un barbare la princesse qu'il adore, ses inquiétudes sur
le sort qu'elle éprouvera dans un climat sauvage. Avec ces développe-
mens, le prince de Han est loin de se montrer au même degré de rési-
gnation stupide que lui prêteroit une traduction incomplète, où l'on pas-
seroit par-dessus toutes les répliques qu'il n'exprime pas en prose. Cette
observation peut s'appliquer aux autres situations de la pièce, et à toutes
tes parties des drames lyriques de la Chine.
Le P. Prémare, en traduisant l'Orphelin de Tchao, a, le premier,
donné l'exemple de ne traduire , dans les tragédies chinoises , que les
parties du dialogue qui sont écrites en prose, et de se borner à insérer,
dans le rôie de chaque personnage, ces mots , il chante, aux endroits où
un sentiment plus vif ou des mouvemens plus passionnés emportent à- fa-
fois le poète et l'acteur à s'exprimer en vers. Assurément ce missionnaire,
le plus habile de tous ceux qui se sont appliqués à l'étude du chinois,
ne peut pas être soupçonné d'avoir, en cette occasion , supprimé ce
qu'il n'entendoit pas. II écrivoit d'ailleurs à la Chine , où l'on ne sauroit
être arrêté par des difficultés que le secours des lettrés permet tou-
jours de surmonter. Mais il a cru san* doute que, dans un travail au-
quel il attachoit lui-même peu d'importance , il suffisoit de donner une
idée générale du sujet et de la marche d'une pièce dramatique. Ce qui
vient d'être dit du P. Prémare s'applique très-exactement à M. Davis ,
qui l'a malheureusement pris pour modèle dans sa manière de traduire ,
et qui s'est, à l'exemple du missionnaire, dispensé de rendre le sens
des ariettes. M. Davis s'est occupé de la poésie chinoise; et c'étoit un
bon sujet d'études que de reproduire ces morceaux, si nécessaires pour
faire juger l'esprit et le caractère de l'original. S'il étoit arrêté par le
style pompeux de ces passages, par les métaphores qu'on y entasse,
par les allusions qui les remplissent, par les formes, pour ainsi dire,
énigmatiques qu'on y donne à la pensée , c'étoit le cas de recourir aux
explications des naturels, qui en au roi en t aisément dissipé toutes les
obscurités. La justification du plan qu'il a adopté se trouve dans les lignes
suivantes de sa préface : ce Ces endroits sont pleins d'allusions à des
» choses qui ne nous sont pas familières, et de figures de langage qu'il
*> nous est très-difficile d'observer. Ce sont d'ailleurs fréquemment de
» simples répétitions ou amplifications des parties écrites en prose , des-
» tinées à l'oreille plutôt qu'aux yeux, et plus convenables pour le
» théâtre que pour le cabinet. » Nous pensons que les personnes qui
auront pris la peine de peser (es raisons précédemment rapportées avec
celles de l'auteur anglais, seront peu disposées à approuver le parti
FÉVRIER 1830. »9
qu'il a suivi. On ne connoîtra véritablement le théâtre chinois que
quand un littérateur bien versé dans l'intelligence de la langue s'atta-
chera à traduire en totalité plusieurs drames choisis parmi les plus esti-
més,-sans aucune suppression, et en ajoutant, s'il le faut, un cOjn-
mentaire aux parties qui ne^ sauraient être complètement entendues
sans ce secours, et qui sont loin de mériter le dédain avec lequel on
affecte de les considérer. JVL Davis paroît mieux préparé que personne
pour exécuter avec succès un travail de ce genre, et Ton peut espérer
tjtt'il s'en occupera, s'il fait encore à Canton un séjour de quelques
années. Nous avons eu occasion de dire plusieurs fois, dans ce journal
et ailleurs, pourquoi ii seroit téméraire d'entreprendre en Europe une
tâche -aussi épineuse.
Le comité de traduction pour les ouvrages orientaux établi près de
Ja Société royale asiatique de Londres, avoit fait imprimer, dans le
format adopté pour ses publications, la traduction" de M. Davis; lui-
même l'a ■■ reproduite à la suite de sa nouvelle traduction du roman de
VUhion bien assortie , qu'il a donnée en deux volumes, et dont nous
nous proposons de rendre compte prochainement.
J, P. ABEL-RÉMUSAT,
TRAVELSin Arabia , compîehending an account àf f those terri tories
in Hedja% which the Mohammèdans regard as sacred , hy the
Tate John Lewis. Burckhardt ; published by authority of the
association for promoting the discovery ofthe interior of Africa.
— - Voyages en Arabie, contenant la description des parties du
Hedja% qui sont regardées comme sacrées par les Mahométans,
pat feu \. L. Burckhardt ; publiés par ordre de V association
formée pour le progrès de la découverte de l'intérieur de l'Afrique.
Londres,, 1829, xvj et 478- pages in-4.0
SECOND ARTICLE.
Le voyageur Burckhardt, après nous avoir fait connoître, dans le plus
grand détail, la ville et les faubourgs de la Mecque, traite, dans autant
d'açtiçjes séparés, de la grande mosquée de cette ville, ou» comme s'ex-
M
$o JOURNAL DES SÂVANS,
priment les musulmans, de la Maison de Dieu [BeïtoiSllak) , de l'his-
toire de cette mosquée et de (a Caaba , des autres lieux réputés saints ,
soit dans la ville même, soit dans ses environs, et que (es pèlerins ont
coutume dç visiter; des habitans de la Mecque et de Djidda; du gou-
vernement de la Mecque; du climat et des maladies de cette ville et
de Djidda; enfin du haddj ou pèlerinage. Sur chacun de ce» objets
il n'omet rien de ce qui peut satisfaire la curiosité des lecteurs, et il
joint au récit des choses qu'il a vues et observées par lui-même Au
apprises de témoins #dignes de foi, les rtnseignemens que lui ont
fournis divers ouvrages manuscrits dont il a donné de courtes notices
au commencement de sa relation. Parmi les choses qu'il racontent les
descriptions qu'il nous offre, quelques-unes sont entièrement neuves
pour nous; d'autres sont plus détaillées et plus complètes que celles
que nous possédions; toutes ont un intérêt spécial pour les personnes
qui se livrent à l'étude de l'histoire , de la langue et dé la littérature
des Arabes. Au milieu de cette foule de renseignemens et de faits, nous
choisirons dans chaque article, sans observer aucun ordre, quelques-
uns des traits qui nous ont frappés davantage.
C'est un préjugé général parmi les habitans de la Mecque, préjugé
fondé, à ce qu'il paroît, sur quelques hadith ou traditions prophétiques,
que fa mosquée de cette villff peut contenir un nombre quelconque de
vrais croyans , et que, quand même tout ce qu'il y a de musulmans au
monde viendroit à y entrer en même temps , ils y trouveraient tous
place pour y faire leur prière. Les anges préposés à la garde de-ce saint
lieu étendroient, dit-on, invisiblement les dimensions de 1 édifice, ou
diminueroient celles de chaque individu. Burckhardt croit que la mosquée
peut contenir environ 35,000 personnes dans l'attitude de la prière,
mais qu'en aucun temps elle n'est à moitié remplie. Jamais, au four
même où tous les pèlerins y étoient réunis après leur retour du mont
Arafat, il n'y a compté plus de 10,000 personnes. C'est en général à
l'heure de la prière du soir que la mosquée réunit une plus grande
affluence de musulmans, pèlerins ou autres. L'imam se place près de la
porte de ta Caaba; et les différentes attitudes qu'il prend pendant (a
prière, sont imitées par toute rassemblée. II est impossible "au spectateur
le plus apathique de ne pas éprouver une impression secrète de respect
religieux , en voyant 6 ou 8,000 personnes s'agenouiller ou se pros-
terner toutes à-Ia-fois , sur-tout si l'on se représente leloignement et
la diversité des pays d'oir sont venus les hommes rassemblés en ce
lieu, et le motif qui les y amène, tous tant qu'ils sont, ce La nuit» dit
» notre voyageur, quand les lampes sont allumées, et que des troupes
FÉVRIER 1830. 91
» de dévots s'acquittent du towaf ( c'est-à-dire, de la procession circu-
» Jaire) autour de la Caaba, I aspect de ces groupes occupés à leurs
» dévotions , la voir élevée des metowaf ( ou guides des pèlerin^, ap-
» pliqués à se faire entendre de ceux pour lesquels ils récitent (es prières ;
» les conversations d'une foule de gens oisifs qui parient tout haut; les
» courses, les Jeux, les éclats de rire des énfans, donnent à tput cet
» ensemble une apparence bien différente , et qui ressemble bien plus à
» celle d'un lieu public de divertissement. »
La grande mosquée de la Mecque, qui sembleroit devoir être con*
sacrée uniquement aux exercices de la religion , n'est pas seulement le
plus souvent le passage des personnes qui la traversent en tout sens
pour aller à leurs affaires , ou le rendez-vous des gens désoeuvrés , des
étrangers , des mendians , des vagabonds ; ,elle est encore habituelle-
ment profanée par les désordres les plus honteux et par la plus gros-
sière débauche, sans que ces profanations excitent chez ceux qui en
sont témoins aucune indignation.
C'est siir-tout à l'époque du ramadhan. et à l'heure des prières du
soir, que la mosquée de la Mecque est clans son plus grand éclat , et
que les pèlerins qui viennent d'achever un voyage pénible à travers des
contrées arides et désertes , ne peuvent manquer de recevoir de vives
impressions à la vue de ce vaste édifice , de cette brillante illumination ,
et de cette multitude accourue de tous les coins de la terre pour offrir ses
hommages au chef- lieu de l'islamisme. Notre voyageur y fut témoin
du ravissement et de l'enthousiasme d'un pèlerin du Darfour, qui,
après être resté long- temps prosterné dans un profond silence, se
leva, fondit en larmes, et, dans sa profonde émotion, au lieu de ré-
citer les prières d'usage, s'écria : « Seigneur, prenez en ce moment
» mon.ame, car c'est vraiment ici le paradfr. »/
L'aspect de la mosquée , à la fin du temps du pèlerinage, est bien
différent. Les malaises et les maladies mortelles, causées ou par la fa-
tigue excessive du voyage, ou. par Vihram, c'est-à-dire, l'habillement
obligé du pèlerin , qui ne couvre pas assez le corps et ne préserve pas
suffisamment des intempéries de l'air; les logemens malsains, la mau*
vaise nourriture, quelquefois même le manque absolu de subsistance,
remplissent la rrtosquée de corps morts qu'on y apporte pour rece-
voir les prières de l'imam , ou de malades qui s'y font transporter, soit
dans l'espoir de recouvrer la santé par l'aspect de la Caaba , soit pour
avoir la satisfaction de rendre les derniers soupirs dans Teaceinte sacrée;
Une foule de pauvres pèlerins, épuisés par le besoin et mourant de
, sont étendus sous les colonnades, et implorent la pitié des pas-
M 2
92 JOURNAL DES SAVANS,
sans, soit en leur tendant les mains, soit, quand ils n'en ont plus h
force, en plaçant auprès de ia natte sur laquelle ils gisent, un- vase
poui^ècevoir tes aumônes des personnes compatissantes.
La Caaba ne s'ouvre que ttois fois par an; savoir, le 20 de rama-
dhan, le 1 y de dhou'fkaadèh , et Je 10 de moharram; elle s'ouvre une
heure après le lever du soleil, et se referme à onze heuresv II est diffi-
cile d'y pénétrer, vtant est grande la foule qui se précipite pour jouir
de ce bonheur, et dans laquelle il est impossible de maintenir de Tordre,
malgré les coups de bâton que les, eunuques attachés au service du
temple distribuent sans .ménagement. Burckhardt y entra deux fois ,
mais if ne put y demeurer plus de cinq minutes, à cause de l'excès de
la dialeur : beaucoup de personnes y perdent connoissance». et n'en
sont retirées qu'avec la plus grande peine, l'air ne pénétrant dans Ja
Caaba que par la porte» Un grand nombre de lampes d'or, dit-on»,
sont suspendues entre les colonnes ; mais apparemment on ne les allume
pas, ou elles ne jettent qu'une lueur imparfaite, car l'obscurité est si
grande dans l'intérieur de cet édifice, que le voyageur dit qu'îL lui
fut très-difficile de distinguer les objets qui le décorent. La des-
cription qu'il en fait suffit toutefois pour prouver qu'on n'a rien né-
gligé pour l'orner de marbres, de dorures, de lambris sculptas, d'ins-
criptions et <f arabesques d'un travail excellent. Des tentures de .soie
roUge garnissent les murs , le plafond supérieur et les piliers. Ces ten-
tures ne se changent pas tous les ans, comme l'étoffe dont- la Caaba
est revêtue àfextérieur.., Lorsqu'on en met de nouvelles, les vieilles
coupées par mohfeaux se vendent fort cher aux dévots. Devant une
des portes de la mosquée, porte qu'on nomme Bab-Malam ; il y a
une échoppe où l'on trouve toujours à acheter des morceaux de-ces
étoffes ; on estime beaucoup plus ceux qui proviennent de la tenture
extérieure.
Notre voyageur dit qu'il n'a point observé que le lavement du plan-
cher intérieur de la Caaba soit accompagné de certaines cérémonies
pieuses dont parle Ali-Bey dans la relation de ses voyages. Je dois dire
cependant que j'ai trouvé lé récit d'Ali-Bey conforme à ce que j'avois
lu dans quelques écrivains arabes.
Lesmetùivûfou délit qui servent de guides aux pèlerins dans l'exercice
des pratiques et la récitation des prières du pèlerinage, sont, suivant
Burckhardt , la classe la plus vile et la plus méprisable des habitans de
la Mecque : ils sont avides d'argent , et se rendent extrêmement à charge
aux péferins, qui parviennent difficilement à les satisfaire, encore plus à
les congédier quand ils peuvent se passer de leurs services. Ces guidés
FÉVRIER 1830. 93
remplissent parfois un office assez singulier. Suivant les lois mahomé-
tanes, une femme non mariée ne peut pas s'acquitter du devoir du
pèlerinage, et une femme mariée doit être accompagnée de son mari,
ou du moins d'ua de ses proches parens : ii arrive cependant quelquefois
que des femmes veuves ou noiï mariées viennent pour remplir ce de^
voir de religion', dans ci cas* elles trouvent à Djidda des, délit
que, relativement à cette fonction, on appelle d'un nom spécial mohallil,
et qui sechargent.de lever l'obstacle qui s'oppose à l'accomplissement
de leur pieux désir. Un de ces délit devient passagèrement, de nom
seulement, leur époux, par un contrat passé en présence du kadhi;
toutes les cérémonies du pèlerinage une fois accomplies, le drlil recon-
duit la femme h Djidda, où il la répudie. Ce n'est pas qu'il ne pûj scr
refuser à faâ» le divorce , et se prévaloir de l'acte légal de son ma-
riage avec ero, et l'on dit même qu'il y en a en quelques exemples; mais
celui qui abuseroit ainsi de la confiance d'une pieuse musulmane, seroit
obligé de renoncer à la profession de délit, qui est très-lucrative.
■ La Mecque étant le rendez-vous des musulmans de tous les pays
qui professent l'islamisme,, sa population se renouvelle saijs cesse;
et, à très-peu d'exceptions près, on peut dire que tous leshabitans do-
miciliés de cette ville soTit ou des étrangers, ou des âescendans de
familles étrangères. Un petit nombre de familles d'Arabes Bédouins
du Hedjaz s'y sont pourtant établies. L'antique et célèbre tribu de
Koréisch, dont une partie étoit nomade et l'autre domiciliée, est presque
éteinte; quelques Bédouins appartenant à cette noble tribu demeurent
encore dans les environs de la Mecque: quant à la branche qui avoit
son domicile dans cette ville au temps de Mahomet, il n'en reste aujour-
d'hui que trois familles; lechefdel'unede ces familles est le nàib ou gar-
dien en chef de la mosquée; les deux autres sont de pauvres gens atta-
chés au service du lieu saint. Au reste, les, étrangers devenus citoyens
de la Mecque ou leurs enfans , quoique tirant leur origine de contrées
fort diverses, ont adopté les mœurs des Arabes, desquels on ne les dis-
tingue plus. La plupart tirent leur origine du Yémen ou du Hadhra-
maut; après ceux-ci, le plus grand nombre sont originaires de l'Inde,
de l'Egypte, de la Syrie, du Magreb, ou sont de race turque. Enfin on
y trouve aussi des familles venues de la Perse, de la Tartarie, de ia
Boukharie, du pays des Curdes ou de celui des Afghans, et chacune de
ces familles conserve avec soin le souvenir de la contrée d'où elle tire
son origine; mais, comme je crois l'avoir déjà observé, tous les descen-
dans de ces étrangers , à l'exception des seuls Indiens > échangent les
moeurs, les usages, le costume et toutes les habitudes de leur patrie
94 JOURNAL DES SAVANS,
primitive , contre ceux des naturels de l'Arabie , et se confondent tous
en une seule masse*
11 faut cependant observer qu'il y a une branche d'anciens Arabes qui
demeurent encore à la Mecque : ce sont les schérifs indigènes, qu'il
faut bien distinguer des schérifs étrangers qui sont venus s'y établir.
Ces schérifs indigènes sont les descendans fvéfés de Hasan et Hoséirt;
tous deux fils d'Ali et de Fatime, la fille de Mahomet. Les schérifs
étrangers prétendent bien avoir la même origine; mais leur descen-
dance est loin d'être aussi bien établie. Les schérifs de la Mecque
forment Une nombreuse classe d'hommes , qui n'admet dans son sein
aucun étranger, mais qui a des membres dispersés dans d'autfes par-
ties, de l'Arabie: ils sont divisés en plusieurs tribus ou branches; et c'est
dans l'une de ces branches que doit être choisi le schérif^rouverain de
la Mecque. On observe dans cette ville une différence essentielle ♦
quant à la dénomination qu'on donne à ces descendans du prophète. Le
nom de schérif est réservé exclusivement à ceux qui se livrent au métier
des armes ou au maniement des affaires publiques : ceux qui suivent la
carrière des lettres ou de la jurisprudence, ainsi que tous "ceux qui
exercent quelque emploi relatif à la mosquée ou à ses dépendances,
sont nommés siids. Le fils suit d'ordinaire la profession du père. Ces
schérifs indigènes sont; ou, pour mieux dire, étoient les principaux per-
sonnages de la Mecque , avant que leur fierté eût été comprimée par fa
conquête des Turcs.
Tous les enfàns mâles nés à la Mecque et à Djidda reçoivent de
leurs parens, quarante jours après leur naissance, un tatouage particu-
lier, qui consiste en deux longues incisions pratiquées dans la longueur
des joues, et deux, autres près de la tempe droite, incisions dont les
cicatrices , larges parfois de trois ou quatre lignes, subsistent toute leur
vie : cela se nomme méschaleh JLu*. Cet usage n'a point lieu parmi
les Bédouins. Quelquefois, quoique rarement i les Mecquois étendent
cette coutume jusqu'aux filles. Ils mettent beaucoup d'importance à
cette marque distinctive, qui empêche les autres habitans du Hedfaz
de se faire passer , dans des contrées étrangères , pour des naturels des
villes saintes.
On ne connôît à la Mecque que deux sortes d'occupations, le com*
merce en gros ou en détail, et les emplois qui attachent au service
de la maison de Dieu. Le commerce a la préférence, et même il y 'a
bien peu d'oulémas ou de personnes attachées à la mosquée qui ne soient
engagées dans quelque spéculation commerciale, quoique leur vanité les
empêche de le faire ouvertement. Pour des manufactures, il n'y en a
FÉVRIER 1830. 5»
aucune , si ce n'est quelques fàbriqites de poteries de terre et quelques
établissement de teinturerie. Les artisans', tels que maçons, charpen-
tiers, tailleurs, cordonniers, forgerons, &c. y sont en petit nombre,
et bien inférieurs en tâlens à ceux de l'Egypte.
Les opérations commerciales, se font par l'intermédiaire de courtiers ,
la plupart Indiens. Ces Indiens forment la classe fa plus riche parmi
les habitans de la Mecque; ils ont une correspondance directe avec
tous les ports de l'Hindoustan, et sont souvent à portée de vendre au-
dessous du prix, et de s'assurer ainsi l'avantage sur leurs concurrens.
Ils conservent tous l'usage de leur langue maternelle , et l'enseignent à
leurs enfàns : beaucoup de marchands de la Mecque en reçoivent aussi
(feux une connoissance superficielle; il y a peu de ces derniers qui
ne soient au moins en état de compter en hindoustani, et qui ne sachent
les phrases qui sont de l'usage le plus ordinaire pour vendre et acheter.
« Les Indiens, dit notre voyageur, ont beaucoup de peine à apprendre
» l'arabe. Je n'en ai jamais entendu un seul, si longue qu'eût été sa
» résidence dans le Hedjaz , qui prononçât l'arabe d'une manière tant
» soit peu soutenable. Ils sont sous ee rapport bien inférieurs aux Turcs,
» dont la prononciation cependant , quand ils parlent arabe , apprête
» souvent à rire à la populace. Les Indiens sont dans l'usage d'écrire
» l'arabe en caractères hindoustanis. »
A l'exception de deux ou trois maisons , aucun des négocians arabes
résidant à la Mecque ne tire directement de l'Inde ses marchandises ;
ils s'en fournissent à l'arrivée de la flotte de l'Inde. Personne, parmi les
habitans de la Mecque, n'est plus strict que les Indiens dans l'observance
de toutes les pratiques religieuses de l'islamisme.
Burckhardt a observé, comme Niebuhr et beaucoup d'autres voya-
geurs, F usage où sont les gens qui font un marché devant des personnes
étrangères, de cacher leur main droite sous un pan de leurs vête-
mens, et d'indiquer les sommes qu'ils demandent ou qu'ils offrent, en
se touchant respectivement les articulations des doigts, de sorte qu'ils
concluent un marché sans prononcer un seul mot ( 1 ).
Les études et les lettres ne sont presque point cultivées aujourd'hui
à la Mecque, et /dans l'opinion de Burckhardt, il n'y a pas une seule
ville en Egypte et en Syrie qui, sous ce point de vue, même en ce
qui concerne les connoissances intimement liées à la religion musul-
mane, ne soit supérieure à cette capitale de (Islamisme. Sans doute, il
en étoit autrement lorsqu'on y construisit et fondoit des medrésik ou
(1) Voyez à ce sujet le Journal asiatique, tom. III , page 65.
96 JOURNAL DES SAVANS,
collèges. Ces édifices aujourd'hui «servent à loger des soldats ou des
pèlerins. C'est dans la mosquée qu'on enseigne aux enfàns à lire et à
écrire , et c est là seulement aussi que quelques oulémas bénévoles lisent
et expliquent à un auditoire peu nombreux et formé principalement
d'Indiens, de Malais, de noirs, et d'étrangers venus du Yémen et du
Hadhramaut, quelques livres relatifs à la religion ou à la jurispru-
dence, et des commentaires sur FAIcoran pu sur les traditions prophé-
tiques. Burckhardt a entendu dire que quelquefois on y donne aussi
des leçons de grammaire arabe, et Ton y explique YAlfiyyeh d'Ebn-
Malec. £n général , ceux des Mecquois qui veulent cultiver les sciences,
se transportent pour cela à Damas ou au- Caire- 9
II n'y a à la Mecque présentement ni bibliothèques publiques, ni
collections particulières de livres , de quelque valeur ; on n'y trouve ni
une librairie ni un relieur. Vers la fin du pèlerinage , quelques pauvres
oulémas exposent en vente, près d'une des portes de la mosquée, un
petit nombre de volumes : ce sont presque toujours des livres relatifs à
la religion ou à la jurisprudence, et parfois il se rencontre dans ce
nombre quelques traités de grammaire. Le seul bon livre que Burck-
hardt y ait vu vendre, c'est un bel exemplaire du dictionnaire .arabe
nommé Kamous. Ce qui peut paroitre assez surprenant , c'est que les
Wahhabites , ces sauvages réformateurs de l'islamisme , recherchent
beaucoup les livres, sur-tout les livres. historiques/ et qu'ils en ont
enlevé une grande quantité de la Mecque et des ports du Yémen qu'ils
ont pillés, et les ont transportés à Dérayèh, chef-lieu de. leur puissance
et de leur secte.
Notre voyageur pense que cette extrême rareté de livres à la Mecque
provient des achats qu'en ont faits et qu'en font encore les pèlerins, et
de ce qu'il n'y a aucun copiste pour remplacer les manuscrits qu'enlève
cette exportation. II remarque que le défaut de copistes se fait sentir au-
jourd'hui généralement en Syrie et en Egypte, et que si l'exportation, des
livres pour l'Europe continue, on en manquera bientôt tout-à-fait dans
ces contrées. On ne cômptoit de son temps au Caire que trois copistes
assez instruits pour s'acquitter passablement de leur profession. A la
Mecque, c'étoit un étranger, natif de Lahofe, qui se distinguoit par la
beauté de son écriture : il s'occupoit à copier des prières à l'usage des
pèlerins. Burckhardt observe, à cette occasion, que l'écriture, comme Je
style de chacune des provinces où l'on parle arabe, se distingue par
quelque caractère particulier, et qu'à la simple inspection de l'adresse
d'une lettre etde la manière dont la lettre est ployée et cachetée, on peut
deviner à quelle contrée et k quelle nation appartient celui qui l'a écrite .
• v FÉVRIER 183O. ' p7
S'H faut Fen croire, les Mecquots sont, parmi lei peuples de qui l'arabe
est; fa langue usueïïe , celui dont 1e langage approche Je plus de l'arabe
ancien, et qui en a Je mieux conservé les tournures primitives et la
prononciation; ce qui doit paroître surprenant, si, comme il l'assure,
la population de la Mecque n'est entretenue que par des colons étran-
gers qui y affluent de tous les pays musulmans.
« Je ne finirois pas .si je voulois seulement indiquer tout ce quej article
consacré aux usages et aux mœurs des habitans de la Mecque et de
Djidda, offre d'intéressant et de remarquable. Pressé de passer à ce qui
Concerne le gouvernement et- l'administration, je ne ferai plus qu'une
seule observation. Elle aura pour objexune sorte de refrain que çhanttfiB
les sàkka ou porteurs d'eau, quand,- par l'ordre et aux dépens de quelque
pèlerin riche et charitable , ils distribuent l'eau de leur outre aux pauvres.
Ce refrain, dont le chant est noté dans la relation de Burckhardt, est
écrit ainsi: Ed-d/ene wa elmoy fejata ly saheè c$-sakyl , et 'signifie, suf^
vant le voyageur : Que le paradis H le pardon soient le partage de celui
qui vous a donné cette eaul Cette traduction prouve qu'il fàlïoit écrire
wa el-magférata , car le texte arabe est sans aucun doute :
.. •' . J^f \^U ï>JuUfJ il4
•
Avant l'invasion des Wahhabites> le schérif de la Mecque, quoique
de drpif dépendant de l'autorité du "grand seigneur» et tenant de lui
l'investiture de sa dignité, pouvoit presque être regardé comme le
Véritable souverain des villes de (a Mecque, Taïf, Gonfadèh (ouvcpmme
écrit Niebuhr, Kounfoudi\ Yambo et de leurs territoires.,E)epuis quelque
ternps, Djidda étoit aussi de fait réunie à ses domaines; le pacha auquel
la Porte Ottomane en conçoit le gouvernement, n'étoit pacha que de
nom. Méhémet-AIi a changé entièrement l'état des choses \ le Hedjaz
entier étant rentré sous la domination ottomane, Yahya, qu'lla donné
pou r> successeur;^ schérif Gafeb, n'a qu'un vain simulacre jd'aulorité ,
et est réduit à une- pension de jo bourses par mois pour son propre en-
tretien et l'entretien de sa maison et de Jes troupes.
- Le schérif de la Mecque étoit choisi parmi les familles des. schérifs ou
desçendans de Mahomet fixés à la Mecque. -Cette dignité n'étoit point
héréditaire, pas plus que celle de schéikh ne l'est parmi les tribus des
Arabes Bédouins ; * cependant elle demeijroit souvent .dans . la même
famille pendant plusieurs. générations: A la mort d un schérif , l'intrigue,
le crédit, les richesses, la faveur publique* décidaient du choix de son
successeur; rarement y a Voit-il, à cette ^ccasio/v, du, sang répandu. Le
schérif Sérour ,. prédécesseur immécjût de Gifcb, et qui a occupa .^ette
* ■ * .
p* JOURNAL DES'SAiVANS,
dijgiwté dé 1773' à 1786, a beaucoup diminué l'influence et le pouvoir
turbulent des familles des schérifs ; il s'est appliqué à' établir l'ordre dans
l'administration, et à (aire régner une justice sévère, et impartiale ; aussi
sa mémoire efct-elleen vénération dans le Hedjaz. Ni le scbérif de la
Mecque, m -les autres schérifs établis dans cette ville, ne portent des
turbans verts.
Le schérif de la Mecque étoit cetisé étendre sa juridiction sur toutes
(es tribus d'Arabes Bédouins' du Hedjaz. Galeb* au temps de sa plus
gfende puissance, èxerçoit sur ces tribus une influence très-réelle, mais
sans aucune autorité directe. Pour se faire une juste idée de ce qu'était
dans le fait -l'autorité -du schérif ^e Ta Mecque,- il ne faut Je considérer
que comme un ichéikh do désert ; et à bien des égards, il n'étoiten effet,
reJàtitement aux autres schérifs, que comme le premier entre ses égaux.
Quant aux autres habitans de la Mecque, leur condition étoit celle -dt
sujets , mais de sujets qui, attachés aux intérêts de l'une ou de l'autre des
familles de schérifs, participoient ainsi à l'influence et au pouvoir de
fettrs patrons, et vis-à-vis desquels, en conséquence, l'autorité supérieure
devoit user de beaucoup de ménagemçns.
Une coutume très «-remarquable parmi les schérifs ou descendans de
Mahomet qui résident à fa Mecque ou* dans Te voisinage de cette ville ,
c'est qu'ils font toujours élever leurs enfans mâles chez quelques-uns des
Bédouins qui fréquentent les environs de la Mecque. Ces erifàns y sont
envoyés d'ordinaire huit jours après leur naissance , et ne reviennent dans
la maison de leurs pères que quand ils sont en état de monter une
jument. Un enfant mâle ne reste jamais plusde trente jours entre les mains
de sa mère, et quelquefois il demeure avec les Bédouins jusqu'à sa treizième
on même sa quinzième année. On sent toute l'influence qu'une telle
éducation doit exercer sur (e physique et le moral de ces jeunes gens.
La plus grande partie des descendans de Mahomet qui habitent la
Mecque, et particulièrement la. famille à laquelle appartenoient les der-
niers scbérrft , sdnt- fortement soupçonnés de professer secrètement la
doctrine hétérodoxe dès zéidifes, quoiqu'ils n'en conviennent pas. La
secte des zéidites a de nombreux partisans dans le Yém en, particulière-
ment à Sanaa et Saada : l'imam du Yémen est lui-même zéidife. Les
zéïdftes font remonter l'origine de leur secte à un imam descendant d'Ali
par Hosaïft, et mort en Tafi 122 de l'hégire. Notre voyageur prétend
qtire !&' zéidites de lia Mecque et du Yémen reconiwissent pour premier
auteur de leur secte un a ut te descendant d'Ali par Hasan, né en
l4y ,et qui prêcha sa doctrine publiquement à Saada, en Tan 280. 11 se
TiQTttïhdhJYahyapfih Je Hosaïn, et prenoit le titre d'Elimam dlhadi
/.
FEVRIER 1830. 99
tic ilhakk ^ J{ ^jl^Jt JJi\ , c'est-à-dire ,- Vimam itjui conduit à la vérité.
On peut, voir ce que. j'ai dit sur Les* zéidhes, d'après Faqteur du Bar h
Yémani* ou Histoire de tà conquête du Yémon put Us- Othomans , dans
les Notices et extraits des manuscrits ^ toit». IV, pag, 438 ec suivahte*
.. Je si|ia obligé de passif sous silence tout ce qui concerne Fadminis-
tratfon de la justice par le* kadhi que la» Porte envoie chique année à la
Mecque; les finances du $ehérif, jsçs forces - militaires ; le partage des
spnjmes envoyées annuellement à. la Mecqqe pour l'entretien et 1e
3fryicç des lieux saints, et .une jiralttiude. d'autres indtiotïS toutes rem-
plies d'intérêt Je. ne m'a ccèterai pas. non jp fus 1 Fartide qui a pou* objet
Iç climat de la Mecque et de Djidda,, et {es maladies qui y sont le plus
communes» ainsi que les prix courant des ^entées à la -Mecque* Il me
suffirfcde dire qqe la peste ^ qui a fait en 181 y> de grands ravages à la
Mecque et à Djidda, semble y avoir: été inconnue jusque-là* bt que
rieuse unaladie connue sous le ,nom ^d'Mflhantiatis, et & ver de
Guinée, n'y sont p*& rares. ... .l.-i .\ ;!;
.L'article quiâuitimniédmtcsaent^b^Ik,et4ùi>e9rtrèf-ékendà, apoù?
objet le toédjy c'est-à-dire, iepélerinageannôeJ* avec tous sel titty jèe
tout ce qui se rattache à ce sujet. Deux plans y sont joints, qui repré-
sente nj, l'un la plaine d'Arafat, Fautre. la vallée dé 'Mina {o\x Muna,
comme écrit notre voyageur ) , avec Findicarion des lieu* oh canfpeftit
le* pèlerins des. diverses contrées. Ces;deux plans r réunis à celui de là
A&ççquç, qu'on.Jrouve. dans iia des chapitres précédens, seront d'tm
grand secours à quiconque désirera se faire une juste idée de toafèfc lés
cérémonies que doir? pratiquer un musulman qui. veuf pouvoir s'honorer
coasçierjciptisement du titre .de hadd'jL ou pèlerin. Parmi cette multitude
accourue 'de si loin, avec:tant de fatigués -et de dépenses , pour acquérir
le.drp^ à ce titre, un grand nomhre ne s acqmittent que ff une manière
bien superficielle des devoirs imposés aux pèlerins r A Croient* poiit*
tes»hompes pieux un sujet de scandale plutôt que «Fédîficaijoft, s'il
n'éteit pas, reçu que chacun ne se mêle que de ce qui intéresse sa propre
conscience, et ne se met aucunement en; peine de/la* manière dont 5e
comporte, son voisin. On a peine i concevoir, au sufplus, comment chaque
journée suffiroû aux pratiques auxquelles eileesf destinée v si touîrfai
pélerina , tenoieu t également à n'en rien omettre. La confusion et le dë^
sordre inséparables d'un si grand rassemblement et de fa itiuftltuda dés
rites prescrjts»paroisseni avoir en général uneffetfâchéuxsurlapiétérifaï
grand cambre de pèlerins, qui, <eak]ttîttaptiies iieu* saints, eh fèwif-
ppçteol uue diminution^ pbatp^ucju/un accroissement cfcs sentiment irefi-'
gieux qui les y onicandukii Bircàkunk ob'semufuecœf-éffèt 6s<*ur<<tôUt
N 2
ioo JOURNAL DES SAVÀNS,
produit par Ja vue des désordres et de l'immoralité qui régnent à la
Mecque, et qui y sont- si communs, qu'ils semblent y être autorisés.
On peut, suivant lui, appliquer (es mêmes "réflexions et de semblables
reproches aux lieux maints révérés par les dire riens. Les plus dérots et
les rigides musulmans, ajoute*-iI* comioissent cetnafeten déplorent
existence, et prouvent ainsi qu'ils sont plus clairvoyant ou plus sincères
que certains pèlerins chrétiens qui , peut-être , comme politiques , ont eu
de bonnes raisons pour peindre sous de belles couleurs ce dont ils ont
été témoins dans la Palestine, mais qui, comme voyageurs, ont entoura
justement le reproche d'avoir sciemment dénaturé les' faits» -
Je ne suivrai point le voyageur dans les npmbrepx détails qrôi a dû
réuni!* dans ce chapitre, et qui seront extrêmement précieux à tous ceux
qui se consacrent à l'étude des écrivains rausalmaos ; j'en extrairai seu-
lement quelques, remarques détachées.
Quoique le zèle des peuples mahométans pour s'acquitter dur pèleri-
nage soit aujourd'hui extrêmement refroidi, le nombre des personnes
réunies dan» la plaine d'Arafat à été estimé* par Burckhard, qui a pra-
tiqué lui-même ponctuellement tous les rites de ce devoir religieux,
à 70,300 persortnes, parmi lesquelles il a entendu parler quarante idiomes
dtffëtens. Au jour destiné à l'immolation des victimes , il fut égorgé en
un seul instant de 6 à R,ooo brebis ou chèvres» Les pauvres seuls
maagent la chair de ces animaux ; aussi une grande partie de ces vic-
times restent étendues de toute part dans la vallée de Mina, et y causent
une infection épouvantable.
La caravane des pèlerins que le voyageur vit partir du Caire en 1 8 1 6,
renfermoit une troupe de danseuses jdu atmeh et de femmes publiques ;
leurs tentes et leur équipage étoient ce qu'il y a voit de plus brrllaiît dahs
la caravane» Il y a toujours une troupe de femmes de cette cfassç dans
fat caravane de Syrie.
: Lorsque lés Wahhabites étoient en possession de la Mecque , des
troupes nombreuses de ces sectaires se rendoient à Arafat, à l'époque
du pèlerinage, lis y vinrent pour la dernière fqis, accompagnés d'une
feule de Bédouins appartenant à diverses tribus de l'intérieur le plus
reculé du désert, en l'année 181 1. Le fameux voyageur Ali-Bey Elab-
haii est tombé dans une grave erreur, quand il s'est imaginé que cette,
troupe de Wahhabites qu'il vit entrer à la Mecque k l'époque du
pèlerinage, venoit pour prendre possession de cette ville. 11 a cru
affoîr été ténrtun de la conquête de la Mecque par ces sectaires, tan*
dû que,; comme il auroit pu aisément l'apprendre du premier vetuf, il
y a voit déjà trois «us qu'ils s'en étoient rendes iAïahrcft' ;
FÉVRIER 1830. 101
Pour Jes^ommçrçans de profession , le pèlerinage n'est le plus sou-
vent qu'une affaire de spéculation ; maïs, outre cela, il n'y > guère de
pèlerins qui n'apportent quelques marchandises de leur pays , dans l'es*
poir «de s'indemniser en partie des dépenses du voyage par le bénéfice
que ce petit commerce leur procurera t ceux-ci sont fréquemment tronppl*
dans leur espoir. Toutefois il résulte de là que Iç temps du séjour des
pèlerins dans les lieux saints ressemble à une foire continuelle. Une
classe de pèlerins nègres, connus sous le nom dé Tikrouris, se fait remar-
quer par un usage qui leur est particulier; ceux-ci , tout au contraire des
autres et même des indigènes du Hedjaz, gagnent leur subsistance en
se louant pour toute sorte de services manuels ou de travaux industriels ;
ils s'assistent aussi les uns les autres, et il est extrêmement rare qu'on en
voie aucun mendier pour subvenir à ses besoins. Les pauvres pèlerins
de l'Inde forment le contraste le plus parfait avec ces Tefcrouris; ils
remplissent les rues de la Mecque, en sollicitant constamment J'assis*
tance du public : leur extérieur hâve et décharné inspirerait plus de
compassion, h Ton ne savoit qu'ils se plaisent dans cette vie de fainéan-
tise et de vagabondage.
Quelques pèlerins ont la dévotion d'obtenir le titre de khadem
elmesdjed &a1\_ f*{±, c'est-à-dire, serviteur de la niosquie. II leur en coûte
environ 30 dollars pour se procurer un diplôme revêtu des signatures
du schérif et du kadhi, et par lequel ce titre leur est conféré. Ce qui
paroîtroit très- singulier, si Ton ne savoit quel est par-tout le pouvoir
de l'argent , c'est qu'il n'est pas très-difficile à des chrétiens de partager
un tel. honneur, et qu'il est souvent recherché par les Grecs qui habitent
lés îles et les rivages de l'Archipel, parce que l'exhibition d'un sem-
blable diplôme, qui leur coûte quelquefois jusqu'à 200 dollars, leur sert
presque toujours de protection contre les pirates mogrélins.
, Pendant le séjour des pèlerins à Arafat , ce qui se faisoit sur-tout re-
marquer, c'étoit le quartier occupé par Eépouse de Méhémet- AK, dont la
magnificence surpassoh beaucoup celle des tentes du schérif de la Mecque,
du pacha de Damas, et de Méhémet-AIi lui-même. Il n'avoit pas fallu moins
de 500 chameaux pour transporter les bagages de cette dame, de Djidda
à la Mecque. Son quartier se composoft d'une douzaine de tentes, ren-
fermées dans une enceinte de 800 pas de circonférence, qui étoit formée
par des toiles; un seul passage, gardé par des eunuques magnifique-
ment vêtus , y domïoit entrée. Autour de cette enceinte éfoient dressées
des tentes pour les hommes de sa suite , qui étoient en grand nombre.
- Parmi les autres pèlerins, soit étrangers, soit résidant à (a Mecque,
io2 JOURNAL DES SAVANS,
aucun n'avèit un établissement plus remarquable qu'un, des premier?
négociant de cette .viUe>* connu sous le nom de Djiilàm. Ses tentes
drtsséesi en demi -cerclé rivalisaient avec les quartiers des deux pachas,
et trelul dit scfaérif . negaloit pas sa magnificence : dans la vaUée de
Mirai i D/éilani occupait la piui belle maison , et il y recevoit conjtinueir
iement des étrangers qu'il traitoit à grands frais.
•«'Dahs d'autres contrées du Levant, observe à cette occasion Burck 3
» Jitrdt, il vaudrait autant pour un négociant acheter une corde pour
» Je pendre, -que de se faire ainsi honneur de ses richesses soqs;fap
* yeux d'un pacha ; maïs Djéilani n'a point renoncé à la manière de
n vivre dont les Mecquois ont contracté l'habitude sous leur ancien gbu-
jj> vernenien t , et particulièrement du temps, du schérif Galeb, qui se
» permet toit -rarement des exactions contre Tes individus. Aujourd'hui
» ih 4e reposent sur la parole de Méhémet-Aii , qui a promis de res»
» pecter leurs propriétés. »
• Quoique j'aie ait tous mes efforts pour resserrer dans ie cadra le
plus étroit le compte que f'avois à rendre du voyage en Arabie de Etarck*
hardt, je me vois contraint , par la richesse et l'importance . du sujet, à
hir consacrer encore un troisième et derniçr article.
SILVESTRE D£^SACY.
\
.•
1
BebuothMoue des Croisades, par M. Mi chaud, de l'Académie
française. Paris, impr. de Ducessois , librairie de Ducoïiet,
1829, 4 vo^ in-8'S Tom. I : chroniques de France > xv et
454 pag. Tom. II: suite des chroniques.de France } chroniques
d'Italie et. d. Angleterre, pag.- 4-5 5—48 5 . Tjom. III ; chroniques
d 'Allemagne, du nord de l Europe, &e., 504 pag. Tonu IV:
chroniques arabes, traduites et mises en ordre par M. Reinfcud,
,: &nplo?é au cabinet des manuscrits de la Bibliothèque du Roi.
^Paris (Imprimerie royale) , xlvî) et 5 82 pag. Avec une table,
jjénéraje des chroniques et des pièces analysées dans les quatre
<tomiSï 5 5 pages. Pr. 29 £r.
' ÏÀf <Jua^me édition de l'Histoire des Croisades par M. Michaud
FÉVRIER 1830/ 103
est en six volumes in-8.9, dont le dernier vient de paroître (ï). En
rendant compte des trois premiers dans ce journal en 1826 (2), on a
donné une idée générale des notices littéraires qui, sous le titre de
bibliographie ou bibliothèque des croisades , servoient d'appendice ou
de complément à cette histoire. Mais, depuis ce temps , M. Michaud a
revu toutes ces notices; il y a fait un grand nombre d'additions et de
cflmctions : c'est aujourd'hui un travail très-é tendu , et recommandât) le
à plus d'un titre.
Tout ce que les collections d'historiens, publiées en France, en
Italie , en Angleterre , en Allemagne , en d'autres contrées , renferment
de chroniques et de pièces relatives aux croisades , est successivement
analysé dans les trois premiers volumes de cette bibliothèque; le
quatrième est consacré aux écrivains arabes ; et le cahier de table qu'on
a joint à ces quatre tomes , présente les titres de tous les articles dont
ils contiennent les notices, c'est-à-dire, d'environ deux cent soixante-
deux chroniques , et de plus de trois cents pièces, ainsi que de Trente-
une collections (3) où la plus grande partie des unes et des autres est
insérée.
Cette table, dite générale , se compose de sept tables particulières
et distinctes 1 toutes alphabétiques, savoir, celles des chroniques dont
fçs auteurs sont connus , des chroniques anonymes , des bulles de
(1) Tome I.er, l.rc partie, contenant l'histoire de la i.re croisade, liv. I-IV,
aniu 109.5-1 103. Paris, impr, de Boucher, librairie de Ponthieu, 1825,
675 pages in-8.° , avec une carte de l'Asie mineure, des plans d'Antioche et de
Jérusalem. Tom. II, n.e partie, 2.e et 3.* crois. ; liv. V-VïH,ann. 1099-1 103,
ibid. 1825, 654 pages, avec une carte des états chrétiens en Asie et un plan
de Ptolémaïs. Tom. III, contenant le récit de la 3.* croisade, de la conquête
de Constanttnople paries Francs, &c, liv. ix-xn, ann. 1193*1221 >\bïd. 1826,
659 pages avec des plans de Constantinople et de D amie t te. Tom, IV, fia de
h o.c croisade et i.re expédition de S. .Louis, liv. XHI-XVI, arJn. 1221-1254,
ibid. 505 pag. Tom. V, contenant les conquêtes de Bibars, la 2/ expédition
de S. Louis, la prise de Ptolémaïs, les guerres contre les Turc*, liv. XVH-XX,
anre 1255^-1718, ibid. 1828, 688 pag- Tom. VI : Physionomie morale des croi-
sades, et considérations sur leurs résultats, liv* XXI , XXII. Table. Paris, irapr. de
Pihan Delaforest, librairie de Michaud jeune, 1829, 548 pag. Prix de*-6 vol.
44 fr, — (2) Article de M. Raouî-Rochette, sept. 1826, pag. 554-564. ta
première édition de l'Histoire des croisades avoit été le sujet d'un article de
M. Raoul-Rochette, dans notre cahier, d'octobre i8f7, pag. 579-588. —
(3) Celles de Bongars, Duchesne, Martenne et Durand, d*Achery, Ma-
bîiloA et Germain, Labbe, Bouquet; Muratori. . . . , Th. Gale, TwisAerJ,
Savtt, Camden, Rymer; Struve, Leibnitz, Meibonius, Swert, Pistoritn,
Ludewig, Helneccius, Eccard, Canisius, Schardius, Pez, Somraerberg,
M^q. Freher , Mathiaz Bel , Langebeck
*.
io4 JOURNAL DES SAVANS,
papes , des é pitres de papes, des lettres de divers personnages, des
pièces diplomatiques , des. collections d'histoires , et enfin des auteurs
arabes. Peut* être n'eût-il pas été superflu d'en ajouter une huitième,
qui eût offert une seule série chronologique de tous ces écrits , c'est-à-
dire , qui les eût replacés dans j'ordre des dates connues ou présumées
de la rédaction de chaque article.
Une table de cette nature- seroit d'autant plus utile, que la disposi dfci
des articles dans les trois premiers volumes de la Bibliothèque (les
croisades n'établit pas du tout l'ordre chronologique dont il. s'agit , et
a'aide point assez à le retrouver. En effet, on commence par les
chroniques et les pièce* que Bongars a recueillies ; puis on parcourt
celles que Duchesne a imprimées , ensuite celles dont la publication est
due à Marfenne , à <f Achery , à Mabillon , à Labfee , à Bouquet et à ses
continuateurs ; après quoi on ouvre les collections de Muratori , de
Th. Gale, de divers éditeurs anglais, allemands, septentrionaux, et
l'on finit par les articles qui ne «ont compris dans aucun de ces recueils,
et qui ont été publiés à part. Nous n'avons pas besoin de faire observer
que cette distribution ne peut ni correspondre aux dates de la composi-
tion des écrits, ni se rapprocher de celles des événemens racontés. Il est
vrai que les notices fournissant presque toujours ces dates , les lecteurs
auroient le moyen de rétablir cet ordre des temps > qui nous semble né-
cessaire, et de rédiger, pour leur usage, la table chronologique dont il
s'agit;. mais il eût été facile de leur épargner ce travail.
Nous sommes loin pourtant de contester les avantages du plan suivi
dans les volumes dont nous avons à rendre compte. II prépare, plus
immédiatement qu'aucun autre,. à étudier, dans les grandes collections
de chroniques, l'histoire spéciale des croisades : les doubles emplois et
les autres inconvéniens qu'il pouvoit entraîner, ont été par-tout évités
avec un soin extrême; et l'exécution est à tous égards si heureuse, que
bien souvent cette bibliothèque pourra tenir lieu des recueils mêmes
qu'elle dépouille , et dispenser d'y recourir. Dans tous les cas , elle
indiquera le meilleur usage qu'il y aura lieu d'en faire. La seule observa-
tion que nous ayons eu l'intention de hasarder, c'est qu'un index
chronologique complétèrent l'instruction, très-précieuse, que cet ou-
vrage doit répandre.
._ Avec cette addition si modique , la bibliothèque de M. Michaud
traceroit le plan dune collection depuis trop long- temps attendue, où
Von rassemblerait 'tous les textes qu'il a extraits, traduits ou analysés.
C'était une entreprise projetée par les bénédictins : Dom Berthereau
avoit commencé de rechercher les matériaux d? ce nouveau recueil;
•FÉVRIER 1830. ioj
ceux qu'il a préparés sont déposés à la Bibliothèque du Roi ;i). Cette
collection devoit remplir les lacunes que ces savans religieux faissoient
à dessein dans celle des Historiens de France, où en effet sont omises
les chroniques spécialement relatives aux croisades. Sur ce point, nous
ne saurions souscrire au jugement, plus que sévère, que M. Michaud
exprime en ces termes : « Par une idée assez bizarre , ils se sont attachés,
» dans leur compilation, à retrancher, des historiens qu'ils ont recueillis,
» tout ce qui a rapport à ces guerres saintes; ils n'en ont conservé que
» ce qu'ils n'ont pu se dispenser de rapporter. » Le motif bien connu
de ces omissions étoit de ne pas reproduire les mêmes textes en deux
recueils qui dévoient se publier concurremment. Peut-être les béné-
dictins ont-ils porté un peu trop loin ce scrupule, quand ils ont retranché
de quelques annales générales les pages ou les lignes où il ne s'agissoit
que des croisades. Ils ont été forcés par fa nature même des choses
d'en conserver plusieurs, ainsi que vient de l'observer M. Michaud,
qui a trouvé encore certains articles à extraire de leurs tomes X, XI,
XII, XV et XVI. Parvenu au XVII.e, M. Brial a senti la nécessité
de modifier la méthode suivie jusqu'alors. A ce sujet, M. Michaud dit
que , ce trop judicieux pour se laisser entraîner par les idées des béné-
» dictins qui avoient travaillé avant lui aux premiers volumes des
» Historiens de France, Uom Brial n'a point élagué des chroniques qu'il
» a publiées les faits relatifs aux croisades , qu'il a pensé avec raison
» que les expéditions des croisés dans l'Orient nétoient qu'un grand
» épisode h V histoire de France. y> Nous croyons pouvoir assurer que
M. Brial ne jugeoit point avec cette rigueur les omissions que ses prédé-
cesseurs s'étoient prescrites ; au contraire, il s'en est fait à lui-même une
loi dans le tome XIV, dont il a été le seul éditeur, et qui ne fournit aucun
article à M. Michaud; il seroit permis d'ajouter, dans les tomes XV
et XVI , qui n'en fournissent qu'un assez petit nombre. Voyant néan-
moins que la collection particulière, annoncée depuis un demi-siècle,
ne s'entreprenoit point encore au moment où il entamoit la série des
monumens relatifs aux règnes de Philippe- Auguste et de Louis VIII,
il s'est déterminé, pour ne pas la laisser trop incomplète, à y insérer,
non-seulepientce que Rigord et d'autres chroniqueurs généraux ont dit
des expéditions en Orient, mais aussi des relations qui n'ont guère
d'autre objet que celui-là , comme celles de Villehardouin et de son
continuateur. Il est probable qu'on en usera de même à l'égard du
(1) Voyez une notice sur Dom Berthereau, par M. Silvcstre de Sacy , dans
le Magasin encyclopédique, ann. vu , tom. Il , pag. i4S«
O
io6 JOURNAL DES SAVÀNS,
règne de S. Louis , si Ion n'a pas l'espoir d'une prochaine publication
du recueil destiné aux historiens des croisades. Un retard indéfini de
cette entreprise a le double inconvénient de refuser aux tomes X à XVI
des Historiens de France les complémens dont ils ont besoin, et
d'obliger à s'écarter de plus en plus du système des premiers éditeurs ,
si l'on ne veut pas que les volumes qui suivront le XlX.e redeviennent
et demeurent défectueux, L'Académie des inscriptions et belles-lettres,
qui possède, parmi ses membres, les savans les plus versés dans
l'histoire et la littérature de l'Orient, ne peut, à ce qu'il nous semble,
différer plus long-temps un travail si justement réclamé. La bibliothèque
de M. Michaud en est un très-digne avant-coureur : elle indique
presque tous les matériaux à mettre en œuvre; et si elle en traçoit
aussi la disposition, elle seroit un prospectus, déjà fort instructif,
de la collection qui nous manque.
Les croisades ne sont pas seulement un grand épisode de l'histoire de
France : elles tiennent aux annales de l'Europe entière et de plusieurs
contrées orientales ; elles sont ce qu'il y a de plus général dans l'histoire
des nations depuis Fan 1095 jusqu'en 1270. Voilà pourquoi le recueil
des historiens de ces expéditions étoit envisagé par les bénédictins
comme devant être distinct de celui des monumens de notre propre
histoire, dont en effet il dépasseroit fort souvent les limites. Le tableau
historique des croisades prend déjà cette étendue dans les chroniques
et les pièces que Bongars a réunies en 1611 (1) : il seroit bien plus
vaste dans toutes celles qu'il n'avoit pu lire, et qui ont été découvertes
durant deux siècles très-studieux. M. Michaud vient de faire connoître
les unes et les autres par des analyses pleines d'intérêt.
On peut distinguer, en chacune de ces notices , trois parties , l'une
biographique, l'autre analytique, la troisième bibliographique. Les
bénédictins , dans leur Histoire littéraire de la France , à partir du
tome VII , avoient fait, en très-grande partie, les recherches relatives
à la vie de chaque historien des croisades, de ceux du moins qui sont
nés ou ont vécu en France ; et quoique M. Michaud n'ait point cité ces
(l) G esta Dei per Franco s , sive orientait um expeditionum Hïstoria , à
variis, sed illius œvi scriptoribus . . . . / nunc prhnitm aut editis aut emendatis
h Jac. Bongarsio. Hanoviae, Wechel , 1 61 1-, 2 vol. in-fol. Tom. I, Tudebode,
le moine Robert, Baudry de Dol, Raimond d'Agiles, Albert d'Aix, Foucher
de Chartres, Gautier chancelier, Guibert de Nogent, deux anonymes, Guil-
laume de Tyr, Jacques de Vitry. . . . , Olivier le scholascîque. . . , Lettres et
pièces. — Tom. Il, Sanuri et un anonyme. Un troisième voîumeque dévoient
remplir Haiton, Marco-Polo, Mandeville, &c«, n'a pai été publié.
FÉVRIER Ï830. 107
notices» il suffit de les comparer aux siennes pour s'assurer qu'il n'a
point négligé de prendre connoissance du travail de ces savans reli-
gieux. Ce sont de part et d'autre les mêmes faits, dans le même ordre,
et quelquefois les mêmes expressions. Mais, en général, l'auteur de
la bibliothèque a fort abrégé les discussions et retranché Jes détails d'une
fbible importance. II ajoute cependant à l'article de Raoul Glaber une
date précise de la mort de cet écrivain , savoir 1 4o8 , apparemment pour
1108, ou plutôt peut-être pour io48. Les bénédictins disent qu'il
vivoit encore en io48, et qu'il a pu prolonger sa carrière au-delà.
Sainte-Palaye , en commençant son mémoire sur la vie et les ouvrages
de Glaber 1 ) , déclare qu'après beaucoup de recherches , il n'a rien
découvert qui fasse « connoître ni le temps de sa naissance ni celui de
» sa mort. » Lebeuf (2) et la Biographie universelle le font mourir vers
1050. Nous croyons qu'on peut s'en tenir à cette date , en ne la donnant
que pour approximative. Né au commencement du Xl.e siècle , si ce
n'est même avant l'an 1000, Glaber n'a probablement pas vécu jus-
qu'en 1095; et il ne seroit à considérer coiii me un historien des
croisades , que parce qu'on mettroit au nombre des causes de ces
expéditions quelques-uns des événemens racontés dans ses cinq livres
d'histoire, et arrivés entre les années 987 et io46. II ouvrirait ainsi la
série de ces historiens, et c'est pour cette raison que nous nous sommes
d'abord arrêtés à ce qui le concerne.
L'un des plus anciens après lui est Raimond d'Agiles, dont les récits
s'étendent jusqu'en 1099. Ii avoit accompagné à la première croisade
l'èvêque du Puy Àdhémar et le comte de Saint-Gilles. « Dès les premiers
» fours de leur marche, disent les auteurs du tome VIII de l'Histoire
» littéraire de la France ( p. 62 $.), Raimond se lia d'une étroite amitié
» avec Ponce de Balazun, l'un des braves chevaliersde l'armée du comte...
» Ils conçurent l'un et l'autre le dessein d'écrire les aventures de cette
» guerre, mais en s'attachant principalement à ce qui concernoit le
» comte leur seigneur et l'armée qu'H commandoit. Un des motifs qui
» les y déterminèrent fut d'apprendre que de lâches déserteurs de la
» croisade, étant retournés dans leur pays, y débitoient beaucoup de
» faussetés. » M. Michaud en dit autant et presque dans les mêmes
termes ( tom. I , pag. 27 ) : mais il ajoute que « Raimond , revenu en
» France, devint chanoine du Puy , » tandis que, selon les bénédictins ,
il étpit déjà chanoine de cette église avant 1 09 j , et a fort bien pu ti'y
1 . !»
(i) Mémoires de l'Académie royale des inscriptions ei éelles-iettre* , VIII, 5A9.
Voy. atssi Niceron. iXXVJIi y 1*9: 1 jb. +- {*)Mistoimd'4ux*rn* U# 4*4» $ J-
O 2
io8 JOURNAL DES SAVANS,
pas reparoître après 1099. ce On ignore absolument, écrivent-ils, s'il
» revint tn France ou s'il mourut en Palestine, ce qui paroît le plus
» vraisemblable. » Nous ne connoissons pas les motifs qui ont déterminé
M. Michaud à penser autrement sur ces deux points.
II a fort resserré, mais sans en modifier essentiellement aucun article,
ce que l'Histoire littéraire (VIII, 629-63 1 ) contenoit de relatif à la vie
de Tubebode, qu'on suppose aussi mort vers 1 099, et dont l'ouvrage,
resté long-temps anonyme, est une histoire de la première croisade. On
ne possède qu'un fragment de ce qu'avoit écrit sur cette même expédi-
tion le comte d'Anjou , Foulques, dit le Réchin , et Ton a perdu la partie
qui le concernoit personnellement. En conséquence, M. Michaud ne
rapporte pas même les dates , 1 o44 et 1 1 09 , de (a naissance et de la
mort de ce comte, sur la vie duquel les bénédictins ( Hist. litt. IX,
391-395 ) avoient recueilli plusieurs détails dans Orderic Vital, dans
la chronique de Maillezais et en d'autres monumens.
Si nous poursuivions, dans Tordre chronologique, l'examen de la
partie biographique du travail de M. Michaud, nous en conclurions
sans doute qu'elle est rédigée avec un grand soin, qu'elle présente sous
les plus heureuses formes de très-utiles résultats, mais peut-être aussi
qu'elle n'a point assez d'étendue , et qu'elle ne dispense pas toujours de
chercher ailleurs des renseignemens plus complets ou même plus exacts.
C'est à la partie analytique que Fauteur a donné tout l'intérêt dont elle
étoit susceptible : on la doit considérer comme tout-à-fait neuve,
quoique avant lui divers écrivains aient composé des précis de la plu-
part de ces chroniques des croisades. II a sur eux l'avantage d'être lui-
même le plus habile historien de ces expéditions , d'avoir puisé dans les
sources qu'il décrit les matériaux d'un grand ouvrage, reproduit
et perfectionné à différentes reprises. Il a, de toutes ces relations, de
tous les faits et de tous les détails qu'elles exposent , une connoissance
profonde et familière , que ne pouvoient posséder au même degré ceux
qui n'entreprenoient que des éditions ou des analyses de ces écrits. On
ne doit pas s'étonner de la rare sagacité avec laquelle il les apprécie , les
confronte, et fait discerner en chaque production ce qu'elle a d'original
ou de caractéristique. Nous croyons que , même après son Histoire des
croisades , cette bibliothèque captivera l'attention des lecteurs : ils y
retrouveront des récits animés , de vives lumières , une instruction nou-
velle. C'est un riche tissu de pièces justificatives, où les événemens
mémorables apparoissent sous les aspects divers qui ont frappé les
regards des contemporains.
Raoul de Caen, qui se dit né en 1 080, et qui paroît n'avoir vécu que
c >
FÉVRIER 1830. 109
jusqu'en 1 1 1 5 > a raconté comme témoin les exploits deTancrède à la
première croisade. Son ouvrage , long-temps inconnu , a été publié
d'abord par Dom Martenne en 17 17 (Thés, anecd. III, 107-210);
mais (Tune manière plus exacte et plus complète par Muratori ( Script,
rcr. italic. V). Au lieu des sommaires arides qu'on a donnés de ce livre
d'après ces deux éditions, M. Michaud ( Bibl. II , 506-525) en extrait
véritablement toute la substance, et y joint des observations instructives.
Par exemple , quand Raoul de Caen fait le portrait des chefs qui
assiégeoient Nicée , l'analyse de ce morceau est conçue en ces termes :
« II nous montre Godefroi modeste et brave, ressemblant à sa mère pour
» la piété, à son père pour les qualités belliqueuses; Robert de Nor-
» mandie l'emportant sur Godefroi par sa puissance, mais ne sachant
» gouverner ni ses peuples ni sa fortune : la prodigalité de Robert étoit
» telle, qu'il payoit un épervier ou un chien tout ce qu'on lui demandoit ;
» un si grand désordre régnoit dans sa maison , que le service de sa
» table étoit souvent le produit du pillage. Hugues, frère de Philippe,
» roi de France, tiroit moins de lustre de ses vassaux ou de ses troupes
» que du sang royal. Raoul n'en dit pas davantage ; d'autres historiens
» ajoutent que le comte de Vermandois fut appelé grand à cause de sa
» stature élevée. Le comte de Flandre , selon notre chroniqueur, passoit
» pour le plus habile à manier la lance et l'épée , préférant fa gloire de
» combattre au soin de gouverner ses peuples. Raymond de Saint-Gilles,
» que Raoul nomme le dernier, n'étoit inférieur aux autres chefs ni par
» ses états ni par son génie. » Tous les autres chapitres sont analysés
avec la même élégance; et un tel abrégé donneroit peut-être une trop
haute idée de (ouvrage , si M. Michaud n'avoit pris soin de le caractériser
par des réflexions générales, au commencement et à la fin de cette
excellente notice. Le lecteur y est averti que la chronique de Raoul de
Caen, écrite tantôt en prose, tantôt en vers, doit perdre, par ce mélange
bizarre, la simplicité naïve qui donne du prix à plusieurs relations du
même temps; que l'auteur revient sans cesse aux lieux communs de la
mythologie, et abuse à tel point des souvenirs de ses premières études,
qu'on en est bientôt fatigué; que son goût pour les jeux de mots et
pour des locutions affectées achève d'ôter k sa composition la gravité
qui la devroit recommander; que néanmoins il mérite , comme historien,
d'être examiné avec une attention particulière , parce que ses récits
différent souvent de ceux de ses contemporains ; qu'au ton qu'il prend,
aux pensées qu'il exprime, aux autorité*, toujours un peu profanes, qu'if
cite , on reconnoît un chevalier instruit dans les lettres humaines , qui
sait mieux Virgile que la Bible, et qui s'occupe bien plus de la renommée
no JOURNAL DES SAVANS,
de son chef que de ia gloire de Dieu. •* Aussi , poursuit M. Michaud ,
* sa chronique est-elle la seule de cette époque où Ton puisse con-
» noître l'aspect et les senrimens de la chevalerie contemporaine des
» guerres saintes; les autres chroniqueurs, presque tous moines ou
* clercs, nous montrent bien moins dans leurs récits les moeurs
* guerrières des comtes et des barons , que le zèle et le caractère pieux
» du clergé et de cette foule de pèlerins qui suivoient ia croisade sans
» armes. » M. Michaud nous fait observer même queTancrède est loin
de paroître aussi intéressant dans ce long panégyrique que dans le
poëme du Tasse ; le chantre de Godefroi de Bouillon nous représente
» Tancrède comme un héros sensible et passionné : dans la chronique
» de Raoul , on ne voit qu'un guerrier farouche et sauvage, qu'anime
» sans cesse la fureur des combats, et qui n'est grand que sur le champ
» de bataille. »
Nous ne pourrions , sans étendre beaucoup trop cet article , nous
arrêtera toutes les notices qui auroient droit aux mêmes éloges. Telles
seraient celles qui concernent Albert d'Aix ( tom. 1 , 4-3-8 1 ) , Robert
le moine (3-19), Gautier le chancelier ! io4-'33)> Foucher de
Chartres ( 82- 1 o4 ) , Baudry de Dol ( 1 9-26 ) , Odon de Deuil (228-
25 j ) , Guillaume de Tyr ( 131-165 ), &c. ; auteurs qui continuent ,
dans le xil.c siècle, la série des historiens de ces expéditions. Ces
notices ne laisseraient quelque prise à la critique qu'autant qu'on
reviendrait.- sur la partie biographique, toujours un peu défectueuse,
qui précède chacune des savantes analyses de M. Michaud. Le troisième
concile général de Latran s'est tenu en 1 179 : on dit ici que Guillaume
de Tyr assista au synode de Latran en 1 177, et l'on néglige plusieurs
autres faits de la vie de ce chroniqueur , qui ont été exposés par M. de
Pastoret dans le tome XIV de l'Histoire littéraire de la France
(p, 587-592). Mais il importe davantage de remarquer les pièces
inédites que M. Michaud a pris soin d'intercaler parmi celles qu'il
rencontrait dans les collections imprimées. Entre la Philippide de
Guillaume le Breton et l'Histoire de Philippe Auguste par Rigord , il
insère ( tom. I, pag. 273-277), une notice de deux poèmes en langue
vulgaire, intitulés, l'un, le Chevalier du Cygne ou la conques te de Jérusalem ;
l'autre, Roman de Godefroi de Bouillon. A vrai dire, nous ne saurions
rendre raison de ia place assignée ici à ces deux productions manus-
crites; mais il y avoit lieu en effet d'en faire mention quelque part.
La première est attribuée à Gandor de Douai , trouvère distingué du
Xll' siècle, dit M. Michaud. Cette époque et cette distinction avoient
été contestées d'avance par ceux qui ont déjà fait connoître ce poème ,
* FÉVRIER 1850. if t
soit d après le manuscrit du Roi 7 1 92, que M. Michaud cite, soit aussi
d'après celui de l'Arsenal n.° 125 des belles-lettres (1): on n'a placé
qu'au xiii. c siècle Renax ou Renaus, qui a commencé le Chevalier du
Cygne, à plus forte raison Gandor, qui l'a seulement continué; et les
extraits qui ont été publiés de cette œuvre , y compris ceux qui se lisent
dans la nouvelle Bibliothèque des croisades, n'en inspirent pas une
idée très-avantageuse. Du reste , c est la première expédition qui en
fournit le sujet, à partir des prédications de Pierre l'Ermite, et à finir à
l'installation de Godefroi sur le trône de Jérusalem. Le titre du second
ouvrage ( roman de Godefroi de Bouillon ) , dit assez qu'il a la même
matière ; mais ce n'est qu'une version ou paraphrase rimée de la chro-
nique de Robert le moine; et nous croyons qu'on fera descendre le
versificateur anonyme au xiv.e siècle, ou même à la fin du xv.c, si
l'on en juge par son langage :
Souviegne-vous de nous ; ne soyons oubliées. . .
Antioche fut prise un nrercredi au soir. . . .
Signor, cette cité, vous l'avez conquestée ;
Or faut élire un roi dont elle soit gardée, &c.
On ne connoissoit la chronique française de Bernard le trésorier que
par Pépin de Bologne, qui en a traduit en latin plusieurs parties dans ses
annales insérées au tome* IX des Scriptores rerum italicarum deMuratori.
M. Michaud, avant d'arriver à Pépin, donne une analyse fort détaillée
de l'ouvrage de Bernard , d'après le manuscrit du Roi 67 44» Quoique
le fond en soit souvent emprunté de Guillaume de Tyr et de son conti-
nuateur , on y rencontre des particularités qui ne se retrouvent point
ailleurs. C'est un des articles les plus étendus et les plus curieux du
tome II de la Bibliothèque des croisades ( p. j $ 5-582 ) : il est rédigé
avec un grand soin. On doit en rapprocher ce qui est dit dans le
tome I.cr ( 366-388 ) de la continuation française de Guillaume de Tyr ;
car elle reproduit en partie la chronique de Bernard. Un manuscrit de
Rothelin, conservé à la Bibliothèque du Roi, fournit à M. Michaud le
moyen de faire des additions importantes, jusqu'à l'an 126 1 , à ce que
Matrtenne et Durand avoient publié de cette continuation, dans le
tome V de leur Amplis si ma collectio.
Nous remarquerons encore , com me inédite , la chronique française
(1) Voyez les Mélanges tirés /l'une grande bibliothèque, tom. VI , p. 4-162. —
De l'état de la poésie française aux xil.' et xuiS siècles, par M. de Roquefort,
p. 102. — Histoire littéraire de la France, XVI, 232.
ii2 JOURNAL DES SAVANS,
n.° 4j4 des manuscrits du fonds de Sorbonne : M. Michaud en avoit
fait usage dans son Histoire des croisades , à propos de la captivité du
roi d'Angleterre, Richard; ii nous en offre aujourd'hui une notice
( tom. III, p. 3 3p- î 4 5 ) > ainsi que ( p. 382, 38 j ) du ce Roummans
»de Godefroi de Builfon et de Salehandin, et tous les roys qui y ont
» esté jusques à S. Loys qui dernièrement fu , et de leur fait et de
» Pierre l'Hermîte qui premier esmeut le peuple , .&c. 5 » manuscrit
orné de cent dix -sept vignettes et numéroté to à la Bibliothèque
royale.
Au soin que prend M. Michaud d'analyser ainsi plusieurs productions
inédites , on pense bien qu'il ne néglige aucune de celles du même genre
qui ont été publiées. C'est à dessein qu'il écarte Villehardouin et
Joinville, qui se trouvent, dit-il , dans les mains de tout le monde, et
qu'if a d'ailleurs tant de fois cités en racontant lui-même les événemens
dont ils sont pour nous les principaux témoins. Peut-être pensera-t-on
que ces motifs, qui sans doute pouvoient conseiller d'abréger les notices
relatives à ces deux écrivains, n'exigeoient pas qu'elles fussent tout-à-
fait supprimées. Nous ajouterons que l'omission de Villehardouin a
entraîné celle de son continuateur, qui n'est pourtant pas encore trop
universellement connu , puisque son livre a été imprimé pour la pre-
mière fois en 1822 par M. Brial, pour la seconde et jusqu'ici la dernière
par M. Buchon en 1828 ( 1 ). La chronique grecque de Romanie et de
Morée, publiée par le même M. Buchon, n'a obtenu qu'une mention
fort succincte dans la Bibliothèque des croisades. Il est vrai que
M. Michaud en avoit inséré des extraits dans les éclaircissemens qui
terminent le troisième volume de la quatrième édition de son Histoire.
Cependant, on peut croire encore qu'une notice proprement dite
n'auroit pas été superflue.
En certaines pages du corps de ce troisième volume que nous venons
de citer, il est fait mention de la guerre des Albigeois; mais l'auteur
déclare que, malgré le nom de croisade étendu à cette déplorable guerre,
elle n'entre point dans le plan de son ouvrage. En conséquence , sa
Bibliothèque ne comprend aucun des écrits relatifs aux dissensions
(1) Continuation de l'Histoire de Villehardouin, d'après les mémoires de Henri
de Valenciennes,p. 491-514 ^ll tome X VIII de la Collection des historiens de
France. Pag. 193-269 automellldela Collection des chroniques françaises du
XJJ/.' siècle. M. Buchon y a joint, pag. 275^292, trois chapitres sur les
croisades, extraits d'une chronique anonyme en ancien dialecte rouchy ou
de Valenciennes.
FÉVRIER l8$tV irj
cruelles qui, au Xlll.e siède, affligèrent les provinces méridionales de fa
France ; et nous croyons comme fui que ces désastres doivent en effet
demeurer! distincts de ceux que des armées et .des nations diverses
essuyoient alors en Orient»
'II nous resterait à examiner la j>artie bibliographique de$ notices de
M.Michaud, c'est-à-dire, celle qui dé vroit indiquer les manuscrits et les
éditions de chaque chronique et de chaque pièce, les collections où elles
ont été insérées, les travaux divers auxquels elles ont donné lieu, traduc-
tions, continuations, éclaircissemens, observations critiques, dissertations
spéciales. Mais nous serions obligés d'avouer qu'il y a fort peu de biblio-
graphie dans cette Bibliothèque des croisades , et que les lecteurs qui
auront besoin de ce genre de renseignemens devront continuer de les
chercher ailleurs. M. Michaud nous entretient deux fois de Guillaume de
Nangis, l'une (1,285-29)) lorsqu'il rencontre dans le tome V du
recueil de Duchesne l'ouvrage intitulé -G esta S. Ludovici noni ; l'autre
( III , 23 3-24.0 ) quand il ouvre une série particulière de pièces diverses,
par la chronique du même Guillaume , de laquelle il n'avoit rien dit
encore, quoiqu'elle soit dans le Spicilégede Dachery. Ces deux articles
sont fort succincts , et font néanmoins parfaitement connoître ce qu'il
y a de relatif aux croisades dans les deux ouvrages ; mais il n'y est
question ni des copies manuscrites de l'un et de l'autre, ni de la publi-
cation du premier par Pithou en 1 596, ni de plusieurs autres détails
bibliographiques, ni enfin du Mémoire de la Curne de Sainte-Pafaye ( 1 )
où ils sont tous exposés. Il y auroit lieu à des remarques du même genre
sur la plupart des articles dont nous avons fait mention, et sur beaucoup
d'autres , par exemple sur ceux d'Orderic Vital, d'Othon de Frisingue ,
de Jacques de Vitry , de J. Villanï, &c.
Une Bibliothèque des croisades peut comprendre deux classes de
livres : d'une part, les relations originales, les récits des auteurs contem-
porains ou très-voisins des événemens; de l'autre , plusieurs ouvrages
composés sur les mêmes sujets dans le cours des âges postérieurs.
M. Michaud paroît en avoir quelquefois jugé ainsi, puisqu'il donne
( III, 306-3 1 1 ) un extrait de ce que Paul Emile écrivoil à la fin du
XV.C siècle, sur les croisades du %l.c , du xil.c et du XI 11/ Peut-être ne
seroît-il ni possible ni très-utile d'en user de même à Tégaftl de toutes
les histoires générales, soit des Français, comme celle de Paul-Emile ,
soit des autres peuples européens. Mais il nous semble que toutes les
(1) Mémoire sur la vie et les ouvrages de Guillaume de Nangis et de ses conti-
nuateurs j Acad. des tarer, et belles-lettres, VIII, 560.
P
1 14 JOURNAL DES SAVANS,
histoires spéciales de ces expéditions dévoient être au moins indiquées
à II fin d'un recueil intitulé Bïbliotktqut des croisades. Il en existe un
assez grand nombre, trop grand peut-être : en français , par Nicolfe le
Huen, Guillaume Aubert, Pierre d'Oultreman, Maimbourg, J. B.
Mailly , &c; en latin, par Benoit Accolti, Pierre Angelio; en italien ,
par Ant; Mossi ; en anglais , par Th. Fuiler , par M. Ch. Mills ; en
allemand, par MM. Wilken et Heller. On conçoit comment M. Mi-
chaud, dont le grand ouvrage vient de rendre inutiles presque tous ces
essais, a pu s'interdire la liberté de les apprécier : mais il pouvoir mieux
que personne en donner une liste complète et instructive ; elle eût
embrassé sans doute plusieurs observations ou recherches spéciales,
telles que celles de M. Choiseul (TAiliecourt sur l'influence des croi-
sadçs, de M. Reinaud sur la prise de Damiette, &c.
Lés analyses qui remplissent plus des neuf dixièmes des trois volumes
dont nous venons de rendre compte , forment un second ouvrage d'un
très-haut prix; nous n'en connoissons pas de mieux conçu , de mieux
écrit, ni en ce qui concerne particulièrement (es croisades, ni en
aucun autre genre historique* Mais , à notre avis , la perfection même de
ces analyses rend plus sensible l'insuffisance des parties biographique
et bibliographique. Nous regrettons (Tailleurs que le plan général
n'oit pas été mieux adapté à la chronologie , qui est la plus constante et
là plus sûre lumière de l'histoire. '
* M. Reinaud a suivi une autre méthode dans le tome IV, qui sera
l'objet d'un second article.
DAUNOU.
CataWGO di scelte Antichità etruschc trovate negli scavi del
principe di Canino, 1828-1825). Viterbo, in-4.0 , 135
pages, 1829.
PREMIER ARTICLE (i).
Quelque extension qu'ait reçue! dans le cours des dernières années,
Fétude des vases peints , par suite des nombreuses découvertes qui se
m*m*+mm
(1) L'Académie des inscriptions et belles-lettres avoft demandé un rapport
sur cet ouvrage. C'est à ce titre que l'article que l'on va lire, et le suivant, ont
été' communiqués à cette compagnie dans u séance du 26 .février.
FÉVRIER 1830. 115
sont Ailes dans cette classe de monumens antiques , on ne pouvoir
guère espérer de voir nos richesses et nos connoissances en ce genre
aussi promptement, aussi considérablement accrues, qu'elfes viennent de
Fétre inopinément par les fouilles du prince de Canino. En signalant
nous-rnéme, un des premiers, à l'attention du monde savant, le résultat des
acquisitionsfaites parM. le docteur Dorow, à Corne to et à Canino, de vases
peints, de style et de travail purement grecs , -trouvés dans un territoire
étrusque ( 1 ) , nous étions loin de nous attendre qu'une aussi prodigieuse
quantité de vases semblables, et plus intéressâns encore, s'il est possible,
sous tous les rapports qui recommandent ces précieux monumens de
l'antiquité figurée, alioit sortir en foule de ce même sol , dans un espace
de moins de deux années. Le catalogue dont nous allons rendre compte,
et qui ne comprend encore qu'une foible partie du trésor archéologique
recueilli dans les seules terres du prince de Canino, mérite d^jà, d'être
signalé comme un des phénomènes littéraires de notre époque ; et dans
l'attente des découvertes nouvelles jqui se continuent ou se préparent, il
est difficile de prévoir jusqu'où pourra s'étendre, dans tout le domaine
de l'archéologie , l'influence qu'acquiert de four en four l'exploitation
d'une raine si neuve et si féconde.
La collection du prince de Canino secomposoit, à l'époque de -la
publication de son catalogue (a) , d'environ deux mille objets, la plupart
vases peints, de toute dimension et de toute forme, divisés en dix
classas ou centuries , dont les deux premières seules ont fourni la matière
de ce catalogue. Tous ces objets ont été trouvés dans des grottes sépul-
crales qui paroissent avoir appartenu originairement à des familles étrus-
ques , d'après des inscriptions en cette langue gravées sur des pierres
tumulaires ; inscriptions qu'on a cru pouvoir lire de manière à en tirer ,
avec plus ou moins de probabilité, les noms des familles Minuta,
Fuesca , Ania , Ranuta , Apia , Arusania ( l } , Larthia , Fepih et
Arionsa (3). L'emplacement de ces divers hypogées répond à des loca-
(1) Voy. Journal des Savaps, mars 1829,. 131-143* — (2)2 juin 1829. Depuis ce
temps la collection s'est encore augmentée, quoique dans une proportion moins
considérable, d'après une lettre du prince de Canino au savant Od. Gerhard,
insérée dans le Bulletino delV Institut* di corrtspond* arckeotog. Il, XII,
décembre ,1829, pag. 177-180. —* (3) Ce dernier nom, tout-à-tait barbare,
sous quelque rapport qu'on l'envisage, doit être d'ailleurs retranché des noms
proprement étrusques , puisque tes caractères dans lesquels il est exprimé sont
gTTO, comme ceux des vases peints décrits dans lé catalogue. D'après ces mêmes
Otsactëres, JLPJON6 ÀPXO^OS j- il «semble etf\>n pourvoit fortier ks noms,
APION <o)TAPXONTOS, Arion, fils de Torchons mais ce nej^f qu'une
1,6 JOURNAL DES SAVANS,
Ktés mçdernesv toutes' voisines de Canino. Du reste, il ne se trouve
dans le catalogue qui doit être l'objet de notre examen, aucun détail stor
la marche ni sur l'origine des fouilles qui ont produit de si importans
résultats. L'éditeur a seulement ait précéder ce catalogue d'une noté
dont nous croyons devoir donner ici la traduction littérale , parce qu'elle
nous offrira naturellement le texte des observations que nous soumet-
trons à nos lecteurs ; voici cette note-: •
a Toutes les antiquités aveo inscriptions , et les plus intéressantes
o parmi celles qui n'en ont pas, seront «publiées par (a gravure. En
» attendant, pour satisfaire la curiosité des savans, on publie le présent
» catalogue. -— Le résultat de ces fouilles répond directement au défi
»qu'avoit porté l'illustre Winckelmann , de trouver dans. i'Étrurie
» propre des vases étrusques. On pourra désormais; sans trop de pré-
» somption, opposer aux vases campaniens de Nola les vases étrusques
» de Canino. Les artistes et les: savans décideront sans peine auxquels
» doit appartenir le. premier rang. Les inscriptions ont été copiées fidè-
» femen t ( à f aide des seuls caractères qu'on avoit à sa disposition , c'est
» à savoir, ceux de l'imprimerie de Vîterbe ) , et avec toute l'attention
» possible; mais on ne sauroit nier que, pour en essayer l'interprétation-,
» une semblable copie ne soit insuffisante. Le propriétaire, n'étant ni
** archéologue, ni helléniste, démande les lumières des savans, et sera
» reconnoissant envers ceux qui voudront contribuer à l'illustration de
» monumens découverts après tant de siècles * en sa présence même,
» la plupart dans un état parfait de conservation , et parmi lesquels plu-
» sieurs sont des chefs-d'oeuvre de la peinture antique. — On ne s'est
9- permis aucune restauration , afin de conserver religieusement. les mo-
» numens en question tels qu'ils se sont trouvés. — - Les interprétations
» des sujets se donnent ici comme elles ont été inspirées au premier
». aperçu , sans la moindre prétention , et sans rien préjuger des explica-
» lions plus approfondies que pourront proposer les antiquaires de pro-
» fession. >yOutre «cette note prélimmaire, l'éditeur en a joint, à la fin
du volume, une autre plus étendue, intitulée Nota Je/ principe di
Canino , et divisée en plusieurs articles , où le prince lui-même rend
cpmpte, très-sommairement , i .° de /'origine des fouilles, au commence-
ment de i 8aS ; a.° du site où furent exécutées ces fouilles , et que Ton
croit répondre à l'emplacement de l'antique Vetuhni/i, d'après l'inscription
d'un vase décrit sous te n.° 1887, dont il sera question plus bas; 3 °de
■-'» ..".■'
pipe conjecture, à -laquelle nous n'attachons pas nous- même beaucoup
s 1
. ^/FÉVRIER 1830^ 1S1»- 1*17
son opinipn sur ïépot^rdcs monumens, qu'il croit fermement étW art té-
rieure à celle du développement dès arts de ia Grèce, plus anfeiefflié blême
quB la fondation de Rome, et très-rapprochée de la perforé' mtyfenne;
4*° des taractères de xes monumens, considérés en eux-mêmes souples fap-
ports du style de dessin , de l'invention des Sujets, et de* inscription*
dont ils sont ornés , caractères d'après lesquels il croit .pouvoir regarder
les vases en question comme exclusivement propres a l'Eirurie ; y.° de
prétendus vases grecs trouvés dans la Gièce, tzit que Fauteur ne craint
pas de déclarer absolument controuvé; et &.° enfin, d'un moyen de con-
cilierez qu'il appelle les opinions étrusques et grecques , lequel consisterait
à r garder les vases peints trouvés en Étrurie comme appartenant à
f époque étrusco-pélasgique^'est-à-dire^ comme produits dans l'intervalle
de la chute de Troie à la naissance de Rome ; et le reste des monumens
étrusques, tels que bronzes , médailles, urnes , &c. , comme provenant
dfrne seconde époque étrusco-roniaine, .où se seroit exercée l'influence
proprement grecque. Tels som les principaux objets sur lesquels le
prince de Canino appelle l'attention des savans, en même temps qu'il
exprime son opinion personnelle, qui paroît résulter d'une conviction
profonde. Nous ne nous flattons pas de résoudre toutes les questions
qu'il élève, encore moins de le satisfaire complètement sur tous les points
de l'examen qu'il provoque. Mais nous croyons que, des monumens
mêmes, tels qu'ils sont exposés dans son catalogue , il peut résulter des
moyens certains d'établir une opinion contraire à celle qu'il a conçue
sur l'âge et la patrie de ces monumens; et ce sera là le principal sujet des
observations que nous prendrons la liberté de lui soumettre.
La première centurie des vases décrits dans le catalogue, se compose
de vases , la plupart sans inscriptions , de toute forme et de toute
dimension , et à. figures noires sur fond jaune , ou jaunes sur fond noir ,
indistinctement. La seconde cénûïrie présente des vases pareillement
variés sous tous les rapports; mais généralemeut plus considérables, soit
par la dimension même de ces monumens, soit, par le choix des sujets, «t
sur- tout par. les inscriptions qui lés accompagnent. Ces inscription
méritent d'êtte examinées en premier lieu , comme offrant l'élément le
pfui sûr et le plus positif dans les questions relatives à l'interprétation
djes sujets , aussi bien qu'à la patrie et àja fabrication même Jie$ v^ses
qui les présentent.
K Nous rangerons ces inscriptions en plusieurs classe^ "t.* celles cfui
ajpjparriennent aux artistes 4è la m?in desquels proviènnènt<^irectement
ou, indirectement les peintures des vases; %.° celtes qui offrent des noms
propres en rapport svtec ira sujets mêmes de la représentation? 'J.° enfin,
n8 JOURNAL DES SAVAIS,
celles qui consistent en une formule générale, cNRtamment répétée , on
qui expriment quelque intention particulière. Nous pourrions aussi former
une quatrième classe de ces inscriptions appelées graffiature, parcequ'elles
sont tracées àr la pointe , le plus souvent sous le pied du vase, et qui se
composent de groupes de caractères , plus ou moins compliqués , où,
nous pensons qu'il ne faut voir que les marques de (a fabrique de
laquelle étoient sortis les vases qui présentent ces sortes de chiffres otr
de monogrammes, et dont, en tout cas, la composition, à quelque
système d'écriture qu'elle appartienne, ne nous paroi t pas devoir être
d'une grande influence dans la décision des questions qui nous occupent.
Cette particularité n'étoit pas cf ailleurs entièrement nouvelle. M. Çtia*
rama a publié un vase , de fabrique campanienné , sou$ le pied duquel
se trouve une inscription en caractères ainsi tracés à la pointe, que cet
antiquaire a cru pouvoir déchiffrer (i); et il se trouve un assez grand
nombre de vases offrant des inscriptions semblables, et provenant la
plupart des fouilles de Nola ou de fa Campanie , dans le cabinet de
M. le duc de Blacas. Cette sorte de vases étoit fort connue dans la
Grèce antique, où elle for m oit une dasse particulièrement appelée
y&tquvaxtY «iaoyc* , à cause de ces lettres tracées à la pointe, yf&/ufu*m
Itfp iyx*%»&>(*9*9 ainsi que nous l'apprend Athénée (2) ; et cet écrivain
en cite, d'après des Comiques, plusieurs exemples, un desquels est sur-
tout remarquable, parce que le vase dont il s'agit se voyoit à Capoue(f),
Suivant un autre exemple rapporté par Athénée , on peut croire que
l'inscription indiquoit quelquefois le dieu auquel le vase étoit consacré*
D'autres fois elle avoit pour objet de désigner la forme du vase; et c'est
pour cela qu'elle se trouve le plus souvent sous le pied du vase , afin
que l'ouvrier chargé de l'exécuter reconnût à cette marque l'intention
du fabricant ou de l'artiste. Nous en avons la preuve sur deux des
vases de la précieuse collection de M. le duc de Blacas, l'un desquels
offre les lettres TAPI , l'autre les lettres kaa : tracées de cette manière
sous Jet pied de chacun de ces vases, pour indiquer qu'ils dévoient être
exécutés, le premier en forme d'hydria, le second en forme de calpis (4) ;
et, dans Ce .cas» il ne saurait ètrt douteux que les lettres dont il s'agit,
isolées, on grdupées , ne fussent des signes qui avoient rapport k I9
r
(1) Quarante» Jlluttrazione di un vaso itak-greco, che si. conserva nella
rdccolta dtl J*. D. P..L. Moschxm, &c Nappli, 1823, folio; vôy. pag. 9.,—
(i)'Âthen. Dtlpnôsoph. XI, 30, pteg. 467. — (3) A la vérité ce vase étoit
d'argent, et ne aauntft être range dams ta catégorie des vases d'argile peints
qui Dpus.oceupcnt^ -*- (Q Raaofka ,. Reeh. surhs rwms des vases, p. H.
FÉVRIER 1830. 119
fabrication. En d'autres cas , il est probable que ces- inscriptions in-
diquoient le propriétaire du vase, comme on le voit sur un vase du
même cabinet, où se lit l'inscription, TPEMIOEMI, pour TPEMIOT EIMI ,
j'appartiens a Trémias (1); sur une patère à deux anses du cabinet de
M. Carelii , à Naples, laquelle offre, en caractères de la plus ancienne
forme , tracés à la pointe , de droite à gauche , l'inscription , ZMSMO-
NOqAî , KAPONOX EMI , j'appartiens à Caron ; et sur un autre vase de
la collection de M. le duc de Blacas , dont {'inscription , consistant en
caractères qui paroissent tenir de i'osque plutôt que du grec, offre le
nom MAMEPCEs, remarquable par son rapport avec celui du peuple qui
succéda quelque temps aux Grecs dans la possession d'une partie de la
Campanie. Quelquefois le nom du propriétaire est simplement écrit au
nominatif, comme on en a quelques exemples, un, entre autres , sur un
vase de M. Carelii, où se lit le nom AHMOCOÇN le ( sic) , en caractères
d'une forme qui accuse l'époque beaucoup plus récente où ce nom fut
gravé sur le vase* D'après ces exemples , fournis par des vases indubi-
tablement grecs de fabrique et d'origine , il est permis de croire que les
monogrammes tracés à la pointe, habituellement sous le pied et
quelquefois sur le bord extérieur des vases de Canino (2) , appartiennent
au même système, et que ce sont, en général, des marques de fabri-
cation. J'indiquerai particulièrement deux de ces inscriptions, qui
paroissent composées de lettres toutes grecques , mais mal formées ,
par suite de la négligence de l'ouvrier , si ce n'est par la faute de (a
copie moderne, et qui se terminent, l'une, n. 275, p. 29 du cata-
logue, parle mot ErAQE, "i>Pct(P,> l'autre, n. 294» P- 34, par le mot
EniNO. 1, Ittrou y un tel a dessiné, un tel a inventé, qui se rapportent ,
suivant toute apparence , à cette double intention.
Mais pour en revenir aux inscriptions tracées en couleur , au pinceau ,
suivant le système le plus généralement suivi sur les vases peints , et
(1) Je rappelle à cette occasion le vase récemment trouvé à Éboli, avec cette
inscription , AIONTSOT AAAXT0O2 TOTU ATAAOT , c'est-à-dire, A/orcu/tv
* **XV$*Ç (SIC) ™" ^^Xol/) & léeythus appartient à Dionysius , fils de Afa-
talusj inscription si claire et si simple, a* sujet de laquelle on s'est livré à des
suppositions si étranges, jusque-là qu'on s'est imaginé qu'il pou voit y être
question du Grand Dionysos / voy. Bulletin* degli annali di corrispond.
ûrcheoU ottobr. n. X, pag. 152.— {2) Telle est l'inscription du vase n.° 1900,
laquelle consiste, autant quon en peut juger d'après une espèce &ejkc-simUe,
p. 160, en groupes de caractères grecs cursifsque le rédacteur du catalogue
veudroit bien pouvoir prendre pour des caractères égyptiens démotiques, et au
sujet desquels il cite assez mal a propos les recherches de M. ChajnpoiUpjb
120 JOURNAL DES SAVANS,
déjà constaté par d'innombrables, exemples , j'ai dit qu'on pourrait en
fermer» dans la collection des vases de Canino, trois classes distinctes,
chacune desquelles offre des particularités neuves et remarquables. La
première classe se composerait des inscriptions relatives aux artistes,
dont nous ne, connoissions jusqu'ici que sept ou huit noms (i }, y com-
pris: ceux de Nicostkénes , d'Epictétos, d'Archiclès, et SAenea des , qui se
lisent sur des vases inédits du cabinet de M. le duc de Blacas et de
celui' de M. Durand. La seuie collection du prince de Canino triplera
pour le moins nos richesses en ce genre , par (es noms tout-à-fait nou-
veaux qu'elle nous présente ; ce sont ceux de Tléson (fils de Néarque ) ,
àÀndocidh , de Phitias ou Phintias (2) , d'AescAy/e, de Phidippe, de
Chacylion, dHiéron , tfEuphronios , de Zeuxitheos , d'Euthymiades ,
dfc Panthœos, de Posidon, d' Echsechias , de Python, SHippaichmos*
sans compter les noms, déjà connus par d'autres vases, de JVico-
stkénes, dont M. le duc de Blacas possède un vase trouvé à Agri-
geote , et qui se rencontre quatre fois (3) dans la collection de Canino;
dEpictétosy dont on voit, chez M. Durand, un vase tout-à-foit
semblable pour la forme, la* couleur et le style des figures, aux
trais du même artiste qui font partie de la collection de Canino, et de
quelques autres encore, dont les caractères ne sont pas assez nettement
tracés sur le vase ou assez fidèlement transcrits dans le catalogue , pour
que nous puissions en établir fa vraie leçon. Ce n'est pas non plus: à
cette seuie nomenclature , toute intéressante qu'ellç est par cette foule
de noms d'artistes appartenant certainement à la Grèce , que se réduit
l'importance de cette découverte ; il s'y trouve encore des particularités
tout-à-fait nouvelles et absolument décisives en faveur de l'origine
grecque de ces vases. Jusqu'à présent le nom d'artiste ne s'étoit vu
. (1) M. Panofka a dressé la liste de pes artistes, en en retranchant le nom
du prétendu Calliphon â qui se lit sur un vase de fabrique, moderne, pubiié.par
Millin; voy. le Bulletino degli annali, &c.,pag. 138-139. J'ai averti moi-même,
Oresteide, p. 178 , que la peinture et le nom de ce Callîphon étoient une sur-
prise faite à la bonne foi de l'antiquaire français, qui en a induit -beaucoup
tFautres en erreur. — (2) Le mot GITIÀS se lit sur un vase, n.° 551 , p.^ôç, et
le même mot , plus près de sa véritable forme, est écrit GIVTIÀS, sur un autre
vaie,i>.° r 533 , p. 131. Je conjecture qu'il faut lire, dans l'un et l'autre cas,
ÂINTIÀS, nom qu'on sait avoir été commun en Sicile. — (3) Il s'y lit trois fois
écrit en entier NIKOSBENES, n.° 442, 567 et 1 516; et cest certainement le
même nom qui se lit KOS0ENES, sur un quatrième vase, n.° 273; d'où le
rédacteur du catalogue a fait le nom barbare de Kosihênh ; comme il a fait
Célài <de Tlesonnearcho , répété i deux fois, au lieu de lire TLESON HO
NBA?XO[u], Tléson, fils de Néarque. '-> i sij; [ !
FÉVRIER 1830; « iai
accompagné que du mot ErPAGSEN, ou du mot EnplE£EN, qu'on
avoit pu croire employés indifféremment l'un pour foutre;, tandis que ,
sur un grand nombre de vases de Canino, on trouve à-la-fois le nom
cT un artiste joint au mot ETPAftSEN , et le nom 4'un autre artiste suivi
du mol EnoiESEN : d'où H suit inévitablement qu$ ces deux artistes >
npmmés sur un même vase, avaient pris à sa fabrication une part diffé-
rente» l'un comme dessinateur, l'autre comme peintre , auteur du mo-
dèle, ou, si l'on veut, comme fabricant. Cette seconde interprétation (1)
me paraît toutefois moins probable que la première, attendu que
l'usage constant de la langue grecque de se servir du mot En 01 ES EN
pour désigner les plus nobles opérations de fort et du génie , l'œuvre du
poète aussi bien que celle de l'artiste, ne permet guère d'appliquer ici
le même mot à l'ouvrage d'un simple potier;. candis qu'il est naturel
de supposer et nécessaire d'admettre qu'il y avqu.dans les fabriques de
ces sortes de ,v?ses un certain noip^re de dessins originaux , servant de
Îiatrons., et provenant de- la jcn^ih d'artistes oxx^ç, peintres de profession ,
esquels étaient jÇopi^s et Reproduits par le, dessinateur attaché à la fa-
brique (2). Cela u>e paroît résulter d'un vase de,;Canino, décrit sous le
fli° •* % 33 9 V* * 3 r » ?* représentant un exploit d'Htrcule, avec les noms
grecs des personnages qui y figurent, savpir, HEPAKLES, ALSvONEvs (3)
H&PM£S. On y IU.de plu£ Ip 0091 d'AnOLLON, qui accompagnoit ,
sans nul doute, sur la peinture originale, le personnage d'un Apollon;
mais sur le vise, cç personnage a été omis ou retranché par le dessina-
teur, faute d'espace ou par inadvertance; et le nom seul a été écrit par
l'ouvrier, d'un ordre probablen^ept subalterne, qui était chargé de cette
partie du travail. Or ce même vase porte .en toutes lettres la double
inscription : AEINIAAESEnOIESEN, 4IVTIAS (pour «MNTIAS) ErPAOSEN,
qui, d'accord avec les observations faites plus haut, me semble prouver
que le dessin original ét^it l'œuvre de Diniadès , et la peinture mime du
vase, celle de Phintias. Une autre circonstance qui vient, si je ne me
trompe, à l'appui de cette observation, c'est que les noms des artistes
qui se rencontrent plusieurs fois sur les vases de Canino, soit avec le mot
* * * ■
(1) C'est celle de M. Panofka, Bull. J37» — (2) La même chose eut Heu
dans les fabriques àtma'wiua d'Urbino, de Faenza,et d'autres villes d'Italie,
où l'on sait que Ton se se r voit, au XVI.e siècle , de cartons dessinés par Raphaël
ou pat des peintres de son école, et reproduits par le dessinateur de la fabrique,
— (3) C'est probablement uHt faute du catalogue, plutôt que de l'ancien
ouvrier, puisque le S ne se trouve sur aucun vase de Canino , et qu'il y est cons-
tamment suppléé par les double» lettres KS, comme dans le nom K2AN0O2,
ou X2, ço nune clans c^lujj ^e ft^HIXSj eo 50U t qç, U fjaitt lûffiici A MKX 0#£T2.
laa. JOURNAL DES SAVANS,
inoiESBK , ion avec le mot ElTÀésEN, ne s'y reproduisent jamais
qu'avec une seule de ces deux qualifications , et toujours avec fa même ;
ainsi Nicosthénes s'y montre quatre fois accompagné du motElïOlESEN,
comme il Pester fe vase de M. fe duc dé fllacas; Epictetos y est trois
fois qualifié dessinateur , EtfPAtSEN, et amsr des autres. If y avait donc
entre les fonctions indiquées par ces deux mots , sinon une incompati-
bilité absolue, du moins une distinction réelle; et, cefa posé, ii semble
qu'on ne peut guère admettre, pour la signification do mot EnoiESEN,
soit seul, soit accompagné du mot Er passent, celle du fabricant,
ptàhistfant dans sa personne Part du potier et le talent du peintre; tandis
que. dans mon opinion, fa distinction entre l'œuvre te l'artiste et le
travail du dessinateur se trouve d'accord avec le sens usuel des mots
ÈnoiESEN et ErPÀGSEN. Quoi qufil en soit, il résuite du moins de
cette double inscription, si souvent répétée , avec des noms d'artistes,
tous de forme grecque, que les vases qui fa présentent ont été produits
dans de$ fabriques grecques , et par fa màfn d'ouvriers grecs ; car si
c'étaient des productions du sol et de l'industrie .étrusques, comme
voudroit le croire ou le persuader M. 'Je prince de Canino, on ne
cdhçoit pas pourquoi il ne s'y liroit pas des inscriptions en langue
étrusque, avec des noms propres appartenant à cette langue, ainsi
qu'on fe voit sur tant de mohùttiens, miroirs, urnes, pierres gravées, Ac. ,
provenant effectivement de Fart étrusque , et sur lesquels les noms
grecs se produisent toujours sous une ferme étrusque. Voilà déjà, si
fe ne m'abuse, un fait capital contre le système de M. le prince de
Çanino ; c'est-à-dire , une classe nombreuse de vases peints trouvés en
Étrurie, et néanmoins appartenant à la Grèce, d'où ils avoient été portés
sur divers points du territoire étrusque par des mouvemens de commerce
et par des rapports de civilisation dont il est facile de se rendre compte.
 cet égard encore , le vase de Nicosthénei trouvé à Girgenti , et tout
semblable, pour le style et la fabrique, aux trois vases du même artiste
déterrés à Canino , établit une présomption des plus graves.
Un second fait, tout aussi décisif, résulte de fa seconde classe des
inscriptions des vases de Canino; je veux parler de celles qui offrent
des noms propres en rapport avec les sujets représentés. Ces sujets
peuvent se diviser eux-mêmes en mythologiques et héroïques, suivant que
liés personnages qui y figurent sont des dieux ou des héros. Ainsi Ton y
yoh apparoître Jupiter, Minerve, Diane, Neptune, Apollon, Mercure, Bac-
ckuS) la Victoire, sous leurs noms purement helléniques de ZET2,
ASENAIA, APTEMIS, IIOSEIAON, AIÏOLLON, HEPMES, AIONTSOS,
tflKB', et toujours avec tes kyitiboles et les attributs que ces divinités
FÉVRIER 18304 123
avoient reçus des Grecs ; Minet ve avec V égide , Apolfou avec la
lyre, Mercure avec le caducée, Bacchus avec le cep de vigne et le
rhyton; et ainsi des autres. Sur uq de ces vases, n.° 1181 , p. ioj,
Artcmis et Apollon sont qualifiés en commun Dieux Détiens, aelioi ( ij;
ce qui se rapporte indubitablement aux mythes helléniques. Mais c'esj
sur» tout Hercule qui /figure dans ces représentations, sous son nom
grec HEP AKLES, le plus souvent accompagné de ses deux divinités pro^
tectrices» Minerve, ABBNAIA, et Afercurc, HEPMES, quelquefois de sqn
fidèle compagnon lola'ùs , IOLEIOS, ou même de sa mère. Alcmcne,
ALKMENB; et dans une fouie d'actions mythologiques , connues par Iç?
fables grecques, quelques-unes desquelles se montrent ici pour la pre-
mière fois. Telle est, n.° 1 5 J 3 , page 131» la lutte de ce héros contre le
géant Alcyoneus, avec l'assistance* de Mercure et £ Apollon, tous avec
leurs noms grecs; tel est aussi» n.° 559, page 73, le combat d 'fjcrçule,
aidé d'un de ses compagnons, Contre trois guerriers, çvec l'inscription
grecque hepakles, katlKE, indiquant le principal personnage et je
lieu de la scène, qui étoit probablement cette même fontaine Kalykï,
célébrée dans des traditions mythologiques de la Grande-Grèce, et
figurée dans une peinture antique dont parle Pausanias (2). Parmi les
représentations empruntées aux mythes les plus rares des anciennes
Héracléides f j'indiquerai encore un vase avec Y Hercule Mélampyge ,
n.° 6 1 2 , page 43 > fable qui ne s'est encore produite que sur des vases
peints trouvés en Sicile (3), et sur une des métopes de Séiinonte; et la
lutte d* Hercule contre un monstre marin , sujet où le rédacteur du cata-
logue a cru voir Protée, n.# 1908, p. 158, oubliant que c'étoit ici le
trait célèbre du combat d'Hercule et de Nérée, déjà retracé sur plusieurs
vases de fabrique sicilienne, et sur un vase même de Canino, de la
collection de M. Dorow (4)» où le groupe principal est accompagné des
inscriptions grecques HEP AKLEOS,TPlTONOs (maxe). Les vases avec des
représentations dionysiaques oùse,&ent des noms grecs, doivent être
cités aussi en première ligne des monumens figurés de cette collection
qui accusent une origine indubitablement hellénique. Tel est sur-tout
(1) C'est ainsi que j'interprète le mot AETIOI, qui suit les noms APTEMIS,
A...LON; Minerve, A0ENAIA, figure aussi dans la composition; et le
mot IIALON pourroit indiquer que ce vase étoit destiné à servir de prix
pour la lutte, bien qu'en ce cas il eût fallu écrire IIALEN (sous -entendu
ENIKESEN, ou tout autre mot équivalent), d'après l'exemple d'un autre vase de
cette collection, où se lit 2TAAIOANAPONNIKE (2) Pausan. vi , 6, 4.
•—(3) V°y« ma Monument inédits, Achilléide, p. 85, note j. — (4) Voy. la
notice que j'ai donnée xle cette-collection^ dans ce jouipa} , mars 18,29, P« *4P-
Q *
i*4 JOURNAL DÉS SÂ-VANS,
ton vase, n.° 569, page 82, de la forme de patère, offrant, en deux
scènes séparées, des danses de satyres et de ménades, accompagnées
des épitliètes significatives, KisOS (1) (rir), XOPO[s], komo[s],
XOPiriAïS, GANoriE (1) ; tous nom* formés d'après Je même principe,
et dérivés du même «système de personnification, qae tant d autres déno-
minations de personnages bachiques que nous ont fait connoître une
foule de vases peints de fabrique campaniênrie et sicilienne. J'indiquerai
encore le vase n.° 1 00 j , p. 97, où Bacchus, AIONTSOS, couronné de lierre,
avec le dlota d'une main et le pampre de f autre, est figuré debout entre
fe satyre bpiaxos (3) et la bacchante BPOOTLLis, tenant de la main
gauche un thyrse renversé ', et de la droite un serpent ; représentation dont
tous les élémens, purement grecs, d'accord avec ces noms mêmes,
dune forme et d'une origine si manifestement helléniques, sont d'ail-
leurs mis à Fabrr de toute incertitude par l'inscription qui les accom-
pagne : HinnMXMOs ErPAFisE (4K Je citerai enfin le vase n.° 1 j86,
pige 113, où des personnages bachiques , nus , couronnés de fleurs,
Pun d'eux avec un d'iota en main , sont désignés par les noms XOMAP-
xos, ELEAEMOs, ELEnous, teles, ce dernier nom peut-être .pour
(1) Cette personnification du satyre KISOS , pour KISSOÇ, donne lieu de
rappeler l'inscription qui se lit sur un vase célèbre du musée de Naples, KITTOS
HOKAI ATMA, dont on a proposé tant d'interprétations diverses, et malheureu-
sement aussi peu satisfaisantes les unes <jue les autres ; voy. Quaranta, Iilustraz.
diun vaso italo-greco , Napoli, 1820; Scotti, Monum. ined. I fascic. tav. IV,
p. 37; Zannoni, Antolog. di Fïrenqe, n.° XXIV, décembr. 1822; Panofka,
Neapels ant. Bïldwerkc, I, 270. — (2) Ce mot parolt dérivé de celui de
Phante , un des surnoms connus de Bacchus, et formé d'après le même principe
4que le nom IMEPOÏTE , donné à la Sirène d'un des vases de Canino , et celui de
KÀLOI1A, épithète qui désigne Er'iphyU , sur un vase célèbre de M. Mil»
liagen, Vases peints , pi. XX. — (3) Un savant antiquaire, M. Panofka, a cru
trouver, dans le nom de ce bacchant BPIAXOS, l'origine du mot italien briaco,
ïvrt ; étymologie qui me paroît très-douteuse, et qui peut-être même n'est pas
proposée très-sérieusement, puisque ce mot briaco n'est qu'une forme moderne
et abrégée du vieux mot ubbtiacp, dérivé du latin ebrius; mais je n'en pense
pas moins» comme M. Panofka, que le nom grec BPIAXOS, qui enrichit nos
dictionnaires d'une expression nouvelle, doit se rapporter à une intention
équivalente, et tenir au même principe que les noms OINOS, HATOINOs,
AJCPATOS, donnés, sur d'autres vases peints, à des suivans de Bacchus; voy.
le Buttetino degli annali, &c. pag. 141. — (4) Tous les élémens du" mot
ErPATIsE se lisent rassemblés en une seule ligne, mais en désordre et à rebours,
au-dessous du nom parfaitement écrit, HiniîAIXMOS; c'est ce qui a empêché
sans doute le rédacteur dû catalogue de reconnoltre ce mot, dont la lecture est
Indubitable, et de comprendre le nom du peintre Hippaichmos , qui ne Test pas
moins, dans la liste des artistes, où ce nom manque effectivement.
FÉVRIER 1830. i2j
TELETES, noms dont on ne sauroit douter que la signification grecque
n'ait été en rapport avec les personages qu'ils accompagnent.
( La suite au prochain cahier. )
RAOUL-ROCHETTE.
■■■■■■■■■■■■■■■«■■■■■■■■■■■■■«■■■■■^■■■■«■■■■■■■■■iMaMHaaaHMHaaaHMVBaan
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
L'Académie des inscriptions et belles-lettres a perdu l'un de ses plus
anciens membres, M. Gossellin, né à Lille en 1751* Ses funérailles ont eu
lieu le 9 février, et M. Silvestre de Sacy , vice-président de l'Académie , y a
prononcé le discours suivant : « Messieurs , une perte douloureuse nous réunit
encore aujourd'hui, et vient ajouter de nouveaux regrets à ceux que tant de
fois déjà nous a inspirés la triste mais inévitable condition de l'humanité, qui
nous sépare de ceux qui furent ou nos maîtres ou nos compagnons dans la
carrière où nous appellent la recherche et l'amour de la vérité; sentimens
nobles et généreux, qui font de tous ceux qu'ils unissent une seule et même
famille, et qui créent entre eux des liens souvent plus puissans que ceux de la
nature et du sang. Et quand avons- nous jamais dû ressentir plus vivement
qu'aujourd'hui ce qu'une telle séparation a de cruel et de déchirant! Le savant
et laborieux académicien auquel nous rendons les derniers devoirs, n'étoit-il pas
aussi pour chacun de nous un ami; aussi bien pour ceux d'entre vous,
Messieurs , qui ne l'ont connu que lorsque l'Europe savante lecomptoit depuis
long-temps au nombre des lumières de la géographie ancienne, et qui ne
l'approchoient qu'avec ce respect qu'inspire l'autorité de l'âge jointe à l'autorité
des taiens, que pour nous oui , pendant toute notre1 vie littéraire, avons joui du
fruit de ses veilles et de la douceur de sa société ! Ainsi disparoissent et tombent
peu à peu dans le domaine du passé, ces restes, devenus si rares, de l'ancienne
Académie des inscriptions et belles-lettres, qu'a recueillis dans son sein l'Institut
royal <& France , comme la semence féconde d'une nouvelle moisson de déçour
vertes utiles, ou plutôt de ces pacifiques conquêtes que les laborieuses investi-
gations de l'érudition, dirigées par un jugement sûr et une sage critique, font
chaque jour sur les monceaux de ruines qui dérobent aux yeux vulgaires les
traces des siècles écoulés. Des jours entiers passés dans les méditations silen-
cieuses du cabinet, au milieu des écrivains célèbres de l'antiquité, et de ces
monumens qui, par leur indestructibilité même, attestent le mieux la vanité
des gloires humaines et le néant de tout ce qui n'est pas la sagesse et la vertu ;
des travaux dont ne furent jamais le mobile l'ambition et la soif de la re-
nommée, et qui ne connoissoient de délassemens que dans l'intimité de
quelques confrères et d'un petit nombre de vieux amis; une consciencieuse
attention à n'admettre dans ses ouvrages, fruits de ses longues recherches,
que ce qui lui paroissoit établi sur des fondemens solides et qui avoient porté
la conviction dans son âme; une modestie qui accueilloit, je ne dirai pas sans
/
i2d JOURNAL DES SAV ANS,
ombrage/ mais avec empressement» les doutes et les objections de ceux-là
même qui se seraient fait honneur d'être ses disciples; une aménité et une gaieté
naturelle , à l'aide desquelles, jusqu'à la fin de ses jours, il triompha sans
effort d'une impression de souffrance et de malaise qui, depuis de longues
années, lui étoit devenue comme habituelle : tels sont, Messieurs, les traits sous
lesquels se présentera long-temps à vos esprits le souvenir de M. Gosselljn.
De nouvelles recherches, des lumières nouvelles, mises chaque jour, par
l'étude plus approfondie des langues et par les courageuses explorations des
voyageurs, à la disposition des hommes qui se consacreront à continuer les
travaux des Cellarius, des d'An ville, des Rennell, des Gossellin, pourront
apporter de notables changemens aux systèmes par lesquels notre confrère s'est
efforcé de lier la géographie moderne à celle de l'antiquité la plus reculée; mais
il conservera toujours, aux yeux des vrais appréciateurs du mérite, la renommée
du savant laborieux, profond , impartial , qui n'étoit mu que parle seul désir de
connottre la vérité, et qui, dans l'emploi des moyens propres à atteindre ce
but, fut toujours guidé par une grande nn esse d'esprit et une rare sagacité. Pour
vous, Messieurs, en pensant à lui, vous vous rappellerez jusqu'au dernier
soupir ces qualités précieuses du cœur, qui vous le rendoient si cher et qui vous
font trouver sa perte si amère; et l'ambition de celui qui est en ce moment
l'interprète de vos sentimens sera de mériter de vous un jour un aussi hono-
rable témoignage. »
Le 18 février, à l'occasion des funérailles de M. le duc de Lévis, de
PAcadémie française, M.Etienne, chancelier de cette Académie, s'est exprimé
en ces termes :/* Messieurs, organe de l'Académie française, je viens payer un
triste et dernier hommage au littérateur qui partagea ses travaux, et ne les
négligea point même au milieu des prestiges du pouvoir et des fatigues de la vie
J politique. Chargé de toutes les dignités que donne la naissance ou que conf-
èrent les hauts emplois de l'État , M. le duc de Lévis jouissoit avec le plus de
bonheur des titres qui sont le prix du mérite ou la conquête de l'esprit , et aimoit
à faire briller la simplicité de la palme académique sous le faste des éclatantes
décorations de la faveur. Dans l éloignement si cruel de la patrie, les lettres
Favoient consolé; il ne se montra point ingrat, quand vinrent à luire des jours
plus heureux; et si elles avoient tempéré pour lui les douceurs de l'exil, elles
charmèrent plus d'une fois les ennuis de la grandeur. C'est au sein de nos
pacifiques études qu'il venoit s'en délasser, et goûter ce plaisir si doux de
la fraternité littéraire, véritable jouissance pour les âmes élevées et four les
nobles esprits. Le cœur de M. le duc de Levis étoit fermé à toute haine , à
tout ressentiment; il n'avoit rapporté de la terre étrangère que le fruit de ses
savantes observations: il revint pauvre dans le sein de sa patrie, pour l'enrichir
du tribut de connoissances qu'il avoit levé sur un peuple industrieux. Au
milieu d'une émotion si vive, d'une douleur si profonde, n!attendez pas que
je retrace cet esprit si divers qui embrassoit la science de l'économiste et du
législateur, la délicatesse de l'homme de goût et la sagacité du peintre de
mœurs. Je dois seulement parler sur la tombe de l'homme de bien, de l'ex-
cellent confrère, qui ne fut jamais qu'homme de lettres à l'Académie, et fut
toujours moraliste à (a cour. C'est aux heureuses qualités de son cœur, à la
générosité de son caractère, à l'aménité de son esprit conciliant, à son amour
éclairé pour tout ce qui pouvoit ajouter aux améliorations sociales et à la
splendeur des lettres et des arts, que je me plais à offrir le témoignage de l'estime
/
FÉVRIER 1830. 127
d'une compagnie affligée de perdre en lui un collaborateur assidu , et au sein de
laquelle, il y a peu de jours encore, il apportoit le trésor de ses connoissances
si utiles et si variées. . . . »
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Notice sur Colard Mansion, imprimeur et libraire de la ville de Bruges en
Flandre, dans le xv.e siècle (par M. Van-Praet, conservateur-administrateur
de la Bibliothèque du Roi ). Paris , împr. de Crapelet, librairie des frères De-
bure, 1829, in-$S , 131 pages et 5 planches Iithographiées, contenant desfac-
simile. M. Van-Praet a publié, en février 1780, dans l'Esprit des journaux, de
premières recherches sur la vie , les écrits et les éditions de Colard Mansion : il
vient de traiter ce sujet avec beaucoup plus d'étendue. Les éditions données par
le premier imprimeur de Bruges, depuis 1475 jusqu'à 1484 sont au nombre de
vingt-une :on en trouve ici des descriptions fort insiructive5, suivies de notes qui
embrassent de nombreux et curieux détails d'histoire littéraire et bibliographique.
De F Entendement et de la Raison : introduction à l'étude de la philosophie,
par M. J. F. Thurot, professeur au collège royal de France. Dicam enbn nec
mca , necea in quitus , si vera non fuerint , non vinci me malim quam vincere.
Cic. Acad. 11,4. Paris, impr. de P. Pochard, librairie d'Aimé André, 1830,
2 vol. in-8.' ; tom. I, cxx (discours préliminaire) et 333 pages; tom. II,
463 pag. Nous nous proposons de rendre compte de ce savant ouvrage*
On vient de publier le prospectus d'une troisième édition des Recherches de
Aï. G* Cuviersur Us ossemens fossiles , où sont rétablis les caractères de plusieurs
animaux dont les révolutions du globe ont détruit les espèces, 7 vol. in-f.0,
sur papier grand raisin, avec un grand nombre de planches, cartes, et le
portrait de l'auteur. La souscription est ouverte jusqu'au 30 juin 1830, chez
igonette, libraire, rue de Savoie, n.° 12, à raison de 30 fr. par volume, total
210 fr., avec remise de 20 fr. pour les personnes qui retireront les .7 vol.
Traité élémentaire de physique, par M. E. Péclet, maître de conférences de
physique à l'école préparatoire de Paris, professeur de physique à l'école cen-
trale des arcs et manufactures: deuxième édition, tome I.cr Paris, impr. de
H. Fournier , librairie de Malher, 1830, in-8.°, vij et 634 pages avec 18 pi. —
l.re partie : corps pondérables; propriétés générales des corps; forces permanentes •
aui agissent sur eux; corps solides, liquides, gazeux. II. e partie : corps impon-
érables, chap. I.cr calorique sensible et latent; sources de chaleur, sources
de froid. — Les chapitres suivans traiteront , dans le second volume, des fluides
électrique, magnétique, galvanique, et delà lumière.
Exposé des recherches faites ,var ordre de l'Académie royale des sciences , pour
déterminer les forces électriques de la vapeur d'eau à de hautes températures, signé
deProny , Arago, Girard etDuIong, rapporteur. Paris, Firmin Didot, 1830,
42 pages in-4.c et 3 planches.
Voyage de découvertes de l'Astrolabe, exécuté par ordre du Roi, pendant
les années 1 826 , 1 827 , 1 828 , 1 829 , sous le commandement de M. J. Du mont
d*Urvi!le, capitaine de vaisseau, 12 vol. grand in-8.° , avec plus de 100 vignettes
en bois, dessinées par MM. de Sainson et Tony-Johannot, gravées parPorret;
accompagnés d'un atlas, contenant prés de 600 planches ou cartes grand in fol.
\
128 JOURNAL DES SAVANS.
Prospectus. Paris, J. Tastu, 1830, 51 pages grand in*8.°, avec 2 planches.
L'ouvrage se divisera en cinq parties: i.° histoire du Voyage, par M. Dumont
d'Urville, 5 vol.; 2.0 botanique, par MM. Lesson jeune et Richard, 1 vol.;
3.0 zoologie, par MM. Quoy etGaimard, 5 vol.; 4° partie entomologique ,
rédigée par M. La treille, 1 vol.; j.° notices hydrographiques. On souscrit
chez M. Tastu, imprimeur éditeur, soit pour l'ouvrage entier, à raison de
14 &., 24 fr., 30 fr., par livraison, selon les conditions des exemplaires,
soit pour une des cinq parties, à raison de 16, 28, 36 fr. La première
livraison a paru le 15 février; les autres doivent se succéder de quinze en
quinze jours; il n'est pas dit quel en sera le nombre.
Traité théorique et pratique de Vart de bâtir, par J. Rondelet , membre de
l'Institut; sixième édition, publiée par M. A. Rondelet, architecte, et fils de
Recherches statistiques sur la ville de Paris et sur le département de la Seine ,
recueil de tableaux dresses et réunis d'après les ordres de M. le comte de
Chabrol, conseiller d'état, préfet du département. Paris, Imprimerie royale,
1829, in -S.0 Les tableaux , au nombre de quarante-cinq D sont distribués sous
huit titres: topographie, population, institutions, agriculture, industrie, manu-
factures, commerce, finances. Us sont précédés d'une introduction et d'un mé-
moire ( de M. Puissant), sur les résultats moyens et sur les erreurs des mesures,
xlviij pages. Le volume se termine par un rapport de M. Daubanton , sur les
entreprises de construction dans Paris, de 1821 à 1826, et sur l'interruption dm
travaux depuis cette dernière année. C'est le quatrième tome de cette collection.
Le troisième a été annoncé dans notre cahier d'octobre 1826 , p. 641* « Dans le
» cinquième volume, qui doit terminer cet ouvrage, dit M. le préfet de la
» Seine, on trouvera, avec les tableaux annuels, les documens précieux fournis
»par le cadastre, opération très-importante par son objet et par l'exactitude
»des mesures. Cette dernière partie comprendra aussi les faits qui intéressent
"l'agriculture et spécialement l'horticulture dans le département delà Seine.
a J'y joindrai l'histoire administrative de la ville de Paris depuis la restauration,
» ouvrage dont la rédaction est très-avancée. »
^»-
TABLE.
Rétablissement du texte de la Divina commedia, sur Arnaud Daniel.
( Article de M. Ray nouard. ) Pag. 67 .
Les Chagrins du palais de H an, tragédie chinoise, traduite par
M. J. Fr. Davis. ( Article de M. Abel-Rémusat.) 78 .
Voyages en Arabie, par feu J. L. Burchhardt. (Second article de
M. Silvestre de Sacy. ) 89.
Bibliothèque des croisades , par M. Mi chaud. (Art. de M. Daunou. ) 1 02 .
Catatoeo di scelte antichita di Canino. (Premier article de M. Raoul-
Rochette. ) , 1 14«
Nêuvellet littéraires . • • • • 1 26 .
FIN DE LA TABLE.
JOURNAL
DES SAVANS.
MARS 183O.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE
1830.
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 4° fr* Par 'a poste , hors de Paris. On s'abonne, à la maison de
librairie LevrALLT, à Paris, îue de la Harpe, n.° 85; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33. II faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouveaux , les lettres, avis, m/moires, &c, qui
peuvent concerner la rédaction de ce journal , doivent être
adressés au bureau du Journal des Savans , à Paris , rue <ie
Ménil-montant, n.° 22.
JOURNAL
DES SAVANS.
MARS 1830.
Discours prononcé a l'ouverture du cours de l'histoire de la philo-
sophie nu Musée des sciences et des lettres , le 18 avril 1827 ,
par M. Van de Weyer, professeur de l'histoire de la philo-
sophie , conservateur des manuscrits du Roi et de la bibliothèque
publique de Bruxelles. Bruxelles, 1827.
De la dieection actuellement nécessaire aux études philoso-
phiques , par AI. de Reiffenberg, professeur de philosophie A
Louvain. Louvain f 1828. — De l'Éclectisme , ou pre-
miers principes de philosophie générale, par ie même ; //' partie,
divisée en 4 sections, in-8.° Louvain , 1 8 2 8.
Il faut reconuoître que îa philosophie a été traitée avec une sorte d$
munificence en Belgique. Outre les trois chaires spéciales qu'tlle obtint
d'abord en 1817, dans l'organisation de .l'instruction publique, aux
universités de Liège, de .Louvain et de Gand, un décret royal de
1827 lui accorda une chaire nou\elle dans la capitale de la Belgique,
au Musée des sciences et des lettres de Bruxelles. Et la bonne fortune
de la philosophie, ou plutôt le zèle éclairé du gouvernement, voulut
que la chaire nouvelle fût consacrée à l'histoire de la philosophie, étude
moins périlleuse que celle de la philosophie spéculative, qui la suppose
sans doute et ne peut se passer de ses. lumières, mais qui lui rend avec
usure ce quelle en reçoit, et iui imprime une direction salutaire en fa
soumettant au contrôle de l'expérience; étude aussi d'un accès plus
facile, qui exi^e des dons moins rares, et où -d'honorables succès
"attendent to. jours le travail dirigé par le bon sens. Enfin le piu«-
fesseur auquel fut confiée la chaire nouvelle, se trouva précisément
f homme Je plus capable d'en tirer le meilleur parti, M. Sylvai^
k %
ai* JOURNAL DES SAVANS,
Van de Weyer, l'élève et l'ami de M. Van-Meenen (i) 9 l'éditeur
<f Hemsterhuis (2 , et dont le zèle connu et le talent remarquable
cTélocution étoient extrêmement propres à inspirereth répandre le goût
de la philosophie. Une circonstance particulière promettait un heureux
«venir à l'institution nouvelle : un cours fait à Hruxefles ne pouvoir
l'être qu'en français, et le français donnoit un public à la philoso*
phie, tandis que la langue latine, seule permise dans les trois univer-
sités belges, la renfermant dans le cercle de quelques écoliers, fui
ôtoit toute influence sur les esprits et la frappait de stérilité. Tous les
regards des amis du pays et des études sérieuses se tournèrent donc
vers le Musée de Bruxelles, et un nombreux auditoire accourut aux
leçons de" M. Van de Weyer. Le jeune professeur n'est pas resté au*
dessous de l'attente publique et de sa position; le discours d'ouverture
que nous avons sous les yeux en fait foi. Dans ce discours, M. Van de
Weyer s'applique d'abord à justifier la philosophie des vagues accusations
dont elle est l'objet depuis son origine, sans que ces accusations aient
jamais arrêté la philosophie, qui, toujours accusée et toujours cultivée,
a suivi l'esprit humain, dont elle est un produit nécessaire, dans son
perpétuel développement. Toutes les plaisanteries de I indifférence sur
la vanité des systèmes philosophiques n'ont pas diminué le nombre des
systèmes; tous les coups d'un zèle mal entendu sont tombés sur les
philosophes, aucun sur la philosophie. Mais la vraie apologie de la
philosophie est dans l'exposition de son caractère propre, de son but
et de sa méthode. Or, la philosophie que professe M. de W. ;-?r n'est
point une spéculation ambitieuse en dehors de la réalité, c'est-: ire ici,
de Phumanité , de ses lois et de ses croyances; loin de la , elle n'-.st c^ie
f expression des idées de tout le monde; car c'est tout le monde? q>i a
raison en philosophie comme en toutes choses. C'e>t donc sur le sens
commun que doit s'appuyer la philosophie ; elle n'est que l'explication
scientifique des vérités du sens commun. « L'humanité parle, dit M. de
3» Weyer ( pag. 16 ), et la philosophie écoute; les hommes agissent,
» et la philosophie observe, et elle reconnoît qu'il y a des vérités natu-
m relies et primitives déposées dans la conscience de 1 humanité, comme
m dans la conscience de tout homme Elles sont (pag. 1 7 et 18)
(1) M. Van Meenen e«t In première réputation du pays en philosophie. I!
ara malheureusement publié que quelques articles dans l' Observateur , tom. VI t
pag. 209-258; tom. XVI, pag. 113-153» que l'on dit fore remarquables.
— (2) Deux vol. in-iS, avec une notice sur Hemsterhuis et sa philosophie.
Inucllct, 1825.
MARS 1830. in
» en quelque sorte Fa vie de l'humanité » l'air quelle respire. Sans elles il
*>n'y auroit point de société humaine possible. Le gouvernement, fçs
» institutions , les lois, les religions, les mœurs et les usages des notions
*> en sont profondément empreints, et en sont comme au ani de manifes-
ta talions. Elles se révèlent dans les actions , les pensées et les paroles de
» tout homme; toutes les langues en portent le caractère; car il y a
» dans les langues un fond de philosophie et de raison auquel on ne
»fait ptu:-êre pas assez d'attention. Elles sont aussi le fondement de
» tout >ystème de philosophie; car sans elles les philosophes n'eussent
» été intelligibles ni pour eux-mêmes ni pour les autres Voilà
» ( pag. 20 ) les richesses que la philosophie possède, voilà le fond sur
» lequel elle travaille et elle opère. L'existence et la perpétuité de ces
» vérités sont un grand fait, un fait qui domine et embrasse tout, et
*>que la philosophie doit constater et étudier. L'office propre de la
» philosophie est donc de reconnoître ces vérités, de les classer, de les
» expliquer, de les juger, et d'établir que , si elles sont la vie de l'hu-
*> raanié, elles sont aussi la lumière qui éclaire tout homme venant au
*> monde; qu'elles brillent et se révèlent dans toute acîion laisonnable,
»dans toute pensée juste; qu'en interrogeant le sens intérieur, guide
» de nos jugemens et qui sert à reconnoître et à constater ces vérités,
» on apprend qu'on ne peut les rejeter sans se dépouiller de la qualité
«d'homme, qu'on les adopte et qu'on les met en pratique lors même
» qu'on les nie en théorie, c'est-à-dire que, quel que soit le système de
*> philosophie que l'on suive, les véri:és du sens commun sont toujours,
» dani le commerce de la vie, le gui Je de nos actions, la règle de nos
» jugemens , la lumière de nos pensées , la vie de notre intelligence. . .
» Ces opinions (pag. 25 et 26), à la- fois théoriques et pratiques,
» qui, sous une forme explicite ou implicite, dirigent l'universalité des
* homme». . . ., sont, par exemple, la conviction de notre existence
» propre, de l'existence de l'univers extérieur, du commerce réciproque
» de l'un et de (autre, de la faculté de discerner le vrai, le beau, le
» bien ; de la liberté; de la lui du devoir, du sentiment du juste et de
» l'injuste; du jugement du mérite et du démérite de nos actions; de
*>Ia dtg ité humaine; de la morale; de la croyance 5 la stabilité dès
» lois de la nature; de Dieu; de la providence; de l'immortalité de
»l'ame; dune religion. Ces maximes sont le fond de la vie inteiltc*
» tuelle , sociale* morale et religieuse. »
M. Van de Weyer divise en trois ordres distincts toutes les, re-
cherche s dont les vérités du sens commun peuvent être le sujet. „r
ij< JOURNAL DES SAVANS,
i.° Les constater et les étudier telles qu'elles sont dans l'homme
tytont atfcint le pîein développement «de ses facultés;
2.0 Remonter à leur origine dans l'esprit de l'homme;
3.0 Rechercher et établir leur légitimité. Et, sur ce dernier point-,
M. de Weyer remarque d'avance que c'est un fait qui rend leur vérité
tu plus haut degré présumable, que la foi constante et perpétuelle de
tout le genre humain ( pag. 28 ).
C'est après avoir constaté les caractères actuels des vérités du sens
commun, recherché leur origine, établi leur légitimité, que M. Van
de Weyer se propose de les suivre à travers les systèmes philosophiques.
«* Ces vérités seront la pierre de touche de tous ces systèmes (pag. 30),
» Les méconnoissent-ils! ils sont faux. N'en admettent-ils qu'un petit
» nombre! ils sont incomplets. Les offusquent-ils d'erreurs et de subti-
le lités î il les en faut dégager. » Tei est le principe de critique que
M. Van de Weyer emprunte à la philosophie pour rappliquer à son his-
toire. Ainsi étudiée, Histoire delà philosophie cesse d'être un amas stérile
d'extravagances et de contradictions. «Il est à- peu-près certain, dit
» M. Van de Weyer (pag. 1 3 ), que tout ce qu'il y a de vrai clans la
» nature de l'homme a été observé, constaté ou entrevu par quelque
» philosophe. . . Les systèmes n'ont peut-être qu'une contradiciion
» apparente Vrais dans ce qu'ils admettent, faux dans ce qu'ils
*• rejet'ent, c'est parce que chaque philosophe a eu un point de vue
p différent, c'est parce qu'il a tout ramené ou tout sacrifié à ce point
» de vue, c'est parce que, n'ayant observé qu'un côté de l'homme,
» il a raisonné comme s'il avoit étudié l'homme tout entier, que leurs
» systèmes se combattent et s'entre détruisent. . . . Pénétrons-nous
*» bien (pag. 12) de cette idée qii'il n'y a point de grande et impor-
» tante vcriié que la philosophie n'ait proclamée, ei c'est pouKcela
» quelle s'est fait écouter des hommes; car si l'erreur peut un moment
» fasciner les yeux, jamais elle ne s'accrédite ni ne s'étab it. C'est
si par ce que les systèmes de philosophie ont de vrai et de conforme à
•> la nature de l'homme , qu'ils ont eu leurs sectateurs , leurs enthousiastes
*»et leur durée d'existence ; c'est par ce ou'ils ont eu de faix ou d'in-
•> complet qu'ils sont tombés et ont été remplacés par d'autres
• systèmes, qui, également exclusifs ou absolus, s'écroulent h leur tour,
» laissant pour unique trace de leur passage quelques erreurs dé-
» trui'es ou quelques vé ités mieux établie*. »
-jiEn' résumé, le plan de M. Van de Weyer est départir des vérités
4u sec* commun, d'en reçonnoîire les caractères dctutls, d'en déter*-
pijner l'origine, d'en établir la légitimité; voilà pour lui la philosophie
y
/MARS Î830. ^j,
proprement dite: puis, de suivre ces vérités à travers les systèmes phi-
losophiques qui les mutilent plus ou moins sans les renier tout-à-fait^
de n'épouser aveuglément aucun de ces systèmes, puisque tout système
est ordinairement incomplet, et, en même temps» de les absoudre toui/
parce que tous contiennent et ne peuvent pas ne pas contenir, plu*
ou moins défigurées» mais non pas détruites, les éternelles vérités du.
sens commun ; voilà l'histoire de la philosophie. L'histoire de la philo-,
phie et la philosophie elle-même se tiennent par- là intimement, et
constituent un seul ei même corps de doctrine animée par le même
esprit. Nous ne pouvons qu'approuver un pareil plan , à-la- fois très-
simple dans ses principes, très-fécond et très-étendu dans ses consé-
quences. On pourroit désirer que M. Van de Weyer l'eût présenté,
dans un enchaînement plus rigoureux qui eût donné plus de prérîr<
sion à chaque point particulier* plus de lumière et de force à l'en*,
semble, au lieu de se laisser entraîner au développement brillant de,
quelques parties; mais il ne faut pas oublier que c'e*t ici un discour*
d'ouverture, moins austère que des leçons ordinaires, et qu'un nom*'
breux auditoire exige, la première fois au moins» quelques ménage-
mens. D'ailleurs le style de ce discours, quoiqu'il ait eje l'éclat, est d'une
correction parfaite. La, chaleur y domine sans doute, mais non pas aux
dépens de la lumière; et M. de Weyer justifie (p. $4) l'enthousiasme qu'il
montre sùi l'impression naturelle des grandes véri:é* dont ij se fait l'in-
terprète. Il défend l'enthousiasme en lui même , et réclame pour la vraie
philosophie l'honneur d'inspirer l'art, et d'être pour l'aine une source,
féconde de poésie. On reconnoît ici un éditeur d'Hemsterhuis; et il est
bien vrai , en effet, qu'il y a un riche fond de poésie dans toute philo-
sophie cjui ,v appuie sur les croyances éternelles d? l'humanité; mais la
poésie doit être dans le fond, non dans la forme, ou si elle pénètre
dans la forme, elle n'y doit être admise qu'avec une réberve et une
sobritté extrêmes, et sous la surveillance sévère du goût, qui n'est encore
ici que le sens commun lui-même.
L'enseigi:eii/eiit de Al. de Weyer n'est pas resté stérile, et l'exemple
d'écrire en français sur les matières philosophiques a eu bientôt des
imitateurs. M. le haroq.cje Reiflfenberg, professeur de philosophie à.
Louvain „ qui ju quelà -ue s'é,toit fait çonnoitre que par des ouvrages
d'un genre 'fort étranger ^ Ja philosophie, ouvrages parmi lesquels îl
faut pourtant distinguer ipnp.rVit -de Juste Lipse (1), entra dans la route
qije M. V;m du Wt'ytrjtv^|QUY*fte le premier en Uejgique, et pujblfâ ,
■■ 1 ■ • n->! .■■■lit il n ,;■■ ' , »n
ij6 JOURNAL DES SAVANS,
• • •
€rt]\ S28 , une brochure sur /a direction actuellement nécessaire aux études
philosopkques. Celte brochure reproduit les p ri nci]>es que nous avons
signalés dans le discours de M. de Weyer. Nous avons vu que M. de
▼eyer distingue toutes les recherches philosophiques en trois classes»
dont il détermine Tordre : d'abord , l'étude des caractères actuels
des vérités générales telles qu'elles se trouvent aujourd'hui dans
la conscience de tous les hommes; puis la recherche de leur ori-
gine; enfin leur explication, ou l'examen et la démonstration de leur
légitimité. M, de ReifFenberg reproduit le principe de cette divi>ion et
de cette classification sous des formes un peu différentes, qui ne nous
paroissent point avoir gagné en profondeur ce qu'elles ont perdu en
simplicité et en clarté. « Il y a, dit M. de Reiffènberg, un double che-
j» min à suivre en philosophie . Il faut s'assurer du comment ou de l'étaf
» des' choses; ensuite, de leur pourquoi ou de leur raison d'être» »
Celte distinction établie, l'auteur montre fort bien qu'il faut corn*
lïencer par reconnoître les choses telles qu'elles sont, avant de chercher
leur raison d'être. « Le comment, dit-il (pog. 9)» *ans le pourquoi, n'est
» pas de la science, "mniVrenferme les matériaux de la science. Ceci
a» avertit de ne rien dédaigner, de ne refuser la coopération de personne.
» N'êtes- vous pas doué dune tête forte, d'un coup-d'œil d'aigle! ne
» vous découragez pas, vous pouvez encore être utile; observez avec
» attention ; -tôt ou tard un homme degénfe se renconrrera qui, s'em-
» parant des phénomènes que vous aurez recueillis et dont vous aurez
»é)ié de nouvelles circonstances, fcis coordonnera pour les réduire à
*» leur principe. Le comment tout seul n'est donc pas sans utilité; sans
» lui, nu contraire, le pourquoi-nesi bon à rien; il y a plus, il est dan*
» gereux. D'où nai*sent toutes les aberrations philosophiques,, toutes
» les erreurs, n'importe dans quelle classe d'objets elles se manifestent!
79 De ce que l'on construit le pourquoi en négligeant le (omm$nt;de ce
» que l'on donne un faux pourquoi à un comment qui n'étoit pas fait
» pour lui ; de ce que l'on s'obstine à assigner un pourquoi à un comment
» qui nen comporte pas jusqu'ici ; enfin , de ce que Ton part d'un corn-
v> ment vicieux Le rationalisme ( pag. 10 et 1 1 ) le prétendroit
» en vain , il ne sauroit .se passer de l'empirisme; car que seroit, je
*>vous prie, une explication sans chose à expliquer! que seroit une
» connoissnnce quelconque vide de faits, privée d'observation et d'ex-
» périence ! Toutefois l'empirisme, abandonné à lui-même, ou le corn*
» ment 9 nous l'avons dé;à remarqué, n'est pas de la science ; il en est
•» 'seulement la base, le point d'appui: » H faut donc nég'iger provi-
soirement la question ultérieure de la toison des choses, pour Its
MARS 1830. 137
étudier telles quelles sont; or, dans ces limites, on peut se borner à
reconnoître leurs caractères actuels, ou rechercher les caractères qu'elles
ont pu avoir à leur origine avant d'être arrivées à leur plein développe-
ment; c'est-à-dire, pour parler avec M. de Rciffenbergf «le comment
» est ou actuel ou primitif, et il faut aller du premier au second ( p. 8 ).
Enfin , » Je comment est vicieux de deux manières ( pag. n J, par
» addition et par soustraction : par addition , en insérant dans l'analyse
»de la pensée humaine un élément qui ne lui appartient pas; par
» soustraction, en y omettant un élément qui lui appartient. »
Ces principes de méthode déterminent le point de vue sous lequel
M. de KeifFenberg considère l'histoire de la philosophie. Là, comme
AI. Van de Veyer, il reconnoît (p. 13, 1 4> ' J ) c< qu'aucune philosophie
» n'étant la philosophie toute entière, et un seul observateur, si expert
«qu'il soit, ne pouvant tout observer, la connoissance de l'esprit
» humain ne#se forme que pièce à pièce. Or, aucun système n'est
» entièrement faux, le mensonge ne devenant admissible que par sa
» ressemblance avec le vrai; de sorte que, jusque dans l'erreur, il y 1
» manifestation de la vérité vers laquelle nous tendons de notre nature:
» donc c'est en meuant tous les systèmes les uns au bout des autres ,
» qu'on formera , après contrôle et réduction , le système le plus com-
» plet L'histoire de la philosophie nous mène* du particulier à
» l'universel, de l'intolérance Ma tolérance, de l'exclusif à 1 éclectisme,
» par une pente douce et naturelle. Gardons-nous d'être exclusifs, sous
» peine d'immobilité , mais excusons les autres de lavoir été. Que dis-:
» je! les premiers venus n'ont pas besoin* d'excuse: ils dévoient Fêtre;
» car ils n'avotent pas à opter, et étoient hors d'état de dépasser leur
*> horizon. Les çuivans se prirent de passion pour l'opinion traditionnelle
» qu'ils avoient choisie ou que leur siècle leur indiquoit, ou pour celle
«.qu'ils avoient trouvée; mais, en se renfermant dans une idc'e, ifs far
» creusèrent peut-être davantage et en exprimèrent avec plus de force
» ce qu'elle contenoit Héritiers des résultats de leurs efforts, ce
»dont nous avons besoin, c'est une philosophie qui résume et achève
t> toutes les précécfcntes. »
Arrivant à l'objet particulier de sa brochure, M. de Reiflenberg exa-
mine la situation de la Belgique , et se demande de quel côté la Bel-
gique, placée entre l'Allemagne et la France, doit tourner les yeux en
philosophie : il n'hésite point à reconnoître et à déclarer que le. centre
littéraire et scientifique des Belges n'est pas du côté du Rhin, mais
k Paris fil va même jusqu'à affirmer que ce n'est qu'en passant par le
territoire français que l'Allemagne pourroit s'ouvrir Tentrée de la Bel-
S
138 JOURNAL DES SÀVÀNS,
gique; et» tout patriotisme à part, nous ne pouvons nous eçnpècher de
partager l'opinion de l'auteur ; nous croyons que nul bon esprit ne
sera tenté de la contester, en considérant l'immense disproportion de la
culture philosophique en Belgique et en Allemagne , disproportion qui
n'est pas accidentelle, et qui a ses raisons générales», si évidentes qu'il
est inutile de les rappeler. Vouloir transporter brusquement la philo-
phie allemande en Belgique, c'est vouloir un effet sans cause, c'est
entreprendre de se passer du temps, c'est agir contre la loi de
gradation, qui n'est jamais impunément violée; c'est étouffer les se-
mences naturelles qui commencent à germer? dans une impuissance in-
vincible défaire venir autre chose. On n'improvise point la philosophie
çPun peuple, on ne la met pas plus en serre» chaude que ses mœurs et
sa religion. En un mot, si, par sa position géographique, par ses habi-
tudes religieuses et politiques, par son géniç et par toute son histoire»
la Hollande regarde l'Allemagne , par ces mêmes motift la Belgique
regarde la FranOe. Nous sommes encore de l'avis de M. de Reiffenberg,
iorsqu'en repoussant l'importation de la philosophie allemande en Bel-
gique , il s'élève aussi avec force contre le matérialisme et le scepti-
cisme qui découlent de la philosophie française d'un siède qui n'est
plus. II termine par exprimer le voeu que les études philosophiques,
dans les universités belges, soient sur-tout dirigées vers l'histoire de
la philosophie, et de préférence trers Hhistoire de la philosophie an-
cienne, comme on le fait dans les universités de Hollande, qui ont
produit tant de travaux distingués en ce genre. C'est là une imita-
lion de l'Allemagne et de la Hollande ( i ) qui nous parott sans aucun dan-
ger et pleine d'avantages pour la Belgique : ici encore ïious appuyons
de toutçs nos forces le vœu de M. de Reiffenberg; et ce n'est pas seule-
ment en Belgique, c'est en France que nous desirons vivement que
(i) Après l'Allemagne, la Hollande est assurément le pays de l'Europe où
f histoire de la philosophie ancienne est le plus cultivée, sur-tout depuis Wytten-
bach. Voyez a cet égard des détails curieux dans la belle préface des Initia
philosophiœ platonicœ de M. Van-Heusde, Traj. ad Rhon. 1827 , pars prior ,
pag. 41* a Nunc inacademiis nostris etathenaeîs non tantùm lectiones ha£entur
vplatonica?, fréquentes discentium numéro; sed jungunt etiam sua sponte
» juvents sodalitia in quibus Platonem Iegant secum invicem et interpretentur.
»Eduntur identidem specimina litteraria, eu m alia de antiquis scriptoribus
j» et historiae philosophicae arguments, tum platonica, quae conscripta à tyro-
»nibus, veteranis haud videntur indigna; a uc tores autem habent discipulos
»eorum qui ipsi fuerunt Wyttenbachii discipuli. » Tout le monde co'nnoît les
• savantes dissertations de MM. Van Heusdc, Bake, Mahne, Van-Lynden,
MARS 18^0. i}9
l'histoire de la philosophie ancienne soit cultivée; car cette culture seroif
singulièrement propre à développer l'esprit de critique, qui se lie inti-
meineiit à l'esprit philosophique lui-même.
Nous aurions bien quelques observations à faire sur cette brochure;
mais elles s'appliquent mieux encore à l'ouvrage, plus étendu, dont il
Sous reste à rendre compte, savoir: /'Ec/ectiyne, ou premiers Principes
Ir philosophie générale.
V. COUSIN.
Histoire des Français des divers états, aux cinq derniers
siècles, par M. Amans-Alexis Monteil, *xv.\sièck. Paris.,
impr. de E. Duverger, librairie de Janet et Cotelle, 1 8 Jo,
2 vol. in-8.ê (1), 500 et 567 pag. Pr. i4 fr.
Nous avons rendu compte des deux volumes où M. Monteif trace
Thistoire^t peint les mœurs des Français du xiv.c siècle, dans cent cinq,
lettres qu'il suppose écrites par un cordeliende Tours, depuis l'an 1 380
jusque vers i4oo. JI annonçoit dès-lors qu il# donrçproit un autre cadre
au tableau de l'âge suivant; et en effet, la première page du tome III
expose en ces termes le plan nouveau que s'est prescrit l'auteur en ce
qui concerne le xv.c siècle: « A la grande salle de l'hôtel -de- ville de
»Troyes, où, plusieurs fois la semaine, se rassemblent avec le maire
» et les échevins grand nombre d'autres personnes, if s'esr élevé au«*
»4<ourd'hui (c'est-à-dire, vers la fin de «Tannée 1 $00) cette question:
» Quel est des divers états le plus malheureux! On s'imagine aisément le
» bruit qu'elfe a dû exciter parmi nos bons Champenois : tout le monde
Niewland, "Wynperssê, M&rtini, Hoogoliet, Peerlkamp, Prînsterer, Posthumus,
Geer, Geel, Van-Limburg, Thorbeke, &c. &c. En Belgique, on cite déjà
quelques dissertations du même genre; par exemple , celle de Baguet, de Lou-
vain, de Chrysîppo , 1822; une autre insérée dans les Mémoires de l'Académie
de Gand, 1824-1825, de Cameade, par Roulez; une autre de Hermotimo t
par Dentzinger, de Liège, 1825.
» (1) Troisième et quatrième de l'ouvrage. Les tomes I et II concernent le
XIV.# siècle. Voyez notre cahier de novembre 1828, pag. 069-677. II y aura
six autres volumes qui correspondront aux siècles XVI.* , XVII ' et xvill.c
s a_
i4o JOURNAL DES SAVANS,
5* s'est mis h crier, à se plaindre ; cétQÎt une confusion de voix qu'on ne
» pou voit faire cesser. A la fin on est convenu qu'à cette veillée, ou aux
» veillées suivantes, chacun feioit, à son tour, l'histoire des peines et.
» des soucis de son état, et qu'après avoir entendu tout le monde, l'as-
3» semblée décideroit quel est l'état le plus malheureux. »
En conséquence, les 4eu* volumes qui viennent d'être publiés onu,
pour titre général, les Plaintes des divers états, et se composent dlr
trente histoires ou exposés, qui retracent successivement les infortunés
particulières d'autant de conditions ou de professions,. et même d'un
plus grand nombre. La conclusion uniforme de ces plaidoyers est qu'il
n'y a pas de destinée plus déplorable que celle de chaque orateur qui
vient d'être entendu. On sent assez qu'il n'y a là de vrai que le pen-
chant de la plupart des hommes à se plaindre de leur sort personnel, et
à croire celui d'autrui bien meilleur; illusion déjà commune du temps
d'Horace ( i ). Cependanî, parmi tous les plaignans que M. Monteil met
en scène, il en est plusieurs dont la sincérité même pourroit sembler
suspecte ; car, au milieu de leurs doléances, on s'aperçoit. qu'ils tiennent
encore à ces professions si malheureuses qu'ils en connoissent les avan-
tages , qu'ils en apprécient les privilèges, qu'ils s'en exagèrent quelque-
Ibis l'importance. Mais au fond, ces seruimens opposés ne sont pas du
Tout inconciliables ; H y a de la vérité jusque dans ce mélange de mé-
contentement et de vaine gloire : fauteur a placé ces personnages dans
une situation où ils Qoivertt demander en effet plus de pitié qu'ils n'en
désirent, et plus d'hommages qu'ils n'en méritent. Ce qu'on auroit
plutôt à craindre seroit la monotonie de tant de discours qui semblent
tous tendre au même but: mais ce but n'est, après tout, qu'un pré-
texte; et si vous exceptez les formules obligées qui ouvrent et terminent
chaque harangue, les détails qui remplissent les deux volumes, offrent %
dans leur matière et dans leurs formes, la plus riche variété.
En général, l'ouvrage est habilement écrit, sans affectation , sans
recherche, quoique d'une manière piquante et souvent originale. L'au*
teur ne tente point de parler le français du xv.c siècle ; notre langage
actuel lui suffit ; seulement il évite presque toujours les expressions
et les tournures qui supposeroient des pensées, des sentimens, des
habitudes que ses personnages ne pouvoient avoir. Il laisse peu d'ana-
tfhronismes dans son style, er. parvient ainsi à retracer beaucoup de
(0 Quî fi*» Mœctnas, ut nemo quam sibi sortent
•* Seu ratio dederit, seu fors objecerit, iliâ
Comemus vivat t laudet diversa sequentes! (HOR. sat, ! ),
MARS*i830. i4i
menus détails, avec une naïveté expressive qui ne devient jamais ignoble.
On ne remarque non plus, dans sa diction, qu'un petit nombre d'ar~s 4
chaïsmes > entre les locutions ou constructions vieillies ou inusitées dont
il a cru pouvoir faire usage , nous n'en citerions guère qu'une seule qu'il
ait un peu prodiguée, ce Bien sûrement, les courtiers, vous ne voudriez
» pas ê ire relieurs. » — « Mais, les femmes, vous ne pouvez endosser le
» harnois, desservir un fief. » — « Autrefois, les moines , nous pouvions
» recevoir des actes en matière civile, » — « Les francs-archers, nous ne
» sommes pas moins de seize mille hommes, &c. » M. Monteil a une
telle prédilection pour cette tournure, que ses quatre volumes en offrir
roient peut-être deux cents exemples. II est du reste un écrivain très»
correct, élégant dès qu'il lui convient de l'être : les négligences qu'il se
permet ont presque toutes de là-propôs et de la grâce. Nous en ren-
controns pourtant quelques-unes oit le laisser-aller peut sembler excessif,
comme, «Je passai dans un autre pays, ensuite dans un autre, et en*
» suite d'un autre dans un autre , &c. »
Mais quelque influence que puissent avoir les formes de cet ouvrage
sur le succès qu'il doit obtenir, ce sont les matières qu'on y traite qui
réclament le plus d'attention. H s'agit de l'état de la société en France
durant cent années , des institutions maintenues ^a modifiées dans le
cours de ce siècle ; du progrès des arts et des connoissances; de la dit»
tribution dts.travaux et des richesses; du cours général des affaires pu*
bliques"; enfin , ^les aspects divers que présegtoient les moeurs ou
les habitudes privées. En quelles" sources M. Monteil a - 1 - il puisé
un tableau si vaste! ii a pris soin de nous les faire, connaître; les'
cent soixante -sept dernières pages de son quatrième volume cou*
tiennent, sous le titre de Notes du xv J siècle, la citation ou l'indication
de tous les témoignages ou textes originaux qui doivent justifier chaque
article de sor\ ouvrage. II annonce ce qu'il rapportera Ie> passages de*
» livres ou des documens manuscrits; qu'il se bornera à citerle titre et
» le chapitre des*livres et des documens imprimés. » Ces notes sont en
effet beaucoup plus précies que celles qui accompagnoient son Histoire
des Français du xi v.c siècle :-s'il en re%te encore d'un pçu vagues, comme
Memohes , Histoires du temps , Histoire de France, règne de Charles VI $
de Charles VII , lois fîoda/es, Anciens cùmpus des villes , &c. , elles
$ont en petit nombre. La plupart dts autres désignent, d'une manière
positive, des pièces manuscrites conservées, soit dans les dépôts public»»
soit dans le cabinet particulier de l'auteur; ou bien des livres composé*
par des écrivains du xy.c siècle, tels qu'Alain Cbartigr, Monstrefet,
Comines, Molinet, Jean de Troyes, &c.*f ou enfin des recueils rédigés U
V42 JOURNAL DES SAVANS,
<fe%' époques plus modernes , mais d'après des monumens originaux. Ce
» sont donc là de véritables preuves de presque tous les 'détails exposés
dans le cours de l'ouvrage de M. Monteil; et cette partie fort essentielle
de son travail satibferoit d ordinaire aux demandes de la critique la plus
exigeante. #
C'est un pauvre qui prend le premier la parole à la veillée de l'hôtel-
de-ville de Troyes. II tient son bonnet d'une main, son chapelet de
l'autre; il porte sa besace sur l'épaule, son barillet sur la poitrine, tel
que le mendiant peint en miniature dans un manuscrit du xv.c siècle.
"En ce moment, dit-il, je ne vous demande ni pain, ni argent; faites-
» moi seulement l'aumône d'un peu d'attention.» On trouvera peut-être
qu'un pauvre de l'an 1 500 devrdit s'exprimer et sur-tout débuter avec
pfus de simplicité: nous citons ce trait comme étant du petit nombre
de ceux qui peuvent manquer de convenance. Du reste, il faut observer
que ce pauvre a été riche, qu'il a voyagé et acquis de l'expérience
aussi est-il en état.de donner, sur les hôpitaux de Paris, sur d'autres éta-
blissemerts charitables, sur les pratiques et les artifices de la mendicité
Vagabonde, des renseignemeiç pareils k ceux que Ducange, Sauvai et
divers historiens ou jurisconsultes ont recueillis dans les ordonnances
vdjrafes, dans les régimes du parlement et des villes. Le fermier qui parle
après lui est bien plus instruit encore : il cite Varron et Columelle; il sait
tout ce qu'enseigne le traité d'économie rurale de Crescenzi , presque
tout ce qu'alloit écrire#01ivier de Serres; il n'ignore ^ucune des lois,
des 'coutumes, des règles de policé qui concernent l'agriculture. A
plus forte raison conno:t-i( parfaitement le prix des denrées; il vend le
septier de froment 20 sous , I? meiid de vin 6 livres, un bœuf 12 livres,
le cent d'oeufs 3 sous , la livre de cire 4 sous , &c. ; prix qui se trouvent
établis dans le Journal de P^rîs sousOharles VI et Charles VII , dans les
. rouleaux de l'abbaye de^Longchamps, dans les registres des Quinze-
vingts. Le troisième orateur est le messager de la ville de Troyes, qui
l'a été de l'université de Paris, et qui a vu ét&blrr les postes royales en
1 464. Son discours est d'avance un résumé rapide de tout ce qu'on peut
lire sur les messageries de l'université, soit dans du Boulay, soit dans un
volume in-jf* (3) exclusivement consacré à cette matière.
On entend ensuite un comédien, c'est-à-dire, un clerc, confrère de la
Passion , jadis enrôlé dans une troupe qui avoit pour directeur un curét
vétu, comme tous les ecclésiastiques de ce temps, d!un long habit
^___ _ . . _ 9 . — ^
(1) Piïces concernant les messageries de l'université. Parii, veuve Thibouit,
«77*, ÎA-*.' •
MARS 1830. i4j
gris. L'état de l'art dramatique est ici retracé sous des couleurs vives
et fidèles. C'est un exposé plein d'intérêt, et auquel il ne manqueroit
presque rien , s'il comprenoit quelques renseîgnemens sur les auteurs des
mystères et des autres pièces de théâtre.' Gringore n'y est nommé que
comme acteur. H n'y est fait aucune mention ni de Pierre Blanchet , aqai
l'on doit f'A vocal Patelin ; ni des frères Gréban , qui avoient auparavant
mis sur la scène les Actes des Apôtres; ni de leur prédécesseur, Jacques
Millet on Mirlet, qui avoit composé la Destruction de Troyes; rji de
Jehan Michel, auteur de plusieurs mystères et du plus célèbre de tous,
celui de la Passion, Étoit-ce J. Michel, évêque d'Angers, mort en
i447. ou J, Michel, médecin de Charles VII, ou bien le second a-t-il
seulement reiouché l'ouvrage du premier! Cette question, qui a été
depuis fort débattue, et sur laquelle un ancien acteur de la Passion
pouvoir bien avoir au moins un avis en l'année 1500, n'est point
abordée par lui. Mais il parle très- pertinemment du fond même des
pièces , de leurs caractères et de leurs succès ; de toutes les circonstances
des représentations, et des différentes compagnies de comédiens, clercs
de la Bazoche, enfans sans soucis, cornards de Rouen , farceurs ambu-
lans, clercs ^e collège, &c. Il assure qu'il existe en_ France cinq mille
personnes, et peut-être plus, qui jouent sur des théâtres profanes, ou
sur les places et les carrefours des villes , tandis q j'il ne reste au plus
que cinq cents acteurs des saints mystères. Certaines confréries de la
passion se trouvoient réduites à une trentaine de personnes : en bonne
règle, il eût fallu sept diables, six anges, six docteurs de la loi , douze
apôtres, six pharisiens, quatre scribes, quatre vierges, cinq tyrans , trois
larrons , d'autres personnages jusqu'à concurrence de cent trente ou, cent
quarante. Heureusement les troupes incomplètes trouvoient au besoin
des suppléans parmi les spectateurs. A Brigroles, dit le comédien que
M. Monteil fait parler, «à Brignoles, qui est une petite ville, Hérode et
» Joseph s'absentèrent au moment de la représentation. . . Le public
» remplissoit la salle ; je vins annoncer que ces deux acteurs manquoienr.
«Aussitôt deux honnêtes bourgeois descendirent des loges et nous
«offrirent de les remplacer: nous acceptâmes. Us jouèrent avec une
»> aisance, un ensemble admirable ; nous étions tous frappés de la majesté
» théâtrale d'Hérode, et du mordant de sa voix. Joseph, aux yeux bleus,
« aux cheveux blonds, chanta un virelais avec une flexibilité et une pureté
» qui excita de longs applaudissemens. » Le narrateur caractérise aussi
quelques-uns des acteurs de sa propre troupe. « Judas avoit un excellent
» masque : son teint étoit jaune, sa mine basse; mais tandis que dans
» son ménage il étoit un vrai lutin , il restoît la plupart du temps
xii JOURNAL DES SÀVANS,
* immobile lorsqu'il jouoit ses rôles. Disons, en passant, qu'il y a beaucoup
» de Judas dans le monde et peu sur le théâtre. . . Lucifer, quoique
» vieux, étoit un contra- ténor admirable; il falfoit l'entendre chanter:
Satilce d'enfer, saulce d'enfer,
• 'Aux serviteurs de Lucifer.
*>$. Pierre, bien que trop petit, trop grêle, trop jeune, avoit de
» l'aplomb et de la rondeur dans son jeu ; sa voix venoit du cœur. . .
» Oti disoit que Pilate gvoit de la noblesse et de la majesté dans son
».port ; on disoit que son excellent débit tenoit à ?on intelligence; qu'il
» n'y avoit dans sa déclamation pas une syllabe, pas un ges>te dans son
» action , qui ne fût profondément calculé. On disoit qu'il faisoit fris*
» sonnerie spectateur lorsqu'il prononçoit le jugement du Rédempteur
*>du monde, et que cependant, malgré l'odieux de son rôle, la per-
» sonne. du magistrat n'étoit pas odieuse. On disoit enfin que, par son
» jeu muet, il avoit créé des scènes entières. Ces éloges étoient sans
» (Joute exagérés ; mais la vérité me force à les rapporter, et à vous
*> dire que c'étoh moi qui remplissois ce rôle. Marie et Madeleine étoient
» deux jeunes garçons de dix-sept et dix- huit ans. Marie, te plus jeune,
s» avoit de la fraîdfeur et beaucoup de délicatesse dans les traits, &c. »
C'est spr-tout pour donner une idée du style de l'ouvrage de M. Monteil
que nous avons transcrit ces détails : ce qu'ils peuvent avoir de vérité
historique ne seroit pas facile à déterminer ; ils ne sont justifiés par
f indication d'aucun document.
L'auteur cite, au contraire, qu produit "des pièces à l'appui de tout
ce que dit un financier dans la cinquième des trente histoires. Les
finan'ces se divisent en ordinaires et en extraordinaires. Les premières
«ont les revenus du domaine royal et de tout ce qu'oTi y a incorporé de
i>iens féodaux, de droits et de subsides : les secondes sont les tailles, les
gabelles et les aides. On se plaisoit à exagérer le nombre des paroisses
du royaume : (e financier soutient qu'il n'y en a que quarante mille, ou
cinquante mille en tenant compte des états du duc de Bourgogne et du
duc de Lorraine. II avoue que les receveurs, percepteurs et autres com-
mis sont fort nombreux; mais il prétend que la comptabilité est par- tout
rigoureuse, et il ajoute que la spécialité commence à s'introduire dans
les dépenses, Peut-être convenoitjil d'autant plus ici d'éviter une expres-
sion si moderne , qu'elle ne seroit guère autorisée que par un seul fait,
savoir, qu'en i474» sur une somme de 447,8)5 livres tournois à lever
en Normandie, 290 mille livres furent expressément destinées au paie*
inent des cens de guerre, 6,000 livres à des réparations et fortifia
MARS 183O. * i4>*
t allons , et le surplus h de grandes et Tit'cessair.s dépenses, troisième article
qui ïietoit pas très-spécial. Selon le Bnancier, [a France s'appauvrit en
laissant exporter peu à peu chez l'étranger les 30 millions d'espèces
qu'elle possède. M. Monteil remarque lui-même , dans une de ses notes,
que celle somme est bien forte pour un temps où [a totalité des impôts
ne s'élevoît qu'à j millions; il fjut songer toutefois aux exemptions dont
jours scient le clergé, la noblesse et plusieurs villes Quoi qu'il en soit,
cet te cinquième harangue tend à prouvir que rien n'est plus injuste que la
haine universelle dont les financiers sont poursuivis. «Si les favoris dila-
» pidenl le trésor, les financiers ! S'il survient des guerres , des désastres,
1* les financiers ! ... Si la récolte est mauvaise, les financiers , et toujours
» les financiers ! » L'orateur cite,, comme victimes de ces préventions
populaires, Montagu „décapiié aux halles en 1409, et Jacques Cœur,
lanni en 1 4 J J. Il n'est rien dit des'autrcs motifs de la condamnation de
ce dernier, ou des prétextes rapportés par les historiens, et formelle-
ment énoncés dans un acte authentique dont M. Bûchon vient de publier
le préambule (1) : « Charles &c. Comme après le décès de feue Agnès
» Sorelles, la commune renommée fut qu'elle avoit esté empoisonnée,
« et par icefle commune renommée , Jacques Cuer , lors notre conseiller
» et argentier, eu eust esté soupçonné, et aussi d'avoir envoyé des ha r-
» nots de guerre aux Sarrazins , nos communs ennemis , &c. »
La cinquième histoire est intitulée* fV Commissionnaire. On y peut
remarquer, entre autres détails, les qualifications qui se donnoient aux
divers personnages : maître, a un notaire et a un procureur au Châtelel;
honorable homme, à un procureur au* parlement ; honorable et sage
homme, à un avocat; noble et sage homme, a un conseiller, &c. ; honnête
■femme Marboise, damoisei'e Maupercher, dame de Noirville, &c.
Sauvai a recueilli tous les renseignemens de celte espèce;
Un bourgeois se présente pour déplorer a son tour les malheurs de si
condition. Ce nom de bourgeois, qui, dans le cours du XV.' siècle, s'aj>
pliquoit à tous les habitans libres d'un bourg, d'une ville, d'une com-
mune, est ici restreint à une classe de gens qui, sans métier, sans pro-
fession, vivent de leurs revenus. Celui qui parle en leur nom déclare
que, lorsqu'on envie leur sort, c'est qu'on ne le connoît point S'ils sont
rentiers, leur fortune diminue a mesure que les prix des biens-fonds et des
marchandises s'élèvent. Il faut pourtant qu'ils entretiennent honorable-
ment leurs familles, qu'ils établissent leurs enfans, qu'ils bâtissent ou
réparent des maisons, qu'ils renouvellent, de temps à autre, un dispen-
fi) Voyez notre cahier de Janvier dernier , p. 60, 61.
•.i4* JOURNAL» DES SÂVANS,
dieux mobilier. Ce propos acnène une description curieuse des ornemeos
extérieurs et intérieurs d'une habitation bourgeoise ; par exemple , tenture
de drap de soie* tapisserie de Dinan, tapisserie de verdure, loudjers ou
gttnds piqués de coton pour défendre les couchers de humidité des murs;
Nts;à roulettes , lits (fange ? lits k, pavillon de soie, avec broderie, franges,
et manche-pied drapé pour y monter. \près de semblables détails sur fe
hùce des repas, des noces,' des funérailles, de? parures die femme , lora-
Iteur bourgeois Rengage dans f histoire du régime municipal et du régime
communal; car il les distingue l'un de l'autre. La municipalité n'est que fe
gouvernement d'une» ville: (a commune embrasse avec cette ville un
territoire rural, plus ou moins étendu; c'est un petit état souverain qui
« droit de paix et de guerre, droit de s'imposer et de se gouverner lui-
.même. Le discoureur trouve en effet des exemjjes de cette institution ;
mais l'exposé' qu'il fait de ce qu'il a observé dans le cours de ses voyages
en diverses parties de Fa France, prouve que les modes et meule aussi
fe systêfne* de l'administration locale n'y étoient pas, à beaucoup près,
uniformes. Un des^articles de ce récit est conçu en ces termes : «A
^Polrgny, en Bourgogne, je dounois Je bras à la femme du maire
'fc*. quand son mari passoit feïevue; il n'y eut pas d'honneur qu'on ne me
->*4k comme fils d'un éçhevîir de TYoyjjs. i Nous, croyons^qu'il falloit
écrire comme au fils, et qùll y a de plus quelque inexactitude à dire Pc-
tigty (n Bourgogne ;• c'est urte TÎÏfe du comté de Bourgogne ou de la
Franche-Comté. Ort a relevé autrefois Terreur plus formelle de Mabillon,
qui-pfaçoit Poligny ht ducatu Bufgundiœ. Du reste, on sait que A1a*i-
mjlien-, par 'son mariage avec ftiérkière de Bourgogne, en i477> acquit
faT Franche-Comté, qui n'est redevenue province française qu'à la suite
des conquêtes» de Lbuis XIV, et -par fe traité "de Nimëgué en 1678.
Au bourgeois 'fils d'échevin, et depuis échevin lui-même, succède un
•curtier, qui expose comment ses confrères et lui, par leur science des"
besoins, des goûts et des intérêts du monde, peuvent faire vendre,
affermer, échanger toute sorte de choses, d'offices et d'états, excepté
b leur propre, dont ils n'ont pas fa faculté de se défaire ainsi, même en
piyant Içs frais du contrat, le sceau, la grosse et la double expédition»
*'*Le neuvième article, qui a pouf titré l'Artisan, est le plus étendu de
flMvrâgê. Tous les corps de métiers y défilent sous les bannières de leurs
pttréns, S. Eloi, S. Biaise, S. Fiacre , S. Joseph, <&c. Les détails histo-
ires e^echnlqtfessontidtropmultipiiésp
(A9Hlnè»dè'les^ar«c<»uriretmème de les indiquer. Nous né nous arrêterons
qu^uUciuiei' grbope de-cette fougue procession , savoir,- aux papetiers,
aux imprimeurs et auto>rttièu#|, qui» mapchenl efasenïbie sous la bannière
T
. MARS J&30. 147
de S. Jean Porte-Latine. Le papier est devéhu, au xv.e siècle, plus blanc,
moins grossier, moins cassant qu'au xiv.e : la cause en est daqs la pli»
grande abondance et la meilleure qualité des chiffons. Jadis les rfthfek
né portaient pas" de chemise la nuit, et bien d'autres pas même le jour;
maintenant, presque personne ne s'en passe ni jour ni nuit. Le tiers-ét&f,
qui ne fournissoit que des chiffons de toile grise ou rousse, -en donne de
toile blanche et en quantité toujours croissante; signes imperceptiWea,
mats infaillibles, des progrès de la société. Aussi s'est -il établi de tsè$-
. belles papeteries ,*-sur- tout à Trqyes : cette ville, sur douze papetier* de
l'université de Paris, en a vu naître quatre, dont l'un, Guillaume le Bé,
est le plus renommé de tous.- A l'égard du nouvel art typographique, nous
lisons ici qu'après avoir imprimé une page commenme estampe, avec
une planche gravée f on a rendu mobiles d'abord les mots , puis les
lettres; qu'on a cessé de coller deux feuilles fune contre l'autre, et qu'on
s'est mis à imprimer tes deux côtés du papier; que, pour assembler tes
feuilles, on a depuis peu (en 1 500 ) imaginé les signatures ^ qu'enfin
cet art s'est tellement perfectionné , qu'on ne passera jamaisTrapperel (oit
Trepperel ) , Vérard, Simon Vostre, et les bons imprimeurs de Troyesi"
Quant aux relieurs, ils font moins d'usage du bois qu'au temps passé :
ils emploient le parchemin, le cuir, iç damas, le velours, le maroquin.
Les bibliothèques, qui, chez quelques particuliers, s'élèvent jusqu'à cent
volumes, récréent la vue par fa richesse, la diversité des compartiménset
des couleurs, par les peintures déKçate* qui orrtfent les plats , par les
gauffures imprimées à petits fers sur les couvertures et les tranches. Ces
détails nous paroissent susceptibles de certaines rectifications.
Le nombre des mots étant indéfini, même en une seule langue, et à
ph»s forte raison dans plusieurs, il est peu probable qu'on aif#conçu l'idée
de graver ou de fondre- des types mobiles d'un grand nombre d'articles
des vocabulaires ; ce procédé n'eût étépraticablc^que pour quelques pro-
noms, prépositions, conjonctions, qui reviennent fréquemment dansJe
discours, pi qu'on pouvoit trouver commode d'avoir sous la main déjà
composés de tous leurs élémens. C'est l'idée de la mobilité des lettres
qui a g-éë la typographie, et qui en a fait un art tout-à-fait di$tinct <îe
l'imprimerie tabéllaire , qui n'étph qu'une application de la gravure. De*
l'origine de ce nouvel art, chaque feuillet sortit de la presse imprimé
des deux côtés : c'ét oient des feuille* gravées qu'on avoit auparavant
collées June contre l'autre. Le* moyens d'assembler ét'àe mettre eh
ordre tes feuilles imprimées n'ont été. employés que plus tard; mais ^il*
éjoient depuis long-temps imaginés et connus; cap on remarque des
réclames et des signatures dans des manuscrit r fort antérieure à l'invcn-^
T 2
*
1*8 JOURNAL DES SAVAIS,
tipn de la typographie. H est vrai que les premiers typographes négli-
gèrent <Ten faire usage : si les feuilles d'un exemplaire du Ratïona't
Dufandi, de 1 4î9 > ètoient détàfchées et mêlées ; ce ne serait qu'après de
longs et pénibles tAtonnemens qu'on parviendrait h recomposer les cahiers
et à rétablir Tordre des pages. Mais les éditeurs sentirent assez prompte-
ment le besoin d'indiquer cet ordre par des signes immédiatement
visibles : il y a des réclames, et même au. bas de chaque verso, dans la
première édition de Tacite, et en d'autres livres publiés de \\6& à
1*476* Les signatures apparaissent dès i«470 ; et si remploi en demeure
assez rare jusqu'en i4z> » il devient de plus en plus fréquent et ordi-
naire dans le resta du siècle. Ce n'est donc pas s'exprimer avec toute
l'exactitude désirable que de dire, en Tannée 1 joo, qu'on a depuis peu
imaginé les signatures. Otn avoit déjà employé un moyen encore plus
direct de disposer les feuillets , savoir, leur numérotage à (a tête de chaque
recto: il existe.dès i47> un exemple de cette pratique, et même avec
des chiffras arabes (1) ; bien plus souvent ce sont les chiffres romains
ou les nombres ordinaux du langage qui remplissent cette fonction*
Après v48o, ces numérotages né sont plus .du tout rares ," quoique
l'usage n'en soit pas encore universel.
Pour ce qui concerne les imprimeurs de TrOyes, nous ne saurions
trouver étrange qu'ils soient préconisés dans une veillée qui se tient à
fhdtel de cette ville, et & laquelle ils assistent sans douté eux-mêmes;
car c'est une assemblée fort nombreuse, et, pour ainsi dire , générale. La
vérité jest pourtant que l'on ne connoît aujourd'hui que deux de ces im-
primeurs, Guillaume le Rouge et Jean le Cocq,. qui ne sont pas même
nommés dans l'ouvrage de M; Monteil; et qu'il ne subsiste de vestiges
que de troisjéditiohs sorties de leurs presses avant iyôi : un bréviaire
deTroyes, in-8.\ en 1483 ; des épîtres et évangiles, ^vec explications #
in-f.9, eh i4p2 (2); et%n misseU/»-^/, en 1 joo. II est possible aussi
qu'à Troyes une bibliothèque particulière de cent volumes parût alors
Ci) Adrxani Cartusïani liber de Remediïs utriu* que fortunée. Colonise , Ther-
Hôernen, i4fi, 8 febr. in-foi, 143 feuillets chiffrés. Il en existe un exem-
plaire à la bibliothèque de Sainte-Geneviève/ Les chiffres arabes y sont placés
a la' marge du recto, au bout de la 14.* où 1 j.c ligne, et Ton pourroit croire
qtrtls ont été ajoutés âpre» coup, s'ils ifétoient rappelés dans la table qui rem-
plit à la fin du. volume 21 feuillets non chiffiœs\ Cette table manquoit apparem-
ment dans les exemplaires vus par-Debure, puisqu'il dit, n,Q- 1325- de la
I^iographie instructive, que la totalité du volume ne contient que 143 feuillets.
— (2) Ce second article a étéfpar erreur, cité quelquefois avec la date 1480*
Vfy Mercier de Saint-Léger, supplément à Pjrosper Marchand, pag. 86, 87.
MARS 1830. 149
très riche; ; maïs on a lieu de croire qu'ailleurs, sur-tout à Paris, plusieurs
hommes studieux en possédoient d'un peu plus considérables; et (Test *
•même .ce qu'il seroit permis -de conclure d'une observation générale,
savoir, de ce que le nombre des éditions du xv.e siède étai^t supérieur
à treize mille, c'était, à raison de trots cents exemplaires par édition et
sans tenir compte de la division de quelques ouvrages en plusieurs tomes,
un totaf d'environ quatre millions d^ volumes répandus en Europe, et
ajoutés, dans l'espace de cinquante ans, à tout ce qui restoit de manuscrits
des âges précédens. II suit de là que les relieurs dévoient être beaucoup
plu^ occupés et plus nombreux, et qu'ils s'exerçoient probablement à
travailler plus vite. Ont-ils en effet perfectionné leur art dans cet inter-
valle ! c'est une question qu'on ne doit résoudre^ qu'après avoir comparé
Ie> reliures, quelquefois très-belles, des manuscrits antérieurs à i4so*
avereelles des livres imprimés Jusqu'en 1 500. Or, parmi ces dernières, on
en compterait beaucoup qui, n'ayant pu résister au temps et à l'usage,
ont été refaites ou remplacées depuis. Le bois est employé dans une
bonne partie de celles qui subsistent, et peut-être en resteroit il assez
peu de très-précieuses.
Après que les bourgeois et autres habitans de Troyes ont entendu
l'exposé de tous les progrès, et, comme le programme l'exige, de tous
tes malheurs des différentes classes d'artisans, ils s'aperçoivent que le
sorcier Malchus est au milieu d'eux. Personne ne Ta Vu entrer ; mais enfin
le voilà, portant- un chapeau pointu, un habit noir à bandes bleues, des
chausses rouges, des souliers rouges, et le -petit bâton courbe avec
lequel il partage l'air en quatre régions. II ressemble au sorcier repré-
senté dans deux miniatures du roman manuscrit de Régna uh.de Mon-
tauban Son discours remplit à peine vingt pages; et c'est san$ doute à
cause de cette brièveté, qu'il n'explique pas très-clairement, ni la diffé-
rence de la magie*blanche à la noire, ni les sottises étranges qui se
rattachent à L'une et à. l'autre. Divers livres, qu^ les notes ne citent
point, fourniraient plus de renseignemens positifs sur cette branche d'er-
reurs populaires, vivace encore et féconde au xv.c siècle et au-delà*
Oq a dû écouter avec plus de profit, et même avec plus d'intérêt,
quoique sur une matière plus sérieuse , mesure de Taillefer , vicomte de
Troyes, qui -est venu entretenir l'assemblée de là condition des nobles,
de» leurs privilèges et de leurs obligations, de leur antique éclat et de
leurs tribulations récentes. II s'étoit senti, dans son enfance, du goût pour
l'étude"; niais son père ne lui a pas permis de s'y livrer, disant que mes-
sire de Confines, d'ailleurs bon gentilhomme, s'étoit fait moquer dé
lui pour avoir Voulu être savant. Le vicomte a bien reconnu, en grau-
V.
rjo JOURNAL DES SAVANS,
•
dissant', qu'en effet la littérature et fes sciences sont faines pour les
* # avocats, les ecclésiastiques et les médecins , que Tépée et la lance doivent
suffire aux nobles, et que, s'il en étcit autrement, l'ordre essentiel dçs '
sociétés setpit bouleversé* Mais enfin c'étoit toujours un premier mal-
heur que de ne pouvoir s'instruire quand on en avoit si bonne envie. Du
itioins apprit-if* à lire et a écrire en un temps où la plupart des gentils-
hommes savoient à peine signer I^irs nom* en lettrés copiées; sur les
caractères de l'imprimerie. * Sa seconde infortune fut de ne pas épouser
la jeune et belle Irène : ce nom au roi t pu convenir? niais le père d'Irène
étoit un avocat qui s'appeloit maître Guillaume ; une telle alliance auroit
été un contrer sens, un scandale dans la généalogie des Taillefer. Ceci
amène un exposé fort précis des différens titres nobiliaires, de l'origine
des armoiries, de l'hérédité des noms. Le vicomte n'épouse pas noi^pfus
Une de m qi* se Ile dpnt -la famille a bien Quatre cents' ans de noblesse,
mais se nomme du Moulin, race de meunier*, tige vicieuse : d'autres
sont écartées, parce qu'elles n'ont que justice civile et non justice à sang,
ott seulement moyenne justice, sans fourches patibulaires seus leurs
fenêtres. On%préfère l'héritière d'une châtellenie ayant justice à trois
piliers, et pouvant l'avoir à six par érection en baronnie, attendu qu'il
y a dans la seigneurie ville close, chapitré, hôpital, hôtel-dieu, forêt, et
neuf terres homqgères* Suit te détail des services militaires auxquels un
noble est tenu, des dépenses énormes qu'il doit faire, des prérogatives,
frivoles plutôt que 'réelles, dont il jouit. Tout ce sujet nous paroît fort
bien traité : il n'y a de légèreté que dans les formes ; les irtatêriaux sont
pris avec discernement dans l'histoire et dans les lois.
Les mêmes éloges ne seroient xlus qu'avec quelque restriction au
v tableau de l'ordre ecclésiastique, tracé, dans la douzième histoire, par un
vieillard qui, après avoir, dans son jeune âge, étudié eà théologie à
Troyes çt à Pans, a été chapelain , vicaire, prédicateift, desservant» curé,
chanoine et pourvu de la prébende préceptoriale, novice dans une abba/e
de bernardin*, puis dans un couvent de cordeliers. II a pu ainsi observer,
sous presque tous les a*pecrs , le clergé séculier et régulier de son ^ècle: il
en sait lés différens usages, les lois, les maximes et les mœurs ; il a coonois-
sance de la plupart des rivalités , des dissensions et des projets de réforme.
Cependant sa relation est, à notre ayis, beaucoup trop succincte en ce
qui concerne plusieurs corporations religieuses de l'un et de l'autre sexe ;
et l'on peut reproche* à l'auteur une omission plus grave, celle du haut
clergé ; car il ne dit rien du tout des abb'és et des évêques, sinon
or qu'ils veulent toujours être, malgré le siècle actuel, ce qu'au siècle
» dernier ils étoient, et qu'ils sont dans une continuelle» pénible et
1
MARS 1830. 1 5 1
1
*> fatigante opposition avec le temps présent» fort du temps, à venir.* *
Ce. n'est là qu'une vue générale qui au roi t besoin d'être justifiée par des
faits%t des particularités. . .
Quoique, à la fin du xv.e siècle, il n'y ait plus à* Troyes ni champ
clos, ni champion f un centenaire, qui continue de se croire et de se
dire le champion de cette ville, fait l'histoire de sa profession et de tous
les genres de services qu'elle a embrassés > dans le long cours de sa vie,
Son discours se recommande encore par la singularité des détails et par
leur exactitude historique. Un marchand qui prend ensijite la parole*
fait connoître l'état du Commerce x tant intérieur qu'extérieur, ses objets,
ses moyens-, ses entraves; les conditions auxquelles l'assujettissent les
péages, (es douanes et d'autres établissemens; les avantages qu'il tire de
fa meilleure construction des route*, des ponts et des canaux, comme de
l'institution des tribunaux qui lui sont propres, et des bourses ou changtes,
publics, enfinrde là désuétude où plusieurs privilèges sont tombés. De
Charles V à Charles Vfll, la science commerciale a fait en France d'im-
menses progrès : l'orateur l'assure et même. H le prouve ; cependant il
n'en a pas moins l'intention d'opéfer le plus tôt possible ses recouvremens
et de renoncer à tout négoce; Mais nous savons que c'est la exclusion
obligée de toutes ces harangues, * •
Il n'en reste plus qu'une dans lé tomçlIIdeM.Monteil; c'est celle d'un
hôtelier faisant noces et festins : nous n'en extrairons qu'une notice des
cinq services ou mets dont se composoit alors un repas. Le premier mets,
appelé aussi l'entrée, et destiné à exciter l'appétit , consisfoit en limons,,
cerises; fruits tendres et salades. On servoit en second lieu des pâtés,
des brouets et des potage?. Ceux ci se divisofènt en plusieurs espèces :
les plus communs étoiént au riz , à la semoule, à la fromentée . au millet,
aux herbes, aux légumes; les plus recherchés, au macaroni, à la chair
pilée, au* pommes, au£ poirés #et. aux coins : il y ëif avoit de blancs,
de bleus, jaunes, verts, rouges, dorés; et la variété de ces'couleurrs
ornoit une grande table. Les rôtis à la sauce formoient Je troisième
service : on y distinguoif des sauces froides et des chaudes ; sauces^ la
citnnelfe, à la noix muscade, à la moutarde, à l'ail,* au persil, au vinaigre,
aux prunes, aux mûres, au raisin, au genêt, aux roses, &c. Au second
rôt, où quatrième mets, il s'agissoit de bien épicer et parfumer les
viandes , de bien aromatiser le lard dont on les bardoit. On jonchoit la
table de fleurs, et l'on paroit le plafond de rameaux d'arbres d'où pen- *
doient les fruits. Le cinquième service, qui s'appeloit fa fruiterie, com-
.prenoit aussi des pâtisseries, tartes à double visage, tartes aux herbes,
aux citrouilles , aux châtaignes , &&' Dan* le* repas de corps , ces J>âuV
s.
iji JOURNAL DES SAVÀNS,
téries figgroîenf, selon les qualités des convives» une cathédrale , on
monastère, des balances, des mains de justice ,*de^ donjons, des tours,
des écussons, des châteaux : on blasonnoit (es crèmes par lesquelles* se
terminoient ordinairement les festins. La compagnie passoit dans, une
autre salle, où l'on servoit les épkes, c'est-à-dire, les confitures et les
sucreries, avec des vins de Corse miellés et de Fhypocras. Ces détails et
bien d'autres que nous supprimons, sont empruntés du Viandier de
Taillevent, du traité de Platina/rfr Opsoniïs ack$ncsiâ vxtluptatf, de l'Estat
de la maison du duc de Bourgogne en 1 47.4» <^ans 'w Mémoires de la
Maivhe. * •
TOpus sommes forcés de renvoyer; à un second article l'analyse des
quinze histoire» comprises dans le quatrième volume, de M. Monteil.
Les quinze dont le tome III se compose auront pu déjà , quoique nous
les ayons trop rapidement parcourus , donner une^ idée des recherches
sivantes auxquelles Fauteur s'est livré, et du talent très-distingué avec
lequel il en sait présenter les résultats. * -
DAUNOU.
TRANSACTIONS 6f the royal , Society of literature of the Unetcd
Kingdom; vol. I, part. u. London, 1825) , J. Murray,
in %f.ù, a 84 et xlij pages.
La première partie de ce volume a été analysée dans - notre cahier
d'octobre dernier. Cette seconde partie n'est pas inférieure à l'autre
parla variété des#matières et l'importance de quelques mémoires. Nous
allons les passer çn revue les uns après les autres.
I. Inscription ionique sur une figure de lièvre en bronjt , trouvée *ux
•environs de Prient, p*r V. M. Leaîe.
te monument qui Eût l'objet de ce mémoire est une petite figure d'un
lièvre mourant, couché sur le ventre, la tête renversée en arrière ; sur le
flanc et le ventre de l'animai est écrite l'inscription suivante en
boustrophtdon :
mon no a AoriAinT
AJ4IHNHIP
«HeEN
» KO. TXIAtHNW
MARS 1830. ij)
En caractères courons : ri a*om*m ri nom*** p «n dm* Hf «*<*»•
Ce monument a déjà été publié par*M. Brôndsted (1); mais,
M. Leake ne le savpit pas quand il a composé son mémoire lu le 1 7 mai
.1826. L'inscription est intéressante, et sa disposition en boustrophédon
curieuse, à cause de l!époque, qui ne paroit pas êtrç de beaucoup
antérieure, au siècle d'Alexandre : c'est le re*te d'un ancien usage/ Le
seul point difficile quelle offre est Je mot nPiHNHI eu nPlHAHl,
car la leçon est douteuse. M. Brôndsted se déclare pour la première ,
M. Leake pour la seconde; et nous sommes de son avis;Ja ligature
qu'on est' obligé de supposer entre le A et la lettre qui suit n'est pas
dans, l'usage du temps auquel cette inscription appartient- M. Leake
admet, dans ce; cas, le changement ionique du N. en A, comme dans
irXkUfjuif pour imvpmv. La finale du mot wfmrïï* pour irpiart? est égale-
ment ionique»
• «. .
II. Observations sur quelques anecdotes extraordinaires relatives à
Alexandre, et sur l'çrigine orientale de quelques jetions populaires
m différentes tangues de l'Europe , par sir William Ouseley.
• * *
L'auteur de ce mémoire' en -expose le sujet et le résultat en ces
termes,: ce J'ai employé quelque temps à rassembler, des matériaux
» pour un ouvrage* sur Alexandre; eh cherchant, parmf les raanus-
» crits orientaux , des informations à-Ia-fois originales et authentiques,
»fai été conduit à soupçonner, quoique ce soit là un tKste résultat
»de recherches laborieuses, qu'à peu d'exceptions près, et encore
» assez douteuses, toutes les anecdotes qui |>euvent être considères
» comme historiquement vraies dans les récits arabes ou persans relatifs
» au héros macédonien , sont tirées (fauteurs grecs ou latins ; tandis' que
» tout ce qui a un caractère extravagant et fabuleux m'a semblé provenir
j»de l'imagination orientale.»
Ce résultat ne permet pas d'espéré* que l'histoire positive d'Alexandre
puisse gagner beaucoup à Fétude dés sources orientales, qui, jusqu'ici,
selon sir William, n'ont produit, pour la période qu'embrassent les au-
teurs classiques, rien qui méritç de*prendre place parmi les faits de l'histoire
positive; II djtà ce Sujet : ce A cette source abondante ( l'imagination des
» Orientaux}, comme fontdéjà avancé d'ingénieux écrivains, nousdevons
» plusieurs compositions amusantes et instructives , connues parmi les
9 r incipales nations de l'Europe. Durant mes recherches concernant
(1) Voy*te*Rtch€r$huenGrïc<,\,YH-*0<i^l2&*
ïj4 JOURNAL DES SAV ANS,
>> leur origine , je me suis toujours senti enclin à regarder tomme in-
. » venfeurs de ces fictions clbx dans les écrits desquels je les rencon trois
r> pour la première fois, bien qu'il soit possible que, sans en convenir,
» ils (es aient tirées de la tradition orale, ou d'écrits qui ne sont pas
» arrivés jusqu'à nous. C'est ainsi qu'au prophète arabe ou à quelqu'un
» de c ceux qui l'ont aidé dans la composition du Koran, doit' être
» attribué, du moins jusqu'à ce qu'on lui trouve une origine plus
» ancienne , le prototype de l'hermite de ParnelL , . . En accordant^aux
» Arabes et aux Persans 'tous (es éloges qui leur sont dus pour les
» preuves nombreuses qu'ils ont données d'une imagination fertile,
» poétique et brillante , et pour un grand nombre d'excellent ouvrages
» sur l'histoire post-mahornitanc, la géographie moderne de l'Asie, (a
*» philotogie et d'autres* objets, Je dois avouer qu'ils ont généralement
» trompé mes espérances, lorsque j'ai cherché dans leurs écrits quelques
v> éclaircissemens sur l'antiquité classiaue, et notamment sur Alexaadre. *>
Les recherches qui suivent ces oLservations contiennent un grand
nombre de faits intéressans. L'auteur réserve pour un autre travail les
renseignement qui concordent avec les récits des auteurs classiques. Il
s'attache principalement, daps celles-ci, à recueillir Içs anecdotes im-
prQbables et fabuleuses qui, au premier coup-dœil, se présentent
comme des fictions orientales. II les divise en plusieurs classes. Quelques-
unes sont évidemment d'origine mahométane. Telle est, selon lui,
la confusion d'Alexandre sous le nom de. Dhu'l-Karncin ou aux deux
cornes, avec un personnage ainsi appelé dans le Koran, et célébré pour
aveir soumis le monde de Test à îouest , d'une corne ou d'une exjtrémiré
à l'autre. Quelques-uns ont supposé que ce personnage avoit existé du
temps d'Abraham; tandis qu'un. petit nombre d'écrivains musulmans
ne reconnoissent point que ce spit lé même personnage , et ils reportent
à Alexandre la qualification de aux deux cornes , dont ils donnent plu-
sieurs explications fort improbables; celle qui l'est le moins est qu'il
avoit deux boucles de. cheveux ressemblant à des cornes, ce L'antiquaire
» classique, dit sir William, voudra peut-être découvrir quelque analogie
» avec les deux cornes de bélier ou d'Ammon, et soupçonnera que
» les. écii vains orientaux ont vu .des médailles grecques qui. repr-
ésentent Alexandre avec la corne en spirale derrière L'oreille. » Çest.en
effet ce qu'on pense généralement, et il faut avouer que cette opinion
est assez probable. II s'e^isuivroït que la dénomination de Dhu't-
Karnein auroit une origine grecque et non mahométane, comme* le pense
sir William.
A une autre classe de fictions appartiennent certains romans prolixes
\
MARS 1830. 1 sf
et insipides, principalement persans , dans lesquels le chef macédonien
accomplit des exploits merveilleux, plus convenables à A madis de Gaule
ou à Lancelot du Lac qu'à l'Alexandre de l'histoiFe, Leurs auteur» partent
de quelques données historiques , pour se fêter tout de suite dans le
sentier de la fiction ; c'est ainsi qu'après l'avoir fait le fils de Philippe
et le vainqueur de Darius, ils se perdent dans une multitude de fables .'
et d'absurdités dont ifs ne reviennent plu*-* ils parlent de ses- fils
Abraham tyFeridun ; et le conquérant grec commence ses lettres^avec
la formule arabe d'invocation qui se lit en tête des écrits des pieux
mahométâns.
Ce sont les fictions de ce genre que sir William examine. If s'attache
principalement à celles que renferme l'ouvrage de Julius Valerius ,
publié par M. l'abbé MM en 18I17 (1). II pense que les anecdotes
fabuleuses contenues dans le livre de Firdausi, intitulé le Livre des Rots,
ne sont point de l'invention de cet auteur , mais qu'elles dérivent de
traditions orientales ou d'écrits, et que probablement elles passèrent »
plusieurs .siècles ayant , dans les écrits d'Ésope et tfe Julius Valerius : il
regarde comme fort possible (quoique ce ne soit pas son opinion J
que ces ♦écrivains • aient transmis ces fictions au poëte persan. Elles
portent un cachet qui appartient £ l'Orient.
Sir William revient à quelques fictions morales qu'il rapporte à la
même origine. Nous nous contenterons de citer un exemple. On a
cru retrouver fa première idée . de Vhérmhe Je Pâme// dans les G es tu,
Rpmanorum, ouvrage du xiv,e siède; sir William dit: ce Je mentîon-
» neroîs ici, comme une découverte faite par moi depuis bien des
» années, que cette fiction remonte jusqu'au <vir." siècle, si un écrivain
» ne 19'avoit prévenu 9 en observant qu'elle a été tirée du Koran. »
D'autres r&pprochemens de ce genre, qui intéressent Thistofre
littéraire, sont réunis dans le reste de ce mémoire, dont nous
regrettons de ne pouvoir étendre plus loin l'analyse. Des notes et de
nombreuse* citations latines , grecques et orientales, appuient les obser-
vations qu'il contient» ' *
* «
III, Notices historiques sur. Niçpmidic., Vqncifnne capitak de la
Bïthynie; par le même. . •
* •
Le savant auteur réunit dans ce second mémoire fes observation!
(0 y°y*l notre extrait.de cet ouvrage danf le Jçumdl des Sawansi
octobre 18)8.
i)6 JOURNAL DES SAVANS,
qu'il a eu occasion de faire pendant son très-court séjour à Nicomédie. II
commence par quelques remarques sur As tac us et Nicomédie,. qu'il, croit
avoir été la même ville, contre l'opinion de d'Anville (i). II en suit
Fhistoire presque jusqu'à nos jours. Le mémoire est terminé par une
courte notice d'une inscription trouvée à Nicomédie, ainsi conçue;
APPIANOC
AOI AAACOY
' ZHC GTH
MH
XAIP6
Àfpctroç àoiJ&Xatv, Ç*<mç ( ou bien ÏÇm } \th mh fc*7pt. Sir William
pense que cepourroit bien être Celle du tombeau du célèbre Arrien (2).
Nous croyons le contraire. Arrien étoit un assez grand personnage; il
avoit été gouverneur de la Cappadoce : son inscription tumulaire a dû
porter, selon l'usage, le titre des charges qu'il avoit exercées. V Arrien
mentionné dans celle qu'a trouvée' sir William ne peut avoir été qu'un
particulier obscur,
iy. Extraits de manuscrits* relatifs a V histoire d'Angleterre, par fe
rév. Fosboke* '
Ces extraits contiennent 9 1 .° des fragmens qui concernent l'université
d'Oxford; 2,°un passage relatif à une coutume liée avec une ancienne
loi anglaise; des particularités relatives à l'ancienne pairie, &C;
sujets d'un intérêt fort circpnscrit.
V. Indication d'un mot latin qui a passé dajis le grec h l Unis tique , m juron
a depuis long-temps pris pour un mot grech par Granville Penn.
• ■• •
En rapportant le suicide du traître- Judas» S. Mathieu dit ^ **«A3»r
imy%AT> ( xxvil r j ) , ce que la vulgate a rendu par et a biens laqueo se
suspendit. S. Pierre, parlant du même événement dans son discours
rapporté par S. Luc (Act. Apost. I, 18), dit irfninç ytfipârûç ïxixnei
$ti**ç; sefon la vulgate , et suspensus creptnt médius. Cette discordance
entre les deux écrivains sacrés est célèbre, et a été (e sujet de longues
controverses que nous ne rapporterons pas ici. Selon M. Gr. Penn ,
{1) Çf Mannert, Geogr. der Gruchen und Ràmer., VI, p. 580. — (2) Cf.
CÙssical Journal, n.# XXXII, p. 394.
MARS 1830- \%7
elles n'ont pas réussi h lever entièrement la difficulté; il en propose une
explication toute nouvelle qui conctlieroit-parfaitemefitles deux passages.
Le verbe Ixdxnct , dit-if, a été* ramené par les critiques au théine *****
ou Xclmjuê, faire du bruit, et par extension crever, se rompre en faisant du bruit.
Mais ce. thème est fort peu usité ; on ne peut même le reçonnoître que
dansdeuxou trois passages de poètes. II doute en conséquence que ÎXclkm**
soit réellement un mot grec. II rappelle que quantité de mots latins ont
passé dans le grec du Nouveau Testament, quoique la langue grecque
eût des mots correspondans. Tels sont x0v<rn»<hcL, et sur-tout <p&yi>&tà<mç y
du latin JI âge I/o : il conjecture que le verbe Xctxi* , dont s'est foripé
ihcuutaiy est de même un verbe latin, laqueo , -écrit en caractères grecs,
et que ixitiun, laqueavit, répond exactement à Jamy^wn de S. Mathieu,
On peut d'abord objecter que, comme laqueo seroit un verbe transitif
et actif, on cftvoit dire en larfh laqueatus est, et qu'en conséquence ce
mot, passant en grec, devoir prendre la forme Ixeutis* ou t a«x.irmv. À
cela, M. Gran ville Penn répond que, quand fa langue latine étoit pariée,
le verbe laqueo, qui n'existe qu'au participe passé dans la latinité à
nous connue , a pu être employé, comme beaucoup d'autres de la forme
active qui ont, un sens réfléchi, tels que lavo, tondco , duro , ca/ceo, que
cite Priscien. Une autre objection plus sérieuse se tiré du mot (u<nç
m * • S
qui suit *>****i, et qu'on traduit disruptus est médius ; en citant à
Fappui metuj ne médius disrumpar de Plaute [Curcul. il , 1 , 7 ) , illam
mediam disruptam velim ( Casin. Il, j , 8 ). M. Granvifle Pénn n'y
répond qu'en citant pinç ipSt içuxap ( Joh. 1 , 26), ce qui ne se rapporte
point à la question , et des passages de Virgile , ConsiJit scopùlo mciîus
(G. 1 v , 4 3 6 ) , et médius prorumplt in hostes ( /En. X, 396), qui ne s*y
rapportent pas davantage. L'objection reste dans toute sa force. -Au"
contraire, dans le sens adopté pour fÀ**»<n, disruptus est , p*<r*ç est
nécessaire. Une troisième objection plus forte se tire des paroles qui
suivent, l^t^r^n *in* 7* tirXaryx** «tv7»tï; dans la vulgate, et diffusa'
sunt omnia viscera ejus : cela s'entend fort -bien d'un homme dont le
ventre a été fendu, mais non pas d'un homme qui meurt de strangula-
tion. A la vérité , l'auteur -dit que, comme Judas étoit fort replet, sort
ventre a pu s'ouvrir par suite de la strangulation : c'est l'explication
admise pour concilier les deux passages. Qa conviendra facilement qu'il
est assez singulier que S, Luc soit allé chercher dans la poésie grecque
le verbe grec inconnu tA«*a*t, quand il avok sous la 4nain les mot*
JttffiyrvT ou..tr£#d»; ort' fecotonoitra encore que l'explication de
M. Penn est ingénieuse, et a l'avantage de concilier très- bien S; Mathieu
et S. Luc, qui se trouvent avoir dit la même chose > en ^exprimant f Fitta
ij8 JOURNAL Ï>ÈS SÀVANS,
par un seul mot, l'autre par une périphrase. Mais il faut avouer aussi
que l'explication n'est guère naturelle , et pîêtè à bien des difficultés.
Voici du reste la version que M. Gran ville Penn propose en consé-
quence de son opinion iprœceps ïn oiafusus , laque avit ( i. e. implicuît
se laqiïeo ) médius fi, e. in medio , inter trabejn et terram J , et *ffusa
surtt omnia viscéral jus. . -~ ' .
* • .
VI. Sur U Cartulaire.de FlaxUyt Abbey , dans le comté de Gloçtftcr,
par sir Thomas Philipps.
, Ce cartulaire, écrit sous le règne du roi Jean , ne renferme que des
dispositions de peu d'intérêt ,■ rejatives.à cette abbaye.
Vf I. Copie d'un manuscrit relatif h Henri V d' Angleterre? conservé- dans
ta Bibliothèque du Rai à Paris, avec préface et notes supplémentaires ,
par John Gprdon Smith, M. D.
E(i tête de ce manuscrit est la note: Factum du sieur de Caucourt
cçnire Louis seigneur d Estoutevitle , ou il y a plusieurs choses curieuses
sur la bataille d'Ayncourt ( collection Baluze , n.° $44 )• H n'y a rien de
curieux dans ce manuscrit qu'une allégation. du sieur de Gaucourt •
prisonnier de guerre, contre la sincérité de Henri Vrqi)i auroït manqué
à la parole qu'if avoif donnée de lui rendra la liberté, moyennant
certaines conditions» M* Gordon Smith, pour, défendre .Henri J/,
rejette cel^ sur le mécontentement et la mauvaise humeur du prisonnier
français. Mais les faits sont trop circonstanciés pour que l'excuse soie
admissible. -
. . . •
VIII, Sur le sens qu'on attache le plus ordinairement et le plus correcte-
ment i l'expression, valeur d'une marchandise ; par le rév. TT R.
- Malthus. r
s » *
*
Dans un précédent mémoire , inséré cfans la première partie de ce
volume, M. Malthus a montré que la quantité du travail' moyen qu'exige
mie marchandise représente et mesure lés conditions ordinaires aux-
quelles on peut les fournir, comme ce que coûte naturellement et
jlëoessairement sa production. II s'est proposé, dans celui-ci ,» qui est
. «ne suite du premier, de faire voir que , quand on parle de la valeur
d'âne marchandise, sans mentionnera quelle autre marchandise cette
véérbr est rapportée ,if est généralement entende qu'on fa rapporte k
Ce ty*ê ^oÛte sa production» • M ' .1 . * .\» - :■.»■. .
MARS 1830. 159
IX. Quelques Remarques sur une partie du premier litre des Guerres civile}
ttApplen (c. 4o $<!•) » avec une tentative pour donner une généalogie
plus' exacte de-la famille julienne ou césarienne; par le très-honorable
C. Yorke; ,
Ce mémoire est pn commentaire du récit que. fait Appien de la
guerre sociale, ou italique ( À* U« 66^*666 ) , principalement pour
lever une difficulté du texte de cet auteur, qui consista dans la confusion
des noms, Scxtuç Juttus César ex Luc i us Julius QIsqK Celte diffi-
culté avoit été sentie , mais non résolue , par le savant Schweighaeuser*
M. Yorke reconnoît la nécessité dé faire une addition au texte d'Appien.
A la suite de ces remjr.oues critiques, l'auteur a dressé une table généa-
logique; fort détaillée, et plus complète que celle qu'a voient dressée
ies premiers Commentateurs, de la famille^ uiieiine» depuis. lès plus
anciens temps de Rome jusqu'à r son extinction 4*ns la personne et
Néroni. Y - i " ' '• .".■<•• <
. •:. . .v ; ..,•■ • ' '" ,• .■ •
X. Sur la date de quelques-unes des Médailles de Zaocle en Sicile,
par Jaine* MiHingen..-* ' -
1 - - ...•.
M. Millingcn cm un antiquaire aune espèce assez rare ; il dit beau-
coup en peu de mots; il marche droit à son t>ut 4 sans se laisser
détourner par l'envie de montrer une éruditiçn inutile et intempes-
tive^ II en résulte que ses dissertations et ses notices sont ordinaire-
ment courtes , substantielles et concluantes. Telles sortira qualité* que
nous paroît avoir celle-ci.
Les révolutions diverses qu'a éprouvées h ville de Zancle , et Je
changement de son nom en celui de Messie , sont liés à tant d'éyé-
nemen* de l'histoire grecque , qu'rf iniporte d'en, déterminer l'épogpe
précise et d'éclaircir les circonstances qui ;'y rapportent; mais. (es
contradictions des auteurs latins à ce sujet ont enveloppé la questjkfti
de difficultés Que les efforts de Bentley. non t point réussi à le^fr
complètement. Ce «succès ne pouvoit être que le résultat de la com-
paraison des textes et des médailles ;il étoit réservé à M» JVUIJingaq.
Selon Hérodote (vi ,22, 23 ), après la batajlle navale djçvant
Miiet ( 4^3 avant J. C.) , uç grand nojr^re de Samiens et. d'aufnss
Ioniens résolurent d'abandonner ce pays , pour échappef au. joug des
Pênes. ' Alors ils reçurent des Zancléens l'invitation 4e vfnif,^ âj^Use
et de s'établit sur la cfo^Qùest de file f k rendroii4^pj^^ t/^^|^
[ le beau $£?/]. Lej Sa.rpkiu^^Ts f |^ j*!^
M
\
i6o JOURNAL DES SAVANS,
acceptèrent l'offre , et s'embarquèrent pour la Sicile. En passant à ,
jLocres des Epizéphy riens , Anaxilas , tyran de Rhégium , Jeur envoya
de* émissaires pour . les. engager à renoncer au projet de s'établir sur
le beau rivage et V s'emparer de Zancle , ce qu'ils firent Ail le uf s,
Hérodote (vil, i64) mentionne le changement du* nom de Zancle
en. Messane % sans .en spécifier le temps ni les circonstances* '
Thucydide rapporte ferait plus brièvement. II dit que les Zan*
décris furent chassés de leur ville par les Samiens. et d'autres Ioniens
qui fuyaient le joug . des Perses ; qu' Anaxilas , ty/an de Rhégium ,
chassa lés Sa miens peu après , et, ayant peuplé la ville avec un mé-
lange de diverses .nations , changea son nom en celui de Messane
(vi,. 4). • . .
. Sirabon et Pausanias racontent le <âit d'une manière différente, lis
ne font nulle mention des Samiens, mais attribuent l'expulsion des
Z#ncléeti* à un corps de Messéniens qui. vinrent directement du Pé-
loponnèse. Le premier ne dit rien de l'époque; le second place
cet événement, environ 160 ans avant l'époque assignée par Hérodote
et Thucydide
- Une si grande diversité a donné lieu de supposer qu'il s'agit de
d#Ux événemens distincts et de cb« tyrans de Rhégium portant le
itfitt d'Anaxilas. Mais Bentley a prouvé que tous les passages anciens
*e rapportent &pun seul et même personnage, qui vivoit à l'époque
delà guerre, des Perses*
Cest au récit contradictoire sur le peuple qui chassa les Zancléens
tj*e M. Millingen s'arrête avec le plus de soin. Les médailles lui
strvéht à découvrir la vérité. En comparant celles de Rhégium et
ilr Messane , il concilie Hérodote avec Strabon , en montrant que»
dans leur entreprise contre Zancle , les Samiens furent unis avec les
Mièssétriens, et pendant quelque temps habitèrent la ville en commun ,
jusqu'à ce que les premiers furent expulsés par le? derniers , à l'ins-
tigation d'Anaxilas. Ces médailles prouvent encore que le nom de
Jktilfe fût changé immédiatement après qu'elle eut été prise, et non >
•pas ensuite , comme le dit Thucydide , lorsque les Samiens eurent
été chassés et qu9 Anaxilas s'y fût établie leur place.
v M. MHImgen termine son mémoire en ces termes : « La question
»' présente n'est pas seuMhent intéressante pour f histoire et la chro-
~*-fialbgié i die est encore d'une grande importance pour l'histoire
*de Part. 'Les médailles de Zancle et de Messane sont au nombre
*des ptUs anciennes dont la date peut eut déterminée ; elles forment
* une espèce de poitit de' départ pour fixer Fétat des arts , eh Sicik
MARS 1.830. tir
»du moins , à l'époque de l'invasion persane. La fixation de ce point
» est (fautant pfus impartante, que de savans hommes ,Winckelmah» et
» Barthélémy , adoptant le récit de Pausanias , ont reculé l'époque
» de la perfection des arts d'une manière qui ne peut se concilier
» avec l'histoire et les anciens monumens. Reportant jusqu'à la 29/
» olympiade les médailles de Zande , ils ont attribué * Gélon I.*f et
*> Hiéron I.er les villes qui appartiennent à d'autres princes de même
» nom qui ont vécu deux siècles après. D'autres erreurs sont nées- de
» cette opinion. »
XI. Sur fe Vase de Portîand • par le même.
Tous les antiquaires connaissent ce vase , qui , après avoir appar-
tenu à la famille Barberini, et avoir été acheté par sir W. Hamilton,
•tt maintenant en la possession du duc de Portîand, qui l'a déposé
dans le musée britannique. Le sujet des élégantes sculptures dont
îl est orné a été diversement interprété par les antiquaires. Mais
Vinckelmann , Visconti et Zoëga n'ont point hésité à y reconnaître
un sujet relatif à Pelée et Thétis. M. Millingen , dans un précèdent
ouvrage , a parié précédemment de cette explication , admise" aussi et
confirmée par M. Raoul- Rochet te : il y revient aujourd'hui pour
la développer avec plus de détail , expliquer toutes les circonstances
des deux sujets sculptés sur ce vase , et dire son opinion sur l'époque
de sa fabrication. Nous n'insisterons pas sur ces diverses parties de
l'explication archéologique , qui auraient besoin , pour être bien com-
prises de nos lecteurs , du secours d'un dessin ; ndus aimons mieux
rapporter ce que le savant antiquaire dit de l'âge de ce monuipem
curieux. II est , comme on sait , d'une composition de verre imitant
la sardoine ; l'imitation est même si parfaite, que pendant deux siècles
il fut pris pour une vraie sardoine et évalué eh conséquence de
cette idée : « Sous ce rapport ,. dit M. Millingen , il mérite haute-
» ment l'attention, comme montrant fes progrès des anciens en chimie
» et avec quels succès ils Fappliquoient aux arts; on pourvoit même
* en inférer ce que dévoient être lès vases murrhins , si célèbres
»dans l'antiquité. L'origine de ce rase a été attribuée par quelques
3r antiquaires au siècle de Phidias , par d'autres à celui d'Alexandre.
» Beaucoup de raisons me font croire qui! est d'une époque bien
» plus récente. Les vases dé sardoine et d'autres matières précieuses
» me semblent avoir été en Usage assez tard ; on n'en trouve aucune
«mention avant la guerre de Mithridate, lorsque Lucullus en ap-
x * -
1*2 JOURNAL DES SAVANS,
w porta un grand nombre à Rome, L'imitation de semblables objets
19 ëoit être naturellement dune époque plus récente ; et de Ait ,
* d'après plusieurs circonstances , nous devons inférer qu'ayant le
» siècle d'Auguste , la manufacture du verre n'avait pas fait assez de
» progrès pour produire un tel monument, qui atteste que cet art
, » avait atteint le plus haut point de perfection. On doit observer
m aussi que les objets déposés dans les tombeaux sont ordinairement
» du même temps que les personnes qui y ont été enterrées ; et Ton
» sait que le costume des figures qui surmontaient le Sarcophage où
» le vase a été trouvé , se rapporte à la mode qui commence à Sep-
» time Révère et fût donfinante sous Alexandre Sévère. Ces divers
» motifs combinés me portent à assigner au vase Portland l'époque
» des Antonins , ou ., tout au plus , d'Adrien. »
XII. Sur la religion et la divination de Socrate , par M. Arcbdéacon
Nares.
L'opinion que fauteur expose dans ce mémoire a déjà été avancée
par lui dans un Essai publié eu 1780 ; elle a trouvé des contra-
dicteurs: d'autres l'ont approuvée; et feu Sweighaeuser, sans connaître
apparemment l'essai de M. Nares» en a présenté une. toute semblable
dans ses Opuscula academica. C'est ce qui détermine celui-ci à lex-
. poser de nouveau avec plus de développement. Elle repose principale-
ment sur Tidée que la véritable doctrine de Socrate» son genre d'esprit,
son caractère , ses mœurs, sa méthode de dialectique, ne sont bien
connus que par les Afémprables de Xénophon , et le sont complè-
tement d'après cet ouvrage» sans qu'on soit pbligé de recourir tfux
écrits de Platon» qui en présentent une image plus ou moins altérée*
En $e fondant sur l'autorité unique de Xénophon , M. Nares» comme
Schweighaeuser, établit que Socrate n'a voit pas d'autre religion que
cel(e de l'état ; qu'il sacrifioit aux dieux, comme tout autre Athénien*
qu'il croyoit fermement à la divination» telle que la pratiquoient les
prêtres ; qu'il s'en servoit et invitoit les autres à s'en servir ; seulement
il parloit en, termes différens de ceux du vulgaire ; il fàisoit dériver
s pronostics des dieux eux-mêmes; if désignoit l'intervention divine»
et. eu général» le pouvoir divin, abstraction faite de toute divinité parti-*
culière, par ces mots » i duc, 79 «Auftprior, to diïw , termes » à ses yepx,
parfaitement synonymes , niais qui donnèrent lieu k ses ennemi* de
l'accuser de nier les dieux du .pays, pour les remplacer par d'autres dieux;
accusation queXéaophctn repousse, et qui est eu jaffet rtpou*séef*r toute
MARS ,1830.- • tfi
I4, conduite et toutes les parole* 4a Socrate. Nous devons nous con-
tenter d'indjqueç ce point de vwe, que Schweignaeuier a fort bien
développé. .'-•-.■
, "Les douze mémoires que nous venons d'analyser, n'occupeut- que
fa moiué de cette seconde partie du 1," volume; l'autre moitié tojin
entière est occupée par un seul mémoire de 1 70 pages sur Us Dêmts
dt t'Jftiqut , par M. W, M. Lwke , travail fort savant , où l'auteur
touche un grand nombre de points curieux. Nous en ferons l'objet
d'un second article. a
LEtRONNE. •
Tua vbiâ m Arabia , comprehending m account ofthose tertitories
in Hedfai which ihe Àfvhammedans regard as sacred, hf (he
iate John Lewis Burckhardt; publîshed by autltorhy ôfWe
association for prqmoting ihe dtscovery ofthe interior of/4fri'cà.
K. • — Voyages eu Arabk , contenant la description des parties du
Hedjaz gui sont regardées coipme sacrées par les Mahométans,
■ • par feu i. L. Burckhardt; publiés par ordre de l'assoeiatiou
*' formée pour le progris de la découverte de l 'intérieur de l'Afrique,
Londrei, 182^, xyj et 478 pages in-f,*
■'' TROISIÈME ET DERN»ER ARTICLE. "'
* No u S ayons f aïssé* lé voyageur Burckhardt k ïâ Mecque , d'où , après
avoir accompli toutes les cérémonies du, pèlerinage musulman, il lui
tafdoit de se rendra» Médine., ville cou sacrée par le souvenir de Tasyle
qu*èïle, offrît > Mahomet et de'ses triomphés-, et sur-tout par le tom-
a !Meciwe a Muante ' Té* séjour dans cette aèrnière vîïJè.ïi déscfip-
ttojràe Médine., celle des'lieu* voisins de cette capitate' qui sont con-
sacrés, par quelques pieux souvenirs et par ' la dévotiqn des péferlns;
dès observations sur les habitans éè Médine t 'sût le gouvernement Je
cette *îlie adîverses époques, sur, son çpmat, 'ètJçs hjafadies qui y sont
lepius'cçmmunei; le voyage de Mécfihe "j ïàmbo, la description do
*^*"uiô- et'enfirt le, retour au Caire. "" '* ' V '' ' '*
1*4 JOURNAL DES SAVANS,
Parti dé la Mecque le 1 5 janvier 1815, avec une petite caravane
composée d'une cinquantaine de chameaux 9 notre voyageur n'arriva à
Médine que le 28 du même mois; et là, comme à fa Mecque» il dut,
a vint de s occuper d'aucun autre soin, aller rendre visite aux lieux saints
et au tombeau du prophète. lit aussi, comme à la Mecque, se trouvent
des hommes dont le métier est de servir de guides et de cictroni aux
étrangers qui arrivent; de les conduire aux lieux qu'ils ont à visiter*
et de leur indiquer les pratiques de dévotion et les prières dont doit
être accompagnée cette visite. On les nomme Me^awar, sans doute
jjjj* ou jjj*. Cette pieuse cérémonie ne retint pas ici long- temps le
voyageur, et il lui fallut à peine un quart d'heure pour s'en acquitter.
La caravane avec laquelle Burckhardt se rendit de la Mecque à Mé-
dine, se composoit principalement de Malais , natifs des îles de Sumatra
ttde Java , et de la côte de Malabar; quelques-uns étoient venus de la
CÔte de Malacca. Le voyageur observe que les Malais viennent réguliè-
rement s'acquitter du devoir du pèlerinage, et que souvent ils sont
accompagnés de leurs femmes. Plusieurs font un séjour de quelques
-aimées à la Mecque» pour se livrer à fétu de de FÀkoran et de fa juris-
prudence. Us ont, parmi -te* Indgn^cpri habitent te Hedjaz, la réputa-
tion d'hommes scrupuleusement attachera ta^i^iKjuc ^— préceptes, ou
du moins des rites de leur religion* Peu d'entre eux parlent couramment
b langue arabe , mais tous lisent FÀfcoran , et s'occupent de l'étude dç ce
livre , même en voyageant. On les appelle dans Te levant Javas. Leur*
femmes ne portent point de toiles; leurs habillemens sont en général
faits d'étoffes de soie, de fsbriqjue chinoise. Ces Malais sont cf un carac-
tère paisible et de mœurs bien réglées , mais (Tune avarice extrême.
Ceux avec lesquels Burckhardt fit le voyage de la Mecque à Médine ,
.jpe vivoient que de riz et de poisson salé; et le beurre étant une dehrée
f un prix assez élevé dans le Hedjaz, ils n'en faisaient pas ùiage, Vmbin*
<ju ifs ne pussent en obtenir en cachette de l'esclave qui servoit notre
voyageur et lui apprêtoit lui nourriture ; ils se contenaient de faire
bouillir leur riz dans feau, et le mangeoient ainsi. Toute leur vaisselle
étort de cuivre et de manufacture chinoise. Quoique ces Malais manifes-
tassent de% sentiment de mépris et de haine pour les Anglais dont pour
la plupart ifs étoient sujets, et qu'ils ne négligeassent aucune occasion
de témoigner leur opposition pour les usages sociaux et la manière de
vivre de leurs maîtres,, ils renooient volontiers justice aux principes de
;|eur gouvernement. L'avarice de ces Malais fut ni^se dans tout son foàr
fêx le refus qu'As firent de contribuer 4e (a plus légère somme poÉr
racheter un des leurs qui, étant resté eu arrière <Se ta caravane <{& Pm^k
MARS 1830. 165
k -pied , avoh été pris par quelques Bédouins. Ce ne fut qu'en employant
les menaces et la violence qu'on parvint h leur arracher une vingtaine dé
piastres. #
Dans la route, un Afghan se joignit à la caravane : c'était un vieil*
lard qui étoit venu à pied de Caboul à la Mecque , et qui se proposait
de retourner pareillement à pied à Caboul.
Pamû les villages et hameaux qui se trouvent sur la route de la
Mecque à Médme, et qui servent de marchés, que fréquentent les
Arabes bédouins du voisinage, se distingue Sqrfr* (sans doute *tjjuJU).
C'est le nom cTnn village, et en même temps celui (Tune vallée fertile*
quoique sablonneuse, dans laquelle le village est situé. Les principaux
objets dont ce marché est abondamment fourni , ce sont les dattes et le
miel. On y trouve aussi des drogues , des épices , et des parfums, que les
Bédouins de ces contrées aiment passionnément.
A l'occasion de ce viikge, Burckhardt observe que Srafra, etjRédtr* #
dont il sera question plus loin, sont \t% seuls lieux de tout le Hedfa* où
il est possible de se procurer le baume de k Mecque dans son étal de
pureté naturelle. Je traduirai littéralement ce passage. « L'arbre duquel
» on recueille le baume croît dans les montagnes voisines , mais princi-
» paiement dam c«He qu'on nomme J>fcM Sofik; il est appelé pat les
» Arabes Btstèm {&)* J'ai appris que cet arbre a une hauteur de
»dtx à quine pieds, le tronc lisse et fécorce mince. Vers k milieu dis
* Tété, «on pratique des incisions dans l'écorçe ; le suc qui tort à l'instant
» est enlevé'avec l'ongle du pouce, et mis dans un vase. Il paroît qu'on
* distingue dem; espèces de cette gomme ; Tune est blanche, l'autre **
» d!un blanc faonâtre; k première est la plus estiméç. J'*a tjfc 4e la <kr-
» nJère sorte dans «ne petite peau de mouton ; c'est ce dont les Bédouins
» se servent pont f apporter an marché 1 ce baume avoit une odeur Jôrie
» de térébenthine , *t sa saveur étoit amère. Les habitais de Ss*(hrsout
*• dans rusage^dt le sofisâquer avec de l'huile de sésame et du goufibon.
* Quand on veut ressayer , on trempe le doigt dans te baume, et Jon /
* met le dm 5 si k hampe brûle sans fike du mal ou laisser une umque
»sar le. doigt, on Juge qu'il est de bonne qualité; ms<| s'il irtk
» Jedoigt amsiiàt qu'on yjrtptskfeu» on k ^onskkre comme ekfcfé»
* Je me rappelai avoir fat* dans les Voyages de Bruce, qu'on essaie- 1#
* baume en en laissant tomber une gouue dans un vase pkk 4*W£
~«4itquieftpm $m coeguk et se précipite, sm fond du va*, jeudi*
m qné 4eW <q*L est àkétà m dissout et surnage sur k liqWe, U as
* ossse épeeÉi ve^ qui éfteîl incoow^ aux gew<Je ce pays» * je <*k k
* f0utle^eum|grt4 k smfcc* de f^ut* J'^proujsai «as» k JfcMite Vleur
i<M JOURN3riiïDÏ»-«ilVANS,
^mtiîB&itX'ti? «rf^f cPuh.BÀJo^m; q«q^wrfÎH| d*;$è:f6f*ntiridé M
iMAhiS^J (Te^g^lfWici r^de tofratxne qqVmTehdid »i firiufiéMl
?étoit dune densité moindre que celle du miel. . . Les Bédoum*-quj
'iVtipftiMht M éiVÛêimnieàt^OTdimivt 10* $/doItar*parifrre*«piknd
â4t'*ét*fetfil ftmfe* s?yitfr*&, *)t les Aiafceixlë Sqafra le retendent aux
-» pèlerins de la grande cara và&e, apnês' ravoir «itéré, à faisan 'çfe * à
**ili ddfttrt fti lf?*e Vcc'tton* pridc%>akment Jer>P*i^
*-*Leb*ttmëïftt^o«*ièn«wii«.à Dffetd» ecfeiat jyiet^uetdroi'oit l%#por*
^ fttt Gairey*ùbff WUJWrt* <|ueiqttQ* «kénikuii-; et k nicha* qtfml péferih
*><M rentdhtr* «par hasard un Bédouin* de jqurij puisse Tacheter de J*
»<pretn!ér* fnaïn, "Un ne peut pas 4e ffeuer de l'obtenir dan» son état de
* tfttreté. Les pélef im q«i appartiennent M -elasies; riches y sent dans
«'«fcàgeée rtiettre une goutte dé baume tianfcfo première tasje de, wft
» qu'ils prennent le màtitu ifc'K>nt^rtefKJée<^
* wifW^emences^de^a/bre <|uf produit ta baume , sont- employée s Aans
*<le*Hfedfâz pour procurer f'avoitetotnt. *r ".: < - ; «■ ■
^'torcHferdft à observé parmi tê$ Hénofc Salera t;Àrab*s qui s©çc*»ne
brcttAe'tfe la grande tribu de Harb etquf JÎabkent fa vafiéedt
Smfat frne<çotitiMfie qui lui^t païuextt-aordiiiair^rquancrila été commis
mi Mèrtîfei *<iei<qué te'fiinlBra» «buwMùi/juu^j^ii^corr^iii^^i^
gkutf'#é'«É tlWgéiartdfr? Hîdyenrtttit te pctieiient 4e foiiierâe mm*ié*
^Mvfe'V*fl***fe qui^ tflana* cette fejmrée, en de 8d<* tfc>Uars;> fa éomfte
êt*pèyée èri çârfte parie meortrier et saiami&e, et f**p«r fie* parles
f*xe*5lrlë-ïb*hrtrict ev sa fttaitfe en paient un tfere^ettvScfeiix autres
•wr$-*ent? acquittés par les- ptifcm^jjà woyiigemr q'<* pm*oncpns&nce
qtfon •sefo?bfet*fe usage abit réçjudâm eocune Wi^pàitJaidiuteeit.iJe
pMseqptf il ^ i*oi t quelque ehdse de iembl^b*B?ofaper les «drieîKkAitfaes ,
qtthdérfgnofertt «ous la dénomination d» iiilW ;ipsi paatpr paternels,
pare9<jJiiéf<!anHec&*d'un nffeurti*,lea» parent petereeia'dfu» foeurtrier
étoiem obligé» d'acquitter ett ton* eu «n 'pmfe'de1. prisse sang oh
itriviefadt qfafat appelait Jjl*i - ■«.'■;■•• ". *:■• . ^ .>»1;m ji = ' » -
•»T&|*è3faVott quitté (à vallée éê Sftôa ; la ttaraea» tiairertaVme aum
#*ft*è <fceif»*éè DjhtêlslékV D*nr<ett# iko>pe-<|eiIa^«routï|^ën-k<MatK
^**«# **«**,- on 'défeedihe dana *hr<plaine dtapifefttdm «tMes»en
fc*iff*eat /Hfrnfrnéte EÏka^lyth, i^jUJK étcrievertelcrtcad^ fct 9- Arabes
four £ttftfî tftage <du feuiHage de ces «arbres pourdoofrir 'Iqnrs cfca*»
mfe>ifc.« **fetH*ffètV on- étend une natte i sons % arbre» tl^mo qfo longs
Mtefist^l^i^e'tes tataohes* Let<fcuillts fe*pàil>i»psiei-iea pi«
MiM(e»té«hbéM'He4>ki«mjt» de* frmee JUwièiiej* an rfe»|èo— btért
MRÎiiîelè^MèfrteMr^âmgë jpiW pûiak ttot— trfcUbo q|gaiMu«M%tt
>'i4. M Ait S 183a; 167
cette action de battre le* arbres avec des .bâtons pour en. fcine loWibcr
les feuilles» que ks Arabes désignent, par, le mot^k**» mot <jui à reçu
cpifuite^pleôeuri acceptions métaphoriques. On peut voir à est jégerd
W*n Commentaire arabe sur tes. Séances de Harlri$ séance » x« >
f Je passerai I6ut~à«fait sous silence la description topographique de
Médiat, celle delà mosquée où reposent les restes du prophète, de sa
tombe* ej des lieux que h piété des musulmans a consacrés, tant dans
Ja, VÎUei et les faubourgs que dans le voisiftage de Médine. II me suffira
de. dire que Médine est tien bide , que \t% maisons y ont en général
deux étages avec des toits plats, et quea sous ce point de vue, notre
voyageur la compare à Aiep. Les rues sont dçrdiràire fort étroites ;
quelques-unes sont pavées avec de grands blocs de pierre. Cette ville a
beaucoup souffert par suite de l'invasion des Wafafiahites, qui font bien
moins épargnée que ht Mecque» et par l'interruption du pèlerinage.
Médine a peu d'édifices .publics. Elle est abondamment pourvue d'eau*
Tout ce qui tient au service de la mosquée , à son entretien , 4 sa police»
fcs?s revenus, a beaucoup de rapport avec ce qui a Keu.ti la Mecque;
et pour tom ces détails» akisi qqfe pour tout ce qui concerne le tombeau
de Mahomet et les exercices de dé vorio* «jw'u* y pratique, je me cotv»
leyte.de convoyer Ir l'ouvrage Èiâme.
Les maisens.de Médine, de trois cfoés du moins, sont remplies de
jardins et de plantations appartenant, mus babitans de la ville , et dont
le séjour est très-agféaUff. Les palmiers ta font le principal ornement
et la plus grande richesse. On y récolte plus de cent 'espèces dtâtantes
il j'/en &|U beaucoup que la ville de Médine et/ son territoire qui
autrefois étoit réputé;sacré k douie milles à la ronde, conservent eu;ptftT
d'huj les privilèges que leur avoit /rcetedés Ja piété des andeas mti*td~
Hians. Aucun de ces privilège ne subsiste aujourd'hui*; seulement
l'entrée de b ville n'eu p^fcit permise à d'autres qu'aux sectateurs de
Cdamisme, . r - ■ . . . *., 1.
Ce que Burclhardt dit des mœurs et def coutumes des Médimia*
m'arrêtera yn peu davapttige, et j'en, choisi rai les tmt* K|ui me,?*!**»
iront I^s plus remarquables. «u.,. .' '•■ :.,• ni. 4;
A Médine comme à la Mecque, la fh*s grande; pactie des babetasis
sont des étraqg^rs v4nuy.de toiles JefcFOfMrées musulmanes» et qpiiont
fixé leur/ésid^^ 4^1* ççxut viUt».QftjJT .^n^ fr peinât* inities
considérées» yw^jgg-,teice«dant df vCes,aW^tfi^édinoisiiyi- iuéri>
i6l JOURNAL DES SAVANS,
de Mahomet ; ce sont de pauvres gens qui ment comme des paysans
dans le* faubourgs ou les Jardins* On y trouve une classe asseï nom*
breuse de schérifc, c'est- à-dire, de descendans de Mahomet, soit par
Hasan, soit par Hoséin. Les âescendans de ce dernier ne ferment
guère aujourd'hui que douze familles réunies dans un même quartier;
ils passent généralement pour être attachés k la doctrine des partisans
d'Ali, mais cependant ils se conforment extérieurement k toutes les pra-
tiques du rite orthodoxe ou sunnite. Le même soupçon s'applique aussi
aux restes des familles des Ansar, et k une grande partie des paysan*
arabes qui cultivent les jardins et les terres dans le voisinage de Médine,
et qu'on appelle Nawakkittk, i\±\j , k cause de la culture des pal-
miers k laquelle ils se Jivrent. « On dit, ajoute Burckhardt* qu'ils sont
» (es descendans des partisans du khalife Yéxid, fils de Moawiar qui
» prit et saccagea Médine soixante ans après l'hégire ( en Tan 63 ). ». Je
crains qu'il n'y ait ici une méprise : car Yéxid étoit Pennemi déclaré de
la famille (TAU , comme l'histoire nous l'atteste. Quoi qu'il en sort* las
partisans de la doctrine des schihes sont , à ce qu'il paroi t , très-nom-
breux parmi les Arabes qui habitent Médine et les contrées voisines; et
comme le remarque nôtre voyageur , il est asseï singulier de voir que
las deux lieux les plus saints au*y»u*des musulmans orthodoxes, soient
entourés, l'un par les sectateurs de Zéid, l'autre par ceux dTAfi, sans que
les orthodoxes fassent aucun effort pour les en éloigner. Il se trouve aussi
à Médine quelques descendans de la famille dea khalifes Abbasides,
qu'on nomme) il cause de cela» Kkéklifyyéh CmJ^x ils sont réduits k
une grande pauvreté.
Les familles d'origine étrangère qui , comme nous l'avons dit ,
forment fa masse de (a population de Médine, sont originaires, pour la
plus grande partie, des contrées méridionales de la péninsule, c*est-fc-
drre, du Yémen et du Hadhramaut, ou bien de la Syrie, de TÉgypfe et de
la Barbarie. Les familles originaires desfontrées septentrionales de Tenf-
pire turc, y sont aussi en grand nombre. Il y a encore des Indiens,
mais ils sont moins nombreux ici qu'à la Mecque. Toutes ces familles
étrangères, k l'exception des Indiens , se distinguent k peine des Arabes
indigènes, k la seconde ou k la troisième génération ; il y à cependant
dans leurs traits et dans leur couleur quelque chose qui ne permet pas de
les confondre avec lea Mecquoia.
Il y a beaucoup moins de mendtans k Médine qu'à la Mecque ;
mais si les Médinois ont quelque avantage sous ce point de vue, H se
trouve compensé par pu usage asset bicarré qui leur est particulier. If
est peu dliaMtans de Médite qui* aykf* *eç» quelque éducation, et
• MARS 1830: *tf>
sachant lire et édrire , «ne fasse une fois ou deux en sa vie un voyage en
Turatue, exprès pour y mendier et recueillir des aumônes. Ces t surtout
à Constantinopie qu'Us Vont exercer ce genre # industrie ; et en leur
qualité de natifs de la vil Je qui possède le tombeau dû prophète , fis sont
généralement bien accueillis des grands et des hommes riches. Après y
avoir résidé une couple dVvnnées, ils achètent une pacotille avec les
aumônes qu'ils ont recueillies, et retournent dans leur patrie. Constanti-
nopie n'est pas la seule ville qu'ils mettent ainsi à contribution ; on en
trouve au Caire et dans toutes les grandes villes de la Syrie, de la Natolie
et de la iTucquië d'Europe: Par-là ils apprennent quelque peu de turc,
et ils ne manquent pas ensuite de se prévaloir 4e cet avantage avec les
pèlerins turcs qui viennent à Médine, et auprès desquels ils tâchent de
se faire passer pour Turcs. ...
• . Les Médinois sont généralement dtia naturel moins gai et moêrfs' vif
que Ie&Mecquois 7 :ils x>nt| dans toutes fëurS manières plus de sérieux,
beaucoup moins cependant que les Turcs; A l'extérieur, ils paraissent plus
religieux que leurs voisirts du midi fils observent avec une exactitude plus
rigoureuse les rites sacrés , et la décence publique e$t bien phts respectée
à Médinequ'à Ja Mecque; mais dltate Je particulier, leur moralité est à;péu-
prèf an même jriî*eau. Toi» le*-«*oyam possibles sont mis en jeu p$Ur
eircQii venir tes. pèlerins. Les vices qui déshonorent les Mec^uois régnent
aussi à Médrne , et entre autres Tabus des liqueurs enivrantes. Au total,
si l'on en croit Burckhardt, tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il -y a phts
d'hypocrisie cher les Médinois; ils cherchent à se rapprocher du cafac-
tère des Turcs , et par suite de cela ils renoncent aux «eu les qualités ësti-
mables.qui distinguent le* ha|)it3n* de la, Mecque* On cr^oirtofonrierè
qu'il y a plus. dé richesses à Médine qu'à le Mecque, parce tjfce les habf-
tans de la première de ces villes sont vêtus avec plus de recherche et
d'élégance; et, tout au contraire, il n'y a aucune comparaison à cet
égard entre la niasse des proprié tés des Médinois et celles des Mecqtio&
Dans leur intérieur, les habit ans de Médine vivent avec une grande
économie; .mai* leurs maisons sont bien meublées, > er, ils déjrièniserft
considérablement pour leurs vêtemens. Los esclaves sont en -moiifc jgrëàtl
nombre ici qu'à la Mecque ; on y trouve cependant des ^c'avesabjsslhs.
Les (tînmes des cultivateurs et des ha bilans des faubourgs servant
cotntne dotaient jques dans les maisons de la ville; A Médbie , Jes ftirùriéi
se, (conduisent avec beaucoup.de décence, *t elles jaufssëm en géri&f
d'une meilleure réputation que cetieâde Ppdda et de fa Mecque* (; -'jJ
: l* commerce à Médme est Bien Jcài d'être cqmpaaahAeà' cèfi« cfirt se
6it k : far» AftfHfif, , Utflfagéèf e ipopa objet; que fc consens rciwt/ ftétaéHfei
Y
i/o JOURIUfc DES SAVÀNS,
la yill^ et TapiMV^iQontMiiet^ de* Bédouins: voisina 1*3 xnarchaiidiee*
y.^tr^çvç» pv b V4>i^4e iKstaba* et «ont presque exdujiveraenom-
portai de i'£g¥ptftiitJ ^V* point -à Médine de négocians qui nient des
capi^x_çoftf^rftbIc£» .et il oie t'y fait guère d'autre négoce qu'un
commerce de déuûl, Toute personne qui possède un capital, le placé,
cqmjçe. c>rt aussi fumage en, Syrie et en Egypte; en mardtandisçs* parce
qty* c'est le s^uj. moyen de lui faire produire des intérêts; car il n'y a ni
banques, ni compagnies». ni fonds publics dans lesquels un capitaliste
pufc$e verser ses économies pouf s'assurer un revenu. La loi musulmane
(Tableurs prohibe tout placement à intérêt, lie plus, H rç'est pas sans
fbpiger d'acquérir des propriétés foncières. II ne reste donc qu'un -seul
J^oyen de tir et; parti de ses capitaux , c'est de contracter société avec de
petits marchands vendant au détail, et d'entrer en partage.de leurs
btat£ççs : ^'a méll^e n*e$t pas exempt d'embarras ,v parce qu'if faut
s?n$ cesse avoir l'œil ouvert sut4 eux» et compter souvent avec eux.
Burclc^ardt entre d*ns de grands détails sur. les effets que oq tétât de
çj^pses . produit sur les mœurs, le caractère et la manière d'être des
nations spiMnise^ ï fojçi musulmane et au despotisme oriental : il s'étend
^u^i beaucoup su*- b nature du commerce qui occupe les habitans de
^é^ine. £p envoyant £ son ^wuajgt.fa In U iqjjimnji de connoître
tputes ç^ particularités., je o$ pvtf m'empêcher de ^ignifer un Ait
rtfotif au goAver oeineai de Mébéns*t-Ali , ftk que Fauteur a consigné
d^s une note.
j* ïV une ordqngptKe 9 dit-il , de Mjéhémet-ÀK , rendue en 1 8 j 3 ,
» tqme acquisition .de. terre en Egypte a élé renduç impraticable; car
^çi^e $taiuç que tous (es m/âr^cjn ou propriétaires, de terres qui parta-
»g$pient la possession .«Ife* vtiltegts.et: dés biens -fonds, et qui for-
» tqçîent une classe <jTboroio#s vivant de leurs rentes dans le* villes pro-
». v incites , reoevfofet à l'avenir du trésor du pacha leur revenu annuel...
» I^r cette même ordonnshce» tout le, soj de l'Egypte est déclaré fa
* propre tè du Gouverneme»*, ou* en dauires termes , de Méhémet Ali
» luwnème, qui en, abandonnera culture aux fellah, à telles, conditions
$ qu'il jvgej:oi)yenabIes. Il est arrivé en dernier lieu que le» ftlfoh qui
r afftrmpient cinq iniiie acres de terres dépendant du village de Dam-
vJ^Qip, près du Caire, ont été dépouillés de leur location lorsque les
^çife>. on ré té déc tarées propriété publique, f>arce qu'H a plu à
Y^4éWti^i-ÀH ote/aire semer de la luzerne^ pour sa cavalerie, dans les
» champ*, que cuôi voient ces fellaL ià
,£o remont aut è l'origine des droits des mmlté^tm, on reconnoîtrbit
ys^kiUf que le gouvernement pouvok, spns vgustké, réparer dans la*
MARS 1830. *7*
propriété des villages qui ne leur .avoient jamais été légalement et corn-
pleuraient aliénés; mais c'est véritablement à l'égard des fellah
qu'une telle mesure est éminemment vexatoire, en même temps qu'elfe est
impoli tique * et qu'elle ne peut que tarir la source des revenus publics.
Aucun habitant de Médine, excepté le schéikh-elharam , c'est-à-dire
l'intendant de la mosquée et quelques gens de sa suite , n'entretient de
chevaux. Quelques familles riches ont des mulets et des dromadaires.
Les ânes y sont très-communs, sur ? tout parmi les cultivateurs; qui
sren servent pour apporter à la ville le produit des terres, qu'ils fonk
valoir. Les besoins de l'armée turque ont diminué considérablement le
nombre des chaifieaux qu'entretenoient précédemment les cultivateurs ;
car ceux-ci se sont empressés de les vendre, dans la crainte de les voir
iheme en réquisition. Les Bédouins qui habitent le désert à l'orient, &
trois ou quatre journées de distance de Médine, possèdent de nombreux
troupeaux de chameaux.
II rt'est pas indigne de remarque qu'on ne souffre aucun chien dans
l'intérieur de la ville; ces animaux sont rélégués dans les faubourgs; et
l'on veille rigoureusement à l'exécution de celte mesure, dans la crainte
sans doute que quelque chien entrant dans la mosquée ne profane par
des ordures la sainteté de c© lieu. On les tolère au contraire à la Mecque.
Les Médmois ont quelques usages particuliers pai* rapport aux morts,
aux enterremens et au deuil. Médine est peut-être, dit Burckhardt, là
seule ville des contrées orientales où l'on n'entende point lés femmes
crier et hurler à la mort d'un des membres d'une famille. On sait que
cet usage est général dans le Levant» et que même, dans certaines
contrées, on loue potfr cela des femmes qui n'ont point d'autre moyen
de gagner leur vie; Rien de semblable ne se pratique à Médine, quoique
cet usage soit reçu dans d'autres parties du Hedjaz ; on rougirait même
de se laisser aller k de tels cris. « Un père de famille, dit notre vajra-
» geur, mourut dans une maison voisine de celle où je demeurois. Son
» décès arriva à minuit, et son fils unique, par un sentiment tout naturel,
» éclata en pleurs et en lamentations. J'entendis alors- sa mère s'écritis:
» Pour /'amour de Dieu, mon fils, ne etie^ pat. Quelle honte de crier f
m Vous al/e^ nous rendre la fable de tout le voisinage. Après quelques
» momens, elle parvint à l'apaiser. »
Cet usage particulier aux Médinots ne tiendront- il pas au sentiment
qu'exprimoit un ancien poète arabe , qui pensoit que, depuis que la mort
a voit frappé Mahomet, il n'étoit plus permis de s'attendrir sur la perte
d'aucun mortel!
Lei femmes, à Médine, ne portent point fa ctauf? et tous ce mp*
Y a
i78 JOURNAL DES SAVANS,
)K>rr, elles h éloignent dé l'usage observé en Egypte. Burckhardt, & cette
occasion , fait remarquer, que beaucoup de voyageurs ont avancé qu'on
- tie porte point de vêtemens de deuii dans le Levant ; mais il dit que cette
assertion est fausse, ou du moins ne s'appliqtfe pas à l'Egypte et à une
partie de la Syrie. II est vrai que les hommes ne portent point d'habits
4e deuil» ce qui, si Ton en croit le voyageur, seroit contraire à 1 esprit
de la loi musulmane; mais, par toute l'Egypte, (es/femmes en portent
dans Tinté rieur des maisons. Leur costume de deuil consiste à se teindre
les mains en bleu , à se couvrir la tête avec un bourko, ^j, ou voile
mûr, et à suivre ainsi tes convois dans les rues ; elfes ajoutent à cela , si
elles en ont le moyen, une jupe et même une chemise rtoire.JLIles conti-
nuent à porter le deuil, sept jours ou quinze, parfois même quarante jours;
Il est vrai, comme le dit notre voyageur, que les habits de deuil, et
surtout les vêtemens noirs r ne sont point en usage pour les hommes
dans les contrées musulmanes. Je doute cependant que cela tienne à la
religion ; car nous apprenons de M. Mouradgea d'Ohsson, qu'à la mort
des sultans ottomans, toute la cour portoit autrefois, pendant trois
jours, des habits de camelot noir ou bran, et qu'on couvroît là turban
cTane mousseline noire- Nous savons aussi que les descendons d'Abbas
avorent adopté la couleur nfrirTrmSfnr-Trri li^m fia rritfrnr iJl l'occa-'
$ion de la mort violente de l'imam Ibrahim, fils de Mohammed. Saâftr ,
dans le Gulistan, parle expressément des habits de deuil, comme
étant de couleur noire. Dans le deuil, suivant Chardin, les Persans
portent des vêtemens de couleur brune ou pâle. Le bleu étoit autrefois „
en Perse, la couleur consacrée aux habits de deuir«
Les habitans de Médine fêtent d'une manière toute spéciale l'anni-
versaire de la naissance de Mahomet, fixé au douzième jour du mois de
rébi second. C'est pour eux comme une fête nationale. Les boutiques
soni fermées pendant le jour, et chacun paroît en public a\*c ses plus
beaux habits. Les ouléma* et un grand nombre de personnes, se réu-
nissent de grand matin dans la mosquée, où l'un des Matib ou prédi-
cateurs, après un court sermon, lit un récit de la vie de Mahomet, depuis
le moment de sa naissance jusqu'à sa mort» Ensuite on présente à (a
compagnie de la limonade ou de l'infusion de réglisse. Les musulmans
dévots passent en prières la nuit qui précède la fête. Cette fêre ayant
eu'fteu pendant que Burckhardt étoit à Médine, il fut témoin de la manière
dtmt la célébra la femme de Méhémet-Ali pacha. Cette dame qui,
comme on l'a vu précédemment, étoit venue cette année en pèlerinage
k la Mecque avec une suite nombreuse et tout le train d'une sultane,,*
se^ftndh ensuite de la Mecque à Médine, riant pour* satisfaire sa: dévo-
r
1
MARS 1830. 17}
tion que pourvoir son fils Tousoun-pacha. Elle passa la plus grande partie
de la nuit dans la mosquée. De retour dans une maison située dans le
voisinage immédiat du temple *et qu'elle avoit louée exprès pour cela, elle
y reçut une courte visite de son fils. Lorsqu'elle se retira pour prendre
quelques heures de sommeil» Tousoun fit placer un tapis au milieu de
la rue, et y dormit près du seuil de la ma^on qu'occupoit sa mère,
Hurckhardt, à cette occasion, fait l'éloge de la mère et du fils. Tousoun
lui paroît être le seul personnage de toute la famille de Méhémet-Ali
qui eût un caractère noble et des sentimens élevés ; ses ennemis mêmes
ne lui refu soient pas de la valeur, de la générosité, de la piété filiale et
un bon naturel. Notre voyageur reconnoît au reste avec regret que , pour
les talens de l'esprit , il étoit aussi inférieur à son père et à son frère Ibra-
him, qu'il leur étoit supérieur sous le point de vue du caractère moral. La
mère de Tousoun lui fit des présens magnifiques , évalués à 25,000 liv.
sterling. Les sommes qu'elle distribua pour le service de la mosquée et le
soulagement des pauvres, la firent considérer à Médine comme un ange
envoyé du ciel.
.Sous le point de vue du gouvernement et de- l'administration
publique, le sort de Médine n'a pas moins varié que celui de la
Mecque. Pour ne pas remonter pîu3 haut que la domination ottomane,
une garnison turque y fut placée , du temps de Sélim I et de son fils
Soliman, sous le commandement çfun aga qui fût le gouverneur mili-
taire de la ville , tandis que le gouvernement civil demeura entre les
mains de l'intendant ou prévôt du temple, nommé Schéikh-elharam ou
Aga-elharam. Celui-ci avoit le même rang qui appartient aux pachas
dans les autres villes, et il devoit entretenir une correspondance régu-
lière avec la capitale de l'empire. Ce mode de gouvernement subsista,
du moins de droit, jusqu'à l'invasion des Wahhabites , si Ton excepte
un court espace de quelques annnées vers la fin du XVI 1/ siècle, pendant
lequel toute la ville et le schéikh-elharam lui-même tombèrent sous
la juridiction du schérif de la Mecque. Mais, quoique le pouvoir fût
partagé en apparence entre l'aga de la garnison et l'intendant du temple,
ce dernier, ainsi quelle kadhi envoyé chaque année de Constantinople ,
n'a voit qu'une autorité nominale» et le gouverneur militaire lui*
même n'avoit pas assez de pouvoir pour empêcher les partis qui divi-
soient (a population de la ville et des faubourgs , d'en venir aux mains
et de se battre quelquefois des mois entiers. Dans (es dernières années
du xvii!.' siècle, et les premières du siècle actuel, un n#mmé H as an
elkalaï, aga du château , étoit parvenu à concentrer en lui seul toute,
l'autorité, et à exercer une vraie tyrannie. Hasan résista d'abord aux
174 JOURNAL DES SAVANS,
Vahhabitcs ; mais quand il vit l'impossibilité de leur tenir tête plus
long- temps , il rendit (a ville à Saoud > qui fui en conserva le commande-
ment. Hasan se montra alors, pour (e mafheur des habitant de Médine,
sèlé partisan de la doctrine des Wahhabites, et empressé de lever 9 à
quelque prix que ce fût, les taxes imposées à cette malheureuse ville»
qui fut traitée avec bien plus de rigueur que la Mecque. Mais la fortune
ne parut pas plus tôt se décider en faveur de Tousoun et contre les
Vahhabites , que Hasan négocia avec (e général turc et se joignit à son
armée. II fut bien accueilli de l'officier qui commandoit les troupes
turques, et qui se nommoit Ahmed Bonaparte ; mais quand 1er Turcs
n'eurent plus rien à attendre ou à craindre de lui , il fut pris et envoyé à
Constantinople , où H périt comme iJ J'avoit mérité» Tousoun arriva à
Médine, pour prendre le gouvernement de cette* ville, vers la fin de
i8*4* H s'y conduisit d'une manière tout à-fait impolitique, et il y fut
remplacé en avril 1815 par Méhémet-Aii , qui , mieux avisé , s'occupa
immédiatement à réparer les. fautes de son fils. Au moment où Burclc-
hardt écrivoit, (e gouvernement de Médine étoit entre les mains des
Turcs; et l'autorité ecclésiastique, ainsi que les intérêts et l'administra*
don financière de la mosquée, étoient confiés à Xaga-ilharam, qui «voit
à son service soixante ou qnaffFTlrqjt* nolrfntc, m/lançr dé Turcs,
d'Arabes , de Mogrébins et de Médinois. Le kadhi et le chef des schérifii
jouissoient aussi d'une- sorte cfautorifé et de considération. La place de
gouverneur avoit été remplie quelque temps par un Écossois, Thomas
Keïth, autrement Ibrahim aga, qui avoit été trésorier de Tousoun- pacha,
II est temps de revenir & notre voyageur. A peine arrivé à Médine,
il y fut pris d'une fièvre intermittente, qui bientôt devint quotidienne, et
fat accompagnée de fréquens vomissemens et de sueurs abondantes. Au
bout cf un mois, il y eut dans son état une amélioration qui dura une
feroame; mais ensuite fa fièvre reparut avec plus de violence, prit déci-
dément (e caractère de fièvre tierce, accompagnée, comme dans le
principe , de vomissemens et quelquefois de défaillances , et produisit
une prostration absolue des forces. Le malade croyoit que Médine4
seroit son tombeau. Toutefois, au commenoemtht d'avril 181 j, le
retour de la chaleur du printemps mit fin à sa maladie, dont H lui resta
néanmoins une fbiblesse extrême. Abandonnant alors le plan de voyage
qu'il s'étoit d'abord tracé, et qui aurait exigé des forces et du temps, il
résolut 4e se rendre au port de Yambo, et de s'y embarquer pour
retourner immédiatement en Egypte. Ii partit donc de Médine pour
Yambo , le i 1 avril : il avoit séjourné k Médine trois mois moins *ix
jours, espace de temps dont H avoit passé huit semaines au lit.
MARS 1830. *7$
Xi partie la plus remarquable de la relation de son voyage h Yambo
e$l la description de h ville et des environs de Béder-Honéin , lie» si
ftmeux dans l'histoire de Mahomet et de fa fondation de l'islamisme ;
mais |e me borne à l'indiquer. Béder-Honéin a un marché pareil à celui
de Ssafra , et n'est éloigné de la mer que d'une journée de marche.
A peine arrivé à Yambo, le voyageur soupçonna que la peste régnoit
dans cette ville: quoique d'abord les Musulmans à qui il fit part de ses
craintes regardassent un pareil soupçon comme un blasphème, persuadés
que la contrée sanctifiée par la possession des deux villes saintes est
préservée de ce fléau par la providence, Burckhardt acquit bientôt la
certitude qu'il ne s'étoit point trompé ; la peste y étoit même d'une
nature très-maligne, et y foi soit beaucoup de ravages. Le voyageur exa-
mine, à cette occasion , à quoi se bornent, dans la réalité, les consé-
quences 8e la doctrine musulmane, relativement aux précautions qu'on
pourrait prendre pour arrêter les effets de la contagion ou prévenir
l'introduction de la maladie. Pressé de terminer cet article , je dirai seu-
lement que, dans son opinion, ce qui s'oppose le plus, en Egypte sur-
tout, à rétablissement d'un système de quarantaine, c'est la cupidité
du pacha, dont le trésor s'enrichit des successions de ton* les étrangers
que- la peste moissonne. Fn un« »<mIc année, ce droit d'aubaine a Valu-
dix millions de piastres à Méhémet-AIi. On conviendra facilement que,
pour. un homme comme lui, il est difficile de renoncer, de gaieté de'
cœur, à un bénéfice qui coûte si peu.
Les Arabes ont recours à une singulière pratique superstitieuse pour
se délivrer de la peste. Lorsque la maladie étoit dans sa plus grande
violence, les Arabes domiciliés à Yambo prirent une femelle de cha-
meau qu'ils conduisirent en procession dans la ville, après lavoir cou-
verte de toute sorte oTornemens, comme plumes, grelots, Ac. Attiré*
au cimetière, ils la tuèrent, et en jetèrent la chair aux vautours et aux
chiens. 11$ espéroient que la peste, disséminée par toute la ville, vien-
drait se réfugier dans le corps de cet animal, et qu'en léguant ils
seroient délivrés de cette maladif. *
La description de Yambo mértteroit de m'arrêter quelque temps; maïs
je dois la passer sous silence, et terminer cet article en disant un mot du
retour du voyageur au Caire. II s'embarqua le 1 j de mai sur une grande
barque, chargée de grains qu'elle devoit débarquer à Koséir. L'espérance
qu'il a voit conçue d'échapper à la peste en quittant Yambo, ne se réalisa
point ; du moins eut-il tout lieu de croire que quelques-uns des passagers
portaient le germe de cette maladie, et que deux d'entre eux en mou*
rurent. Il suppose que les fréquens vomissemenf causés par le mal de mer,
\76 JOURNAL DES SAVANS,
empêchèrent chez les autres le développement de la maladie. Pour lui,
il souffrit beaucoup de la fièvre pendant la traversée. Arrivé , après vingt
jours de navigation , à Ras-Abou-Mohammed, qui forme la pointe de la
presqu'île du mont Sinaï,' il désira se faire mettre à terre, la route étant
bien moins longue de là au Caire» que de Koséir à la même ville.. Au
mpyen de quatre dollars, il persuada au pilote de se déranger un peirde
sa route, et d'entrer dans le port de Scherm , éloigné de quatre ou cinq
heures de distance de Ras-Abou-Mohammed. Scherm est à l'entrée du
golfe cTAkaba, et 'c'est le meilleur port du rivage occidental du golfe.
Delà Burckhardt se rendit, avec cinq ou six militaires qui a voient
quitta Yambo six jours avant lui sur un autre bâtiment , et avec quelques
autres personnes, à travers le désert, à Tor, où ils arrivèrent le 8 juin, et
trouvèrent l'épouse de Méhémet-Ali, qui y étoit depuis quelques jours.
Burckhardt,. instruit que la peste régnoit à Sues et au Caire, e't pensant
que le retour de la belle saison ne tarderoit pas à la faire disparaître,
désirant d'ailleurs prendre quelques jours de repos pour rétablir sa santé,
alla se loger dans un petit village nommé Eiwadi, village situé dans une
plaine élevée, à peu de distance de Tor. Ce séjour lui fut très- salutaire.
II ne le quitta que le_xzjujn , et arriva le a4 du même mois au Caire ,
dans un état de santé mrorfTTTnmri U jj., (jnj sjmrfmhi bientôt
par le repos , la bonne nourriture , tin exercice modéré , et le plaislr-da se
retrouver avec ses amis , et de recevoir des nouvelles satisfaisantes de
l'Europe.
A (a relation de Burckhardt est joint un Appcndix composé de dix
articles qui complètent plusieurs des notices ou des descriptions con*
tenues dans l'ouvrage , puis un Index des mots arabes répandus "dans
la relation, et qui sont écrits ici en caractères arabes, avec l'indication
des pages où ils se trouvent. M est à regretter que cet Index soit loin
d'être complet.
SILVESTRE DÉ SACY.
r*T-
MÀRS-1830. l77
C ATA LOGO di scche Antichità ctrusche trovate tiegli suivi del
principe di Canino, 1828-182^. Viterbo, f'/i-^t.' , 135
pages, 182p.
SECOND ARTICLE.
Cest sur tout la classe des vases historiques, si nombreuse et si
intéressante dans cette collection de Canino , qui montre d'une double
manière, et par la présence des mythes helléniques, et par celle des
inscriptions grecques qui s'y produisent, à quelle source et à quelle
école avoient été peintes ces représentations , d'un art et d'une industrie
réputés étrusques. Telle est la quantité des sujets découverts jusqu'ici
dans cette seule partie du territoire de l'antique Etrurie, que notre cycle
héroïque s'en trouve considérablement agrandi sur tous les points, et
l'on peut dire presque au-delà de toute attente. Dans le nombre de ces
sujets, les plus rares et les plus remarquables par la représentation même
ou par les circonstances nouvelles qui s'y produisent, j'indiquerai d'abord
le. mythe de Thétis et de Pélie. q«» «V UIontre quatre fois , une fois sur-
tout avec les noms eEJls<> riELEvs, nONTMEAA ( sic ) , pour hONTO-
MEAA , XIPON, noms qui désignent si manifestement les qua:re per- *
•onnages de cette scène mythologique, Thétis , Pelée, la nymphe
marine Pontom.'da, et le centaure Chiron. Un cinquième nom, nATPO-
KLIA, qui n'est en rapport avec aucun personnage, me paioît devoir
désigner des jeux funèbre* célébrés en l'honneur de Patrbcle, et dans lesquels
jdes vases semblables à celui-ci auraient pu être distribués en prix; de
manière qu'il faudroit sous-entendre ici le mot A0AA, ou tout autre
terme équivalent. Les sujets relatifs à Achille sont pareillement du
nonîbre de ceux qui se recommandent par la nouveauté des faits,
l'importance des compositions , et Je mérite des inscriptions qui les
accompagnent. Huit peintures, dont six ornées des noms des per-
sonnages qui y figurent, nous montrent la dispute d'Achille et d'Aga-
memnon, n.° 1737; la mort de Patroc/e, avec les noms homériques
•ONIXS (sic), ANTILOXOS, AIOMEDES, IPIS, IIATPOKLOS, AÎAS,
NESTQP, AINEAS, HimsOs (sic) , et de plus avec le nom du peintre
[l]ETXSieEOS EHOIESE, n.° i i2o; la mort de Troilus, sujet représenté
deux fois en deux compositions différentes , *n.° $29 et n.° 5 68,; . le
combat d'Achille centre Hector , en présence de Minerve et de Merciire t
où )% ne puis m'empêcher de remarquer, à l'appui des observations qui
z
178 JOURNAL DES SAVANS,
fai présentées ajjleurs ( i Jf que le héros grec est caractérisé par le scorpion
peint sur son bouclier, et par le loup qui décore son casque : doublé
signe héraldique" tout-à-fait propre à Achille, n.° 1381; Achille traînant
le corps d'Hector, n.° 527; Priant aux pieds d'Achille, n.° 806 j et enfin
la mort d'Achi le lui-même, vaste et superbe composition,- où figurent les
personnages, tous désignés par leurs noms, dePAPis, MENELEOS (sic ),
AXILE05 (sic), AIAS, NE. TITOLEMOS , AINEA3, N. 1PIOS (sic\ Je
ne ferai, sur un seul de ces vases, qu'une courte observation; c'est re-
lativement à la peinture qui représente Hector traîné au char d'Achille,
avec une troisième petite figure volant en l'air, que j'avois ccu pouvoir
interpréter, sur une peinture semblable d'un vase trouvé à Girgenti,
par Photos, le Génie de la Terreur personnifié. Lès inscriptions qui se lisent
*Ùf celui-ci : A XI LE vs, HEKTOP , nTPOKLOS (sic), ne laissent plus
aucun lieu de douter que cette petite figure ne soit le spectre de
Patrocle excitant la vengeance d'Achille, et justifiant par cette apparition
l'excès oïi se porte la fureur du héïos (2). Un autre mot qui se lit dans
le champ de cette peinture, KONIOS, fait sans doute allusion au sujet
qu'elle représente, par le rapport qu'offre ce mot avec ce corps traîné
dans la poussière \ et il est probable que c'était' par ce nom de KONIOS
qu'nn ftesignnifT sur lesmoiîmngrTrfigrH-^^t^Tc pnre3r^2çK rjng Ja Table
iliaque, la circonstance dont il s'agit. J a jouterai.qu'au- dessous de crm<?
•peinture se trouve une seconde composition , d'un ordre pareillement
héroïque, représentant cinq femmes armées et à cheval , où l'on ne peut
méconnoître des Amajones , sousie costume quelles avoient reçu de
Fart grec , deux desquelles sont désignées par des noms pufement
grecs, an[«T]pomaxe, AlPEno (pour AiPQrra), déjà connus, lèpre- *
inier du moins, par d'autres monumens du même genre (3).
J'excéderais de beaucoup les bornes où je dois me renfermer, si \q
me laissais entraînera citer, même dans une simple énumération, tous
les sujets remarquables , constatés par les noms grecs qui les accom-
pagnent, que présente la collection des vases de Canino. Les principaux
héros d'Homère, l/lysse , Diomide , Mené las, Paris ,,Hectorm, Pria m ,
sont ceux qui y figurent le plus souvent, soit réunis et groupés dans
?**■
, î.(j) Afcmnàens Inédits, Achilléide, p. 34» note 2* — (2) ^y* mes Monument
inédits, Achilléide, pi. XVIIÎ, i , p. 86.-— (3) Le nom ANûPOMAXE se lit sur
oh vflse de la collection de M. Dorow, représentant le combat d'Hercule et
dune Amazone ; vase à l'.occasion duquel j'ai cité moi-même, Journal des
Skvàrh , mars 1829, p. 140, un autre vase du musée de Naplcs, décrit par
$4i&*nofkarJYfapels i»f. Bildwerke t 1, 350, où le même nom est donné è
. *
MARS 1830. - 179
une action commune, soit isolés, dans des actions particulières. Mah
parti)! ces héros célébrés par les traditions helléniques, celui dont fe
nom ne s'étoit encore produit sur aucun monument de Part grec, dont
la présence même y étoit si rare ( 1) , et dont la renommée ne sembloit
guère dater que de la période romaine, Enée doit être signalé comme
un des personnages héroïques directement puisés dans les poésies
cycliques', dont l'apparition nouvelle constate de plus en plus {origine
et la YabriqiJe grecques des vases qui en sont ornés. Voy. les vases '
n.°* 58, 66. et )6y. La même induction résulteroit encore de cette foule
de noms propres tracés sur ces vases , avec ou sans l'acclamation
ordinaire kalos, KAle, qui enrichissent nôtre nomenclature de noms
grecs régulièrement formés, et presque tous significatifs, la plupart
appartenant sans doute aux personnes mêmes à qui les vases étoient
destinés, quelques-uns en rapport -avec les personnages représentés,
ttls par exemple que le nom ZEYXsinnos (#U pour désigner le cocher
de Ménélas, n.° 1757, ou le mot yOîlOUOS, il Canuto (3) , pour
indiquer Je Vieux (Priam) , ou celui d'oiO0OPA-J-2 , OioôwpaÇ, pour
désigner Ulysse, suivant une conjecture, qui me paroît pourtant plu*
ingénieuse que solide, de M. Panofka (4); noms sur la formation et
l'orthographe desquels il y nu mît tout de remarques philologiques à faire,
que le défaut d'espace m'oblige de supprimer. Mais il est une observation
générale qu'on me permettra de consigner ici, et qui n'est pas sans
quelque importance pour la décision de la question qui nous occupe:
c'est que la plupart des noms propres dont il s'agit, même sous la forme
incorrecte qu'ils ont reçue de la main de l'ouvrier subalterne chargé de
cette partie du travail , accusent manifestement la source grecque ou ili
étoient puisés, par des fautes qui tiennent à la prononciation grecque, et
qui sans doute n'avoient rien de commun avec la langue étrusque. J'en
citerai un exemple remarquable , dans le vase p. 1 <$4 J , n.° 1 4) > ou se
«<^ - ■ ■ ■ ■— ■— — — -■ . ■ ■ . ii ■ — — — ■ — — — ■■ 11 ■ — — — — *— »^ »
(1) Effectivement, après le célèbre vase de Vivenzio, on ne connoissoit
guère de composition grecque relative à Enée, qu'un vase de Tischbein, ÏW\
60, et un second vase a-peu-près pareil, ibid. IV, 53, mais où Ton pourrott*
tvee plus de probabilité, voir A) ax portant le ctfrps d' Achille , ainsi que ytn
11 hasardé la conjecture, dans mes Monument inédits, Acbilléide, p. 109,
— (2)#Ce mot est écrit, dans le catalogue, p. 155, IvXsinilOS; mais je nç
trois pas que Ton puisse le lire autrement que ZETEiniTOS, ni que cerft
lecture soit sujette au moindre doute. — (]) Ainsi que 1'inteTprètc trés-)«4t*
«feulement, à mon avis, le tavant Od. Gerhard, BuUetino Ac, J. f<4
— * (4) BuLctino &c, pag. 141.
Z X
i8o JOURNAL DES SAVANS,
lisent, entre autres noms grecs, parfaitement tracés et régulièrement
composés, EPATOS0ENES, KE<DISO*ON, ANBPOSION (sic)j AOPOeBOS,
OLVMriJOAOPOS, BATPAXOS, EV. AOPAS ( ETATOPAS), XArPES, KlEON,
TIMON, PAXOS , <ï>OPMOS ( AfcOPMOS l ) , GP1NHIS, d'autres noms
altérés par suite de fa prononciation vulgaire, XLlSOGOS/pour KLEO-
SO<I>OS , et Klibvlon, pour ^KleOBOYlOs. II est évident que, dans ce
cas et dans beaucoup d'autres semblables » Jes fautes commises dans la
' transcription des mots grecs, résultent de la routine de PouVrier grec, et
deviennent ainsi une sorte de certificat de la fabrique grecque des vases
qui les présentent.
Pressé par le défaut de temps et d'espace , je suis obligé de supprimer
les observations auxquelles pourroient donner lieu ces nombreux traits
de mœurs grecques que présente la collection des vases de Canino,
de particularités relatives aux jeux et aux festins, aux mariages, aux
cérémonies sacrées, aux exercices gymnastiques, toutes représentées dan*
Je costume grec le plus pur, et joutes conséquemment conduisant au
même résultat, c'est à savoir que des monumens liés aussi intimement
au système de la civilisation hellénique n'ont pu provenir que d'une
fabrique grecque. Mais, forcé de me renfermer dans l'argument qui m'a
paru d'abord le plus décisïrXcè^r^gjn^-^JnLd^^^tures qui accom-
pagnent les compositions figurées, je passe à la dernière classera*
inscriptions que je me suis proposé d'examiner, et d'où résulte, à pion
aviSj fa preuve sans réplique, que les vases ornés de ces inscriptions
appartiennent exclusivement à la Grèce, à ses croyances historiques
ou religieuses , à ses arts et à ses fabriques.
* II s'agit des inscriptions qui offrent ou une formule générale sou-
vent répétée , ou quelque sentence particulière en rapport avec Pusage
et avec la destination du vase qui la présente. Telle est Pexclamation
ordinaire: HOIIAISKALOS, qui se lit sur une foule de vases, parmi
lesquels j'en citerai un seul , de la forme depatère% n." 571, p. 8 3 , oit
cette formule , si commune sur les vasçs campaniens et siciliens de tout
âge et de toute fabrique, se trouve répétée jusqu'à on^e fois, tant au
dehors qu'au dedans de la patère, avec cette particularité neuve et
curieuse, que le mot KALE s'y lit de plus, gravé dans le champ d'un miroir
tracé de même à la pointe: ce qui établit si clairement et le sens de
éè motet Pintention de cet instrument. Une inscription dont le sens
jraalôgue à celui-là n'est pas moins manifestement puisé dans la
lijBgue.ét dans les usages de la Grèce, est celle de KALOS El, tu es
Jqpt ,.qui jse lit, d'une manière plus ou moins incorrecte, sur quatre
MABS 1830. 181
vases différens (1), et qui s'éloit déjà produite sur un vase campanien
de ia seconde collection d'Hamifton (2). Une sentence, sinon équiva-
lente pour le fond , du moins assez semblable pour la forme, XAIPeSy,
je te salue, se trouve répétée sur deux vases de cette collection de
Canmq,~n.° 5 47 > P- 67, et 560, p. 74, et s'étoit déjà présentée
aussi sur plusieurs coupes de Nola ($). J'en dirai autant de l'inscription
nPOSATOPEvO , TTfûoupptCu , je proclame , je salue ( le vainqueur ), qui
ojne, de chaque côté (4)> une coupe de Canino, n.° 56 $ , et qui se
lit pareillement sur un vase campanien de la collection de M. de Witte,
à Paris. L'une des plus remarquables de ces inscriptions , par le rapport
qu'elle offre avec la destination même du vase qui la présente, est celle
d'une coupe , n.° 575 , p. .85 , où se lit d'un côté : KALEHOnoz, pour
KALE HE J1AI2, et de l'autre le mot niESSOE (sic) , *iW6i, buve^ (j! ; «
l'occasion de laquelle je ferai connoitre deux inscriptions très-curieuse$
et parfaitement tracées ; l'une qui se lit sur un vase inédit de la collec-
tion de Al. Durand: nPOniNE MH KAT0HI2, vrplmvt pu k£t8wç,
formule dont M. Panof ka me paroît avoir donné la véritable interpré-
tation : avale^, en buvant à la santé et sans déposer le vase^â); fa
seconde, tracée à la pointe, sur un vase pareillement inédit, du cabinet
de M. Carelli,à Naples, et qui *«* oitwi conçue et divisée en trois lignes:
TIAPAI
KTGI
AT2I
que je crois pouvoir lire et rétablir ainsi:
TI APA/f 77 <fy£c,
0-KYd>l3r; oxùçtoy ;
ATZlt. huenr.
^■^ti
(1) Voy. n.° 564, p. 78, où cette inscription est tracée ainsi, KALOXEX,
et XÀLQEKO; n.° 1004, p. 96, où elle se Iit,KALONEI; n.° 1378, p. 11 1 ,
XÀLOSEr, et n.° 1659, p. 145, KAlOsXI — (2) Tischbein, IV, 30. M. Inghi-
rami s'est servi de ce vase et de l'inscription qui s'y lit, Monum. etr.ined. ser. V,
tav. XXV, p. 280, pour appuyer une interprétation ingénieuse du mot KAAOS.
— (3) Panof ka, Bulletino , &c.,p. 140. — (4) Le mot IIPOSArOPEVO se
Ht d'un côté, parfaitement tracé; et de l'autre, le même mot est écrit
TADNArOPEVO, exemple qui suffiroit seul pour montrer avec quelle négli-
gence étoient généralement tracées ces inscriptions, par la main d'ouvriers
ignorans et subalternes. — (5J M. Panofka, Bulletino, &c, p. 140, a lu ,
HOnOS niEs SOE KAlE, otiuç *inç, 29*rà ****> interprétation ingénieuse, mais
qui me paroît tout-à-fait arbitraire. — (6) Recherches sur Us noms des tan*
grecs, p. 30-3 i, pi. y, n.* 75. •
1*2 JOURNAL DES SAVANS-
« Que fais-tu, coupe bachique! la délivrance (et l'oubli des maux).»
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire, pour justifier cette explication*»
d'alléguer des exemples de suppression, de redoublement, de transposi-
tion de lettres, dans les inscriptions de vases peints; de pareils
exemples sont trop nombreux et trop familiers aux personnes. versées
dans la connoissance de cette classe de monumens antiques, pour avoir
besoin d'être cités. Le mot KTGlor , pour ffKXQUf , peut également se
justifier, soit par une négligence de l'ouvrier qui auroit omis fa Jetfge
initiale r, soit par quelque forme locale de langage qui auroit employé
le mot xupjor, pour ntupior, d'accord avec une des étymologies de ce
mpt qu'un grammairien grec dérive de *v$oç (i;. Mais je ferai te*
marquer que je mot AY2I2 a déjà été reconnu, sur un vase du musée
royal Bourbon, à Naples, avec cette même signification que je crois
pouvoir lui donner sur celui qui nous occupe (2) ; signification con-
forme d'ailleurs à l'usage de la langue grecque (3)9 et de laquelle fut
emprunté, comme on sait, l'un des surnoms les plus populaires de
Uacchus, celui de Avaioç (4). Je reviens à nos vases de Canino, deus m
desqiMJs présentent des inscriptions plus étendues que la plupart de
celles qui se sont rencontré^ jusqu'ici sur les vases peints, inscriptions
qui mériteraient, à ce "titré ,^1^42*440*^^10^ particulier,
mais sur la vraie leçon desquelles il faut d*abord êtrebTen fixê~7 p»,
une copie figurée exacte , avant d'en hasarder une interprétation quel-
conque; c'est l'inscription du vase , n.° 1 386, p. 1 1 3 , où se lit, a»-
dessous de ht peinture qui représente trois hommes nus, couronnés de
fleurs, Pun deux avec un dïbta en main: HOSO vAEnOTEETflpON ,
paroles que M. Od. Gerhard a lues de cette manière , qui me paroît
assez probable : oç oJJtWn tvty ar (5) ; et l'inscription du vase, n.° ioo4>
HOAErOTENTLEINOl , que le même savant lit trés-ingénieusement t
i/i wr nvXu fjLo! (6) , mais au sujet de laquelle il n'y a, quant à
présent, rien de bien certain à proposer.
■■MbaWMi
(1) Eustath. in Homer. Odyss,, p. 1775, 19* éd. Rom. — (2) Panofka,
Afiapeb an t. Bildwerke , J, 350. — (3) Je nie borne à citer un exemple re-
marquable de ce mot , dans Pausanias, VU, 2.1 3 1. C'est dans le même sent
qu'un mot dérivé de la même racine est employé par Euripide, Electr. 135-
1 j6 , où Zeus est invoqué comme *u7ty Wrw. — (4) Sur le culte de ce Baccho*
Ap**, voyez le passade curieux de Pausanias, 11,7,6; conf. IX, 16,4 ; et sut
l'origine et le motif de cette qualification , consultez Plutarque, de Discrim.
amie. 68 , D : t5 AvJV? [ 1- Av«» ] 0*2 x#i A'TONTI ii làr JW$op»r r^itUi *j£
/tf%Miif«f , çonf. Phuarçh, Sympos. i, 613 B; Wyttenbach, Animadv. I, 520.
— fj) Gerhard» Bullcùno, &c, p. 143.-— (6) Le même, au mçuie endroit, p. *4t
MARS 1830. i&j
Une autre sorte d'inscriptions, qui dérivent plus positivement encore,
s'il est possible, de la langue et de la main des Grecs , ce sont celles qui
ont rapport aux jeux et aux exercices gymnastiques de ce peuple. La
plus remarquable de ces inscriptions, sur un vase -représentant quatre
Athlètes nus qui se disputent le prix de la course, est ainsi conçue,
STADIOANAPONNIKE, vittoire du stade des hommes; au revers, à
côté de l'effigie ordinaire de Minerve , debout , entfe deux colonnes sur-
montées de deux coqs , se lit cette autre inscription , TONA0ENE0ENA-
eLON , [ un»] des prix décernés par ceux df Athènes. On sait que celte
dernière inscription , qui s'est produite pour la première fois sur le
célèbre vase de M. Burgon , trouvé à Athènes même ( 1 ) , s'est reft-
contrée depuis sur des vases de fabrique et de forme absolument sem-
blables , découverts à-NoIa (2); d'où est résultée la notion certaine qu'il
se faisait, dans l'antiquité, un grand commerce de ces sortes de vases
donnés en^rix, entre la Grèce et ses colonies. Nous avons maintenant
la preuve que ce commerce s'étendait jusque dans l'antique Etrurie,
puisque, outre le vase de Canino que je viens de citer, le propriétaire
de cette collection nous assure que la même inscription se lit sur peuf
autres vases, et qu'elfe se rencontre sur une foule de fmgmens de vases tout
pareils (3). Mais une ^nnc£<juc»iv.e de ce fait à laquelle on ne se seroit
j>«ui-etre pas attendu , c'est celle qu'en déduit M. le prince de Canino
lui-même, encest ermes, que je dois me bornera traduire ici littérale-
ment : Oh ne dira plus que ces vases viennent d'Athènes ; comme si Athènes
avoit donné son nom a 'Minerve, au lieu de le recevoir de cette déesse ; et
comme si les anciens Etrusques navoidht pas adoré Minerve avant quA-
thenesjût bâtie. Je crains qu'il n'y ait, dans ce peu de paroles, quel-
ques graves méprises historiques; et c'est pourquoi je prendrai la liberté
d'observer, i.° que la forme du mot A0ENE0EN, ne pouvant se rap-
(1) Ce vase a été publié par M. Millingen, Ane. uned. nvomtm. part. Ir
pi. l-IV. Un Vase semblable, de la collection de KoIIer, trouvé à Nola, se voit '
dans les Antike Bildwerhe de M. Gerhard, I, V-VII. Il en existe un autre,
provenant du même lieu , avec l'inscription antique , TONA0ENE0ENA0AOfï j
dans la collection de M. le comte Pourtalès-Gorgier , à Paris, sans compter
ceux qui existent encore ailleurs; voy. Panofka, JVeapels ont. Bildw. \, 334-
— (2) Voy. une observation faite à ce sujet dans mes Mopumens inédits,
Orestéide, p. 233, note 2. — (3) Catalogo , p.. 93: Molli altri vasi simili
frammentati si sono pure trovati nei nostri 'scavi , e vi si trova no frequentissi-
mamente con quella iscri^ione, e non si dira più che questi vasi vengono dt
Atene, corne se Atene avesse datp jl suo nome a Minerva, in vece di averlo rice-.
vuto , e corne se gltantichi Etrusçhi non avessero adorato Minerva prima che
si faoricasse Atene.
iti JOURNAL DES SÀVÀNS,
porter qu'aa nom de la ville d'Athènes', et nullement à celui de la déesse
Atkéni, il est de toute nécessité que les vases arec cette inscription
soient reconnus d'origine et de fabrique athéniennes ; 2.0 qu'il n>st point
prouvé, comme rassure M. le prince de Canino, que les Étrusques
arent adoré Minerve sous son nom hellénique S Atkéni t sur-tout à une
é: oque aussi ancienne qu'il le suppose, pufsque tout au contraire, sur
fous Its monumens de l'art étrusque connus jusqu'il» où cette déesse
+*: figurée , et accompagnée de son nom en caractères étrusques, c'est
par le mot MESERFA, menrfa, qu'elle est constamment désignée (1).
Un phis long détail, sur un point aussi évident,- seroit inutile pour les
j>érsonnes qui observent et qui étudient sans prévention les monumens
antiques, et peut-être aussi pour M. le prince de Canino lui-même, qui
paroît s'érre fait, nu sujet de ses vases, un système rebelle à tous les
faits de la science, comme à tous les témoignages de la langue; mais,
puisque Tocca«ion s'en présente, je citerai, à l'appui de* cette fabrique
athénienne de vases de prix, imités jusque dans les colonies grecques
de la Campanie , in vase , de la fabrique de Nofa , qui se trouve dans la
collection de M. Durand, et sur lequel sont représentés trois Hoplites se
disputant le prix J+1+ *aurx£ armée , avec les trois lettres AGE, initiales
si connues des monnoies <T Athènes, fr^ceevTmi-4o%vJWr/z^r_CaJ.
II me reste à parler dune inscription qui se rapporte , suivant toliro
apparence, au même "système que les précédentes, et qui mérite, en
tout cas, une attention particulière, ne fût-ce qu'à cause de f extrême
importance qu'y attache M. le prince de Canino, et des grandes consé-
quences qu'if e/i déduit. C'est IliAcription vieLONOXEi , tracée sur un
vase, de sujet dionysiaque, n.° 1887, page 157, de laquelle l'illustre
auteur du catalogue croit pouvoir conclure que le mot VIOHLON
représente le nom de l'antique cité étrusque de Vétulonia> sans ajoute*
rf»
{ 1) Ce nom MENErfA, ou MENrfA, se lit en effet sur sept miroirs étrusques,
Lanzi, Sagg'w, tom. II , tav. 6, n.p* 4,6; tav. 7,n.°* 1 , 3, 4î Micali, tav. 63 ;
Inghirami, ser. II , tav. 38 et 81 , où ce nom est écrit MNRFA. D'après ces
exemples authentiques, M. Ott. Millier n'auroit peut-être pas dû supposer que le
mot THANA, de la célèbre patera dite cospiana, fut écrit pourÀ0i»a, et qu'il se
rapportât a Minerve ; voy. ses Etrusher, III, 3 , 2, 48, 24)- ^c pense, avec
M. Creuzer , SymboWck , II , 959, que Thana est la forme étrusque de D)anaM
ou Diana, d'ap'ès le même principe qui produisit le nom étrusque de TINA
f ZET2] dérivé du dorique AHN, pour 2HN, comme ^AHCLE, pour ZAFKAE.
— (2) M. Panofka, qui vient de publier ce vase, Recherches sur les noms des
vises, pi. J , n.° 10, p. 8, y a vu , je ne sais pourquoi, dft enfans vainajieuri
à U Cêurse : ce sont réellement des fioplitodromes*
.'. MARS i 1 83a j ; ;i 85
toutefois la moindre interprétation et sans faire le moindre usage du mot
suivant OCHEI; et c'est cependant $urcet unique fondement que M, le
prince de Canino établit, d'une manière qui lui semble incontestable,
i*° que les hypogées étrusques des environs de Canino appartiennent
à l'antique localité de Vetulonia; 2.0 que tous les vases trouvés dans ces
.hypogées remontent à la plus ancienne période de la prospérité étrusque,
celte où florissoit Vetulonia (1). Il seroit pénible d'avoir à détruire des
illusions de cette nature , si l'intérêt de la science ne pa>soit avant toute
autre considération. Or, l'inscription vieLONOXEl n'est très-proba-
blement que (a représentation , légèrement altérée , comme à l'ordinaire,
par la négligence de l'ancien ouvrier, des mots, A0LON OXEI, iixov
êfcw, emporte le prix ; à moins qu'on ne veuille lire, avec M. Panoflca (2} ,
vt\cv «£•?, il [Bacchus] conduit la Folie, interprétation qui, je l'avoue,
me paroît bien moins satisfaisante. Mais, dans toug les cas, il me semble
certain qu'il n'y a dans cette inscription, purement grecque, rien qui ait
Je moindre rapport , ni direct, ni indirect, avec l'antique cité étrusque
de Vctuhnia*
J'ai parcouru, le plus brièvement qu'il m'a été possible, les trois
classes d'inscriptions des vases de Canino; et comme il y auroit un livre
à faire sur ces inscriptions seules, sans parler de celui auquel pourroient
donner lieu (es sujets, si curieux et en si grand nombre, que présente
cette inestimable collection, je suis loin de me flatter d'avoir même
indiqué toutes les questions qui sortent en foule de cette mine nouvelle
ouverte à l'archéologie. Mais l'en ai dit assez peut-être pour établir ,
avec quelque certitude , la conséquence principale que j'ai voulu tirer
de cet examen rapide, conséquence qu'il est temps de poser maintenant
en termes clairs et précis : c'est que toute cette immense série de vases
peints, ornés de sujets grecs, et couverts d'inscriptions grecques, bien
que trouvés dans des sépultures de l'antique Étrurie , appartient uni-
quement et exclusivement à la Grèce (3) » et qu'elle n'a pu être produite
que dans le cours du plus grand développement de l'art grec , à une
époque, sans doute peu éloignée de celle ou l'alphabet grec se trouva
entièrement complété par l'addition des voyelles longues H et û, et
des lettres doubles H ett, puisque les deux premières ne figurent ja-
(1) Catalogo, p. 173-174* — (*) BulUtino , Sac. , p. 140; voy. la remarque de
M. Od, Geshard, à ce sujet, ibid. p. i43* — (3) On ne saurait supposer, pour
peu qu'on ait quelque connoissance de ces sortes de monumens, que les vases en
question aient pu être fabriqués *n Étrurie d'après des vases grecs, parce que la
matière, Informe, la fabrique, le vernis , tout, en un mot, conspire pour
assimiler les vases de Canino aux vases peints de fabrique gréço-siciliennc*
Aa
t%€ JOURNÀLDEBSAVÀNS,
. mais, Va. du moins, et Fh seulement avec la valeur de l'aspiration, sur ces
innombrables inscriptions ; et les deux autres y sont constamment sup-
pléées par les lettres doubles K2 ou X2, et 112 : cToii il suit encore
que ces vases , exécutés dans le cours des v.c et I V.c siècles avant notre
ère , furent portés en Étrurie par la voie du commerce, et , sans doute,
à raison d'anciens rapports d'origine ou de civilisation , à cette époque ,
qui est celle où l'influence de l'art grec commença précisément^ s'exer-
cer sur les monumens étrusques , comme on le voit sur-tout par les
pierres gravées et par les miroirs de style étrusque. L'opinion que je
viens d'exposer résultant invinciblement, à ce qu'il me semble, de l'ob-
servation des monumens eux-mêmes , il devient à-peu-près inutile de
combattre les argumens que M. le prince de Canino croit pouvoir tirer
de quelques phrases de Winckelmann, à l'appui d'une opinion contraire.
Winckelmann avoit dit, suivant M. le prince de Canino, que les Grecs
ne marquaient pas les noms des dieux et des héros sur leurs figures ; et là-
dessus, M. le prince de Canino de s'écrier : Plusieurs de nos monumens
portent les noms des héros et des dieux ; donc ils ne sont pas grecs, de Taveu
de Winckelmànn (i). Mais, s'il étoit possible de supposer que Winc-
kelmann ignorât l'usage antique des Grecs , attesté par une foule de
leurs monumens, depuis le coffre de Cypsélus jusqu'aux peintures de
Polygnote, ou s'il étoit nécessaire de rappeler à M* le prince de Canino
Cet usage grec , d'inscrire les noms à côté des personnages , que faudroit-
il conclure de cet oubli de l'un et de l'autre, en faveur d'un système
qui tendrait à revendiquer pour TJEtrurie des représentations et des ins-
criptions uniquement et purement grecques ! II suffit, du reste, de cette
seule citation pour faire apprécier à F Académie la méthode d'argumen-
tation et l'esprit de critique qui ont présidé à la rédaction de ce cata-
logue, et pour me dispenser de réfuter en détail les autres motifs sur
lesquels se fonde l'opinion de M. le prince de Canino. Je crois pouvoir
également supposer qu'une autre idée de l'illustre auteur, dont il paroît
fortement convaincu, c'est à savoir, qu'on n'a pas trouvé de vases peints
dans la Grèce proprement dite, ou bien que ceux qu'on prétend y avoir
découverts y avoient été portés de fÉtrurie , de telle sorte que tout ce
Îi) Catalogo, p. 182 : Molti deî nQstri monument* portanro i Tiomi degH eroi
egfi dèi; dunque non sono greci , per confessione di Wiackelmann. —
"fl)' M.' le prince de Canino avoit indiqué d'abord cène idée, pw 177-179 de
r Am catalogue ; plus tard , il y est revenu dans une lettre adressée à. M. Gerhard ,
ettftérée dans le Bul/etino degli annali, n. IX, p. 113-116; et il paroît, par
une seconde lettre , imprimée dans le même recueil , p. 177-160, que l'illustre
lutttirtr'à Tenoncé à lucane de ses opinions.
MARS 1830. 187
qu'il y a de rases peints dans le monde devroit être reconnu comme
provenant uniquement de TEtrurie ; que cette idée, disons-nous, n'a pas
trouvé assez de partisans, même en Italie, pour nous mettre dans la
nécessité de la combattre. Mais, en terminant cette analyse, où je me
suis vu, à regret, obligé de contrarier quelques-unes des opinions litté-
raires de M. le prince de Canino, j'ai un devoir plus doux à remplir, en
proclamant, en mon nom, et je voudrois pouvoir ajouter au nom de
r Académie qui m'écoute, la reconnoissance que doivent à ce prince, sans
distinction d'opinions ou de systèmes, tous les amis de l'antiquité, pour k
zèle qu'il a mis dès l'origine, et qu'il ne cesse de déployer, dans Pexploi-
fation d'une mine archéologique, l'une dçs plus riches et des pfus
. fécondes, sans contredit, qui aient été ouvertes depuis la renaissance des
lettres. Déjà, par la découverte de l'antique ville de Tusculum , opérée
sous sa direction et à ses frais , M. le prince de Canino avoit enrichi et
étendu le domaine de l'histoire et de (antiquité romaines. Mais la seule
collection de vases peints déjà trouvés sous ses yeux, et qui. con-
tinuent d'être déterrés journellement en sa présence, dans des tombeaux
de l'antique Etrurie , sans parler de la découverte d'une foule d'autres
monumens sortis de ces mêmes sépultures , étoit peut-être le plus grand
service que pût recevoir l'archéologie toute entière, dans l'état où elle est
aujourd'hui parvenue; et si, comme nous le promet M. le prince de
Canino, cette collection est publiée avec tout le soin qu'il est capable
d'y mettre, et avec tout l'éclat qu'elle mérite à tant de titres, ce sera sans
doute un des plut beaux monument scientifiques de notre âge, digne
d'honorer à jamais le nom de M. le prince de Canino , et plut que suffi-
sant pour racheter quelques idées systématiques produites par un enthou*
siasme presque légitime, ou du moins bien excusable.
. RAOUL-ROCHETTE.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
Le 8 mars, l'Académie des sciences a élu M. Auguste Saint-Hîlaire pour
remplir, dans la section de botanique, la place vacante par le décès de M. de
Lamarck.
M Chemol, neabfffr de f Académie des sciences, et fan des rédacteurs
Ai a
iM JOURNAL DES SAVANS,
du Journal des Savans, a été nommé professeur de chimie au Muséum d'histoire
naturelle ; il succède, en cette qualité, à feu M. Vauquelin.
M, de Lally-Tolendal , membFe de l'Académie française, est mort le
1 1 mars; et le 1 3 , un discours a été prononcé à ses funérailles par M. Arnault,
directeur de cette Académie. « La source de l'éloquence est dans le cœur tins
» doute, a dit M. Arnault; mais lors même qu'il a l'esprit pour auxiliaire,
» l'éloquence suffit-elle au triomphe de l'orateur, s'il n'a pas' acquis Fart de
» mettre en œuvre les inspirations du cœur ! Tel fut le premier objet des travaux
»de M. de Lally. Stimulé par le besoin de venger un père à qui un assassinat
» juridique n'a voit pas ôte seulement la vie, il consacra à l'étude de l'art
» oratoire sa jeunesse, qui n'a pas connu d'autre passion que la piété filiale. Ses
» travaux n'ont pas été vains. Grâce à un talent qui s'est élevé au niveau de sa
» vertu, il obtint, en en faisant l'essai, la révocation d'un arrêt doublement
» meurtrier, et mérita que Voltaire mourant se ranimât pour le féliciter d'un
» triomphe que.ee grand homme avoit appelé de tous ses vœux, préparé par
a» tous ses efforts , et qu'il a salué de ses dernières paroles. Dès-lors, M. de Lally
9» a pris rang parmi les hommes les plus remarquables de l'époque. L'éloquence
a* qu'il déploya en cette circonstance s'est retrouvée dans toutes celles où il a
» parlé depuis; c'est l'éloquence d'un cœur essentiellement honnête et généreux,
» d'un cœur dominé par une sensibilité quelquefois exubérante. Dans les dis-
» eussions politiques même , où les meilleures esprits peuvent être séduits par des
» illusions nées de leur position sociale, la droiture de ses intentions se manifeste
» encore; elle se reproduit dans toutes m opinions, qui souvent n'ont été que
» l'expression de ses affections. »
Le 19 mars, M. Van-Praet, l'un des conservateurs-administrateurs de la
Bibliothèque du Roi, a été élu par l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, en remplacement de feu M. Gossellin.
L'Académie des beaux-arts a perdu, le 20 mars, son plus ancien membre,
M. Taunay , dont les funérailles ont eu tteu Te 22; M. Castetlan y a parlé en cet
termes: ce 11 est de la nature des sociétés qui se perpétuent, de voir tout
*> s'anéantir et se renouveler autour d'elles. Un seul d'entre nous, Messieurs,
a» avoit assisté à la création de l'Institut, en avoit subi les vicissitudes, et vu
» l'Académie des beaux-arts se renouveler toute entière : triste avantage de
» survivre à ses contemporains, à ses amis! Son cœur en a souvent saigné;
» et l'idée affligeante qu'il restoit seul debout au milieu des ruines , et privé des
s» soutiens naturels qui l'attachoient à la vie, cette idée toujours présente, peut
savoir contribué à le faire tomber à son tour. En effet, à peine avions-nous
» quitté le deuil du dernier des fondateur de l'école moderne de peinture,
»que nous sommes forcés de le reprendre pour le doyen de l'Académie, qui
» est presque celui des peintres de l époque actuelle, et l'un de ceux qui possé-
»doient le mieux la tradition des vrais principes de l'art, M. Taunay, que
» l'on peut mettre au nombre des régénérateurs du bon goût en France, a exercé
» cependant moins d'influence par ses conseils que par ses exemples. N'ayant
» point eu d'école proprement dite, il n'a pas plus d'imitateurs qu'il n'avoit eu
»de modèles; et s'il est une sorte d'originalité inimitable, cest celle qu'a
» possédée M. Taunay, et dont il a apposé le cachet sur ses ouvrages. Toutefois,
» ce n'est point par la bizarrerie qu'il a été original: dans ses tableaux, rien ne
» s'écarte dt$ lois de la nature; tout en rappelle les traits caractéristiques,
MARS 1830. 1&9
*mais combinés par un génie créateur, et animés d'un- esprit enjoué ou
* mélancolique , suivant les impressions qu'il éprouvoit , et auxquelles il subor-
«donnoit le sujet de ses compositions. C'est ainsi que nous croyons retrouver,
3» dans son dernier ouvrage, les préoccqpations d'un esprit frappé d'avoir vu
>0 tomber successivement les artistes amis de sa jeunesse; il représente la statue
n colossale du vertueux Charles Bogromée , s'isolantau sommet d'un promon-
toire du lac Majeur, et la tête couverte d'un voile de nuages. ...»
Le 25 mars, l'Académie française a élu M. Philippe de Ségur, en rem-
placement de feu M. de Lévis. Le 1." avril, elle a tenu une séance publique
pour la réception de M. de Lamartine : on y a entendu le discours du réci-
[>iendaire , la réponse de M. Cuvier, directeur, et deux odes de M. Lebrun,
'une sur le ciel d'Athènes, l'autre sur le mont Liakoura, l'ancien Parnasse.
Ces odes et les deux discours ont été imprimés chez M. Fircnin Didot,
44 pages in-jS
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
•
La Fjrance littéraire, ou Dictionnaire bibliographique des savans, historiens
et gens de lettres de la France, ainsi que aes littérateurs étrangers qui ont
écrit en français, plus particulièrement pendant les xyin.e et Xix.c siècles, &c,
par M. J. M. Quérard; tome III, 2.c livraison (GAB-GYU). Paris, Firmin
Didot, 1830, in-8.9 , pages 229 - 262, Nous avons annoncé les livraisons
du tome I.er, du tome II , et la première du tome III , dans nos cahiers de mars
et d'août 1828 , p. 189 , 190, 506 ; de juin et de novembre 1829, p. 382 et 687,.
On ne connoît pas en ce genre et dans les limites que l'auteur s'est tracées,
de recueil plus complet et plus exact. Nous indiquerons particulièrement
dans la nouvelle livraison les articles Oagnter ( orientalUto ) , Gail, Galliani,
Gali, A. Galland;28 articles Garnier, 45 Gauthier, Gautier ou Gauttiers;
8 Gibert , 1 1 Gilbert, 27 Girard , &c. Nous avions fait remarquer, dans notre
cahier de novembre dernier, que la traduction des sept premiers livres de Télé-
maque, en vers français , par M. Gamon , éioit imprimée ( Vevey , 1817, in-16,
280 pages ) ; M. Quérard, qui , à l'article Fénélon , avoit omis cette traduction,
dit aujourd'hui, à l'article Gamon, que cet auteur ce s'est assez bien tiré de
» cette périlleuse entreprise , et qu'on n'a pas connorssance que sa version ait
» été imprimée:» nous en avons sous les yeux un exemplaire. Mais il reste fort
peu de ces inexactitudes légères dans les notices très-instructives de M. Que*
rarrd , qui nous paraissent dignes des plus honorables encouragemens.
M* Beuchot vient de publier les Tables de la XVIII.0 année (1829) de fa
Bibliographie de la France ou du Journal général de l'imprimerie et de la li-
brairie 9 des cartes géographiques, gravures, lithographies, œuvres de musique;
Paris, Pillet aîné, in-8.°, 279 pages, comprenant la table alphabétique des-
ouvrages, la table alphabétique des auteurs, la table systématique des ouvrages.
Le nombre des publications typographiques en France a été, en 1829, ^è 7823.
Oq a compté de plus 840 articles de gravure ou lithographie, 60 de cartes
géographiques , et 304 de musique. A ces apnonces, rédigées avec une extrême
exactitude , M. Beuchot a continué de joindre des notices nécrologiques" > 4r>èr
190 JOURNAL DES SÀVÀNS,
des observations relatives à l'histoire des livres , l'indication dés ventes , 6t.
les actes de l'autorité publique qui concernent la librairie et l'imprimerie. Le
prix annuel de ce journal, y compris les tables, demeure fixé a 20 fr.
Histoire littéraire de la France ; tome Xll , publié par les Bénédictins en 1763V
Paris, Nyon, i/i-^.0/ nouvelle édition , conforme à la première, Paris, Firmin
DÛot, 1830, in-+S, vij, xxxij, et 723* pages. Ce tome XII manquoit de*
puis long-temps dans le commerce de la librairie. En réimprimant ce volume,
ob s'est abstenu de tout changement; et la seconde édition correspond si bien
à la première , que la même table des matières ( pag. 689-700 ) a pu servir
peur l'une et pour l'autre. Mais la deuxième contient de plus les pages 701*
7*3 > que. remplissent 6j remarques critiques, destinées à reparer les omissions
çf les- inexactiudes qui se rencontraient dans quelques articles, et qui sont
Snssque inévitables en ce genre de notices biographiques. L'Histoire littéraire
e la France a été entreprise par D. Rivet, qui en a publié le tome I.cr en 1 723.
On lui doit les suivans jusqu'au IX.C, qu'on imprimoit lorsqu'il mourut en
'74S > et qui parut en 1750 par les soins de D. Taillandier: le X.c est
de P. Clémencet, qui a coopéré au XI.C avec D. Clément, seul auteur du
XII.e, que l'on vient de reproduire. Les tomes XIII , XIV, XV et XVI , qui
ont paru depuis 18 14, et le XVII.', dont l'impression est fort avancée,
ont. été composés par des membres de l'Académie des inscriptions et belles»
fettres, feu M. Brial, feu M. Ginguené, MM. de Pastoret, Daunou, Amaury-
Duval, Petit-Radel, Émeric David.
Af* Accii Plauti Comœdiœ, cum selectis variorum notis et novis commen-
tariis, curante Josepho Naudet; volumen priuium (Amphfitruo, Asinaria ,
Aulularia, Bacchides,Captivi, Casina ); Parisiîs, typisFirmini Didot, 1830;
in-S.9 (4.1 feuilles 3/4). On a joint à ces six comédies latines le texte entier
des Sosies et des Captifs de Rotrou. Nous nous proposons de rendre compte
de cette édition de Plaute, qui fait partie de la collection des classiques latins
de M. Lemaire {rue <U* Quatrc-FH*T-».° 16 ).
Mémorial portatif de chronologie , d'histoire industrielle, d'économie poli*
tique, de biographie, &c. (par M. de l'A in. ) , 3.° et 4-e parties; Paris,
imprimerie de Firmin Didot , librairie de Verdière ; in-tz, pag. i*vj; 777-1 1 10,
I-208 ,.1-XLH, avec un cahier in-jJ oblong contenant 5 tableaux. Nous re-
viendrons sur cet ouvrage , dont les deux premières parties ont été annoncées
dans notre cahier de novembre 1 828 , p. 699.
Charte de commune, en langue romane, pour la ville de Gréalou en Quercjv
publiée avec sa traduction française et des recherches critiques sur quelques
Joints de l'histoire de la langue romane en Europe et dans le Levant, par
1. Champollion-Figeac; Paris, Firmin Didot, 1829; in-8f, xxiij et 131 pag.
Ce volume est dédié à M« Raynouard,
Nouvelles conjectures sur [emplacement du champ de bataille où César défit
l'armée des Nerviens , par M. A» Leglay , membre de la Société d'émulation
<l* Camb.rai, &c. Cambrai, Hurez; -février 1830, 20 pages in*S.° Les résul-
tats de ces recherches de M. Leglay sont que la défaite des Nerviens a eu
lieu sur 1< s bords de l'Escaut, et non près de la Sambre ; que l'espace de
terrain compris entre fionavis et Vaucefles présente toutes les circonstances
indiquées par César, et par conséquent pourrait bien avoir été le théâtre de
•# victoire.
r.
s : . ; MARS, 1830. > \ r?t
- Maniai de numismatique ancienne , contenant les élémens de cette science et
les nomenclatures, avec l'indication des degrés de rareté des monnaies et
médailles antiques et les tableaux de leurs valeurs actuelles , par M. Hennin.
Paris, impr, de M.m* Huzard, librairie de Merlin, 1 830, 2 vol. in-8.°, ensemble
de 59 feuilles 1/2. Prix 20 fr.
Histoire du commerce entre le Levant et l'Europe , depuis les croisades jusqu'à
la fondation des colonies d'Amérique, par M. Depping. . . . , de la Société
royale des antiquaires du Nord, à Copenhague, flrc; ouvrage couronné en
1828 par l'Académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut royal de
France. Paris, Imprimerie royale , librairie de MM. Treuttel er Wiirtz, 1830,
a vol. in-S.0, viij, 344 et 375 pages. Il sera rendu compte de cet ouvrage dans
l'un de nos prochains cahiers. Dans ceux de mars et mai 1826 , pag. 171-178,
281-291, nous avons fait connoftre un autre ouvrage de M. Depping,
l'Histoire des expéditions maritimes des Normands, couronné en 1822 parla
même Académie.
Droit public et administratif "français , ou analyse et résultat des dispositions
législatives et réglementaires publiées ou non , sur toutes les matières d'intérêt
public et d'administration , par M. Bouchené le Fer, avocat à la cour royale
de Paris; première livraison, tome II : ministères de* la justice et de l'intérieur.
Paris, imprimerie de la veuve Thuau, librairie de Sédillot, 1830, in-S.9,
x et 532 pages. Cet ouvrage sera divisé en trois parties principales, qui corres-
pondront aux trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire. Le tome I.er,
non encore imprimé, contiendra la première partie et les quatre premiers titres
de la seconde : le titre V , Ministères ou administrations centrales, est soudivisé
en plusieurs chapitres, dont le premier ( ministère de la justice) , et la première
section du deuxième (ministère de l'intérieur), remplissent le volume qui
vient d'être publié. Nous reviendrons sur cet ouvrage quand le premier tome
aura paru ; mais déjà l'on peut juger de l'étendue et de l'exactitude du travail.
Il y règne une méthode lumineuse et sévère : on voit que l'auteur n'a négligé
aucun soin pour rapprocher les lois, les ordonnances , les décisions relatives à
chaque détail du droit administratif, et pour en tirer les résultats les plus
constans ou les plus plausibles.
De la contrainte par corps , considérée sous les rapports de la morale, de la
religion , du droit naturel et du droit civil , et dans l'intérêt de l'humanité en*
général, par M. J. L. Crivelli, avocat à la cour royale de Paris/Paris., impr.
de Crapeîet, librairie de Gust. Pissin, successeur de Rbndonneaù, au, dépôt
des* lois, 1830, 172 pages in-8,9 Après avpir tracé une esquisse historique de
fa législation *ûf la contrainte par corps, l'auteur en examine le principe* et
les effets. Il trouve cette législation inconciliable avec notre droit publie actuel,
inutile au gtarid et au petit commerce, contraire aux plus saines maximes
religieuses, «c. Cet ouvrage, écrit avec beaucoup de chaleur, comme avec une
parfaite cohnoissânee des lois relatives à la contrainte par corps , sera s^ns
doute distingué parmi ceux qui soutiennent Tune des deux opinions opposées
qui paroissent exister encore sur cette matière: \
Troisième Mémoire sur les projets, présentés pour la jonction de ta Aftupe à
la Seine, la dérivation de la peine 9 et les docks ou bassins écluses à établir
dans les plaines de Choisy, d'ivry et de Crénelle, par M. Cordier, inspecteur
divisionnaire des ponts et *b*ft*4es* Valfi** khpt. de Lachevardière, librairie
î
192 JOURNAL DES SAVAN S.
de Carillan-Gœury, 1829, in-2f , xi et 198 pages, avec deux planches lîthq-
raphiées. Voyez Journal des Savans, mars 1829, p. 190, l'annonce de l'ouvrage
e M. Cordier sur les ponts et chaussées.
Let dix Soirées 'malheureuses , ou contes d'un endormeur, traduits de l'arabe
par M. J. J. Marcel. Paris, impr. de Paul Renouard, librairie de Jules Re-
nouard, 1825^, 3 vol. in-12, xxxvj, 214» 260 et 284 pages, avec les figures
Iithographiées. M. Marcel tient le manuscrit de cet ouvrage du cheyfch
Mohammed-el-Mohdy» qu'il en croit l'auteur. Le titre arabe est TohhfeT
EL-MOSTEYQIDH ÊL-A'ANIS FY NOZHET ÊL-MOSTENYN OU-EL-NA'lS.
«Présent du réveilleur célibataire pour l'amusement de celui qui aime l'assou-
» pisse ment et le sommeil. » Ces contes sont composés à l'imitation de ceux des
Mille et une Nuits, et entremêlés de vers arabesque M. Marcel traduit tou-
jours en vers français» Chaque volume est terminé par des notes du traducteur
sur plusieurs points d'histoire et de littérature : elles remplissent en tout 265 pag.
On annonce une seconde édition de ces trois volumes , qui se lisent en effet
avec beaucoup d'intérêt.
DANEMARK. Scripta historien Islandorum , de rébus gestis veterum
BoreaKum, curante Societate regiâ antiquariorum septentrionalium. Hauniae,
1828^ 2 vol. in*8.ô> dont il doit être rendu compte dans un de nos prochains
cahiers,
NOTA. On peut s'adressera la librairie de M» Levrault, à Paris, rue de la
Harpe, n.ê 8/; et à Strasbourg / rue des Serruriers, pour se procurer les divers
ouvrages annoncés dans le Journal des Savans» Il faut affranchir la leftres
jet le prix présumé des ouvrages*
TABLE.
•
Discours prononcé à'I* ouverture du cours de V histoire de ht philosophie
au Musée des sciences et des lettres ,U 18 avril 1827, par Aï. van
de Vever. — De la direction actuellement nécessaire aux études phi-
losophiques , par M. de Reiffenbcrg* — De V Éclectisme > par le
même. [Article de M. Cousin. ) Pag. 13t.
Histoire des Français des divers états, aux cinq derniers siècles, par
M. Amans-Alexis MonteiL ( Article de M. Daunou. ) 139.
Transactions ofthe royal Society qfliterature ofthe unitcd Kingdoms.
( Article de Al. Letronne. ) , 1 52.
Voyages en Arabie, par feu J. L. Burckhardt. ( Troisième article de
nf\ Silveitre de Sacy. ) , , . . f 163 •
Catalozo (fi scelte antiçhità di Canino. {Second article de Aï. Raoul-
Rbcnette.) ;. . ■ 177.
NmtPélet litterairts . 0 , 187.
FIN 2>S LA TABXS.
■ 1
JOURNAL
DES SAVANS.
AVRIL 183O.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1830.
N
«
■v
'- V
1
l - -. -. .*. f
••■" : V ■'
■*_•
V
A.
•
i .
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 4° &• Par 'a poste, hors de Paris. On s'abonne, à la maison de
librairie Levrault, à Paris, nie de la Harpe, n.° 85; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33. II faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouveaux, lis lettres, avis, mémoires, &c, qui
peuvent concerner la rédaction de ce journal , doivent être
adressés au bureau du Journal des Savans , à Paris, rue de
Ménil-montant, n.° 22.
\
•- • *
* .j. j». .. ..
; ' v i ■ : ' 1 '■ 1 #■ M :
li
JOURNAL ^
DES. S AV ANS.
AVRIL 1830.
•
—Fabliaux ou contes, fables et romans du xn.€ etduxu/S stècle,
traduits ou extraits par M. Legrand d'Aussy; troisième
édition, considérablement augmentée. Paris , Jules Renouard 9
libraire, rue de Tournon, n.° 6, 1825), 5 voï. ln-8.*
«J'Ai eu plusieurs fois occasion d'annoncer diverses publications
d'ouvrages des trouvères; mais elles avoient seulement pour but de satis-
faire et d'instruire les personnes qui vouloient remonter aux origines
de notre ancienne littérature, et se familiariser avec les vieux monumens
de notre langue.
Aujourd'hui j'ai à rendre compte de la réimpression d'un recueil
publié pour ia première fois en 1 779, 4 vo'- in*$' $ et pour la seconde
fois en 1781 , $ vol. in- 12, dans l'idée principale de faire connohre,
par des analyses et par des extraits en langage moderne , le fond des
compositions de ces poètes , et offert au public en lui promettant de
l'amusement plutôt que de l'instruction* *
Dans sa préface , M. Legrand d'Aussy se glorifia de donner l'exemple
de rechercher les anciens monumens de notre littérature, et il disoit :
.ce Je croirois avoir bien mérité des lettres , si mon exemple animoit à
» cette laborieuse entreprise des mains plus habiles que les miennes* »
II est pourtant vrai que la première gloire devroit être acquise à
Barbazan, qui, plusieurs années avant M. Legrand d'Aussy» avoit ouvert
la carrière , en publiant en original l'Ordène de la chevalerie et trois
volumes de fabliaux.
M. Legrand d'Aussy , à l'époque où il écrivoit, eut peut-être raison ,
<du moins il ne fut pas blâmable de ne présenter que le canevas des
fabliaux, en résumant et traduisant les compositions des trouvères: il fût
Bb 2
i96 JOURNAL DES SAVAIS,
plus heureux dans cette entreprise" que aans les analyses et extraits qu'il
fît des compositions de ces poètes , pour les insérer dans les Notices
des manuscrits de la Bibliothèque du Roi ; dans ces notices , destinées
aux personnes qui voudroient étudier notye ancienne littérature , il
auroit dû , après avoir analysé les ouvrages , en faire connoître les
détails les plus curieux et les plus intéressans, non par sa traduction,
mais en rapportant soigneusement les textes originaux, ce qu'il a fait
trop rarerftent ; aussi son travail n'a été ni agréable aux gens du monde
ni utile aux gens de lettres.
Mais le recueil des fabliaux et contes dont j'examine la troisième
édition, obtint dans le temps une juste estime, que cette nouvelle
édition servira à maintenir.
Elle a été dirigée par M. Ànt. Àug. Renouard, qui, possédant le
.manuscrit que M. Legrand d'Aussy avoit retouché, y a joint des
augmentations qui donnent un nouveau prix à cet ancien ouvrage,
Le nom de M. Legrand d'Aussy et son recueil ne peuvent guère
être cités sans rappeler la vive querelle et les longs débats qu'occasionna
l'agression contre les troubadours, pour fes déposséder de leur vieille
'renommée, que les éloges et l'admiration de Dante et de Pétrarque leur
Confirmèrent jadis, mais qui, après un long laps de temps et une sorte
d'oubli , n avoit pas été suffisamment réhabilitée par la publication du
travail de M. l'abbé Milfot.
Au lieu de profiter de ce que les troubadours et les trouvères four-
nissement d'utile pour étudier, avec plus de facilité et de succès, l'histoire,
les moeurs, la littérature et la langue, on ne s'occupa qu'à disputer sur
fa prééminence de ces poètes , sur le génie des auteurs produits par les
pays situés au nord ou au midi de la Loire ; et dans cette dispute , qui
ne pouvoit guère amener de résultat intéressant , chaque combattant
s'occupoit exclusivement à exalter les poètes du nord en rabaissant ceux
du midi, ou à relever le mérite des troubadours aux dépens de celui des
trouvères. C'étoit là un amour-propre ou, si l'on veut, un zèle national
bien mal entendu: de bons esprits, des esprits vraiment français,
auroient employé sagement leurs talens à faire apprécier à-Ia fois et
concurremment le mérite respectif, quoique diffèrent , des troubadours
iet des trouvères , et auroient cherché à faire honneur à la France des
productions des uns et des autres. On ne voit pas que jadis les trouba*
dours et les trouvères aient eu des querelles sur la prééminence de
leurs productions littéraires, qu'ils aient été jaloux de leurs succès
rivaux ; et certes c'est se connoître bien peu en gloire et en amour du
pays , que de vouloir élever , au préjudice des uns ou des autres , ces
AVRIL 1830. 197
poètes qui ont chacun mérité ua rang distingué. La meilleure manière
de louer leurs ouvrages, c'est d'en profiter soi-même, et de mettre le
public à portée de jouir du même avantage.
Je n'ai pas attendu jusqu'à ce jour pour manifester mes sentimens
sur ce sujet. Voici comme, en novembre 1 8 1 6, je m'exprimais dans ce
journal 1 à l'occasion d'un ouvrage de M. de la Rue : ce L'utilité et le
» juste succès de la dissertation de M. de la Rue prouvent combien il
» pourra devenir avantageux aux lettres de publier en original les pro-
ductions des troubadours et des. trouvères, ces anciens poètes natio-
» naux que , dans le dernier siècle , on a mal à propos affecté d'opposer
» les uns aux autres , en disputant sur le degré de mérite qu'ils ont ,
» quoique dans des genres très-différens. N'est-il pas plus convenable
» que nous mettions notre zèle et nos soins à les faire connoître et
» apprécier , afin de profiter de tout ce qu'ils offrent d'utile pour la
» connoissance des moeurs , des usages , des opinions , des faits histo-
» riques et des progrès de la langue ! » Si M. Legrand d'Aussy n'avoit
fait qu'un recueil agréable contenant les extraits des contes, plus ou
moins plaisans , que les manuscrits des trouvères pouvoient offrir à' la
curiosité des lecteurs frivoles, son travail , après. avoir occupé un instant
lé public, n'auroit peut-être pas survécu au succès du moment; mais
deux causes principales ont contribué à prolonger ce succès et à faire
rechercher l'ouvrage.
L'une, c'est la querelle que M. Legrand cTAussy engagea en attaquant
la renommée des troubadours; le public ne pou voit guère rester
étranger à des débats auxquels leurs auteurs prétendoient que la gloire
nationale étoit en quelque sorte intéressée.
La seconde cause, c'est que les traductions ou imitations des fabliaux,
contes et autres productions des trouvères, sont accompagnées de notes
très-curieuses, qui , aujourd'hui même qu'on a étudié avec quelque soin
et quelque succès les mœurs, les usages des XII.% xill.e et XIV.C siècles,
ne laissent pas*d'offrir beaucoup d'intérêt et d'instruction: ces notes,
séparées de l'ouvrage et disposées par ordre de matières , forme-
roient un recueil digne de l'attention des gens du monde et même des
littérateurs ; je regrette de ne pouvoir entrer à cet égard dans tous les
détails qu'elles mériteroient , pour qu'on pût les apprécier justement.
Au sujet de l'origine des cours piénières , l'auteur nous apprend que
les rois et les princes du moyen âge ne tenoient pas leurs cours ouvertes
dans tous les temps ; en général ils n'en déployoient la magnificence
qu'aux trois ou quatre grandes fêtes de l'année. Des messages invitoient
les barons , les seigneurs relevan t du fief, et même les étrangers : ces
ip* JOURNAL DIS SA VANS,
réunions s'appelofent cours pîénières. Aux festins et aux danses se
réunissoient tous les amusemens connus dans ces siècles: on intro*
duisoit les ménétriers et les jongleurs; des dons étoiënt distribués
avec profusion ; l'argent étoit jeté au peuple en criant largesse. Mais
qui fais oit les frais de ces fêtes ! les vassaux ; ils étoient tenus d'offrir
des présens; la ville oit se tenoit la cour plénière supportoit une partie
des frais.
L'auteur fait remonter l'origine des cours plénières aux célèbres
assemblées que Charlemagne convoqua souvent. Lorsque Hugues
Çapet fut monté sur ie trône , il les rétablit. S. Louis , tout modeste et
tout économe qu'il étoit , mit beaucoup de faste et employa beaucoup
de dépenses à tenir à Saumur la cour plénière où il reçut chevalier son
frère Alphonse. Charles VII, sous le prétexte des guerres contre les
Anglais, se dispensa de donner de ces fêtes ruineuses, qui ne furent plus
renouvelées depuis. Le fabliau de la Cour du paradis offre une image de
la cour plénière, et celui du Siège prêté et rendu contient des détails* de
ce qui s'y passoit.
%Au sujet de l'usage de faire manger avec soi quelqu'un dans son
assiette, M. Legrand d'Aussy avance que c'étoit la plus grande marque
d'amitié que f on pût donner , et que de Ik est venue la locution que
deux personnes ont mangé dans la même écu elle, pour désigner leur
amitié. Dans les grands repas , on étoit réuni par deux , et les deux
personnes n'avoient qu'une même assiette ou qu'un même plat; la
galanterie du maître du logis consistoit à savoir bien assortir les couples.
Perceforest parle ainsi d'une fête : « Y eut huit cens chevaliers séant
» à table , et si n'y eust celui qui n'eust une dame ou une pucelle à son
» escuelle. »
Un fabliau a dit figurément d'un orçcle qui étoit amoureux de sa
nièce:
Et si sachiez que chascun jour
En une escuelle^manjoient.
Après les détails par lesquels j'ai fait connoître le mérite de deux de
ces notes , je me bornerai à de simples indications relativement à une
très-grande quantité des notes répandues dans l'ouvrage, et je nommerai
seulement , par ordre de matières , celles qui traitent des objets suivans :
Chevalerie , noblesse , barons , damoiseaux , varlets, fiefs , vavasseur ,
sobriquet; — tournois, joutes, armes, guerre, armée, milice, attaque
et défense des places; — fées, théâtres, jeux-partis, cours d'amour,
monnoies, besans, usure, Juifs; — jeux de dés et de tables» jeux
AVRIL 1830. 199
échecs, oiseaux de chasse» bains, horloge^ valeur des terres, aïirçens,
yûis ; — habilfemens , vétemens , parure , pourpre , soie , capes ; —
musique, musiciens, instruirons; — pèlerinages, tribunaux, procé-
dures; —curés, legs obligés en faveur des églises.
J'ai remarqué, dans les notes diverses , une érudition choisie et suffi-
sante, et plusieurs offrent des détails encore curieux aujourd'hui,
quoiqu'elles datent d'un demi-siècle.
II y auroit par fois des observations à faire sur quelques opinions ou
assertions de M. Legrand cTAussy ; mais aujourd'hui il n'est plus à
craindre qu'elles induisent en erreur les gens de lettres , ni même les
gens du monde, qui sont suffisamment avertis par d'autres ouvrages ou
par leur propre instruction. Je me bornerai aux observations suivantes.
M. Legrand d'Aussy dit que le roman de Gérard de Roussillon,
écrit en vers provençaux, n'est qu'une chronique rimée contenant
l'histoire des croisades contre les Albigeois : c'est là une erreur que la
troisième édition reproduit pour la troisième fois ; il convient de la
relever.
Je dirai donc que la chronique rimée des croisades de la guerre
contre les Albigeois est de Guillaume de Tudela, et n'a rien de commun
avec le roman de Gérard de Roussillon.
L'auteur de ce roman n'est point connu; cet ouvrage contient des
faits d'armes de Gérard de Roussillon et d'autres preux : Gérard refuse
de rendre hommage à Charles Martel ; ce refus occasionne une longue
guerre. • #
J'ai parlé de l'un et de l'autre de ces ouvrages au tome II du Choix
des poésies dç* troubadours, .
M. Legrand d'Aussy manqua l'occasion de relever le mérite des
trouvères, lorsqu'il ne- sut pas désigner sous le nom de sir ventes les
ouvrages qu'ils avoient composés en ce genre.
L'Excommunication du ribaud ,#qui se trouve au tome III, pag. 74
de la nouvelle édition, n'est ni un fabliau ni un conte; c'est un vrai
sifvente.
"II en est de même de la Patenotrc de l'usurier, &c. &c.
Dans la première édition des fabliaux, après avoir analysé le conte
des Trois bossus, M. Legrand cT Aussy ajouta en note:
ce Les imitations de ce fabliau sont assez nombreuses , mais je ne puis
» en citer aucune; elfes étoient parmi celles qu'on m'a égarées. Je me
» rappelle seulement qu'il se trouve copié, à quelque légère différence
» près, dans les Contes ta r tare s par Gueulette , &c. » Je crois avoir lu
aussi le conte des bossus dans les Mille et une nuits»
V
aoo JOURNAL DES SÀVÀNS,
M, Legrand cTAussy, après son analyse du conte du Sacristain lit
Cluny , déclare aussi avoir perdu les preuves qui! avoit rassemblées
des nombreuses imitations de ce conte , et il n'en cite que trois*
N est-il pas surprenant que , dans la deuxième édition , sur-tout dans
la dernière, de semblables lacunes n'aient pas été remplies!
Lorsqu'il analy soit ou abrégeoit les productions des trouvères ,
M. Legrand d'Aussy ne résistoit pas toujours au désir que sans doute
il éprouvent quelquefois d'enrichir son travail de quelques citations des
vers. les plus faciles et les plus agréables que les originaux lui pré-
sentent; et il faut dire que si Ton n'avoit eu à juger les trouvères que
sur ces citations , on se seroit fait une haute idée de leurs talens.
Ainsi y dans les notes du conte de Guillaume au Faucon, il rapporte
ces vers , qui peignent la beauté de la dame :
La florete qui naist ei pré,
Rose de mai , ne flor de lis ,
N'est tant bêle, ce m'est avis. . . .
Et de sa bouche etoit merveille
Que ele sanbloit passe-rose. • . .
Nature qui fête I'avoit
Y ot mise tôt son sens, •
Tant qu'el en fa povre long tens.
Dans le fabliau de Celui qui enferma sa femme dans une tour, M# Le-
grand cTAussy , après avoir exposé comment la fenfine trompa son mari,
rapporte les vers suivans , que le trouvère a insérés dans son conte pour
prévenir les conséquences qui seroient défavorables aux femmes :
Mais ne sont mie totes maies* ( * mauvaises, de malus. )
Aucunes en i a loyales :
Quand feme velt torner à bien. &
Ne la f uet contrevaloir rien.
Dans 10 Confession de la belle file , une pucelie vient se confesser au
chapelain <Ju manoir d'amour. Le chapelain lui répond :
Vous estes belle, jeune et tendre.
Digne de venir à grant bien ,
Car je vous jure qu'il n'est rien
Qui tant au dieu d'amour déplaise
Que laisser mourir un chrestien
Que povez sauver à vostre aise.
AVRIL 1830.: ; t. . *t£
À la fin de chaque volume, l'éditeur a placé Jes textes origirw** 4e
quelques-uns des ouvrages que M. Legrand d'Aussy avoit f5ut corç-
noître par des analyses ou par des extraits. La plupart de ces textes
avoient été imprimés avant ou depuis la première publication de Jow-
vrage de M. Legrand d'Aussy , et l'éditeur en ? soigné la réimpression ;
d'autres sont publiés pour la première fois , et c'est un service que
l'éditeur rend aux gens de lettres, qui aujourd'hui étudient notre ancienne
littérature plus que les gens de lettres d'autrefois ne s'en occupoient<
Parmi les pièces inédites, on distingue h Chien et le Serpent, un
fragment considérable de Partenopex de Blois, les deux Grisélidis, le.
Gieus de Robinet de Afarion, &c. Ce dernier ouvrage est en scènes et
en dialogues , et peut être considéré comme une petite comédie pasto-
rale : elle contient huit cent cinquante-deux vers, dont quelques-uns
éloient destinés à être chantés; c'est un opéra comique de l'époque. .
M. Legrand d'Aussy observe avec raison que cette petite pièce
dramatique , comparée aux mystères et autres pièces que produisirent
les premiers âges de notre théâtre , offre un, certain mérite , que la
marche en est claire , les mœurs vraies , et qu'on y trouve des détails
agréables.
Les diverses lectures que j'ai faites attentivement de cette pastorale,
qui intéresse sous plusieurs rapports notre ancienne littérature, me
portent à croire que c'est un ouvrage dont la composition remonte au
milieu du xiii.c siècle.
On y trouve encore des participes passés et des substantifs en ET :
Qui te donroit un horion,
Ne Tarait il bien em ploiet!
— Ah , sire, vous fériés PECHIET.
Ni est employé pour et comme dans la langue des anciens trouvères,
et sur-tout dans celle des troubadours :
Je vous pardoîns tout le méfiait
C'a mi Ni as miens avés fait
Mais ce qui fortifie mes conjectures , c'est qu'on y lit le juron de
par dieu.
Cette circonstance, d'après mon opinion, sert à prouver que la
composition de l'ouvrage est antérieure à l'ordonnance que Louis IX
rendit en 1 268 ou 1 269 , portant ce que nu! ne soit si hardy que il jure
» par aucuns des membres de Dieu, de notre-dame, ni des sainz, Sec.»
Depuis long-temps , j'ai pensé que, pour échapper aux peines portées
ce
*tf* JOURNAL:
par <*ttê ordonnance ef«m d^utres pGHérietrfei,.fe$ personnes qui
se perinettoietft les Juremétts, et sur-tout le| écrivains qui les rap-
pèftèierit; feu fiai de dire /nxr DIEU, màrt Dise, cor dieu, pro-
néncèrérit et écrivirent par&LEU , mors leu , torSLEU, et j'ai quelque»»
ibis employé avec succès cette conjecture pour «n fortifier d'autre*
relativement à la fixation des époques où avoiem été composés les
oâtftges dans lesquels se rencontrent ces énonciations différentes.
Peur reconnoître que les additions du nouvel éditeur donnent un
rtouveau prix à la collection de M. Legrand d'Àussy, je comparerai
un passage original avec la traduction ou l'imitation.
II n'avoit donné qu'un extrait très-court de la description du pays de
Cocagne.
ce Sur tous les chemins et dans toutes lès rues sont des tables dressées
» où Ton vient librement s'asseoir, et des boutiques ouvertes où Ton
» peut prendre sahs payer. Là se trouve une rivière de vin et un prin-
temps éternel. »
Les détails de Forigrnal sont poétiques, et donnent une vraie idée du
pays dont le nom est resté dans notre' langue pour exprimer un lieu où
tout est à souhait.
> <
r • Le ppys a à non Cocaingne ,
:t . Qui jlus i dort, plus i gaaigne;-
Cil qui dort jusqu'à miedi,
Gaaigne cinc sols et demi; -
De bars (*) , de saumons et d'aloses . (*) Barbots
Sont toutes les mesons endoses ;
Li chevron i sont d'esturjons,
Les couvertures de bacons
Et Us Iates sont de saussices
Moult a où pays de délices,
Quar de hastes et de courz os
I sont li blé trestuit enclos;
Par les nies vont rostissarrt*
Les crasses oes et tournant. ...
Si I'auroit-il à son talant;
Char de cerf ou d'oisel volant.
Qui veut en rost, qui veut en pot ; '. ...
Ne j* n'i paieront escot,
N'a près raengier, n'i conteront/
, . Àusi corne en cest pays font : r
?:: .AVRIL 18304; ; .-,». ao*
_ : C'est fiâfe vérhc* prôVfi* ,. .-, ;. .. 4. -
Qu'en la terre beneurée , •.
Çort une liyiefc dç vip, '
Si arrivent li nwerin,
Et U vôiftç i vont arrivant, ./
; Et H hansp d'<>r et d'aidant. l
31 ny a cïe'I&grà^eçtc^ ces vers , et fe pro$e dfe M.'.Efe-
grthd tfAiissy rie permettait pas de croire Qu'ils offrissent une dekiip-'
don aussi agréable. l ' '*•*.•$>
La première Içttjre <fti mot ma^rln a été imprimée en majuscule;
cette faute typographique, dans un ouvrage aussi soigné que celui-ci,
échappée relativement à un mQU.da l'ancienne langue qui n'est pas
resté dans la langue actuelle, pourroit induire en erreur quelques lecteurs,
sur-tout les étrangers ; je croi^ donc utile de la prévenir.
- MAZEirrai dàrisîâ làri^ue'dés trWèïe^ sîgfiifibh coùpe^ tàle r ' ^
Et .apportèrent estrelins,
Hànas, coupes et mazerins. ( Philippe Mouskes. )
Mais prudom , plus qu'ors ne qu'argens , v" , t
Est vrais et purs et enterrins ,
► ;;.,. * Et ûei plus quel nus MAZEKÏNS. * • 'i~>\*
: ( Fabl. et contSunc. tom. I, pég. 318.)
Cette expression nés (net) plus que nus majttins *. permet de créait
à Ja% pureté et à Fécla t des coupes de cette matière* . ' ;--.", v. : .. T- ,. -,
; On trouve dans les auteurs du moyea âge, depuis le Kll/ siècle*
fçyphi maqttini, de macère cupet ma%èrinœ> hanap de ma<ke,&c. Le nota
4cs la matière de ces coupes avoit été donné k .ces coupes mêmes* j
Quand M. Legrand d'Aussy eut publié les fabliaux et contes &c*,
en i779t l'auteur du poème du Jugement de Paris* M. Imbert, mit
#n vers plusieurs de ces contes; et lors de la seconde édition t faite
rei> $78 1 , M. Legrand d'Aussy indiqua au bas des extraits des £ibiâlik
^ucwtes, ceuxquiayoknté^imités pat JV3/Inibert. -,:< !.)--uy*t i>2un
Wj L^ nouvel éditeur a été fAxs généreux ; il a. fait imprimer qoeiquei-
fUtrçsr de oe& imitations., dont lès (détails ont souvent • de ia gtâce^et
?ptêsque tpupntr&upè aimable raaps dàmgepeitsQ ftbHbé.i un ;> îj <\vsa
•?"j aïiîf dk que A^oiin raiidit publié pâisieuw cbme*ctifaidiqsr:«ti
-OOgffc*!; fit M> Lcjpndijd\àuas^!diAsf^
JrfT[f n tirfç'pl'^ — ' *-j~-*i i^.^i^^;^^^^^.^^^ j^jj
CC 2
j0
io^ JOURNAL DÈfS SAVANS,
Le nouvel éditeur a ajouté à ces indications celles du renvoi aux
recueils publiés par M. Méon.
:Me seroit-il permis de taire que de très-belles gravures , composées
par des artistes habiles, ornent en grand nombre les cinq volumes, et
que tout l'ouvrage est imprimé avec luxe \ II semble que l'éditeur ait
voulu donner tous les genres de recommandation à la nouvelle édition
d'un recueil déjà recommandé par son succès précédent , et qui doit
également plaire aux personnes qui lisent pour leur amusement et à
celles qui lisent pour leur instruction.
RAYNOUARD.
c -
•
Transactions ofthe Uterary Society of Madras , part, i, whh
engravings. — Mémoires de la Société littéraire de Madras;
première partie, avec planchés gravées. Londres , 1827;
120 pages in-4.0 ,
Quel que soit le sort que la Providence réserve à l'empire prodi-
gieux formé par la compagnie anglaise des Indes orientales sur les
ruines de celui des grands mogols et des états gouvernés soit par des
pinces musulmans, soit par des familles indiennes d'origine et de
croyance , les sciences et les lettres auront toujours à se féliciter des
Conquêtes nombreuses et impérissables qui auront été pour elles le
itffuitat de cette révolution politique. Sans parier d'une innombrable
multitude d'ouvrages en tout genre dont l'Europe savante est redevable
amt recherches et aux talens de tant d'écrivains qui , aux devoirs que
Jeur< împosoient des fonctions administratives ou le service militaire
4ht joint un zèle constant pour le progrès de nos Connoissances sur
ittode ancienne et moderne, chacun sait de quel trésor de renseignemens,
aussi importons que variés, nous sommes redevables aux travaux de la
-Sbcpité asiatique de Calcutta, dont la collection comprend aujourd'hui
;§6t volumes. Xa* Société littéraire de Bombay., formée beaucoup plus
t?rd , et dont {'.activité , suspendue pendant quelque temps , ne peut
banquier de recevoir une nouvelle impulsion du génie et des talens de
— l(ttAsi<taili JCtuf I* *ir John Malcolm , à aussi acquis des droits incon-
UWtt^ jet è: J«t jtcortneàttance de l'Europe savante, par h publication de
troâ.Abiwneavbdoab^aTiéléi fnecc^iremeat $nàxt compte
dant-ioe
&
AVRIL 1830. ioj
journal. La présidence de Madras n'avoit point* jusqu'à ces dernières
années , pris part à ces efforts généreux : c est au zèle de feu sir John
Newbolt, premier magistrat de la cour suprême de justice de Madras,
et aux efforts de M. Benjamin Guy Babington , du service civil, que la
Société littéraire de Madras a été redevable de son institution. Cette
société, dont rétablissement remonte au 1 o février 1 8 1 8 , et qui a reçu
son organisation définitive le 19 mars suivant, n'avoit encore rien
publié, lorsque parut, en 1827, le volume dont nous allons rendre
compte. II est à regretter qu'on n'ait point jugé à propos de donner à
la tète de ce volume une notice sur la formation de la société, et sur le
but de son institution et ses réglemens, une liste de ses membres actuels,
et les noms des hommes qui, depuis 18 18 jusqu'en 1827, ont rempli
les fonctions de président et de secrétaire. On peut en être* surpris ,
puisque, dès Tannée 1824, la société, en s'occupant de la publication
de ses mémoires, avoit arrêté qu'une notice de ce genre seroit placée en
tète du premier volume , et que l'honorable sir Charles Edouard Gréy,
qui la présidoit à cette époque, s'étoit chargé de la rédaction de cette
introduction. Les rçnseignemens que nous donnons ici sont tirés de
VAsiatic Journal, qui a rendu , de temps à autre , un compte succinct
des séances et des procédés de la société.
La première partie des Mémoires de la Société littéraire de Madras ,
qui a paru à Londres en 1 827, se compose de douze articles. L'éditeur,
qui ne s'est point nommé, observe, dans un très-court avertissement ,
que la société fut privée , peu de temps après sa formation, de plusieurs
de ceux de ses membres sur qui elle avoit dû fonder ses plus grandes
espérancrs, et parmi lesquels elle eut sur-tout à regretter M. Francis
Vhyte EJIb , qui avoit amassé une immense quantité de matériaux sur
toute sorte de sujets , mais qui s'étoit fait une loi de ne rien publier ou
plutôt de ne rien rédiger jusqu'à ce qu'il eût atteint l'âge de quarante
ans. Parvenu à l'époque de sa vie où ildevoit commencer à mettre en
oeuvre ces matériaux, il fut enlevé pal* une mort aussi soudaine que pré-
maturée. Cet avertissement nous apprend en outre que les morceaux
que renferme cette première partie, ont été examinés et choisis pour
la publication sous les auspices du dernier président de la société, Sir
Ch. Ed. Grey ; que dans chaque morceau on a conservé, pour les noms
propres étrangers, l'orthographe adoptée par les auteurs; enfin, que
l'édition ayant été faite, non d'après les manuscrits originaux, mais
d'après une copie peu exacte , il est à craindre qu'il ne s'y soit glissé des
fautes que l'éditeur n'ait pas aperçues ou qu'il n'ait pas été à même de
corriger.
1 J
xot JOURNAL DES SAVANS,
Parmi les douze articles contenus dans ce volume, H en est pli»*
sieurs qui ont pour objet la géologie» la météorologie ou l'histoire natu-
relle, et sur lesquels nous ne nous arrêterons point. Nous passerons
aussi sous silence un mémoire de M. l'abbé Dubois , sur la forme des
jugemens de Dieu ou ordalies, qui sont usités chez les Indous; ce
mémoire curieux ayant été compris paf soft savant auteur dans l'ouvrage
qu'il a publié depuis son retour étl Frtuice , sous le titre de Mœurs et
Institutions des peuplés dît- Inde. î4ous allons faire connoître, Ie: plus
"brièvement qu'il tious sera possible, (es autres morceaux compris dans
ce volume, et qui appartiennent àl'hiistoire ou à la philosophie.
• Le premier a pour objet les livres qui servent de base à la législation
fie PInde. Peu après la formation de la Société littéraire de Madras,
<M. Eîfîs", dont nous avons déjà parlé, àvôh communiqué à cette com-
pagnie un travail très-é tendu sur là législation indienne; et ce travail
manuscrit , qui forme cinq cents pages in-folh, à été déposé plus tard
dans la bibliothèque dé la société. II est divisé -en trois parties, et contient
en outre une réfutation de quelques observations de M. Mills sur les
lois indiennes, observations consignées par cet écrivain dans le quatrième
chapitre du second livre de son Histoire de l'Inde anglaise. Des trois
grandes divisions de l'ouvrage de M. Ellis , la première traite principa-
lement dés livres dé lois dés Indiens; la seconde, de fa constitution des
tribunaux et des fonctions des magistrats et des officiers de justice; la
^troisième enfin , des formes de la procédure et des fugemens. C'est un
aperçu du contenu de la première division que Sir Ch. Ed. Grey donne ,
en conservant, autant que possible , les expressions mêmes de l'auteur,
dans le premier article de ce recueil. Il est partagé en trois sections:
ddns la première on apprend à connoître les livres qui forment la; base
^e la législation indienne , et qui sont en grand nombre , et écrits à
^diverses époques et en différentes contrées de l'Inde. De ces livres, les
'uns sont des textes originaux et les autres àe% commentaires ; mais c'est
-plutôt sur les commentaires, ou, pour mieux dire, sur les opinions
adoptées par les commentateurs et sanctionnées par leur autorité , que
sur les textes mêmes, que se fonde , dans la pratique , la législation de
Tlnde. Les instituts de Menou, à cause de leur antiquité .même, et
'ftute d'un commentateur qui en règle l'application à l'état moderne de
Jaf société, ne sont que de très-peu d'utilité pour la pratique actuellp.
^ La grande autorité accordée aux commentateurs, qui, comme on peut
bien s'en douter * ne .sont pas toujours d'accord entre eni, a fprmé
diverses écoles, et par conséquent a donné naissance , futtaatjet loca-
•t > • * t •• i
p
AVRIL l8jO. - ±07
Etés , à des différences dans l'application des fois et dans la jurispru^-
dence des tribunaux.
Dans la seconde section , Fauteur s'attache à montrer , par un grand
nombre d'exemples , combien les écoles de jurisprudence du sud de
l'Inde diffèrent de celles du nord , dans une multitude de points d'une
grande importance. II croit que cette différence vient surtout de ce que
la doctrine brahmanique, toul en obtenant la supériorité sur celle des
Samanéens ou Djaïnas dans Tlnde méridionale ( 1 ) , a dû cependant
transiger avec les anciens usages et les anciens préjugés dont elle
n'espéroit pas de pouvoir triompher.
Enfin, dans la troisième section, Fauteur fait connoître quels sont
les livres qui jouissent de la plus grande autorité dans (es provinces
méridionales de Flnd^, et auxquels par conséquent on devroit s'attacher
de préférence» si l'on vouloit former un nouveau digeste ou corps dp
lois pour ces provinces.
Ce morceau annonce dans son auteur une profonde connoissance de
la matière , et une vaste et solide érudition; il fait regretter que M. Ellis
n'ait pas laissé en mourant d'autre produit de ses longs travaux. Le sujet
traité par M. Ellis avoit déjà occupé le célèbre W. Jones, M. Cole-»
brooke, à qui la littérature indienne a de si grandes obligations, et
M. Ward. Sir Ch. Ed. Grey, dans les notes judicieuses qu'il a ajoutées
au travail de M. Ellis, a comparé ces divers écrivains mec les opinions
de fauteur , et a ajouté par-là un nouveau mérite à ce mémoire.
Le second article du recueil dont nous rendons compte, a pour auteur
le capitaine Robert Young , et pour objet certains monumens funéraires
existant dans la province de Haïderabad, et connus dans le pays sous
le nom tf Habitations des racschasasou géans. Ce sont des caveaux dont
plusieurs ont été ouverts, et qui sont décrits dans ce mémoire; ils ont
beaucoup de rapports avec une espèce un peu différente de monumens
également funéraires, très-communs dans la contrée située à l'orient des
Ghâtes et en diverses parties de la côte de Malabar, et nommés
Pandou-coulic, et aussi Kodcy-kall et Topic-ka/I. Dans les uns comme
dans les autres , on trouve des vases de terre remplis cTossemens qui
Croissent avoir éprouvé l'action du feu. Le troisième volume des Mé-
moires de la Société littéraire de Bombay contient une description des
— .— I— M^ B^t— ,^^ ^fc— — — ,^ — — — ■ Il — — —
(1) L'éditeur du mémoire de M. Ellis observe ici qu'il y a de fortes
raisons dé croire que les Samanéens étoient des Bouddhistes, et rion des
Djaïnas, et -renvoie à cet égard à un mémoire /le M. Erskiite, inséré dans I#
tome 111 des Transactions de la Société littéraire de Bombay.
ao8 JOURNAL DES SAVANS,
Pandou-coulies du Malabar» et des objets qu'on a trouvés dans ces
sépultures ; description dont fauteur est M. J. Babington. On ignore à
quelle nation et à quelle époque on doit les. rapporter. Une chose
remarquable , c'est que, dans la province de Haïderabad, ces tumulus,
si pourtant on doit leur donner ce nom , puisqu'il^ s'élèvent d'ordinaire
très-peu au-dessus du sol , sont enfermés dans une enceinte circulaire de
pierres brutes , placées perpendiculairement sur la terré , et fort rap-
prochées les unes des • autres , ce qui rappelle certains monumens
druidiques ou Scandinaves des peuples du nord de l'Europe. D'un autre
côté i les Pandou-coulies du Malabar , décrits par M. Babington , et qui
portent le nom de Kodey-kall, c'est-à-dire, ombrelles de pierre, et ont
la forme d'un champignon, offrent quelque analogie avec les pierres
levées des Celtes. Toutefois nous doutons beaucoup qu'orç doive tirer
<Jes conséquences historiques de ces analogies; car rien n'étoit plus
naturel que de désigner par une enceinte de pierres brutes le sol qui
avoit reçu les restes des morts» afin de le consacrer en quelque sorte, et
de le soustraire à toute profanation; et quant aux Kodey-kall , ils
semblent aussi n'avoir eu d autre but que d'indiquer que le terrain qu'ils
couvroient recéioit quelqu'un de ces vases de terre où Ton remfermoit
les ossemens, et ils paroissent n'avoir été employés que quand la nature
du sol ne permettoit pas d'enfouir profondément ces vases et de les
recouvrir d'un cénotaphe de pierres taillées, sur lesquelles on pût encore
jeter une couche épaisse de mortier mêlé de pierres, et amasser par
dessus le tout de la terre à quelques pieds de hauteur. C'est de cette
'dernière 6orte que sont les caveaux ouverts et décrits par M» Robert
Young. Chaque caveau renfermoit un nombre considérable de vases de
terre , et en outre des crânes humains et des os qui ne paroissoient
point avoir subi l'action du feu et n'avoient point été renfermés dans
des vases. M. Young ne paroît point avoir observé, comme M. Ba-
bington , que les grands vases en contiennent de plus petits ; mais il
a cru pouvoir supposer que les ossemens qu'ils renferment y avoient
été déposés à diverses reprises , ce qui donne lieu de penser que le
même vase renfermoit les restes de plusieurs individus.
Nous passerons immédiatement au quatrième article , dont l'objet est
de démontrer que , quoique les Indiens possèdent de temps immémorial
le système de chiffres que les Arabes ont emprunté d'eux et nous ont
transmis , ils connoissent aussi une autre sorte de notation arithmétique,
à bquelle ils emploient les lettres de leur alphabet. Nous nous bornerons
à rapporter les conclusions par lesquelles M. C. M. Whjth termine ce
Mémoire.
I
r
«Qu'il nous su,ffise de dire que, bi«, -que Fépfalle arithriiétifqp
» décimale fît; existé dans flnde de . temps itnméroprjtl •* il «t ; aimt
» incontestablement bien établi qu'un système de notation alphabétique
» a été en usage, i\y a i &#o ans» dans Ilnde sep tentriomte /sans qu*bg
» puisse présentement fixer avec quelque probabilité l'époque de soh
» origine; qu'un autre système de notation totalement différent, cjUai»
» que fondé aussi sur remploi des lettres du même alphabet* a eu oèurs
» dans fa partie méridionale de la péninsule , systèipe dont la date pri»
»mitive ne sauroit non. plu£ être déterminée» quoiqu'on puisse établir
» son existence, eh remontant d'âge -en âge, pendant un. espace: dt
y> près de a,ooô ans- » Pour juger, en parfaite connoissançe de cause,
des assertions de fauteur par rapport au dernier système donc il parie i
il faudrait pouvoir se rendre compte des textes lanKfits dont U J«s
appuie.» et peut-être desireroit-on encore qu'il eût d<HU*é#pfc de dé*e*
ioppemens sur l'usage de ce système de notation. Toutefois nous ptn+
sons qu'il ne doit rester aucun doute sur les points £*$eruiels qu'A a
entrepris de démontrer ; l'usage des chronogramme* dont il domiié
des exemples , nous paroit en confirmer suffisamment la vérité. )l
C'est encore k M. Wbith qu'est dû un mémoire sur l'origine et Tantë-
quhé du.^Qdiaque indien, mémoire qui est placé sou? le n.°. j^iLqs
textes que M. Vhith rapporte f pour établir, contre l'opinion de W*
Jones., qye Les Indiens ont reçu des Grecs la division du zodiaque eu
douze astéxismes, et les noms ainsi que les figures de ces astérisques*
nous paraissent, np.Iabser aucun doute sur la vérité de cette assertkfa»
et avoir d'autant plus de poids, qu'il est contre tpute vraisemblance que
les écrivains de ïtndè eussent déguisé la vérité, pour faire honneur à des
étrangers. de quelque partie de leurs conttoissances astronomigueaet
astrologiques v on retrouve chez les astronomes indiens les nomg grecs
des douze signes dg zodiaque, et ils reconnaissent que cp $ontdes noms
çtrangçpqui aont point de racine dans leur langue* Ils citentcoiVime les
plus anciennes autorités en fait d'astrologie, Maya et Yav&ia.fA* Wbtth
entend les , astronomes de la Cbaldée par Afay a, mot, qui lui paroît
n'être autre que çejui de Mages t et par Yvvana* il entend les Grtcs* h»
écrivains indiens, £U disant que Mayaètoii\m Asoura, semblent indiquer
euxrnêimç* fAssyrie pour sa patrie. Quanta Yavana, ou Yavanistara,
ifs assurent qqe c'étpfy un MUtcha, c'est-}-$re , un barbare, un étran-
ger, i,e pom feYflv&na, H est vrai » dans Fusage actuel , «'est guère \nu
qu'en mâuvàse part, et s'applique, comme lerme de mépris, à tous Us
n^itfjnaijs, TÇ',^,ea,çe, sens.qu'il est emplfty dans ce pjrçyerbe cètéî par
,^?^ * v> *******
Dd
»«o JQURNJ|t'I>Ë^;ÏXVAN5,
\*\
ipç tort aUHleite« tim.yàïnfla ]VViAVm ^Htftfi .aéttiotlt^è ^ué ce
mot rfrpirint « sera ^ând îf tf àgfc dé* t^^ a
communiqué -feu* Iridiens âès éonnoissances isttoitomiques et asttolo-
giqqes, quoique barb^ir/fm considéré par eific comfcrté un rischi, à cause
des* scienee et de fa pureté/de son caractère1. H fût , dit-on , Tarmi intime
de Caria, gourou on maître spirituel de Krrschrta; ori recueiîKt par
écrit et Ton traduisit eft sanscrit le* leçons qu'on avoit reçue*, de lui,
non-seulement sur f astHonortffé et Pàsfrblogîe , mafe aussi sur la rhoraîe,
nr cfertam* pofatéde* p^kjéeS î^g?etise$, et éai le pou voir illogique des
chamie*. Elles 9e*éôMervêjféfcf «t existent étttotfb; *<& sous Fa formé cf un
recueil, ou sefci ta forme dé «ifàtiems disperser dans dîvers cotvimehtiîres
trirtet tetefttes de I'feide. «Je ne f^s àucunei difficulté, dit M. Whith^ (^
•proposer h^drment cefté qu&tftrti f1 GrAM ^iri ràherchetoltaVec sùht'fù
**jmv{tt ék YaranisvaTa , tk pot&tirit-ll pas découvrir (t$ icti dorés Je
pêjfytÂdaré!*^ '«••*: " >~ • '• ^ •'• *
' M« whith pensé aussi que c'est aux Grecs que lés Indiens doivent
it connoissance de la division du temps en semaines; et il fait voir que
les nom* grec» dei sept planètes , d'après lesquels sont dénommés
Tes Jours de ia semaine , ne leur sonrpbiht ïncortnus. II assuré ffe plus
<p&uçun* mention de la dwisfàn hëftfchiàdaire du tçjnpi. jrià» pfa* que
dtt dourairignes du zddiàqbë; 'nVftf trôtrre dan^ le^ téc^s.
'-- Nott* auteur répond a quelque* objections de détail dç V. Jones,
erafopte encore, en foreur de son opinion, d'autres cofisidératfons
qtfe fesuis obligé de supprimer. Je rhë stris déjà p^Ut4rtre arrêté frop
Jong-temps sur ce mémoire, qui rh'a parti dton grand intérêt. Je rtr
grette que Fauteur n'ait pas toujours^ fùgé nécessaire dé {faduire fes
textes .sanscrits qu'il cite, et qute Hés éditeurs dt ce fétlièîl ' n'aS^V pas
rempH cette lacune. On pourrait aussi désirer que figed^s écqVarhs
cités ftt fixé, si la chose est pôésïblé, âtfec plus de Ttgifiïp.' ::i; #
Le douzième et dernier article du vofutnç est h trac&ctîoW<ftin aricien
acte de donation , écrit en langue carnatl^ue,^ gravé sui" des,p(a'hches
idrcuiv». Ofte doriatkni d\m viHagerfoiWnté }Pdtâver'dâ',:eiï\ïiie Ixbé-
taltéd'un prince indien, appelé Vbraoîl Ôà\apàÛ Cbndèjyrkta > 'èl îes
reverius provenant de cettfe tfotarion afevôfant1 fctft i^ptàf€i à délabrer
les ftte*de Sri Maholingodbàava] ù ihèu àcTçh&ômtoilélï.VzuXew
de cette traduction test un indigène, notàvrié'1 RûmT~}ïq£, attàiché au
collège du fort Saiht- George. Plusieurs pliitchéV 'mtéës hiëttettt spus
les yeux du lecteur Fa copié dé Forfginal. . r * r* i . ; '
H y a lieu de.s'étqnner qtfôÂ Vart ; Joilit' i !a pilfflkiiûpti dfe tfe' mo-
nument et de sa tradtittlbn, aûcurt m^merfre, aucun tedséighiftiett ,
».
. I A A VIT ttlftl I J^Oî n U O l M J
Mtflriè doté , pas même k tr^nicrlpl^f»i4i^ tô^ ftfigi#^i; :^i^ jine
eftose encore plus étorinaata et tou&à-&ii iii£*plica^Iç # ;c'es t qu'w *fc
ptffeKé , sotfs le titré <T^w/mi û^rir^» 4Ppimjt^pp^rt^paA^à fcet acte d*
tlohknorr , due planche qui: représente iVO.'fi'aggieAt ;d'ufl jiionugHIQ?
baby foAien , découvert entre le Tigrfe et rEvphrata* fttnrfi* q^e, çfftf
)>tàridftë te rapporte évidemment àtun autre artkta du volume, qui ofcst
-tjtiru ne simple note piqoée sous le n.°6* ;.:i - : .,-.»;..-; :<•. . ■•• ;</u
' Quoique nous nous' soyons bornéfe ^ Jtendrtricotnpte, des mémoirff
qu te vident peiir nous un intérêt particulier ♦ nous croyons en avoir dit
assez pour faire désirer la suite des Mémoires de la Société littératft) jdf
Madrés. Nous exprimerons seulement na vcfett pour :qu* les objets y
t&ikht traités irvefc- plus de détail, et qu'on apporte plus dç soin & leur
publication. Il serait aussi à souhaiter que les textes sanscrits fussent
dinnéîrdans leurs cacract*ret originaux. > .
, StLVESTRE Dï $ÀCY. .
• / - ■ »
-.i
:: '.
• 4 » *
BiBLÏottiÈQpE des Cëoïsades, par Ât. -■ Micfoaud . . v ;
Quatrième partie : chroniques arabes , traduites et mises en
ordre par A4. ReinauJ, employé au cabinet des manuscrits
de la Bibliothèque du Roi. Paris, Imprimerie royale,
librairie deDucoiiet, 1829, im*8.0 , xlvij et >8 a pages»
«.'...
SECOND ARTICLE.
c .
Plusieurs exemplaires de ce volume ont un frontispice partiqrfip%
at y sontimitulé*: jx Extraits des historiens arabes . relatifs aux guerres
»-des croisades; ouvrage formant, d'après las écrivains mu^ulpians , un
» récit suivi des guerres saintes ; nouvelle édition, entièrement refondue
» et considéfablement augmentée. » En effet, un travail déjà fott;>té»
commandaBIe de M. Reinairtf $eryoi^ de seconde partie à T^âifiàA
précédente de la Bibliothèque des croisadf s .'«ft M/ Wic^aud ^ flfojfe
cette deuxième partie prend aujourd'hui*' ainsi que .la .premiàri.. (*j »
beaucoup pfpr détendue, et acquiert plus cf*caithude^ > * ■ r as;
1 " 1 '1 i ^ 1 * 1 " ■ | i ■■ ■" '
(j)»Uft/«iMtt.cttyeM*^fr^ *iuA 9ii.-i £ ubncM .r
Dd 2
*<ii JOURK>Jl£'DSSISAVÂNS,
- 4 Là première occupé/ comme on Ta vu, trois volumes, dpm le 4ernier
*é fcitttifte ( pag. 3 8 y-jo4 ) par des extraits d'historien* grecs , Anne
<5oHmèhe, Nice tas Chonmte, Jean Cinnamus , Nicéphore Grégora*,
MfehelDuct** Georges Phrantxa; puis, dû plus célèbre des historiens
turcs , Saad-Uddin , et de deux chroniques arméniennes (4). Ii reçoit à
firfre connoître tei écrivains arabes, plus nombreux , qui ont jwfâ des
croisades : M. Reinaud a rempli cette tâche. En profitent de* matériau*
rassemblés par D. Berthereau, H a revu, achevé» et présenté sous de
teellletires formes , le travail souvent défectueux, de ce savant bépé-
ifictin. •• • ■ . 1 • "' .
'■' ' Lea observions préliminaires qui . ouvrent h volume que nous
arakonçons, contiennent des notices biogwpWqui$Sr ^ bjibliygrapbiqpes
sûr environ trente auteurs arabes, mais envisagés seulement cpmrpe
historiens des expéditions entreprises par les Européens eq Orient. Le
plus ancien (1) ctsjt.Émad-eddiu,>qiji, né en 112; à Ispahan, mourut
à Damas en 1 201 . II avoit été attaché en qualité de secrétaire à Nour-
eddin et à Saladin ( Salah-eddin ) ; il a célébré tes exploits du second
dans un ouvrage intitulé V Eclair de ta Syrie, dont il ne subsiste que des
extraits ; mais ii a traité le même sujet dans un livre qui s'est conservé
sous lé tint dt Modèle 4f l'éloquence de Kos ( nom (Ton contemporain
de Mahomet) : on . a. aussi cfÉmad-eddin une histoire des sultans
Selgioukides de Perse. Il n'est pqînt dit à quelle époque Ibn-Àbou-Taï
tèrinma sa carrière ; et d'ailleurs ses livres nous seroient inconnus , s'ils
* • S a
n'étoiem cités *ert de moins anciens ; mais on voit que se% récits corn-
prenoient au moins les dix années 1 1 64 à. 1 17 A • «U viyoit e$ ce temps-
ii, et Ton peut le regarder comme un contemporain d'Émad eddin.
Entre les auteurs arabes morts durant le Xlil." siècle et à placer
dans la Bibliothèque des croisades, Tordre chronologique ameneroit
d'abord .Abdallatif(i), dont la vie correspond aux années 1 1 6 1 à 1 2 $ 1 .
Sa- Relation de l'Egypte est umvertellemettt connue , dejtufc 181 o , par
*fa
:lu(i) D'après des notices rnsérées par M. Cirbwd dans le tome IX des
£nraits des manuscrits de U Bibliothèque dii Rqi*— (2). M. Reinaud a
4a p s sa Mfek alghabtâqqe des. chroniques arabes, tes noms d'Édrist
Ht*) det ctohéflé*: semlemeâs Ibw^Àbou-Taï t en rapportant <ra4ques cipcons-
tances d'une campagne 4e ;£hirçQti en* H$7> 4". &l stair-aji shérif I^drisi,
/
la tâdttctiéft français* quW a frite M. Sihésti» drfcwy (1) i'Ie^Be*te
arabe et une terapo iadnr avoient été auparavant pfcbfiét , particulière*
ment 1 Oxford en i8ck> (*). Abddfetif eut polir c^témporfin* Ibrt-
Alatir ()) et Boba**ddirc {4)«i Le premier a laissé une Histoire des
Atabec* ou pères de princes, et une chronique c+mptiu (é'est son titre) ,
tuais dont il . n'y a qu'une copie défectueuse \ la Bibliothèque du Roi.
Cet historien é toit né à Géziré sur les bords du Tigre, en 1 f 60; il a
vécu jusqu'en 1233. Boha-eddin, qui mourut deux ans plus tard, à
f âge de quatre-vingt «-dix ans, avoit composé un Traité de la guerre
sacrée, qui nfcjipipreit point parvenu; mais son Histoire de Safadm a
-été publiée en arabe ot en latin par Schultens (5) ; et ce livre , quoique
écris arec trop de négligence et! de désordre; est l'un des plus utiles
à consulter. sur oçtsetDatàkei Un Ouvrage d' Abcnt-Yafy ettibrassoit plus
de cent cinquante «fis, depuis 1097 jusqu'au milieu du xiiï.* siècle,
et n'est connu , dtr irtoins en Europe , que par les citations qui en sont
faites en d'autres Imes , spécialement dans le Miroir des temps dlbn-
Giouzî (6). Ce miroir est une chronique universelle qui s^étfendoit jus-
qu'en 1,257, époque de la mort de l'auteur , mais qui n'atteint que
l'année 1 1 i.prdaiis le manuscrit n.° 64 1 de fa Bibliothèque royale.
Kémal-edcEny c|ui vivoi t encore en 1261 , est fauteur d'une sorte de
actionnaire historique dont il a lui-même rédigé un abrégé , mais sous là
forme de chronique (7). Ji répète ce qu'ont dit Ibh- Alatir et Boha-*eddin;
cependant sop travail jette du jour sur l'histoire d*ÀIep et de tout le nord
de la Syrie, aux temps.de Noureddin et de Saladin. Les règnes de ces deux
princes sont ia principale matière d'une au* te compilation , Intitulée les
Deux Jardins, et faite par Abou-schàmé (8) , contemporain de S. Louis.
Les historiens précédens y sont rais à contribution, à partir «FÉtnad-eddin,
et y compris, des chroniqueurs dont les écrits n'ont point pénétré en occi-
tfent~ Ce qui ajoute du prix aut Deux Jardins , c'est la Correspondance
politique de Noureddin et de Saladin, qui s'y trouve insérée, année par
***»
(i) Péris, Treûttel etWïïrtz, i/i-*/ — (2) Aba.alfatipdi Historié AEsypti
cempindiHM, arabic} et latine: part iminse vertit, partim à PocockM versum
edtndwn^uravU, notfcaue Ulustravit, J. Whte. Oxonii,è rypogr. ClaTtnd. 1800,
1/1-4/ _ (3) (Ezz-eduin Ah )• *- (4) ( AbouUMahassen Yousouf Ibn-scheddad ).
— (j) Vim ttrts gestœ sultani Saladin i. L.- B. 173a, in-fol. — (6) (Scnems*
eddin Ab^H-mooaffcr Youssouf^— - (7) M- Rcinaud a Oublié d'avertir qu'un
morceM *M*&con «diable de cette' chjoonkitfe a été publié en arabe et en latin,
avec <Uft*9t$s tmrsavantet , parM.-Freitag, à Parii, en 1819, hi-8.9, souHe
tigre ùe&kçt+fK WtUrU Haltki. Voye^ noire cahier dje février 18191p. 67*77'
— (8) (S<bv4>*b^ddio,Abd-«Jubiiia«>:;.
2,4 JOURAtfli DE8 6AVANS,
^f¥^(A^*0toH^^fÀ4Qm^6sé de pI»^»JiÛ03i«^qui*dwcentlMt
J9*qtf».fW[iW 4W.aqy*l*ifà(b* utàs.&M iwaM posivonajcenaétift
q^cft ?jvi f*4rété wté<? prist cette éftocjuç. Gt* atteint pàtkittemmt
£* Mfltait4^*';4l2j:<Vk Je; fia cfaâe HfetoMe dés ^friarchès
cT^lfj^i^i^ '^Um^mq «iècie par . Sévère, évéqec égpptfef),
V tfi j4e§ ^itttflU|«urt dont Je> dernier s'a ppefop A\anHoud,ï>fifede
Maas^nn fttfe *#S* Vfcs docUmëm.pfétieuac sur lé» entreprises, Us
- -ISquf p&£<MK*nsi<â, conime Abdkàé *n :iiif v^Agetét;>cMqtt^%
?n* y .fà*>«ges £Up*ia om Ehfiîkin.r chrétien jcFÉgypie, qui rproplmoét
ïçç fcpçtf cms $4çri y^in, à la Cour du ^ulmii* Si Jcfoomque^ pdtfiié|e^eh
£3f|i/e {^ Etmihui avec une ^Tertio» latine- ^ * & h|»ontoit à la tréariori,
et s^1m^poif ^ J'*ti de outre ère ia6<* On *fescti»é)Qsqa!à làftwcbi*
un wle.mq in^l£ jft^^
à L'Jiif&irt dps tetf^dei talifu & Mf suhans de iHsiàmismt. LWteia-y
nomrpé X?£i > ^ qu'il écrit en l'année .679 de ' flfcégîre j* c'est * aUb
de J. C ; pt cependant le (ivre Ait mention de princes qui n'ont régne
qu'au xv.' siècfc, sait qu'il y ait interpolation de ces; artples* soit qnè (a
préface e; Fou v rage meute aient été. fabriqués après ftui a4oo+> Oh h
^IburKalIeç^n (*} we production phi&auihentique:é4èvedeBGlia^eddin,
puis ça# 4m Caire* ensuite grand çacfîde Damai, il **oit sorxante*onfe
4ns lo&qu'fl raqun^en 128*, laissant un dictionnaire de personnage
éminens. ,Çe pÎQH encore qu'une compilation , mns qui tient lieu
d'un grand nombre cffètoires et tfcs mémoires qu'il *?ok il » fEspbst*»
tion et qui nous manquent* - . .'*"'■ : • : * : t
. On fixe à Tannée 1 286 la mort de Grégoire Aboulfantge » qui* Hé
de 4>arens syriert* vers 4 226, a été luccessiveinem évéqqe de Gouba -dt
d'AIep, ex fripât des chrétiens jâcobitea, ii a écrit deuxi fiistoiies,
lune en syriaque 9 Tau tre^en arabe; toutes deux on té té imprimées avec
des versions latines (}), La première finit à Tan ta84; '» seconde,
qui n'est souvent qu'une traduction de la syriaque » présente, néanmoins
9"<¥
(1) Historia saraeenica , quâ res gesta Muslimorum. .'■. . ttfqué ai fcrfrfi**
hnperU Aetabecœi per 4g imperatotum stucessicnem JUniiUHhè e*plfc**twr\
\nsertis niam passé m ckristianorum rtbus itt Orient** petissimim ecclesHs eùdèm
tanflrt gestis ; arabici olim exarata à G, iElmaeinv, st latin) réédita taré
ÈrpmiU L. B. 1625, in-8.' Une traduction franc* if«, par Vattto, a été
imprimée à Paris, eo 1657, m-^.' —(2) { Schemt*eddl* Awul^atbhei Ahmed).
-»— (3) Abulftragi^ Chronicum syriacum , cum iari*Û version* IffàitÇ* ijty»
2 vol. /n^S publiée par M* Bruns et Kuch. fJisSôïi* Âompwn&osa dynts*
tiarum, arabici et latine, interprète fotûetâ*. 0*O*ti , 1663 ,^2 «wrf, f/f-^/. . ~
ciwtfHk <A^^às ^inowrrikriâces; tlie a étàtfaiHeuf^jçpnttnuée
JWtjtfWi WpV paf tfffibnônynie* Cet ouvrage !o« «e# ;tf«* ouvrage*
êtf^tatrie«rt,i Sur lek guerre* d'Orient, quelque* détiih qu'on ne
£ttfe&^ 4^ atitatfe aJtrt s<rtirc&. Nous n'avons poiàt à nous occuper
dts-2ctirt ^didgiquésr2^ ^hHp Us so/u
étrthgefe *uk ^flfeadtfci If tff .'anpasi lieu nor»?pius;<te .s'ari£t&' à un
Stitf-éddih dont <tfi tfa ftohrt le» litte^ pt qtafcst seulement ;ci^ flair
«A^mtétir ah&é du ivAi^ey^tyraine ayàhtpéorit dans ïq XJii/
ét^dmhé1 qu^uetf'd^taJIt'WriW oonbats* i*4 iwfrrs et tes traita
4P 5/ Loftfs. Mai* 1er Téuife, mfeux coa serrés i dé Àfafcéddinj font
(teirthMtrè lé* «uhftirè Blfcm wr Ktftomi, et s'étendent j*wqt& £?i&née
ï'ÏJf K Gémal'éddln (i tyifài mcfoiit nonagénaire ehri^a^^ex^
ëesJ ftrtetiôns ffcifcJiques* «r troàvé néknAioiat lei templ À£<We des
t&fër&dmtkî i'*AWë autres-but hietofse teèfrriifi»* jta^$Hibite4!0*
fttfté&.fl* la A»fwvri'ld^ Sahidm, qui 4taitkttmdé# Rmt*t cvm M
r/MjgrHti et tjàhàité commuée avec encore pbts dèjirottftiti. pflr Ibivr
AW%to*lî^<£e* p^btbfemetit *ér*iaiâà du xuu\ài&L Q}&&-.
-Môfi9tot\ et ibh-Zoufe* compiioientbrfeti biftoira»^ fdç î'jE^p^. qw
^*^^hf inai^mftai;4a:*«it)îroth*qti^ du Rfa** *t ^r«fl#eftn«t
^dqd^tfftlirtrêhHfe^r*crc*l«des.î , - • -:> . ....; ^ v .ir>.«iiî
^' Bfcîfe tttfe éi^éfttfon de* bbtoiims arabe» fusqi^e^j Ta^n^ i j^ci,
hcfcs rftJirt $0faWel<éttttés quelquefois deTprArç «*¥i ptf^jRf^wl,
tfffii dfei fcdus^pproobep <de «lui deslemps, le piuiqitflppjus éiojt
possibfe. ï'^. ' .']ii > .^ !••■:»-'-•■
; Le ktf .•T*î«tlrfotti^
• t jty Wd?|4cfc; ^<tbvégèflim^MbfaÎHeUîfi 9 <ro ai^cWjW** «flÇ**lW
de'Bfbatëj niiiiNwl «tttimepoe cetyném^i'o» ne jKwftle pokft.46u?
anttés? Vîèi de ; Ifbars , écfiteajf ime' pa». £zz-ed^Q (^n7s^h^a4#
r^iHrt, 1)eâiîtoûf3i pt«t tard, par Çoyorfthû En \ 1 3 » vWwapw Afe<*&
flKHf f S) , qài étoitf «*>à Damier au sein de J» jamîtfe fies Àya^jf^
êWfJ i;r <..M«grt Fécto'd* iër exploit* guefrier** il *'%J9W V#h(
tftëhPdë sa pHiitfflàlrtÉ * Hânàh ^'«ptès 1^1^ Cei^ 4i $W5>^Wgef
tjîliStiWit fè ^fa9H PfefetriM.derfiroisàd^^
gettfr" liuiiiain , -abrégé - fert rapide i fégard rie*
du ^mpV ou VïvSTthWei^: AboaRéda &A*çmkâ~mh± ëès em
dm» ite%k>«raM les ,pl» pure» ; if ,qpyvwf..% ^x^tfS^M
(i) ( Mohammed Ibn-Saiem )— (2) ( Émad-tddnr4«Miil^ v» t^uWv>n*\
il* JOURNAL îDESlS^VANS,
<f inexactitudes et dfeàéurs en! ce qui; conàtaniertcit les dyn*srie6 musul-
mânes de PAfrfqtwet def£spagnef fcHtte^eévoJmipns deJ'Àsje mineure
aux époques des Croisades ;^et trop de IrétitTaces dans l& partie relative
aux sultans mamèiou^ks d'Égjrp te • et de £prie«.Les léçiis d'4boulftda
• n'en ont pat meiitt wte t ràs^aote; impoHame ,r surtout une foi* qu'ils
atteignent Pan da^if fis ont été imprimas* ai 4>vtir de ce terme , avec
une versit^larinede^Rèi^ke (i,);et M^iJiWeMfe de Sacy * traduit dan?
la même langue ce qtrti jt a de: fju^fatftrut tff dans pe qui précède t,
savoir, ffcistoire'rieeiAailxss aVant Mahomet (a). Novaïrj (j), qsuj n'a
survécu qu'urt an 4 AboulfédaY est auteur tfùït ouvrage; intitulé ;7>nn*
te 4'iàtelligeWe iretèthement 4**i Jlfffrew gnttr de sciences i c'e*t< upe
sôrted,etM^fopé(Mei«3îorique quia delà fféléb^ et dont M. Reipaud
a extrtihqueiqpea 'articles, ît a Ait également usage d'une chronique cfa
l'islamisme, dont M «P étante à Pari* .que* deux, tome» »• et dans fequellg
t)éhebi^4) * niègéfiafiljèclès tes ^ri vains musulman*» Ce fompifay^ur.
qlii a hissé d*autft$ livres:, était né à Damai en * 1 274 ; il est mort eq
."t'H^** Lrf^p^Féd'lbmféiit^nes'mtîtermitiée qu'à fa)dnqt*ijème année
dii xv.e rfèderm^i*iavbit^(m jbix^teM:i«| adfi dafts le précédent.
Sa «htoritqué tfnh»ei*rftt efc pept-Ôti*, Jifc JVt Renaud te recueil
historique le plus complet qui.«itttè.ienr'X>iiMlt:il,li,fnipIit, à la
èMdthèt|tfë* W^VîenMy '4ix *ufooieai wânnwtri» qm embrassent les
a^nrfes de^t^c^tikfei^t/l^il'ôii «possédés pendant quelque temps à
Pàrfs; Feu fc** JémtdÀi * tqrfrjfaftMês tranmripdom «f «le* traductions
qui sont restées à la Bibliothèque du Roi.
- Nous riêfêni j^Us Jrïhdkjuerque deux hbtoraen**rafca da *y / siècle,
Mafcrizf et Abb€fl^MahaMen;erdeitK.du^vi.% Sof^Mlbi ftt^Mogir-eddin.
Le plus savant et le plus retro*mmé fies quatre, Ma\*vi £$) \ parie fort
souvent -ries crdlitadésy tant dans soit Histoire.de l'Jsgypte depuis
&fa<&n ^ t^ée; tdahs sa Description géographique de h même
cbhtrée {f). Il «*est pas un témoarç -des .4? éneftens de ces guerres,
péi*Jtf9 n'a vu le jow qu'en 1 36 5 f t quîl airécu jusqu'en r44* ; mais
VF à rWueHH vm frés-gwid nombfe.de iériis* de traditipqs et de docu-
ttienssôrt'ifc'esoJii toutefois, cie iea eppuéoer atfeq uae critique plus
it ftik'Jk\tiài\L f ij|i 1 "■ 1 Vj lé >i >iim)i | m*)* ■»!■;■■! 1 11 il ; f. f
*^<Wo«à*> ^Mfti .tnviiffflricîy tfnrôr* H à^\, offertes studio. J. J.
~ ' **>TitttA^WMf»i*i4f!i«^^7^9«»79i» 5 voL /*-*,'—(*) A la suite du
m % V&^&V* # &)™tikTH*- Oxfoùl, 1866, tn-4/ —(3) ( Sche*
MirAHçied j. — WW ScVros-eddid McAatfriéd).— (fl ( Taky-eddin
lammeffi^ffif TWft» delà rèhte fyti mène W **' <onmis**wa des dynasties
fbyâlM. — ff) Livre l/u uteiiijjcnifiu -et Je 4**éfl**ion du su/ci des divisions
territoriales et d*i >mmmkmiùis, -l» ■•-, — fnvî;.-'-;i«:
•#
-saine et plus s^ère ^e k $ienh«i Abodl-ftfcAawen (i), lié kAjepIettëls
<fun éfirmry albrsJétabfoau Cake, oè i*^obttnt Ixi»émedfg«ftévCeilë A
^ei productions qu'il a nomvnëtLivtc dek tuiles rttplendittant wïei uti-
lement &ux rois d'Egypte t est une ccmpifatiqn qui répare etvftttftifcJ la
perte ou supplée! l'absence de \ plusieurs ouVrages- pf us . origittSiflr.
Nous avons déjà fait mention d'une rie de Bibars par Soyouthi,? mais
pour dire quelle né se tfoutve point en Occident. I^> bibliothèque
royale possède un-autre litte de cet auteur» savoir-, 4ès Beaux ptMtsde
vue de l'histoire d'Egypte: il y remopte à la création; et descend jusqu'au
Xlv/ siècle ; il n'est mort lui*inème qukprès l'ouverttite du acv;% ' fiéiw te
temps où Mogir-eddin (2), cadi de Jérusalem , et le dernier historien
- arabe que nous ayons il nommer/ composoit la chronique qui porte le
troe <lt Corlfident agréable par rapport à l'Jiistfiirt de Jérusalem et
ÏFHibron. Elle embrasie aussi nous ietâges , mais en se restreignant à
ce qui concerne ou intéresse ces deux villes. ...1 ;i.(
C'est ainsi qu* se sont s|uccédé les écrivains dont M. Reîriaud
entreprend de recueillir ou d'abréger les relations , fa plupart inédites
ou non tradurtesv II en regrette de très-importante* , dont l'existence
seule est connue, et qui manquent, comme on vient de le voir, à
nos bibliothèques. II avertit &ai(feu*s que plusieurs de celles que àous
possédons sont incomplètes ou informés , et il ne dissimula pas qu'il
y en a peu d'originales :• beaucoup dé ces chroniques ne sont que des
compilations, que* des tissus ou amas d'extraits et de documens em-
pruntés. Mais de peur que ces désavantagea n'inspirent trop de
défiance, il ajoute qubprèa.tbut, «les grands écrivains, les historiens
? les plus dignes de ce nom , ne sont pas toujours ceux qui instruisent
>» le mieua^qb^y^ntianeinesute à garder; que, pour ne pas détourner
i* I>tteiwion, ilsf^nt'oMrgés* de cacher ou de ne montrer quVdémî les
*> éonsidéràtioQrf fe* plus importantes; que beaucoup -de faits précieux
* de l'antiquité feeroient ignorés, s'il ne restoit que les ^mortels
m» ouvrages -dès Tatfife» et des Tite-Live. »Ce sont là des idées dont
nous noterions» garantir ia justesse, lise peut, il la vérité > que, sans
jouin cFuhe réputation très-briflàtite , un historien contemporain des
événemens qu'il rapporte en éclairasse parfaitement quelques-uns, et
qu'on lui doive ainsi «les Jut*ièi*s <qa'od ne ptiiseroit pas en-dés KVres
phis renommés que le' iiettr mafe s'il 1 s'agit des compilateurs, <Jes
abréviateurs , des glossateurs siffvienos à travers les âges suivais , nous
croyons ipkttôt que î ce éwrt euxrqul ont; introduit le plus d erfèur* et
i, <yi. iii|iijBniQifir,nrlj ei-ii 1 ftl il in |e^sivi<ii> êiurtij f 1 ii
Ee
\
*rf JOU^iÇi D»$\SAVÀNS,
2jtté Jq J*i* ^ftér)èb*»fdatol^ »v« , Ja
(Confiance toute gratuite i qui leus est ^ocorfée^ Iconltibtie à imprimer
.UBOï&usse direction aux études historiques y à substituer les traditions
ring témoignages f lesi hypothèses aux notions positives» la divination à
.]* saine critique. Les historiens lis plus dignes de ce nom sont précisé-
ment ceux qui ont fait les recherches. les plus. exactes, et, à tous, égards,
le meilleur choix, entre les récits* C'est Ja perte «Tune partie considé-
rable des livres de Tite-Live , de Tacite , et de quelques autres grands
écrivains , qui est fr> nos yeux la principale cause de l'ignorance irré-
médiable àjaquelle nous sommes: condamnés, relativement à des articles
fort essentiels de l'histoire ancienne*
A Fexception cf Àboulfàrage et des auteurs de b chronique des
patriarches d'Alexandrie, tous les historiens arabes dont nous' venons
de présenter le tableau chronologique .sont <fes musulmans : ils ont
contre les chrétiens des préventions aveugles» qu'ils expriment par des
formules injurieuses ,' et qui ne leur permettent pas de garder une
constante impartialité. Cependant leurs récits sont assez ordinairement
véridiques; ils exposent les faits tels qu'ils les savent,, sans altération ,
sans addition, sans réticence* Sobres sur-tout de réflexions philosophiques
ou politiques, ils. écrivent avec plus de simplicité que n'en promettent
les titres pompeux de leurs livres et leur caractère d'auteurs orientaux.
M» Reinaud n'en désigne que trois auxquels on ait à reprocher des
déclamations et de l'emphase; Bgha-eddin, Ihn-ahtir, et sur-tout
Êmad-eddin, qui emploie, k la manière des rhéteurs ,. uAe. prose rimée
et cadencée , au risque de sacrifier quelquefois à la rime l'exactitude
historique. Mais les défauts des autres chroniqueurs 9 moins anciens
que ces trois- là , sont plutôt l'incohérence des détail* , la diffusion du
discours, et souvent fa trivialité do. langage* Il va «ans dire qu'ils
prennent leurs dates dans Père de l'hégire t M. Reinaud y Joint toujours
.Fannée de 1ère chrétienne. II explique aussi , vers la fin de ses observa-
tions préliminaires , le mot tddin, qui entre, daiy plusieurs «oms propres
de ces écrivains et des personnages dont, if s parlent* £ddio signifie
religion; Nour-eddin, Emad-eddin, Kémal-eddin , Schetm-eddîh , &c,
lum'ùrc 9 colonne , complément 9 soleil , &c. , de la religion»
Pans les trots premiers volumes de h Bibliothèque des croisades ,
M. Michaud a successivement analysé tous les historiens occidentaux,
à mesure qu'il les a rencontrés en des recueils ou en des éditions par-
ticulières. AL Reinaud suit une; anpe méthode : il ne s'attache plus à
la contexture de chaque ouvrage » m 4 la série chronologique des au-
teurs, mais à celle des- évéaemens qirtl* maooirm. i&àk avoir jeté
AVRIL il 830. xty
un coujvcTceif sur Tétat des contrées orientales à la fin du xi/ siècle,
suc les dissensions politiques et religieuses qui les agirent,. il suit'
le 6) des grands faits donf se compose l'histoire des croisades J depuis-
l'attirée des Européens en Syrie», l'an 1097, et la prise <tf Arçtioche par
Bpémond, en ro 9 8, jusqu'à la reprise de Saûit-Jean-cTAcrè par les musuK
iqtift , en 1295 , et à. la destruction des' colonies chrétiennes, qui tit
fi* la sifita iminédiate. U distribue dans le coups de ces deux siècle*
cçat six événfemens principaux r autour desquels tous les autres se grou-
pent ; et sur chaque article , il donne des extraits ou des abrégés de
tout ce qu'en ont dit les écrivains arabes. II compare leurs divers
récits, en rapproche, ceux des occidentaux , et souvent édaircit les un»
et les autres par les observations des savans modernes et pal* les siennes
propres. Ce volume offre donc un précis de l'histoire entière dès croi-
sades i et par conséquent nVst point susceptible cf une analyse' propre-
ment dite. La meilleure manière d'en rendre compte serait de trans-
crire, comme exemples, deux ou trois des 106 a rudes; mais ils occu-
pproieàt ici trop d'espace , et nous n'en pouvons offrir que* de simples
aperçus. ••
Entrée des croisés à Jérusalem, bataille d'Ascalon en topp (pag. 1 1-1 5).
Ibn^Giouzi assure qu'il partit cTAntioche un million de Francs dont
la. moitié étoit capable de service militaire. Kémal-eddrn n'évalue le
nombre de ces guerriers qu'à 32o,ooo7"Cette armée, en côtoyant la
mer 1 s'approcha de Jérusalem , qui appartenoit alots aux Égyptiens et
avoit un commandant nommé Iftikhar-eddaulé [ gloire de l'empire]. Le
siège dura quarante jours» Les Francs élevèrent deux Yottrs qui dévoient
dominer les murs dé la place ; Fuhe du coté de ta porte de Sioft i l'autre
vers les portes d'Asbat et d' A moud [des Tribus et de la Colonne]. t*es
assiégés brûlèrent la première de ces tours; h seconde s'avança tort
près de leurs murailles. Les chrétiens mirent en feu toittea faits ma-
chines ; et s'élançam eux-mêmes eomme un seul komwH» sttr les musul-
mans 9 ils les dispersèrent; et forcèrent rentrée dfe la ville. La foule
dc*« faabitaos se réfugia dans f* mosquée tFAlacsa / Bfttié par Ovttà*
sur remplacement' du.» temple -de Salomon: lé* vainqueurs* les ypou*-*
suivirent, en tuèreàit cent mille s^Ion lbrt^Giouzi , et firehr un égfel
nombre de prisonniers Mogir-eddin dit qu'il' n'a voit été atconlé au*
musaUstaasquWdébédeitrofc jours pour sorâfd* Jérusalèmy et qu'im-
patiens de^évadèr, ib«ipressèré«tfeHeméntéiut ipwte*<te 1* mosquée,;
que plusieurs y périrent étoufës*!^^ <* temple
ua riche butHvvmgt4ampe*ePoi% cinquante «forgent, et une plus grande-
qui pesoit 4 1 • rt*ts<*it 4iwta"tfc Syrfév >lbii-Gioint^të^6h £*•
Ee a
2$oz JOURtf^BinJESlSr^VANS,
fçrjW le^. Juifs danà lebn: synagogue, ètiqtfoa fca<y ï*Ûla;^H*i*^!àk;
qja'au jnproenticle i'ehtrée des Infidèles dans (a ville sainte; une éclipse
ds spfeil là couvrit d'épaisses. ténèbres. Cependant le visir Aftfal ac- '
cojiroif d'Egypte à h\ téde de 2.0,000 guerriers; et se portoit sur Ascsfotî.
II .envoya ^du Ibn^Moyassar*:rin député; «ux chefs des chrétiens, pour
se plaindre des attentats oofamis contré tant de milliers de victimes. Mais
f approche, <f un« formidable àrméé de croisés cthuiignit Àfdal à prendre
la,. Alite ; ses: musulmans éperdus se cachèrent dans des hranthes de
sycomores; on y mit le feu: ils périrent' au toi Heu des flammes. Ibn-
Giouzi ne fait quune mention jrés^sômmaire du siège et de la bataille-
cTAacalon. , (Ce. que Mogir-eddui' rapporte de plus, c'est qu'un poète
musulman; pour frire ,*a cour k Raymond de Saiht-Gilles, à qui Ton
attrifeuoit tout l'honneur de cette* (victoire f ■ kit adressa ces paroles :
ce Tu as v&iricu par fépée du Messie; Dieu 1 quel homme que Saint-
*> Gilles ! Jamais la terre n'avoit vu de déroute pareille à celle d'Àfdaf. »
Ces mots blessèrent si vivement l'orgueil du visir , qu'A fit assassiner
le poète. Des fuyards portèrent à Bagdad, à ce que dit Aboulféda,
la nouvelle de ces désastres: on étoit au mois de ramadan; le peuple
concerné se répandit dans les mosquées, et les esprits se troublèrent
à- tel point qu'on oublia d'observer ie Jeûne. Dans ces tristes conjonc-
tures, le poète Àbiv&rdi composa une sorte de complainte que Mogir-
eddjn a recueillie,, et que M. Reinaud a traduite.
Nous retrouvons quelques-unes de ces par ticu fa ri té s dans le tableau
que M. Michaud (1) a tracé de ces taémes événemens } mats les his-
toriens occidentaux lui ont fourni des détails plus nombreux et plus
précis. Chez eux, les guerriers européens qui marchenbà la conquête
de Jérusalem sont k peine cinquante mille, et ne traînent aucupe multi-
tude à leur suite. Us traversent en bon ordre les territoires de Bérithe,
de Tyr et de Sidon, s'emparent de Lydda et de Ramla, arrivent sous
le) murs de Ja cité sainte , et font les préparatifs du siège. Des chré-
tiens sortent de la ville et se joignent à eux. Trois assauts se livrent ;
uftç irruption plus vive rend les croisés maîtres de la' place. Quant
aux massacres horribles qui ont souillé cette victoire, c'est un point
sur lequel les écrivains des deux partis sont malheureusement trop
d'accord, sauf pourtant des variantes légère*. Les relations latines attri-
hitëiu ï Çodefroy de Bouillon, et non & Raymond de Sarnt-GrHes, la
principale p*rt au triomphe de Farmécr chrétienne à Ascalon.
Siegf 44 priu dt Jérusalem \par Salëdi** in 11 ï? ( pag. 2o4-2oj> )-
. .. ?;_
(1) Jiiftqitf dfttrtisada, 4Aé4iûo0; locvlrjfcg. 392-4&1.
^ l
«,■/
avril 1850.1 : •.''. M. 2a 1
ÂuTdire de Mognveddîn , paladin , qui hésitoit à tenter l'attaque de
Jérusalem , n'en prît la résQlution qu'en recevant une lettre en trois
ver?, où cette ville elle-même le pressoit de la délivrer : ce serait une
bien petite cause d'un grand événement. Émad-eddin en suppose, une
autre qui n'auroit guère plus de valeur f 3a voir, la prédiction d'un
astrologue qui assuroit qu'il n'en coûteroft qu'urt œil au sultan pour
emporter fa place. Je la prendrai» s'écria Saladin, dussé-je y perdre
les deux yeux ; et quittant aussitôt les environs cTAscalon , il s'élança
sur Jérusalem. Il y avoit alors dans cette ville, dit Ibn-AIatir, un pa-
triarche plus révéré que le monarque , et un seigneur de Ramla, Balian»
que son rang et ses exploits élevoient presque au niveau de la dignité
royale. Ces deux personnages» beaucoup d'autres chrétiens» et surtout
les réfugiés des villes voisines déjà tombées au pouvoir des musulmans»
se montroient disposés à tout sacrifier pour défendre leur dernier asile.
Un émir qui s'avança trop près des remparts , fut massacré avec' une
partie de sa troupe. Mais Saladin achevoit de rassembler son armée. •
Durant cinq jours, il examina les dehors- de la place» et adressa ensuite
à ses émirs un discours que rapporte Émad-eddin. L'attaqué eut Heu
par le côté du nord, vers la porte d'Amoud ou de (a Colonne» près de
l'église de Sion, dit Ibn-AIatir: mais il faut, comme l'observe M. Rer~
naud, qu'il y ait là quelque erreur; car I église de Sion est au sud, et,
selon Mogir-eddin » la partie méridionale du rempart fut renversée la
première. Plusieurs petits combat* se livrèrent» également funestes aux
deux partis; et à ce propos» Ibn-AIatir cite le verset de l'AIcoran:
ce Ils combattront pour la cause de Dieu ; ils tueront et seront tués. »
Enfin les musulmans ouvrirent la brèche» creusèrent h mine » et sap-
prétèrent à y mettre le feu. Un si pressant péril inspira aux cheft des
assiégés l'envie de capituler ; ils étoient d'ailleurs découragés par l'éclat '
d'une conspiration que des chrétiens melkites avoient tramée au sein de la
ville» et dont l'historien des patriarches d'Alexandrie rend uit compte par-
ticulier. Les principaux habitans» députés vers Sâladin, lie reçurent de lui
qu'une réponse menaçante ; il leur signifia qu'il passeroit tous les hommes
au fil de l'épée » et réduirait le reste de la population en servitude, ainsi
qu'en avoient usé les chrétiens quatre-vingt-huit ans auparavant. Mais»
fléchi par les discours de Balian» et cédant aussi aux conseils de ses émirs»
il consentit à recevoir une rançon de dix pièces d'or pour chaque homme»
de cinq pour chaque femme, de deux pour chaque enfant. II accorda
pour le paiement de ce tribut un délai de quarante jours. Balian contracta
l'obligation de payer trente mille pièces pour les pauvres» dont le nombre
fut approximativement évalué à 1 8,000. Après cette convention» Jéru-
222 JOURNAL DES SAVANS,
salent ouvrit ses portes, et l'étendard musulman flotta sur ses murs. Tel
est te récit d'Ibn-Alatir : il en résulterait que la ville auroit été prise en
quatre jours ; ce qui ne surprend point , lorsque Ton songe à fa conspi-
ration des melkkes , et à l'extrême fbiblesse des assiégés , qui n'avoient
aucun secours à espérer contre les forces redoutables dont le sultan
disposoit. Toutefois dés auteurs occidentaux ont vu dans cet événement
un effet de certains phénomènes célestes, et, comme eux, Aboulfàrage
fait remarquer que , huit jours avant l'entrée de SaJadin k Jérusalem ,
il y avoit eu une conjonction de toutes les planètes, excepté mars, dans
le signe de fa balance, pareille à celle qui jadis s'étoit accomplie dans
ie signe des poissons , à l'approche du déluge universel. %
Sur: tes principales circonstances -de cette occupation de Jérusalem
par les musulmans, les récits des chroniqueurs européens, Raoul de Cog-
ghesale, Roger de Hoveden, Bernard le Trésorier, et, d'après eux » de
M. Mkrhaud (i), sont à-peu-près conformes à ceux des Arabes;
la plus notable différence auroit pour objet la durée du siège qui , au
lieu de Quatre jours» est portée à treize par des écrivains d'Occident,
et même à vingt-trois, mais fort mal à propos» à ce qu'il semble, par
quelques-uns.
Seconde croisade de S. Louis en 12/0 ( p. 5 16-524). Ibn-Férat expose
que les Tartares de la Perse , ennemis du sultan Bibars, s'efforçoient
de «lever les colonies chrétiennes; qu'Abaga, chef de ces Tartares,
envoya des députés il des princes européens , que le roi cTArragon fit
alliance avec lui, et qu'ils se donnèrent un rendez -vous en Arménie.
Une flotte partit des ports de Catalogne ; et malgré la tempête qui
détruisit une partie pies vaisseaux qui la composoient, plusieurs abor-
dèrent au port d'Acre , ainsi que des navires venus des autres régions de
l'Occident, Encouragés par ce secours, les Francs reprirent les armes,
mais s'avancèrent avec tant d'imprudence, qu'ils furent surpris et mis
en fuite par les troupes musulmanes. Bibars étoit alors en Syrie avec
sou armée ; et Mogir-eddin raconte que ce prince, allant en pèlerinage
à Jérusalem , s'effraya de. trouver à une demi-lieue de cette cité un
monastère chrétien renfermant plus de trois cents religieux: il en
ordonna. la destruction, de peur que les Francs n'en fissent un lieu de
retraite pour leur armée. En vain les moines lui offrirent de riches
présent et s'efforcèrent de le rassurer: il resta inexorable. S'étant
ensuitrreridu en Egypte pour mettre le pays en état de défense, il envoya
■
(1) Histoire des croisades, 4-# édit; tom. II, pag, 336*355.
AVRIL 1830. ai;
des ambassadeurs et des présens à divers princes occidentaux. Sur ces
entrefaites, on apprit que le roi de France faisoit voile pour Tunis,
se souvenant , dit Gémai-eddin , des revers qu'il avoit essuyés vingt ans
auparavant en Egypte, et ne voulant y retourner qu'après les avoir
réparés par d'autres conquêtes. Voici comment s'exprime, sur fa dernière
expédition de S. Louis, Makrizi, traduit par M. Reinaud : « Le roi
n de France, avant de se mettre en mer, avoit fait part de son dessein
»à tous les rois de la chrétienté, particulièrement au pape, qui
» est comme le vicaire général du Messie. Le pape s'empresss d'in-
» viter tous les princes chrétiens a prendre les armes. Il permit même
•> au roi^e France d'appliquer aux frais de cette guerre tous les biens
"des églises qui seroient à sa bienséance. Les rois d'Angleterre,
» d'Ecosse et d'Aragon consentirent aussi a le seconder. Tunis étoit
*> désolé par la famine et la misère. Le prince de Tunis ( il s'appeloit
» Mohammed Mostanser-Billah ) , ayant appris que cet armement se
» dirigeoit contre lui, envoya un député au roi de France pour lui
» demander la paix; il joignit même à sa demande une somme de 80
» mille pièces d'or. Le roi prit l'argent, mais il persista dans ses projets
» hostiles. Il débarqua sur les côtes d'Afrique avec six mille cavaliers
» et trente mille fantassins, et aussitôt le siège commença. A cette nou-
» velle, le sultan Bibars se hâta d'écrire au roi<le Tunis pour l'exhorter
» à avoir bon courage, et promit de le soutenir de tous ses efforts.
» II engagea les Arabes nomades de Barka et des déserts d'Afrique
»k marcher au secours des assiégés; par ses ordres, on creusa des
» puits sur toute la route , et ses troupes se disposèrent a se mettre
» en marche. Tunis étoit dans le plus grand danger. Au milieu de
» moharram ( août 1 270 ) , il se livra un combat terrible entre les deux
» armées, où il périt beaucoup de monde.de part et d'autre. Déjà
» les musulmans étoient sur le point de succomber, lorsque Dieu permit
•j que le roi de France mourut. Alors on 'fit la paix, et l'armée chré-
m tienne remit à la voile. Une chose fort singulière, ce sont les deux
» vers suivans, par lesquels un citoyen de Tunis, faisant allusion à ce
» qui étoit déjà arrivé au roi de France en Egypte, lui prédit dès
« le commencement du siège un sort encore plus funeste : O Français !
» Tunis est .la sœur du Caire ; attends-toi à un sort semblable : tu y
» trouveras une maison du iils de Lokman , qui te servira de tombeau,
« et l'eunuque Sabih fera place aux anges Monkir et Nakir. »
La maison du fils de Lokman avoit servi de prison et l'eunuque
Sabih de geôlier à Louis IX, durant sa captivité en Egypte. Nakir et
Monkîr sont, chez les musulmans, les deux anges qui reçoivent les
ai4 JOURNAL DES SAVANS,
âmes des .mort*. Du reste , çt ces deux vers et d'autres traits du récit
de Makrizi ont déjà trouvé place dans l'Histoire^des croisades de M. Mi*
chaud (i), au milieu d'une narration beaucoup plus étendue de la
mort de S. Louis. M* Reinaud cite de plus Gémal^eddin , qui , en parlant
de cet événement et de l'épidémie qui ravageoit l'armée chrétienne,
ajoute que Bibars, dès que la nouvelle en parvint au Caire, se bâta
de la transmettre en tout lieu , particulièrement à Hamah , où vivoit
alors f historien. Quoique ayant été si bien informé ; Gémal-eddin ne
se souvient plus de l'époque d'un si grand fait : il le place à l'an 660 de
l'hégire , 1 ad 1 de J. C, ; et il est arrivé de ik que Makrizi l'a rapporté
4eux fois s Tune sous cette année 660 , l'autre sous sa véritable date
609 (1270).*
M. Reinaud donne ensuite la traduction du traité conclu entre
PhHippe le Hardi et le roi de Tunis, traité dont l'original arabe existe
aux archives du royaume, et que M. Silvestre de Sacy a fait connoître.
.« On voit que ce quatrième volume de la Bibliothèque des croisades in-
dique tous les documens en langue arabe qui doivent éclairer et com-
pléter l'histoire de ces expéditions, ceux du moins qu'il a été pqssible de
rechercher et d'examiner en France. Peut-être n'eût-il pas été inutile
d'y joindre , d'après les catalogues des deux ÂJssemani et de Casiri , les
litres des manuscrits acabes, relatifs à la même matière, qui se conser-
vent à Vienne , à Rome , à Florence , à fÇscurial. En général , la
partie bibliographique, qui sans doute n'est pas la plus importante,
mais qui a bien aussi son utilité, n'est pas celle à laquelle les auteurs
de cette bibliothèque ont apporté le plus de soin : on en est dédom-
magé, dans ce tome IV comme dans les .trois précédera r par l'étendue
et l'intérêt qu'ils ont su donner à la partie historique , ainsi que par
la rédaction claire, précise, élégante, de leurs notices et de leurs extraits.
Qe mérite s'étend même à leurs notes, dont la plupart auraient pu ,
à ce qu'il nous semble, passer dans le texte; car elles contiennent
le plus souvent, et sur-tout dans le tome IV, des faits et des détails
,<Je la même nature. Nous pensons qu'il seroit plus commode pour les
lecteurs de n'avoir à remarquer, au bas des pages, que de simples
•renvois à des livres imprimés , et que les transcriptions de textes
pçîçntatuç inédits. Mais nous conclurons avec plus de confiance, du
<$mptp que noqs yenons de rendre de ces. quatre volumes , y compris
le cahier de tables qui les accompagne, qu'ils suppléent, autant qu'il
è^l ' ' 1 ■ ■ ■ 1 1 | ■ ■ 1 • m ■ ■■ , . « m
'tiWXp'?ï%:W *ruf*< ' i — ••■••■•• ■■«■ *-« ••- ■ •■'--
AVRIL 1830. iVf
se peut, Vf absence d'une collection générale de tous les historiens
des croisades , et qu'à beaucoup d'égards ils préparent le travail des
éditeurs qui la doivent un jour entreprendre; Conviendra-t-H alors de
suivie, comme Ta fait M. Rêinaud, Tordre des événemens y et de
distribuer sous chaque article de l'histoire les textes arabes qui le
concernent! ou bien» en descendant d'Émad-eddin à Mogireddin,;
fai$sera-t-on les textes de chaque auteur» relatifs il ces guerres, ras-
semblés ~ en un même corps d'ouvrage! Nous présumons que fort"
préférera ce second système ; mais nous devons avouer que M. Reinaud
a tiré un très-heureux parti du premier*
• DAUNOU.
De l'Éclectisme, ou premiers principes de philosophie géné-
rale, par M. de Reiffenberg, professeur de philosophie a
Loutain; i.re partie , divisée eu 4 sections, in-S.° Louvain,
i8a8, 1829.
SECOND ARTICLE.
Cet ouvrage est un manuel destiné k servir de texte aux leçons dir
professeur , et de guide à ceux qui viennent l'entendre. L'auteur déclare
qu'il ne l'a pu écrit dans la langue académique » parce qu'il n'est pis
fâché de rendre compte de son enseignement J quel qu'il soit, à tout le
monde, et qu'il regarde même cette publicité comme un devoir; et si
tout y est abrégé , il rappelle que ses explications de vive voix doivent
être le commentaire et le complément de son livre.
Il commence , dans des préliminaires , par diviser la philosophie en
quatre parties. La philosophie traite, 1 •* de la sensibilité, de la génération
des Acuités de l'entendement et de la volonté (psychologie) ; 2/ des
produits de l'entendement ou idées ( métaphysique ); 3.0 des produits de
la volonté ou actes moraux ( éthique ) ; 4«# des formes rationnelles et
méthodes à l'aide desquelles on peut augmenter les forces de l'esprit
en rendant ses opérations plus faciles , plus promptes et plus sûres
(logique). La théorie du beau dans les arts (xstbétique) est, selon
fauteur > une dépendance directe de la morale. De ces quatre parties , il
xifi JOURNAL DES SÀVÀNS,
ne donne ici que la première» la psychologie, qui est le fondement de»
trois autres.
11 annonce , dans ces mêmes préliminaires , qu'il appliquera k ce
nouveau travail les principes de sa brochure de 1828. II prendra la
vérité par- tout où il la trouvera, « avec empressement et sans rougir de
» êes emprunts tJetix do Urina prœdo, comme dit Bacon ( 1 ). Le vice de*
» philosophes est moins d'avoir mal vu que de n'avoir pas tout vu*
» Vouloir refaire ce qu'ils ont bien fait est une vanité téméraire et
» absurde C'est éteindre la lumière qu'on n'a point soMnémft
» allumée. Ne méprisons pas l'héritage de la sagesse des siècles, mai*
» choisissons parmi ces richesses, .auxquelles se mêle tant d'alliage,
» et vérifions leur valeur, en ne*ïenonçant point à juger par nous?
» mêmes (page 10). » Telle est la pensée fondamentale de l'ouvrage '
de M. de Reiffenberg. De Ik le titre de cet ouvrage et la manière
de fauteur : elle consiste à présenter d'abord, sous une forme concise et
presque aphoristique, les vérités relatives au sujet qu'il traite; ensuite
à citer, sous le nom de lectures, les différens auteurs dont il a fait usage»
et auxquels il renvoie les élèves.
Cette première partie de l'ouvrage entier, la psychologie, ou traité dès
facultés de l'entendement et de la volonté, considérées dans leur origine,
est divisée en cinq sections, qui forment quatre livraisons, lesquelles ont
paru successivement.
La première section renferme huit chapitres. Le premier établit le
point de départ de la psychologie dans l'analyse des phénomènes de la con-
science, abstraction faite de lanature de Pétre pensant, soit spirituel, soit
matériel , méthode qui tient à-la -fois de celle de Descartes et de celle
de Bacon; et M. de Reiffenberg cite, k cet égard, un passage curieux
et peu connu , de Spinosa * où ce disciple immédiat de Descartes ne croit,
point abandonner la méthode de son maître, en recommandant de 00m*
mtneer par une histoire de lame , non dans sa nature , mais <fans set
phénomènes ou perceptions, d'après la méthode tracée par Bacon poar
les sciences naturelles : Aon est opus naturam mentis et primnm e}us
cëusam tognoscere, sed sufficit mentis sive pe^ceptiçnum historiolam conci*-
nare modo illoquo Verni amius doctt (2). Les chapitres suivans traitent de1
l'exiaience des lois à priori; de l'uni ïé coiftme loi fondamentale du mot?
de la paiaiveté et de l'activité de l'être pensant ou de famé; des diverse»
: ■ ■ : ■ - • ■ ■• .1 . ,
1
(1) De Augm. scient, ni; 4. _ (s) -Sptnoss Opéra quee topersunt, éd.
PnuL toi*» 1> p. 600, rpîst '
r ■ *
\
ë i
AVRIL 1830. iif
hypothèses pour expliquer finfluence réciproque du corps sur Tarne , et
w Famé sur le corps ; si je cerveau ne jouiroit pas de la faculté de peri-
1er» &c. . . . • Chacun de ces chapitres est suivi d'un tableau de lectures
correspondantes ; et fa section entière est terminée par des questions sur
h qui précède + questions dont le but est de s'assurer si les élèves ont bien
compris tous les points traités directement ou indirectement dans les
différentes leçons que représentent les chapitres antérieurs.
La deuxième section entre dans l'analyse des facultés de Temende-
tttehtt Voici les titres des chapitres dont elle se compose : La sehsîbifité.
"— *• Faut-il s'attacher à découvrir une faculté élémentaire et doiir roulés
les autres ne soient que des transformations ! — La conscience/— L'at-
tentiôn. — La mémoire. — La comparaison et le jugement. — L'imagfc
hatiorffe — La raison. — Chaque chapitre est accompagné de lectures,
et le tout terminé par des questions sur ce qui précède.
Troisième section. De la volonté ou faculté morale. — La Hbérté.
**- Objections contre la liberté ou le libre arbitre. — De quelques fois
de fa volonté , des principes cTactrori qui influent sur elle. — L'habitude.
- — L'imitation et la sympathie. —Toujours avec des fectures et dès
questions.
Quatrième section. — Digression sur le magnétisme animal, à propos
<fc la volonté. — Des esprits autres que famé humaine» et du démon de
Socrate. — Apparition, vision. — Pressentiment, seconde vue. —
Sommeil, songe, Somnambulisme. — Le sentiment est-il contenu chns
famé î — Comment Tarne est unie au corps. — Si tous les hommes ont
originairement une égale intelligence. — Lectures et questions.
La cinquième section, annexée à fa quatrième dans la même livrai-
son, ne contient, au moins dans notre exemplaire, qu'un seul chapitre
sur. fa séparation des deux principes constitutifs de l'homme , ou de la
mort , sans lectures ni questions.
Maintenant , si Ton examine le fond de tous ces chapitres , on y trou-
vera que fauteur y reste assez fidèle à son principe général de consulter
toutes fes écoles, sans épouser les préjugés d'aucune. Ainsi par-tout
il se prononce contre la direction exclusive de cette école qui pré-
tend tirer de fa sensibifité toutes nos acuités, celles de l'entendement
et celles de fa volonté, ainsi que toutes fes idées qui dérivent de l'exer-
cice de Pun et de Fautre, et toutes les règles qui doivent les diriger. Au
chapitre v de la première section, il distingue, avec toute l'école spiri-
tualiste, le genre humain et les langues, l'activité et la- passiveté; et il
établit que Famé est douée d'une énergie propre , et de la puissance de
se modifier elle-même. Au chapitre vu de fa même section , fi s*éfêve
Ff %
VLDESSAVANS.
118
contre celle classe de philosophes , Pries tley et autres , qui attribuent au
cerveau la faculté de penser. Au chapitre XIV de la seconde section, il
distingue, contre Condillac, la mémoire de la sensation continuée, la
mémoire étant souvent le rappel de sensations ou de modifications qui
ont disparu complètement. Dans la section troisième, il se prononce
j>our la liberté de la volonté contre la doctrine de la nécessité des motifs.
D'un autre côté , il reconnoit hautement que la sensibilité est la condition
de tout développement intellectuel et moral; et dans la section qua-
trième, chapitre XXIX, sur la question délicate de savoir si l'ame pense
contlnuement, il garde une sage circonspection entre l'opinion de
Locke, qui soutient que l'ame ne pense pas toujours, et celle des car-
tésiens et de M. Royer-Coilard (1) , qui défendent la continuité de la
pensée, et il conclut, comme 'sGravesande (2) , par laisser la question
indécise. « Autre chose, dit-il avec raison, est de se tenir a l'entrée
» des difficultés par paresse ou incapacité ; autre chose de séparer les
» vérités des simples conjectures. L'ignorance ainsi motivée est de la
•> science pour l'homme (p. 1 4p )• " Dans la digression sur le magné-
tisme animal, à propos de la volonté, if convient de la puissance de fa
volonté sur l'organisation , puissance qui produit une foule de phéno-
mènes qui ne sont point toujours des fables ou des fraudes , sans adopter
légèrement, ni tous les phénomènes que rapportent fes partisans du
magnétisme, ni sur -tout l'explication qu'ifs en donnent. 11 garde la
même réserve sur fes pressentimens { chapitre 27 ) , sur les songes et
le somnambulisme ( chapitre 28 }. Nulle part on ne rencontre , dans
t'écrit de M. de ReifTenberg, aucune de ces hypothèses ultra-psycholo-
giques qui égarent souvent l'école spirilualiste, ni, malgré son antipa-
thie pour le scepticisme, aucune trace de mysticisme. Enfin de nom-
breuses citations, non-seulement de philosophes, mais d'auteurs de toute
espèce, de tous pays et de langues très-différentes, montrent une
assezgrande variété de connoissances et de lectures Voilà fa part du
bien; et nous l'avons faite d'autant plus volontiers aussi étendue que
nous allons faire celle de la critique plus considérable encore. En effet,
tout en approuvant l'idée fondamentale de l'ouvrage de M. de ReifTen-
berg, et sa dire», tion générale , nous sommes forcés d'avouer que l'exécu-
tion est loin d'être satisfaisante. L'ouvrage entier, dans son ensemUa
comme dans chacune de ses parties, est dominé et comme pénétré par
(t) Œuvres de Reid, tom IV, p. 436. — (2) 'sGrav. Introduct. ad yhilotoph. VX.
Imtr inceria relinjuendum utrùm ment semper cogxtet, rtrcnr.
AVRIL 1830. 229
un défaut grave, très-fâcheux sans doute dans toute espèce de livres,
mais bien plus encore dans un livre élémentaire, et qui malheureusement
se reproduit ici par-tout ; nous voulons dire le désordre et la confusion.
Nous signalerons successivement les points principaux où se montre ce
défaut général dans l'écrit de M. de Reiflenberg.
1 .° II y a quelque confusion dans le choix des matières. Puisque cej
écrit, n'étant que l'introduction d'un cours entier de philosophie,
étoit uniquement consacré, comme le vouloit la méthode, à la
psychologie f la méthode vouloit aussi qu'il n'y fût inséré et agité au-
cun problème dont l'observation psychologique ne fournît la solution.
Or, par exemple, le chapitre xxv de la quatrième section, qui traite
des esprits autres que l'être humain, appartient évidemment à l'ontolo-
gie, et même- aux questions les plus délicates de l'ontologie. Non erat
hic locus.
2.° II y a confusion dans la distribution des matières psychologiques
elles-mêmes, dans Tordre des sections dont ce traité de psychologie est
composé. Ainsi la première section renferme bien des chapitres qui
eussent été beaucoup mieux placés dans la seconde ou dans la troisième,
ou même rejeté s darjs la quatrième. Cette première section commence
et devoit en effet commencer par déterminer le point de départ de la
psychologie, c'est-à-dire, l'ordre de phénomènes dont s'occupe la psycho-
logie et la méthode qu'elle y applique. II étoit naturel de procéder
ensuite à l'analyse des phénomènes qui se rapportent à la psychologie,
à l'analyse des facultés de Came, de l'entendement et de la volonté. Or
cette analyse ne se trouve que beaucoup plus loin , chez M. de Reifien-
berg, dans la deuxième et dans la troisième section. Entre le premiet
chapitre de la première section, et les deuxième et troisième sections,
où vient enfin l'analyse des facultés de l'ame, se trouvent plusieurs cha-
pitres qui, n'étant précédés ni de l'analyse de l'entendement, ni de celfa
de la volonté, manquent tout-à-fait de lumière, et contiennent des
questions méthodiquement insolubles , faute cTantécédens convenables.
Le chapitre qui traite du point de départ de la psychologie est suivi immé-
diatement d'un chapitre sur l'existence des lois à priori ; mais ces lois
doivent être attachées à l'exercice de nos facultés, des facultés de l'en-
tendement ou des facultés de la volonté ; elles ne peuvent se développer
qu'avec ces facultés; c'est donc dans l'analyse de ces facultés qu'on peut
les observer et les recueillir : pai 1er des lois qui président à l'action de nos
facultés, avant d'avoir pat lé de ces facultés, est un vice d'exposition qui
ne va pai à moins qu'à donner à des lois réelles ^apparence de pures
hypothèses. Qu'est-ce que l'unité comme loi fondamentale du moi,
ïjo JOURNAL DES SAVANS,
pour qui ne sait encore ce que c'e>t que le moi, qui ne connoîi encore
ni la conscience ni la mémoire, facultés sans lesquelles on ne sauroit
jamais, ni que le moi existe, ni qu'il esl un, ni bien moins encore
qu'après avoir été découverte et puisée dans le moi , l'unité est imposée
a tontes ses conceptions ullérieures! Comment savoir si lame est passive
ou active, quand on ne connoît aucun des phénomènes, aucune des
fatuités par lesquelles l'ame se manifeste, el dont le caractère actif ou
passif peut éclairer sur la passiveté ou l'activité de leur principe! Com-
ment ir.iîner les élèves dans les obscurités des différentes hypothèses qui
ont été imaginées pour expliquer l'influence réciproque du corps sur
l'aine, et de l'ame sur le corps, avant de leur avoir expliqué c% que
c'est que l'ame, et si elle est distincte du corps! Comment agiter ta
quesittm si le cerveau ne jouiroit pas delà faculté de penser , quand on
n'a point dit encore ce que c'est que fa faculté de penser qu'il s'agitd'at-
tribuer ou de ne pas attribuer au cerveau! H est évident que toutes ce*
questions exigent, pour être résolues avec méthode , une analyse ap-
profondie de nos facultés.
3 ." Non-seulement l'ordre des sections et des chapitres est défectueux ,
mais il s'en faut que, dans chaque chapitre, celui des differens para-
graphes dont îl se compose soit irréprochable. Au lieu de procéder du
connu à l'inconnu, et de répandre ainsi sur les divers paragraphes de
chaque chapitre une lumière croissante, l'auteur semble jeter au hasard
des paragraphes scrupuleusement numérotés, mais dont les uns ne con-
duisent point aux aulres, de sorte que, faute de gradation, l'ensemble
est obscur. Fallait-il , dans le premier chapitre sur le point de départ de
lapsythologie, présenter d'abord les problèmes les plus difficiles sous
leurs formes les plus ardues, et dans la phraséologie scientifique la plus
raffinée, antérieurement a toute analyse! Je lis au paragraphe 20 les
phrases suivantes: « Le moi se pose et se fixe lui-même ; mais toute affir-
» mation supposant une négation el réciproquement , il ne le peut qu'en
» sedistinguant du non moi. . . . Paragraphe 23. Le moi est ou spon-
» tané ou réfléchi ; pour qu'il soit à ses propres yeux, il faut qu'il agisse ;
» son action est la condition nécessaire de son apperceplion : mais cette
» action est ou spontanée, c'est-à dire qu'elle s'accomplit d'abord sans
» que le moi prévoie son résultat et y consente , ou elle est réfléchie ,
» c'est-à-dire qu'elle s'accomplit parce que le moi y consent, et qu'il
>» en connoît les conséquences. » Suivent des jugemens sur le cogiio, ergo
sum de Descartes, et le principe analogue de Fkhte. Ces phrases
nous sont irèsconmies ; elles peuvent être vraies, et même claires avec
leurs antécédens et leurs conséquent ; mais tirées violemment "de leur
AVRIL 1830. 431
place, et transportées de toutes pièces à l'entrée d'un livre élémentaire ,
elles y sont profondément inintelligibles; car l'élève ne sait ni ce que
c'est que le moi , ni ce que c'est que la spontanéité et la réflexion ;
et pour peu qu'il ait de sens, il doit être fort embarrassé de se trouver,
au début de ses études, entre Descartes et Fichte. II y a peu de cha-
pitres sur lesquels on ne puisse faire la même critique.
4'° Même confusion dans l'érudition de M. de Reiffenberg. II y a
un grand luxe de citations; on pou rr oit dire que le texte en est com-
posé tout entier. Le mal n'est pas là; il est dans l'inexactitude de
quelques-unes et dans le désordre de toutes. II n'est 'pas impossible
de faire un très-bon chapitre avec des emprunts; m«ûs des phrases
d'emprunt mises les unes au bout des autres ne font pas toujours un
bon chapitre. Quant aux lectures, assurément il et oit utile de renvoyer
les élèves aux sources où ils peuvent puiser une instruction plus abon-
dante; mais il falloit déterminer les points sur lesquels on les renvoie
aux auteurs désignés; autrement ce n'est plus qu'une liste d'indications
bibliographiques sans aucune utilité philosophique. Nous regrettons
vivement que M. de Reiffenberg n'ait pas marqué sur quels points
précis on doit consulter les livres dont il donne les titres et les dates.
Nous regrettons encore qu'il ait , dans ses Lectures , tellement mêlé
les auteurs les plus difficiles à comprendre à côté des plus élémen-
taires, les plus rares avec les plus usuels, les étrangers avec. les natio-
naux, les plus modernes avec les plus anciens, qu'en vérité il est
extrêmement difficile, sur- tout à des élèves, de s'orienter dans un
pareil dédale.
$.° Enfin , comme il arrive d'ordinaire , le vice du fond passe jusque
dans la forme, et la critique la plus indulgente ne peut s'empêcher
de reprocher à l'écrit de M. de Reiffenberg un style souvent inégal
et négligé. Les tons les plus divers y sont mêlés ensemble, mais non pas
fondus. Des aritcdotes ou des détails bibliographiques s'y rencontrent
brusquement à coté des réflexions de l'ordre le plus élevé. Ainsi, à propos
. de la liberté de la volonté au milieu des plus pressans motifs d'agir , sec*
tion 3/, après le paragraphe 1 3 8, d'une gravité et d'uncsécheresse toutes
métaphysique, vient le paragraphe suivant, n.° 1 39 : « Mais Ta ne de
» Buridan !..... Qu'est-ce que l'âne de Buridan ! C'est un conte puéril.
» qu'il faut pourtant connoître pour n'être pas dépaysé dans l'ancienne*
» philosophie scolastique. » Suit l'explication de Bayle , avec, cette re-
marque que « Spinosa ne parle point de l'âne , mais de l'ânesse de
» Buridan. m Nous doutons fort que ce ton léger, trop familier à l'auteur,..
■>*
JOURf
et dont nous pourrions multiplier les exemples, soit de très bon goût
dans un livre de philosophie élémentaire.
En résumé , l'ouvrage que nous annonçons nous paroît recom-
mandable par l'esprit général qui l'a dicté et la variété de connois*ances
et de lectures qu'il atteste; mais l'estime même que nous en faisons
nous permettait à-Ia-fois et nous faisoit un devoir de ne pas dissi-
muler les défauts qui le déparent. Les idées et l'érudition n'y sont point
assez digérées, et il ne porte point l'empreinte d'une méditation
préalable suffisante et d'un assez grand travail dans J'exècution. Nous
terminerons par quelques observations que nous soumettons à fauteur,
et dont nous serions heureux qu'il voulut bien profiter dans la suite de
son ouvrage. Nous persistons à considérer comme utile et féconde
l'opinion qui commence Si se répandre aujourd'hui, que toute école
exclusive est condamnée a l'erreur, quoiqu'elle contienne nécessaire-
ment quelque élément de vérité. De la l'idée très philosophique , selon
nous, d'emprunter à chaque école sans en adopter aucune. Cette im-
partialité supérieure qui étudie tout, ne méprise rien, et choisit par-
tout avec un discernement sévère les vérités partielles que l'observation
et le sens commun ont presque toujours introduites dans les systèmes
les plus défectueux, est ce qu'on est convenu d'appeiler d'un nom
en lui-même aussi bon qu'un autre, écleciisme. Le mot n'est rien,
la chose est tout. Or, il n'y a rien qui n'ait ses mauvais et ses boni
côtés , ses périls comme ses séductions. La séduction est ici dans l'étendue
et la richesse des matériaux qui se présentent en foule aussitôt qu'on
ne repousse aucun système en totalité, et qu'on les admet tous pour
quelque chose dans la composition de son propre édifice. Encore une
fois, là est la séduction, mais là aussi est le danger. Les matériaux
sont abondans sans doute, car l'humanité n'est pas d'hier; la philo-
sophie compte déjà bien des siècles, et les génies qui ne sont pluj
nous ont légué mille vérités; mais ces vérités sont enfouies dans des
systèmes où elles sont liées à de spécieuses erreurs. Il faut donc savoir
discerner ces vérités des erreurs qui les entourent; il faut savoir recon-
naître que ces vérités sont des vérités et non des eneurs; et l'on ne
peut le faire , si l'on n'a pas une mesure d'appréciation , un principe de
critique, si l'on ne sait pas ce qui est vrai, ce qui est faux en soi; et
l'on ne peut le savoir qu'autant qu'on a fait soi-même une étude suffi-
sante des problèmes philosophiques de la nature humaine, base de ses
facultés et de leurs lois. C'est quand une uiafyH scientifique, patiente
et profonde, nous a mis en possession des élément réels et de tous les
Siemens réels de l'humanité, que, nous achetant aux systèmei des
; AVRIL I&30. : ; . )\ a 3 j
philosopher, et les étudiant avec le même soin quç rççus avions mis
h Fétude des questions philosophiques, nous pouvons reconnaître ce
que ces systèmes possèdent et ce qui leur manque , discerner en eftx
fe vrai et le faux , pégliger Tun , rtous approprier Taûtre 9 et «grandir
et étendre nos -propres pensées par d'habiles et judicieux emprunts.
Alors seulement vient le tour de l'analysé historique, qui doit être pous-
sée extrêmement loin pour arriver jusqu'aux entrailles mêmes des sys-
tèmes qu'elfe étudie et en saisir les élémens constitutifs. L'analyse
historique des systèmes n'a-t-elfe pas été précédée de l'analyse scien-
tifique des matières en elfes-mêfnes, elle manque de guide et de
flambeau , et elle se perd dans les ténèbres ; oq bien a-t-elfe été pré-
cédée par Tanalyse scientifique; mais manque-t-elfe elle même de pro-
fondeur et s'arrête- t-elle à fa surface des systèmes, l'objet même
qu'elle s'étoit proposé lui échappe. Ainsi deux conditions de l'éclec-
tisme bien entendu ,•!.* Tanalyse scientifique, 2.* l'analyse historique,
c'est-à-dire, Tesprit philosophique et une érudition aussi sévère qu'éten-
due: voilà l'idéal qu'il faut encore se proposer quand même on déses-
père de l'atteindre; voilà le but dont il faut approcher plus ou moins;
et sur cette route bien dessinée , il est des degrés divers où chacun peut
arriver dans fa mesure de ses forces , avec quelque utilité pour (a science,
et non sans honneur pour soi-même. Mais supposez que Tanalyse
scientifique soit vague et superficielle , et que Tanalyse historique ne
fe soit pas moins , et jugez ce qui pourra sortir d'un travail aussi léger.
Au lieu de fa combinaison réelle des élémens organiques des divers
systèmes, vous n'aurez que fa fuxta-posrtion arbitraire de quelques
phrases extraites çà et là des écrivains philosophiques : quelque impar-
tialité sans doute y seroit, mais Timpartialité de fa foiblesse et de
l'impuissance ; nulle précision dans les détails , nulle lumière dans Ten-
semble, en un mot fe syncrétisme au lieu de l'éclectisme. Mais même
alors H ne faudrait pas oublier que tout commencement est foîble,
toute direction naissante nécessairement un peu vague ; que rien ne
peut se passer du temps, et que la philosophie, comme toute autre
science, est progressive, et vit (fessais et dé tâtonnemens. Depuis
quelques années , en France et ailleurs, plus d'un esprit distingué est
entré dans la route que nous venons de signaler et que nous croyons
bonne. En Belgique, MM. Van de Veyer et Reiffenberg ont trans-
porté Téclectisme dans leur enseignement , et le répandent par leurs
écrits. Nous ne pouvons qu'applaudir à leur entreprise et encourager
leurs essais, mais en les invitant à redoubler d'efforts et à ne point
s'arrêter dans leur honorable carrière. V. COUSIN.
Gg
±}4 JOURNAL DIS SAVAIS,
Voyage akchêolùgtqve dans T ancienne Étrurie, par M. U
D.T Dorow't &c. , avec Xvi planches; i vol. in-j..* ,
pag. 1-46. Paris, 1829, Merlin,
Nos lecteurs connoissent déjà, par la wr/V* que nous avant donnée,
dans ce journal ( 1 ) , d'une collection de vases peints et autres momtmens de
l'art étrusque y fermée dans l'Étrurie même par M. ie docteur Dorow,
les services rendus par cet antiquaire à une branche importante de
l'archéologie. Le voyage dont nous allons. rendre compte lui assure de
nouveaux droits à la reconnoissance des amis de l'antiquité, par les
fnonumens nouveaux qu'il y publie , ou dont il y donne une description-
exacte et précise» d'après le résultat de ses propres observations.
La connoissance de l'antiquité étrusque» sur .laquelle l'important
ouvrage de M. K. Ott. Millier vient de fixer de nouveau l'attention de
l'Europe savante, est peut-être encore celle, au sujet de laquelle il règne
le plusd opinions fausses ou contradictoire?, malgré le grand nombre d ou-
vrages dont elle a été l'objet, et peut-être à cause de ce nombre même
de livres jrédigés sans critique, d'après des roontunens trop souvent
recueillis au hasard. C'est aussi de toutes les branches de l'antiquité
figurée celle où l'emploi de dénomination* abusives, introduites par
•accident et maintenues par habitude, a occasionné le plus de ces méprises
systématiques qui résistent opiniâtrement à toutes les données dp
la science. Ainsi le nom de vases étrusques, donné dès l'origine à la classe
nombreuse de vases peints qui se rencontreut maintenant en plus ou moins
grande abondance, et avec des variétés plus ou moins considérables de
style et de fabrique, sur tout le domaine de la civilisation hellénique,
a couvert celui de l'archéologiaue étrusque d'une obscurité qui n'est
pas encore dissipée; et aujourd'hui même, ce nom:, que l'on croyoit
tout-à-fait banni du vocabulaire de la science, semble prêt à reprendre
une nouvelle faveur, d'après les nombreuses découvertes faites récem-
ment, sur un territoire étrusque, de ces vases peints qu'on voudroit
pouvoir considérer exclusivement comme des productions du sol et de
l'art de l'antique Étrurie.
Sans. parler de la langue, dont, i| faut bien P^rouer, l'intelligence est
encore si peu avancée, et donf les véritables sources restent, quoi
■*-&•
(1) Mars T.8491 Pa# 'î1-^-
AVRIL 1830. 23 j
qu'on ait pu faire, enveloppées d'une nuit si profonde» de cette langue
au sujet de laquelle ii règne encore des opinions aussi extrêmes , et y
suivant moi, aussi peu fondées que celle de M. Niebuhr, qui n'admet
d'explication que pour deux de ses mots (1 ) , et celle de l'abbé Lanzi,
qui croyoit pouvoir en interpréter presque tout le vocabulaire, fan et le
s/jU étrusques ont donné lieu à de? systèmes tout aussi opposés, tout
aussi absolus, suivant les divers degrés d influence étrangère, orientale
ou grecque, et de culture indigène et locale, que Ion a cherché a y
retrouver» A cet égard, comme au sujet des vases peints, une des prin-
.ripak* causes des erreurs commises d'abord , et toujours reproduites , est
.sans doute le peu de soin que l'on a mis à classer les monumens d Va-
lues les localités auxquelles ils appartiennent ; car si le lieu où se ren-
contre ui\ monument n'est pas toujours une sûre indication de sa pri-
mitive origine, ii n'en sauroit être de même des localités où se ren-
contre habituellement une certaine classe de monumens : dans ce
dernier cas , la provenance , bien constatée , détermine la ^véritable pa •
trie, d'une manière fc. peu-près indubitable. Sous ce rapport, on ne
sauroit trop déplorer le mélange qui se remarque dans its collections
publiées d'antiquités étrusques, de monumens recueillis pêle-mêle sur
tous les points et appartenant à toutes les époques; et le désordre qui
règne dans les collections publiques et privées de la Toscane , sans en
excepter celle de la galerie de Florence , où l'antique et le moderne ,
le vrai et le faux, se rencontrent trop souvent mêlés ensemble, sans
aucun égard à la patrie de chaque monument , dont la tradition finit
tôt ou tard par se perdre. Cest là sans doute ce qui a donné lieu
k la plupart des erreurs commises par des antiquaires tels que Buonarottt,
Gori, Passeri et Lanzi lui même , hommes d'ailleurs $i recommanda blés
par le zèle extrême qu'ils ont déployé dans le cours d'une carrière
laborieuse , à faire eonnoître les monumens' écrits et figurés de leur
pays. Une autre source d'erreurs non moins féconde a été jusqu'à nos
fours la manière trop peu fidèle avec laquelle étoient généralement
représentés des monumens que l'on croyoit pouvoir néanmoins appré-
cier , sous les rapports du style et du goût , d'après ces publications in-
formes ou embellies, comme si elles étoient l'expression exacte des ori-
(1) Hist. rom. toiri.I, pag. 157, not. 34* de la traduction française de
M. de Golbéry, que je cite ici de préférences l'original, pour avoir occasion
de payer un juste tribut d'éloges à on travail trtsnngrat et très-difficile, exécuté
aussi bien qn'il étoit poutbte. .. «
Og 2
• i
z^6 JOURNÀt DES 5AVÀNS,
ginaux. De là il est résulté que les historien! de Part, tels que Ifinciel-
roann, qui ont essayé de porter un Jugement raisonné sur les qualités
de l'art étrusque, à Faide de monumens ainsi figurés, et qui ont cher-
ché à en classer les écoles et à en distinguer les époques, n'ont trop
souvent établi ces jugerriens et ces distinctions que sur des bases fausses
et ruineuses» ou bien que des antiquaires tels que M. K. Oft: MûIIer,
qui n'ont pas cru devoir comprendre des ëlémens aussi suspects dans
l'analyse du génie et de la civilisation étrusques, se sont privés d'un
des moyens les plus efficaces de vérifier, par les monumens de l'art ,
les témoignages de l'histoire. Il seroit cependant injuste de ne pas
établir une exception formelle «n faveur de la collection la plus «consi-
dérable et la plus récente d'antiquités étrusques qui ait encore été
publiée, celle de M. Inghirami ; et les personnes qui ont été à même *
d'observer les monumens originaux dispersés dans les principales col-
lections de la Toscane, doivent reconnoître que nulle part encore ces
wçnumens i^'avoient été si judicieusement classés , sous les rapports de
l'art, ni si fidèlement reproduits, quant aux caractères du style et dé
^exécution. Nous voudrions pouvoir ajouter que toutes les interpréta-
tions du savant auteur sont aussi irréprochables du éSté archéologique;
mais à les rapports astronomiques qu'il croit découvrir sur ces monu-
mens, pèchent, siiivant nous» par une application trop souvent abu-
sive des données antiques, ce point dé vue accessoire ne diminue rien, à
nos yeux, du mérite des explications puisées, avec autant de raison que
de savoir, dans l'intelligence des mythes helléniques, Lqui tendent toutes
à montrer, d'une manière qui nous semble trrécufrabfe; (influence que
lart et la civilisation grecs a voient eue sur le développement final et
sur la dernière forme de la civilisation étrusque. L'hommage que nous
rendons ici, d'après nos propres observations, au bel ouvrage de
M. Inghirami, se trouve' justifié par le suffrage de M. le D.r Dorow;
et le même sentiment de justice nous force à ajouter 2 dans le même
intérêt de la science, que, suivant le témoignage de M. Dorow y auquel
nous devons joindre aussi le nôtre, H s'en faut bien que le même
mérite de critique dans le choix et d'exactitude dans la représentation
des monumens étrusques , recommande l'ouvrage , d'ailleurs utile et
curieux, d'un autre antiquaire florentin, M. Micali ( 1).
(i) C'est cependant d'après ce recueil de M. Micali, où les monumens sont
chois» avec si peu de critique et représentés avec fi peu de fidélité , de l'aveu
de l'auteur lui-même, qui s'apprête à le recommencer sur on nouveau plan
AVRIL 1830. aj7
II serait donc bien à souhaiter que nous eussions , sur les nombreux
élémens de l'archéologie étrusque, des notions exactes et précises,
recueillies sur les lieux mêmes et en présence des originaux 9 de manière
à pouvoir constater cequi est proprement et indubitablement étrusque,
d'abord par la madère et par la localité , puis par le style et par le goût.
Ce travail préliminaire accompli, on verroit, avec plus de facilité et de
certitude, quels objets étrangers ont pu. se trouver importés, soit par
des causes générales , soit par des circonstances accidentelles , sur le sol
de. l'antiquité étrusque ; et Ton pourroit en même temps apprécier ,
avec quelques chances de succès, les influences plus ou moins éloignées
qui ont pu s'exercer , des divers points du théâtre de l'antiquité orien-
tale ou grecque , et à diverses époques , sur le domaine de l'archéologie
étrusque.
Tel paroît avoir été l'objet du voyage de M* Dorow ; et bien^que le
résultat de ce voyage , exposé comme il l'est dans le volume dont nous
rendons compte , ne puisse être considéré que comme un premier essai,
et qu'il n'embrasse qu'une petite portion du territoire de f antique
Exrurie, les renseignerçiens exacts et neufs qu'il nous procure sur deux
des localités les plus importantes de ce pays classique, Cortone et
Chiusi, accompagnés de la publication de quelques monumens rares et
inédits, seront certainement accueillis avec autant d'intérêt ^ils pa-
roisse nt mériter de confiance.
Parti de Florence, le 28 juillet 1827, en société avec M. Inghirami,
pour se rendre directement à Cortone, et de là à Chiusifnotre voyageur
examine successivement tout ce que ce pays, si intéressant à tant
d'égards , offre de remarquable sous le rapport de l'antiquité et sous
celui des arts modernes ; un tableau de Carlo Dolce ou de Fra Ange-
lico, quand il se rencontre chemin faisant, est une bonne fortune que
M. Dorow ne laisse pas plus échapper que l'occasion d'observer un bas*
relief étrusque ou un sarcophage romain. Mais M. Dorow étoit plus à
son aise dans son voyage que nous ne saurions l'être dans cet article;
nous ne pourrions le suivre dans toutes ses digressions , sans risquer
de faire presque un livre à son exemple ; et comme son principal objet
est de rendre compte des monumens de Fan tique Etrurie , c'est aussi
à cette partie de ses observations que nous nous attacherons de préfé-
et d'après de nouveaux dessins, que M Niebnhr se flatte d'avoir acquïs une
connoissance exacte et juste du goût et du génie étrusques; voy, son Hist. rom.
tom. I, pag. 190, not. 413.
*j8 JOURNAL DES SAVÀNS,
tence, afin de donner du moins l'idée la moins incomplète qu'il nous
sera possible de ce que le voyage archéologique de M* Dorow renferme
de plus neuf et de plus important à cet égard.
La collection d'antiquités jointe à la bibliothèque publique de Cortone
attire d'abord l'attention de M. Dorow. II y trouve le premier exemple
de ce système, ou plutôt de cette absence de système» malheureusement
trop commune par toute la Toscane, et que nous avons indiquée plus
haut , de réunir une foule d'objets étrangers à l'Étrurie et tout-à-fait dis-
parates , tels que des antiquités de l'Egypte et des curiosités de l'Inde, de
médiocre ou de nulle valeur, parmi des mon u mens d'antiquité étrusque,
la plupart d'un grand intérêt, et dont un choix sévère, tel qu'il sembleront
si facile de Peffeciuer ici, avec toutes les ressources qu'offre le pays,
seroit déjà un service essentiel rendu à la science. Parmi ces monumens
étrusques, les seuls qui méritent à Cortone l'attention de l'antiquaire,
M. Dorow distingue une figure de bronze publiée par Gori (i) comme
un Jupiter, que M. Dorow croit être un Bacchus , et qui doit , en toute
hypothèse, être considérée, d'après \e foudre qu'elle tient en main, comme
un d^s dieux fui gerat ores du système étrusque , de même que , sous le
rapport de l'art, ce bronze mérite d'être mis au premier rang des monu-
mens qui offrent le véritable style étrusque, d'une époque intermédiaire
entre {^productions de l'art primitif et celles où le goût national com-
mençoit à subir une influence étrangère. Un monument plus important
encore , parce qu'il appartient , suivant M« Dorow , à une époque plus
ancienne , et f[u'il présente d'ailleurs un type plus rare et un sujet
mythologique plus curieux, c'est une autre figure de bronze provenant
pareillement du sol dé Cortone , et qui est qualifiée indistinctement
de figure de Vénus, de Victoire, ou de la Lune. M. Dorow, qui a publié,
- dans un autre de ses ouvrages (2), un dessin fidèle de cette singulière
figure , penche , avec raison , ce nous semble , vers f opinion qui y re-
connoît unt Vénus, d'après /'oiseau qu'elle porte sur sa tête; et quel que
soit l'avis que Ton adopte à son sujet, il la proclame une des figures
de style étrusque, de l'époque primitive, les mieux caractérisées qui nous
soient restées. D'autres bronzes étrusques lui ont encore paru dignes
d'être signalés à (examen des antiquaires» d'après l'analogie frappante
qu'ils présentent avec des figures de divinités ou de prêtres gaulois
trouvées sur lesbord* du Rhin et sur le sol de l'ancienne Gaule. M. Dorow
(1) Mus. etrusc, I, xxi i. — (2) Notizie intorno ad alcuni vasi etruschu
Pesaro, 1848, tav. IX, fig. 2 a , 2 b et 2 c.
AVRIL 18^0. z)9
remarque encore la même analogie entre des figures en ferre cuite»
qui se trouvent pareillement à Cortone, mais sans que Ton en connoisse
bien positivement la véritable provenance , et des figures» en apparence
toutes semblables, découvertes dans des fouilles le long du Rhin ( 1 ). Gé-
néralement notre voyageur paroit avoir une grande inclination pour ces
sortes de rapprochemens h l'égard d'objets qui n'ont peut-ètreen effet rien
de commun qu'une extrême imperfection , due soit à l'enfance soit à la
décadence de l'art. L'idée de comparer des productions de la primitive
Etrurie avec celles de l'industrie grossière des Celtes et des Germains,
uniquement parce que les unes et lès autres décèlent une ignorance
presque absolue des principes et des procédés de l'imitation» n'est peut-
être pas plus fondée que celle des historiens critiques» tels (pie M. Nie-
buhr, qui, dans le dépit de ne pouvoir déterrer quelque part le berceau
ou la clef de la langue étrusque» tournent leurs yeux vers un coin du*
Tyrol ,• pour y trouver, dans un obscur patois» un reste de cette languep
indéchiffrable (2). Mais, pour en revenir à nos monumens étrusques/
il me semble que ce qu'il y a de plus raisonnable à dire à leur égard ,
c'est ce qu'en dit M. Dorow lui-même : « Ces antiquités me semblent i
» à cause de l'obscurité qui les enveloppe, des monumens très-commodes
» pour les antiquaires à systèmes ; chacun y voit quelque chose de
*> différent: c'est pourquoi elles sont de li plus grande utilité pour
*> bâtir et soutenir des hypothèses* I 3). »
M. Dorow passe ensuite 'en revue la collection d'urnes cinéraires en-
marbre , en albâtre et en terre cuite, parmi lesquelles il distingue avec
raison et décrit avec soin un sarcophage d'albâtre , qui offre fa reprit
sentaiion, si souvent répétée, ajoute- t-il, du cvmbat d'Eté oc te et it Pôlyniah
Peut-Vêtre devoit-il aussi observer que ce sujet n'est fréquemment repéré2
que sur les urnes en terre cuite, où il est effectivement si commun i
qu'il en existe peut-être , dans lés diverses collections que je ceniiois»
une centaine de répétitions , avec infiniment peu de variantes, taiidfe
que ce même sujet est extrêmement rare sur les sartophâjges en pierre*
et en albâtre : or, et cette observation n'est pas sans importance poui*
^*
(1) Ces monumens germains et gaulois ont été publiés dans deux autres
ouvrages de M. Dôrow lui-rncme, intitulés,' l'un , DenÂmalen germanischer
und roemhcher Zeit in den Rheinisch - Westphâlischen Provinwt , B. 1,
pi. XXVI , j; l'autre , Opferstdtte und Crabhugel der Gtrîriâher und Romtr am
Rhein, B. il , pi. vu , l , 2. , 3, 4 , Wiesbaden» 1827.— (2) HÏH* rm*
tom. i , p. 1 59, not. 347. — (3) Pag. 8.
*fc JOURNAL DES SAVANS,
la cbnnoîssance de Fart étrusque , le choix des matières , d'accord avec
celui des sujets, est un des signes caractéristiques auxquels peuvent se
reconnoître aujourd'hui les diverses écoles d'art de l'antique Étrurie; de.
telle sorte qu'à l'aide de ce double caractère, on pourrait classer les
productions émanées des anciennes écoles de Volterra , de Chiu;»i , de
Cortone, de Peruggia, presque avec autant de certitude que l'on
distingue, parmi les oeuvres de la renaissance, celles qui proviennent
des écoles de Sienne, de Pise, de Florence ou de Boiçgne. C'est
ce qui» par rapport aux monumens étrusques , donne tant d'importance
aux. notions locales , soigneusement recueillies, et ce qui prouve, avec
combien, cfc.chôi^ on devroit procéder à la réunion de ces monumens*
L'urne <f alfaAiré qui nous a fourni le sujet de cette observation , appar-
tient certainement à Volterra , quoique, par des raisons faciles à conce-
voir , elle se trouve aujourd'hui à Cortone ; elle avoit été dorée , ce qui
est encore un trait, sinon exclusivement propre aux urnes de «Técole
de Volterra , du moins très-fréquent parmi celles qui en proviennent.
M. Dorow donne ensuite une description succincte de la collection
du marquis Venuti, qui pourroit à elle seule fournir le sujet d'un
livre ; car, indépendamment de plusieurs rares monumens de l'antiquité
étrusque, déjà publiés en partie dans les recueils de Gori, de Lanzi, et
dans-Ie Muséum Cortonenst, il s'y trouve un choix At vases peints > tous
encore inédits , provenant la plupart des meilleures fabriques de la
Grande-Grèce , et particulièrement de celle de Tant^gue Locri > si pré-
cieuse et si recherchée» Cette notion , que je dois au marquis Venuti
lui-même , possesseur actuel de Tunique médaille d'or que I'onconnoisse
de cette ville grecque , et qui s'est trouvée > avec un grand nombre de
ces vases , dans des fouilles exécutées sur l'emplacement de Locri ,
aujourd'hui Gerace, ajoute, si je ne me trompe, un nouveau motif
d'intérêt à tous ceux que présente une collection d'ailleurs si riche, si
variée, et très- justement appréciée par M. Dorow. Parmi les monu-
mens proprement étrusques qu'elle renferme , notre auteur a sur-tout
distingué un bas-relief de sarcophage, (Tune exécution superbe, et qui
appartient aux meilleurs temps de Fa/t étrusque , représentant Amphion
et Zéthus qui attachent Dircéaùx cornes d'un taureau furieux; sujet rare
et curieux , que M. Dorow a publié dans un dessin fidèle , du tiers de
for^inal (i) , et qui enrichit d'un fait nouveau notre galerie mytholo-
(i) Ff. xiv.
• •
gîque étruscogrecqye, M. Dorow ne dit pas eofluçlle ni&uèip ?frt4çetjjç
urne 9 ni de quelle école étrusque elle a dû provenir; rrçiBs je puis
suppléer à soq silence (en ajoutant qu'elle est en albâtre cfc Voltêrra, et
qu'elle appartient à l'école de cette ville , qui paraît avoir/ étdqpi^
presque enclavement aux autres cités éfrysqucp , des moûf§ puisés 4am
les fables thébaines, pour types de ses monumens funéraires.
Une autre collection particulière de Cortone , qui jouissoit cTunç
grande célébrité, , notamment à cause de ses beaux bronzes étrusque* ,
celle de la famille Corazzi 9 n'a fourni à M. Dorow que l'occasion dex-
primer un regret assez légitime sur l'enlèvement tout récent de cette col-
lection acquise par le roi des Pays-Bas; car bien, que, sous le rapport (te
la science, il y ait lieu ji étudier utilement les antiquités par-tout où. elles
sont accessibles, peut* étfe n'est il pas indiffèrent,, pour Fobservatioq
des monwKns éurusquos, de ips trouver à Leycfe oty. k Corton^ Dar^-
Ja cathédrale de cette de/nfère ville , A%. Dorow ne pouvott manquer de
distinguer, avec toutiffn^çéftqpll mérite, le célèbre sarcophage antique,
/en marbre ♦ qui représente #u# tombai dt centaures où figure Bacchus ( 1. J^
et qui passe pour «vqirrçoatenu les restes du consul iptppin Ff^minii^?
lue près de là sur te tdtamp ,4e, M^UIe de lTrasimene.il est seulement J^
regretter qu'un antiquaire *M*si éclairé que tyL Dorow , rapporte , sans
# le s qualifier comme elfesje méritent, des traditiops aussi dénuées de
raison » aussi contraires à. tontes les données de la science ; et que des
erreurs nées de l'ignorance ou de la vanité des citeront , 4* propagent
et s'accréditent aum&y*n;de cejtç çspèçe <fe tolérance ou de mépris 4tf
hommes instruits. JI ^est pps ivkçs*#ire *f*tt* profondément versé daqs
l'archéologie, pour savoir qu'un sarcophage, tel que celui doptjjl s'agit,
ml cette matiez et de. cette dimension, ne peut appartenir qu'à la
période romaine 4e Tart. antique, probablement à l'époque des Antck
tans* Mais ce que je regrette, plus encore, c'est que, 4aqs finiperfection
bien reconnue et avouée par M. Dorow lui-même, de towt^ le* estampes
exécutées d'après ce beau sarcophage, il n'airpas cru devoir en; produire
un dessin fidèle, ainsi que de tant d'autres monumens qui lui ont arraché
Je même aveu , et qui , tout publiés qu'ils sont , de plusieurs manières
et à plusieurs reprises, peuvent .véritablement passer encore pour
inédits.
De Comme* M. Dorow m rendit directement à CkiusU où Tattendoient
» • #»,'■ ■• >'• ' * f ■ ^ .\ »■ 1 » ■■ • • - .«n-~
r , ' ' ' ■■«•■«.
(1) Publié Mr Gori, dans ses lotctifticmes «ntifr qnm.in Etmrvt urbibut
exstant; tom. III, Appendix, tab. XLVI, p. exif.'
Hh
i\i JOURXAÊ DMS SAVANS,
itti PÎU? ^mnd .âoîtibre cPobJëts d'antiquité étrusque, <Timë nature
tdûi vWetet d'un ^ caractère plus neuf encore* Les sarcophage*
al^dnâMu'iussT à Chhtef;* mais ils sont assez généralement en pierre
bû tûrd.u 't)^,J quelques-uns en marbre, et la plupart en terre cuite.
5tuiiffèturfô ces 'tfltofes, et des diverses matières dans lesquelles elles sottt
exëç^té.es'^M/.DbW^ établit en principe que celles de terre cuite >
cftmë Lièrî ^us' petite dimension, doivent appartenir à fine période
pKis^àricîetifté^ de fitff étrusque que celles de marbre ou d'albâtre f
titri ,' éfàîfl &iï$ ; par le choix et par Inexécution des sujets , décèlent une
thatiori Presque toujours malheureuse des sarcophages romains de fa
jriodé i mptëriiile Cette observation me pare|t vraie à beaucoup d'égards.
Tàtiit^foiS^lmStière ou la dimension des urnes étrusques ne sauroh être
ri^rdèé'cbmme une 'dbiinée positive, dans iè classement chronologique
de cettë'&rte de rtiôrmmens, qu'autant qu'elle est combinée avec Celles
qtii ré&ftëht du choix des sujets et dès propriétés du style. II est de fart,
<f jfttéti$, que dés urnes tti terre cuite ont été fabriquées k toutes les
époques; même à celles de la décadence, concurremment avec les
léttésdé marbré et tfaJb*tre, etqtfdïe^deybiefitét^destinéer,^ après
fc ped deprnt deia matière et le peu de mérite de l'exécution, pour les
personnes dPttrie cotidiHoit intëneutè : en sorte qu'on ne pourrait regarder
fcj ^ùvtàihèvfs dôht il /^git comme appartenant rttdurivement V
l'époque primitive de rartéthMquei sàtis s'exposer à cf assez fortes
méprisée 5f. Dorow observé e<i outre'qufe les sujets fcomériques , si
commune V^oFterra , son* t&^rifcs * ' Cfcrasi;* CéWè obte?fcàa*ii, que
je suis trèi-dîspoiè \ crtffe exabte, -pfcr rijipoit k. là colfection dé
AL Casu&ffar, qtite notre T voyageur a examinée avec intérêt et décrite
avec s6in,: seroit aussi Sujette à quelques restrictions, s'A fàHoit l'étendre
ï;? testes les urnefe provenant de Ghiusi, quelques-unes desquelles *
jjtàbfièt!s; âaiis lé ifectfèil Se Gorî , représentent bien certainement d^i
ri{lHûfflir1è^ThidtiumeriS m plus curieux des coHection* privées de
<jhiusiyet'én particulier dé celle de M. Casuccmi, M. Dorojr cite en
première ligne uh> sbperbe tase peint , eh figures noires sur fond faune ,
représeht&nt la naissance de Aftnefve, à» peu-près comm* on trouve ce
sujet figuré sur un célèbre miroir étrusque, mais avec un bien phis
gf^drHètoi>te dé pèièonifttgfe* , ptofcque f indépendanimew de Jupiter
assis È avec Minerve élancée de sa tête, M. Dorow assure que ce vase
présente plus de cinquante figures en mouvement et enaTtionVSxit un*cï?ssî5
«Tune pirtta) Vie :ce>*»se ;q«e M* Porow a publié dads «va autre opus-
...■■..(.■..•*.' ' T '-,.... ■
flli
cule ( i ), on voit devant le trône de Jupiter deux figures dftfemmeitden
bout , dans une attitude significative t dpnt l'une tient une càmonntt qaei
M» Dorow croît être Vénus et \kViamt\, èf dans lesquelles je serai*
disposé L'Vôir. plptôt deux //r /éy/or. La figure fkàkp derri£r*iJUipi*t*
dans la rofeme attitude 9 et aveccette courtmnt radier rdDtt.iQtopià ayoifc
établi ailleurs rimenriow mystiqneretl'ertjploi consacré, dans Ides sujet*
de ce genre (a) r ne semble pas <nèa plus! susceptible dVine 4utre , expli-
cation , quoique M. Dorbw en jpt?fàxt vmp Ju/ioit, k moiqa que ce xm
soit une Junon Lûcine^ Un quatrième pfcsonnagé; où ;M» Dorow
«conçoit avec toute raisoq, ce . «© seuifile , A&mtrju -plutôt... qub
Vàfcairit otfre en fefFet ce dieu , sous Isa pteiandéope fciina jioIMniqwu
mais i^hs aucun rapport afcec une; figure de pKneudU'jiftàrtfrfe étrurqm*
que M. Crewer a cns trouver sur un vase du recueil de Fasseri ($)^
Quoi qu'H en sôit, ce vase peint, <f ancien style grec i ;ave>è .une repré*
sen ration d'un mythe proprement hellénique , trouvé dans tia tombeau
de Chiusi, antique siège de IsLxrmlisatjon^étrusque;! est certainement
un monument Hu premier tetdre > ^taatcà^aiiiejfc.iCèlte^lrq^Bls^^lion
elle- métue^ que par fçs rapports < de! commette et xte^ictuyence qu'il
établit, à une époque probablement fort ancienne, entre r£trurie et ta
Grèce ; et. f on ne peut que regretter que M- , porow. se sott borné à en
publier un dessin partiel et une description incomplète.
. Au nombre des objets d'antiquité étrusque les plus curieux que prc-r
sentent les collectons de Chiusi, M. Porow cde les sculptures en tuf,
h plupart de très- bas: relief et du style le plue archaïque* qu'on est con^.
vënp d'appeler égyptien, «rais qiti n'est, suivant toute jtppatenjpe* qu'un
styfe prênkif; JfU Dorow ^e propose de puMier quelques morceaux *te
ce genre qpSI a acquis à Chiusi; et en attendant, il feitPonnoîtDe^par.
des dessilla exacts et par des parallèles in téreBSfur» (4), 1 plusieurs fag*
men* de c^aculptures de bas- relief qiridoi^w>( appartenir,; comme i lié
pense* £ furie des f las *iicienee$ .époque* fto l;èrt étrusque,, efcà une
école, nationaie, bien qile la composition , le style et Je* coutume qtârcnt
beaucoup' cFânplogie avec le célèbre scarabée de Stescby des. cmq chefs
dt*dtitTtàbtï,Ql sur-tout avçc fe baa-reJief grec $4gavtvwwn;ù*mN&èa
4n_ kou,vjre ; en sorte que , même à une époque primitive, l'influence
« ! V » "■■ l p'«. i ■ i >M ' l J 'P l.'J , . .» ., . , ' »„ . » ■ . " 't> '
~°$Y?fktàe'im>rn9 àtoM »ÂiT«M»]dlf-Âleiytayi«X<^-(2> -Vby. me* Mmmim
tn((f:, G+SstfiJe , pa*. ijô, notëi. t— {tf'Pastfwt, PicK eirust. in vase. 111',
cçxvr); Cfeuzcr , Àbbildùngen \u fyàèbvlik, taf. H, fig. }. Je me sut» suffi-
#amnitirr expliqué sut ce sujet, Ormèiéé\ par». **$>— (4) Kiwwa'pL-x,-fe;.^
Hh a
i44 JOURtt*£iD£S:SAVANS,
gwtajoe le seroh déjk exercée sut tes mtauJmens étrusques, tarif h
ftég&rddu «hoix de* jnfecs , qoerpat rapport tu style même et tu travail.
Mg Doroir chetttésides pierres tàHlées cCune façon particulière, entfe
aut#«*4ine jpAb* qpfatif pmjc sut msdch carré * lesquelles sestvoient ,
dtitr k plupart des adàenoea vHIesi étrusques* à indiquer les sépul~
lumf ^ • )* Il*d existe une vihgtaiikedans le jardin de Févêque de Chiusi;
oh ercvoit çtt et flt dèisepii>iyblas'4|La(itt m* tàfolntsiU et de Cortone ;
et à Yoturrti,<** sorte* de pierres, quand «He*4e .rencontrent dans la
tewe/^ontdes indications à>peu*f*èsimfiBlIibl6s pour trouver les antiques
dupnb ses- «^pahcmfet des Étrusques . La plus curieuse de cei pierres
tumpkMe ësr cefleaqet se trorive dans Iç jardin de M. Paofcwzi, riche
amateur devCMtui, sur la jpbèm aplatie de laquelle est sculpté un
pfaùtfut Jori& de ' trente-tfois pouces t symbole semarquabJe » et qui se
rapporte indubitablement m même système de représentations ithyphal-
fiquefque nous avons signalé nous-méme 9 à l'occasion de bas-reliefs
et de sculpture* étrusqpes dès hypogées de Gornéto (a).
i: Àf*è*kpdlec^ de AL Peolosztqus
attire l'attention de M. Dorowy II en décrit fe* principaux objets, à i»
t#te desquels figure un bas-fltiief en pierre* . d1 un style très-remarquable*
que M, Miceli a publié (3) * tnab d'une manière fort inexacte , ainsi que
ie remarque M. Doirow. Notre voyageur distingue aussi deux beaux
vasep pcftats, en figures noires sur fend jaune ,. trouvés à Chhisi même,
et représentant des sujets helléniques, savoir* fun, ^TAésée combattant
h Minùtavn, avec dès inscriptions grecques; l'autre, Perses tainfMfiri
et la Gorgone g nouvel et irrécusable témoignage de ces relations antiques
et n mimes qui existoient entre f Étrurie et la .Grèce. Les. pierres gravées,
et notamment les scarabées, d'ancien style , qui sont une dès principales
richesses du sol classique de Chhisi, abondent dans le cabinet de
M. Paolozai* et M. Doyw en décrit plusieurs qui offrent des types
newfset curiqtfx pour la mythologie, presque tous puisés dans les fables
helléniques, et un Iseul qui pàroît avoir rapport à V Hercule phénicien*
mars* peu t-ètne y a-t-ii ici quelques doutes k élever sur l'explication de ce
momnnem, ou même sur son authenticité» d'après l'adresse û connue
* TO Une sphïrt, placée sur" "un "cippe," s érf "aussi i tîidîffneran* tomBeùWïùr
ptaffei\a x**ps pecêï j'en, ai fait » la. -remarque* et recherché te motif, dans mon
Oftstéyie,, P*g't4' % et je pro&te de cette-occasion pour citer an des exemple»
bffl plm:déci*if» fc cet égara , qui m'avoit échappé , c'est à savoir le vase publié
par 41. Atnispuoeave, tntrod% à l'étmfe.des vases, pL X; voy. Journal des
Savans, 182B, p. 7 10.— (2) Voy. Journal du Savons, 1828 , p. i%.— (j) PL XVi.
t un
*&3a
Ht
avec laquelle l'industrie moderne s'est exercée et s'exerce encore toqs
le* jours sur cette classe de monumens antiques* ; .» ..
. L'espace , qui va bientôt me manquer, m empêche de ç^er awn
4étajl !■ description intéressant^ que fait M, Dorow de plusieurs
dtambres aépujcrales, récemment trouvées aux enviions de Chiusiy
remplie* de sarcophages en toute matière et de toute dimension,
Tune desquelles est ornée de peintures dans le goût de celles de Cor*
aéto» c'est à savoir, avec dés représentations des divers exercices gytn-
nasiiques usités chez les Grecs. Mais la principale de ces grottes
sépulcrales a déjà fourni le sujet d'un savant mémoire au professeur
YermigUoIi (i);, et je me borne à y renvoyer nos lecteurs 9 pour arriver
St une classe de monumens étrusques tout-à-fàit particulière à Chhisî x
et du plus grand intérêt sous le rapport de l'histoire de l'art , aussi
bien que sous celui des influences étrangères qu'a pu éprouver , à une
époque plus ou moins ancienne , .la civilisation étrusque.
Je veux parier de ces vases à' argile noire, non pas cuits au four ,
mais simplement sécbés au soleil, «t ornés, à diverses places, de bas*
reliefs imprimés au moyen de l'estampage. Ce n'est que depuis très-
peu d'années que ces vases commencent à se montrer sur le sol de
Çbiusi ; la galerie de Florence en possède un choix excellent , quoique
peu nombreux» admis seulement en 1 827 parmi les autres monumens
antiques de cette superbe collection» et resté tout entier inédit, jusqu'au
moment où M. Dorow en publia quelques-uns, dans un opuscule très-
curieux imprimé à Pesaro (a) , Tannée suivante. Depuis cette époque,
fattention excitée à l'égard de ces vases en a fth arriver quelques-uns
dans les collections d'au-delà des Alpes : on en voit, à Paré, dans le
cabinet de M. le duc de Blacas, dans celui de M. Durand; et s'il m'est
permis de me citer moi-même, j'en ai rapporté plusieurs pour le cabinet
du Roi, que je me propose de publier prochainement ; et je puis ajouter
que j'ai été le premier, en France, à signaler à l'attention des antiquaires
cette classe tout-à-fàit neuve de monumens étrusques (3), précisément à
la même époque où M* Dorow en faisoit de son côté l'objet d'un examen
particulier. Mais le plus grand nombre de ces vases et les plus impor-
tana existent encore à Chiusi même , dans les collections particulières
de M. le chanoine Mazetti et de M. le capitaine Tozzi ; et c'est là que
notre voyageur a. pu en acquérir quelques-uns» et en faire dessiner
quelques autres qu'il publie ,' et qui forment ainsi Fun des principaux
4 ■ >
(i), Opuscoli &c, tora. IV, pag. 1 et suiv. — (2) JVotizir&c. avec 4 planche*
Iithographiécs. — (3) Voy. mon Cours d'archéologie, publié en 1 828 1 pag. 1 4j»
%{6 JOURN3KÉ Mfe^VANS,
omcnren» Ai-toya^e'd^nt^Hotts rendoris compte; Lts( GttWptettiott*
sculptées sur ces vase» appartiennent Indubitablement *d* phrs a*-*
«totale» jttodu ctîori* dë^ Part étrusqtie ; elles en constituant h série1 la
pW* jiatibnble peuf-étref; ou du moins celle sur laquelle l'influera*
gWoqué,'qui p*is tarde'ejrerça presque1 seule et sans partage,' est 4&
moins sensible , et même tout-à-fait nûlte. Mais on y remarque! en'
même temps tme ariafogie de style et dé composition, avec db*4eu4pturt£
de bas-reltefr égyptiens et persépolitainis , qui décèlent tuie 'influence1
orientale et qui paroi t se Rattacher à l'époque de féniigra&tti alforiqu*
des Tyithénièns. Telle en l'idée nqu'en a conçue M*l!>oftrir; è* te8e
est aussi celle' que fâvèi* exposée de ittèn côté , avant 4er duMMtiiif
lé travail dé ce savait.' Je rtte crois cependant pas, et c'est toi qtté t*
prend» là1 liberté de m'éloignér de fcort opfinioh, que les^mptfsfrîori*
de ces ; sculptures étrusques puissent s'expliquer par les mj$ttèi*»
de Uacchus, dont if ne me paroît pas prouvé* £6 Aimé k iMi et
comme h M. Creurer, que Ffastîtution ait été tiês-fcnciérine'ni
tï*s- populaire chès fes 'Étrusque*. %*Mftli!& plutôt d'avis que le* ^ blatte
reliefs dent if s'agit ont rapport I des sujets funéraires, d'a&okt
avec la destination même des vases qui en sont ornés; et que «e* sont
les diverses scènes du jugement des aines après la ttuirt* siïje» d*
tout temps familiers à Part étrusque, et souvent reproduits dans les gïotte*
sépulcrales, notamment dans celles de Chiusi, qu'il fautkoit voir iU»
ces bas-reliefs. Je persiste de mèmei à penser, contre les doutes expri-
més à cet égard par M. Dorow ( i ) , que toute la sérié des vases peints,'
trouvés, sôit à Chiusi, soit dans d'autres localités et tangères, tous atoéd
des sujets helléniques , et la plupart avec des inscriptions gnefcques plus
ou moins bien tracées, plus ou moins lisibles, appartient cxclusWtmtnP
à la Grèce, je veux dire à ses arts et à ses croyances; et que ces
sortes de vases ne se rencontrent sur le sol étrusque que parce qults y
oint été portés parle commerce au moyen d'échanges, et par l'effet de*
relations intimes entre les deux peuples (2). Les découvertes si nom*
hreuses et si intéressantes de vases peints qui se Sont faites tout ré-t
cemment et qui se font encore tous les jours sur une portion du
territoire étrusque de l'Etat àctufel dé, l'église, n'ont pu que m'aflfermtr
daçs cette opinion, que f'avois d'abord exprimée avec quelques restric-
(t) Pag. 41, not. tii— •(») Cet article étoit rédigé ayant celui où neus jriroa*
jendu compte de la Colltction des vases du prince de Canmo*-£i où nous avoua
exposé, avec autant de .détails qu'il nous a été possible, notre qpinion sur la
patrie de ces vases prétendus étrusques; voy. JoutndVda Savant, i8jo*
iij-11; et 177-187. .. ..
."V-7ÀVRIL 183O.' a47
tien*, en rendant compte, dans ce journal (1), de Ix collection des
vases peints formée dans TÉtrurie même par M. Dorow. Mars , pour
en revenir à nos vasts d'argile noire avec bas-reliefs imprimés, les détails
très-curieux que donne M. Dorow à l'égard d un grand nombre de ces
vases, et $ur-tout les dessins qu'il en publie, doivent être considérés
comme un des principaux élémens que nous possédions encore pour
arriver à Texplicacion de cette classe si importante et si neuve de monu-
mens archéologiques; et n'eût-il que ce seul mérite , le livre de M. Do-
row» rempli d'ailleurs de tant de notions curieuses sur les collectkns
étrusques d'une partie de fa Toscane, mériterait d'être hautement recom-
mandé à f attention publique et à l'examen des antiquaires.
RAOUl^ROCHETTE.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
La séance publique tenue le 1 .* avril par l'Académie française , pour Ta
réception de M. de Lamartine, a été annoncée dans notre cahier dernier,
page 189.
' Le major Jame* Rennei , associé étranger de Y Académie des inscriptions et
beilesj-tatres , est mort dans les premiers jours d'avril, et a été inhumé le 6 à
Westminster. 11 étoit né eh 1742 à Chudleigh, comté de Devorishire. Des
1761, il s'est distingué, comme officier de marine, à iaprbe de Pondichéry;
cinq ans après, il tervort dans l'Inde, comme officier du génie. Une blessure
grave l'obligea de quitter le service; il se livra dés-lors à I étude, et particu-
lièrement à celle de la géographie. Son premier ouvrage connu, est une carte
•du twtîC et du courant du lac LaguHas. En 1781,. il publia un atlas du
Bengale et une notice sur les cours dû Gange et du Brahma-Poutra. Depuis,
flîâ mis au jour une <cftrte de l'Hindoustan, accompagnée d-up mémoire; le
système de la géographie d'Hérodote; des observations sur la topographie de
là Troade; des étlaûrcisiemens sur l'exoédition de Cyrus le jeune et sur
far retraite des dix mille (voyez notre cahier de janvier *8i8,. p. 3 18 )• 11
Vest occupé aussi de recherches sur l'intérieur de l'Afrique; il a rédigé le
Voyage <Je Hornemann. On annonce que le major Rennei laisse un traité
iriarrascrit sur les courans de l'Océan atlantique, avec des cartes fort détaillées.
' 'L'Académie des sciences a publié le tome IX de ses Mémoires ( Paris,
4St*n*todot,^i8j6^iii-^% ccfoet 684 pages, avec ixpUac^s. .Us ccU
'. •••^•'f ''■>■■■■■: ■-,,,. I II Ml ■ .,
o48 JOURNAL DES SAVAIS,
premières pages contiennent l'analyse des travaux de cette académie en 1 826, et
les éloges historiques de Ramond, HaIlé,Corvisart et Pinel. Le corps du volume
est composé de mémoires de M. Poisson sur l'équilibre des fluides, sur les
racines aci équations transcendantes, sur la proportion des naissances des filles
et des garçons; — de M» Cauchy, sur l'intégration des équations aux différences
partielles ; sur qnelques séries analogues à U série de Lagrange, sur ies fonctions
•y métriques, et sur ta formation directe des équations que produit L'élimination
des inconnues entre des équations algébriques données; sur le mouvement d'un
système de molécules qui s'attirent ou se repoussent à de très-petites distances;
sur une loi découverte par M. Savart et relative aux vibrations des corps solides
ou fluides; sur la torsion et les vibrations tournantes (Fane verge rectangulaire;
— de M. Héron de Villefosse, sur l'état actuel des usines a fer et sur ies
métaux en France;— de M. Puissant, sur la mesure et le calcul des azimuts
Î>ropres à la détermination des longitudes terrestres ; — de M. Navier, sur
'écoulement des fluides élastiques dans les vases et les tuyaux de conduite;
— .de M. Portai* sur les fièvres putrides devenues malignes, sur la nature et le
traitement de rhydropisie avec des palpitations de cœur, et particulièrement
sur le ramollissement de cet organe ; — - de M. Savart , sur l'élasticité des corps
qui cristallisent régulièrement; -—.de M. Flourens, sur les canaux semi-circu-
laires de l'oreille dans les oiseaux et dans les mammifères , et sur le système
nerveux; —de M. Becquerel, sur l'électro-chimie, et l'emploi de l'électricité
pour opérer des cembinaisons;. — de M. Girard, sur la coudée septennaire des
anciens Égyptiens et les différens étalons oui en ont été retrouvés jusque
présent ; — de M. Mirbel, sur la structure et le développement de l'ovule végétale.
Le 24 Avril, les quatre académies qui conrposent l'Institut ont tenu leur
séance publique annuelle. On y a entendu, i.° le discours d'ouverture de
M. Girard , président ; 2.0 un rapport de M. Rémusat sur le concours de 1829
Sour le prix fondé par Volney; 3.0 un rapport dé M. Navier sur la caisse
'épargne et de prévoyance; 4»° d** fagmens d'un. tableau, historique de
l'insurrection de la Grèce, parM.de Lac retelle; 5.0 un mémoire de M* Dureau
de la Malle, concernant l'influence de la domesticité sur les animaux depuis le
commencement des temps héroïques jusqu'à nos Jouis. — Ces morceaux ont
-été, à l'exception du quatrième , imprimes ensemble chez M* Firmin Didot,
49 pages m-* /
Le rapport sur le prix fondé par Volney est conçu en ces termes : « La
commission chargée d'exécuter la fondation faite par M. le comte de Volney
«voit proposé , pour sujet du prix qu'elle devoit adjuger je 24 avril 1839,
d'examiner Quels sont les caractères logiques ou grammaticaux qui distinguent le
tioni verbal et les adjectifs verbaux de l'infinitif et des participes considérés
comme modes du verbe, dans les langues où ces différentes catégories de mots
existent concurremment. La commission a adjugé le prix au mémoire n.°4,
écrit en latin, et portant l'épigraphe, Habent linguot non solùm suam physjo-
logiam et suam logicam , sed habent auoque suOm psycholagiam. L'auteur est
*M. E. M. Guido Goerres, de Munich. La commission a en outre arrêté au'il
seroit (ait urte>fltention4ionorable du mémoire, n.° ^.pprtantpqnr 4pigrap^e,,
Evgo-non -ehclinatio , sed proprietas ft exa/rif"*" significafiotits. (Priscianus,
AVRIL 1830. 249
doustan , dont les alphabets sont dérivés du dévanagarï, un système de transcription
méthodique et régulier, tel qu'un texte écrit d'après ce système puisse toujours être
transcrit de nouveau, et avec exactitude, en caractères originaux. On devra
exclusivement faire usage des lettres de l'alphabet européen, modifié et com-
plété, selon la nécessité, par l'addition de signes simples et empruntés à la
typographie ordinaire. On rédigera un tableau de la concordance orthographique
applicable aux trois systèmes de prononciation, français, allemand et anglais,
de manière que les noms propres, les mots ou les phrases transcrits par un
individu de l'une des trois nations, puissent être reconnus, et rendus confor
niémcnt à l'orthographe des deux autres, à volonté. Le prix sera de 1,200 fr.
Toute personne est admise à concourir, excepté les membres résidans de
l'Institut. Les mémoires seront écrits en français ou en latin , et ne seront
reçus que jusqu'au 1 .er janvier 1 83 1 . Ce terme est de rigueur. »
Le jeudi 29 avril, l'Académie française a élu M. Pongerville à la place
vacante par le décès de M. de Lally-Tolendal.
Dans la semaine suivante, l'Académie des inscriptions et belles-lettres, pour
remplir les six places qui depuis long-temps restoient vacantes dans son sein , a
élu MM. Thurot, Champollion le jeune, Augustin Thierry, Lajard, Amédée
Jaubtrt et Mionnet.
La Société royale et centrale d'agriculture a tenu sa séance publique le
! 8 avril, sous Fa présidence du ministre de l'intérieur. Après le discours d'ou-
verture, prononcé par son Excellence, dts prix ont été décernés à MM. de
Fontenay , Trochu , Riss, Demoussy , Louis de Villeneuve , A. L. Blanchard ,
Payen, Huvellier, Mulot, Poittevin , harel, Brochier, Delphin, Beaussire, &c.
Les motifs de ces récompenses ont été exposés en des rapports de MM. Héricart
deThury, Oscar Leclerc, Huzard père, Huzard frs, Henri, Deladoucette*
Vilmorin et Lahbé. La Société décernera des prix, en 183 1, pour l'introduction
dans un canton de la France, d'engrais ou aamendemens qui n'y étoient pas
usités; pour des essais comparatifs, faits en grand, sur différens genres de
cultures , de l'engrais terreux ( urate calcaire ), extrait des matières liquides des
vidanges; pour la traduction , soit complète, soit par extrai's, d'ouvrages ou
mémoires relatifs à l'économie rurale ou domestique, écrits en langue étrangère,
qui offriroient des observations ou des pratiques neuves et utiles ; pour des notices
biographiques sur des agronomes ou cultivateurs dignes d'être Yniaux connus;
pour des ouvrages r mémoires et observations pratiques de médecine vétérinaire;
pour des renseignemens sur la statistique des irrigations en France, ou sur la
législation relative aux cours d'eau et aux irrigations dans les pays étrangers;
pour un manuel pratique propre à guider les habitans des campagnes et les
ouvriers dans les constructions rustiques; pour la culjrure du pommier et du
poirier à cidre dans les cantons où elle n'est pas «établie; pour les meilleurs
mémoires sur la cécité dans les chevauv, sur ses causes, et sur les moyens de la
prévenir et d'y remédier;" pour la publication -d'instructions populaires dans 1rs
dt'partemens, destinées à faire connoStre aux agriculteurs quel parti ils
pourvoient tirer des animaux qui meurent dans les campagnes, .soit de maladie,
soit de vieillesse, ou par accident, et pour la mise en pratique, avec succès,
des moyens indiqués a cet effet ; pour la construction de la meilleure machine
à bras propre à battre et à vanneries blés avec la plus grande économie, de
manière à donner, avec la même dépense, un produit d'un quart au moins» en
li
ï
*5<> JOURNAL DES SAVANS,
sus de celui qu'on obtient par le battage au fléau, lequel est évalué à cent
cinquante kilogrammes de blé vanné, par four, pour le travail de chaque
batteur en grange; pour le percement de puits forés suivant la méthode arté-
sienne, à l'effet d'obtenir des eaux jaillissantes, applicables aux besoins de
l'agriculture (3,000 fir. ); pour la culture du pavot (oliette) dans les arron-
disse m en s où cette culture n'étoit pas usitée avant l'année 1820; — en 1832,
pour la Substitution d'un assolement sans jachère, spécialement de l'assolement
uadriennal, à l'assolement triennal usité dans la plus grande partie de la
rance; — en 1834» pour la plus grande étendue de terrain de mauvaise
qualité qui auroit été semée en chêne-liége dans les parties des départemens
méridionaux où l'existence de quelques pieds, en 1822, prouve que la culture
de cet arbre peut encore être fructueuse; de manière qu'en 1834 il s'y soit
conservé des semis de cette année ( 1822), ou des trois années suivantes, au
moins deux mille pieds, espacés d'environ six mètres dans tous les sens, ayant
une tige droite et bien venante ( concours ouvert sur la demande spéciale de
son exe. le ministre de l'intérieur: premier prix, 3,000 fr.; second prix, 2,000 fr.;
troisième prix, 300 fr.).
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
ATÀKTÀ it>oi»r xuvnJkmr itç Wr e^xTetr jyi rit fia* tMnwutf yxicnnLt. . . ,
«H/ut rpmç 9ffif';^r Kttt^ç àpyuo^oyictç v*r,r, ibiupuor riaç /uunafymatuç nç naç
<fra6ffW, flâ*vy* mp* to'v tt lopoovxifiioiç eiyiof çcniç, xsf* i* *ty" HçiultA ibiJitut
dxapfifAMofcûç. Paris, impr. d'Eberart, librairie de Firmin Didot, 1830, in-8.ê ,
xv et 478 pages. Ces mélanges ou observations diverses sur la langue grecque
ancienne et moderne, survies monumens de cette littérature, sont publiés par
M.Coraypour servir de supplémens à sa Bibliothèque grecque. Les deux pre-
miers volumes des'Amxra ont été annoncés dans nos cahiers de septembre 1 $28)
p. 571, et de juin 1 829, p. 383. Le troisième contient , après les prolégomènes,
i.° un traité des antiquités de Chio, sa géographie, ses premiers habrtans, sa
chronologie. . . , la biographie ( par ordre alphabétique) (Te ses hommes illustres ;
. . . . 2.0 l'essai d'une nouvelle traduction du Nouveau-Testament ( l'épkre de
S. Paul àTûus); 3.0 un dialogue sur la lumière sainte vue à Jérusalem; des obser-
vations sur le compte par douzaines. Lé volume est terminé par quatre tables.
Lettre à M. Osann, professeur à l'université de Giessen, contenant l'examen de
plusieurs passages d'uuteuts grecs , par M. F. Gail. Paris, impr. de Paul Re-
nouard , librairie de Treuttel et ^iirtz , et chez i'auti ur , rue du Mail , n.° 1 a ^
1830, 40 pages in- 8/ C'est une série de trente-neuf observations grammaticales
et littéraires, où sont expliqués des passages d'Homère, d'Eschyle, de Sophocle,.
d'Euripide, d'Aristophane, de Thucydide, de Platon, de Démosthène, de
The'ocrite, de Strabon, de l'empereur Julien, et le passage latin de Piîne
(Hist. natiir. vil, 30): Homtro... nullum felicius extitisse convenu sive
operis fortuna , siye materia œstimetor. •
Novtr lucubrationes in novam scriptorum latinorum bibliothecam , à C. L. F.
Panckoucke editam, auctore Eiigio Johanneau : in C. J . Caesarem, C. Ne-
potem et Justii um. Parisiis , Panckoucke, 1830, in-8.* , 34 pages. La plupart
des remarques sur les Commentaires de César ( de Bello gallico ) ont pour b«t
AVRIL 1830. ' aji
d'expliquer ou des noms propres, comme Orgetorix, Viridovix, Adcantuannu*,
lnduciomarus, ou des noms de dignité, comme vergobretus , de service,
comme soldurii , t>u des noms géographiques, Dubis, Sesuvii, Ambiliates ;
d'en rechercher les origines et les -significations : on sait que ce sont là des
questions fort controversées La pr. mière à» élever sur les vies attribuées à
Cornélius Nepos concernerait leur authenticité. Plusieurs savans n'y ont vu
qu'un abrégé irforme, écrit par yEmilius Probus, contemporain de Théodose;
*r cette opinion, qui a été adoptée par M. Walckenaer ( Biogr. univers»
IX, 633) nous semblerait la mieux fondée, quoiqu'elle ne soit pas la plus
répandue. Mais M. Johannean n'examine point cette question. Son travail le
plus étendu et le plus recommandable est celui qui concerne les quarante-
quatre livres de Justin : il a joint plusieurs observations qui lui appartiennent
en propre , à un très-bon choix d'anciennes notes.
Rétablissement du texte de la LU vin a entmnedia, XXVI.® chant du Purgatoire,
où le troubadour Arnaud Daniel s'exprime en vers provençaux , par M. Ray-
nouard. Paris, Imprimerie royale, 1830, 12 pages in-4.9, extraites de notre'
cahier de février dernier, pag. 67-78.
Le Faux connaisseur , ou l'homme aux méprises, comédie en 5 actes, en
Îrose, par M. P. Gilb. Duclos. Paris, impr. de Sétier, i8jo, 84 pages in-12.
.e principal personnage de cette pièce s'appelle M. de Fîntac, comme dans
le conte de Marmontel intitulé le Connoisseur. On a imprimé à Genève , en
177c, in-8.°, une comédie en 3 actes et en vers , sous le titre de M. de
Fîntac ou le faux connaisseur , par l'aveugle de Ferney : c'est mal à propos que
cette comédie a été attribuée à Voltaire; elle est de Lefébure de Saint-
lldéphon, ainsi que le remarque M. Beuchot dans une préface mise à la tête
du Théâtre de Voltaire (nouvelle édition de ses œuvres ).
Œuvres de Fenimore Cooper, traduction de M. Defauconpret, avec des
notes historiques; nouvelle édition en 9 vol. in-8.° , contenant les neuf
romans intitulés: la Précaution, l'Espion, le Pilote, Lionel- Lincoln , le
dernier Ses Mchicans , les Pionniers , la Prairie, le Corsaire rouge, le Puritain
d'Amérique, On souscrit, sans rien payer d'avance, à Paris, chez Fume,
libraire, quai des Augustîns, n.° 39, à raison de 2 fr. jo cent, par volume.
Le prospectus est imprimé chez E. Duverger.
Précis de l'histoire , par M. le marquis de Villeneuve, préfet du département
de la Corrèze, de l'Académie des jeux floraux, &c. (Historia est testis
temporum, lux veritatis, magistna vitœ, nuncia vetustatis. Cic. ), approuvé par
l'université; seconde édition, revue et augmentée. Parts, impr. de Decourchant,
librairie de Pichon et Didier, 1830, un vol. in-8.9 Pr. 6 fr., et cartonné à la
Bradel, 7 fr. Ce volume comprend toute l'histoire, divisée par vingt-deux
époques , onze avant J. C, onze après!
Cours d'histoire des états européens depuis le bouleversement de l'empire romain
d'occident (47 6) Jusqu'en 1789, par Fred. Schoell, en 30 vol. in-8.9 de 400 pag.
chacun. Le prospectus fixe le prix de chaque volume à 7 fr. pour les personnes
qui auront souscrit avant la publication du sixième, chez Gide fils. Les tom. I
et II sont en vente.
Histoire des colonies étrangères qui se sont fixées dans VAbyssinie et dans le
Sennaar depuis le vu/ siècle avant J. C. jusqu'au IV.' siècle de l'ère chrétienne,
suivie de dissertations sur la civilisation des peuples du Soudan au temps des
li 2
252 JOURNAL DES SAVANS,
Méroens, des Egyptiens, des Carthaginois, des Grecs et des Romains, et de
plusieurs traités sur les relations commerciales de ces peuples avec les Nègres,
par M. Louis Marcus, 3 vol. in-8.° , accompagnés de cartes et de planches.
« Depuis que Mungo-Park, Clapperton , Laing, Caillé et autres vo)ageurs
» célèbres ont parcouru quelques parties du Soudan, c'est-à-dire , des pays
» situés entre les sources du fleuve Blanc de Browne et celles* de la Gambie et
» du Sénégal . . . , l'attention de toute l'Europe est dirigée vers ces pays, destinés
»à ouvrir un jour des débouchés immenses aux productions européennes. Le
» livre de M. Marcus contient beaucoup de renseignemens inconnus ou fort
» peu connus sur l'état actuel de la civilisation chez les peuples du Soudan,
»sur l'histoire de ces peuples, et sur la géographie physique et politique de
j> leur patrie. » Il en a paru des extraits dans les cahiers de mars, avril, mai,
juin et juillet 1829 du Journal asiatique. Le Bulletin de la Société de géo-
graphie, janvier 1830, contient un rapport sur l'ensemble de l'ouvrage; il y est
dit que « plusieurs orientalistes, naturalistes et géographes distingués de France
*>et d'Allemagne (MM. Alex, de Humboidt, Guill. Cuvier, Silvenre de
»• Sacy , Jomnrd , Klaproth, Saint-Martin, Reinaud , Ritter, Rudolphi ) ont
a> parcouru des parties entières du manuscrit et en ont témoigné leur satisfaction
« a l'auteur. » Les trois volumes de M, Marcus, revus par son ami M. Ajasson
de Grandsage, paroîtront de trois mois en trois mois, à partir du mois d'août
prochain. Le prix de chaque volume sera pour les souscripteurs de 9 fr. , ainsi
que l'atlas. On souscrit provisoirement cnez l'auteur, rue Simon-le-Franc ,
n.° 21,
Histoire des conquêtes des Normands en Italie , en Sicile et en Grèce , années
joiâ-iofy , par M. E. Gautier d'Arc. A Paris, chez L. Debure , libraire , rue
de Bussy, n.° 30, vol. in-$.\du prix de 7 fr. 50 cent., avec un atlas in-4.0
dont le prix sera de 12 fr. Le prospectus annonce que l'histoire littéraire de
i'Jralie durant le IX. e siècle formera la seconde partie de l'ouvrage.
Atlas géographique y statistique, historique et chronologique des deux Ami'
tiques et des îles adj<icentes , traduit de l'Atlas exécuté en Amérique sur le plan
de l'Atlas de Lesage, avec de nombreuses corrections et augmentations, par
M. J. A. C. Buchon ; nouvelle édition, 1 vol. grand in-foL , composé de
63 cartes coloriées. II paroîtra en 20 livraisons: la première est en vejue ; les
suivantes seront publiées de quinze en quinze jours. Prix de la livraison , pour
ceux qui auront souscrit avant le i.cr juillet prochain, 2 fr. 50 cent. La sous-
cription est ouverte chez Verdiére, libraire pditeur, quai des Augustin?,
n.0.25.
Vicissitudes de la Louisiane et du Champ d'asyle , par M. Ant. Metral. Paris,
firmin Didot, 1830, 20 pages in-S.°, extraites du Bulletin universel des
sciences. Pr. 1 fr. 80 cent, chez Lerosty au Palais-Royal. Cet opuscule es*
une sone d'appendice à l'ouvrage de M. Barbé-Marbois dont il a été re.rdu
compte dans notre cahier de mars 1829, Pa6* 180-185. •
Afemoriœ Johannis Schweighœuseri sacrum; seminarii prote$tantium theolo-
gici nomine scripsit J. Georg. Dahler. Argentorati, typis Frid. Car. Heitzii, 1 830,
"56 pa^es in-8.° On a fait entrer dans cet éloge historique de M. àchweighieu<er,
la notice qu'il avoit publiée lui-même de la première partie de sa vie , savoir,
depuis le 26 juin 1742, date de sa naissance a Strasbourg , jusqu'à son .mariage
en 177J. Un tableau plus étendu de ses travaux littéraires antérieurs et posté-
AVRIL 1830. ■■ : 25 j
rienrs à cette époque est tracé par M. Dah'er, avec beaucoup d'exactitude et
d'intérêt. M. Schweighaeuser, associé à l'Institut depuis 1798, a terminé sa
carrière honorable et laborieuse ie 19 janvier 1830.
Œuvres de Al. BatLwche, 9 volumes grand in-S.% papier vélin; tome I, TAnti-
gone (publiée en 1 8 1 4» réimprimée en 1819); l'Homme sans nom, et l'Elégie
( 1820 et 1827); les Fragmens (petit volume, imprime à peu d'exemplaires en
1819); tome II, Essai sur les institutions sociales (181 8); le Vieillard et le
Jeune homme (1819); tome III. première* partie de la Palingénésie sociale
(imprimée à petit nombre et non livrée au public, en 1827); tome IV, qui doit
paroître au 15 juin 1830, seconde partie de la Palingénésie sociale, contenant
Orphée ( imprimée aussi à peu d'exemplaires en 1 828 ) ; tome V, qui sera publié
le 1 5 juillet, Formule générale de l'histoire de tous les peuples appliquée à l'his-
toire du peuple romain, et formant la troisième partie de la Palingénésie sociale
(inédite» à l'exception de quelques fragmens qui ont paru dans la Revue de
Paris) ; tqme VI et Vil , pour le 1 J septembre: la Ville des expiations, l'Elégie
générale, et le dernier Epilogue, articles inéJits qui doivent former la quatrième
et la cinquième partie de la Palingénésie; tome V1I1 et IX, pour le 15 no-
vembre: c'est-à-dire, Recherches et Remarques générales, où l'auteur traite des
questions de philosophie, de philologie, d'histoire et même de haute littérature.
.Nous transcrivons littéralement le prospectus, où il est dit de plus que « l'Essai
»sur les institutions ^st une introduction à la Palingénésie, comme l'Homme
» sans nom est une iniroduction à la Ville des expiations; que l'Orphée est toute
» Palingénésie primitive, et la Formule générale toute Palingénésie historique;
«que l'Antigone est une épopée domestiqué', et l'Orphée une épopée générale;
»aue ces deux épopées sont identiques en ce sens que l'homme collectif et
» 1 homme individuel sont identiques; que les deux volumes de Preuves
» feront sentir combien toutes les compositions de M. B dlanche sont en harmo-
» nie ent e elles et se rappellent les unes les autres.» L'édiîion est confiée aux
presses de M. Jules Didot, qirt y consacre un caractère neuf. Le papier sort
de la manufacture de M. de Montgolfier de Beaujeu. Le prix de chaque volume
est de 9 francs. Comme le tirage est limité, les personnes qui veulent Rassurer
un exemplaire peuvent s'inscrire d'avance chez M. Barbezat, éditeur, rue des
Bcaux-ÀJts, n.° 6.
Œuvres complètes de AI. de Chateaubriand; édition donnée par M. le mar-
Fayoile, chez qui
La collection aura
4 J tomes in- 12, sur papier fabriqué exprès par M. de Montgolfier. Les 6 pre-
miers (déjà publiés) contiennent le Génie du christianisme. Dans L- tome4>
auis de Fortin. Paris, imprimerie de Fournier, librairie de
Ion souscrit, à raison de 3 francs 50 centimes par volume. 1
pages 160190 (partie III, livre IV, chapitre 2 de l'ouvrage), on lit une note
de M. de Fortia, suivie d'une réponse de M. Gence. M. de Fortia y adopte
l'opinion qui attribue à Jean Gersen le livre de l'Imitation ; M. Gence persévère
à penser que ce Geisen n'a jamais existé f et que le véritable auteur de ce traité
célèbre est Gerson. Voyez nos cahiers de décembre 1826, pages 747*754 î oc~
tobre et. novembre 1827, pages 622-633, 643-649. On a tiré des exemplaires
particuliers de la note de M. de Fortia et de la réponse de M. Gence; 20 pages
in- 12.
Des doctrines connues sous le nom de Théorie des analogues et d'Unité de com-
position, relatives à l'organisation animale, par M. Geoffroy - Saint- (iilaire.
ij4 JOURNAL DES SÀVÀNS,
«J'ai posé le plan de cet ouvrage, dît l'auteur; il sera formé de 2 vol. in-8.0
» Quand des figures seront absolument indispensables à l'intelligence du texte,
» on y joindra des planches in- 8/ et in-f.0 Cet ouvrage paroîtra en douze livrai-
sons. Je mets sous presse, pour former ta première livraison , les quatre mé-
» moires que j'ai déjà lus à l'Académie (des sciences), et dont les journaux
» quotidiens et de médecine ont rendu un compte si divers. Chaque fascicule
*>sera composé de cinq i six feuilles d'impression, ainsi qu'il vient d'être dit
»tout-à-I'heure.»On souscrit che* MM. Pichon et Didier. Le prix de la sous-
cription ( de la livraison) est de 2 fr. L'ouvrage sera tiré à un petit nombre
d'exemplaires.
Plantes grcm«, peintes par M. E.-J. Redouté, décrites par MM. A.-P. de Can-
dolle et J.-A. Guillemin. L'ouvrage complet, publié dans les formats in-Jol.0 et
in-f.9, se composera de 50 livraisons, renfermant chacune six planches et six
feuilles de texte. <* Pour éviter aux premiers souscripteurs d'attendre la réimpres-
sion des vingt- huit premières livraisons, les éditeurs publieront exactement et
«simultanément, le i.cr de chaque mois, une livraison de la réimpression
*» et une livraison dé planches et de texte inédits. La première livraison de la
» réimpression et la vingt-neuvième livraison de l'ouvrage sont en vente. Prix
de chaque livraison , in-fol. 30 fr., i/1-4/ 1 5 fr. On souscrit chez Jules Lefebvre,
libraire éditeur, rue des Grands- Augustin! , n.° 18.
Traité des roues hydrauliques et des roues à vent, à la portée des personnes
2ui connoissent les premiers élémens des mathématiques, par M. L. M. C.
ioste , capitaine d'artillerie, ancien élève de l'école polytechnique. Paris , impr.
de Démon ville, librairie d'Anselin , 1830, //i-Â', viij et 160 pages avec une
Flanche. Le traité des roues hydrauliques est précédé d'observations sur
écoulement des fluides, et sur leur manière d'agir contre une surface exposée
^sur leur passage. Prix, 3 fr. 50 cent.
Dans les n.°* 45 > 4^ > 47 du Journal de la langue française, on remarque une
notice sur D. Claude Lancelot, l'un des écrivains de Port-Royal , par
M. Marrast; un premier article du même sur la pièce de théâtre intitulée
Hernani ; des observations sur l'emploi des locutions l'un Vautre , tun et
f autre; un examen de la valeur du monosyllabe </<\ . .. Voyez une première
annonce de ce journal dans notre cahier de janvier dernier, pages 55 et *6.
La Revue nationale est un recueil périodique spécialement consacre aux
intérêts de l'agriculture, de l'industrie et du commerce. Le principal rédacteur
est M. Blanqui aîné. On y trouve des notices sur l'arracacha, nouvelle plante
à racine cornestible, transportée de l'Amérique du Sud ; sur les puits artésiens;
sur l'organisation et les; avantages des caisses d'épargnes; sur la grande et la
petite culture; sur une nouvelle espèce de mûrier blanc ; des observations de
M. Dunoyer, intitulées de la Moralité en industrie, de la Spéculation en
agriculture. Ce journal paroît par livraisons de 2 feuilles ou 22 pages in -S.9 Le
nombre des livraisons est de quatre ou* cinq par mois, ce qui donne 4 vol.
d'environ 4jo pages chacun, pour l'année entière. Le prix de Tabonnemeut
annuel est de 36 fr. à Paris, de 40 fr. pour les départemens, de 50 pour les
pays étrangers : on souscrit au bureau du recueil , quai des Augustins, n.° 55,
e* chez M. Blanqui, rue Saint- Antoine , n.° 145.
Parmi les journaux très-nombreux qui se publient dans les départemens »
il en est qui contiennent des articles relatifs à la littérature et aux sciences.
AVRIL 1830. n>
Le Journal de Caen et de la Normandie ( petit in-fol. dont il paroit une feuille
chaque jeudi et chaque dimanche ; prix de l'abonnement annuel à Caen, 20 fr.),
rend compte des recherches archéologiques qui se poursuivent dans les départe*
mens de la Seine- inférieure, du Calvados, de la Manche, de l'Eure et de
l'Orne. 11 annonce pour la fin de Tannée 1830 la publication d'un Essai sur
la statistique monumentale du département du Calvados, vol. in-tf.° avec
planches et une carte monumentale. Prix de l'ouvrage, 7 fr. , et de la carte 6 fr.
Îour les souscripteurs. — MM.de Caumont, le Prévost, de Gerville, Galeron,
*ambert, et plusieurs autres membres de la Société des antiquaires de Nor-
mandie , se livrent avec beaucoup de zèle, de méthode et d'habileté, à ce genre
de travaux.
Le Journal de Falaise parott tous les mercredis, petit in-fol.; pnx de
l'abonnement annuel, 10 fr. : nous y remarquons une notice des objets déposés
durant les trois premiers mois de l'année 1830 dans la collection d'antiquités de
la ville de Falaise; l'annonce des ouvrages où MM. Deshayes et Langlois ont
décrit les ruines des abbayes de Jumiéges et de Saint- Wandrille; d'un recueil
entrepris sous le titre de Revue normande par MM. de Caumont, le Prévost, de
Gerville , Féret , &c. . ; d'un travail de M. Isidore Lebrun sur l'état actuel des
quatorze bibliothèques de la Normandie, dans lesquelles on ne compte encore
que i44>5°° volumes; un article sur le cours gratuit d'archéologie que fait
à Caen AI. de Caumont.
— M. Bailly de Marlieux a répanda le prospectus de Y Union encyclopédique
pour la propagation des connoissances utiles , par la publication de V Encyclopédie
portative vu H es u me universel, /.• des sciences et des lettres; 2.0 des arts et des
métiers ; j.c de l'histoire , de la géographie et des voyages. On a déjà publié 34 vol.
în-jz de l'Encyclopédie portative; mais cette collection doit être portée à
300 volumes, savoir, 100 pour chacune des trois séries qui viennent d'être
indiquées. Chaqye série sera aussi imprimée grand in-8.° , a deux colonnes, et
distribuée sous ce format en 100 livraisons formant.26 parties ou 13 gros vol.
Prix de chaque in-jz, x fr. 50 cent. , de chaque livraison in-8.9, 3 fr. Les sous-
cripteurs, dont le nombre est limité à deux mille, auront droit à une part du
produit de la vente des exemplaires qui seront tirés au-delà de ce même nombre.
Toutes les pa-ties de l'Encyclopédie portative sont rédigées avec l'assistance et
les avis d'un haut conseil de perfectionnement partagé en trois comités. Le pros-
pectus (8 pages in-8.9 , imprimées chez Decourchant) , donne les noms des
membres de 1 institut et autres hommes de lettres qui composent ce conseil.
Vocabulaire fran çais- algérien , ou Vocabulaire français-arabe du dialecte
vulgaire d'Alger, de Tunis et de Maroc, à l'usage des militaires français;
contenant les mots principaux et d'un besoin plus journalier, dont la pronon-
ciation est représentée en caractères français; suivi de dialogues et des locutions
les pjus née essaires, par M. J. P. Marcel, ancien directeur général de l'imprimerie
en Egypte, &u; deuxième édition. Paris, impr. de Tastu, librairie de A. J.
Denain (éd;teur), 1830, in-16 oblong, vj et 144 Pages« La première édition
a été dounée au Caire en 1799, sous le titre de Vocabulaire abrégé de la langue
arabe vulgaire. A la suite de ce dictionnaire et des dialogues ou locutions où
tes mots arabes du dialecte algérien ne sont écrits qu'en caractères français ,
M. Marcel donne un tableau de l'écriture des Algériens , c'est -à-dir*, de
l'alphabet arabe modifié, dit mogrebin ou Lhât-raoghrebi , en usage à Alger :
*jr5 JOURNAL DES SAVANS.
il y joint l'alphabet des Juifs d'Alger et de Tunis. Le volume se termine par
des observations sur la lecture des mots arabes. Prix , 2 fr.
ITALIE.
Quadro delta storia letteraria d'Armenia; Tableau de l'histoire littéraire
d* Arménie , par Sukias Somal. Venise, împr. arménienne de Saint-Lazare,
1.829, in-8.° Nous nous proposons de rendre compte de cet ouvrage, ainsi que
du suivant.
Storia ed analisi degli antlchi romanzi di cavalleria e dei poerni romaneschi
d'Italia, &c. f Histoire et analyse des anciens romans de chevalerie, et des
poèmes romanesques d'Italie, avec des dissertations sur l'origine, les institutions
et les cérémonies de -la chevalerie, sur les cours d'amour, les tournois, les
joutes et les armures des paladins, par le docteur Ferra rio. Milan, 1828 et
1 829 , 4 vol. in-8.°
Ussenazioni sulla poesia dei trovatori e sulle princîpali manière e forme di
essa , confrontate colle antiche italiane ; opéra di Giov. Galvani. Modena ,
presso gli eredi Soliani, 1829, in- S.0 Observations sur la poésie des trou-
badours, &c.
La traduction italienne de la Biographie universelle approche de son terme:
le 59.* volume in-8.° , publié à Venise , chez Missiaglia, en 1830 , comprend
les articles TR-VA, et correspond aux tomes XLV1 et XLVII du ttxte
fiançais.
Nota. On peut s'adressera la librairie de Al. Levrauît, à Paris, rue de la
Harpe, n.° 81 ; et à Strasbourg, rue des Serruriers, pour se procurer les divers
ouvrages annoncés dans le Journal des Savans. Il faut affranchir tes lettre*
et le prix présumé des ouvrages,
m*
TABLE.
Fabliaux ou contes, fables et romans du XII.' et du XIII.' siècle, par
M. Legrand d Aussy. ( Article de M* Ray nouard. ) Pag. 195.
Mémoires de la Société royale de Aladras. ( Article de Al, Silvestre
de Sacy. ) 204 •
Bibliothèque des croisades , par AI M. Ali chaud et Rei'naid. ( Second
article de AI. Daunou. ) 211.
De l'Éclectisme 9 ou premiers principes de philosophie générale , par
AI. de Reiffènberg. ( Second article de AT. Cousin. T 22 j«
Voyage archéologique dans l'ancienne Etrurie , par AI. le D.T Dorow,
(Article de Al. Raoul-Rochette. ) • 234.
Nouvelles littéraires ..•••••..,..•. 247 •
FIN DE LA TABLE.
JOURNAL
DES SAVANS.
MAI 1830.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1830.
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 4° fr* Par 'a poste , hors de Paris. On s'abonne, à la maison de
librairie LEVRAULT, à Paris, me de la Harpe, n.° 8;; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33. II faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouveaux , les lettres, avis, mémoires, &c, qui
peuvent concerner la rédaction de ce journal , doivent être
adressés au bureau du Journal des Savans , à Paris , rue de
iMcnil-montant, n.° 22.
JOURNAL
DES SAVANS
l^AI 1830.
Histoire naturelle des poissons , par M \ le baron Cuvier et par
M. Valenciennes. Paris, Levrault, 1 828-1 830; tom. I-
Vf in-$S , avec six livmfsons de planches.
Il a paru trois nouveaux volumes du bel ouvrage que publient
MM. Cuvier et Valenciennes, depuis que nous avons, dans ce
journal, annoncé les deux premiers (i),et fait connoître, par une
analyse étendue, le morceau, si important pour l'histoire de la science,
qui est comme le frontispice du livre entier. Notre extrait eût dû être
immédiatement suivi du second article que nous avions pomis; mais la
difficulté de rendre compte d'un traité de cette nature, qui se compose
de tant d'articles isolés, qui embrasse un grand nombre de faits particu-
liers, où tant d'espèces sont classées et décrites , cette difficulté nous a
obligés d'attendre que des parties plus considérables de cette des-
cription fournissent matière à dts remarques générales et à des consi-
dérations applicables h l'ensemble du travail. Cinq volumes qui ont
maintenant vu le jour, bien qu'ils ne forment peut-être pas le quart de
ceux que doit avoir l'ouvrage entier, sont plus que suffisans pour en
juger le plan et en apprécier la haute importance. Nous dirons quelques
mots de la distribution des familles qui y ont trouvé place , après que
nous aurons présenté une idée sommaire d'un livre entier qui , avec
l'histoire de l'ichthyologie , remplit tout le premier volume , et qui est
consacré à faire connoître la nature et l'organisation des poissons.
Un premier chapitre , contenant les caractères généraux et la nature
(1) Voye^ notre numéro. 4e mars 1829 , page 143.
Xk
26o JOURNAL DES SÀVÀNS,
essentielle de cette classe d'animaux, offre un tableau rapide des diffé-
rences qui la séparent des autres classes. Les traits de ce tableau
sont brilfans et pittoresques ; on y reconnoît la main du maître. Plus
des deux tiers de la surface du globe sont couverts par la mer. Les
rivières, les lacs, les étangs, les marais, occupent des parties consi-
dérables des îles et des continents. Dans les eaux , et sur-tout dans la
mer, où le règne végétal est très-rest/fllt, tout semble animé ou
prêt à le devenir. C'est là que le règne animal offre les extrêmes de la
grandeur et de fa petitesse, depuis les monades que le microscope
seul permet d'apercevoir, jusqu'aux baleines et aux cachalots, qui
surpassent vingt fois les plus grands des quadrupèdes terrestres. C'est
là aussi que s'observent le plus grand nombre de ces combinaisons
d'organes auxquelles les naturalistes ont donné le nom de classes. Mais
celle qui y domine davantage et qu^st plus exclusivement propre à
l'élément liquide , qui s'y fait plus remarquer par le nombre des espèces,
leurs formes variées, leurs belles couleurs, et sur-tout par les avantages
infinis que l'homme en retire , est celle des poissons. Leur importance
relative est telle, qu'elle a fait étendre leur nom a tous les animaux
aquatiques, par l'effet d'une confusion qu'on retrouve jusque chez les
écrivains de nos jours qui ne sont fias naturalistes.
. La définition des poissons est claire et précise. Ce sont des animaux
vertébrés et à sang rouge, qui respirent par des branchies et par
l'intermédiaire de l'eau. Produit de l'observation et de l'analyse , cette
définition une fois bien saisie éclaire en quelque sorte toute la nature
des êtres auxquels elle s'applique. Vertébrés , les poissons ont dû avoir
un squelette intérieur, le cerveau et la moelle épinière renfermés dans
la colonne vertébrale, les muscles en dehors de% os, &c. Aquatiques»
leurs forces motrices ont dû être calculées pour la progression dans un
liquide plus pesant et plus résistant que l'air : de là les formes de leur
corps, la brièveté de leurs membres et leur expansibilité, les tégumens
lisses et écailleux, &c. La petite quantité d'oxigène contenue dans Pair
mêlé à l'eau qu'ils respirent, leur a procuré un sang froid , une vitalité,
des sens et des mouvemens moins énergiques que ceux des oiseaux et
des mammifère*. N'ayant point d'air élastique à leur disposition , ils
sont restés muets, «étrangers par conséquent à tous les sentiraens que
la voix réveille ou entretient. Leur oreilfe, renfermée de toute part
dans les os de la tête, leur suffit à peine à démêler les sons les plus
frappans , et, dans le silence qui les entoure , ils avoient peu d'usage à
faire du sens de l'ouïe. Leur œil fixé au crâne , dont l'iris ne se con-
tracte ni ne s'élargit, qu'aucune larme n'arrose, qu'aucune paupière
y t.
: ^J. ."
MAI 1830. 261
n'essuie ni ne protège , ne reçoit qu'une foible lumière dans les pro-
fondeurs où ils vivent. En général , les sens extérieurs des poissons
leur donnent peu d'impressions vives et nettes. La nature qui les
entoure ne doit les affecter que d'une manière confuse. Leur passion
dominante doit être le sentiment intérieur de la faim. Poursuivre une
proie ou échapper à un ennemi font l'occupation xle leur vie , le but
pour lequel semblent calculés tous les détails de leur structure, tous
leurs organes de mouvement. Les variations de la température les
affectent peu. Les saisons ne sont pas , pour leurs migrations et pour
les époques de leur propagation , des régulateurs exclusifs. Leur repro-
duction n'est ni précédée du rapprochement des sexes, ni suivie, pour les
femelles , des soins et des plaisirs de la maternité. Et cependant ces
êtres 1 à qui il a été ménagé si peu de jouissances, ont été ornés par
!a nature de tous les genres de beauté : variété dans les formes, élégance
dans les proportions, diversité et vivacité de couleurs, rien ne leur
manque pour attirer l'attention de l'homme ; et s'il est possible d'ap-
pliquer à cet objet la théorie des causes finales, il semble que ce soit
cette attention même que la nature ait eu en effet le dessein d'exciter.
Cet éclat des métaux et des pierres précieuses, ces bandes élégantes,
ces ondulations symétriques , ces nuances admirablement assorties ou
contrastées ; tous ces dons ne sont rien pour ceux qui les ont reçus ,
puisqu'ils ne peuvent au plus que s'entrevoir dans les profondeurs où la
lumière a peine à pénétrer; quand ils.se verroient, quels genres de
plaisirs pourraient réveiller en eux de pareils rapports l
Les poissons n'ayant pas de cou, leur corps est généralement tout
d'une venue, diminuant seulement aux deux extrémités. Rien n'est plus
diversifié que la forme de ce corps , la grosseur et la configuration de
la tête, la disposition des mâchoires, la situation de la bouche , qui varie
aussi dans ses dimensions, depuis celle d'un simple trou, comme dans
les centrisques , jusqu'à une vaste gueule , comme dans les lamproies.
On ne voit à l'extérieur que les organes de deux sens, les orifices des
narines et les yeux. L'opercule dont les battemens servent à la respira-
tion est pareillement sujet à varier de forme et de volume. Les
nageoires ne diffèrent pas moins ffcr le nombre, la hauteur et la
structure des rayons qui les soutiennent* Enfin la nature des tégumens
est également diversifiée : le poisson peut être nu, écailieux, épineux,
cuirassé dans toutes ses parties ou dans plusieurs. Si l'on joint à ces
considérations ce qui concerne les couleurs, leur distribution, leurs
nuances, et ce qui a rapport k la grandeur et au poids du poisson ,
!.. . .
*6z JOURNAL DES SAVANS,
on peut se faire une idée de ce qui caractérise à l'extérieur cette grande
classe d'êtres animés. ■ -
Le chapitre que M. Cuvier a consacré à ces observations générafes
sur les formes extérieures des poissons, est suivi de sept autres chapitres
où fauteur traite successivement , et avec beaucoup de soin, du système
osseux, des muscles , du cerveau et des nerfs, des sens extérieurs * de
la nutrition et de la génération. Les poissons , par rapport au tissu de
leurs os , se divisent en osseux , en fibro-cartilagineux et en vrais
cartilagineux. Ces derniers n'ont jamais de véritables os ; leurs parties
dures ne consistent intérieurement qu'en un cartilage homogène et
demi-transparent, qui même demeure absolument membraneux dans
quelques espèces. Mais la plupart des poissons osseux ont les os
autant et plus durs que les autres animaux ; il y en a même dans fe
tissu desquels on n'aperçoit plus ni pores ni fibres , et qui paraissent
homogènes et comme vitreux à l'œil. Les os n'ont jamais ni épiphyses
ni canal médullaire; seulement le tissu de fos est plus ou moins pénétré
d'un suc huileux. M. Chevreul a fait, sur la composition chimique des
os des poissons , des recherches dont M. Cuvier présente le résultat.
Leurs cartilages ne sont pas semblables à ceux des mammifères et des
oiseaux; car ils ne donnent pas de gélatine, quand on les fait bouillir
Ans l'eau. Les os, comme ceux des autres vertébrés, se composent
d'une base organique pénétrée d'une substance terreuse. Cette dernière
consiste en phosphate de chaux et de magnésie, sous-carbonate de
chaux, &c. La matière animale est de deux sortes: l'une, de nature
azotée, faisant la base du cartilage; l'autre, de nature grasse ou huileuse,
qui l'imprègne. Cette huile est formée en grande partie d'oléine , à
laquelle s'ajoutent en petite quantité un principe odorant et un
principe colorant jaunes. Quelques sels solubles, et notamment du
chlorure de sodium , se trouvent en assez grande proportion dans feau
que contiennent les cartilages; car M. Chevreul ne pense pas qu'ils y
soient à l'état solide.
La composition du squelette est un objet d'une haute importance ,
mais qui long-temps a été négligé. Il offre des difficultés qui peut-être
avoient d'abord arrêté les natura%tes, et qui plus récemment ont divisé
ceux qui envisagent là science sous un point de vue philosophique.
Comme les parties des poissons ne correspondent pas exactement à
celles des vertébrés supérieurs, il règne nécessairement un peu d'arbi-
traire dans l'application qu'on fait aux os des dénominations reçues
pour les mammifères et les oiseaux, et il doit sur-tout y avoir de
grandes différences, selon que l'on considère les1 usages et fonctions,
MAI 1830. 16}
ou h structure et les connexions anatomiques. M* Cuvier consacre une
longue note k retracer les progrès qu'a faits en vingt ans la seule
ostéologie de h tête des poissons, et il termine cette note par un
tableau comparatif de la nomenclature qui résulte des considérations
proposées à ce sujet par M. Geoffroy Saint-Hilaire, et de celle que
lui-même a cru devoir adopter. C'est en faisant usage de cette dernière
qu'il décrit successivement les pièces du squelette entier, en prenant
d'abord pour type un poisson osseux, et marquant ensuite les différence»
qui caractérisent les cartilagineux proprement dits ou chondropté-
rygiens.
Dans son quatrième chapitre, Fauteur donne une idée sommaire des
muscles, en en rapportant la description à celle des mouvemens que
les poissons peuvent exécuter dans le milieu où ils sont destinés à
vivre. Les particularités qui s'observent à ce sujet dans différentes
espèces sont renvoyées à l'histoire de ces dernières. M. Cuvier procède
de la même manière dans le chapitre suivant , où ii traite du cerveau et
des nerfs ; et néanmoins , dans ces deux parties de son exposition
générale, comme dans celles qui suivent, il ne présente aucun aperçu
qui ne soit fondé sur mftou plusieurs faits, aucune généralité qui n'ait
pour preuve un certain nombre d'observations prises dans l'histoire
s pédale de quelques aniotfftx de la classe. Ces citations rappellent les
travaux immenses qui seront de base à ces considération , et l'on est
comme confondu du nombre de dissections que l'auteur a dû faire
avant d'écrire une seule ligne des deux cents pages qui composent ce
résumé.
L'œil des poissons est généralement grand et la paupière large et
ouverte, comme il convenoit qu'ils le fussent pour recevoir et rassembler
les rayons dans le fond des eaux, obJÊÊ^ arrive une si petite quantité*
Il n'y a point de véritable paupièr^Vl peau recouvre le globe de
l'oeil en s'amincissant pour former une conjonctive , et, dans quelques
cas très-rares , en demeurant opaque et cachant l'organe à l'extérieur.
Les parties accessoires diffèrent peu de ce^ qu'elles sont dans les mam-
mifères, sauf l'absence de l'appareil lacrymal, inutile à des animaux
dont l'oeil est lavé sans cesse par le liquide ambiant. L'oreille est réduite
à un labyrinthe moins composé que celui des classes supérieures. H
est pourtant probable que les poissons entendent , mais sans distinguer
la variété des tons et des voix. Les sons subits et inconnus les frappent
et les épouvantent; aussi les pécheurs observent-ils un silence profond
pour ne pas les mettre en fuite. Mais bien qu'on assure que les Romains
savoiem apprendre à certains individus à connoître leurs noms et à
z6i JOURNAL DES SAV ANS,
s'approcher quand on (es appeloh, H ne paraît pas que les modernes
aient poussé aussi loin leur éducation. Ils jouissent de la acuité de
percevoir (es odeurs , ou du moins de Teconnohre les substances mêlées
à l'eau ou dissoutes dans ce liquide. Les organes du goût paraissent
être a*sez foi h les, et ceux du tact ne sont pas plus développés. Point
de membres prolongés ni de doigts flexibles; une enveloppe générale-
ment couverte d'écaillés, l'extrémité seule des lèvres nue, quelques
appendices ou filaments , des rayons détachés de la nageoire pectorale
et qu'on a nommés doigts dans les trigles et les polynèmes , voilà tout
ce qui dans cette classe peut concourir à la perception des formes des
objets extérieurs. Les écailles ont dans leur composition , suivant les
expériences de M. Chevreul, beaucoup d'analogie avec les os. C'est le
derme qui sécrète , sous les écailles , cette matière d'un éclat métallique
argenté qui rend tant de poissons si brillans, et dont on se sert,
comme tout le monde le sait , pour colorer les perles artificielles. Le
genre de tégumens accordé aux poissons, très-propre à faciliter la
natation par les faces libres et peu résistantes qu'il présente au liquide ,
l'est très-peu à garantir de l'impression produite par les changemens de
température. Mais la chaleur des poissons «'excédant pas celle du
milieu qui les entoure, ils ne craignent pas plus le froid que les reptiles
qui sont pareillement recouverts d'écaillés oarfune peau nue.
Les fbncti#is végétatives des poissons Xrvent le même ordre que
celle des autres vertébrés , c'est-à-dire que leur nutrition s'exécute au
moyen de cinq opérations successives, la manducation, la digestion,
la circulation , la respiration et les excrétions. Ces animaux montrent
en général beaucoup de voracité ; on les voit sans cesse se poursuivre
et se dévorer entre eux , ou avaler tous les petits animaux qu'ils trouvent
à leur portée, autant que tyÉMprct la forme ou la force des dents
dont leur gueule est armée. tiKespèces qui vivent principalement de
madères végétales sont en petit nombre. La digestion paraît se faire
assez vite, et l'accroissement des individus dépend de l'abondance de
la nourriture. II peut, dans i& poissons qui vivent long- temps , excéder
de beaucoup les bornes ordinaires. On connoît peu la durée de la vie
des poissons , et c'est d'après des conjectures assez peu fondées que
Ton a supposé qu'elle devoit se prolonger presque indéfiniment. La
diversité la plus singulière règne dans les instrumens de la mastica-
tion. Les poissons peuvent avoir des dents adhérentes à tous les os
qui enveloppent la cavité de la bouche et celle des phalènes. Les
viscères de la digestion sont enfermés dans la cavité abdominale,
séparée en avant de celte qui contient le cœur, par une espèce de
MAI 1830. *6S
diaphragme pieu étendu, et d'une autre cavité qui règne le long de
l'épine et contient les reins et la vessie aérienne. Le péritoine la sépare
de l'abdomen proprement dit; mais ce qu'il offre de véritablement
remarquable , c'est que, dans beaucoup de poissons où. la cavité abdo-
minale communique à l'extérieur par deux trous placés aux côlés
de f anus» la lame interne du péritoine, par une suite nécessaire ? se
continue avec l'épiderme et appartient à Tordre des membranes mu-
queuses. Les poissons ont, comme les animaux à sang chaud, une
circulation complet* pour le corps, une autre également complète
pour les organes de (a respiration, et une circulation abdominale parti-
culière qui aboutit au foyer par le moyen de la veine porte; mais leur
caractère propre consiste en ce que leur circulation branchiale ou res-
piratoire a seule à sa base un appareil musculaire, c'est- à dire, un
cœur, lequel correspond à l'oreillette et au ventricule droits des mammi-
fères et des oiseaux: il n'y a rien de semblable à la base du système de la
circulation du corps; le ventricule et l'oreillette du côté gauche
manquent entièrement, et les veines branchiales se changent en
artères sans être enveloppées de muscles. C'est par la subdivision
presque infinie des vaisseaux sur la surface des lames des branchies
que le sang subit l'influence de l'air contenu dans l'eau. II y a des
poissons qui ont besoin de venir respirer l'air en nature , et il suffit de
les éloigner de la surfacç de l'eau par le moyen d'un diaphragme de
gaze pour les asphyxier. Quand les poissons demeurent hors de l'eau,
ifs périssent , non pas faute d oxigène , comme on le croit assez com-
munément, mais parce que leurs branchies se dessèchent, et que le
sang ne peut plus y circuler librement. Au total , l'absorption de
1 oxigène est très-foibie dans cette classe, et l'on a calculé qu'un homme
en consomme cinquante mille fois plus qu'une tanche.
Une des sécrétions les plus remarquables qui se fassent dans le corps
des poissons, c'est celle de l'air qui remplit leur vessie natatoire. 4^st
généralement de l'azote mélangé à peine de quelques fractions d'oxigène
ou d'acide carbonique , qui s'y trouve renfermé. Dans quelques
genres , la vessie communique avec certaines parties du canal intestinal.
Chez les poissons habitués à vivre à de grandes profondeurs., on
trouve une plus grande proportion d oxigène. On en a reconnu jus-
qu'à quatre-vingt-sept centièmes, et l'on a pensé que la vessie aérienne
pou voit, dans ces espèces, avoir, outre sa destination habituelle de
favoriser l'ascension de l'animal , celle de fournir un réservoir pour la
respira tior^Le pouvoir, accordé à quelques espèces en petit nombre,
de causer qWcpmraotiofts électriques , peut aû^JL. être mi? au. nombre
\
266 JOURNAL DES SAVÀNS,
de leurs plus grandes singularités d'organisation. Dans fa tôfpHte, ces
effets sont produits par des tubes membraneux remplis de mucosité ,
divisés par des cloisons transversales, serrés les uns conrfe les autres
comme des rayons d'abeilles , en deux groupes placés de chaque côté
de la tête, et qui reçoivent d'énormes branches de nerfs de la cinquième
et de la huitième paires. Dans d'autres espèces , les organes qui
exercent le même pouvoir ont une autre structure ; mais comme on y
trouve toujours des lames de substances différentes qui alternent , on
a cru y observer quelque chose d'analogue aux piles voltaïques. La
nature a donné aux poissons, dans cette faculté, une arme redoutable
pour se défendre de l'approche de leurs ennemis , et aussi pour étourdir
et même tuer fes animaux dont ils veulent faire leur proie.
Après le huitième chapitre, où M. Cuvier traite de la génération des
poissons, il en a placé un neuvième, qui est comme le sommaire des
préçédens, et où il discute, entre autres questions importantes de
philosophie naturelle, celle de l'analogie qu'on a cru observer entre
les organes des poissons et ceux des autres rfasses, « Concluons ,
» ajoute-t-il en finissant , que si l'on peut dire que ces animaux
3» sont des mollusques anoblis , des mollusques élevés d'un degré ,
a» ou s'ils sont des fétus de reptiles , des reptiles conimençans , ce n'est
y> tout au plus que dans un sens abstrait et métaphysique , et que même
» alors il s'en faut beaucoup que cette expression abstraite donne
«des idées justes de leur organisation; concluons sur- tout -qu'ils ne
» sont, ni les anneaux de cette chaîne imaginaire des formes succès-
»sives, dont aucune n'auroit pu servir de germe aux autres, puisque
» aucune n'auroit pu subsister isolément, ni de cette autre chaîne nort
yy moins imaginaire des formes simultanées et nuancées, qui n'a de
» réalité que dans l'imagination de quelques naturalistes, pfus poètes
»^i'observateurs ; mais qu'ils appartiennent à cette chaîne réelle des
y&nes coexistans, des êtres nécessaires les uns aux autres et à l'en-
» semble , et qui , par leur action mutuelle , maintiennent Tordre et
» I harmonie de Punivers. » Nous n'insisterons pas sur les idées
qu'éveillent en. foule des considérations d'un ordre si élevé; et ren-
fermés dans le rôle de rapporteurs au sujet de ces intéressans pro-
blèmes qu'une vive et curieuse polémique éclairera sans doute d'un
four tout nouveau , nous n'avons point h mettre en opposition le sys-
tème noble et religieux que ces lignes indiquent, avec les conjectures
plus ou moins hasardées qui , plaçant la force organisatrice aii rang des
causes secondes, ont pour but d'expliquer l'analogie ^ppante des
êtres vivant entre eUx par Punité de lapuifcanee phy^pe qui les a
MAI 1830. 267
produits* et leur variété presque infinie , par la diversité des influences
qui ont pu modifier cette production , ou simultanément, ou successive*
ment. L'opinion du grand naturaliste dont nous étudions l'ouvrage
jette à notre avis*un grand poids dans cette balance où l'esprit humain
reste en suspens depuis qu'il y a des sciences , des naturalistes et des
philosophes.
Le dixième et dernier chapitre traite de la distribution des poissons.
M. Cuvier critique les classifications qui ont été proposées et tour à
tour mises en usage par Linneus, Gmelin, Lacépède, MM. Risso ,
Rafinesque, Oken, et quelques autres. Il avertit que c'est dans les
descriptions mêmes qu'il faudra chercher l'idée qu'on doit se foire des
degrés de l'organisation, et nullement dans fa place qu'on aura été
obligé d'assigner aux espèces. « Qu'on ne s'imagine donc point, dit-
» il, que parce que nous placerons un genre ou une famille avant un
» autre, nous le considérerons précisément comme plus parfait,
» comme supérieur à cet autre dans le système des êtres. Celui-là
» seulement pourroit avoir cette prétention, qui poursuivrait le projet
» chimérique de ranger les êtres sur une seule ligne .... : plus nous
» avons fait de progrès dans l'étude de fa nature , plus nous nous
» sommes convaincus que cette idée est l'une des plus fausses que
» Ton ait jamais eues en histoire naturel/e. . . La véritable méthode voit
» chaque être au milieu de tous les autres ; elle montre toutes les irra-
» diatîons par lesquelles if s'enchaîne plus ou moins étroitement dans
» cet immense réseau qui constitue Ja nature organisée. » Comme
application de ces principes, le savant auteur donne le tableau suivant,
011 les familles sont désignées par les noms dérivés du genre le plus
connu de chacune, de celui que Ton en peut considérer comme le
type :
I. Osseux.
A. à branchies en peignes ou en lames.
1 . à mâchoire supérieure libre.
a. ACANTHOPTÉRYGIENS.
Percodïes. — - Polynèmes. — Mulles. — Joues cuirassées.
Sciénoïdes. — Sparoïdes. — Chétodonoïdes. — Scom-
béroïdes. — - Muges. — Branchies labyrinthlques . Lo-
phioides. — - Gobioïdes. — - Labroïdes.
b. MALACOfTiftYGlENS.
Ll %
i62 JOURNAL DES SAVANS,
Abdominaux: Cyprinoïdes. — Siluroïdes. — Salmo-
noïdes. — Clupéoïdes. — Lucioïde*
Subbrachiens : Gadoïdes. — Pleiwnectes. — Dis-
coboles.
Apodes : Murénoïdes.
a. h mâchoire supérieure fixée.
Sclérodermes. — Gymnodontes.
B. à branchies en forme de houppe.
' II. Lophobranches. Cartilagineux ou chondroptérygiens.
Sturioniens. Plagiostomes. — Cyclostomes.
La description des espèces commence en conséquence par la nom-
breuse famille des percoïdes, qui occupe les trois premiers volumes, con-
jointement avec les polynèmes, et le genre des mulles, qui, sans être
complètement de cette famille, y tiennent d'assez près, et ne pour-
raient entrer dans aucune autre sans violer les rapports naturels. Les
savans auteurs annoncent qu'il pourra, dans le cours d'un travaif
immense, leur arriver d'intervertir Tordre qu'ils se sont tracé. La cause
de ces déplacemens se trouve dans le progrès même des recherches
auxquelles ils se livrent, et sur-tout dans faffiuence des matériaux que,
de toutes les parties du monde, de nombreux correspondans, des
savans, des voyageurs, s'empressent de leur adresser. M. Adolphe
Bellanger leur a envoyé des poissons intéressans de la côte du
Malabar et du pays des Barmans. MM. Quoy et Gaymard, de retour
du voyage qu'ils ont exécuté avec le capitaine d'Urvilie, le commandant
de la Chevrette, le capitaine Fabré, M* Ri&ud, qui a séjourné plusieurs
années dans la Haute-Egypte, un grand nombre d'autres personnes que
leur position ou leurs talens ont mises en état de contribuer aux progrès
de richihyologie , servent efficacement les intérêts de cette branche des
sciences naturelles par les communications sans nombre qu'ils font à
MM. Cuvier et Valenciennes. Les préfaces que les auteurs placent à
la <êtede chaque volume, sont toujours remplies des témoignages de
leur reconnoissance pour tant de bons offices, II n'est pas de volume
non plus qui dès \ présent ne contienne des additions ou des recti-
fications pour les. volumes précédens. Ce sont autant de supplémens
qu'il faut consulter pour avoir une histoire complète, au moment où
le livre se publie, des familles qui en occupent les premières parties-
MAI 1830. 269
Les quatrième et cinquième volumes renferment la description des
acanthoptérygiens à joues cuirassées et de la famille des sciénoïdes.
Cette famille commençant à s'éloigner, par quelques-uns de ses
organes , de (a famille des percoïdes , à laquelle se rapportaient princi-
palement les figures anatomiques du premier volume, on a senti fa
nécessité d'en joindre quelques-unes de cette nature aux planches
qui représentent des espèces nouvelles ou peu connues. Le nombre de
ces dernières est déjà de cent quarante : toutes sont exécutées avec un
soin et une perfection vraiment remarquables , et dignes du grand et
bel ouvrage auquel elles servent d'atlas. Nous tiendrons nos lecteurs
au courant des progrès de la publication de cette excellente ichthyo-
logie.
J. P. ÀBEL-RÉMUSAT.
De l'entendement et de la raison : introduction à l'étude
de la philosophie, par M. Thurot, professeur 'au collège
royal de France ( membre de l'Institut , À cadémie des inscrip-
tions et belles-lettres). Paris, impr. de Pochard, librairie
d'Aimé André, 1830, 2 vol in-8.° % cxx et 333, vi; et
46} pages.
■ >
La première question qui s'élève dans les livres de philosophie , est
de savoir si ce mot même de philosophie est susceptible d'une définition
assez précise pour qu'on puisse toujours distinguer les objets qu'il
embrasse de ceux auxquels il ne doit pas s'étendre. Peut-être jauroit-
on mieux à quoi s9en tenir après l'entier développement des doctrines
à comprendre sous ce titre; mais il faut bien qu'un livre commence par
une indication quelconque de sa matière, du genre de recherches ou
d'instruction qu'il doit offrir. A ne considérer que l'étymologie et les
.divers emplois du mot de philosophie , il s'appliqueroit à toutes les
sciences humaines : M. Thurot avertit qu'il le restreint à celle qui
recherche spécialement les vérités fondamentales que notre intelligence
admet en vertu de sa propre nature, 11 s'agit du tableau des facultés
ou propriétés dont elle est douée, des procédés qu'elle suit dan»
l'acquisition de set. cotuioissaoces. Étudier l'homme* ou, ccouaQ i*
»70 JOURNAL DBS SAVANS,
prfescrivoient le* anciens sages , Se connoître soi-même ; voilà la
philosophie : c'est, dit M. Thurot , une science défaits.
. Ce nom défaits, qui a paru long-temps réservé aux phénomènes qui
frappent nos sens, et à ceux qui , absens ou passés,, nous sont connus
par des témoignages, doit . s'étendre , selon quelques philosophes mo-
dernes, aux raouvemens et aux actes de notre intelligence. Ainsi , cette
conuoissance de soi-même, que recommandoit la sagesse antique, ne
seroit que l'étude des faits primitifs de notre sensibilité, de noue consti-
tution intelleonefle, de notre conscience : faits, dit-on, aussi réels, aussi
simples, et même plus accessibles que certains phénomènes externes;
car tandis qu'un naturaliste, après beaucoup de soins, de fatigues et sou*
vent de dépenses, ne parvient à recueillir qu'une partie des faits, qu'il
a besoin d'observer et de rapprocher, un philosophe n'a qu'à rentrer en
lui-même pour trouver tous ceux qui doivent composer sa science.
Sans doute il est possible d'appliquer le nom de faits à ce qui se
passe dans l'entendement humain , quand nous en avons un sentiment
xif, distinct, uniforme et persévérant; mais la vérification d'un tel
genre de faits suppose une critique extrêmement délicate, si Ton
veut que les opinions et les doctrines n'usurpent jamais la place et
le nom des témoignages. Nous ne connoitsons guère d'expression
dont il soit plus facile d'abuser que de celle défaits de conscience : aussi
M. Thurot se prescrit-il de n'admet: re parmi les faits de cette nature que
ceux que les hommes de tous les pays et de tous les temps ont reconnus,
ceux qu'ils ont consignés dans leurs langues et dès long-temps exprimés
par des noms vulgaires. En conséquence , il s'interdit les termes étrangers
ou purement techniques, dont l'unique service, en métaphysique, est
d'ériger en Buts des chimères. Presque toujours les expressions du lan-
gage ordinaire lui suffisent , et il s'applique à les prendre dans le sens
le plus usité. La tâche qu'il s'impose est d'expliquer méthodiquement
tous les mots français qui représentent des choses immatérielles, de
séparer les significations accessoires de celles qui ont droit d'être con-
sidérées comme primitives et comme répondant à de véritables faits.
A tes yeux, le mot idées est le plus générique, le seul qui embrasse
tous les faits ou phénomènes qui constituent l'histoire de l'entende-
ment: il en conclut que de tous les noms donnés à cette science, le
plus convenable est celui d'idéologie ; il n'hésite point à le préférer à
ceux d'ontologie, de psychologie, de pneumatologie, et sur-tout de
métaphysique : les trois premiers n'indiqueroient que certains aspects
des objets d'une si vaste étude ; et le dernier , inconnu aux philosophes
4e l'antiquité , tout-à-fait étranger à la langue classique des Romains,
MAI 1830. *7t
n'a une origine grecque qu'en vertu d'une très4ausse interprétation
du titre de certains livres cTAristote : ces livres étoient in titillés t« ftrm 1*
?v«&>ceux qui venoient après les livres de physique; les écoles du
moyen âge en ont fait» en supprimant J'article -m , le ternie barbare de
métaphysique, qui n'est susceptible d'aucun sens déterminé. M. Thurot
prouve par des Buts réels ( pag. xliij-xlvj ) que le métaphysicien qui a
critiqué, avec peu d'urbanité! le nom ^idéologie, en a parlé comme
s'il n'avoit aucune connoissance de l'histoire du mot idée.
En classant les idées ou les faits intellectuels, on a été conduit à
distinguer diverses propriétés ou facultés de l'intelligence. Par faculté ,
M. Thurot entend un pouvoir, une puissance, une force réelle : il est
persuadé que , même dans h plus simple sensation, Famé est encore
active ; ^quelle Bût toutes ses idées par sa propre énergie ; qu'à la
vérité, cette énergie est déterminée tantôt par d« causes qui ne sont
ni prévues, ni connues, ni voulues, et tantôt par nos désirs ou par
nos craintes; mais que les actes de i'ame, spontanés dans le premier
cas, volontaires dans le second, sont également les produits de sa
propre activité ; qu'ainsi tous les faits de la conscience, toutes les idées,
•ont les produits de l'énergie constante d'une puissance intellectuelle ;
qu'enfin la nature d'un être simple ne pouvant, en aucun moment,
cesser d'être la même, il y auroit contradiction à dire que l'intelli-
gence, habituellement active, devient passive en certaines conjonc-
tures. Nous devons avouer que le passage de i'un de ces états à
l'autre ne nous sembfe pas impossible. Sans doute c'est par une énergie
qui leur est propre et naturelle que les fàcuhés de l'esprit se développent ;
il faut de l'activité pour ériger la sensibilité en intelligence : mars après
tout, n'est-if pas certain que I'ame, dans sa condition actuelle, et en
vertu de ses rapports avec des organes physiques , subit des émotions
accidentelles qui ne sont aucunement son ouvrage, quoiqu'elles soient
assurément à compter parmi les faits qu'on vient de réunir sous le
nom générique d'idées! Ne retrouvons-nous pas dans noire langage
les traces de cette distinction inévitable entre les pures affections-de
l'entendement et ses actes proprement dits f En quoi consiste la diffé-
rence de voir à regarder , d'entendre à écouter, sinon en ce qu'il s'agit ,
d'une part, de Peut plus ou moin* passif où les sensations nous placent ;
et de l'autre, des efforts que nous faisons pour les mieux saisir , pour
mieu* TecueHHr les connorssances qu'elles nous apportent ! Du reste ,
Fopinion sut laquelle nous venons d'élever quelques doutes ne tient
peut-être pas, autant que fia pensé l'auteur, à son système général de
phttotephie»
27x JOURNAL DESSAVANS,
Son ouvrage est divisé en deux parties, entendement et RAISON;
mais la seconde, beaucoup moins étendue que la première, né remplît
que les cent quatre-vingts dernières pages du deuxième volume.
L'entendement, l'esprit, Famé, (a conscience , le moi, sont ici des
termes .synonymes, ou qui du moins pourront se prendre i'ttn pour
f autre, tant qu'il ne sera pas question d'envisager sons des points
de vue particuliers, l'être dans lequel les faits intellectuels s'accom-
plissent. Le traité de (entendement n'est que f histoire naturelle de tous
ces faits , quels qu'ils soient et quelques directions qu'ils* prennent»! La
caî$on, qui est aussi bien que l'entendement l'ensemble des facultés de
.notre intelligence, Ja somme de tous nos moyens de connoître, de
savoir et de vouloir, suppose de plus l'exercice le plus légitime des
pouvoirs intellectuels, l'emploi le plus exact et le plus régulier des
instrumens de la pftsée, la tendance constante des uns et des autres
à la vérité, c'est-à-dire, à découvrir et & discerner ce qui existe réelle-
ment , soit en nous , soit hors de nous.
Tous les faits de l'entendement sont distribués par M. Thurot sous
les trois titres: connoissance, science et volonté. La connoissance a pour
objet le monde extérieur, tous les corps , y compris le nôtre, qui est lui-
même extérieur à l'intelligence qui l'anime. Or, comment se produisent
les actes de connoissance! Nous allons voir y concourir avec la sensa-
tion plusieurs facultés qui se divisent en primitives et dérivées ou
-composées, mais qui ne sont point des choses réellement distinctes ; c'est
toujours l'ame, le même être différemment considéré, comme font dit
Arnauld et Bossuet. Selon M. Thurot, la connoissance ne vient point
immédiatement de la sensation , et ne peut se réduire ni aux deux
actes que Locke appelle sensation et réflexion, ni sur- tout aux sensa-
■ dons transformées de Condilfac. L'ancien axiome, ni Ail est in intellectu
quod non prius fuerit in sensu, demeure vrai en ce sens, qu'il ny auroit
lieu, sans la sensation, à aucun des actes qui doivent la suivre; mais,
ajoute l'auteur, que l'un de ces actes vienne à manquer, il n'y aura pas
non plus de connoissance; et la restriction de Leibnitz, nisi ipse intel-
tectus , sera parfaitement juste , si elle est ainsi expliquée,
A l'exemple de Reid, M. Thurot désigne par le nom de perception
un fait intelfectuel qui suit immédiatement ou même accompagne
ï «chaque sensation, et en vertu duquel nous connoissons, avec une
certitude qui n'admet aucun doute, qu'il existe hors de nous , et indé-
pendamment de notre sensation , quelque chose' qui y a donné lieu.
Beaucoup de philosophes , en des écoles très-diverses , ont cru que
Ct fait a'étoit point à distinguer de la sensation même ; ils n'y .ont vu
MAI 1830. 273
que f un des élémens dont elle se compose. Ici , au contraire , on em-
prunte aussi de Reid l'expression de perceptions acquises, et on
rapplique au fond d'idées dont notre mémoire s'enrichit par le déve-
loppement et l'exercice continuel de nos sens. Ces mêmes idées de
formes , de qualités , de parties d'un corps , reçoivent de plus le nom
de représentations, qui indique mieux leur présence renouvelée par la
perception rapide et instantanée d'objets , de modes ou d'élémens déjà
connus.
Ces perceptions amènent les souvenirs, qui toutefois ont souvent
beaucoup plus d'étendue , puisqu'ils reproduisent en quelque sorte des
sensations et sur-tout des perceptions totalement évanouies, dont la
cause est absente ou a cessé d'agir sur les organes. La somme des
souvenirs, quelles que soient leur nature et leur diversité , s'appelle-
mémoire, nom qui désigne aussi la faculté intellectuelle qui produit de
pareils actes.
M, Thurot distingue des sensations et des perceptions certains
phénomènes qu'il nomme impressions, et qui consistent dans faction
réelle, quoique non expressément remarquée, dé tous les objets exté-
rieurs sur notre sensibilité dans le cours entier de notre vie. C'est ce que
Leibnitz avoit nommé sensations ou perceptions obscures. Ces im-
pressions ne discontinuent presque jamais de nous assiéger; et pour
qu'elles viennent à produire des sensations ou à introduire des per-
ceptions dans notre esprit, il suffit «Tune circonstance qui leur donnerait
plus d'intensité. L'ame qui jusque-là n'aura point pris la peine de les
remarquer, semblera n'avoir été que passive à leur égard ; mais , dit
l'auteur, par l'effet même de la. vie, il y a toujours tendance à une sorte
de réaction de la part de la faculté que ces impressions sollicitent et
disposent à des actes. Comme exemple de ces phénomènes, on fait
observer ce qui arrive à un homme qui, occupé d'une affaire sérieuse
eu d'une méditation profonde, parcourt plusieurs rues, presse ou
ralentit sa marche , se détourne à droite ou à gauche , et parvient à son
but, sans avoir accordé la moindre attention aux objets qui ont été les
causes déterminantes de ces divers mouvemens. Peut-être y aura- 1- il des
observateurs qui refuseront de reconnoître là un genre particulier de
faits intellectuels ; ils n'y verront que des sensations extrêmement foibles,
ou obscures, comme dit Leibnitz, qui ne provoquent plus l'activité de
notre intelligence, parce que l'habitude nous les a rendues familières, et
nous a suffisamment préparés à l'accomplissement presque machinal
de tous les actes qu'elles exigent.
Par le mot intuition, dont on a diversement abusé, M. Thurot entend
Min
r?4 JOURNAL DES SAVANS,
la conscience des rapports que nous établissons entre dffUX ou pli
cbjets dont nous avons acquis la perception; rapports de forme, de
touleurs, de grandeur, identité , ressemblance ou différence. La mé-
m jire nous offre à. chaque instant la somme des perceptions absentes
ou évanouies: l'intuition y ajoute les perceptions présentes ou les re-
tranche, suivant qu'elles se manifestent comme semblables ou comme
différentes. C'est l'un des principaux moyens par lesquels se complète
ou s'agrandit la connoissance.
Quoiqu'il n'y ait rien dans l'analogie du langage ordinaire qui
s'oppose a ce qu'on dise que penser est sentir , Al. Thurot réserve ce
moi de sentir aux sensations, et aux sentimens, c'est-à-dire, aux affections
accompagnées de plaisir ou de peine. Ainsi , perceptions , perceptions
acquises ou représentations, souvenirs, impressions, intuitions, senti-
mens, enfin la conscience que nous avons de ces divers produits de
l'activité intellectuelle , et qui comprend l'intuition des rapports qui
existent entre les objets extérieurs et le moi ou l'âme j voila , après les
sensations, les facultés primitives de l'entendement, ou les genres
d'actes qui contribuent a former la connoissance.
Mais il faut encore le concours des facultés composées ou dérivées,
qui sont la volonté , et, h sa suite, l'imagination , l'attention, les voir-
ions et la liberté. Celles des sensations internes ou externes qui ont le
caractère de sentimens, suffisent pour provoquer la volonté , qui à son
tour met en exercice l'imagination et l'attention. L'imagination n'est
point à confondre avec la faculté des représentations, qui ne sont que des
perceptions acquises; elle les choisit, les dispose, les modifie pour une
fin voulue et déterminée. L'attention est une application également
prescrite et exclusive des organes et de la conscience à certains objets.
Locke, en réservant le nom de volonté à un système général de déter-
minations , a employé celui de votitiutis pour désigner des actes sin-
guliers , soit conformes à ce but, soit quelquefois contraires , ainsi qu'il
arrive quand un homme, poussé par la soif sur les bords d'un fleuve ,
prend subitement fa résolution de s'en éloigner, parce qu'il y aperçoit
un animal dangereux. Dans les cas de ce dernier genre , la préférence
donnée ou à la volonté ou à la volilion est un acte de la liberté.
Pour n'omettre aucun des faits relatifs à la connoissance, M. Thurot
joint au tableau des facultés intellectuelles primitives et dérivées, plusieurs
observations importantes sur l'instinct, sur les déterminations instinctives,
sur l'organisation, sur (a division des corps en inorganiques et organisés,
et de ces derniers en végétaux et animaux, sur les fonctions vitales,
sur le système nerveux, jur les rapports de l'anatomiefde la physiologie
MAI 1830. 275
et de la médecine avec l'idéologie. On est forcé de reconnoître qu'in-
dépendamment de toutes les puissances de J entendement, et avant
quelles aient pu se développer , il existe une force instinctive capable
de nous fournir des connoisances qui sans elle nous auroient trop
long-temps manqué. Cette force s'affoiblit et s'éteint presque dans
f homme à mesure que ses facultés s'exercent er s'étendent; mais elfe
est souvent remplacée par une sorte d'instinct acquis que nous appelons
habitude, et qui résulte de (a fréquente répétition des mêmes actes. À
V^garddes rapports entre l'idéologie et la physiologie, M. Thurot est
persuadé qu'à quelque degré de perfection que puisse être jamais
porté chacun de ces deux genres d'études , ils resteront toujours séparés
par toute la distance qu'il y a entre des faits intellectuels et les modifica-
, tons de la matière; que ces deux ordres de phénomènes n'ont aucune
mesure commune, que leur nature diffère essentiellement; qu'aucun
fait idéologique ne donnerait au philosophe la moindre idée du fait
physiologique qui peut y correspondre , pas plus que la connoissance
la plus complète des modifications organiques qui peuvent accompagner
une idée ne feroit soupçonner au physiologiste en quoi cette idée
consiste; que néanmoins il reste entre les deux sciences des points
de contact qu'il ne fàudroit pas méconnoître^ elles seroient l'une et
l'autre inecfhplètes , si le médecin négligeoit l'observation des phéno-
mènes intellectuels et moraux; et le philosophe, l'élude des anomalies
que certains états maladifs, certains désordres de l'organisation, peuvent
occasionner dans les facultés et les opérations de l'intelligence. Les
idéologistes ont senti sur-tout le besoin d'observer attentivement les
faits organiques des sensations : les cinq chapitres où Al. Thurot décrit
successivement les phénomènes du toucher, du goût, de l'odorat, de
l'ouïe , de la vue , et s'applique à démêler les connoissances spéciales
qu'introduit chacun de ces sens , se recommandent par l'exactitude et
riraponance des détails* Mais nous n'aurions pu suivre .fauteur dans
ces analyses délicates , sans trop étendre le compte que nous avons à
rendre de son ouvrage: il a dû nous suffire d'exposer comment il a
conçu le système des facultés ou des actes qui concourent à la production
de la connoissance. On a pu reconnoître que ce système , et (a plupart
des détails qui le composent» appartiennent en propre à. M. Thurot: la
justesse et l'enchaînement des idées s'y annoncent par la pureté et
l'élégante précision du style. Si , comme il doit arriver long-temps encore
en de tels sujets, il y av.oit lieu à discussion sur quelques articles, ce
seroit principalement sur ceux qui sont empruntés de Reid.
Les autres faits de I'entendement seront compris sous les titres
Mm a
z7S JOURNAL DES SAVANS,
de science et de volonté : ils nous fourniront la matière cTun second
article , où nous aurons h rendre compte aussi de la seconde partie de
r ouvrage , laquelle concerne la raison,
DAUNOU.
Observations géologiques sur les différentes formations qui , dans
Je système des Vosges , séparent la formation houillière de celle du
lias ; par M. L. Élie de Beau m ont, ingénieur des mines,
membre de la société d'histoire naturelle de Paris, &c* Jmpr.
de M.mc Huzard, i vol. in-8.° de 200 pages.
M. Élie de Baumont, professeur suppléant de géologie à Técole
des mines, a fait deux voyages, l'un en 1 821 , dans toute l'étendue. des
"Vosges* et l'autre, en 1825, dans quelques parties seulement de la
même contrée : l'ensemble des idées qu'il expose dans l'ouvrage que
nous avons à faire connoître, provient principalement de sa première ^
course , qui. a été la plus fcuigue*
Le nom de Vosges, pris dans son acception la plus générale , désigne
les montagnes qui s'élèvent dans le pays compris entre le cours du Rhin ,
de Bâle à Manheim, et une ligne tirée de Bourbonne- les -Bains à
Kaiserslautern. Ce nom s'applique non-seulement aux montagnes de
transition qui couvrent l'espace triangulaire compris entre Plombières,
Massevaux et Schirmeck, et à celles de grès qui les entourent, mais
encore aux montagnes, composées presque entièrement degrés, qui
s'étendent de Schirmeck vers le Mont-Tonnerre, et qu'on appelle quel-
quefois les Basses- Vosges.
M. de Beaumont fait voir que la contrée qui renferme les Vosges est
loin d'être couverte de montagnes dans toute son étendue. Le côté
gauche dç la vallée du Rhin présente une plaine de plusieurs myria-
niètres de large; le côté de l'ouest, c'est à- dire, la ligne tirée de Bour-
bonne-f es-Bains à Kaiserslautern , .coupe , il est vrai, quelques cantons
montueux qui sont des rameaux des Vosges, mais traverse le plus souvent
de% plaines dont la surface, légèrement ondulée, s'élève en pente
très-douce vers les montagnes.
II donne ensuite quelques détails sur la constitution des montagnes
de transition qui servent d'appui, tant au terrain hou illier qu'aux forma-
tions qui sont l'objet spécial de l'ouvrage, ce La plupart des cartes de
MAI 1830. 177
* France, dit-if, donnent une idée peu exacte de la configuration efcté-
•» rieure de ces contrées., en représentant les Vosges comme liées au
» Jura et à la Côte-cTOr par des chaînes de montagnes continues. Si le
» niveau des mers s'éïevoitde 3 à 4^> mètres, ies Vosges formeraient
» une ife ou un archipel, qui, très-étroit vers Saverne, auroit une far-
» gror de 6 ou 8 myriamètres sous le parallèle de Renriremont et
»>sdus celui de Bitche. » 1
II ajoute qu'une ligne qui joindrait de proche en proche les sommets
les plus élevés des Vosges se composerez de deux parties : la première
s'étendrait du Ballon d'Alsace , montagne située au nord de Giromagny ,
jusqu'auprès du Mont-Tonnerre ; et là seconde, beaucoup plus courte,
se dirigerait du Baffon <T Alsace vers Pfombfères. La région la plus haute
est fe Ballon de Gebweiler , et la plus basse, fa vallée du Rhm.
II y a dans les Vosges , dit Fauteur , deux sortes de montagnes : les
premières sont celles de transition ; elles présentent des croupes de cimes
arrondies, ce qui les a /fait appeller ballons; les vallées les plus profondes
y sont rarement bordées de grands rdchers et d'escarpemêiis considé-
rables, excepté dans les parties fondées de roches grariitoidés; ces,
roches de transition se montrent pricipalement dans l'espace triangulaire
dont les trois angles sont Schirmeck, Plombières et Masse vaux, et le
couvrent presque en entier. Les autres sont crystallines: elles se lient et
s'enchevêtrent avec des roches contenant des restes d'organisation etr
dont plusieurs sont arénacées.
M. de Beaumont a reconnu qu'entré Plombières et le Ballon d'Alsace,
les couches de roches schisteuses , et les plus grandes dimensions des'
masses, sont le plus habituellemet dirigées de fouest 15° nord à Test
i j° sud; dans la partie située entre le Ballon d'Alsace et Schirmeck, elles
sont le plus souvent dirigées du nord-est i/4 nord au sud-ouest i/4 sud.
Il a remarqué que les roches granitoides forment des dômes alongés ,
comme étant dans la direction moyenne de la stratification. II a vu des
masses de porphyre rouge, contenant de gros grains de quartz hyalin en
dodécaèdres imparfaits.
La plus ancienne des formations secondaires dont Fauteur s'occupe
est celle que les Allemands ont nommée grès rouge; elle se présente dans
quelques points des Vosges avec des caractères tout-à-fait analogues à
ceux qu'elle présente en Saxe, 011 Verner Tavoit étudiée. Le grès par-
ticulier qui forme une grande partie des montagnes des Vosges, et
auquel il donne le nom de grès des Vosges, pouvoit n'être que la partie
supérieure de cette formation de grès rouge des Allemands. Ukortyn-
ialiié presque parfaite des couches de ce grès, le petit nombre des
278 JOURNAL DES SAVANS,
fissures verticales qu'elles présentent, et quelques autres circonstances!
lui paroissent attester que, depuis le dépôt du. grès des Vosges, ces
montagnes n'ont pas éprouvé les effets des causes perturbatrices qui,
dans les Alpes, ont produit, à uçe époque postérieure au dépôt des
teqains tertiaires, des dérangetnens de stratification si frappans; tout
Ipj semblerait, au contraire, indiquer que l'action lente des eaux a taillé
les Vosges dans un grand dépôt avancé, qui , étendu en forme de cein-
ture autour des montagnes de transition, se prolongeoit vers le nord
jusqu'au pied du Mont-Tonnerre»
. L'auteur, en poursuivant son examen, a fait une réflexion qu'il com-
munique à se* lecteurs ; c'est relativement aux causes qui ont produit
l'espèce de falaise qui termine les Vosges du côté de i'AIsace , et qui
forme un des traits les plus proéminens de la configuration extérieure de
ces contrées. II a remarqué que les dépôts de grès bigarré et de rau-
schelkalk , à-peu-près également développés dans tout le pourtour de
ces montagnes , ne s'élèvent pas. si haut à l'est de cette falaise que sur
la pointe opposée de la chaîne , et que, dans tous les points de fa plaine
d'Alsace où on les voit au pied de l'escarpement du grès des Vosges ,
leurs couches sont souvent inclinées , quelquefois même contournées.
M. de Baumont demande si un état de choses si particulier ne pourroit
pas être attribué à une grande fracture , à une faille, qui , à une époque
postérieure au dépôt de muschelkalk , et peut-être beaucoup plus ré-
cente, se seroit produite suivant la ligne qui forme actuellement le bord
oriental de la région montueuse , et qui ,' sans occasionner une disloca-
tion générale, auroit simplement fait naître la différence de niveau
actuellement établie entre des points qui , lors du dépôt du muschel-
kalk, ont dû probablement se trouver à-peu-près à la même hauteur.
Cette question, suggén'-e par les faits , paroît à M. de Beaumont mériter
de l'intérêt* C'est aux géologues à la décider. Nous nous bornerons à
faire connoître la suite de ses recherches.
II a vu , dans le grès des Vosges , des galets quartzeux près de la cha-
pelle de Bourg-Ies- Monts (Haute-Saone), près de Rouchamp, sans qu'il
y ait le moindre débris d'êtres organisés, soit végétaux, soit animaux;
mais il se rencontre quelquefois des caractères particuliers, qu'il décrit,
dans les couches inférieures près de Rouchamp , aux environs de Ville
(Bas-Rhin), aux environs de Bruyères et de Raon-I'Etape (Vosges),
daps le pays deSarbruk, &c. Dans la mine de Rouchamp, le grès des
Vosges est superposé au grès houillier.
Après. la formation du grès rouge, M. de Beaumont s'occupe,
comme dans un second chapitre, du grès bigarré, du muschelkalk et des
MAI 1830. 279
niâmes irisées. « Depuis le pied des montagnes des Vosges , dit-if ,
» jusqu'à l'escarpement des plateaux de calcaire à gryphites ( lias), qui
>> s'étendent de Luxembourg à Bourbonne-Ies-Bains* et de Bourbonne-
» les-Bains à Saulnot et àBéfort, règftte un terrain ondulé qui présente
» des bandes successives de grès bigarré , de muschelkalk et de marnés
» irisées. » Les mêmes formations bordent le pied des Vosges, de Geb-
wtiler à Landau et au-delà. Pour établir de l'ordre dans ce qu'il a à
dire ,. l'auteur joint à la description de chacune des portions de la bande
de muschelkalk qui entoure les Vosges, celle de la portion de grès bigarré
sur lequel elle repose, et de la portion de marnes irisées qui la recouvre.
H suit et cite tous les points où il a trouvé le grès bigarré, savoir,
entre Plombières et le Vàl-d'AjoI , aux environs de Bourbonne-
les-Bains, près de Ta Hutte, à une lieue de Durney, près Bains
et Fontenois, aux environs de Châtillon-sur-Sâone et de J on ville;
on sait que Plombières, Bains et Bourbonne Jes-Bains sont renommés
par leurs eaux thermales, très -fréquentées. Il indique aussi où Ton
trouve les deux espèces de grès intercalées avec d'autres matières. Il
prend le même soin à F égard du muschelkalk et des marnes irisées qu'il
a trouvées aux environs de la Marche et de Bourbonne-Ies-Bains, de
Monthouillon , entre Serrecourt et la Marche, au Mont de la Justice,
) rès la Marche , au Mont-Saint-Etienne , sur les collmes-au sud-ouest
de Bourbonne-Ies-Bains; observant qu'il y a des couches calcaires
magnésifères constamment vers le milieu de l'épaisseur des marnes
irisées, et des fossiles-combustibles dans celles de Noroy.
Ayant épuisé, dans son examen» ce qu'il a pu découvrir dans le
pays -dont nous venons de parler, M. de Beaumont passe à d'autres,
pour en connohre la composition. Il expfore d'abord les environs de
Lu né v H le, Charmes, Rambervillers et Raon-l'Etape, puis les bonds de
la Sarre, puis la vallée de la Seille, puis celle du Rhin et le bassin de
Wintzfeldex, la pente méridionale des Vosges, les environs de Bâle* et
la lisière nord-ouest du Jura.
Les trois fondations , savoir , le grès bigarré , le muschelkalk et les
marnes irisées, kemper des Allemands, forment une série de couches
intimement liées entre elles, que l'auteur suit tout autour des Vosges, en
décrivant successivement différens cantons dans lesquels elle se présente.
C'est dans la plus récente de ces formations , c'est-à-dire, dans celle des
marnes irisées, que se trouvent les puissantes niasses de sel gemme recon-
nues et exploitées depuis quelques années à Vie et à Dieuse, département
de la Meurthe ; c'est aussi de cette formation que sortent les sources salées
de la Lorraine aussi bien que du Jura. Un des points que Fauteur parôît
iio JOURNAL DÉS SAVANS,
avoir cherché à vérifier, est que la grès bigarré du système des Vosges
correspond au ncw redsandstùne (nouveau grès rouge) de l'Angleterre,
et que les marnes irisée» correspondent au" red mari ( itfarne rouge)
qui. en Angleterre recouvre le nouveau grès rouge, de sorte que le
muschelkalk des Vosges et de F Allemagne n'a pas d'équivalent en An-
gleterre ; ce qui, pendant long-temps, avoit embarrasé les- personnes qui
cherchoient à établir des rapprochemens rigoureux entre- les formations
décrites par (es géologues anglais et celles qui ont été observées sur le
continent. II résulte de là qu'on trouve dans les Vosges un certain nombre
de xoquilles fossiles qui n'ont jamais été trouvées en Angleterre, et dont
là présence forme uq des principaux caractères distinctifk du muscfael»
kaft. L'auteur donne la liste de ces fossiles , et il &it remarquer que
l'époque à laquelle ce dépôt s'est formé , parolt avoir correspondu à une
période zoologique qui *e distingue nettement de celles qui l'ont pré-
cédée et suivie, en ce que les coquillages bivalves appelés productif
avoient déjà disparu de la surface de" l'Europe , tandis que les Mcmnitts,
les ammonites i cloisons persillées , et les grypkitcs, ne s'y étoient pas
encore rencontrées. "
L'ouvrage que nous venons de faire connoître nous paroît propre à
donner une excellente idée de Fauteur, jeune encore, élève distingué
de f École polytechnique, et pouvant contribuer aux progrès de fa miné-
tafogie française, avec les membres du corps savant dont il fait parue
depuis dix ans.
TESSIER.
Tableau de la marche et des progrès de la langue et de la
littérature françaises depuis le commencement du xvi.' siècle
jusquen i(fio , par M. Ph. Chasles :
Ttibleau de la marche et des progrès de la littérature française
au xvi.e siècle, par M* Saint-Marc Girardin :
Discours qui ont partagé le prix d'éloquence décerné par l'Aca-
démie française , dans sa séance publique du 2j août
1828, &c. &c*
DEUXIÈME ET DERNIER ARTICLE.
Avant de continuer l'examen des discours couronnés, Je saisis
l'occasion favorable de protester contre une impropriété d'expression
MAI 1830. 181
que l'usage a depuis longtemps accréditée, et, fe -dois l'avouer,
presque consacrée; mais je crois utile de l'attaquer, ou du moins de la
signaler, quand elle reparoît dans des ouvrages aussi distingués que
ceux dont je rends compte.
Dès la seconde page de son discours, M. Saint-Marc Girardin parle
de notre vieille littérature gauloise. Dans le sien, M. Chastes
s'énonce ordinairement avec plus de justesse ; toutefois il a, entre
autres , laissé échapper ces mots : ce L'éblouissement causé par b
» subite apparition des littératures antiques, au milieu de la littérature
» française ou plutôt gauloise. » Est-ce par fe nom de gauloise que
doit être désignée l'ancienne littérature française, c'est-à-dire , la litté-
rature des trouvères et des écrivains qui leur ont succédé ! II est vrai
que Terreur que je reproche aux deux concurrens , pourrait être
excusée par l'autorité et Pexemple du législateur de notre pâmasse, qui
a dit , dans Fart poétique :
Le rondeau , né gaulois J a la naïveté.
Mais aujourd'hui qu'on a recherché , reconnu , étudié l'origine , la for-
mation et les progrès de notre langue et de notre littérature , il semble .
convenable de rejeter des expressions qui ne peuvent plus! s'appliquer à
la langue et à la littérature des trouvères, et encore moins à celles des
écrivains français postérieurs; je ne crains donc pas de dire que désor-
mais ces mots d'idiome gaulois , de littérature gauloise , ne doivent pas
être employés pour désigner le langage et la littérature des écrivains
qui ont les premiers écrit en langue romane , en langue française. Le
président Fauchet avoit sagement divisé ses travaux historiques sur
nos antiquités en antiquités gauloises et en antiquités françaises. Dans
ion Recueil de l'origine de la langue et poésie française , ryme et romans,
il ne donne pas aux trouvères le nom de Gaulois 9 mais il les appelle les
anciens poètes français*
Les deux concurrens ont été assez généralement d'accord dans les
diverses appréciations qu'ils ont faites des nombreux auteurs dont ils
ont eu à parler: ils ont bien caractérisé le talent et la personne de*
Villon , son langage si spirituel et ses moeurs si libres ; ils ont su
inspirer de l'intérêt pour un poète qui affecta de se moquer de tant-
de choses, de tant de personnes , de lui-même, et qui se jouoit avec
la mort. M. Girardin a reconnu , dans le tour d'esprit de ce poète
satirique, moqueur, doué d'une mélancolie gracieuse ou insouciante f
le génie penseur de hotre vieille France , tel qu'il est dam lei fe^âux
fin
*%2 JOURNAL DES SÀVÀNS,
et dans les romans : des .trouvères. M. Cbasles a remarqué qu'il est
difficile d'expliquer les vers de Boileau :
Villon sut le premier, dans ces sïècles grossiers,
Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers.
En effet , cette assertion du législateur de notre pâmasse ne pourroit
s'appliquer qu'à la versification; et comme, depuis les vieux romanciers
jusqu'à Villon f on trouve des poètes qui ayoient déjà fait beaucoup
pour l'art , on ne comprend guère ce que Villon embrouilla ou même
ce qu'il avoit à débrouiller.
Les deux concurrens ont également réussi à peiqdre le tafent et le
caractère poétique de Marot: M. Cbasles sîest attaché plus spécialement
à Pënvisager comme auteur; M. Saint-Marc Girardin est entré dans
plus de détails sur sa personne , et il a dit ingénieusement de ce poète
retiré à Genève : c< La liberté de ses mœurs et de son esprit ne pou voit
» guère s'accommoder de l'austérité genevoise ; il oublia qu'au-delà du
» Jura on appeloit adultère ce qui en deçà -s'appeioit galanterie. »
Peut-être M. Chasles a trop accordé à l'influence que la littérature
italienne exerça sur les successeurs de Marot ; il donne à croire que
('extravagance de quelques formes poétiques, telles que les assonances,
allitérations, rimes triples, quadruples, entassées dans un seul vers , fût
empruntée aux poètes de l'Italie. II me semble que, bien avant
f époque du retour de Charles VIII de l'Italie, nos poètes avoient eu
Iç malheur d'obtenir dans ce genre les succès qu'on leur reproche
aujourd'hui. Jean Molinet, mort en 1507, adressoit à Guillaume
du Bois, connu sous le nom de Crétin, que Clément Marot appeloit
souverain poète français , les vers sui vans :
MoIiNEt c'est sans bruit ni sans NOM, non}
II a son son, et comme tu vois, voix;
Son doux PLAID plaist mieux que ne fart TON ion ;
Ton vif ART art plus clair que charBON bon , &c.
Quand une littérature possède de telles extravagances , elle n'a pas
besoin de recourir à des modèles étrangers pour se gâter.
Mais les deux concurrens n'ont peut-être Tpas assez marqué l'in-
fluence de la découverte de l'imprimerie <sur les écrivains français.
L'impression ayant répandu et fait connoître les auteurs grecs et latins,
la langue d'Athènes- et celle de Rome furent plus cultivées et le furent
moins -difficilement.. Les novateurs littéraires purent hasarder l'intro-
duction de mots dérivas de ces langues, pa^ce qu'ils suppo soient avec
7 MAI jEjoV' >» **;
raison que ces mots seroieht compris- safts peine pat tes lecteurs, àqui
dfcs étaient devenues familières : avant la découverte de l'imprimerie,
f entreprise eût été téméraire et le succès presque impossible. .
• Après avoir parlé de Ronsard et de son école , de Dubartas et de
Dubellay , les deux auteurs arrivent au satirique Régnier, qui» ressus-
citant la moquerie vive , légère et vigoureuse du vieil esprit français ,
se montra le digne successeur de Villon, de Marot et de Rabelais: il
fttça d'un pinceau ferme et hardi les caractères et les ridicules de
f époque; mais il ne chercha point à démasquer , à attaquer les vices.
Son style vif et pur, qui étoit à-Ia-fbis facile et énergique, prépara les
réformes que Malherbe exécuta ensuite avec tant d'autorité et de
succès.
& des poètes je passe aux écrivains en prose , je trouve que
M. Chasles a bien dessiné Commines et Calvin. Le préfniér , dôtit
Montaigne admiroit le bon sens et que Charles Quint estimçit pour
fa Sagacité de ses vues, ne pouvoit guère animer son style des senti mens *
qui n'étoient pas dans sbn ame. Il a observé sans passion , et je dirai
presque sans intérêt , les événemens dont H a été témoin , et c'est aVec
ce même calme d'indifférence qu'en général il rend coiftpte dei êvéïie*
mens et qu'il parle des personnes. Le second a été justement comité
parmi les prosateurs français qui contribuèrent à f heureux développe-
ment des beautés spéciales de notre langue ; son livre de T Institution
chrétienne est écrit plus purement que ceux de l'époque , et l'épître dédi-
catoire passe pour un chef-d'œuvre d'adresse et de raisonnement.
Les deux auteurs ont apprécié Brantôme, Montluc et cFAubigné.
Brantôme, qui raconte tant de faits généraux et particuliers, semble dénué
du sentiment moral; mais comme il ne déguise rien, s'il ne juge pas
lui-même , il fournit aux lecteurs le moyen de juger : il est vrai qu'il a
admiré deux grands hommes de son siècle, le chancelier de f Hospital
et le connétable deMontmorenci ; c'est qu'il en parle plutôt comme cons-
tatant l'opinion publique que comme admirateur personnel ; il semble
que si on ne lui a voit pas indiqué la vertu , il ne l'auroit pas reconnue.
Montluc , catholique passionné et soldat fanatique, porta dans ses
récits l'ardeur de son caractère , et la véhémence d'un style brusque et
éloquent. Comme il écrivoit pour l'instruction de la jeune noblesse,
Henri IV appela son livre la Bible des soldats ; mais quelle bible qu'un
ouvrage ou fauteur raconte ses meurtres , trace toutes les horreurs de la
guerre, et, bien loin de montrer le moindre regret , semble se complaire
dans ses souvenirs! M. Chasles a dît de Montluc, avec autant de
vMié que d'énergie : ce II trempe sa plume dans le sang qu'il a versé. »
Nn %
?M JOURNAL ©ES SÀVÀNS,
: . , . P'Aubîgné , guerrier, poète.,» négociateur f théologien , historien et
romancier t. fut aussi distingué par sa prose que par ses vers; son
humeur satirique donne à son style vif et ferme de la vivacité et de
la verve; le Baron de Fencste est une satire de moeurs très- ingénieuse.
« D'Aubigné., a dit M. Saint-Marc Girardin 9 représente à lui seul
?» fout te XVI.* siècle. »
, Montaigne et de Thou avoient précédemment été les sujets de deux
concours académiques; M* Chasles et M, Saint-Marc Girardin onf 4u
Fart et le talent de rajeunir les éloges de ces deux grands philosophes du
X?l/ siècle. Mais je ne m'arrête pas sur cette partie de leurs discours-;
£gime mieux faire connoître leurs «opinions sur Rabelais, dont vraisem-
blablement Téloge ne sera pas indiqué pour .sujet de prix académique,
ft«sur la Satire Minippie, qui me fournira l'occasion de traiter une
question de critique littéraire*
Tout ce que M. Chasles a écrit sur Rabelais est plein d'esprit, de
mouvement et. de sagacité. Je citerai quelques traits : p Plus on
s» étudie les moeurs de cette époque, plus on reconnoît chez Rabelais
» cette açdoce qui s'est attaquée, non aux individus» mais aux masses :
»J1 s'est moqué de la société toute entière; et quel spectacle elfe lui
»;pj;éseiHfti{! une politique ambitieuse et perfide, des moeurs grossières
»,et alfectées , par-tout des contrastes et des ridicules. Le symbole de
» cette ambition qui dévoroit tous les monarques du temps , c'est la
» faim qui tourmente Grandgousier. . . • . La vénalité des fuges »
» leur bonhomie, leur ignorance, ont poqr type le vieux Bridoye,
a aïeul du Bridoison de Beaumarchais ; c'est lui qui juge les procès
»par le sort des dés, et qui n'en juge pas plus mal. Là se trouve
» cette énumération plaisante des ajournement, comparutions, com-
y* missions, informations , productions , al /égarions, contredits, requêtes,
* répliques , dupliques et tripliques . où Racine a pris l'idée de l'une
»de; tirades lès plus comiques des Plaideurs. Le parlement, c'est la
«taupinière des chats fourrés, où Panurge est obligé de laisser sa
» bourse. Les gloses dont Bartole et Accurse ont surchargé Te texte des
» fois , c'est la broderie d'une belle robe de soie , qui , traînant dans la
» boue , se trouve surchargée de franges (Tune nouvelle espèce. Pour
* que rien ne manque à la singularité d'un tel écrivain , 1 éloquence
«noble apparaît tout- à-coup dans ses ouvrages, lorsqu'il fait parler
* un roi dont le territoire est envahi» et qui réclame., avec une énergie
» admirable , contre l'usurpation de ses domaines* II y a quelque chose
a» de touchant *t d'élevé «dans le portrait de Panurge, pauvre savant,
» si malin et si ,tuuf, ,anradjé à ,îa misère par Pantagruel , et de^gu
MAI 1830. 18$
» son ami de Coeur et son confident ; caractère esquissé avec «prit
» et même avec grâce. Ainsi se confondent, dans cet étrange génie, Ja
a» raillerie particulière à notre nation , la bouffonnerie de son époque ,
» l'allégorie monstrueuse et métaphysique née du moyen âge , l'éru-
» dition qui commencent à devenir puissante. » .
Je regrette que la langue et le style de Rabelais n'aient pas attiré
f attention et les observations spéciales de l'auteur.
L'article de Rabelais termine le discours de M. Saint-Marc Girardin.
«Education, politique, morale, législation, Rabelais traite de tout
» dans son livre , et par-tout; ses idées devancent les opinions de son
m siècle. Ponocrates , dans l'éducation de Gargantua, prend hardiment
» le contrepied de l'éducation des écoles. II laisse la raison se développer
»peu à peu; point de contrainte ni d autorité magistrale; il enseigne
«à réfléchir; voilà le but de ses soins. Faisant déjà ce que nous
«•essayons encore de faire, il mêle, dans l'éducation de son élève, à
» Tétude des lettres , Pétude des sciences naturelles* Rabelais a peint
» son siècle, mais il ne Ta pas calqué ; il a pris çà et là les traits de
» ses personnages; il n'a fait le portrait de personne. »
Je voudrais citer en entier le portrait de Panurge; il est (Tune
piquante vivacité, d'une vérité frappante; en voici la fin : « Eh bien!
» qu'est-ce Panurge ! est-ce l'évéque de Valencei le cardinal de Lor-
» raine , ou Rabelais ! Eh .non ! c'est Panurge , personnage nouveau ,
» que Rabelais a mis au monde , et que je reconnais quand je le ren~
» contre. Pour doter Panurge de tant de vices et de passions diverses ,
» il falloir plus que le caractère d'un cardinal , d'un évêque , et d'un
* moine apostat. Ghacun à son tour donnoit sa quote-part. Rabelais
m alfoit de l'un à l'autre ; Monseigneur , un peu de votre - rancune*
» un peu de votre prodigalité pour mon Panurge! — Monsieur , un
» peu de votre insouciance et de votre génie d'intrigue ï — Et vous ,
» sire docteur, Un peu de votre érudition : c'est pour mon Panurge,
» il s'en servira pour amuser le public que vous ennuyez. « — Puis
» rentré chez fui ; et moi , disoit Rabelais , ne donnerai-je rien ! Alors
» si , en faisant son examen de conscience , il trouvoit quelque vice de
» bon aloi , le goût de la table , ou l'esprit de satire , il le partageoit de
w bonne grâce avec son héros. »
La Satin Minippêe a pareillement fourni aux deux concurrens
l'occasion de montrer leur sagacité et leur talent. L'un et l'autre ont
reconnu et retrouvé dans cette satire ingénieuse le caractère de ce
vieil esprit .français dont ils avoient signalé l'existence. M. Ghasles
dit : * Elle fut à- la- fois une comédie , un pamphlet et un coup d'état
iU JOURN-ÀL DÉS S A VAN S,
WOtte satire fraya la mite de Henri IV VERS le trône.nW met en mou-
vement fes acteurs de cette espèce de drame, et les caractérise avec
autant de justesse que d'esprit.
M. Saint-Marc Girardin (a représente comme un véritable drame.
«Changez un feu fa forme de la Satire Ménippie> ce sera une
* -comédie à la manière d'Aristophane; les personnages sont tous prêts
» er Faction est créée. Levons fa toile. » Alors il amène sur la scène fes
divers acteurs de cette comédie politico-burlesque; il fes fait agir, if fes
fait parler; et nous assistons ou nous croyons assister à une représenta-
tion théâtrale. .
Les deux concurrens, en parlant de fa Satire. Afénippée, ont supposé
qu'elfe fut composée à Paris, dans fe temps où fa ligue dominoit le
plus insolemment, et qu'en ia publiant fes auteurs de cette satire
politique eurent fe mérite d'un grand dévouement. «Les moines, dit
» M. Chasles , la pertuisane sur Pépaule , conduisoient les enfans et les
* femmes en procession militaire; le parlement décimé, malgré son
» héroïque constance , n'imposoit plus aux factieux ; des milliers de
* plumes scofastiques attisoient fa révofte; et le Béarnais, entouré d'un
» petit nombre de guerriers fidèles , épuisoit, dans des combats glo-
» rieur et sans résultats , sa valeur et sa prudence jusqu'alors inutiles,
» Étrangers aux grands "mouvemens qui se passoient sous leurs yeux et
■à» qu'ifs né pouvoient arrêter, environnés- de glaives sanglans, de
» crucifix devenus les étendards de la sédition, et d'un peuple qui
» mêloit des cris de rage aux prédications de ses chefs , quelques
» bourgeois et quelques gens de lettres , sans caractère politique ,
» mais non sans courage , opposèrent à la fureur des partis la puissance
» du bon sens et du ridicule. Le chanoine Pierre fe Roi les recevoit dans
*> sa maison. »
Certes , je suis foin de vouîoir rien rabattre du talent littéraire ni de
l'estime qu'on accorde aux auteurs de la Satire Minippée ; mais comme
on a dit et répété que cette satire ne fut guère moins utile à Henri IV
que fa bataille cTIvri , j'ai été tenté d'examiner plus particulièrement les
circonstances de sa publication.
Dans une des premières éditions, datée de i S94> l'imprimeur s'ex-
prime ainsi : « Qu'à la vérité je l'avoîs imprimée à Tours, mais que je
» ne Pavois pu achever qu'au temps où il fallut plier bagage, pour s'en
» venir en cette ville ( Paris ) , après que les Parisiens furent retournez
» en leur bon sens et réduits à l'obéissance du roi. » Dans le discours
de l'imprimeur sur l'explication du mot hi^uUro d'inferno; &c,9 il est
dit t ce D'après que la copie française m'en fut premièrement donnée à
MAI 1830. a»7
» Chartres au sacre du roi . &c. » Or la cérémonie de ce sacre n'avoit
* • . . - •
eu lieu que le 27, février 1 594. Plus, bas on lit : « C'est un œuvre. ...
11 que j'ai imprimé . é^ . Je n'en fis au commencement à Tours que sept
» ou huit cents exemplaires ; mais si tost qu'il a&é veu à Paris, où je.
» l'ai apporté avec mes presses et mes meubles. . . . , il a fallu que je
m Taie imprimé en trois semaines quatre fois, &c.» Si nous prenions à
(a lettre ces expressions, qui peut-être , à cette époque , tendoient bien
moins à donner de véritables renseignemens aux lecteurs qu'à. lés
dépayser % puisque les éditions ne portoient ni les noms de l'auteur
et de l'imprimeur, ni même le nom de la ville où elles étoient faites»
il faudroit admettre que le manuscrit fut remis à l'imprimeur dès la fin
de février 1 594 9 et que l'édition commencée à Tours n'étoit pas
achevée, quand Henri IV entra à Parts le 22 mars suivant.
- Daps fa belle édition que M. Nodier a publiée de la Satire Ménippée,
Paris 1824, 2 vol. in-8.° i il regarde comme originale celle dont le
titre ne porte que LA vertu du catholicon: cette édition se dis-
tingue par la figure en pied d un charlatan qui joue du luth ; au-dessous
de la figure on lit six vers; l'obscénité du dernier dispense de les rap-
porter (i). Je n'hésite point à regarder comme originale cette édition ,
qui porte la date MDXCnn. D'autres éditions portent le titre de Satire
Minippie ou la Vertu du catholicon, et la date de 1593:1! est évident*
qu'elles ont été antidatées, puisqu'elles ne font que reproduire le texte
de celle qui*en 1 jp4 fîh intitulée seulement la Vertu du catholicon* Mais,
sans m'arrêter à ces diverses circonstances, j'indiquerai les preuves
incontestables que la Satire Ménippée n'a été publiée à Paris qu'après
l'entrée de Henri IV.
Dans la harangue de M. (TAubrai pour le tiers-état, on trouve une
allusion à l'attaque des faubourgs de Paris par Henri IV. Cette attaqué
eut lieu le four de la Toussaint 1593; voici les expressions de l'ora-
teur : ce Nous fus m es esbahis , quand au lieu de veoir ce nouveau roy à
m la Bastille nous le veismes dedans nos faux* bourgs , aveq son armée.,..
m II faut confesser que sans la résistance que Iuy fit à la porte de Bussy.
» ungqui lui est aujourd'hui serviteur , il nous eut pris avant que fussiez
» arrivé. » Par ces mots ungKqui lui est aujourd'hui serviteur, il est bien
évident qu'il s'agit d'un homme qui, depuis la rentrée de Henri IV
dans Paris, s'étoif rallié à ce prince ; on croit que c'étoit Christophe
de Bassompière, père du maréchal.
(1) Ils ont été imprimés au tome II des éditions de la Satire Ménippée en
3 vol. //i-<?/ Jlatisbonne.
*88 JOURNAL DES SàVàNS,
i\ Une autre allusion se trouve dans un passage où, après îa harangue du
sieur de Rieux , un député , nommé le sieur d'AngouIevent , parle au
nom dé la noblesse nouvelle. <r Et commença k dire: Àf. le douzième,
.» maïs soudain il fut interrompu par un grand bruit de paysans qui
» estaient derrière le députez , lequel estant tin peu cessé , commença
» de rechef: M. le douzième > et incontinent le bruict se leva plus
» grand que devant , neaiitmeins ne laissa pour la troisième fois de
» dire : M» le douzième de majt &c. » Voici la clef de cette allusion.
Le sieur Damours, conseiller au parlement , étoit du nombre des
magistrats qui n'a voient pas suivi à Tours le roi Henri III. Henri IV
étant entré à Paris le 22 mars 1594» les membres du parlement,
qui siégeoient à Tours, revinrent environ un mois après,* et le sieur
Damours fut chargé , par ses confrères de Paris , d'aller au devant
de ceux qui retournoient. Arrivé à Étampes , et rendu dans la chambre
oit se trouvoit ' M. le premier président de Harfay , sans considérer
que ce magistrat n'y étoit point accompagné des autres , il commença
sa harangue par ces expressions , M. le douzième ; mais il fut inter-
rompu, afin que Ton appelât les autres présidens: ils arrivèrent , et jl
commença de nouveau , M. le douzième de may ; on l'arrêta encore ,
parce qu'on attendoit M. le procureur général qui étant survenu,
il reprit par les mêmes mots. Ce douzième de mai étoit le jour des
barricades ; on juge bien qu'une pareille allusion n'a pu être Insérée
que dans un ouvrage composé, ou du moins imprimé 9 après- le retour
du parlement à Paris.
Au sujet de l'ordre tenu pour (es séances des états , on lit : ce M. de
>» Sainct-Paul, comte de Rethelois, à titre de précaire, n'approchez pas si
» près de M. de Guise, de peur de réchauffer, &c. » Le comte de
Saint- Paul , de simple soldat s'étoit élevé aux plus hauts emplois dans
les armées de la ligue; il avoit obtenu la dignité de maréchal de
France; le duc de Mayenne l'avoit nommé lieutenant général de
Champagne. Quand Henri IV fut entré dans Paris , le comte de Saint-
Paul conçut le dessein de livrer la Champagne aux Espagnols , et il se
fortifia dans Reims* Le duc de Guise , qui déjà négocioit avec le roi ,
étant venu à Reims au mois de mai 1 594 1 fut choqué de la manière dont
se conduisoit avec lui ce parvenu, qui devoit toute sa fortune à la
famille de Lorraine. Les bourgeois de Reims sollicitoient le duc de les
délivrer de la garnison que le comte de Saint-Paul tenoit dans leur
ville, fin une rencontre du comte et dû duc , celui-ci , outré de ce que
le comte, en refusant ses propositions , mettoit la main sur la garde de
*on épée, le tua sur-le-champ. Ainsi il est bien évident que» le passage
e?7 MAI I83O.': !" *8fr
relatif au comte de Saint-Paul, qui se trouve dans toutes les éditions de
r«f> t 5 9 j , fait allusion à un fait arrivé en mai, d'autres disent en
avril 1 594 , mais toujours après l'entrée de Henri IV dans Paris.
De ces diverses observations , qu'a fournies Fexamen des premières
éditions de h Satire Ménippic, il doit rester pour constant que cette
satire fut imprimée depuis l'entrée de Henri IV dans Paris, à moins
qu'on ne trouve quelque édition antérieure aux autres , et dans laquelle
ne soient pas les difféftntes allusions que je rapporte.
Quand j'ai commencé ces recherches , j'avois presque peur d'arriver
à une certitude qui pouvoit diminuer, non le mérite littéraire des auteurs,
mais la juste admiration due à leur intrépidité ; aimant, comme Français,
l'opinion qui leur flisoit honneur d'un zèle courageux, je craignois de
détruire ce préjugé , et je me disois comme Montaigne : ce Me feroit
» desplaisir de me desioger de cette créance. » Sans doute la circons-
tance et l'époque de fa publication n'affaiblissent pas le mérite de ia com-
position et des détails piquans de cette satire ingénieuse; mais il faut
beaucoup rabattre du mot déjà cité : « qu'elle ne fût guère moins
» utile à Henri IV que la bataille cTIvri. »
Les auteurs de cette pièce singulière et spirituelle firent un noble
usage de leurs talens-: en rendant ridicules les anciens ennemis du roi ,
ils exercèrent sans doute une utile influence sur l'opinion publique ;
mais alors on pouvoit la soumettre en l'amusant, tandis qu'avant Farrivée
du roi , (es auteurs n'eussent pas fait rire impunément ses fidèles sujets ,
en livrant à l'opprobre et au ridicule des rebelles obstinés , les chefs et
les partisans de la ligue. La publication de la Satire Ménippic en
1 j o 3 , à Paris , eût été de la part des auteurs un acte de dévouement ;
en 1 J5>4 et après le retour du roi, ce ne fut plus qu'un acte de fidélité.
Je terminerai cet extrait en répétant que les deux concurrens ont
obtenu le prix par un mérite égal , quoique divers. M. Chasles a
voulu peindre une galerie de portraits ; M. Saint-Marc Girardin n'a
voufu faire qu'un grand tableau. Le premier intéresse par des aperçus
neufs , par ia variété et retendue de ses discussions littéraires ; le
second plaît par des détails spirituels , par une précision piquante. Tous
deux offrent un style remarquable. M. Saint-Marc Girardin a fait un
discours brillant ; M. Chasles un bon ouvrage.
RÀYNOUÀRD,
Oo
ipo JOURNAL DES SAVANS,
Xd-JL Jad Hamas je Carmin a, cum Tebrisii schoïiii Integrïs,
primum edidit , indicïbus instruxit, versione latina et toïnmen-
tario illustravit Georg. Guil. Freytag, D. professor linguarum
orientaïium in nniversitate Fridericia-Gmllclmia : pars priar^
continent îextum arabicum et quatuor indices. Bonn», typis
regiis arabicfs, 1828 ; xirj et ^32 jj^ges in-4.9
Le recueil d'anciennes poésies arabes qui porte le nom de Ham&sa,
est si avantageusement connu depuis long-temps de toutes les personnes
qui ne sont point entièrement étrangères à la littérature arabe , qu'il seroit
tout-à-fait superflu d'en faire l'éloge. Le titre de Hamas a convient spé-
cialement à la première des dix parties. dont se compose ce recueil?
partie qui , formant» à peu de chose près , la moitié du volume, renferme
les poésies consacrées à la bravoure et qu'on peut appeler héroïques;
mais l'usagé a étendu ccnom à tout le recueil. Il est nécessaire d'observer
qu'il existe sous ce même nom plusieurs recueils semblables» mais qu'il
s'agit ici du plus ancien comme du pluscélèbre de tous, qui a pour auteur
Abou-Témam Habib, poète lui-même d'une très- grande réputation *
mort avant fan 230 de l'hégire. Retenu involontairement» dans le cours
d'un voyage , auprès d'un prince amateur des lettres et possesseur d'une
riche bibliothèque, Abou-Témam employa son loisir à rassembler les
plus beaux morceaux de poésie composés par les poètes arabes, soit
antérieurs, soit postérieurs à Mahomet. « Abou-Témam, ai-je dit ail-
» leurs ( 1 ) , n'a point compris dans cette collection les poèmes célèbres
» nommés Moallakat, ni ceux qui étoient connus de tout le monde, et
» qu'il eût fallu copier en entier. Beaucoup des morceaux qu'il a choisis
» ne paroissent être que des fragmens de poèmes plus longs. II n'y a fait
«entrer, par une réserve assez remarquable, aucune de ses propres
» compositions. Abou-Témam laissa ce recueil entre les mains du prince
» dont la bibliothèque lui en avoijt fourni les matériaux , et ce prince,
» ainsi que ses successeurs, le conservèrent comme un trésor dont ils
?» étoient jaloux ., et dont ils ne vouloient point partager la jouissance
» avec le public. Mais ce livre survécut à leur puissance; et lorsque,
» après eux, il fut connu des savans , il fit oublier les anciens recueils de
» poésies arabeé. Le goût qui avoit présidé au choix des poésies qu'il
»contenoit, fit même dire qu'Abou-Témam avoit été meilleur poète
(1) Journal asiatique , tom. X,p. 190.
MAI 1830. a$|
it dans la formation du Hamas a que dans ses propres compositions. »
Ebn - Khallican , dans ses Vies des hommes illustres, rapporte, à l'ar*
tide consacré à Àbou-Témam Habib , divers traits qui prouvent la grand*
réputation dont jouissoit ce poète, et le prix qpe.fes princes ses cou*
temporains mettoient à être célébrés par sa muse, de leur vivant ou après
leur mort. Ce n'est donc point pour rabaisser le talent d'Abou-Témaro
qu'on a porté du Hamas a le jugement qu'on vient de lire ; c'est au con-
traire , et uniquement , pour rehausser le mérite des poésies contenues
dans ce recueil.
Dans la préface que M. Freytag a mise à fa tête de son édition du
Hamasà, il s'est occupé d'abord à faire sentir les avantages qui résultent
de Tétude des langues, considérée en elle-même, et abstraction faite des
écrits et de la littérature à laquelle cette étude donne accès. L'exer-
cice qui en résulte pour nos facultés intellectuelles, est p;ar lui-même
d'un grand prix ; et il est d'autant pfus utile et plus fécond en résul-
tats importans , que notre travail a pour objet un langage plus éloigné
dans ses formes, de celui ou de ceux auxquels nous sommes habitués,
et hérissé de plus de difficultés. Ces qualités lui paroissent se réunir
pour recommander Tétude de fa langue arabe. De plus , le tangage consr
titue une partie essentielle de l'histoire des peuples. C'est , pour qui $ait
en tirer parti, un témoin qui souvent dépose, avec plus de ^fidélité que
les monumens écrits , du génie d'une nation, de son caractère, de s%s
mœurs, du degré de civilisation auquel elle est parvenue. Et cette con-
noissance est tellement essentielie à l'histoire, qui doit remonter au génie
particulier d'un peuple, pour se rendre compte des causes qui ont pro-
duit les événemens les plus saillans de ses annales, que celui qui écriroit
l'histoire d'une nation sans en connohre fa langue , et seulement d'après
des traductions, manquerait de l'un des éfémeris les plus essentiels à la
critique historique.
Mais si à l'étude cFunelangue considérée ainsi en elle-même, on joint
celle de fa littérature propre à cette langue , on voit fe champ des avan-
tages que produit une telle étude s'agrandir, et elfe promet à ceux qui
s'y livrent du plaisir et de Futilité. JEt if n'est pas nécessaire pour cela que
les livres qui composent fa littérature d'une nation , aient atteint Je
suprême degré de là perfection et soient en tout conformes au goût le
plus épuré. Pour n'être pas égales aux beautés que nous offrent fes chefs-
d'œuvre de fa Grèce , celles dont fa fittérature arabe nous procure la
Connoissance , ne méritent point le dédain qu'affectent pour elles cer-
taines personnes dont le goût trop exclusif n'est certainement pat
exempt de préjugés et d'une injuste préoccupation.
Oo 2
'4 . C.J»
*
±9t JOURNAL DES SAVANS,
Quant k l'utilité de l'étude des écrivains arabes , quiconque réfléchira
tant soit peu sur le rôle qu'ont joué dans le inonde les Arabes depuis
que l'islamisme en eut fait un peuple conquérant, ne sera pas tenté de
la révoquer en doute. Seulement il pourra se trouver des personnes qui
regarderont comme un temps perdu celui que Ton consume à pénétrer
assez avant dans la connoissance de la langue, pour pouvoir lire avec
fruit les poésies soit anciennes» soit modernes, et qui voudroient qu'on
se bornât à entendre* f arabe tout juste autant qu'il est nécessaire pour
traduire les annalistes ou les géographes.
M. Freytag répond d'abord qu'il est difficile , souvent même impos-
sible, de s'imposer ainsi une certaine borne de médiocrité dans une étude
quelconque , quand on se sent capable d'aller plus loin dans la carrière
où l'on est entré. II auroit pu ajouter que, quand on est capable d'un
pareil sacrifice , on reste presque toujours en deçà du terme qu'on s'est
prescrit, et l'on ne possède qu'imparfaitement le degré même de cou-
noissances qu'on n'a pas voulu dépasser*
Notre auteur pense que plusieurs de ceux qui ont publié des poésies
arabes, ont contribué à jeter de la défaveur sur ce genre de littérature,
en exagérant le mérite de ce qui étoit dçvenu l'objet de leur travail. Us
ont été cause qu'on a jugé de l'ancienne poésie des Arabes d'après des
compositions assez modernes, oh l'art se fait plus sentir que la nature»
et dans lesquelles une sorte de coquetterie et des grâces affectées rem-
placent les beautés mâles et les traits vigoureux qui caractérisent les
poètes anciens. Ce n'est pas k dire qu'il faille négliger entièrement ces
compositions modernes , puisque la comparaison même des produits
de différens âges appartient aussi à l'histoire de la nation, et que d'ail-
leurs ceux qui se livrent à cette étude et qui veulent contribuer à ses
progrès et payer leur tribut à la littérature, ne sontpas toujours maîtres
de leur choix.
Au surplus , ramenant la question à la publication des poésies que
contient le Hamasa, M. Freytag observe avec raison que ces poésies
sont loin de manquer d'un intérêt historique, et qu'elles contribuent
puissamment à nous faire connoître (a caractère héroïque des tribus qui
habitaient l'Arabie, la nature de leurs guerres intestines , et plusieurs des
hommes qui se sont distingués par leur bravoure , leur générosité , ou
leurs aventures chevaleresques, dans les temps antérieurs à Mahomet»
ou dans les deux premiers siècles de l'islamisme.
Après ces observations générales, M. Freytag consacre les dernières
pages de sa préface à donner une idée du recueil qu'il publie» à faire
connoître en peu de mots l'auteur de ce recueil» Abou-Témam» et le
MAI 1830. A93
commentateur Àbou-Zacariyya Yahya Tebrizi. Ce savant grammairien
a composé trois commentaires sur le Hamasa. Celui-que publie M. Frey-
tag tient le milieu entre les deux autres t dont l'un est beaucoup plus
étendu, dit -on, et l'autre plus concis. Enfin M. Freytag décrit le ma-
nuscrit dont il a fait usage, et qui appartient à la bibliothèque *Ie Funi-
yersité de Leyde. Ce manuscrit se distingue par quelques particularités
dans l'orthographe 9 particularités auxquelles, en général» M. Freytag
a cru devoir se conformer. Je n'extrairai de tous ces détails que Ja
division du recueil en dix livres, et j'indiquerai en même temps Fespace
que chaque livre occupe dans l'édition dont je rends compte.
•
I. £»Ui oL De la bravoure et de la gloire des armes ,
.psg.Y***-
II. vILh^ lJ* Chants funèbres, ou complaintes en l'honneur des
morts, pag. 366-497-
IN. <_oVt ç>L Règles de conduite dans la société, pag. 498*537*
IV. * iy^^jJlV^lj Poésies érotiquesî pag. 538-625.
V. p\^i\ <_>Ij Poésies satiriques , pag. 626-684.
VI. £juj(j o^yf olj Poésies relatives à l'hospitalité , et enco-
miastiques , pag. 685-782.
VII. oU-aJI ^Q Poésies descriptives, pîig. 783-785.
VIII. jmUjJIj ji^J] ljL Des voyages et du sommeil , p. yZ6-y^6.
IX. JUif c^L, Facéties, pag. 797-812.
X. #LjJI £ix* cj[j Critique des femmes, pag. 81 3-824.
Plusieurs de ces titres sont un peu vagues» et ne tracent pas des li-
mites bien déterminées.
• J'ajouterai tout de suite l'indication des quatre tables que M. Freytag
a jointes à ce recueil , et qui seront d'une grande utilité.
I. Table des noms de. poètes ou autres personnages dont il est fait
mention dans le Hamasa, pag. 81 5-8 5 5 ;
II. Table des noms propres de lieux , pag. 8 5 6-862 ;
III. Table des mots ou des termes de grammaire expliqués dans ce
recueil , pag. 8 62-9 17;
IV. Table des rimes employées dans le Hamasa, pag. 918-932.
Cette dernière table facilitera singulièrement la recherche des mor-
ceaux de poésie contenus dans ce recueil.
Le volume dont nous rendons compte est intitulé Parsprior; et Ton
voit, par le titre même de l'ouvrage, que M. Freytag se propose de
publier une féconde partie , qui contiendra fat traduction et un coin*
^* JOURNAL ©ES 5ÀVÀNS,,
gantent K nous semble que M. Freytag pourroit se borner à traduire
II* i*M*ies contenues dans le H amas a. Quant au commentaire de Te-
|t«H> S sulfiroit peut-être <f éclaircir par des notes les passages qui po*r»
toteot avoir quelque obscurité, et de donner, autant que possible,
fatpiication des vers isolés cités par le commentateur, et qui, détachés
yjftv de ce qui doit les précéder et lès suivre , présentent souvent des
énigmes difficiles à deviner. Une traduction complète du Commentaire
ne sera pas d'une grande utilité, attendu que tout ce qui tient aux
ternes techniques de la grammaire , est presque toujours plus facile à
comprendre dans le texte que dans une traduction quelconque. D'ail-
leurs c'est un exercice très-utile pour les étudians, d'avoir -à se rendre
compte à eux-mêmes des analyses gramaticales , et en peu de temps la
pratique fait disparoître les difficultés de ce genre de travail.
Comme, jusqu'à présent, M. Freytag n'a publié que le texte, et que je
n'ai a ma disposition aucun manuscrit complet du commentaire de Tebrizi
que je puisse comparer avec l'imprimé, je dois me borner à dire que, dans
l'usage que j'ai fait jusqu'ici de cette édition pour mon cours de langue
arabe , je n'ai trouvé que très - rarement des endroits qui m'aient laissé
quelques doutes, et que je n'ai guère été arrêté que par quelques-uns de
ces yers isolés dont je parjois tout-à-Theure, et où il seroit presque
toujours téméraire de~ hasarder des corrections conjecturales.
M. Freytag a placé avant le texte une préface écrite en arabe, dans
laquelle il rend compte des motifs qui font engagé ti entreprendre l'é-
dition de ce livre , et il exprime sa reconnaissance envers le savant pro-
fesseur de Leyde, M. Hamaker, qui lui a. procuré la facilité de copier
le manuscrit de Leyde, et envers les personnes desquelles il a reçu des
çncouragemens. Il ne pouvoit point oublier, dans cette expression de sa
gratitude, S. M. le roi de Prusse, à qui l'université de Bonn doit son exis-
tence, et qui protège si généreusement tous les genres .d'études, et spé-
cialement celles qui ont pour objet les langues et les littératures de
rOrient. Cette préface nous a paru écrite d'un style élégant et qui an-
. nonce un écrivain familiarisé avec la phraséologie arabe.
Un caractère frappant des poésies contenues dans le Hamas a, c'est
que, bien qu'elles remontent aux époques les plus anciennes de la litté-
rature arabe, et que la langue s'y montre avec toute sa richesse et toutes
les figures du langage, telles que les transitions brusques, l'inversion*
la réticence, l'ellipse, &c, cependant elles sont , en général, moins dif-
ficiles k entendre que les compositions des poètes plus modernes , tels
que Moténabbi , Abou'lala , Omar , fils de Faredh , &c. La raison en est
que ces poètes anciens, plus vrais dans la peinture des objets et des senti-
MAI 1830. *jj
m*n$, n'ont pas recours , pour orner leurs pensées et relever le mérite
de leur style, à cet abus de l'imagination, à ces métaphores bizarres et
gigantesques, à ces hyperboles outrées que les poètes (Tune école plus
moderne ont recherchées à l'envi, renchérissant toujours les uns sur les
autres»
J'ai eu plusieurs fois, dans ce Journal, l'occasion de relever ces dé*
fauts des poètes arabes, défauts très-réels, mais qu'on a parfois exagérés ,
pour envelopper dans une condamnation commune toute la poésie
orientale. Je citerai aujourd'hui quelques morceaux pris au hasard dans
les diverses parties du Hamasa, pour justifier le jugement favorable que
je porte des poésies contenues dans ce recueil , et du goût qui a présidé
k sa formation.
Mais je dois prévenir les lecteurs que si, dans le Hamasa, on est
rarement arrêté par ces abus de l'esprit et de l'imagination qui déparent
les compositions des poètes modernes, la nature même fragmentaire de
ce recueil, l'incertitude qui règne souvent sur les faits auxquels les
auteurs font allusion, et la diversité des traditions sur les circonstances
qui ont été l'occasion de ces chants héroïques, élégiaques,satiriqpes, &c,
font naître un autre genre de difficultés assez graves.
Les vers suivans, qui ont pour auteur Amrou, fils de I^aadi-Carb,
sont tirés du premier livre , page 81.
« Ce ne sont , crois-moi, ni les vêtemens que l'homme ceint autour
» de ses reijis , ni le manteau dont il s'enveloppe, qui font la beauté*
» La beauté, c'est une origine , ce sont des vertus qui procurent un pa-
ît trimoine de gloire. J'ai préparé, pour les opposer aux coups de la
» fortune, une ample armure, un coursier léger, robuste, vigoureux»
» et un glaive étincelant , propre à fendre les casques et les cuirasses.
» Je savois que le jour de cette affaire j'aurois à combatre Caab et Nehd ;
» ces braves qui , quand ifs se revêtent de leur armure de fer ou de cuir»
» ressemblent à des léopards en furie. Au jour du combat, l'homme ne
3» peut 'opposer aux dangers que les armes dont il a eu soin de se munir
» d'avance. Lorsque j'ai vu nos femmes précipiter leur fuite, en foulant
» aux pieds un sol dur et pierreux ; lorsque Lamis ( dépouillée de son
» voile), a paru comme la pleine (une (qui se montre au milieu du ciel) ;
» fotsque ses charmes qu'elle avoit coutume de cacher , se sont montrés
a» à découvert, et que le danger ne permettait plus de retard, j'ai atta-
» que le chef de nos ennemis, et je n'ai pas hésité à diriger mes coups
» contre ce bélier (redoutable), lis font vœu de verser mon sang; et
» moi, si je les rencontre, j'en fais le vœu solennel, je me précipiterai
» sur eux. Hélas ! combien de fois déjà j'ai de mes propres mains déposé
i$6 JOURNAL DES SÀVÀNS/
» dans la fbsse.un frère dont Famitié m'étoit précieuse ! Je ne me sttra
» pour cela ni abandonné au chagrin, ni laissé aller au désespoir; mes
» pleurs ne m'auroient rien rendu (de ce que j'avois perdu )• Je l'ai en*
»vefoppé de ses vêtemens : car, au jour de ma naissance, j'ai reçu
» un cœur ferme , pour remplacer les braves que le temps a moissonnés ,
» pour servir de rempart contre les ennemis. Ceux que j'aimois ont
30 disparu , et je suis resté seul comme est fépée (dans le fourreau )» »
Le même livre me fournira encore un beau fragment de poésie ; il a
pour auteur un poète nommé Miswar,jils de ZîyaJa, à qui Saïd, fils
d'Asi, avoit offert de payer, pour le prix du sang d'un de ses proches
qui avoitrété tué, une indemnité sept fois aussi forte que celle que l'usage
avoit fixée. Miswar se refusa à tout arrangement, et exprima sa résolu-
tion de se venger par les vers suivans (page 119):
» Quoi donc, après la perte de celui que recouvrent aujourd'hui la
» terre et une pierre sépulcrale , et qu'a reçu en dépôt le flanc de la
9» montagne de Cowaïkib , ose-ton me parler d'épargner le sang de
» l'homme qui m'a porté un coup si cruel ! N on, je n'ai point d'autre grâce
» & fui faire que de poursuivre sur lui sans relâche ma juste vengeance;
» O enfàns de notre oncle , si je ne venge pas mon injure aujourd'hui
3» ou demav » k temps viendra à la longue où je serai plus heureux.
» Puisse ma famille ne jamais invoquer mon assistance au jour du dan-
» ger 9 si je ne me hâte de porter ou de recevoir le coup mortel ! Vous
39 avez fait une fois reposer sur nous la guerre de tout le poids de son
» corps; nous la ferons aussi reposer de tout son poids sur vous. J'en-
» tends des hommes qui n'ont jamais perdu par un crime un père ou un
a» frère, me dire : Accepte le prix qui t'est offert pour apaiser ta ven-
» geance. Homme généreux, il a été attaqué par une troupe nombreuse
ttde loups; avant de se douter de leurs perfides desseins, il en a été
» surpris et environné de toute part. Abou-Arwa s'est présenté à mon
» souvenir , et j'ai laissé couler de mes yeux un torrent de larmes qui
» setabloit ne devoir jamais cesser de leur dérober le jour. »
L'invective suivante mérite aussi de trouver ici une place, quoiqu'elle
J>erde beaucoup de sa force et de sa noblesse dans une traduction. On
f attribue à un poète nommé Abou-Hclal Hakem Fijarî,jils de Zohra,
ou à Owaïf-A/kawafi , dont j'ai parlé dans mon Anthologie gramnthtU
cale ara ht, p. 459 . Elle est dirigée contre la tribu de Webr, fils d'Adh-
bat, qui faisoit partie des descendans de Kélab (p. 1 ai ).
ci La bassesse elle-même est plus noble que Webr et que son père; la
» bassesse est plus noble que Vebr et que sa postérité entière. Ce sont
,'"-•■.' 'MAr t$$a. '■'.'. j.'u t&
aides gens qui n'ont point 11 craindre , quanti J?ua d'entre, eux commet
v un crime , qu'on verse leur sang pour en tirer vengeance ; la' bâtante
•i de leur extraction les met à couvert de tout danger. La bassasie'eat la
*• jnaladie qui cause la mort des enfant de "Webr ; Jamais ils ae perdront
«la vie par aucune autre maladie, n
•:i3e vais maintenant citer quelques fragmens du livre consacré aux éjé-
gfes funèbres ou complaintes. ','■■•'
Un Arabe nommé Robayyia avoit un fils nommé Dhévab, qui tue
dans une action Otalba , fils deHarith, de la famille de Yarboua. Dhé-
wab, dans cette même journée, fut fait prisonnier par Rébi, fils d'Ow
tsiba-, qui ignorait que son père Otaïba avoit péri de la main dé Dhéwab.
En conséquence, Robayyia étant venu pour traiter du rachat de son fils
Dhéwab-, Rébi consentit a recevoir pour rançon un certain prix, et il
aut convenu qu'à J'époque de la prochaine foire d'Occadh , Rébi y con»
duiroit son prisonnier, et Robayyia s'y rendrait de son côté avec le prix
eonvenn. Celui-ci se trouva en effet au rendex-vou»; niais Rébi , retenu
par je ne sais quel obstacle, ne s'y rendit wint. Robayyia s'imagina que
Rébi avoit. apprit que Dhéwab étoit le meurtrier de son père,; et, en,
conséquence , Favoit fait mourir. Alors il exhala sa douleur par les vers
-juiivans (pag. 387):
... a Voyageur, si tu te rends parmi les descendais de Djafar (Pjafar ,
» pétit-fis de, Yarboua , étoit un des aïeux cPOiai'ba ) , dis-leur que je ne
» veux plus avoir rien de commun avec les enfànj de Djafar, fils de
17 Kélab. I.a-pair e,t.ramitié entré nous ne sont plus que' comme un vè-
"w.iement'a^étôflê'àu.Yémen , déchiré et usé par !é frottement. O DMj-
nwaBj'je [faTni'raît don dé ta vie, ni trafiqué de ton sang au jour ou
» le commerce rassemble les marchandises étrangères. S'ils Ùiril dijnhe
»ta mort, déji tu* as renversé de tond en comble leurs KaBit^uons en la
"îs personne 'd*Oiaïta , fils de Hàrith et petil-nTs de Schéhab": pàrini eux ,
» il o'en étoit, aucundont la fureur fut,plus redoutable à Jeu/s epnejiiis",
l»aucun dont^aperte.inspirât plus de regrets à ses amtsl» ' ,'
.' ' La complainte suivante a pour auteur Horéîth, fils de Zéîd-elkninT,
'non! Mahomet changea le nom en celui dé "Zïiâ~t!kkait. Voici q'pefle
""'en'rïitrdc'ca'sioH. Le ltJialrre.Qrijàr' avoit envoyé dans le désert un hotiime
nommé Aùou-Sofian, pour exercer les Arabes. à la lecture, et îl (ni avoit
recommandé de donner des coups a ceux qui. ne firoîent point. Un ctJU-
iîn de Zérd-elkKsïr, nommé Ans ,fi(s "de JCkatèd, n'ayant pas lu cohnWe
lé lui ordonnoit Abou-Soflan,.ce!ui-çi'Ie Çappà si rudemeot àu*tl=<fe
mourut. Pendant que sa mère et 'sa fille' le pléùrorenf en poussant 'dA
cris, Horëïih survint, entra 'JarîVle'u^ ou" se^Uv^^fcSoftm ,4l
*P
lot JOURNAL DES S A VANS,
le tua , .ainsi qtt les gens de sa suite; pois ii Improvisa les vers que v oïci
(page 38*): '
« Le funeste message s'est* hité de proclamer lataott cTAus, fils de
* Khaletf , de celui qui êtoit la ressource des hivers au vent glacial et des
» temps de disette. S'ils ont donné fa mort à Aus par une perfide trahi»
» son, fai laissé Abou-Sofian percé et renversé sur sa selle. O mère
» d'Aus ! ne t'abandonne pas au chagrin ; car fa mort n'épargne ni cefaf
» qui marche riu«pieds, ni «fur qui a une chaussure. Nous avoris vengé
» ceux d'entre nous qui ont été tués, eh immolant à notre colère une
n troupe de nobles victimes, et nous n'avons pas voulu qu'il nous
* aevfnt de leur tfang le moindre profit ,non pas même quelque» dattes
j»de rebut. Si ce n'étbit la patience dont je suis doué, je ne conserve-
* rois pas la vie un instant; mais je sais que toutes les fois que Je le
» voudrai, je trouverai des braves comme moi prêts à répondre k mon
* appel. »
J'observerai ici que le commentaire de Tebriri n'est pas toujours
aussi satisfaisant qu'on le c^p-eroh. Par exemple > dans ce dernier moé*
ceau , il n'explique point quel étoit le but d'Omar en envoyant Abot»-
Sofian vers les Arabes du désert, pour exiger et eux qu'Us lussent
fujsù^Jy et en lui enjoignant de punir par des Coups eeiix f*i ne
liroient tien t£* Iji* V ^ .. Ce fait ne m'est point connu d'ailleurs. Le but
cTÔmar éroit-il de s'assurer qu'ifs étoiént en état de lire TÀicoran î C'est,
ce me semble, la sfcfe supposition raisonnable; car celui qui f&isoit dé-
truire par l'eau et par Je feu les livres des Perses et la bibliothèque (f A-
fexandrie, n'étoit pas, sans doute, fort, zélé pour Ja propagation des
lumières.
Autre observation. Lps deux complaintes que f aï rapportées présentent
une difficulté grammaticale sur laquelle je m'étonne que "ïebrizi ne se
soit pas arrêté.
Zéid-elkhaïl savoit qu'Aus, fils de Khaled,* avoit été tué par Àbou-
Sofian. Robayyia, père de Dhéwab , étoh persuadé que son- fils avoit été
reconnu pour le meurtrier d'Gtaïba, et que Rébi, fils cTOtaïba, lui
avoit, en conséquence, donné la mort, quoique f dans le fait, le
meurtre de Dhéwab n'ait eu lieu que plus tard. Cependant , au lieu de
dire, comme je l'ai fait , s'ils fvnt dopnf la mort, Fun et l'autre poète ont
dit, Jjl^y o' > ce qui > suivant l'usage constant de la langue,
lignifie, s'ils te tutnt\ ou, plus à la lettre r/ilste tueront. Je pense que
c'est à la rhétorique et rtojn à la grammaire qu'il faut demander ia solution
^e trçtfe difficile., efc^ê^'est ici un eu^épjsme dtsdné IfA^u Pex-
. MAI. 1830* * ' xpjt
pression d'une idée qui came une très-vive douleur* Ptiisqm H est bim
reconnu qi/en arabe on emploie le prétérit au lieu du présent poor
donner plus d'énergie à*! affirmation , que , sans doute dans le même
but, on se sert constament du même temps pour exprimer l'optatif ,. il
est assez naturel de penser que» pour affaiblir renonciation des idée*
affligeantes, et laisser, pour ainsi dire, quelque incertitude dans l'ex-
pression de ce qui. est certain, on aura substitué le futur au passé.
On aura donc dit <Jjkxj ^1 , au lieu de SJxi \j\f 0t, comme l'auroit
eongé la grammaire. Je regrette que le commentateur n'ait rien observé
il ce sujet.
J'ai remarqué quelque part (page 373), dans le commentaire de
Tebrizi, une opinion qui m'a paru digne d'être consignée ici, quoique
je écris peu disposé à -l'admettre. On sait qu'en arabe, après ta con-
jonction^» si, et après. tous les autres mots qui renferment une
idée conditionnelle, analogue à celle qu'exprime cette conjonction,
mots que les grammairiens appellent •fjL^Jf Jk> les verbes sont roç
<f ordinaire au prétérit, qu, ce qui équivaut à un prétérit, à Fao-
tfste conditionnel (on futur apocope d'Erpçnius ), et doivent être tra-
duits par Je futur. Tebrizi affirme qu'il faut excepter de cette règle le
verbe ^k", être, qui, dans ce cas, conserve la valeur du passé; et
favois déjà remarqué la même doctrine dans d'autres grammairiens
arabes. Suivant Tebrizi, le verbe ^k" jouit de cette prérogative,
i cause qu'il exprime avec une forcé toute particulière l'idée de venir à
Fexhttnct, oîo^Vt ^ »jLJt J <Çti. J'ai expliqué, par un prin-
cipe plus général et, si. je ne me trompe, plus philosophique,
f effet que produit Finterposition du verbe y\f entre la conjonction
* *
£)? , et un verbe au prétérit , pour détruire finfïuence conversive de la
Conjpnction , comme cela a lieu dans Ce passage de l'Àftorân :
Si îâ \ ékémkt-a 4M dk\hù par devant, en ce cas elle a dit vrai. Je
doute que la règle donnée par les grammairiens arabes s'applique au
verbe 0k^, quand if n'est point *trivt (ftnr autre verbe, comme dans
cet exemple: Jju L$i lioL» o^t>l > & iu ^svéridiçue dans ce que
tu dis. Et d'ailleurs j'ai observé que, dans une multitude de cas, le
prétérit du verbe crJ semble faire fonction de prétérit indéfini , ou ,
pour m'exprimer autrement, être dépouillé de toute valeur temporelle,
comme le verbe négatif UK Je ne fais, au surplus, cette obser-
pp a
JOURNAL DE&SAVANS,
fabrique pour appeler l'attention des personne* :q« désirent acquérir;
tmt connaissance approfondie de la langue arabe , sur cette ihîoiie*
Je terminerai cette notice par un fragment dtin gem* tout différent, >
tiré du ihrre des poésies erotiques (page 55^). L'auteur de cet v*i»'
est un poète nommé Àbd-dllak Rhatiami r ^jim , JiU de Dommna. :■.=»
* « Lorsque nous eûmes atteint les litières qui renfermoieiit les femme**"
» et que séparoit de nous un gardien : maigre et décharné» dont les
*i épaules saillante* fatjguoient par leur dureté la casaque qui le couvrait „
a»4ont les yeux vigilans n'éprouvoient jamais un iqstant de langueur,
» en qui la mort elle-même se montrait à nous , si ses desseins menaçai}*,
at.p'étoient point écartés de dessus nous , nous nous sommes présentés
aSi-à) Jui et nous Pavons -salué. II nous a rendu notre salut malgré lui
j* et en étouffant de fureur. J'ai marché tout un mille avec lui ; et plût à
» Dieu qu'en dépit de sa colère, je pusse l'accompagner tant qu'il jouira
» de la vie. Quand celle que j'aime a vu que notre réunion étoit im-
» jtossibfe, et qu'une longue séparation avoit dressé sur nous ses pâ-
» viifons , elle m'a fêté un regard qui , s'il fût tombé sur un brave guer-
» rier , aurait inondé de sang sa poitrine et ses vétemens intérieurs ; elle
» m'a lancé de ses deux yeux une œillade dont réclair sembioit être
» réclair bienfaisant cf un nuage qui verse les dons de ses eaux vivifiantes
» sur un plateau élevé. »
Je ne rendrais pas justice à l'éditeur du Hamasat si je ne disois, en
finissant, que la publication de ce recueil étoit un des services les plus
importans qu'on pût rendre à la littérature arabe, et que, quand certe
littérature ne devrait k^M. Freytag que ce seul ouvrage, il suffirait pour
lui assurer l'estime et la reconnaissance de tous les amateurs des muses
orientales. La publication prochaine de la première livraison de la nou-
velle édition du dictionnaire de Golius, à laquelle il travaille depuis
long- temps , lui donnera un nouveau droit à ces sentimens, et associera
pour toujours son nom à ceux de$ Schultens, des Cas tell, des Golius,
des Méninski, &c. &c.
SILVESTRE DE SACY.
■ •*
^ . r
1 f
- »
/MAI 1830, 301
Êlém^ens pratiques exploitation , contenant tout ce qui est
relatif à F art <t explorer la surface du terrain , if y faire des
travaux de recherche et £ y établir des exploitations réglées; la>
description des moyens employés pour ^extraction et le trans-
port souterrain des minerais tt des combustibles; les diverses
méthodes de boiser, mur ailler , aérer et assécher les mines;
les secours a donner aux noyés , asphyxiés et brûlés; des
notions sur Y administration $ la comptabilité, &c. &c; par
C. P. Brard, ingénieur en chef aux mines d' A lais, &c. &c.
Paris, J. G. Levrault, rue de la Harpe, n.° 81 , et rue
<[ es Juifs, n.° 33, à Strasbourg; Bruxelles, librairie pari-
sienne, rue de la Magdeleine, 182p.
Une conséquence du grand développement de l'industrie française
a été la composition d'une foule de petits ouvrages qui , sous les titres
de Manuels , d'EUrnens , &c. , ont eu pour objet de faire connoître
les arts nombreux qui sont du -ressort des sciences mathématiques,
physiques et chimiques. Assurément un libraire qui emreprendrott de
publier sur ce sujet une collection de traités qui seroient réellement
des Manuels ou des Elémtns , feroit une chose utile, non-seulement
à ceux dont la fortune est attachée à la pratique de ces arts , mais
encore aux savans de profession et aux gens du monde qui peuvent
avoir quelque intérêt à les connoître; et lorsqu'on a suivi soi-même
les procédés de divers ateliers , on s'explique mieux qu'on ne le faisoit
auparavJht , comment d'ilMbtres personnages ont trouvé, à les pratiquer,
des plaisirs que ne leur of&oient pas toujours les récréations les plus
dispendieuses. .
Après le spectacle des grandes ^cènes de la nature , rien peut-être
ne frappe plus les hommes doués de quelque réflexion que les chan-
gement qui surviennent dans la forme , la solidité , la couleur , en un
mot dans les propriétés de la matière , entre les mains du forgeron ,
du potier de terre , du verrier , du fabricant d'émaux , du teinturier ,
&c &c. : la vue d'opérations faites par de pauvres ouvriers nous donne
souvent des idées sur le génie de l'homme > que nous n'aurions jamais
eues sans cela. Et certes, apgès avoir observé soi-même comment une
matière terreuse, d'un rouge brun, jetée dans un fourneau., s'y réduit
m une matière métallique qu'un nouveau travail convertit ta barres
joa JOURNÀt £>£S SAVAN S,
ductiles» en fils déliés ; après avoir observé soi-même comment la matière,
que l'eau etriève aux cendres» fondue avec du sable blanc et du plomb
calciné ( minium ) , donne cette belle composition connue sous le nom
de cristal» on sent le besoin de retrouver dans un livre Ta description
de procédés qui ont si #vement excité notre attention sur ' un sujet
qui ne f avoit jamais attirée auparavant.
* Malheureusement celui qui , après avoir visité une usine» une fa-
brique , éprouve le besoin dont nous parions , le propriétaire d'un
établissement de ce genre qui n'a pas fait d'études scientifiques appro-
fondies 9 ou le contre-maître d'un atelier qui sent le besoin de s'éclairer
de là science des autres , trouveront bien rarement ce qu'ils cherchent
dans . les traités sur IA arts que Ton a publiés dans ces derniers temps
avec une profusion vraiment extraordinaire. En effet » sauf quelques
exceptions » ces traités sont mal écrits » incomplets» et» ce qu'il y a
de pire , les recettes , Its procédés qu'ils renferment , loin de guider
ceux qui les consultent » peuvent au contraire souvent les égarer» aux
dépens de leur temps et de leur fortune. Au reste » cela n'est pas
surprenant » lorsqu'on sait comment ont été Composés tels de ces ou-
vrages tjue nous voyons annoncés dans les feuilles publiques comme
indispensables aux personnes qui se livrent aux professions dont ils
traitent.
Il ne sera point inutile de placer ici quelques réflexions* relatives
aux conditions que doit remplir un petit ouvrage portant le titre de
Manuel ou d'EIémens d*un art quelconque. II faut que le style en soit
clair et correct ; que les définitions qu'il donne soient aussi précises que
possible; et lorsqu'elles demandent» pour être bien comprises du lec-
teur, des connoissancés accessoires» H faut qu'elles soient accom-
pagnées de tous les développemens nécesnures pour les rendre intel-
ligibles. Non-seulement les descriptions des procédés, des manipu-
lations , doivent être concises et pourtant complètes » mais il fcut
encore que le but de chaque prô'dfcfé, de chaque manipulation, soit
clairement énoncé , que les difficultés qui peuvent éloigner de ce but
soient signalées , et enfin que tout ce qui est fondamental dans Part
koit rattaché h des principes capables de rendre rahon de ce qu'on a prescrit.
fl ne faut Jamais perdre de vue , quand on écrit sur les arts , que
la description tfun procédé , d'une manipulation ; quelque exacte qu'elle
soit» n'a pp tendra jamais à fa pratiquer àccfaff qui ne Sera pas déjà
habitué \ un genre de travail analogu* & celui dont on parle ; car
il est une multitude de petites choses qufnç Rapprennent qu'erirte
exécutant iof-mêmeimrnëdtat^emetit^pr^ leiaVcrtrtu' faîte p*r fftattâf.
MAI 183a je 3
Ces règles sont bien simples, et cependant qu'on les observe peu !
£t ici nous n'entendons pas parler de plusieurs arts chimiques» comme
ceux du verrier , du potier de terre , du teinturier, dont la théorie est
si peu avancée qu'il est impossible , à notre avis , qu'aucun homme
consciencieux, dans l'état actuel des connoissances qui sont du domaine
public , soit qu'elles se trouvent dans des livres 9 soit qu'elles soient
professées dans des cours , compose sur ces trois arts des Manuels
ou. des Élémens , sans se livrer à des séries de travaux scientifiques
qui exigent de lui plusieurs années de recherches délicates et plus
ou moins laborieuses. Mais tous les arts ne sont point heureusement
dans cette catégorie. Quoi qu'il en soit 9 il est évident que. l'auteur
<Fun livre élémentaire sur un art doit être aussi versé dans la connois*
jance des procédés de cet art que dans celle des principes scientifiques
qui expliquent ces procédas et en règlent l'exécution; autrement l'objet
du livre n'est pas rempli.
Après ces réflexions, que le titre de ('ouvrage de M* Brard nous a
suggérées, nous devons .dure que son auteur réunit les deux conditions
que nous regardons comme indispensables pour composer des Elément.
•M. Brard, après avoir étudié sous les plus habiles maîtres, a écrit
•plusieurs ouvrages estimables sur la minéralogie ; il a découvert un
procédé fort ingénieux pour distinguer les bonnes pierres de taille
des pierres gétives ou gélifie*, c'est-à-dire , de celles qui ont l'incon-
vénient de se réduire en poudre ou en morceaux , lorsque , ayant été
imbibées d'eau , elles sont exposées à une température suffisante pour
•congeler le liquide qu'elles renferment dans leurs interltioe*. Enfin
M. Brard a visité un assez grand nombre des (mines les plus remar'-
quables du continent ; il a été appelé à en diriger lui-même, et à présent
il est ingénieur en chef aux mines d'AJais.
Les Élémens pratiques d'exploitation se composent de six chapitres
que nous allons examiner, ex de 32 planchée qui ont été lhhogra-
phiéea dans les ateliers de J. G. Levrauk.
Le premier chapitre traite des indices et de ia recherche de» mi-
nerais > ainsi que de leur disposition dans le sein de ta terre.
< M. Brard , après, avoir combattu le préjugé de ceux qui croient
à la faculté qu'ont certains hommes de découvrir lés richesses miné-
rales et «les eaux auAmoyen de là baguette dite divinatoirt, distingue
-*a différentes , sotte» les . indices qui sont snsceptibiesde servir de^ guides
dans ia recherche de* minerais: c'est sans doute parce qu'il accorde
peu* dm qertilude atsx indices que l'on considère xom*ne les moins
^oqWU^toitÀ^e *»je*atec ata% gModeubrîém^é:
3ai JOURNAL DES SA VANS,
Il est important de connoître la disposition des minerais danrft
seîh de la terre ; et Ton ne peut s'empêcher ici de reconnoître combMk
la géologie a rendu de services à l'exploitation 9 en ramenant à un petit
nombre d'expressions générales une multitude d'observations partielles
faites par les mineurs. Elfe a donné les moyens d'étudier et de décrira
d'une manière précise la disposition des minerais dans leurs gîtes t
et il est résulté de la distinction qu'elle a faite de la partie de soa
écorce qu'il nous a été permis cTexaminer en terrains de diverses
formations , que, dans teb de ces terrains , on peut espérer de trouver
tel minerai utile , qu'on chercher oit en vain dans un autre d'une forma-
tion différente. M. Brard définit ce qu'on ..entend par couches., filêns ,
veines , smkwcrks , amas , nids et rognons ; il trace l'histoire générale
de ces dispositions des minerais dans les terrains dont ils sont parties
constituantes , et il insiste sur (es accidens qui dérangent la régularité
des couches et des filons. >*
II s'occupe ensuite de la recherche des métaux, de la houille, de la
tourbe et des eaux ; et sous ce titre, il comprend celles qui sont pota^tm
et les eaux dites, minérales. ' ■ *i ^;»
On procède , dans ces recherches , de différentes manières , par trkh^
chées , en creusant des puits ou des galeries , et enfin en se servait vtyr
la Son Je. >,,','\
Lorsqu'on fait des tranchées* c'est-à-dire, qu'on recherche des trô-
nerais en enlevant la surface du sol , il est bien important cfobseràr
des règles sur lesquelles M. Brard insiste avec grande raison j esir
c'est pour s'en être écarté qu'au Brésil des contrées entières ont été
bouleversées par des -fouilles entreprises dans l'espoir cf extraire du s6l
de Toc et des diamans. La terre de la surface, qui seule pouvoir se*#r
à la végétation , a été dispersée > et aujourd'hui on ne voit pas i'époqÂ
où ces terrain* entreixmt dans le domaine de l'agrîqilture. C'est sur-
tout en lisant la relation du voyage de M. Auguste de Saint -HilairtM^fc
Brésil que l'on pourra se . convaincre de la nécessité de ne fbtiilkF
un sol par tninchéés qu'avec une extrême circonspection. . -
M. Brard décrit avec tissez de détail lés divers insurpmens qui 4ont
employés , sous le nom dasvnde , pour creuser dés trouk de plufcfeurs
centaines de pieds de profbhdeur, même dans les terrains lès plus dfcrtf.
Il distingue deux circonstances principales dans f usage de là fcomlti:
celle où , cherchant' un minerai utile , tin cohiMi sable-., 'OU w#M:<H*-
naître la nature d'un terrain» ou, en d'autres terni «*i la nirord des divtMifc
couches <[ui le constituent ? alors la sondé est xempfbyéepoisr «mi-
lieu d'un puit* du dtorç gderie^Dan^ce oas^fiassge Hajpet fcwtrpMft
- : MAI iS^o. 305
te lui poroxt pas jpssi avantageux que Faute moyen* par h raison
qtfï est déjà dispendieux , et en outre que son défaut de précision peut
être tel, qu'on ne sera pas .dispensé de pratiquer un puits on une ga-
lerie. II appuie son opinion, sur des calculs comparatifs. Quant & là
seconda circonstance , celle où Ton se sert de la sonde, pour la recherche
4m eaux , il n'y a aucun autre moyen qu'on puisse lui préférer; et
ici 9 fauteur entre dans quelques considérations sur les puits artésiens
ou fontaines jaillissantes , qu'on lira avec, intérêt* vu les avantages que
présentent ces eaux que L'on va puiser dans des nappes situées à phisseûre
centaines de pieds au-dessous du sol, et qui sont si abondantes qu'on
les croiroit inépuisables. Cette découverte , d'origine française, promet
cfdppe d'autant plus utile que les terrains calcaires secondaires ne son*
pas , ainsi qu'on Tavoit pensé d'abord, tes seuls où l'on doive espérer..
de trouver des eaux jaillissantes, puisque aujourd'hui on en connoft dans
les terrains primitifs.
Le second chapitre traite de l'exploitation proprement dite.
L*aitfeur décrit les outils des mineurs ; il considère ensuite les roches
relativement à leurs cohésions respectives et aux moyens à employer
pour les diviser en parties qu'on puisse transporter loin de leur gise-
ment* La poudre ne donne jamais de meilleurs* résultats , pour cet
usage , que lorsqu'elle est employée d'après la méthode allemande.
En parlant des roches dures a temsues , comme le sont certains quarts
et certains granits., M. Brard conseille de les exposer" successivement
à l'action du feu et de l'eau froide. On remarque encore , dans plu-
sieurs anciens ouvrages de mine, des parties qui ont été soumises à
ce moyen d'exploitation, Nos lecteurs nous sauront peut-être gré de
citer un passage de l'ouvrage où M. Brard expose sa manière de voir
relativement à ce que racontent les historiens, de l'emploi que fit
Annibai du viqajgre pour s'ouvrir un chemin dans (es Alpes i <c Un
» rocher de I* grojweur *Tu# de nos caissons , dit-il, pouvoir barrer
» le passage aux éléphans <F Annibai dans un défilé /et dix sapins suffi*
» soieut pour l'échauffer assez pour que de l'eau froide le fît éclater. Le
» vinaigre , qui peroft jouer un si grand râle dans cette opération, est
» précisément la prpiv* que l'obstacle étok fort mince, puisqu'on pré-
» fera, sacrifier une portion de cette provision de Farinée , plutôt qée
» de prendre la peine d'aller chercher de l'eau , qui abonde à-peu-près
r-tout da«s jçtAlp&i car ce n'est pas comme at'tdfi {t)> mais comme
JOURNAL DES SAVANS,
306
» liquidt froid ', que Je vinaigre a dû agir dans cette circonstance a jamais
1» mémorable. »
M. Brard parle des divers moyens de descendre dans les mines ,
de l'exploitation des tourbières e( des carrières. En traitant des carrières
à ciel ouvert , il fait sentir la nécessité de déblayer une grande étendue
de la surface où Ton se propose d'ouvrir l'exploitation ; sans cette
précaution, on s'exposeroit à remuer plusieurs fois les mêmes débiais.
Lorsque les bancs sont situés trop profondément, on creuse des puits,
des galeries , et l'exploitation est souterraine; c'est ainsi que les pierres
qui sont entrées dans la construction d'un grand nombre de villes ont
été tirées du sein de la terre : les vides occasionnés par leur extrac-
tion ont souvent une étendue remarquable ; tels sont , par exemple ,
ceux que présentent les catacombes de Rome et de Paris.
L'auteur donne ensuite une attention toute particulière a. l'exploi-
tation des mines, soit qu'elles forment des masses ou des amas , comme
la bouille , les minerais de fer d'alfuvion , soit qu'elles se présentent
en couches puissantes , en couches de moyenne épaisseur , ou enfin
en couclies minces. II fait sentir tous les inconvéniens qui résultent
d'un mauvais système d'exploitation, qui sont tels , que d'immenses
richesses minérales peuvent être perdues sans retour. II conseille , d'après
les meilleurs auteurs , de commencer à extraire les minerais des par-
ties les plus basses, et d'aller progressivement de ces parties vers celles
qui dont placées au-dessus. £11 parlant de l'exploitation des minerais
par le lavage, qui est sur-tout pratiqué au Brésil, au Chili , au Mexique,
au Pérou et à Buenos-Ayres , il fait remarquer que trois des matières
que l'on considère comme des plus précieuses , for , le platine et les
diamans , se rencontrent souvent disséminées dans Tes mêmes terrains ,
et s'obtiennent par le lavage.
La fin du chapitre est réservée à l'extraction du sel , soit ceint qui
est à. l'état solide, soit celui qui est dissous dans l'eau. Il fait mention
de cette célèbre montagne de sel de Cardonne, située en Catalogne,
à, seize lieues de Barcelone , et qui est comparable à Montmartre pour
la hauteur et pour la masse. Le sel y est exploité a ciel ouvert , par
gradins, et au moyen de la poudre. M. Corditr estime qu'en cent ans
(es eaux du ciel n'en diminuent la hauttur que de 4 pieds 8 pouces
j lignes.
Le chapitre m est relatif aux transports intérieurs et exténeuts des
minerais et des combustibles.
Une fois qu'on a détaché les minerais ou les combustibles du sein
de la terre , il faut les transporter hors de !a mine ; les moyens qu'on
3_
*
i8y± ■ r 107
peut employer pour y parvenir, sont des panier* ou des sacs portés
à desnThontme, dès brouettes 9 àei tbariots roulant sur des chemins
de bois ou de fer ; et dans ce cas, fauteur pense qu'il est seuftènt avaa*
tigteo* de les ftfoe tirer perdes mulets ou; des chevaux; Enfin on exé-
cute eocore ce transport au moyen de canaux pratiqués dans de
grandes galeries horizontales ; on en -voit en Angleterre qui présentent
lés plus grands avantages. Malheureusement toutes les localités ne per-
mettent pas de les établir. j
- M. Brard,en signalant le transport à dos cThçmrtie, fait des v<*U9t
véritablement philanthropiques pour l'abolition de f e tnoyen , qui n'est
guère employé q*e dtfhs un certain nombre de mines dé houilfe et de
(f gnfte : ' féHés sont ceBesdka environs d'Anbin, dans i'Àveyron, celtes
des Boucheis-du-Rh6ne. Non-seulement il est pénible devoir des hommes
et de pauvres en&its, absolument nus, le dos chargé de grands paniers
ou de grands sacs , marcbapt à quatre pieds dans un escalier couvert
de botte? maïs encore rien n'est plus mauvais <Jue cezmode de.trsraport,
toutes les fois >qirtl s'agit d'exécuter ècmomrquemtnh e&\pïmp4cnHnt> de*
tatvàtrx: continus. En effet, parce mode de transport * i(4 J h<>mo%£*ne
feflt pas plus d'ouvrage que i oo~ hsmmea .qui se fervent de brouettes;
et la brouette n'est pas, à beaucoup, près, la machine qMi présume rie
pftis <favan tages , quoiqu'elle • toit bonne dans les petites exploitation*.
L'auteur passe ensuite à l'examen des inachinèf d'extraction ,: pelles
que la pouKe, le topr simple , le treuil , le tour .à trotte , le cabestan
souple , la petite et la grande machine à hiolette , les machines à vapeur,
la machine à contre-poids, h machine à colonne icTbau» Ie& «a^chioes
à tftmiflés et à varlets, et ie* chaînés, câbles f lihesc, bennes réseai^^
caisses , paniers, crochets, dont on fait usage ftout élever fo* mineraif
ou combustibles1 du sein de là terre à sa surface. Lorsqu'une. &(*** W
tint, espèce de tonneau» wieer|et< Geadéieu.ferr* »«ttfeiet le plus haut
poto de sa coùsse, cVat^KBrer lôieqifctt» est parvenue ^J'o^ficç su-r
pértau>*cfa puits, dans lequel elle > mante! quand elle est chargée dp
minerai et descend quand elle est vide, dea ouvriers l^jrejnyfrsent qq
la décroc henr, afin -de far vider ;:c'*»îj alors qu'ttte pvii§ de ^ çb^çga
ou la benne elle-même peut s'échapper et se précipiter w> fçnd ç{u
puits sur lés ouvriers qui s'y itou vent Cseit peut phéveMk A&% Sfsidens
ua pet au-ideseus ,4t ;
/mi/ roulant , qui est un véritable flfm^r M^lMe^^^j^^^f Qt\
conçoit alowqueies esivsîçrs pIa6éaau*4aasousiS«A|^^^^M>l4i
accident. L'autepr parle de ce mécanisme ingénieux d'après'M. Dufrenoy.
Qq 2
3ol JOURNAL DES SÀVÀNS,
' M. Bntrd né décrit pas en détail toutes les machines que nous venons
de nommer , son objet principal étant de les considérer dans les rap-
ports qu'elles ont immédiatement avec I exploitation. .
Le chapitre iv renferme des objets extrêmement variés , dont la fal-
sification n'est psp toujours très-méthodique; ils se rapportent à la
conservation des hommes et des travaux.
Sous le titre de soutènement des terres et des roches, il traite des ga-
leries et des puits , ainsi que de tout ce qui en concerne le boisage et
le muraillement. En pariant du bois, il donne des renseignemens utiles
sur la manière la plus avantageuse de débiter les arbres pour l'usage
des raines ; sur les causes qui ont le plus d'acéon pour le détériorer
une fois qu'il est en place : il est plus tôt détruit dans une atmosphère
humide et chaude que quand il est submergé ; de là , la pratique souvent
avantageuse d'inonder des boisages qui se trouvent dans des lieux où les
travaux doivent être suspendus pendant plusieurs, mois. L'eau salée a
une action très-remarquabIe*pour conserverie bois: cela dent, suivant
nous , à ce qu'elle n'a point la même force dissolvante que l'eau pure ,
et c'est ainsi que nous expliquons pourquoi les boisages des saines
ont une durée bierr plus grande que ceux des mines oi| il n'existe pas
cTeaU salée. II est important de n'abattre les arbres qu'à l'époque où
là sève est en repos; car le chêne qui dure quinze, vingt ans et plus9
quand il a été coupé dans le temps convenable, ne dure pas plus de
trois- ans dans les mines , quand il a été coupé en pleine sève. M. Brartf
rapporte qu'ayant fait écorcer plusieurs sapins un an avant de les abattre*
d'après le conseil de Buffon, qui recommande cette pratique pour donnes
plus de dureté au bois, il n'en est résulté aucun avaptage notable. L'auteur
ne prononce point sur la question de savoir s'il est avantageux d'écorcer
les arbres abattus , comme on le fait en Italie, par exemple. Il rapporte
l'opinion d'un mineur qui avoit une longue expérience, et qui regardoit
cette pratique comme vicieuse, dans le cas du moins, où le bois de chêne
devoit être appuyé contre des terres humides, parce que, suivant lui ,
récorce le change promptement dans cette position en une matière vis-
queuse qui préserve efficacement des agens extérieurs la partie ligneuse
qu'elle recouvre.
. II traite ensuite de Y assèchement des mines -, c'est-à-dire , des moyens
<Të|Riiser la mine des eaux souterraines qui tendent à envahir plus ou
moins rapidement , plus ou moins lentement, suivant les localités, les
cavités creusées par le mineur. On parvient k se rendre maître des eaux
au moyen de galeries d'écoulement, de pompes aspirantes, &c. L'auteur
« * * - •' - * Aï 18^6/: :: J O l *•*
firit tentir tout hhramage cprïi y a à murer piuftAi cpt*3i boiter les* parois
dé wi- (Jateries. " • I ' î--/ i^
: M. Brard paHefenseke de Taérage des mines, et id*»! quotas <f*»e
■ptéferverîiie Ta<ide .caffc^qtie , de Phydrogènr carboné- jïèti «en iwèt>
*le fous UffJIaides élastiques délétères qui se trouvent d*ns le* catyé*
delà tertei It aurort pu donner, sans quîon Tût ert droit de ftiTetil
-de prolixité, plus d'étendue * cette partir iuqSortante de Fexplcita-
tion ;; et il y a tell» proposition qui, faute de dévelopfie*tent , pourtek
induire fe lecteur en erreur , s'il en pressoit les conséapenee* t par
exemple , Hauteur dit , (fàprès le mémoire <ftfrr d*sesraltf rsf qui rtestlpas
encore pqMié, que* les différens gaz qui sont susceptible* de se
*> fermer dam l'intérieur des mines , tendent à s'échapper pur bt partie
» supérieure (Tune galerie inclinée, ou à Vécoider'daas ie fond» à la
yy manière d'un liquide: la figure 3 présenta 1e uftleau de cette double
» marche, qui est fondée sur la pesanteur spécifique de cet» différent
»ifliiides. » Qui. ne; cttàttft,. d'après cette pi-opbtfâoo.t imdkie enéore
plus tlaire par la tigufe 4t laquelle on ntnveievqt* le» fluides ^étas*»
tiques se disposent les, uni sur les autres dans Forcfrér^a leUre dmsitft
respectives, ainsi que le font les liquides !- or i rien n'es* moine éxec*
M. Dalton a parfaitement démontré que, si Y on place adeur MfcttÉa
fen au-dessus de f autre, le supérieur contenant du gae hydrogène^
Fi nfé rieur du gaz acide carbonique, c'est-à-dire, deux fluides 4fa*t*
tiques différant extrêmement par. leur densité, H arrivera, iorsqé'on
éttbfii* au moyen <T an canal excessivement étroit une commuiiicaffcm
entre les ballons , que ki deux gai se mêleront d'une manière qrfifimne^
ou ; en d'autres termes , que la proportion de Phydrogène à l'acide aribo»
nique sera la même dans' chacune des capacités. u:. - fi.u
- .M. fitrard décrit la lampe de Davy , à laqipeUefeftttâche un'ctoi **»
vaux lès plus tferiifcrquable* de la chimie. II net» semble qu'il aureknpit
donner une explication plus précise de la manière dont cet îngénaèut
appareil préserve le mineur des inflammations lie l'hydrogène* earibeiié
qui le menacent si fréquemment dans certaines mmet/^«houilJe. ri' ;*
H décrit les appareils respiratoires que Pitftredu Realet erMJ Ifutt
bofch ont proposés pour pénétrer dans des atmosphères déHrtfe»)
mais en eh a imaginé, dans ces derniers temps, q«i 10m dftait- utqge
beaucoup plus avantageât que les premiers, il traite «M»ite<Iefet»ptai
du^hkmwe de chaux peur fastainissemefit^dia mcanrffr**ow*rminti
de la température des mines, et enfin des secewrf * *wmer MX
malheureuse ofrç? t*f gpî ont été noyés, asphyxiés ou brûlés.
Le chapitre V est consacré à la géométrie souterraine.
I*t JOURHÀ^ïDS* AAVANS ,
U ;Ttitimno il épstàpfyn, fa instrtltoens strictement nécessaires
pour lerer les plans dès mines. L'auteur s est restreint au* méthodes
les }> lus simplet ^ parce qfr'il est si pénétré do futilité de ces plafts, qu'il
a fait des effprta ooostant pour augmenter autamque pOtsiJWe* dans les
«ftploitataom qu'il* a dirigées, le nombre dta personnes cqpehles de les
Imcv. If proposa plusieurs ctyogemeus dans la disposition de quelque*
partie* de k boossoIe*du mineur; et il donne» dan* la vue de faciliter tes
.calculs f des tables des sfnift calculées par M. de.k Gh«b wssière 9 ancien
îofpectMr^HimQes. .»■.:...; ",i •. j ■ „ ...-> i
lie «hàpitr» ;vér» poafc tkre^ <fr l'administra tim. . '' . ><>lV: «. ■: - ■
M. Bcinl yieaamke.quej doit être le personnel dtioe exploitation*
le» njetfleuif s jègjerf k suivre dans la comptabilité/ II rappelle les prfn*
crpalétidispèsitîohs de/kJoi Sur l'ofgafiiaatioh 4e l'école des mines et
des mineurs , et il rapporte le texte de la lof du a & evril 1 8 ro # foncer-
liant fes mines» les friiniè{c*et les carrières* ■. ■ • • ; ; ■ , . ■ -*
Enfin fourrage est Jerminé par un appendice qui ctmdent plusieurs
tttkaeigbëriieef i ûat^ressan* pour »ce»x qui se J**rétit & J*expktf tatiort s
*cte>KmtidesttaM»s< donnent toxdmde lup^pc^itioOfdjeô différente*
eoecfcetrqui constituent plusieurs lertaint ;tek stfnt tes prix des eawqges
de> taèica et -tki journées de mineur dans fdifôittntee partiea< de. ?fc
£wiéç*Jtf<i)rix,de* outils, de k poudre* de* i&fctotev, des. «pchînes'»
d*ftéi* étiide iafeouUku .. ». >; .. ;; ., .LU = ■• i . «"..■:.
. Epkirdsutté» quoiqu'on puisse reprocher fc.MJBwd que quelque-
unes de ses définitions manquent de précision > que plusieurs ptettlgef
seroiétat plus in telligibtes dans Une autre pkcequrtcgjie ouijsse trouvent»
que quelque! partie? ncrit pas les développement nécessaire* pour en
faire sentir toute l'importance , que les emprunts qu'il a && au» savattf
qur Coht 'précédé *e%bril pas toujours assimilé* au fond de !V»ut**ge ^
cqmlne.ili devraient Uéue lorsqu'ils font partie tfun. traifté . général*
enfin <gté. h distribution, des sbaiières: ne se«*b|Ie pea Pvcôi été towjews
assez mûrement méditée* céptendatt les &é0*«toiP*ï*tiqpes d'exploita-
tion sont estfojibWsoufrfAùsreurs rapport ; lesiylft e|i e*t généralement
clair; ib renftfhient tes règles Jes plus av*i>lagettS0S à suivre <fcms l'art
d'extraire les ak&fssesaniftftafes du sein de îa tesfej faute»]? n!a, jamais
oifinqué dfe ctier ka sources où Va puisé * ^dejrtgdw wim fc w»
qu'^l a AisA 4*wtribiitinn« £nfi* w^.n^ (j^jK^rj^-q^ M. Biasd fie
rende soft>4»tjfi*£p:iéii^ puWifldaos
une seconde éditioa*; *.S :.:>•:> :> >
i; • ' .i/ ,
b: CHmEtft.
• 3;ri':>. lu.'t .-.sji. -.^ ' . i:.-i;.;.«-.'"j Js? Va":. :..!.>
• ■?. /i . - jA *W i R *&/ v: : t ■ J o t.
t •■«
Tr' / . Ti ... Mf! 'J' ".Tî . ,■ ■ ■ •/! ■ f * .T I-/j J n
I
• , * i
U: :
■*■
■-'* > '.'.•'..-. . 1 . ./ . ,y II
.£.
INSTITUT ROYAL DE< FRANCE.
...
: = i • t
• ■
' 1 ./
. - M. Four 1ER , Fun des secrétaires perpétuel» 4e f Académie des sciences,.
et membre de T Académie française, *st mort le l6 mai: à ses funérailles
(le i8), M. Girard, président de l'Académie des sciences» a prononcé le
discours suivant i « Messieu», nue perce déplorable noua ramène encore an
milieu de ces moftumevs funèbres sous lesquels reposent dbéfà une partie de nos
contemporains. U>oi depuis longtemps d'une intime aniitié au respectable
confrère dont notas allons nous séparer,: il m'étoit séscrvé de lui offirtr notrt>
dernier hommage. Si je ne rends pas cet hommage digne de lui, je suis certain
du moins qu'en remplis tant le triste devoir qui m est irfiposé , fé trouverai , dans
.Fâccent de ma propre douleur, tferpressiop de la douèeur commune: des voix
plu* éloquentes vous diront quels événemens Remplirent sa vie, à»qneJa travaux,
eHe fût consacrée; il ne m'est permis ici que d'en rappeler.le» tjrsto principaux;*
sb (justifieront nos regrets , et les honneurs qui. doivent être en jour vende* à sa
mémoire avec plus de solennité. M. le baron Joseph Fourier -reçut de la nature
tous les dons oui fixent les regards des nommes et qui attirent leur bienveillance.
Dès ses premières années , il se fit distinguer par-tout où il se montra; son édu-
cation eut les plus éclatans succès. A peine avoit*iL atteint l'âge eu, peur
Hordinaire, on commence^ étudier les beHes4ettre*t qu'il les profesaoit.déjà;
eçce qui est peut-être sans exemple, il étendoit en mente temps It domaine
des sciences exactes par 4*s découvertes nouvelles. Les tempêtes i|aiagHôient
alors le monde politique > l'écartérent pendant quelque temps dV \k ttttfe qu'il-
paroissoit destiné à suivre.- Il n'y rentra qu'au moment, où set, *o*ip*jfrietea le
désignèrent pour venir i Paris assistes y comme élève, aux Jfçons qne4cyeien£j
donner, à Teceie normale^ tous ces hommes snpérieurtfJwoneux du siècle et
de la France, qui réutûsspient entre aux taet'de célébrités diverse** Fqujrier ne
ncmvoit manque» d'en, être remarqué», lis s'en eteparèsent comme: d'an C&Ha-i
oorateur indispensable^ ilVagissotf d'entretenir et oe propt^ftr Je* lainière* dent
le malheur des; temps avoit tait craindre l'extinction. II fut noraefcé prpfesscaf
» l'école polytechnique, qui vènoit d'être organisée. Plusieurs Centre vous,
Messieurs, y ent été ses disciples, et n'ont peint! Oublié avec quel r%re taWnt
il leur développait les théorie» tesr plus élevées, des science* mathématique*,
avec quelle netteté d'expression 11 es éclalt cissok les difficultés. Ils n'ont oublié
ni son ^locution facile, eirPart ?vee Jequel il tfvoit, par des; applications
variées/, quelquefois même par ifl'issgénieux récita, exciter J-'intérêf ou soutenir
l'ettentien de ses feënes aadûaur^fii^oatMeU i#fsoi eu* dtae toasidlwJpn
qu'ils lui saanifesteieat chaque jour, foreque* entraîné ps* IVxernple de Mçoge.
etde Bertholiet: et peut-ét»eaiis«xer cctte,connenfe.finJverse|fe qu'iosriroio
alors le cotisjutrantcder! l'Italie»! il /«ssetie lifattte mémorable expédition
d'Egypte 9 dont les résultats s'agrandissent de plus en plus i mesure que nous
3i^ JOURNAL 13 £6/ jfcàVÀNS,
i^ife>Û»fi% & J'âKKUft 9»JïiU.fu| entreprise. Peyenu désormais habitant
crune terre classique, qui fut le berceau des sciences, il espérait en retrouver
les annales encore tracées dans Fiotérieur de ces templ* antiques, qu'un
climat conservateur' a laissés parvenu jusqu'à nous. Il ne fut point effrayé d'un
sujet de recherches aussi difficile ; et en effet , nul autre que lui ne pouvoit
s'y livrer avec plus de chances ôVfuCcés. .; ."ÀTon retour en France, Fourier
manifesta le désir de rentrer dans la carrière de l'instruction publique , pour
laauelle il disoit Jsonvedt qut sa vacation étoit exQJd^veoiçnt prqnoncée. Mais
celui qui tenoit alors les rênes du gouvernement, l'avoit vu de trop près en
Egypte , pour renoncer à tirer parti des talens administratifs qu'il lui connoissott.
Il rut nommé préfet .d» département de Fisëre, Il y porta cet esprit de bien- .
veillance et de conciliation qui finit (toujours par 'ramener à des sentiment
modérés les hommes d'opinions différentes les plus exagérées; aussi parvint-il.
à retenir sur sa- personne, pendant plusxle quatorze ans, l'estima générale de ses»
administré*, de 'quelque opinion qu'ils Missent; et ce > qui le toucha vivement^
tous, sans exception, se montrèrent empressés de lut en donner des preuves
dans un moment où son repos exigeoit qu'il s'en prévalût. Des dissidences de
parti, qui étoient devenues à cette époque plus tranchantes que jamais, s'effacèrent
comme par miracle . • . C'étoit, Messieurs, pendant qu'il se livrait ainsi aux soins
de l'administration publique, que la première classe de l'Institut lui décerna le .
prix qu'elle a voit- propose sur les lois de la propagation de la chaleur , question
de* plus difficile* entre celles qui avoient occupé Jusqu'alors l'attention des
physiciens et des géomètres. Ce retour vers des études auxquelles il avoit dû
ses premiers sticcès , indiquent assez le désir qu'il avoit de pouvoir un jour, s'y
livrer sans réserve: rentre dans la vie privée en 181 j, la seule ambition qu'il
montra fut celle d'être admis parmi vous. . . . Vous vous souvenez, Messieurs,
de l'imposante unanimité qui nous donna M. Fourier pour collègue. Quelques
mois après, vosus lui rendîtes une nouvelle fustice : vous aviez pu juger de
l'étendue de ses- connaissances et de la variété de ses talens; vous le nommâtes
l'un de vos secrétaires perpétuels. A dater de cette époque, sa vie vous appartint
toute entière. Vous la connaissez aussi bien que moi ; ses dernières années se
sont en effet entièrement écoulées dans l'exercice de ses devoirs académiques ;
ces devoirs seuls apportoient quelque distraction aux souffrances dont il étoit
tourmenté. De longues et cruelles insomnies auraient pu altérer la douceur de
sesmœars, l'aménité de son caractère; et cependant, pour peu que ses douleurs,
lui laissassent quelques moment de relâche, nous retrouvions en lui l'amabilité
de la jeunesse écIâfrée'ffarTefcperience de l'âge mûr. C'étoit à l'honneur de.
l'Académie des stiente» et de l'Académie française qui, depuis quelques
années, Fa voit associé à ses travaux, que sembioient se rapporter toutes it%
actions et toutes s^s paroles.' Il offrait , dans l'une et dans l'autre compagnie, le
modèle parfait d'un confrère accompli. Hélas! ni la profondeur de son savoir,
ni son éloquence' persuasive, ni la délicatesse de son goût ', ni la sûreté de son
commerce, ni Félév4tk>n de ses sentimens, n'ont pu retarder le coup fatal,
et je n'ose dire inattendu , qui vient de nom l'enlever. Il va rejoindre Monge
et BerthoHet , LapUce et Dam, -estant d'eu très citoyens iUnstres avec lesquels
il conversa souvent, et qo* parent apprecierta.lpnikeportee.de sen éspriu
Qu'il reçoive aujourd'hui nos derniers adieux, en attendant que les vieux
amis qui lut survîvttft 'Viennent le refamdre à Iêfcr tour! Jusque-là ilsne
- ■ ■■ ■ i ■ -j " ■ • ■ i»*/ jri . ■: i • Ci if,!;-M . A î:j , . j ■ » ... ■.'.
.r MAI 1830- ..;■■■■ ^|
trouveront d'adoucissement à l'ajnefrtumc de leurs regrets que darp Je
§ou venir des témoignages d'estime et dafilciipn qu'ils reçurent de cefi
excelltnt homme. »
<* Lorsque, if y a sî peu d'années encore, a dît M. Ctrvier , nous venions*
Apposer dans cette triste demeure la dépouille mortelle du vénérable De-
hkmbre, qui auroit pu prévoir que son successeur, dans la force de l'âgée*
de la santé, étoit destiné à prendre si tôt place à côté de lui! De bonne
heure , il est vrai , des souffrances dont le caractère n'étoit pas équivoque
durent nous inspirer des inquiétudes; mais qu'elles étoient loin de faire pré-
sager une terminaison si prompte et si funeste î Un accident suivi de grandes
douleurs vient d'accélérer et de rendre presque subite la fin d'une vie pré-*
cieuse aux sciences et chère à deux académies. C'est au moment où des
fonctions qu'il remplissoit avec tant de zèle et d'aménité appeloient M. Fou-
rier parmi nous, que nous avons appris que nous ne le reverrions plus....
Nous pouvons le dire: dans les sciences, dans les lettres, dans l'histoire,
la place de notre confrère est désormais fixée. Qu'il me soit permis à mon,
tour, à mot que des rapports journaliers mettoient plus qu'aucun autre a
même d'apprécier ses qualités personnelles, qu'il me soit permis de parier
de la douceur de son commerce , de sa bienveillante équité dans le juge-:
ment des ouvrages de ses contemporains, du soin qu'il mettoit à présenter
dant tout leur éclat les travaux de ses collègues 9 ceux que des savans de
tous les ordres venoient déposer dans le sein de l'Académie, Pendant huit
années de relations intimes, jamais un moment d'humeur n'a paru l'altérer;
jamais je n'ai vu un académicien, un étranger, le plus jeune élève, ne pas
se louer de l'accueil qu'il en recevoit. »
M. Jomard, au nom de la commission des rnonumens d'Egypte, s'esi
exprimé en ces termes : « Le temps qui nous enlève si tôt les nommes les
plus précieux à la société, qui choisit ses victimes les plus précoces parmi
ceux-là même qui en font la gloire et l'ornement , emporte avec#la même
rapidité le souvenir des événemens mémorables. Déjà la grande expédition
d'Egypte , dont M. Fourier fut une des colonnes, apparoft dans le lointain
comme un nuag#lumineux qui descend sur l'horizon. Désormais elle appar *
tient à l'hbtoire ; et si l'homme rare que la patrie et l'amitié pleurent aujour-
d'hui laisse un nom immortel dans les sciences, c'est un devoir de signaler
aussi «es titres à la reconnoissance publique, dans la carrière non nionH
glorieuse qu'il parcourut sur une terre étrangère , à* la fin du, siècle dernier et
au commencement du xix,e Que d'autres apprécient ses belles découvertes et
marquent les pas qu'il a fait faire aux sciences mathématiques: c'est à se<
plus anciens disciples, qui furent aussi ses copipagnons de voyage en Orient, <t
perpétuer le souvenir de ses travaux et de ses services, à dire la, fécondité des
ressources de son esprit , ses succès dans fa direction des affaires les plus diffi-
ciles , son admirable force dame dans les occasions périlleuses. Qui de nous a
oublié sa conduite pleine d'équité et de générosité envers les indigènes! Com-
bien son talent d'observation, ses lumières et son aménité nous concilièrent de
partisans, et contribuèrent à maintenir l'autorité d'une poignée dTiommeijiur
une population alors si fanatique, et qu'agitoient des ennemis riches, nombreux,
et puissans par les souvenirs, par la religion et par les armes! Qui eût dit que
cet homme d'une raison si élevée, d'un jugement si sûr, d'un savoir si profond,
Rr
ji4 JOURNAL DES SAVANS,
•croit aussi d'âne sensibilité exquise pour les beautés de Fart ! et cependant ,
il n'est personne parmi ses disciples et ses amis, comme parmi ses compagnons
de fatigues et de dangers, qui ne rende hommage à la délicatesse et à ia pureté
de son goût. C'étoient le même tact et la même sagacité qui brilloient alors dans
ses jugemenset sa conversation, comme depuis dans tous m ouvrages. Quel
charme il savoit répandre sur les moindres sujets! Quels rapprochement ingé-
nieux, quelle mémoire inépuisable, quelle douce philosophie, animoient h%
entretiens, soit sous les monumens silencieux de la ville aux cent portes, soit
au bruit des cataractes du Nil! Aux grands souvenirs de l'histoire sont désor-
mais liés ceux d'une entreprise hardie qui sera éternellement ^honneur de la
France: Fourier les a tous consacrés, les uns et les autres, dans un discours
Îui ne doit pas périr , tous , excepté celui de la part qu'il a prise à l'expédition,
lais la postérité ajoutera son nom à ceux que sa plume éloquente a immor-
talisés. » ,
« Messieurs, a dit M. de Feletz au nom de l'Académie française, si la faulx
delà mort moissonne rapidement ses victimes, si la tombe s'ouvre fréquemment
pour les hommes, à quelque rang et à quelque classe de la société qu ils appar-
tiennent, il semble, depuis quelque temps sur-tout, que c'est aux membres de
l'Académie française à faire cette triste observation et à en gémir. Nous avons
en effet perdu, en peu de mois, plusieurs de nos confrères dignes de toute
notre estime, dignes de tous nos regrets; mais aucun n'eut plus de titres k ce*
regrets et à cette estime que M. le baron Fourier, dont nous déplorons aujour-
d'hui la perte. Savant illustre et distingué parmi les sa vans, secrétaire perpétuel
de la plus savante société de l'Europe, c'est 'aux membres de cette société^
c*65t à $t$ pairs qu'il convient de lui donner des éloges qui seraient trop
imparfaits et trop incomplets dans ma bouche, des éloges dignes de cette
partie considérable de son illustration et de sa gloire. Esprit facile, orné et
doué d'une rare capacité, écrivain pur, poli, plein de goût, c'est à ces titres
Îu'il nous appartenoit, et que nous nous plaisions à reconnottre la justesse et la
nesse denses pensées et de son style, le mérite de sts compositions littéraires,
ia clarté, l'élégance même de ses ouvrages scientifiques. Homme loyal et
aimable, d'un commerce facile et plein d'agrément, c'est ngn-seulement aux
membres des deux académies qui le perdent à lui rendre une pleine et entière
justice sur toutes ces heureuses qualités de son cœur et de son esprit , mais à
tous ceux qui l'ont connu dans le monde, dans l'administration, et dans ce
voyage à jamais célèbre, glorieux à l'armée française, utile à la science, et
qui produisit ce grand ouvrage sur l'Egypte, le plus magnifique que l'on doive
aux sciences et aux voyages, et dont M. le baron Fourier fut le principal
collaborateur. »
La mort de M. Fourier retardera de plusieurs semaines la séance publique
annuelle que l'Académie des sciences devoit tenir en juin.
— La Société royale de médecine, chirurgie et pharmacie de Toulouse a
1>ublié le procès-verbal de sa séance publique, tenue le 13 mai 1830. Tou-
ouse, Douladoure, 148 pages in-8.9 (comprenant l'Exposé des travaux de
cette société , par M. Ducasse fils , secrétaire général ).
MAI 1830. 31J
LIVRES NOUVEAUX.
m
FRANCE.
La Reeonnoissance de Sacountaiâ, drame sanscrit et pracrit de Câlidâsa,
Îublié pour la première fois en original, sur un manuscrit unique de la
libliothéque du Roi, accompagné d'une traduction française, de notes
philologiques , critiques et littéraires, et suivi d'un appendice, par M. A. L.
Chézy, ae l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres, professeur dt
sanscrit au collège royal de France, de persan à l'école spéciale des langues
orientales vivantes. Paris, Dondey-Dupré, 1830, grand in~4~' ***j> 292,
268 et 100 pages, avec une planche contenant des fac-similé, (Épître dédica-
toire à M. Silvestre de Sacy; introduction; texte sanscrit du drame; notes
sur ce texte ; traduction française du prologue et des sept actes delà Reeonnois-
sance de Sacountaiâ; notes sur chaque acte; textesanscrit de l'épisode épique de
Sacjpuntalâ; notes et corrections; version persane de cet épisode, et traduction
libre en français ). Nous nous proposons de rendre compte de ce volume. Le
drame de Sacountaiâ n'étoit connu que par la traduction anglaise de W.Jones,
"d'après laquelle on a publié, en 1803 , une version française , in- 8/ , à Paris,
chez Treuttel et Wiïrtz.
Ulliade^ traduction nouvelle en vers français, précédée d'un essai sur
Tépopée homérique , par M. A. Bignan. Paris , impr. de Th. Belin , librairie de
Belin-Mandar, 1830, 2 vol. in-8.° , cxv, 368 et 537 pages. Il sera rendu
compte de cette traduction dans un de nos prochains cahiers.
Phadri Aug. liberti fabularum AZsopiarum Iibros quatuor, ex codice olim
pithaeano,* deinde peleteriano. . • . , contextu codicis nunc prrmùm intégré
in lucem prolato, adjectâque varietate lectionis è codice remensi, incendio
consumpto , à Dom. vincentio olim enotatâ , cum prolégomènes, annotatione ,
indice, edidit Julîus Berger de Xivrey. Paristis, excudebat Ambrosius Firminus
Didot, Régis christianissimî et Instituti regii Francis typographus. Venit apud
Firminos Didot fratres, 1830, in-8.û , 267 pages avec un fac-similé. Pr. 20 fr.
— Nous avons annoncé cette édition aussitôt que le prospectus en a été publié.
Voye^ Journal des Savans, janvier 1830, p. 57. La préface de M. Berger de
Xivrey, écrite en français, rernplit les quatre-vingts premières pages. EHc est
suivie des variantes du manuscrit de Reims, extraites par D. Vincent* Dans
le corps du volume, les fables de Phèdre sont accompagnées de courtes notes
latines , où sont recueillies les variantes des éditions. Des tables et l'errata
occupent les pages 255-267. Nous nous proposons de faire mieux connoître
l'importance oe cette édition,
— Vies de plusieurs personnages célèbres des temps anciens et modernes, par
M. C. A. Walckenaer, membre de l'Institut.
Rursùs , qii'td virîus et quid sapientia possit
Utile propo suit nobis ( Hor. )
Laon, typographie de Melleville, 1830, in-8.°, 12, 376 et 442 pages. M. Walc-
kenaer avertit que la plupart des notices historiques réunies en ces deux volumes,
ont été composées, ou pour accompagner des éditions d'auteurs, ou pour faire
partie de la Biographie universelle. Elles sont ici divisées en quatre livres.
— I , Personnages historiques de l'antiquité, i> Grçpt: Epamtpoo^Ias et Dion
kr a
yrf JOURNAL DES SAVANS,
de Syracuse; 2.0 Romains: Horatius Codes, Caton l'Ancien, Marcus Caton,
Caton d'Utique. . . . Suetonîus PauIIinus. — II f Savans et littérateurs de l'an-
tiquité; i.° géographes: Dicéarque, Denys le Périégète, &c. ; 2.0 historiens:
Cornélius Nepos, qui, suivant M. Walckenaer, n'est point l'auteur du livre que
l'on continue de publier sous son nom, de Vitd excellentium virorum
3.0 Littérateurs: Vatérius Cato, Dionysius Cato, Censorin , Manîano*
Capella. — III, Personnages historiques des temps modernes; i.° histoire
de France: CÏovis, Jeanne d'Arc et Savary de Brèves; 2.p histoire d'An-
{;Ieterre: Crorhwell, Clarendon, Digby, Edm., Walter. —IV, Savans et
ittérateurs des temps modernes; i.° géographes: Edrisr, GuîII. de l'isle, &c;
2.0 voyageurs : Marco-Polo, . . . , Corn. Bruyn . . . . , Olivier ; 3.0 naturalises r
Lister. ../, Fabricius; 4-° chroniqueurs: Nithard et Guillaume le' Breton;
5',° littérature française: la Fontaine, Fontenelle, la Mothe, Montesquieu , &c;
6.° littérature anglaise: Folfces, Gay , Gray, Thomson, Hume, Johnson,
Hawkesworth, Sterne.— Le nombre* des notices est de 94.
Œuvres de P. E. le Montey , édition revue et préparée par l'auteur. Paris,.
Sautelet et Brissot-Thivars , 1829 et 1830; 5 vol. in-8.° xxiv , 423 » 43*»
398, 364 et 448 pages. Prix 3j fr. T. I : Raison et Folie, Petit cours -de*
morale mis à la portée des vieux en fans. T. Il: les Observateurs de la, Femme,?
la Nourriture d'un Prince, le Pêcheur du Danube, &c. T. III.: Éloges de
Morellet, Vicq d'Azyr , Peyresc, Cook ; notices sur Marguerite de Valois,, reine
de France, le duc de Guise dit le Balafré, Jeanne d'Àlbret, l'amiral Calîgny,.
l'historien de Thou, le cardinal de Retz, la duchesse de Longueville ,
MM,nci de la Fayette et Deshoulières , Chaulieu, Helvétîus, les demoiselles le
Couvreur et Clairon» T. IV : Extraits des Mémoires de Dangeau ( voy. Jour,
des Sav. oct» 18 18, p. 621-624). Tome V: Essai sur l'établissement monar-
chique de Louis XI Y (voy. ibid p. 624-628), avec des pièces justificatives >
parmi Iesquelles#se trouve une notice sur Colbert; Peste de MarseHIe; Étude
de la partie historique du roman de Paul et Virginie ; de la Précision dans-
le style > les langues et (a pantomime; Bons effets de la Caisse d'épargne et
de prévoyance ; Essai sur la littérature et la langue russes.
Astronomie pratique : usage et composition de la cann 0155a n ce des temps ,
ouvrage destiné aux astronomes, aux marins et aux ingénieurs , par L. B. Fran-
cœur, professeur de la Faculté des sciences deJParis. Paris,. Bachelier, 1830;
in-8.*, joo pages, avec des planches gravées. Prix 7 fr, 50 c.
Notice historique sur le projet d'une distribution générale d'eau à domicile
dans Paris ; Exposé des détails y relatifs, recueillis dans plusieurs villes r
notamment à Londres , par M. Mallet, ingénieur en chef de première classe
au corps royal des ponts et chaussées, &c. Paris, Carillian-Gœury, 1850^
84 pages in-+.a, avec un tableau et un plan de la disposition des tuyaux de
conduite dans Paris. Pr. 5 fr.
Traité de la législation des théâtres, ou exposé complet et méthodique des
lois et de la jurisprudence relativement aux théâtres et spectacles publics , par
M. Vivien r avocat à ta cour royale de Paris, et M. Edm. Blanc, avocat au
conseil du Roi et à la cour de cassation. Paris , Brissot-Thivars, 1830, in-8.*r
470 pag. Pr. 6 fr. jo cent. - •
Histoire du droit romain au moyen âge, par F. C. de Savigny , traduite de
l'allemand^ et précédée cFtint introduction par 'M. Ch. Genoux, docteur en-
MAI i&p. : je *</
-droit, 4 vol. in-8.0 Le prospectus contient tint lettre adressée, par; M.d£ Sa vigny
aux éditeurs de la traduction, et conçue en ces termes :« Eu analysant la*
» science et la pratique (lu droit moderne, nous vovojm que la. plupart des
» principes et des notions qui le composent sont d'origine, romaine. Mai* f$s
» notions et ces principes ne nous «ont pas tombés du £Îeï; ils i»ou.&sftajt parvenus
»par ia tradition continuelle de six siècles de profonde ignorance gt dç.ityt
«autres siècles d'un travail littéraire plus ou moins heureux* Les siècles d't}n£
«activité régénérée, en nous transmettant le droit romain, n'ont pas laissé de
y» le bien modifier. Tout en I'encombrarit d'une masse de travaux inutiles , ils*
» l'ont aussi enrichi de découvertes judicieuses, et c'est dans cette forme bizarre
» que nous l'avons reçu de leurs mains* Or , quelle est nôtre situation lien
«entendue! Ignorer ce que les siècles intermédiaires ont ajouté au dtoidvdmam
» primitif est absolument impossible; tout ce que nous apprennent nos profes-»
»seurs et les livres modernes en est imbu*. Nous naviguons sur cette mer1} *i
»> ce seroît nne illusion dangereuse de vouloir faire abstraction de Totém*nt'sur
» lequel nous nous trouvons. Il n'y a donc que deux partis à pnendièy oadt
» nous laisser dominer par cet élément, ou de le dominer nous-mêmes,; et xîe
» tourner à notre avantage les difficultés de notre position. Pour, réussir eu
«►prenant ce second .parti, laborieux il est vrai, mais seul raisonnable ri| faut
u changer cette masse informe des auteurs de droit en un corps organisé]
» C'est ainsi qu'on parvient à distinguer le bon du mauvais, Porigi ©a k*dei>m -
»pruaté, que Ton découvre la ramification et la généalogie des idées^ la ris
» créatrice de l'esprit, dans une région qui d'abord ne nous présentoir que con*
» fusion et dégoût, • A
» Pour atteindre ce but, il faut des recherches dfe plus <Tun genre. Maïs teé
» recherches diverses ont une base commune, une condition indispensable*;
w c'est la connoissance des principaux docteurs, de leurs- ou vnges et de leunr
» écoles. Voilà le but de mon ouvrage, restreint cependant aux temps les pKis
» obscurs, c'est-à-dire,' aux siècles qu'on fforrrme Te moyen1 âge. En ,jetitfepreriHnt
» cet ouvrage, fai cru faire une chose utile; et depuis les trente ans que je rjtferf
»' occupe, ma conviction n'a pas subi le moindre changement. Je suis* persuader
»que si la jurisprudence est destinée à faire des progrès solides, en reunîssahé
» les' lumières du passé à la méditation et à l'expérience , mon ouvrage y sVra
*» de quelque chose.
» Néanmoins je ne me suis pas dissimulé que, (fans cette carrière, je rèrfcon-
» trerois dès parties. stériles et auxquelles l'opinion publique n'est pas* favorable ;
» mais cette réflexion, dont j'ai rendu compte dans l'introduction du'quatri'érm*
» volume, né , devoit pas me détourner d'un travail utile et aùquef je me
* seniors une vocation particulière. Ge n*est pas que j'eusse Faffecfatfori à être
* insensible aux applaudissemens de mes contemporains; nos travaux ne
nf peuvent trouver un encouragement plus naturel et plus vivifiant que Firfterêt
» qu'y prennent ceux avec lesquels nous* vivôps : mais enfin cet intérêt n^êst j>as
» tout, et il ne doit bas remporter sur* notre conviction de ce qui est utîlè au*
» véritables progrés <fe, la science, (\^i!à-«na confession littéraire, que je vous
» communique avec la même simpficite que je serôis prêt à le faire â tout Je
* monde. Le troisième volume ne me'pârolt susceptible d'aucun retranchemenY.
» Quant aux quatrième et suivans, rien de plus facile que de les réduire, et Je
» vous donnerai volontiers mes conseils 'là-dessus. » ;
y* JOURNAL DES 5ÀVÀNS,
Ainsi l'on publiera une traduction littérale des trois premiers volumes, avec
les additions 'et corrections fàhes par M. de Savigny lui-même, et un extrait
des trois derniers tomes, où, grâces aux conseils de l'auteur, on espère repro-
duire le véritable esprit de l'original, et ne rien omettre d'important. La
première livraison, composée de a volumes, est en vente. Prix de chaque
fttlume, 8 fiv On souscrit, en payant le dernier volume à l'avance, -chei
Alexandre Mesnier, libraire; place de la Bourse.
ITALIE.
Tragédie d'Euripide, ifc*; Tragédies d'Euripide, traduites en italien, par
M, Fel. Bellotti. Milan, Stella, 1829, in-8S — L'Enéide di Virgitio ,
l'Enéide de Virgile, traduite en italien par Eufrosina Mancini. Lucques,
Bertin}, 1829, i/i-&# — Opère di Quinte Ora^io Flacco ; Œuvres d'Horace,
'traduites en italien , avec le texte latin et des remarques, par M. Celestino Mas-
•àco» Milan, Bonfanti, in-8.9, tome I.cr— Versione italiana di alcune edi
d*Oraju>, da P. Mistrorigo. Venezia, Aivisopoli, 1829, in-8f—C* Crispe
Sallustio , &c, ; Salluste traduit en italien par Vittorio Alfieri. Milan , Silvestri,
1829, zz.* volume d'une collection de versions italiennes d'auteurs grecs et
latins.
Atlante geografico/fisico e storico delta Toscana, del doitore Attilio Zuccagnr
Orlandino. Firenze , stamperia granducale, 1830. On avoit publié, au mois de
mars dernier, la 9.* feuille de cet atlas de la" Toscane,
Reitificazione di non pochi (30) errori ifc, risguardanti Milano, che
troyansi neW opéra di Maltebrun ; Rectification, par l'abbé Cesare Rovida, de
trente erreurs ou inexactitudes concernant Milan , qui se rencontrent dans l'ouvmge
de Maltebrun, intitulé Précis de la géographie universelle. Milan, Truffi,
jjao, iW/
Topogrâfia, statistica e letteratura di Casai Maggiore , ifc* ; Topographie #
statistique et littérature ou bibliographie de Casai Maggiore; mémoires nis to-
riques , critiques et politiques de l'abbé Giovan. Romani. Casal-Maggiore ,
Btzarri, 1829, 3 vol. in-8.°
Pétri Pauli Vergerii senioris de Republica veneta, fragmenta nunc primùm
ed ta. Venetiis, è typographia Picottianâ, 1830, in- S,0
La Vita di Colàdi Rien^p, tribuno del popolo romano, ricorretta ed illus-
trata da Zefirino Rè. Forli, tipografia Borlandini, 1828 , 1829, 2 vol. in- 8.° Le
texte original de ce livre, dont on ne connoh pas bien Fauteur , est écrit dans
l'idiome romarin de l'époque même de Rienzi (XIY.C siècle) ; M. Rè Ta traduit
en italien moderne, et y a joint des remarques savantes, historiques et philolo-
giques.
Ossewvazlonl sopra la costa di Bar bar la , ifc. ; Observations sur les côtes
barf aréiques, par M. Fil. Pananti. Milan, Sonzogno, 2 vol. in-8.° , avec des
cartes «t. des planches coloriées : 4«c édition, qui fait partie d'une Raccolta di
Kî«gi:(tom. 12s. et 126), '•#■■•
Dryonario délie science naiurali. "t'est une traduction italienne (avec des
additions et des corrections) du grand Dictionnaire des sciences naturelles,
publié en France (voyez Journal des Savans,août 1824, p. 45,*4^4ï août
1827, p. 451-457; décembre 1827, p. 759)» l* version italienne s'imprime à
Florence, chez Batelli, in-l/
MAI 1830. 319
Fîlosofia qoologica , ossia prospetto générale délie strutture, funzioni c
classificazione degli animait Pavia, Fust, 1829 et 1830, in-8.9 Cette philo-»
•ophie zoologique est une traduction de l'ouvrage anglais de Fiemming.
# ALLEMAGNE.
Af. Tullii Ciceronis de claris oratoribus liber qui dicitur Bru tus; cum ^ptir
A. Ernesti aliorumque interpretum selectîs ediait suasque adjecît Fr. EHendt.
Prefixa est succincta eloquentiae roman» usque ad Caesares historia. Regio-
monti, Borntriiger; Pansus , Treuttel et Wïïrtz, 1829 ;//!-&•
Geschichte der macaronischen Poésie; Histoire de la poésie macaronique yySiX
M. W. Genthe. Leïpsic , Reimicke , 1 829 , in-8.° Cet ouvrage est annoncé
comme rempli de documens très-curieux,
Krist, poëme allemand, composé par Otfrid au IX.# siècle* doit être publié
dans le cours de l'année 1830, d'après des manuscrits conservés à Vienne*
à Munich , à Heidelberg, et avec des remarques ciitiques de M. J. Grâff:
Koenisberg, Borntrager, in -4.° La souscription est ouverte à raison de 8 rxd,
Hannonis navigatio : textum recogmmt et adnotatione il lustra vit Fr. G.
Kluge. Lipnae, Naucke, 1829; in-8S Les préliminaires de ce volume con-
tiennent une dissertation de l'éditeur sur les divers personnages qui ont porté ,
dans l'antiquité, le nom de Hannon.
Tagebuch einer Reise nach den vereinigten Staaten und der Nordwesikuste von
America; Journal d'un voyage aux Etats-Unis et à la cote Nord-Ouest dé
l'Amérique, par M. Ignace Hulswitt. Munster, 1828, in-8.9 1 I rxd. 6 gr.
Ideen uberdie Politik den Verhehr und delHandeldel vornehmsten Volberder
atten V/elt , i?c. ; Idées sur la politique et le commerce des peuples de l'anti-
quité, par M. Heeren; 4*e édition, publiée en 1828 et 1829 a Gœttingue,
chez Vandenhoëk etRuprecht. C'est sur cette dernière édition que M. Suckau
a entrepris la traduction française dont le i.cr volume vient de paroi tre en
1630» à Paris, chez M. Firmin Didof; in+8.° 9 xxx) et 555 pag. , avec des
cartes, des plans et des notes inédites. Ce volume doit être suivi de sept
autres.
Abriss der rdmischen antiquitaten ; Esquisse de* antiquités romaines, par
M. Fred. Creuzer ; 2.' édition , revue et augmentée. Leïpsic et Darmstadt •
1829; in-8.°
Thomas Morus ans den QùeUen bearbeltet / Vie de Thotnas Morue , <Papth
des documens authentiques , par M. G. Thom. Rhudart. Nuremberg, Campe,
1 829 ; in- 8f
SUISSE. Wanderungen in weniger besuchte Alpengegen den des Schweit^s
Excursions aux parties peu fréquentées des Alpes suisses, par M* HirzetEscher.
Zurich, Orell, 1829; in-8.° Prix l fl. 12 krM
RUSSIE. Expédition d'Alexandre le Grand contre les Russes, extraite de
PAfexandréide ou I scander nameh de Ntytml;. ..; traduite par L'. Sphz-
nagel; version entièrement refondue, et précédée de celle des biographies de
Nizami et de onze autres poëtes persans, • • , ; par M, F. B. Charmojr , &c;
tome I.#r Pétersbourg, 1829, in-S.9
jjo JOURNAL DEfrSAVÀNS.
ANGLETERRE.
The BooVsràriûes in the unfversity of Cambridge ; Raretés bibliograpMaùes de
V université de Cambridge ; avec cfes lettres originales, des notes biographiques
et littéraires, &c. , par le rêver. C. H. Hartshorne. Lond«s, Longman ,
, netry pj the Afagyars.. • ; Poésie des Magyares ( ou anciens Hongrois ),
précédée d'un rapide examen de la langue et de la littérature de la Hongrie
et de la Transylvanie, par M. John Bowing, membre de plusieurs sociétés
sAjigmtej. Londres, chez Rob. Heword, 1830, 3 12 pages /n-A'Pr. 12 shill.
Vlpuftesley, a taie; Cloudesley, conte, par Fauteur de Caleb Williams
(M. Godwin ). Londres, Colburn, 1830, 3 vol, in-$.°
yd of frvq&qgc from the Pacific to the Atlantic; Journal d'un passage
,. Ipr Pacifique a la Mer Atlantique , par M. Maw. Londres, li2$%in-$.'
'nvra^'^ *n vttrjous parts of Peru ; Voyages en diverses parties du Pérou, y
èpmpris un séjour dun an au Potose, par M. Edmond Temple. Londres,
Cbtpurn et Bentley , 1830, 2 vol. in-8.°
-If <HrA . On peut s'adressera la librairie de M. Levrault, à Paris, rue de la
ffarpe, n.° S/; et à Strasbourg , rue des Serruriers, pour se procurer les divers
ouvrages annoncés dans le Journal des Savans. Il faut affranchir les lettres
fi- tk prit présumé des ouvrages.
'1 ' If \m *\ '. ' . ■ 1 ' . '■ ~ m * *
■il.--
J
r.
TABLE.
Histoire naturelle des poissons, par Aï AI. le baron Cuvieret Valen»
viennes. (Article de AI* A bel- Ré m usât. ) Pag* 260.
Pe l'entendement et de la raison : introduction à l'étude de la philo-
ù*pphi* i pat M, Thurot. ( Arâcle de Ai. Daunou. ) 269 .
Observations géologiques sur les différentes formations qui , dans le
système des Vosges , séparent la formation houillière de celle du lias,
*sM*Mà l*. Elie de Bçaumont. ( Article de M. Tessier. ) 276 .
Tfljdeàucte la marche et des progrès de la langue et de la littérature
françaises depuis le commencement du XV J.r siècle jusqu'en 1610 ,
par MM. Ph. Chasles et Saint-Marc Girardin. ( Second
article de M. Ray nouard. ) 280 .
Namasat carmin a curn Tebrisii scholiis integris pritnùm edïdit
Georg. Guil. Fr/ytag. ( Article de M, Silvestre de Sacy. ) 290.
ÉléutenSjVratiques d'exploitation, par M. C. P. Brard. (Article de
/Hé CfheifteuL )..,,......... [301 .
tfamettct littéraires ........... t ... . 311 r
;FIN E)E LA TABJ.Ç.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1830.
^ JL l\ ? . / .'t '■ J * 7 \
t'A
.' . r
u ; i ■ r; . .. « t
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 4° &• Par 'a poste , hors de, Paris. On s'abonne , à la maison dt
librairie LEVRAULT, à Paris, *•£** fi. Harpe, n.° 85; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n,° 33. II faut affibachtr tes lettres et l'argent.
». ■
• -
livrIlsnqvveAVX, les lettres, à*ït9 mtôtàfes, frc, qui
(^ncmtr la rédaction dt ce jourààiï jfcbeni r être
Les
parent
adressés au ttreà* du Journal des. Savons, à ïjju£s, rue de
Ménil-montant, m* xz. «, f
1
■3?
^ 1. ■
.0[ I
JOURNAL
*'£.■
» *
* i
» » ■
1 A ' k">
M M - i . « « 9
• ■
JUIN 1830.
, M,
Il » -, ' , . t. (
'- ■' -'J . 1 * ■' - | - - - - * ' ' J ' ' " ' ' ■ •
^S
fJïSTôiRE des Français des divers états, aux cinq dernier^
...{siècles, par M. Amans- Alexis Monteil, xv.€ siècle* Pari**
* itnpr. de £. Du verger, librairie de Janet et Cotelle, 1^30,
■■*• à Vol. //J-£# ' ' ,;1
■ ... »
": SECOND EXTRAIT. ,l
■•■■■ /;■ ; : ; • ■ \ '■ i .■ .. ■-..!
x^oU ^' décrire les dWTéfeïités professions ou conditions qui', chei
fes Français du xy/ siècle-, partageolent et nuançoient Fa société;;
" M.,MontêiI lés fiiit cbmparoîtçç Tivne après l'autre devant une assemblée
qui ste tient 'en Tannée îjoo, à ThôteMe-yille de Troy es. Il s'en est
ainsi présenté quinze dans le vof urne dont nous avons, rendu compte \i) ;
<*}titti2è ârtldfes dir même genre vorit composer le tome suivant- 0$
seront intitulés* le Vafet, TAvodat, le Médecin, le Paumier , le Savant,
TÀrtiste , ïe ' Courtisan , THômme dTarmes', le Marin , le Parante ,'
te 'Conseilfer ffétat , th Clerc d'ambassade , le Solitaire , le Souffleur ,
e?*f Astrologue. On sait que chacun de ces personnages doit prouver
que 'ton état esr'de tous le plus malheureux, comme ont fait les
quinze qui ortrété déjà entendus. S'il y a quelque intention dans Tordre
établi entre les trente sections de l'ouvrage, nous ne Pavons aucunement
aperçue. Apparemment l'auteur a voulu représenter le mélange presque
fortuit qu'offrent les scènes de la vie sociale.
)!.••• t.l
: ' l'fiil
.:■.. .. ,! !i..( — : — — : — rr — ■ !,.■■■. :' .-:— -i''"-/.". ,*>■)
. se a
i48o. Sur ce dernier point, une note renvoie à la Chronique de
Jeaa.de Troyes ; et à propos des parures de femme qui déplaisoient
au vieux gémilhoirtme ; une ^tre jiote' cite les Doits nouveaux (Ibei
Droits nounaux )de Côquillarçt. O^Voitrfjue M. MonieH j^ti^e chaque
détail de ses tableaux ; seulement il ne facilite pas toujours par des
indications précises les recherches qu'il conseille à ses lecteurs : par
exemple , la pièce de Cofjuilbré à laquelle ils sont renvoyés a plus
de treize cents vers , et il en faut parcourir plus des trois quarts pour
y trouver , sous la rubrique ou rubriche de Dolo • le passage dont il
s'agit. Mais le valet Jacquin a servi bien d'autres maîtres : il a été ,
vers le milieu de sa caryère aventureuse , garçon de service à, la
prison du chfltefet de Paris , et il récite une instruction par demandes
et par réponses que te geôlier lui a fait apprendre par coeur. Les
articles de. ce catéchisme sont extraits du Recueil de lois de Fon»
fanon v des Offices de France de Girard , du chapitre des Peines
dans le Grand Coustumier. On y lit , entre autres particularités , que
les prisonniers nobles penvpnt jouçr , çt(ceux qui ne sont pas nobles ,
regarder jouer ; qu'après que les juges ont prononcé la mise en li-
berté d'un prisonnier9 le geôlier a droit de le retenir pour dettes de
nourriture , de ty et de geplage -f que S, Liénaid e*t le patron des
geôliers et des .valets de geôle , plutôt que des prisonniers» dont les
Kens doivent être non relâchés > mais resserrés à la fête de ce Uea- •
heureux. A rappui de cette règle , M. Monteil ne cite que la Biblio-
thèque française de Cou jet, article de Jean Régnier. Or, dans Gouget
ft IX , p. 239 ) , Jean Régnier , incarcéré en 1 4} 1 , dit seulement que
S, Lyénard ou Léonard est particulièrement invoqué par les prisonniers.
Jacquin en dît davantage ; il dit même tout le contraire. Quand il a fini
de décrire le régime des prisons, il rentre dans le sujet qu'il doit traiter,
Fétat de domesticité , parcourt différens genres de services, n'en trouve
pojnt de supportables, sinon pourtant celui de la maison de messire le
maire de Troyes. Mais il plaint par- dessus tout ceux qui servent à la
cour; car ils y dépendent à-Ia-fois du maître d'hôtel, du panetier, de
l'échanson , de l'écuyer , du veneur , qui tous commandent le bâton à
fa main ; c'est le signe de leur juridiction souveraine , en même temps
que de leur dignité : une mauvaise réponse à l'un de ces grands officiers
suffit pour exposer un valet aux plus cruelles vengeances.
Un avocat, harangueur de profession , prend la parole ; il est ,
ainsi qu'il lui convient , fort disert, et , ce qui est plus remarquable,
très- méthodique. II rend compte des longues études qu'il lui a fallu
faire pour devenir bachelier et licencié en droit , sans acquérir aucune
4ti totinoiêwn&i pratiques dont H a semi le besoin de* qult a eu4ei
ttfenii On a toutefois , dans le siècle éclairé où il a le Bonheur de vivre,
simplifié les actes de procédure ; il n'en reste plus que douze, cjui sont fa
proouitmon, l'assignation , l'inscription du procès au rôle, la sommation
4e produire les instrumens et tes pièces , la communication dei sacs, la
requête pour obtenir la faculté de poursuivre , te délai par définit 6u
Mngé , la reprise de l'instance ou la purgation dû congé , l'adjonction
<tet parties, la correction des conclusions , (e jugement interlocutoire, et
flhtventaire des productions. Il est trai que ces douze actes principaux en
âMèrtènr d'accessoires , dont le nombre moyen est de cinquante-*» ôtl
soixante ; mais c'était quatre-vingts ou cent au Xiv.c siècle; la justice
a pris une marche légère que lui ont imprimée les trois ordonnances
céfèbrel de n£î ? $ 1 49 3 et 1498 pour l'abréviation des procès. l/expli-
tttion de ces* détails entraîne des observations sur les différentes 00»*
tutaes , et particulièrement sur Celle de Paris ; l'avocat a eu besoin
<kt lès étudier toutes , et l'on voit qu'il en a une parfaite connoissatice.
Au moment où il parle, elles sont toutes écrites et enregistrée*
etmformément aux édits de Charles VII , Louis XI , Charles VIII
et Louis XII; les uties en mauvais latin, fes autres en mauvais
français : il y en a une en vers français ; c'est celle de la Normandie ,
tèrte classique de la procédure, où il n'est pas rare de rencontrer
dès demoiselles qui savent par cœur et récitent en grasseyant tous les
articles' de ce code. L'avocat parle non moins pertinemment des lofe
générales du royaume , du droit romain, du droit canon, de la juris-
prudence criminelle. Tant d'études, tant de travaux, ne lui sembleraient
pis pénibles; mats être, dès sept heures du matin, traîné à l'audience par
des cliens passionnés , se voir exposé à perdre son état, à subir ées
emprfeonnemens et des amendes ruineuses , parce qu'on aura dit des
vérités que la loi appelle des injures , ou qu'emporté par la vivacité
on aura parlé trop vite et en même temps que l'adversaire , est-il
toe condition plus triste ! * Et ceux qui n'avt\ point eu de procès ,
poursuit-il , vous pensez peut-être que de magnifiques honoraires nous
» dédommagent ! » seize livres , voilà la plus forte somme que le tarif
du fcftitelet , rendu commun au bailliage de Troyes , passe pour fcn
friaidoyer , même quand on a pris son texte dans la Bible, divisé son
dhftours en majeure ; mineure et conclusion, et fait retentir la salle
dtyplaudissemens : encore faut-il , sur cette somme , payer les trois
confrères par lesquels on s'est fait assister. 41 ajoute que les avocats
sont sujets au tambour de la milice des villes , aussi bien qu'à h
ctocfc* du falais , obligés de retrousaer leurs robes , de mettre la halle-
I** JOURNAL PB3 54VANS,
Jtffcdr* ai*;1'{pttfleri et, daller , sou* le <*>wiiaj>df iptPfc !#* cbcf^ à
justice , combattre les jÀrmagnacs ou, les Bq vrgufgnons * «uirant(4pe
At : «en ti. tourne tayaut derrière eux k comme, à ^'audience ,; letlffftfr
$tttaunh> forcé? feus&L de Jajsaer. leurs sacsiçt de. fermer; fc. dtef Jtavrs
Aude»; Gfcs infortuné* , procureur* ! il leur est dé&«du J comtpfii fWk
Moaatt^de fQ ftfce pzyer d'avance > et interdît , parjureront »jd* ft*
ceYair des présens ; ils a ont droit! quVIa jnohié des honoraires d*
plaidoyer , a* tiènneat è : gtfioirc pendant qu'on le prononce >; et petit
JWktJiqi prison ponrk; moindre faute* Le sort; des «cuire* .rie** p*|
^*iiei¥rcu^^ i^«oif«erJLoMÉ3 XI ait appliqué leur noin *U* quatre
ÉHMgéistejj aidant in.ktMs spatentea.- dft novembre i4Jta.( Ifatatee*
d»r*pi» du> châttlet, des cours de baflfiage , des eorçra infièweufief*
WfWfel .appstqliqtiea») notoire* serge** d'armes ', tops sont rpai pajfc
^4iv^*eroéft4, entraves* nLte greffiers. de &Q*t ordre on* -un maJtotr
4^|4|isi^celiiide nlître.iîanlaisijpbSn^f quoique plut maltraités ççcof*»
VMQGttfâait par .déplorer Je* tribulations déjuge*.* depuis cem.qui
<»6ge<^ daps;ks ceut. mille basses justices 4 Jusqu'au*; conseillas j^u
pVfc*M<tf<l f usqufeu ; cbancefcr de : France.,:, A: ïfe mérité 9> Je ^ef dfttJ#
qwgiatliature %4>QQO,SKrrç$;d'appoifaemen^; il tianUes sc&uix dft l'État,
3?i!K^itontf toteptotiM o«Lr,efi„dur roi *■ m§tt U; W>it<| kv i^i
iffÉJwMM régional où *e forcent lés orages ; la foitfre; l'atteint qgelgmç»
fok WTOWtt^ lA^ti» » et le J&i t xede&çendrf Ma simple, pçésideaçft d'tu*
q*feftbc'*tt.4* qui, étoitilarrivé en .h4S3ak-'Pi^te.{j^if(JJer9;><^4if^
fife'toqftf'g^pM 10 tfoivïe| rédwit> la fqncti<m>Âr présjdçgfcd* lf
îçbftn^bieMdes; pop>pt«s. . «: j , î ' , ;■■/!;:. -,., i>;n ;
.ajl^wWeçin: <fe iû trittt. 4e iT/oye* se présent icgtx robq grifif rftnj-
nme^Mitei cbàperoa noir .avec menjounàèr* eoire^A. sft4i]piie.i&UV
^n*i)git*,qWpA/4ceçau4)pU à son -collet rauge f>tAsa toque rçuge;
fcig»fch%l M, apptfaicair$> ou épiçi^droguâte* [tel m4de<ga * jmgre
|e|^eçtest .qui dîyisenj^ le^ h<nnj|ie*,de sa professW^jSign^Jp fpfciajftr
rç*ttt iqeifos &s Ara^îstea. et des f&ppocratistpwAI n»raqt JwopH^AMNl
pp^gcèâ,,deJ!a«aiQo^ et.cta Hygiène. En décci^^jdi^e^e^tn^Wieâ^
iJiA'airête^urrtout à, te peste,.qiû apparaissait^ ncorq 4rop souvent) en
Fjrancei etaj^mpi 4e Napies , 4jui .venojt de s'y injrçritokf. L**»ttjaJtHH
<*hirorgj«t^ juré* Acwotomi d'avoir. perfecti««é|leujis mstrtwew;**
leurs ûptm'¥>& r;pen exemple i l'extraction de; h pierre» d'avoir ^t#9d»
eUfcliîé^dpçtrîwf de Lanfranc et; de Cha^iaç : il* SindignaieAt^doiiH
qu'ai) iptatiatty) à JesiC#fondre ave<: \ey barbier^ eu^iqvM savokfta le
fatiAj|i>fi ^re<9Jla rhétorique et la iogique^La nouvelle pbarmacîf
préifindoiti^oir^fe/vlM iieupt graudi ^erviceft M^ffiapi^i^^MD^^fin^
«A/HWM «i^for© içt f&fttjs &$ *ate* 4%«tf>t**do4Èaatw,. en tarç»
tifcf t ïfcfc W4«< «W^Si wi* qooçw§ ;rt toiv W)bnt mi* veritts^fftftmq
gç^^ipt?* Qp tffcqlgit J'épieroixfe poil* devenir rick*; deaiccroalineiy
PS»r tttlm'ffott^>tftV. cornue Retenant des «tuteurs pfc» vires et
§|îSta^ief gijwwcbw>ti^«jc. C'étcpentdca préjd£ést|maîsql tfemeui*y
BgBtmtfrWi t>if ç.tçç9nnu<}iie Iejapfeir ^^poùriicQnsôr¥atioik>dK bieoa
V|iqp<tfeb; &$a*e* PfftUfc le* feerp*a$ dt pour <éiancht r Jii afityqiiad*
fapgM f^d,<Aa*tfl;. JaM&Ute ♦ jsobre ; la sardoinét modestei Cfeultrtt»
&0îfàrfltpiwp** idppui* ijH'elte* étoienti idouée* de parêiJferiwrlity
*yWftl l*iwa&up! i*mn* ffa cjébit ;:'et ert gBnértf. fouitct pfrogrèipdfté
VWfosi dwjn^^ çojisjdfcw&fewtW i'àné ^kiitranchés les; plus Jacrari
\JoP«rW#z<dg> i|1êB'^.j^|Jpng^Ttt liant pkrofed cepAicfant^ il terpori
GQKflMqt, JA^^a^ipa軫^<qas ttihwûit >àilla< ihaûv nu*, feét^ M»
ÔR&o&ft i;4wW«iljeî ^CQldftpU: »3»isfW!liftjtitiIe5iv?etlIw raqmttoù
béW^tof^tiWÈ *<&fc*9 r -|Hi|iWi|'r»lUi rpbicle Erapcèiq'ont eaitpUi
^«ftftolWiife J»Wft*^®'«upftjtfpn fifssa!kUffénma:ifétiiss dénia, «oit
^loÇh^r^yyfUni^/^t $6r.fl^U rogardpi* jpueroài*ptfe« ^uom! ift
WKufiiifiSni' ,^ifffeW*/<flfc «ppnte Gortiaes {fcamttfr éhafl *ifèu
^BèiJWy^ifW^^teMQL %*ftlf¥i* «* J#»»V étt» puntigiéseatp
îi^î W.^W%»W^Krt^ h\hU dp Troyety
se charge de prouver que fo fjqz :*fe*|lW< jfcjfri<fcfrtîni*<jsa*<ritif jM—
j%$ JOURNAL DÈS SXVÀNS,
graduel , tom jboissaiit tffafiifitmirés , de prhrfléges qui a'étendbiêNtte
percfeetmrîiers , aux papetiers i aux reKenrs; mais la' plupart réduits potir
tome nourriture au pain , ad vin ,; a«x fruits et au fromage , et fatêi
de renoncer aux habits de couleur » aux beaux souliers dentelé? JêÈk
couverts , pour prendre,; mette par te- plus beau temps , une c*£é
neuve et des souliers noirs ; obligés aussi de se pourvoir chacikiftftfcië
bbttepde paille pour s'asseoit dans les classes dé philosophie, soft dé &
mardi* Fôuarre, soit des autres rues du quartier latin. Il y avoir eh Franiée
senruutres universités, dont huit n'étoient établies que <fepàis Fan f 4.d*.
Mfcgfc ter Fusais visita celle de Cahors» y rekcorttra la Savante hante;
k. itaouva. f imabte et belle, le lui dit en latin, en gifec, en hébreÉ,1
en syriaque, et fut son époux. II faut que ce soit quelque autre IsecW
qatClémencè, dé qui Ton ne raconte rien de pareil. À cette fiction pAb,
table la première partie de la harangue de maître Je Roux nous parbft
fart pstrùcrivè* Npus n'oserfqns étendre ces éloges à fa deuxième \ lotf
sona passés en revue les divers ordres de savans» lhé6logrens , ^MWëo-'
j4fck%^iiy£çiens, mathématiciens et astronomes, poètes en faHgbes«m«
ciesaies et en langue vulgaire, orateurs sacré* et profond, htstorfcftiê
philologues, grammairiens ec lexicographe*. Au lietiHFtiri véritable taP
bkan de ia Imératnre dtt xv/*téde, ce n'est qu'une énnmératf on bèiÉ**
àekp trop rapide podr être complète et toujours exacte/ Entre tes !«mè>
•ton, nom indiquerons celle des poésies cTOctavfetf de &irt^G*Wj(r
et amKTeraaiqneroiwqti* Tixier de Raviaf ( Ramius lTéxrdrV dott"
jnafcfe le Rouk ivanite «d>ftuir)ée t joo les vers Jaft'mV, nVroil'àMW1
qeeiwingt «ni < ilo'a brfl lé 'ou paru qu'au xr/ siècle ï o^llttidtf Croire1
qatofccnni do «et écrits. n> été imprimé avant x^iâ-, et t^n nVvW
recteur de l'université qu'en i $ ao , quoique Getfget dise i ftx> ffltàftjft,'
vu* iB ). Mais les observations critiques dont touïeé' morceau serait
aasbepiiblt, prendrotentld trop de placei > '■'•■■ i " r !,:1j »'•
<»: il», efaapitre consacré «mi- artiates en prOvoq^oeroit : fceatfcoup1 rhefmY;'
cepaèdant ,! lorsqu'on y affirme, toujours en ï'joêV; qliellesjflàtbiwfcMtV
a«si> mfèantàm <le* fmilrfsopm* > la mode, cela tféèt Vrai què'j^
PMaf 0 ;• oit MursHe Ficiu ( et non Fisctn ) «voit alors de puissans *V6è
'nmjsfttauc partisans. L.'aristotéllsroe continuait, dé dominer en Fraibice'.'
ofci'iWs» divfapit principalement sur1 les . detttf manières dlhterpretéV
Ailmenj,*ott>selon Alexandre d'Aphrodite*, soft »ewn!Àverreeii Mafr
y peintre qui harangue «t rasjetnbié^defTroyei, i comn*nk*par un fifc1
beiftfcoup nrie** étaftli : c'en qu>n wé dit nulle part gtleàt 'tomniè tkjt1
fiàauéier, comme un chanoine, comme-Mi '*sJgn«1Mf ètiqtfttH étèp&>
SSÉtrgaMS «DSBSM On jpefalU* Vojfedé)* BO «Mf ^ÙéÉ1
.?, i 7 JUIN J^30. :*.;^l &Q
4e la thèse qu'il; vifint soj^w; i!lapcou*e ayec phui fatiguai*^
f exposé des souffrances auxquelles sont condamna* pçMft les *rtt«tet^
jîfipve.s ^sculpteur*., graveur* ti?«cM_ttQtf ** n)M#ci«ns et danseur*» Ildtf
quelles entraves retardent ifurs. progrès; q^is (emplois •ignonleft^Agnt-
êfiin Ipur, tajcpt,, et quelles fàjMstfi dUe^on*. j- égarai (; rpatnfl**
artifices* par combien d'infidélités, on parvient^ J es frustrer v çoiffcttte
ou en totalité, de^ mqdk}pç$ salaires de.Jeuj*s long* travaMX. ^Ui?nîBft(i
fie ces jtristes détails, il .votive j'occasionne; retracer, le* p#)grèMpift Wfc
art* ont faits en Franc? dans le cours dp si$dp.» ej de signales qufttait<t»
y nés dejeurs plus heureuses pr^dnçtiQi^OQMirae la statue ^'Agp^fcji^rd
à Loches r;>çsé^lj>es^§aiï|t-rPau^à Pari&^efcde Sj*^YaaH>i;iJTO
les châteaux <|e t-pui$ #J .atifPiepm et de Charles ^IU: à : Ambrât? :4fe
Peut-êtrç y aovir~il Ji3u.de s'arrêter ,un j#u plusJfopg-ttmps&jjAigiat-
vure, art encore nouveay ev déjà feco agences teipps-Jà'ti.san erigiiie
qt ses premiers essais. sont des articles dignçt .d'attention dans^i'Jiittoîff
ttu$raii# du yy/ sifcte, . . . ,■,.:■. -u ' :.<:. .:i ; i- ,.,!'." >u. I
./ On apprend d'un courtisan qu'il exiMje vois cents officier» de la thsèop
^ roi et dp la; reinç f et cent pour Je dauphin * outre lea cent ^entib-
hçrames pensionnaires * distinct* des grandis pensionnai t<**de la fcwr;
et pas i*a s^ul homme content de son sort dans icette multitude ^biefc
que leursappointemens réunis ferment u<Hota( de 1 £o*ooo QUra£ti>»Ooo
Jjvres, ce qui dpuneroit envjron 2,00 iiv,, pOMr <;bqcun»tt cQg*$QtBin£
né toit inégafemçnMépartie entre eux, depuû tes gr*nd* paMÎQfttiaireft.,
qui reçpivejn chacun 2,000 1 livres» îusqu'i det nvai^ de ?*hMPtbfAi,
qi)i n'en ont que.120: ceso*i.r là de foibleacQ^^Uationsdç* dé^ai-
sirs mortels que le& rivalités et h intrigUesnfMnèueht« et deribigf^e
babity^Ile qg'imjn>$e le cérémonial L'étk}um*e;étQtydéveQue Si s&flèpe,
qu'on avoit. eu la pensée d'exiger qu'après tia mort du «rof),< Uj reine
pç $qr tftpQÎn/ ,, durait uiki We entier**! de la chambre o& e)fe wroàt
4j>pr{Sjk WJ>vslle dç;Mij.ïeH«g^*iet,qirielte passât,*» semaine»,***
^mi tfffltir^JuiBriène, que ,ç^l Je ^/tempes. Le cQurwainfW,pap:4is
çAwiwÛPpft.pWic^içrefi; m .^ oortr d^. Chwle4/yJi .W selk de
Qh^rles^Ifcjde \tem XI, d* CMtf:Mlf>lk Uui*Xtf. £tttJU*iffeh
rfjlf; a'4tQiew^e#réw*raçB< j*Qmgf9u*4 * ti|mdtoi«lfti*ùti lanpafo* ig^né-
^^^^^WWmt^î^ij * jnotre^ a«ifEè Winc^t, w|Km'tw|*4*ilftIj»i*
W»g* de/Mv*te Afoft&J- Wpus foQtisJfii^qji^^baitesi Ylsfrt 4»ti4*
4*rero*»fl!Vptà*ttK JBxçftpt«>a5oi«^$fl0rs«hn» qw&ppftocbomif;
q»$ ^fceff*Ml*ire»f I^b/aivs^ fifi<^.pfec&4>êrJ9rf^^
4ei;çh«Y^v..JlH,€»|«WP9Û & :/M^^wf4a^«i»v«îfo*jsktet4!*m
33P JOURNAL DE5*fcAVAN$,
rôtiédt* ftoisierisv à came de s&n i h for tuile; mais les hénouards ou
porteurs dé sel, jouissant de privilège de porter à Saint- Denis le cercueil
<fes Vois , posèrent le tien au milieu du chemin , en demandant qui tes
paievott. Beux pages sur Charles VII se réduisent à de simples mentions
<fAgnès»Sorei , de la pucelle d'Orléans, des guerriers Dunois, Potofc,
ia HJre, Xaintrailles , et de la dépense de la teine , qui se mon toit par
jou* ài-3'8 ou 4<> Hv. L'orateur a vu la cour de Louis XI; il a observé
té caractère et les mœurs de ce prince , sa politesse , son goût pour les
propos facétieux > ses superstitions, ses méfiances, sa sévérité impi-
toyables .ses cachots souterrains, ses cages de fer , et la chambre murée
4t> fortifiée eh il mourut. Avec Charles V III advint une cour enfantine
et folâtre t autour de lui les vieillards reprenoient de leur mieux les
habitudes de la jeunesse; c'étoit à qui le suivrait dans ses chasses fati-
gantes. Quand, au retour de son expédition en Italie , il montra du goût
pour les arts, tous les seigneurs eurent la passion de la peinture et de
l'architecture ; ils faisoient rebâtir leurs châteaux les plus neufs et re-
peindre leurs appartenions le plus fraîchement décorés. Les gens de
cbur sentaient le poids de ces servitudes ; maris c'est bien pis depuis
que Louis XII règne; car il faut, pour lui plaire, qu'ils fassent comme
lui le bien dtr peuple: ils n'ont jamais été plus faalheurettc.
1 L'homme d'armes et le marin décrivent l'état des armées de terre
et de mer: d'une part, Padministration , le régime et les différens ser-
vices-'de Tmfanterie, de la cavalerie, de Partillerie; de l'autre, là cons-
truction et l'équipement des vaisseaux, les divers grades de fa marine
mrikafre, depuis le page jusqu'à l'amiral. Les vaisseaux de cette marine
appartenoieiu à des particuliers» comme ceux de 'la marine marchande;
le roi n'en étoit que locataire; il n'en dirigeoit pas la construction, *
non plus que de ceux qu'il fàisoit fabriquer en des ports étrangers. En
général, la carrière maritime étoit fort ingrate. On y réservoit les
premiers grades à des seigneurs qui n'en avoietiv poiht fait rappreo-
tif sage , et qui même n'eh essayaient pas les fonctions : les Châtilkm ,
les Sancerre, les Montmorency , les Armagnacs, les Rohan, créés ami-
raux dans le cours du XV.* tiède» rt'ont jamais servi que sur terre.
A midfre, la France n'avoit plus de marine: atftsi le marin est-il '&
fort mauvaise humeur; peu s'en faut qu'il ne partage tes préventions
tjui'sb répandoient alors contre futilité des técenfés découvertes de
Vasco» de Gam* et de Christophe Colomb. L'homme tf armes atok
parié plus gaoenfett de **s mésaventures. A propos de' l'extrême mo»
dfcitè'des profits du «tfdat, il dfsoh: * L* temps nest plus où la
»pi4e4t loid Shtttmiset vribft «fit mille «ttt* tfor à urt gendarme.
JUIN 1830. }jr
» Maintenant les prisonnier* sont tous an Jnitin commun; et certes «ce
» n'est pas bien grande perte , car j'ai vu qu'on ne les vendoit que
* cinq , six sons chacun , et même que, lorsqu'on ne les réclamoit pat ,
» on ies pendoit, pour leur apprendre à n'avoir ni parens, ni amis $ ni
» argent. J'ai vu cela durant (a guerre du bien public»
Le parasite f quoiqu'il se donne vingt mille confrères en France f
auroit assez peu de chose à dire sur son étrange profession» s'il n'y
entremêlât quelque^ supplémens à ce qui a été dit ailleurs de Pdrdon-
nance des festins. L'une des premières phrases de son discours est conçue
en ces termes : « Un homme qui n'a cfaùdfe fortune que son nom t a
«parcouru hevumblemem la moitié, fes tmis quarts de sa carrière 1 il
» a échangé sa subsistance contre ses travaux et son sang. » Voilà une
manière de parier qui ne rappelle guère le xr/ siède , et qui n'est
peut-être pas, même aujourd'hui,» très-admissible: on dirait plutôt,
échanger ses travaux et son sang contre sa subsistance ; encore vaudrait
mieux, à notre avis, s'exprimer tout autrement. Nous' hasardons cette
observation critique, parce qu'il est fort rare que M; Montai donné
occasion d'en faire du même genre* *
Le conseiller d'état traite de matières plus sérieuses» il n'a poirit, cotant
tant d'autres, passé soft jeune âge à complimenter les dames sur ieurscolte-
rettes k pipttlotes, sur leurs gorgerettes brodées, ou sur le yeudeiJeun te»*
piet tes pendantes au* deux côtés de leur tète oisive;1 il iisoh la Politique
<F Aristote* tes Lois de Forteicue { qui pourtant n'ont été imprimées qu'att
xvi. c siècle } , et les Lunette* des princes* par Mpschinot (qui iVonfcferu
qu'en 1 4ç î , lorsque devait avoir atteint fAge viril:). Qèoi qu'H en.*àit ,
il s'appliquott à distinguer en France trois genres de culture ; laïvigite,
la. forêt et fe blé, qm comespondoieht aux trois ordres r Je clergé , fa
noblesse et fe tiers-^éwt. Louf* XI , menacé par la forêt, qùr tenoit trop
de place, avoit pris là hache; H avoit frappé, ébranlé,: abattu vifiït
trembler jusqu'aux pkp petite arbres^ et , de se» wÉaros cnsangfs mets \
semé le bled dam les chiriètes. Apre» sa mort, la question étort île
savoir si cette iongws^t épduvamable coupe rfavoic point pltétfé ks justes,
propDttkmrde*>*roi*«ukures. Que 69 donc k vimgt+six on vmjgktaM;
au* Je futur conseiftôr <f étaa ! Tandis que ses pareils s'occupent de fan*
pbstliv ou'd&Iectf afSii «an persohnel les v< oublia» de^cdleajde kurs
vtfisirè'er d* lews idisihef > tevoifc s^uli se^creusant la tètÉxtesJ|iro^
portions futhnnctiêscu doîveitt èu^îe blé^fosét «t la vipocl Net»
<fc*Kom epcore^qtfeni fob^on «etâfirarfié dtyeuten cette épiifcèteitt»
rmlwniàtfr as^fciérywyh tt$*\, y j asatséspeat nWt uni Besoin; ta§w
cet te addition rendroit beaucoup inoibscMr^MiMaiÉ^'whéfas^tsIhi
Tt 2
3ï* JOURNAti DES SAVANS,
passé de» encpèteadupaileafen tau* requêtes de l'hote}, etàquarante tfns
aurponseii, qui alow^ rîesfràtdrôe sous te rçgne de Chartes VJU, étofodivîsé
empois sections , affaires ^politiques, finances, et justice. <Lel nopvc*»
conseiller d'état )ne< tarda pa&à reoonnoftae que! chaque fois qjuon opi-
noit selon sa combieqce^bh «sfatriroîc Jmiwtté de tous ceux quonavoii
cootteditsci II aaqiitatjiéankhom^ une jwoftmde Cûirooimnce des affaires
générales i du royaume; H vit que ^permanence deJ-annéje et celle des:
soUides a*oientlbndéia loiite-p^iwance du rpi ; gu'ii VagNsoit dd ia roiin-
W^^nafibiWt«antcelié)de^f^% mens, en diminuait, lorsque fe4e*noi>
troieoténdocHe^ Eétaftdiejfe JetirsJttsiKptsi ou bien*» faisant descendre
h pMëôeflBDwrotiinetaD^ bâtfliagrfs, ou bien encore eh 'assemblant les *nçis
étostiet flans^ie;<^>eù cette assemblée opposerait trop de résistance y
ara ne convoquant plo&quk des notables,. II connoît tous les besoins,
tQutet (les ressources du temps où : il, vit v et sa sagacité s'étend sur 1 Vj
vwnbvdf prévoit qu'un jour, au .fou des antiques ministères du conné-
table > du grandlamirrf , du grand aumônier, du chancelier, des généraux)
datiehttavf&é/i, lé/Reip'anra plus que «quatre qiu cjnq, bras dotrt.il. dis-
posera plus sûrement. Ce ne seront ni les chambellans, ni les écuyers,
i— in fa i clercf-jiotiires-aecrétwfes , qui de ces trois noms déposeront siuc-
ettemmerit lesdeuxipremiers^t nf garderont que le troisième ;il y aura un
secrétaire kfeia guerre, un de la marine, uitdes finances , un de La. justice.
M^i tfettalc*s>que< les conseillera <fétat, déjà si maJbeureuxt, le devieri-,
(front bien davantage, puisque, an Heu d'être leb -coôsesUe^s du. m&>
narque, ils ne seront plus que les conseillers de ses' secrétaires.
réassemblée de Troyes donne ensuite audience à un clerc cTambas-,
sarieiv dont le discours offre; un tableau de la diplomatie de ce temps ,
oè il n'y avait -point encore de légations permanentes» Chaque aai»
bpssade accidentelle se composait de cinq oU six orateur* > >à la tète
daequelsie Roi mettoit quelquefois son chancelier^M. Mohteil nous
desme dq un précis fort -méthodique de tout c^ que les Chroniques, Je»
qÉémoirefyies' traités,' fCtuJes. autres geareai.de monumens / nous ap-
pfttniem des protocoles et dp* pratique* afy^pinatkjfiesl de cet âgey
partlouiièfemtm dejaréceptioh opâ\)n:fi^oaaiut junbaftiadtbrs étrangers.
dlAUeqiagae; airaenf Je< cé^émbnial ;: eo >Iesi6dt ^siéger au parle*
aèee Jésicotasetilérs clercsHetidesiC^nseilléri fa*s,l e€ l'on plaide
entrai *k*Ariti etueenaoua dé Suisse* -ori Jet fakboimi octox d'Angle-
waè; Jx^e/etlmangtekkipaik la^^
oèUeoàiçn tes» reoasxjuit . On aatène et fpn itrtène *n, processâwfc
«fK)<ritdÔL.Tdtta araeàt ieaprésms jjqa Ja*4q^kftPtt4fcir«ifr'
«A^^àsféirtwa^riieeidè/.pîicfcs^dJory c|u<oufi*l lioibnn iioVibbiier*?
f J
/JUIN: «18.30.' .i'JOi 333
iJ^-^tww^st w^tiure sk>u8 lequel on n'attendrai* pas* un résumé
<fa$ piu& mémorables .éyâneméns arrivés depuis 1 4oi jusqu'en, s 500. Ce
ptifcts chronologique, qui éioit nécessaire à 1 ouvrage, et qui aurait
Pli èiw moin* sugçgaçt , est ici amené par une . idée assefe étrange , s'il
nçus, ?sr pçrtftis 4e. le dire. OJier habite depuis i4jo un hermitage
Vfli^ 4* ,7Yoyes, ; vers le* sources de l'Aube; il y à succédé à un
splityre qtû, par une fort heureuse rencontre , y . avoit vécu durant les
cinquante années précédentes. Ce prédécesseur et lui se sont donné la
$pçiptu\t ^chaque paalheur public, à chaque gtaode faute commise par
Ifâ gpuyçfpans, Cfoque fois ils ont sonné la cloche, et ils ont tie nu
Registre de Mura flagellations , avec mention du motif de chacune : ainsi
^ cloche sonne eu i4oi> quand le gouvernement montre des disposa
tiions hostile^ contre la nation anglaise. ; . en i4oj , quand Ja discorde
s'allume au sein de U Emilie royale; en i4<>7» «près l'assassinat dn
cfrtc d'Orléans; en i4o8, lorsque Je docteur Petit /ait l'apologie de
çf,yçnme, du duc de Bourgogne; en i4i 5 > h: la nouvelle du désastre
cT^zinco^ft, &c* Pour que cette série d'époques ne demeure pas in-
cpijiplète, on tient note de celles où la cloche reste dn repos; par.
exemple, quand (a pucçlle fait lever le siège d'Orléans. Le solitaire dit*, i
e$ finissant, qu'on n'a commencé que sous Charles VIII. à, jouir en
France de If sûreté des personnes et des biens, <jue ces garanties
sont bien mieux affermies encore sous Louis XII , et que' si ce prince
devoit toujours occuper Je trône, la cloche de f hermitage ne seroit plus
remise en branle, . ^ !i-..
0jUne nptjce de f alchimie du xv.c siècle Iseipbleroii annoncée ^par^
ravant-dprniet titre,, le Souffleur, Mais à peine, l'homme qœ? prend Ik,
paro{e en ycette qqalité a-til, en deux ou ttofc minutes , entamé cette
matière* que iCappaptjpn de Nicolas Flamel, peraonnagç demi-fabuleux,
lui serf de transition à un tout autre sujet. Flamei lui a remis un sachet dei
P^rev^erte, dite transparente 5 et au nttty en de cette poudre, il a vu
dfpne de^t^urs de Notre-Dame et de quelques autres points , non-/
seulement fcnçeintf , les quartiers et tes rués de Paris , mais l'intérieur
d*n habitations,,, çtjti%qp'a)Ut pjtfa aetrèies pejtiées dei personnes. Le
compte qu'il rend de cette viajon est nuitulé Paris de ytm;; c'est \\m*
description de l'état physique et moral de cette grande ville , qui a
trois cent mille rabftàfis au moins. La classe des clercs y a diminué ,
depuis que la clergie ou la science s'est répandue dans plusieurs rangs de
la société. Les nobles aussi sont JlfUllH IllHllbieux: c'est l'effet de plusieurs
causes, pami lesquelles il faut compter les privilèges accordés à différens
corps de bourgeois. L'bôtel-de- ville de Paris ressemble k une misérable
Îj4 JOURNAL DES SAVANS,
grange terminée par deux pignon» ; mats ia me Stain* Denis «cheteroit
toutes le» autres, excepté pourtant celfe de Saint-Martin, qurest encore plus
riche; l'or , l'argent et les étrangers affluent d*ns ces defax rues, ainsi
qu'à la grande balle, ou les principales villes du royaume ont des quartiers
désignés parleurs noms» Çé tableau de Pdrisuurofr manqué à fctavrage;
et quoique déplacé peut-être au lieu qu'il occupe , il est si tiafoitatoénf
tracé, que nous regrettons de n'en avoir pu extraire que peu de
détails. '
La harangue de l'astrologue remplit les huit dernières pages , et s'ouvre
par l'annonce d'une étoile extraordinaire qui a ftitli briser fit fune en
morceaux* Un conte de cette espèce se lh dans la Chmrtkjuede Jtoàri?
de TVoyes, à la vérité sous l'année 1 467 51 raàis fa daté de 1 yôo vaut!
bien autant. Nou$ ne nous arrêtons point aux bôroscttpes, prédictions
et autres présages qui sont ici retracés ; il en existe ailtettfs tifes notices
plus étendues, et, s'il le faut avouer, plus complète*. A propos de la
chronologie des astrologues, qui se conserve à la coUrdé France i <Jôlê
de la chronologie des rois, une note renvoie à l'Histoire de Louis Itt,
par Matthieu Paris : c'est sans doute une faute d'impression* et H' faut
lire Pierre Matthieu. II y a quelques autres erreurs dans les 267 pages
de notes qui correspondent aux trente histoires i etdoht fa plupart néan-
moins sont plus précises et plus instructive que cèdes qui accompà-î
gnent le tableau du kiv.* siècle; le corps méittèdé cette detfltième
paAie du travail de M. Mdnteif nous ptarfcît digne de f>tas déloges;
quoique ia première en méritât déjà beaucoup. Le cadré fetlbpté ptttt?
ia deuxième a exigé qu'il ? ftt question de là ville »lde» Ttojres bien
plus souvent que d'aucune autre» Les Méfriotrés de GWskrp, la Topo-
graphie de Troyes par Courtalon , la Couturti* de Trô^i,' J&fc.\ fbte^
nisseht un très-grand nombre dé déduis, er fbti pèsrt craltidi* ipxë
les contrées méridionales de la Franco né soient Un peu ^ négligée* ;
mais ce que nous pouvons affirmer' sans défkti£*9'cW qtiè? ces deux
volumes supposent beaucoup cWnstrucriotî et tur' lûèg travail, qtWfe
se. lisent avec un extrême intérêt j erqu'iff oïri dMft fctHie £fa£è to*
notable parmi les meilleures et les plikfl fetgérifetttelP pftftltfttfbtt*' H$i>
toriques publiées en ces derniers temps/ ->v >> •>•> h'- i i p 1 •"•>
,.;... i--... : . .if. f - ■ • % : .)-. -•) : .i.". ni uo ïvjpv* J ^.ii» ■ : «p-
' . : J ■ I uni! *Wllll !!! 1 i^iiB >•* ion *>A .»• .•• - •■ ni
J«*c -, .-• -.»n»i r *l.:m.v.*;r ansH jb jlii / ->b-b:6d'J uio^jnuod >L e'jio:*
. ■• ' /
JIHN l8ja î)j
$Eiecj, Speçimenç ofthe théâtre ofthe fjjndus % translated/rom
. the original ^inscrit, tyld. H. Wilson. Calcutta, 1827,
-1.1.3 jVOV* iH-Sf-i ! ..i.. ■:. i .1
Xïhefs-iïattfte Hu théâtre todtèn, traduits de t&riginal sanscrit en
[a)igldls,pdr Af.fi: H; Wifson f et de T anglais en fiançais,
, par M. Lan g loi s ; accompagnés de notes et eteclaircissemens ,
, et suives d'une tqble alphabétique des nçms propres et des termes
irelaii/sà la mythologie et aux usages de ï Inde > avec leur
- expifcathnv Paris ** r8»28 , 2 vol* in-8.°
t ■
« ■ -* ■- ■ .
•.*. i*célèlxe fondateur de la Société de Calcutta, V. Jones„a Fhonneur
4 avoir 1*. premier, iiait^naoitre le théâtre indien par un, poème qui .a
JftDg^ temps, servi seuOTb JEurope à en juger te génie et le carac-
tètq. La traduction anglais 4e Sacootala (1)1. reproduite en allemand
par Forster.et tn français par Uruguière de Sprsum, est u^ des pro-
ductions venues de rHindousiM qui ont obtenu le plus de faveur en
Occident. Les savans voués à l'étude de la littérature indienne, détournés
f£T de* fecher^itff» plu$ pnpprtantes, n'ont, depuis quarante ans , rien
.ajouté £.££ que w. Jones avoit appris de ce genre de compositions par
Jç ispécimen dont on lut est redevable; car on ne sauroit .tirer beaucoup
dje, lumières., $ur ce curieux sujet , de la notice d'une pièce dont M. Cole-
brpc^e a particuJièreniçnt exaiftiné tes vers pour la coqnoissance de, la
prosodie dans les dialectes sanscrit et pracrit, ni compter comme, un
draine proprement dit le Itvcr de la. lune de ïintrfligtnfe , mis. en an*
gfais par M. Tfiylor <?n 1 8 ia (%)% pièce.- purement allégorique ., dont
Jeu personnages sont le sens, la raison, la contemplation, X irréligion,
r4*4K/R**.&ç., et dont la conclusion est .amenée par Vin tell cet, qui ae
jfiUt d*n* k* h**$ fa\kon\me, et h, dévotion, qui relève ce dernier et le
confiait .aux pieds du seigneur suprême. On ne. sauroit rien conclure,
reJajùjretnent à Fart dramatique , d'un ouvrage entrepris pour populariser
lu doctrine du y é&Mftt et qui, s*H a janws été représenté r copine le
fraducteurfa stfjppQsé» « dO n'inspirer qu'un intérêt tout philosophique,
*t n'avoir pour ajiditews qu'une réunion de métapbyffcieofc
- L . 1 ' • • r ' ■ ' ' ■ ; # . j .»••-..■ ï t • • ■ '
i{à\ Saconteta, *r il* Jûîal ri**. Calcutta* 1 789 , m*fr r— (a) Prabodh
H6 JOURNAL DES SAV ANS,
M. H. H. Wilson, que tant d'excellent travaux ont élevé au rang
(Îles plus fribifes philologues qui aient étudié le sanscrit dans l'Inde
même, et qU? h enr&hi les derniers vola mes des Recherches de Calcutta
d'un si grand nombre de mémoires que nous avons fréquemment ana-
lysés dans ce Journal, M. Wiison est encore ejuré dans la carrière ouvtrtf
par W. Jones ; et il auroit effacé en ce genre la renommée de ce dernier,
si une juste reconnoissance n'étoit pas due à ceux qui surmpntent les
premières difficiles', et si le drame de Sacontal* ne conservofr, sotts le
rapport de fa toViceptroh et du 'style, un mérite qui le distinguera tou-
jours au milieu dés ouvrages de (a même origine. Mais l'habile secrétaire
de fa Société asiatique ne *'çst p^s borné il mettre en .anglais une «pièce
unique ; il en a interprété six entières, analysé vingt- trois autres, et par-
couru un plus grand nombre, pour y puiser les notions générales dont
il' Vouloit accompagner ses traductions et ses extraits. II a donc imssé
bien loin derrière lui ses honorables devancie^ et il a hit seul amassé
beaucoup plus de matériaux qu'eux tous ensemfll, pour les questions qvi
se rattachent au génie du théâtre hindou , et sur les sujets que les pro-
ductions de ce théâtre peuvent éclairer , le goût littéraire de la na-
tion indienne, ses opinions, ses coutumes, ses habitudes sociales et ses
préjugés.
■ Lesreprésètitations théâtrales de l'Europe moderne, quelque diversifiée*
qu'elles soient par les traits nationaux, sont toutes issues du drame grec.
Les transformations qu'elles ont subies dans le moyen âge, celles qu'elles
ont déjà éprouvées k des époques plus récentes , ou qu'elfes pourraient
éprouver encore, n'empêchent pas que cette descendance ne soit sensible
jusque dans les détails mêmes des compositions dramatiques. Au contraire»
le drame hindou, quels que soient ses avantages ou ses défauts, existe
par soi-même et sans mélange : il ne doit son origine ni aux Grecs, ni
aux Chinois , les seuls peuples qui aient eu un théâtre national dans
fes temps anciens ; il ne doit rien aux musulmans, qui sont -restés étran-
gers h cette branche dé littéftture ; il ne doit rien non plus aux occiden-
taux , qui n'ont commencé tt k cultiver que dans un siècle où défi le
théâtre indien étoit dans sa décadence. Ausii ne trôuve-tion dans ses
productions, sauf un petit nombre de traits communs qui nepouvoiem
maHquer dfe se présenter* que des tariétés caractéristiques tie conduite
et de structure qui taaiiifesteitt fortement un destin original «t les effets
d'un développement national spontané.
Le théâtre hindou appartient à cette division de compositions drama-
tiques que les critiques tftôdernts on> appelée ^nrttomnntiqut. Ld-dHune
de Sacontala, dit M. déSçhlëgel, à tttVett le btftlarit de sort Mm
JUIN 1830. 337
oriental , présente après tout une ressemblance si marquée avec notre
drame romantique, qu'on pourrait supposer que l'amour de Shakespeare
a <^f rcé de F influence sur le traducteur , si d'autres orientalistes n'aroient
porté témoignage sur la fidélité de la traduction. Les notions générales;
qu'il eût été téméraire d'établir d'après un spécimen unique, acquièrent
maintenant une force nouvelle , «quand on les vérifie sur une collection
toute entière. On sait donc avec certitude, grâce à M. Wilson, que les
Hindous ont peu d'égard aux unités de temps et de lieu, et qu'ils s'at-
tachent même peu à l'unité d'action , si par - l^>n entend un sujet prin-
cipal auquel viennent se rapporter tous les indiens. Ils suivent pourtant
certaines règles conformes au bon sens, par lesquelles M. Wilson pense
qu'ils s'éloignent autant de l'extrême irrégularité des drames chinois
qu'il connoît ( 1 ) , que de la simplicité sévère de la tragédie grecque.
Un trait plus remarquable distingue le théâtre hindou.. Le traducteur
pense que le sanscrit a été jadis un idiome parlé dams certaines con-
trées de l'Inde ; mais il reconnoît que cette langue n'a jamais pu être
le langage vulgaire de tout le pays ; et qu'elle a bien certainement cessé
d'être vivante à Aie époque dont «nous n'avons aucune connoissance.
Cependant la plus grande partie de cha^tae pièce est écrite en sanscrit ;
et comme aucune ne peut revendiquer une très-haute antiquité , toutes
doivent avoir été représentées devant des assemblées dont une très-
grande partie ne les comprenoit pas ; elles ne s'adressoient donc jamais
au gros de la nation , et elles n'ont pu exercer sur ses passions ou son
goût aucune influence marquée, même parmi les classes privilégiées
des brahmanes, et des kshatrias»; un petit nombre pouvoit suivre les
expressions des acteurs et en sentir toute la force. Ainsi donc, au Ken
de l'effet théâtral, et de cette sympathie universelle et instantanée
qu'une tragédie peut faire naître chez tout un peuple , les Indiens 1*
doivent porter k ia représentation de leurs drames que cet intérêt sco^
lastique et tant soit peu pédantesque qui s'attache aux pièces écrites
dans une langue morte , et que , par exemple , on mettoit autrefois chez
nous aux tragédies de collège. On peut ajouter qu'il en est à-peu-près
ainsi des pièces chinoises , dans lesquelles Mute la partie écrite en vers
ne sauroit être comprise que de la portion des spectateurs qui ont fcft
de boiyies études littéraires. D'un autre côté , le sort des drames indiens
* ; :
(1) II n'en existoit que deux de traduits à l'époque où M. Wilson- écri voit ces
lignes, dont le traducteur français a mal rendu le sens : sensible rules ne signifie
pas des règles bien marquées, et extravagance en anglais répond plutôt à divagation
en français qu'au mot extravagance.
▼ v
Hfl JOURNAL DES SAVANS,
a/ quelque analogie avec celui îfles compositions dramatiques chez les
anciens; on les représente rarement, et seulement dans des occasions
' solennelles ou d'un intérêt générai , comme les fîtes lunaires , le fpu-
ronnement d'un roi , les assemblées du peuple aux foires du aux céré-
monies religieuses , les mariages , la naissance d'un fils, la prise de pos-
séaûon cf une maison ou d'une ville , nais par- dessus tout dans la saison
particulièrement consacrée à quelque divinité. Comme ' cela awit liett
chez les Grecs, on ne joue chaque pièce qu'une fois, sauf les excep-
tions que peut occasionner un succès extraordinaire. II y a des pièces
dont la représentation Hmanderoit au moins cinq ou six heures ; ce
sont oelles qui contiennent jusqu'à dix actes , dont chacun n'est pas
très-court, W. Jones a avancé que le théâtre indien pourfoit remplir
autant de volumes que celui d'une nation d'Europe quelconque, an-
cienne ou moderne. Cette assertion ne parofc pas exacte. II y a fans doute
beaucoup de pièces perdues, et d'autres devenues si rares, qu'A serott
difficile de se les procurer ; mais il y a lieu de douter que celles <jue
i 'on possède , réunies à celles dont les auteurs font mention , aient
pu -monter beaucoup au-delà de soixante. Les deux Aaîtièrdu théâtre,
Bitavaboûti et KâJidâsa , ne posent pas pour en avoir composé chacun
plus de trois.
v U est remarquable quun. nombre de pièces aussi peu considérable
ait. été partagé par les critiques du pays en tant de classes Afférentes.
Au reste , les pièces qui nous sont parvenues sont presque toutes du
premier ordre ; leur mérite les a préservées des injures du temps. II peut
y avoir eu un bien plus grand nombre de pièces du second ordre, com-
posées, selon l'apparence, dans les dialectes vulgaires , .et d'une nature
' plus populaire et plus complètement nationale. On en peut observer
tes traces dans les histoires mises en drame par lès bhanrts ou bouffons
de profession , dans les djâtras des habitans du Bengale , et les rasas
des provinces occidentales. Les premières sont la représentation de quel-
que aventure divertissante , faite par deux ou trois acteurs , dans un dia-
logue improvisé , qui est ordinairement fort grossier , et animé par un
jeu de théâtre qui s'écarte^pmvent de la décence. Le J/âtra offre com-
munément ia représentation de quelque trait de la jeunesse "de Krishna ,
pareillement improvisée et entremêlée de chants populaires, et dont la
maîtresse de Krishna , son père et sa mère, sont, avec les Gopis, les per-
sonnages ordinaires , Nareda jouant le rôle de bouffon. Des rasas tiennent
plus du ballet , mais contiennent également des ariettes.
Les Hindous ont un goût très- vif pour ce genre de divertissement,
bien que les dominations étrangères sous lesquelles ils ont vécu depuis
JUIN 1830- 3)9
des siècles , aient apporté de grands obstacles au développement qu'H
adlft pu recevoir. On a continué de représenter des comédies, parti-
culièrement dans le Sud et l'Ouest dp l'Inde, où des principautés indi-
gènes ont subsisté jusqu'à ce jour. On en a pareillement joué à Bénarès ,
à une époque récente, et l'on possède une pièce qui a été cojpposée et
vraisemblablement représenterai Bengale, if y a quelques années : tou-
tefois les drames même modernes ont continué d'être fondés sur des su-
jets mythologiques empruntés aux différentes sectes, ou destinés à célé-
brer le pouvoir de Crishna et de Siva. On se borne souvent à remplacer
le récit par un dialogue insignifiant et froid, entremêlé seulement de
lieux communs descriptifs sur les parties du jour, les saisons, Tannée,
le lever et le coucher du soleil et de la lune, les brûlantes ardeurs de
l'été et les douces influences du pijntemps.
> Quand l'art théâtral eut dépassé le point de la perfection, on vît;
dans l'Inde cofnme ailleurs, les crtfjques remplacer les esprits créateurs,
et les pièces existantes donnèrent' naissance aux théories. Mais la cri-
tique ne s'est jamais élevée au-dessus des points purement tech-
niques. On a classé les personnages 9 les passions, les caractères, et
établi, pour tous ces objets, tant de distinctions et de nuances, qu'on
a formé un tissu véritablement inextricable. M. Wilson a consacré h
ce sujet curieux neuf chapitres de son Introduction ou Discours pré-
liminaire. Un mouni ou sage, nommé Eharata, fût l'inventeur du drame.
On ajoute même que ce sage fut inspiré par Brahmâ, qui en avoit
puisé ildée dans les Védas. II y eut d'abord trois sortes de représen-
tations exécutées devant les dieux par les génies et les nymphes du
ciel d'Indra, les nrityas ou pantomimes, les nritta ou ballets, et 'les
natyas , qui se composoient de dialogues et de gestes, et constituoient
par conséquent de véritables draines. Deux autres genres de danses re-
çurent en outre des noms particuliers. La danse paraît, comme on volt,
inséparable de toute représentation dramatique. Bharata, suivant la
remarque de M. Wilson , doit avoir été l'un des premiers écrivains qui
aient réduit l'art en .système : ses soufras ou aphorismes sont toujours
cités par les commentateurs ; mais ils ne paroissent pas avoir été réunis
en un corps entier. ^
L'un des traités les plus anciens et les plus estimés , sur la littérature
dramatique, est le Dr sa Roûpaka, ou la description des dix formes de
drame : c'est un ouvrage de critique, composé d'un texte et d'un com-
mentaire accompagné d'exemples. Le texte est rédigé par Dhanan-
djaya, fils de Vishnou, lequel traite Moundja de patron , et a dÛxbn-'
sequemment écrire dans le 1 1/ siècle, époque où l'art dramatique êtoït
W2 * ,
.
)4o JOURNAL DES SAVAIS,
parvenu dans TIndeàsa plus grande perfection, ou même penchoit
vers son déclin. Parmi les exemples cités dans le commentaire , tÊkn
eptqui sont pris du Ratnâvati, pièce composée au commencement du
Xll.e siècle, et cette circonstance jette quelque incertitude sur J'âge de
h glose chDesa Roûpaka. Un traité général de poésie et de littérature,
attribué à bhodja Râdja, et partagé en qpq livres, offre dans le dernier
des détails sur les compositions dramatiques. On en trouve de mime
dans un autre traité de rhétorique en dix sections, qu'on appelle Karia-
Pjakâsa> et qui peut avoir environ cinq cents ans. Le Sâhïtya Derpana,
feutre ouvrage d'une haute célébrité, renferme encore la citation d'un
grand nombre de pièces, parim lesquelles plusieurs semblent perdues.
1 On en indique une copie faite en i ; 04. Le Sangtta Retnâkara traite
plus particulièrement du chant et de la danse: il a été écrit au xu*
ou Xi il.* siècle; et un commentaire sur ce livre a été composé .entre
i4s6 et i477« Une multitude d'otages sur l'art poétique, et qui
offrent presque tous (Futiles renseigpiemens sur le sujet qui nous oc-
cupe, sont cités par M. WiIson,qui, suivant son usagfc .ordinaire , tient
note avec soin des particularités propres à fixer l'âge et l'antériorité re-
lative de ces différens écrits. Il fait encore mention, comme-d'autant
de sources où Ton peut puiser d'utiles renseignemens , des traités sur
le? passions et les émotions que la poésie a pour objet d'exciter, et
des commentaires spéciaux qui accompagnent plusieurs drames. 11
complète ainsi la liste déjà très-étendue des livres dahs lesquels il a
dû chercher des lumières sur une branche d'histoire littéraire restée jus-
qu'à lui dans une obscurité profonde, et qu'il sera long- temps témé-
raire de vouloir traiter après lui.
Le terme générique pour les compositions dramatiques est roûpaka,
de roupa, forme, parce que l'objet en est de donner un corps ou une
forme aux caractères et aux senfimens. La définition qui s'y applique
est aussi un poème fait pour être vu ou pour être vu et entendu. On dis-
tingue les roûpakgs et les ouparoûpakas , ou les pièces du premier et du
second ordre; et l'on subdivise encore les premières en dix espèces,
et les dernières en dix-huit. Nous ne dirons que quelques mots des
principales. Le Udtak^ ou la pièce par excellence, comprend tous
les élémens d une conqfesition dramatique ; et c'est à l'occasion de cette
première classe de pièces que l'auteur a cru devoir placer les notions
générales qui s'appliquent avec plus ou moins d'exactitude à la plupart
des autres , sauf à marquer ensuite les différences qui caractérisent celles*
ci. Le sujet du nataka doit être important et célèbre. La fable doit,
selon les uns, être tirée uniquement des traditions mythologiques et
JUIN 1830. j4i
historiques ; suivant d'autres , elle peut être entièrement d'imagination
ou mixte, c'est-à-dire, en partie fondée sur I» tradition »^et en partie
de la création des poètes. C'est à ce dernier genre que se sont attachés
beaucoup d'auteurs, qui, tout en empruntant leurs sujets aux poura-
nas » n'ont pas laissé d'en diversifier les inckk-ns à volonté. Les per-
sonnages doivent être pris dans une haute classe et dans une nature
élevée; et il faut que le héros soit un roi, un demi-dieu , ou même un
dieu. L'action ou la passion, comme dit M. Wilson , doit être une»
comme l'amour ou le dévouement ( l'héroïsme ). L'intrigue doit être
simple, les incîdens bien liés; l'action doit sortir naturellement du
sujet, comme une plante de la semence, et n'être interrompue par au-
cun épisode prolixe. Le temps ne doit pas être trop «prolongé , et la
durée d'un acte, selon les ^itorités les plus anciennes, ne sauroit
excéder un jour; mais d'autres {'étendent à plusieurs jours, et mèipe à
une année. Quand faction ne peut être resserrée dans ces limites, les
événemens les moins importans peuvent être rejetés dans un récit , ou
supposés placés dans les entr'actes. Quelquefois ils sont annoncés par
un des acteurs , qui joue le rôle d'interprète , et qui apprend aux specta-
teurs ce qu'ils ont besoin de savoir et ce que la représentation n'a j>as
mis sous leurs yeux. La diction, dans les natakas, doit être claire et
polie. La pièce ne peut avoir moins de cinq actes, ni plus de dix.
La distinction établie enffe la tragédie et la comédie n'existe pas dans
l'Inde; d'abord, parce que les auteurs dramatiques ne s'attachent ja-
mais exclusivement, soit aux* crimes, soit aux folies de notre espèce;,
ensuite, par la raison que la terreur et la pitié, bien qu'employées
pour exciter les émotions du spectateur, n'entrent pt>ur rieq^dans la ca-
tastrophe, laquelle ne doit pas être funeste; il y a, à cet égard, une règle
formelle. Il n'existe donc pas de véritable tragédie , selon la définition
vulgaire de ce mot. Le héros et l'héroïne ne doivent jamais mourir à
la fin de la pièce : on n'ensanglante jamais la scène; et il faut que fa
mort des personnages subalternes , si elle a lieu , soit simplement an-
noncée. 11 y a aussi beaucoup de préceptes négatifs , tous institués dans
Tintérét des bienséances. La longueur des natakas dépasse de beaucoup
celle des plus longs drames occidentaux. Les Brigands ou le D. Carlos
de Schiller ne pourroient soutenir la comparaison avec eux sous ce rap-
port ; le Mritchtchahatî fbrmeroit au moins trois des pièces d'Eschyle.
Les pièces du premier ordre sont les plus nombreuses, et quelques-unes
peuvent être regardées comme les chefs-d'œuvre de l'art : tels sont le
Sacontala, traduit par W. Jones , le Moudra Rakshasa, que M. Wilson
3*2 JOURNAL DÊ3TSAVANS,
t compris dans son recueH, le Veni Sanhâra, F Antrgka Râgha** , et
plusieurs aunes qu'il à iiit connoître par des analyses.
Une1 deuxième espèce de drame ( le Prakarana j ne diffère de ia
précédente que parce que la fable est une pure fiction prise dans ia
* vie réelle, dans une classe honorable de fa société, et dont le sujet le
pins habituel est l'amour. Le héros peut être choisi dans la catégorie
des ministres, ou des brahmanes, ou des tiégocians; l'héroïne, fifte
d'une bonne famille, ou courtisane; et suivant ces différentes cir-
constances, la pièce reçoit encore des noms particuliers, tant la dis-
position des Hindous à établir des classifications et des nomenclatures
semontre dans cette partie de leur histoire littéraire ! On donne ainsi des
noms à part au isonologue en un acte , débité par un acteur; aux pièces
militaires , dont les rôles de femmes soql exclus ; k la trilogie mytholo-
gique ou pièce en trois actes, comme dit M. Wilson, mais dont le
premier doit occuper neuf heures, le second trois et demi, çj le dernfar
une heure et demie ; au mélodrame magique ou infernal , en quatre actes {
k'H comédie d'intrigue ; au proverbe, tout rempli de jeux de mots, de ca-
tanbourgs, cTépigiammes, de méprises (i pet de malentendus volon-
taires; et k la farce satirique, dirigée contre les ordres privilégiés, les
bàahmànes , les dévots spéculatifs , les hommes en- place , les riches et les
princes.
. Lt% dix-huit variations secondaires ( oupEroûpafca ) rentrent plus ou
moins dans les distinctions précédentes , et il en est même quelques*
unes qui semblent se confondre avec ceif es-<i , et d'autres dont on n'a
par les descriptions qu'une idée incomplète et incertaine.
Le prologue , dans les pièces indiennes , commence ordinairement par
une prière et une formule de bénédiction. Vient ensuite une notice sur
fauteur, en forme de panégyrique, puis un compliment a l'auditoire,
où le directeur de la troupe se met en scène et parle de ses propres af-
faire! (2), ou quelquefois des circonstances placées dans l'avant-scène.
La pièce proprement dite se partage en actes et en scènes , comme les
n&ttes. Le changement de scène est marqué par l'entrée ou la sortie
d'un personnage , ainsi que cela a lieu dans les pièces françaises. Le
théâtre n'est jamais vide, ni généralement le lieu de la scène entière-
ment changé dans le cours d'un acte. La fin de l'acte est marquée par
la sortie de tous les personnages. Le nombre des actes, ainsi qu'on l'a vu,
— — — — — — »^— — »— — « 1 — — — — .— — — — ^ — — ■ — ■ «^— — ^«
(1) Wiljul misconstructïon : le traducteur français rend ce mot par construc-
tions volontairement vicieuses et mal appliquées. — (2) Hit concern: M. Langlois
traduit ce mot par ta famille.
•" JUIN 1830- . 343
varie d'un à dix. On cite une pièce qui en a quatorze ; mais c'est moiris
un drame qu'un poème où le dialogue est entremêlé de récits poéti-
que*, hes lacunes (Tune pièce sont remplies par l'interprète et f/ntroduc-
ieun II semble que l'un et l'autre soient des acteurs placés près du
théâtre» et qui, lorsqu'il arrive quelque interruption dans la marche A
la scène , en expliquent les motifs aux spectateurs. Le premier peut
paroître au milieu d'un acte ; le second, dans les entractes seulement,
pour annoncer les changemens de lieux et les noms de* nouveaux per-
sonnages ; précaution indispensable dans des drames où l'action passe •
d'une ville à l'autre , ou du ciel à* l'enfer.
La manie scolas tique des Hindous se montre en «tout son jour daçs
la distribution des nuances qui marquent la conduite de l'intrigue. L'ac-
tion est principale ou secondaire, essentielle ou épisodique : elle com-
prend cinq élémens, la semence ou; l'origine de l'action a l'incident qui
en favorise le développement, ou l' adjuvant, la bannière ou épisode, ia
digression , le but ou l'objet. Ce dernier élément offre à son tour cinq
conditions , le commencement , la poursuite , l'espérance , l'éloignemem
des obstacles , l'accomplissement 11 n'y a pas une seule de ces divi-
sions qui n'admette ensuite une foule de subdivisions à deux ou trois
degréi , dont la description épuiseroit la patience de tout autre qu'un v
Hindou. M. Wilson en a conservé tout ce qui étoit nécessaire à l'expo-
sition de ce curieux système dramatique , et nous en indiquons ici seu-
lement les principaux traits , en renvoyant pour le reste à son bel et
important discours préliminaire.
Chaque genre de composition a sçn héros et son héroïne qui lui sont
appropriés , et toutes les classes de la société contribuent à fournir des
personnages au drame. Comme l'amour y tient toujours une grande
place , les attributs du héros doivent être en rapport avec cette passion ;
if faut qu'il soit jeune, beau, plein de grâce et de libéralité, vaillant,
aimable , accompli , et d'une bonne naissance. Quatre principales quali-
tés lui sont attribuées , et donnent ensuite lieu à quarante-huit ou même
cent quarantAlistinctions , parce qu'il est des avantages qui découlent
naturellement les uns des autres, et doivent se trouver ensemble, tandis
que certaines qualités s'excluent. On admet une exception en faveur
des perfidies de l'amour: un prince , un héros, peuvent concilier l'honneur
de leur dignité et d'un caractère sincère , tout en cachant à une jalouse
amante les •ëgaremens de leur cœur. La classification minutieuse qui
s'applique aux caractères des femmes , présente une peinture Intéressante
de leur sexe dans la société indienne. Dans les pièces d'un genre élevé,
on voit les nymphes du ciel , les fiancées des demi-dieux , les épouses
344 JOURNAL DES SÀVÀNS,
des saints , les saintes mêmes , les forêts et les rivières déifiées ; dans le
sujet de pure fiction , les princesses et les courtisanes ; et dans les pièces
d'intrigue , les habitantes du gynécée. Les êtres de la première classe
sont une création mythologique ; mais les .autres appartiennent à la
♦ie réelle, et. montrent le caractère des femmes indiennes tel que l'ont
fait Jes lois , les coutumes religieuses , I es préjugés nationaux et l'in-
fluence du musulmanisme. Chaque modification résultant de la situation
sociale , de l'âgé et des rapports établis par l'auteur , se partage cf abord
en trois , suivant que l'héroïne est épouse du héros ou d'un autre person-
nage» ou dans une position indépendante; puis en trois encore, selon
qu'elle est jeune , tfdulte ou d'un âgç avancé. Huit accidens particuliers
viennent varier le caractère de la femme , qui est représentée dévouée
à son mari, dans l'attente d'un amant , pleurant Pabsenoe de celui qu'elle
aime, désolée par l'infidélité, par les tourmens de l'absence, &c. Les
agrémens et les grâces qui peuvent distinguer une belle , sont aussi sou-
mis à une nomenclature régulière ; et il est difficile de trouver une ap-
plication plus singulière de cet esprit méthodique que les Hindous ont
apporté à l'analyse de leurs pièces de théâtre.
Les personnages d'un drame , outre le héros et rhéroïne , sont Pami
ou le confident , l'antagoniste , le barde , le bouffon , la confidente , et
une infinité de rôles secondaires , dont quelques-uns sont très-difficiles
k définir convenablement.
L'objet qu'on se propose dans une composition théâtrale est de faire
naître les senti mens , lesquels sont durables ou passagers. Les premiers
sont au nombre de neuf, et les autses sont plus nombreux encore. Nous
passons ces éternelles classifications , qui seroient propres à rebuter les
lecteurs, isolées comme elles seroient dans notre extrait, et privées de
l'intérêt que leur donnent, dans l'ouvrage de M. Wilson, les exemples
tirés des meilleurs drames qu'il a'analysés.
Le style présente quatre modifications , dont les trois premières' sont
en rapport avec les situations , et la quatrième avec Iç dialogue. 1-e por-
trait qu'une femme a fair de son amant, servant à découvrir (a passion
qu'elle s'efforce de cacher , la crainte (Tune trahison chimérique inspirée
par de fausses preuves , le tumulte , les merveilles de la magie ou de la
nature, sont les sujets auxquels s'appliquent ces formes de style. Quant
à la diction , suivant les aphorîsmes de Bharata , elle doit se composer de
termes harmonieux et choisis, et s'embellir des ornement d'un style
élevé et poli, aussi bien que de ceux qui sont fournis par la rhétorique
et le rhythriie de la poésie. Les pièces anciennes sont sur-tout remar-
quables sous ce rapport ; car, dans les dernières, le style est en général
JUIN I^O. 345
si péniblement travaillé, qu'elles en sont devenues très-fktigahtes à
lire. Le dialogue est ordinairement en prose ; mais les réflexions et les
descriptions , les morceaux où le poëte se donne carrière , sont en vers.
C'est un rapport de plus que M. Wilson auroit pu relever entre les dra-
mes des Hindous et ceux des Chinois. Tous les mètres sanscrits sont
employés dans la partie versifiée des pièces indiennes , depuis la stance
de quatre lignes, de huit syllabes chacune, jusqu'à celle qui contient
vingt-sept et même cent quatre-vingt-dix-neuf syllabes. Une autre
particularité consiste dans l'emploi des différentes formes de langage
pour chaque rôle. Le héros et les principaux personnages parlent sans-
crit ; mais les femmes et les personnages des rangs inférieurs font usage
des différentes modifications de cette langue que l'on connoît sous le
nom de pracrit, et qui, comme l'observe V. Jones, n'est guère autre
chose que le langage des brahmanes, adouci par une prononciation dé-
licate , comme celle de l'italien. Mais par le nom de pracrit on doit en-
tendre aussi, suivant M. ( olebrooke, tous les dialectes écrits et cul-
tivés de l'Inde. Sans suivre M. Wilson dans la discussion des sens
divers attachés à cette dénomination , il suffira de dire que si les règles
établies par les commentateurs dévoient être prises à la lettre , l'héroïne
et les principaux personnages féminins'parleroient le dialecte de Ma-
thoura et de Vrindâ-vana ( sôraseni ) ; les gens , de la suite des rois ,
magadhi; les domestiques, les radjpouts et les commerçans, un magadhï
mélangé; le premier confident, le dialecte oriental; les mauvais sujets
s'exprimeraient dans le langage cTOudjein, les intrigans dans celui du
Décan 9 les gens du nord dans le dialecte de Bâhlika, et ceux de la côte
de Coromandel en dravira. Les peuplades que l'on nomme Sakas de-
vraient aussi faire usage d'un jargon particulier , et il en serait de même
des bergers, des hors - castes , et des habitans des bois. Les esprits
malins ont aussi un langage à eux ; et il y a pour les loups-garous une
forme spéciale du pracrit, qui porte leur nom. II faut remarquer que Ie$
dialectes locaux affectés à chaque personnage s'éloignent considérable-
ment , dans l'écriture , de ce qu'ils sont dans le langage actuel des diffé-
rentes provinces , et que , dans la réalité , les formes employées dans les
drames se réduisent à trois , le sanscrit et deux variétés du pracrit plus
ou moins raffiné. Sans cela, une pièce indienne serait une véritable
polyglotte que peu de personnes pourraient se flatter d'entendre en-
tièrement. Au reste , les mots sont radicalement identiques dans le sans-
crit et dans toutes les nuances du pracrit. Ce qui constitue celles-ci ;
c'est un adoucissement dans la prononciation , avec tendance à raccour-
cir et affaiblir les sons , a simplifier les articulations composées , et à les
xx
Mavoûra.
Madhoûka.
Pouroucha.
Srigâra.
Yôvanam.
Bhavati.
Nagna.
Vatsa.
Tchandra.
Gambhîra.
Sabhâ.
Sel.
Paon.
Espèce cTarbre.
Homme.
Jackal.
Jeunesse.
H est.
Nu.
Enfant.
Lune.
Profond.
Assemblée.
346 JOURNAL DES SAVANS,
remplacer par une réduplication de la même consonne. M. Wilson cite
pour exemples les mots suivans :
Sanscrit, Pracrit,
Lavana. Lona.
Mora.
Mahwa.
Pouriso.
Siâla.
Djobanam.
Hodî.
Naggo.
Batchtcha.
Tchand.
Gahîra.
Sahâ.
On conçoit qu'une fois sur la voie de quelques altérations de cette
espèce, il ne doit pas être fort difficile de retrouver les autres. Mais
l'analogie n'est pas toujours aussi frappante, et la présence du pracrit
rend souvent nécessaire le secours d'un commentaire , parce que les pas-
sages pracrits y sont toujours transcrits en sanscrit.* La construction
grammaticale du premier de ces dialectes offre d'ailleurs plusieurs parti-
cularités , comme l'absence du duel et l'usage d'une conjugaison unique.
Le pracrit des classes inférieures se distingue par le mépris des règles
que la grammaire prescrit pour la construction des mots , et par l'em-
ploi d'une terminaison commune pour toutes les modifications de genre,
de nombre et de personnes. Le sanscrit , comme cela arrive aux langues
synthétiques, a donc été en se simplifiant dans la production de ce
dialecte secondaire. M. Wilson examine si le pracrit représente un dia-
lecte autrefois en usage , ou si ce n'est qu'une modification artificielle du
sanscrit , faite dans la vue de le plier à des branches particulières de litté-
rature. 11 n'y a aucune difficulté à l'écrire maintenant, quoiqu'on ne le
parle plus, et l'on en trouve des exemples excellens dans des pièces
très-modernes. L'auteur cite une pièce écrite il y a moins de trois siècles ,
et dont plus de la moitié est dans un pracrit élevé. D'un autre côté , on
trouve , dans beaucoup de dialectes vulgaires de i'Hindoustan , des dé-
rivations dont la grammaire pracrite seule peut rendre compte. La sim-
plification des règles grammaticales sanscrites marque aussi le passage
d'une perfection théorique à un usage pratique. Le sujet paroit, avec
beaucoup de raison, très-intéressant à M. Wilson, non-seulement sous le
rapport de la philologie , mais encore sous celui de l'histoire ; car les
JUIN Itf^O/ , 347
dialectes sacrés des Bauddhas et des Djaînas ne sont , dit-H , rien antre
chose que le pracrit, et l'époque et les circonstances de son passage* Si
Ceylan et dans le Ripai sont liées avec l'origine et les progrès de la reii-A
gion que professent les principales nations au nord et à l'orien* de
l'Hindoustan. Si M. Wilson, qui écrivoit aux Indes en 1827, eût
connu Y Essai sur le pâli , publié à Paris, en 1816 , par MM. Bur-
nouf et Lassen , il eût sans doute applaudi à ce travail entrepris
dans le point de vue même qu'il indique comme étant d'un haut intérêt.
Le traducteur français eût dû suppléer à son omission par une courte
note , comme celles qu'il a ajoutées en diffêrens endroits au texte du
savant secrétaire de Calcutta.
Les Hindous n'ont jamais eu d'édifice consacré aux divertissemens
publics. La scène est donc du reste chez eux (Tune grande simplicité.
Une salle du palais des rois servoit à la musique , à la danse , aux feux
du théâtre. II doit y avoir eu de bonne heure des troupes d'acteurs, et
il faut que ceux-ci aient été en quelque estime , puisque on cite des
poètes qui les traîtoient d'amis; car un poète illustre est aussi dans l'Inde
l'ami des sages et des rois. Le seul passage d'un ouvrage sur l'art dra-
matique qui ait rapport à ce qu'on appelle la mise en seine , est la des-
cription d'un lieu où l'on exécutoit des danses et des concerts, mais oh
vraisemblablement aussi l'on donnoit des représentations dramatiques.
D'après ce passage, la salle devoit être spacieuse et élégante, soutenue
par des colonnes richement décorées , et ornée de guirlandes. Le maître
de la maison s'asseyoit, au centre, sur un trôné. À sa gauche prennent
place les gens de l'intérieur, à sa droite les 'personnes d'un rang élevé,
derrière lui les principaux officiers de l'état jdu du palais, les poètes,
les astrologues , les médecins et les savans. Des femmes choisies pour
leur beauté et leurs grâces se tiennent auprès de la personne du maître
avec des éventails , tandis que des hommes armés de bâtons se placent
en diffèrens endroits pour maintenir l'ordre. Tout le monde ayant pris
place, la troupe fait son entrée et joue certains airs ; puis la première
danseuse sort de derrière le rideau, salue l'assemblée, jette des fleurs
au milieu d'elle, et déploie son savoir-faire. D'après ce passage et plu*
sieurs autres, il paroît que les acteurs étoient séparés des spectateurs par
un rideau. II semble aussi qu'il devoit y en avoir autour de la scène,
et même quelquefois dans sa longueur, de rrtanière à tenir lieu de dé-
coration, et à partager lé théâtre en plusieurs parties' distinctes.f"Le
iriobilier consistoit èrf chaises, en trônes, en chars tfa?iiéS par départi-
1 il
maux vivans. On ignore si quelque rtiécanfenie pbuvoit servrr a ré-
présenter les chars vblans dont W est souvent fait mention. Lés persAn-
xx 2
î48 JOURNAL DES SAVANS,
nages étoiem vêtus suivant Jeurs rôles. Des actrices jouoient les rôles
de femme; de jeunes garçons les remplaçoîent souvent, quand il étoit
question de personnages plus graves , comme des prêtresses et d'autres
semblables. Quant au jeu des acteurs , il est aussi régulièrement mar-
qué que dans nos pièces. On indique les à parte, souvent même le sen-
timent qui doit animer le personnage. Le changement de lieu doit lais-
ser quelquefois le spectateur dans l'embarras ; mais on a vu plus haut
que le théâtre indien a un employé spécialement destiné à prévenir
toute erreur à cet égard.
. L'importance des recherches de M. Wilson sur un sujet si intéressant
pour la littérature, nous a entraînés dans une analyse trop étendue, pour
que nous ne soyons pas obligés de renvoyer à un second article l'exa-
men des vingt-neuf pièces que ce savant infatigable nous a fait con-
noître par des traductions complètes ou par des extraits.
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
Bibliothèque choisie des Pères de l'église grecque et latine, ou
Cours d'éloquence sacrée , par Ai. Marie-Nicolas-Silvestre
Guillon, professeur d'éloquence sacrée: 26 vol, ///-<?/,
1 724-1 72p. Paris^ Méquignon-Havard , libraire , rue des
Saints-Pères, n.° 10.
SECOND ARTICLE.
L'auteur du Cours d'éloquence sacrée a exposé , dans plusieurs
discours successifs , quelques-uns des principaux événemens politiques
et plusieurs faits de l'histoire ecclésiastique qui eurent de l'influence sur
les talens et sur les succès des Pères de l'église : sans doute il auroit pu
rattacher davantage aux analyses et aux traductions de leurs nombreux
ouvrages , l'état successif de la littérature et de la civilisation , dont les
effets ont influé tour-à-tour sur l'éloquence sacrée, depuis le commence-
ment de l'ère chrétienne jusqu'à nos jours. Cette grande entreprise a
occupé pendant quelque temps un littérateur distingué, dont l'érudition,
le talent et le goût promettent un ouvrage aussi instructif qu'intéressant ,
s'il est permis d'en juger par quelques fragmens déjà publiés ; il doit
JUIN 1830- 349
être intitulé : Histoire de la société chrétienne pendant les six premiers
siècles de notre ère.
J'eusse désiré qu'une pensée principale, appropriée au travail de
M. l'abbé Guîlion, en eût vivifié l'ensemble, et en eût lié (es principaux
détails. Ainsi , quand S. Jérôme forma le projet de publier une histoire
ecclésiastique depuis J. C. jusqu'à son temps» il énonça en ces termes
ia pensée dont cet ouvrage devoit être le développement:
ce L'église de J. C. s'est accrue par les persécutions; c'est par le
» sang de ses martyrs qu'elle a acquis ses couronnes. Depuis que,
» protégée par les princes chrétiens 9 elle a augmenté en puissance et
» en richesses, elle a diminué en vertus (1 ). »
M. l'abbbé Guillon a cru sans doute qu'il n'étoit pas nécessaire de
rapprocher et de coordonner les nombreuses parties de la Bibliothèque
choisie , sous le lien commun de ces idées dominantes, qui fécondent
toute une composition, comme on en voit un exemple dans le Discours
de Bossuet sur l'histoire universelle; mais il a suppléé, en quelque sorte,
à cette absence par les divers discours préliminaires placés en tête de
plusieurs volumes : fat distingué particulièrement celui qui ouvre le
tome X ; ce morceau prouve que M. l'abbé Guillon auroit pu remplir
avec succès la tâche que j'indique.
Pour faire connoître l'importance de son travail , je ne puis pas
même recourir à une analyse, quelque courte et serrée qu'elle pût être.
Je me résous donc à choisir quelques-uns des points principaux qui le
caractérisent.
J'examinerai d'abord un genre d'éloquence qui appartient spéciale*
ment aux orateurs sacrés, et qui a été à-Ia-fois créé et perfectionné par
les Pères de l'église , je veux dire , l'oraison funèbre.
Dans un excellent morceau de littérature, que M. Villemain a
vraisemblablement détaché du grand ouvrage qu'il avoit entrepris sur
l'éloquence des SS. Pères, cet habile professeur a indiqué et jugé les
oraisons funèbres de S. Grégoire de Nazianze, de S. Grégoire de
Nysse , de S. Ambroise, de S. Jérôme, et, pour mieux faire apprécier
ces compositions religieuses, il a rappelé les discours que les prêtres de
l'Egypte prononçoient lors de la sépulture de leurs rois , et les éloges
funèbres que la Grèce avoit établis en honneur des guerriers morts pour
la défense de la patrie; il a eu ia sagesse de douter des premiers, et fe
talent de juger les autres en vrai littérateur.
(1) Bibliothèque choisie , tonu XX , pag. 365.
350 JOURNAL DES SAVANS,
Mais les orateurs chrétiens choisissoient des sujets d'éloges bien
différons de ceux cjue traitoient les orateurs grecs.
Chez les Grecs , l'éloge funèbre étoit consacré à retracer le dévoue-
ment d'une armée entière ; en célébrant quelquefois une seule action
guerrière, l'orateur ne s'a rrê toit au nom d'aucun des citoyens qui
s'étoient immolés à la cause publique. Au contraire, chez les chrétiens,
l'oraison funèbre fut destinée à célébrer le dévouement religieux , toute
la vie, d'un homme vertueux; du haut de la chaire de vérité, au milieu
des cérémonies funèbres et des pompes <ie la mort, dans le temple
saint, en présence du Dieu qui devoit récompenser le citoyen qui étoit
l'objet des regrets publics , l'orateur sacré faisoit le récit de sa vie , qui
devenoit une leçon et un encouragement pour tous les fidèles;
la tain te assurance où l'auditoire étoit que le héros pieux avoit obtenu ,
dans une vie nouvelle et sans fin, la récompense méritée dans une
première vie, inspiroit à l'orateur et aux auditeurs des idées d'un
ordre élevé et religieux, qui exerçoient une heureuse influence sur leur
plropre vertu. Qu'est-il besoin d'insister sur cette extrême différence de
sujets ! aux yeux du littérateur, comme aux yeux du chrétien , il y a
toute la distance de la terre au ciel.
S. Grégoire de Nazîanze est l'orateur dont il reste les oraisons
faqèbres les plus remarquables.
* ©aris ces compositions religieuses , conservant tout l'éclat de son
tdfêr^t, mais s'abandonnant plus souvent aux inspirations de son cœur
qu'à celles de son imagination , il parloit presque toujours avec une
noble simplicité , qu'il savoit allier avec l'élégance et des mouvemens
heureux : ses apostrophes nobles et vives ne sont pas de simples figures
oratoires; ce sont les épanchemens d'un cœur attendri.
Je dois pourtant avouer que j'aurai occasion de rapporter un passage
où l'orateur sacré m'a paru trop se complaire en des descriptions un
peu affectées, qui appartenoient plus à la satire des mœurs qu'au
langage apostolique. Mais je ne serois pas surpris qu'en jugeant
S. Grégoire de Nazîanze sous le seul Tapport littéraire, on donnât la
préférence à ses oraisons funèbres sur ses autres compositions oratoires.
Ii débuta par celle de son frère Césaire, qui , étant chrétien et osant
avouer et professer sa religion à la cour de Constance et à celle de
Julien, fut enfin réduit à perdre son rang, ses dignités et sa fortune,
pour ne pas manquer à ses devoirs.
Parmi les auditeurs de S. Grégoire de Nazîanze, se trouvoient son
père , sa mère, sa sœur, de nombreux parens et amis; aussi, dès ses
premières paroles, il excite le plus vif intérêt : c< Tendres amis , mes
JUIN 1830. ■»'. 3f i
» frères , mes pères , vous dont j'aime tant à reconnoître et à publier
» l'affection ! vous tous devant qui j'ai l'honneur de parler, témoins
» des. larmes que me fait répandre la perte de celui que nous pleurons!
» . . - . Vous êtes venus vous réunir à moi pour soulager notre corn-
» m une douleur en (a partageant , m'ofTrir les consolations de l'amitié,
» et déplorer vos calamités personnelles en les associant à mon deuil
» particulier. »
Après avoir exposé les brillantes qualités et les nobles vertus de
Césaire , il s'adresse à son père et à sa mère ; et en rattachant , avec
autant de tendresse que d'habileté, sa propre destinée à la leur, il
s'écrie :
« Combien avons-nous encore -à attendre , ô vieillards vénérables !
» avant d'aller nou* unir à Dieu! combien nous restetil d'épreuves à
» subir! de combien Césaire nous a- mI devancés ! combien avons-
» nous encore de temps à pleurer son départ du milieu de nous î ne
3» marchons-nous point, et à grands pas, vers la même demeure!
» n'allons- nous pas tout-à- l'heure entrer sous la même pierre! ne
» serons-nous pas bientôt une même cendre ! Que gagnerons- nous à ce
» surcroît de peu de jours ! quelques maux de plus à voir , à souffrir,
-o peut-être à faire nous-mêmes. »
Bientôt S. Grégoire de Nazianze eut à exercer son talent dans
l'oraison funèbre de sa sœur , S.n Gorgonié ; j'en choisis le trait sui-
vant , parce qu'il indique les mœurs de l'époque. C'est de ce passage
que j'ai dit qu'on croyoit entendre le poète satirique plutôt que le
panégyriste sacré :
ce Avec tous les avantages de la nature , on ne la vit jamais occupée
» du soin de relever l'éclat de sa beauté par la richesse des ornemens;
» nul empressement à faire ressortir ses blonds cheveux par les apprêts
» menteurs d'une toilette plus propre à déshonorer qu'à embellir la
» beauté même ; point d'habits flottans et remarquables par la magni-
»ficence; point de ces pierreries dont les feux étinceians au- dehors
» appellent les regards sur celles qui les portent ; jamais elle n'eût
» souffert qu'un pinceau imposteur, rival insolent de la divinité,
» dégradant des traits naturels par des agrémens payés à si vil prix,
» et ajoutant, pour ainsi dire , à son visage, un visage étranger ,
» dérobât sous un masque hypocrite l'œuvre du créateur . . • Ses joues
» ne connoissoient d'autre rouge que celui delà pudeur, d'autre blanc
» que celui qui vient de l'abstinence. »
Gorgonié avoit reçu le baptême seulement quelques jours avanFsa
*
)j2 JOURNAL DES SA VANS,
mort , sa vie toute entière avoit été une longue préparation il cette
solennité religieuse ( i ).
J'observerai ici que, dans son quarantième discours , dont le baptême
étoit le sujet, S. Grégoire s'élève contre la coutume où l'on était alors
de ne se présenter au baptême qu'à un âge très-avancé, et quelquefois
même aux derniers instans de la vie.
Je dois ajouter que S. Basile et S. Grégoire de Nysse professèrent la
même opinion au sujet des chrétiens qui différaient leur baptême.
En 374» S. Grégoire de Nazianze fit l'oraison funèbre de son père,
qui avoit été évêque de cette ville. S. Basile étoit présent à la cérémonie,
et ce fût à ce personnage vénérable que l'orateur adressa directement la
parole : cette forme est passée ensuite en usage parmi les orateurs
modernes , qui, dans leurs discours funèbres, parlent non à l'assemblée
des chrétiens que réunit la solennité mortuaire, mais à un personnage
distingué à qui on paie quelquefois un tribut d'éloges, tout en attestant
le néant des choses de ce monde. Voici le début de l'oraison funèbre
du père de S. Grégoire :
ce Homme de Dieu , serviteur fidèle et dispensateur éclairé des divins
» mystères ! . . . d'où venez-vous ! dites-moi quel motif a guidé vos
»pas en ce lieu, quel avantage recueillerons-nous de votre présence!
» Je sais bien que , dans toutes vos démarches, c'est le mouvement de
» l'esprit de Dieu qui vous dirige, le zèle de sa gloire qui vous anime ,
i» l'intérêt de vos frères qui vous amène au milieu d'eux. »
Après ces diverses oraisons funèbres , S. Grégoire de Nazianze
prononça, en 381, celle de S. Basile le Grand, archevêque de Césarée.
Vers la fin de son discours, S. Grégoire de Nazianze, qui mettoit
beaucoup d'art et de délicatesse à parler de lui-même en célébrant les
autres , s'écrie :
« Il est maintenant dans le ciel ; là , sans doute , il offre des sacri-
» fîces , il prie pour son peuple ; car en s'éloignant de nous, il ne
» nous a pas abandonnés. Mais Grégoire, son ami, mais moi, que
» cette cruelle séparation condamne à survivre à la plus douce partie
»de moi-même , traînant désormais une vie triste et languissante, que
» vais-je devenir, privé de ses salutaires leçons! Mais nop, il ne m'a pas
*> délaissé; durant les songes de la nuit, sa voix m'avertit encore et me
» reprend, sitôt que je m'écarte du devoir. »
Plus tard S. Grégoire composa , à la louange de S. Athanase ,
(1) BibL choisie, tom. VI , pag. 424.
JUIN 1830. jjj
patriarche d'Alexandrie, un discours qui es(*plutôt un panégyrique
qu'un éloge funèbre, et ii le termina par ces mots :
m Pontife respectable et cher, vous qui , entre autres qualités émi-
» ne n tes , connoissiez si bien quand ii faut parler ou se tairtel. . . .
» permettes que j'arrête ici ce discours. . . . Du haut du ciel , jetez sur
» nous un regard favorable; continuez de gouverner ce peuple. »
S. Grégoire de Nazianze avoit un grand et beau talent, parce qu'il
éftôirdoué d'une sensibilité vraie et animée. J'anyi peut-être occasion de
parler de ses poésies, et je ne crains pas d'annoncer que la sainte indi-
gnation qui les inspira et la chaleur qui les distingue lui méritent comme
poète le titre de Juvénaf chrétien. *
Je citerai encore une oraison funèbre qui cependant n'en porte pas le
titre; c'est le discours de S. Àmbroise, archevêque de Milan, sur la
mort de l'empereur Valentinien II , étranglé à Vienne par Arbogaste :
H fût prononcé en présence de trois sœurs de l'empereur, dont l'une
étoit l'impératrice Galla , épouse de Théodo'se ; et quoique Valentinien
eût péri rans avoir reçu encore le baptême , l'orateur n'hésita pas à le
célébrer comme un habitant du séjour céleste. II y a du talent et de
l'adresse dans la manière dont le saint archevêque de Milan rappelle la -#
circonstance malheureuse que le prince étoit mort sans avoir reçu le*
sceau du chréiien.
• « Le motif encore de votre affliction, je vous entends, c'est qu'il
n n'avoit point reçu le sacrement du baptême : je réponds ; qu'y a-t-il
» autre chose qui dépende ck nous que de vouloir et de demander ! II
»y avoit long-temps qu'il le demandoit, même antérieureitfcnt ît son
» arrivée dans l'Italie; et tout récemment, £étoit pour cela qu'il m'avoit
» appelé près de lui. Quoi donc! n'aura-t il pas la grâce qu'il a de*
9 mandée! la solliciter, c'est l'obtenir.
» Si c'est le défaut d'une solennelle célébration cje$ saints mystères
» qui cause de la peine, je réponds: dans ce cas, les martyrs qui
» n'ét oient que catéchumènes n'ont donc point droit à la couronne l
s> Mais si le sang des martyrs est pour eux le bain du baptême, coji-
» cluons de même pour Valentinien, que sa piété et sa bonne volonté
» lui en ont. tenu lieu (1). »
L'idée que j'ai tâché de donner de ces oraisons funèbres , suffira sans
doute pour faire apprécier les orateurs qui créèrent et cultivèrent ce
genre d'éloquence. Je ne nArrêterai pas sur les panégyriques composés
par S. Basile le Grand, par S. Grégoire de Nysse, et par d'autres
(1) Biùt. choisie, toîn. IX, pag. 430..
354 JOURNAL DES SAVANS,
SS. Pères , ni sur quelqgps lettres de S. Jérôme , qui sont de véritables
éloges funèbres. ■
Ces diverses compositions offrent tpujours le mérite du genre et
souvent, le caractère de la vraie éloquence.
Si j'avois II assigner quelques-unes des causes qui iqfluèrent sur fcf
talent et sur les succès drs Pères de l'église, j'indiquerais d'abord leur
intime conviction des vérités du christianisme, et I espérance inébran-
lable qu'ils avoient d'obtenir, dans une vie sans fin > la récompense de
leur zèle et de leur détouement religieux. Ainsi les sentiraens élevé*
qui fàisoient les martyrs faLoient aus.si les orateurs.
Sans ^appeler ici les noms connus des écrivains sacrés qui scellèrent
de leur sang la croyance et les maximes qu'ils professoient dans leurs
discours et dans leurs ouvrages , tels que S. Irénée, S. Justin, S. Cy«
prien , &c. &c. , je me bornerai à dire que les persécutions , loin cf abattre
le courage, devenoient, par le dévouement et l'exaltation de l'orateur,
des moyens d'éloquence; j'en citerai un exemple remarquable.
S. Ignace, évéque d'Antioche , martyr désigné, est conduira Rom*
pour y subir la mort ; craignant que les chrétiens de cette ville m
. tentent de le sauver du supplice, il leur écrit :
« Si vous m'aimez d'une charité vraie, vous permettrez que faille
» jouir de mon Dieu. Je n'aurai jamais une occasion aussi favorable de
» me réunir à lui. . . ; ni vous , non plus, jamais vous n'aurez I honneur
» d'une oeuvre meilleure;- il s'agit de ne point solliciter Dieu contre
» moi. Si vous ne parlez pas de moi, si vous demeurez en repos, j'irai
» h Dieu : au. contraire, en vous livrant •une fausse compassion pour
m cette misérable chair,."... vous me faite* rentrer dans (a carrière»
» Eh ! pouvez-vous me procurer un plus grand bien que d'être immolé
» à Dieu quand l'autel est dressé!. . . • Vous ne portâtes jamais envie
» à personne; ne m'enviez pas ma félicité. ... ; ne vous occupes que
» du soin de m'obt.nir par vos prières le courage dent J'ai besoin pour
» résister aux attaques du dedans et repousser celles du dehors, afin
» que je ne sois pas évêque seulement en paroles, mais en œuvres,
» . . . . J'écris aux églises et leur mande à toutes que Je vais à la mort
» avec joie , si vous n'y mettez point obstacle. Je vous en conjure , ne
y m'aimez pas il contre- temps. Que j'aille servir de pâture aux lions et
» aux ours; ce sera un chemin plus court pour arriver au ciel : je suis
» le froment de Dieu ; puisse- je être mot^u par les dents des bétes ,
* pour devenir un pain digne d'être offert à Jésus-Christ!. . . . qu'elles.
» me dévorent tout entier ! . . . . Je ne vous commande pas, ainsi que
»pouvoient le faire Pierre et Paul: ils étoient apôtres; que suis-;e,
r
/
JUIN 1830. 3î j
«mot, sinon un homme-condamné par les hommes; ils étoierit libres-, •
» je suis encore esclave. . .*. Mais je deviendrai l'affranchi de Jésus*
» Christ ; aloij je ressusciterai k la vraie liberté .... Dieu veuille que je
» jouisse des bére> qui fne sont préparées ; que je les trouve ardentes
» et avides de leuç proie. ... ! pardonnez-moi, je connois mes intérêts.
» . . *• Que je sois consumé par le feu; que je meure de la mort lente
» et cruelle de la croix ; Çue je sois mis en pièces par les tigres et les
» lions affames; que mes os soient dispersés, mes membres meurtris 9
» mon corps broyé ; que tous les démons épuisent sur moi leur rage;
» je suis prêt à endurer avec joie tous les supplices, pourvu que je
«jouisse de Jésus-Christ. . . . Si, étant arrivé auprès de vous, j'allois
9 me laisser intimider par l'appareil du supplice, soutenez mon courage.
» Rappelez-vous* seulement ce que je vous écris à cette heure , ou Je *
» vous écris dans une pleine liberté d'esprit et n'aspirant qu'à mourir. »
Après ce langage éloquent d'un évêque qui non-seulement se
résigne au martyre, mafs encore craint de ne pas l'obtenir et se précipite.
feri^t supplice, je citerai celui du savant cénobite qui, rigide pour lui-
même , exige d'un jeune chrétien le dévouement le plus absolu»
S. Jérôme écrivant à Héliodore pour l'appeler au déa?rt, lui dit :•
<* Souvenez-vous du jour où, enrôlé sous son étendard et enseveli
• avec Jésus-Christ par le baptême, vous vous engngeâtes à le servir
»et à sacrifier père, mère, s'il le falîoit. Le moment est arrivé : le
» démon, au fond de votre cœur, travaille à renverser Jésus-Christ.
» Quelques efforts que l'on fasse pour s'opposer à .votre généreux
» dessein, dût une mère venir , les cheveux épars et les habits dé*
3»chirés, vous supplier avec larmes; dût un père, prosterné à vos
» pieds, vous faire une "barrière de son corps, franchissez tout, et;
«courez, l'œil sec, intrépide, vous ranger sous l'enseigne de la croix.
» C'est une sorte de. piété cFétré cruel dans ce cas , et ce n'est qu'alors
» qu'il est permis de l'être. Un jour viendra. ... où vous entrerez dans
» la céleste Jérusalem , avec la couronne promise au généreux soldat..
» Alors devenu , avec S. Paul, citoyen du ciel , vous y demanderez (•
«droit de cité pOUr vos *parens et pour moi-même, qui vous aurai mis
» sur fa voie de la victoire.»
Cest Iveçde telles pensées et de tels sentimens qu'un orateur élevoit
son langage à la hauteur de l'éloquence, sur- tout quand des études
préliminaires avoient déjà préparé ou fécondé son talent, ce qui ne .
manquoit pas aux Pères de l'église : ceux qui ont écrit avec le plus da
succès .étoiént excellfcns littérateurs, et souvent profonds érudits.
H me seroit aisé de présenter un tableau détaillé de l'érudition et de
yy 2
I
35$ JOURNAL DES SÀVANS,
la littérature de fa plupart des SS. Pères et des écrivains sacrés; il me-
"suffira sans1 doute de rassembler quelques traits que j'emprunterai soit
à leurs ouvrages et à leurs biographies, soit à 'la Bibliothèque choisie
de M. l'abbé Guillon. • • -
-Tertullien parle de S. Irénée , évéque de Lyon» comme d'un prodige
d'érudition et de connoissances (i ). .^ ■
M. l'abbé Guillon ajoute : a En effet, S. Iaénée avoit lu, et bien lu ,
a» tous les poêles et tous les philosophes de l'antiquité f ce qu'on re-
» connoît non- seulement aux fréquentes citations qu'il en fait, mais
» encore à une certaine sève d'imagination , puisée à ces sources, et qui
» répand, sur l'ingrate matière qu'i| traite, des ornemens que Fon n'y
«attendoit pas (2). » #.
« Après avoir étudié avec un grand succès sous Àroobe, Lactanco
devint professeur dans la ville de (licomédie, et enfin l'empereur
Constantin le choisit pour précepteur de son fils Crispe César.
S. Cyprien fut justement vanté pour $es talens' oratoires ; S. Augustin
a dit de lui qu'il offroit le modèle des trois genres d'éloquence , ûÊÊà *
cité en preuve plusieurs passages de ses discours. S. Cyprien ayant
fait à Carthage sesjétudes littéraires, s'étoit d'abord destiné au barreau;
là ville de Carthage désira l'avoir pour professeur d'éloquence, et il
. obtint la plus grande réputation dans cet emploi , qui étoit une sorte
de dignité ; aussi» quand il fut appelé à i'épiscopat et à la prédication, il
y porta un talent déjà exercé et même entièrement formé.
S. Grégoire Thaumaturge , évéque de Néocésarée , avoit étudié à
Béryte, où existait une célèbre école de droit romain; ensuite il avoit
pendant cinq ans suivi les leçons cTOrigène.
S. Hilaire, évéque de Poitiers, dont S. Jérôme a dit qu'il étoit le
Rhône de l'éloquence latine (j), étudia dans les Gaules à une époque
où la littérature latine y étoit encore très-florissante.
S Grégoire de Nazianze et S* Basile avoient fréquenté ensemble
dans Athènes les écoles, qui y étoient très-célèbres; quand S. Grégoire
résolut de quitter cette ville , on espéra l'y retenir en lui proposant
une chaire. • • ..
La Bibliothèque choisie ne contient qu'une fégèrejndication du dis-
cours que S. Basile le Grand, devenu archevêque de Césarée? adressa
aux jeunes gens sur l'utilité qu'ils pouvoient retirer de la lecture des
livres profanes. •
•
(1) Omnium doctrinarum cur'msissimus explorator. — (2) Tom. I , pag« 160.
— (3) Eloquentiœ latin* Rhodanuu
#
. ^ JUIN .1830. •' 357
M. l'abbé Guillon convient que ce discours est un des plus célèbres
de S. Basile. II est sans doute permis de regretter que la Bibliothèque*
choisie ne fasse connoipe cet ouvrage que par une très-courte analyse ,
eique M. l'abbé Guillon n'ait pas traduit quelques-uns des passages' les
plus remarquables et les plus intéressons ; du marins le discours Tiiême
prouve suffisamment que S. Basile s'étoit beaucoup ^appliqué à la
lecture des écrivains profanes grecs et latins , et Ton ne peut douter que
cette érudition classique n'eût heureusement influé sur ie développe-
ment de son talent oratoire.
S. Grégoire, évèque de Nysse, frère de S. Basile, avoit été professeur
d'éloquence. JI étoit très-érudit et très-habile orateur : dans le second
concile de Nicée, il fut appelé le Pire des Pères.
S. Ambroise , né dans les Gaules , y avoit fait son éducation littéraire; .
s'étant d'abord consacré au barreau, il avoit obtenu, dans cette
carrière , les plus grands succès , qui lui avoient mérité d'être appelé à
d'honorables dignités.
S. Jean Chrysostome fut disciple du célèbre rhéteur Libanius, qui,
attaché au paganisme , . n'en accorda p^s %noins son estime et son
admiration à son élève, quoique déjà il reconnût en lui l'ennemi futur *ûg£
de l'ancien culte, auquel ce maître tenta vainement de le ramener/' •
S* Jean Chrysostome s'étoit distingué à Antioche dans la carrière du
barreau. •
S. Augustin, d'abord professeur d'éloquence àTagaste et à Carthage,
le fut ensuite à Milan.
M. l'abbé Guillon reconnoit combien les lettres profanes av^tat
été utiles au talent de ce Père de l'église : ^^
ce S. Augustin, dit-il, n'en reconnoit pas moins que la lecture des
*> poètes lui fut d'une grande utilité ; que non-seulement elle avoit
j» perfectionné son langage, mais qu'elle avoit développé les faculrêi
»de son esprit, sur-tout celle de l'invention, qui fait les génies
» créateurs. Elle lui communiqua aussi cette sublimité de pensées et
» d'expressions qui élève la nature au-dessus d'elle-même , la facilité à
» s'exprimer .avec élégance et à rendre les choses de la manière qui
» convient, le talent d'employer dans l'occasion les traits forts et hardis
» et les images pittoresques. »
S. Jérôme étudia les lettres grecques et latines dans Rome, où H
eut, entre autres maîtres, le rhéteur Victorin et le célèbre grammairien
Donat , commentateur de Virgile et deTérence: ensuite il entreprit
plusieurs voyages; H parcourut les Gaules et les provinces de l'Asie
i
35$ JOURNAL EES SAYANS, % •
mineure, visitant les savans et ramassant les Jivpes. A Constantin opte ,
•M écouta les leçons de S. Grégoire de Nazianze. •
J'ai remarqué avec plaisir que S. Jérôme, parlant de trois passages
de poète» grecs, cités par S. Paul sans désignation de nom^ nous
apprend que le passa p* de Tépître à Tite sur les Cretois ( i ) , ctyipitre l >
vers* 12, est tiré d'tpiménide; que cefui des Actes des apôtres ia) ,
tihap.XVJl, vers. 28, est emprunté d'Aratus , et qu'ailleurs S. Paul a
exprimé une pensée qui offre la traduction d'un vers de Ménandrè.
II est assez remarquable que Rufin, blâmant S, Jérôme de cultiver
encore Ja littérature profane, Faccusoit d'expliquer Virgile et d'autres
sfttteurs de Tantiquité, à des jeunes gens auxquels .il • donnait des
leçons , et encore d'occuper des religieux à transcrire des manuscrits
de littérature grecque et latine.
S. Paulin , éyéque de Noie , né dans les Gaules , s'étoit formé à fa
littérature et à l'éloquence sous Ausone, son compatriote et son ami;
il resté d'honorables preuves du talent et du goût dte ce prélat poiff la
poéfie.
Synésius, archevêque déÉJ^olémaïde, avoitété disciple de la fameuse
(te d'Alexandrie, fille de Théon; il étoit devenu un savant plato-
Dirai-je que plusieurs des Pères de l'église et des écrivains sacrés
cultivèrent avec quelque succès, les uns la poésie grecque, les autres
la poésie farine ! Si tous n'y montrèrent pas le même talent , du moins
leurs compositions attestent leur goût poétique, ainsi que l'étude qu'ils
tIMJtat faite des lettres profanes. ~
^Pjts qu'il soit nécessaire de plus grands développemens , j'ose dire
qnft ^instruction littéraire de plusieurs Pères de l'église fut une dea
effrites qui favorisèrent leurs succès oratoires^
». Les prédicateurs étoient d'ailleurs excités par les applaudissement
£jE£l*ordinaires , par les acclamations qui souvent interrompoient leurs
«(•cours, et qui devenoient un moyen d'émulation. *
:M* lab^é Guiffon rapporte ou indique divers textes qui constatent
Tu^ageTtù les fidèles étoient de témoigner, dans le temple même, par
dét jtppjaudissemens réitérés, par des acclamations prolongées, soit
f adhésion aux principes' exposés par l'orateur sacré, soit l'admiration
.(Y; Dixit quidam ex Mis, proprius ipso ru m prvphetcL: <* Creenses setnper
rLJnetodaceSj .maltr bestiar , ventres pîgri. » — (2) In ipso enlm vivhnus et
ntêvctour et sumus > sicut et quidam vestrorum poetarum dtxerunt : « Ipsius enitn
» ete-genus su irîus, »
JUIN- 1 £30. "" 359
qu excitqjf son éloquence ; mais il s'en faut beaucoup qu'il ait fait con-
nofcre la plus grande partie des faits qui démontrent que cet usage a
existé long-temps et dans la plupart des pays de ia chrétienté.
Le rapprochement que je me proposé de faire de divers passages*
prouvera combien cet enthousiasme de l'auditoire animoit et fortiftoit
forateftr dont le discours, ordinairement improvisé, étoit souvent
transcrit par des#séméiographes qui p renoient leurs notes dans Téglfra
même.
Sans do U te les nombreux et divers détails de la Bibliothèque" choisie
^ peuvent fournir matière à quelques observations critiquas, et je ine
propose d'en" présenter ; mais je crois que plus on examinera .attentive*;
ment le travail de M, l'abbé Guilton , plus on en reconnoîtra le mérite
et l'importance.
■ * RAY'NOUÀRD. :/,
Memoirs of the emperor Jatiangueir, written by himself. and
translate d ftom a persian manuscript , by major David
Prlce , &c. — Mémoires de l'empereur Djéhanghir , écrits par
lui-même , et traduits d'après un manuscrit persan , par le
major David Price. Londres, iSzpf 1 4 ï pages jn-jf.§ -
r m
Le traducteur de l'ouvrage que nous entreprenons de faire connotcre,
observe, dans un avertissement extrêmement court , que le manuscrit
dont il s'est servi ne porte aucun titre; toutefois il pense que c'est , oit
du moins à peu de chose près, le même ouvrage que celui dont'
M. James Anderson a publié, à Calcutta , dans le tome II de VAsiatik
Afisccllany , quelque» frapnens sous le titre d9 Extraits du Toozvk M
JEHANGEERI j^Xlil^ab cslj jj , ou Mémoires de Djéhanghir , écrits par
lui-même, et contenant V histoire des événemens appartenant aux treize
premières années de son règne* Il ajoute que M, Anderson a annoncé lui-
même que son intention étoit de donner seulement un petit nonfBre de
fragmens de ces mémoires ; et en effet, dit-il, si l'on compare ces extrait!
avec le présent Quvrage , on reconnoîtra qu'il a souvent omis des pages
entières entre divers faits dont" le récit se trouve aussi bien dans le^
extraits donnés par M, Anderson que dans le manuscrit dont M. Prîo^
publie la traduction. *
3*p JOURNAt ©ES SAVANS,
" ■ Nous regrettons cjue M. Price se soit borné à cette légère indication ,
et,qu'il n'ait pas jugé convenable (f examiner et de faire connoître avec
plus de détail les rapports qui existent effectivement entre ces deux
publications. M. Anderson ayant publié le texte avec la traduction des
morceaux qu'il a choisis , on auroit vu avec plaisir que M. Price donnât
une page ou deux de son manuscrit dans la langue originale, afiiî qu'on
put établir une comparaison entre le texte de ce trjanuscrit et celui
dortt M. Anderson a fait usage. En supposant que M. Price ait suivi
exactement, dans sa traduction, la rédaction du texte qu'il avbit sous les
yenx, nous sommes très^portés à penser qu'il y a des différences
notables entre les deux textes. Comme il nous est impossible de vérifier
notre conjecture à cet égard, nous nous bornerons à l'examen critique
qu'il est possible de faire en comparant la traduction de M. Price avec
les. extraits publiés par M. Anderson. Mais il convient d'examiner
d'abord si Djébanghir a effectivement écrit lui-même des mémoires sur
son règne. -» • . '
Ce fait nou^paroît suffisairfment établi par M. Fr. Gladwin, qui ,
dan* le tome J.er 4e son Histoire de I'Hindoustan durant les règnes de
Djéhanghir, de Schah-djihan et <T Aureng-zeb , publiée en anglais k
Calcutta ,' en 1 7 8 8 , et rédigée d'après un grand nombre (de manuscrits
et de documens originaux ( 1 ) , s'exprime ainsi :
« Djéhanghir possédoit 4d'assez grands talens littéraires. II ajouta
«quelques chapitres, écrits en langue turque, aux Mémoires de fem-
» pereurflaber. II écrivit aussi, en langue persane, ses propres mémoires,
x> contenant , avec un détail minutieux, tout l'exposé de sa conduite et
* de sa vie , soit politique, soit privée , depuis le commencement de son
» fègne jusqu'à la fin de la douzième année. Ces mémoires sont
» admirés pour la simpticité, l'élégance et la pureté du style, et*
\rf;Djéhanghir paroît en général y avoir exposé fidèlement et avec beau-
4^ coup de candeur ses extravagances et ses foiblessés. Les mémoires de
* ces douze premières années de son règne é^jfet terminés, il en fit faire
» plusieurs copies, qu'il distribua h ses enfàns et aux principaux officiers
* de sa cour. Ensuite il continua ces mémoires de sa propre main , jus-
» qu'au commencement de la dix-septième année de son règne : à cette
m épo^be, -l'état de sa santé ne lui permettant plus de se livrer lui-
dtaàarti
(l) Noos ignorons si le second volume, qui devoit contenir les deux derniers
jègnês 1 a été donné au public. Nous en doutons, parce que le catalogue de la
riche bibliothèque de feu M. Langlés n'indique que le premier volume de cet
outrage.
*'*
JUIN I 830.
Texte donné par M. Anderson. Traduction de M. Price.
i*P
dans la demeure du dervisch , afin
que je vinsse au monde chez lui.
Après ma naissance, on me nomma
Su f tan Silïm. Cependant je n'ai
jamais entendu mon père , soit
dans l'ivresse, soit dans son bon
sens, m'appeler Mohammed Sélim,
ni Sultan Silim. II ne m'appeloit
Jamais , en m'adressant la parole ,
que Baba.
il feroit à pied tout le chemin qu'il
y a de la capitale , c'est-à-dire ,
d'Agra à Adjmir , distance qui
n'est pas moins de i4° coss , dans
la seule vue d'aller porter seù vœux
et ses offrandes au tombeau du
saint personnage. Comme la ré-
solution de mon père partoit d'un
cœur sincère, six mois précisé-
ment après la mort du dernier de
mes frères morts enfans , le ven-
dredi 17 de rébi i.cr de l'an 978
de l'hégire, le soleil étant dans le
a4.e jour de la balance , et 7 garri
du jour étant déjà passés , le très-
haut fit entrer sur la scène de
l'existence l'humble auteur de ce
récit.
Fidèle à ses engagemens , mon
père, dont le séjour est à présent
dans les demeures célestes, accom-
pagné de quelques-uns des émirs
les plus considérables de sa cour,
partit d'Agra; et faisant route à
pied, à raison de cinq coss par
jour, il se présenta lui-même, à
son arrivée à Adjmir , devant la
tombe qui renferme les restes de
Moïn-eddin. Quand il se fut ac-
quitté de ses dévotions , il se mit
sur-le-champ en devoir d'aller
trouver le dervisch à la piété et jpuc ,
mérites duquel' il étoit redevable;
d'avoir obtenu l'objet de ses ar*
dentés supplications. Le pieu* .
reclus se nommoit Schéikh Se tint.;
et mon père, s'élant rendu £ sa.
demeure, me mit entre ses bras,
Zz 2
o
iU
JOURNAL DES SAVANS,
Texte donné par Af. Anderson.
Mon père considérant le village
de Sien, oit j'avois pris naissance ,
comme un lieu de bon augure ,
en fit la capitale de son royaume;
amsi , dans un espace de quatorze
om quinze ans , cette montagne
pleine de lieux en friche devint
Traduction de Ai. Price.
le suppliant de prier Dieu pour la
conservation de ce cher enfant. Ce
n'est pas tout : mon père , dans le
cours de sa visite , se hasarda à
demander au dervisch s'il pourroit
lui dire le nombre des fils que la
providence du Tout-puissant avoit
résolu de lui accorder* En ce
moment le dervisch , exalté par la
présence auguste du prince dont
il recevoit la visite, n'hésita point
à répondre à mon père que la
bénédiction de la providence lui
accorderoit trois fils. J'ai déposé,
s'écria mon père , le premier né des
trois dans ton sein. Béni s oit- il!
reprit le dervisch , et puisque vous
ave% remis cet enfant entre mes bras,
je l'ai nommé Mohammed Sélim.
Mon père, acceptant ces témoi-
gnages d'intérêt de la part du
dervisch , comme d'heureux au-
gures très- favorables à ses espé-
rances , retourna à sa capitale ,
d'où il continua à entretenir en-
suite, durant l'espace de quatorze
ans, une correspondance et de$
rapports très-intimes avec ce saint
reclus,
( Le traducteur observe qu'il
paroît y avoir ici quelque omission
dans le manuscrit, attendu que
l'auteur passe ex abrupto à s'oc-
cuper du village de Sien , auquel ,
dit-il, son père , en mémoirede la
conquête du Guzarate, donna Iq
•
JUIN 1830. 3<£
Texte donné par M. Anderson. Traduction de M. Price.
une ville pleine de grands édifices,
de jardins, de maisons de plaisance
et de lieux charmans. Après ta
conquête du Guzarate, elle fut
nommée Fétahpour.
Quand je fus devenu empereur,
il me vint dans l'esprit que jedevois
changer mon nom, parce qu'on
pouvoit le confondre avec celui
des souverains de Roum. Une sorte
d'inspiration céleste m'ayant dit
que la fonction des empereurs est
la conquête du monde , je pris le
nom de Djihanghir ; et comme
j'avois pris possession du trône
au moment du lever du soleil et
lorsque le monde devenoit éclairé
par la lumière de cet astre,
j'adoptai le titre honorifique de
Nour-eddin. Lorsque je n'étois
encore que prince royal, j'avois
ouï dirç aux savans de l'Inde
qu'au règne de Djélal-eddin Acbar
succéderoit celui d'un empereur
du nom de Nour-eddin. Cela
m'étoit resté dans Pesprit ; et , en
conséquence de ces précéderas,
je pris pour nom et pour surnom
honorifique L s dénominations de
Nour-eddin Djéhanghir padischah.
nom de Fétahpour. Dans le texte
traduit par M. Anderson , on voit
très-bien la liaison de cette petite
diversion avec le récit principal. )
Je dois cependant observer que
je n'ai jamais ouï mon père m'ap-
peler du nom de Mohammed-
Sélim; il n'employoit jamais, en
m'adressant la parole , que le nom
de Baba, expression plus pater-
nelle et plus tendre.
J'aurois peut-être pu me con-
tenter pour toujours du titre de
Sultan Sélim ; maïs c'eût été me
mettre sur h même ligne avec les
monarques de l'empire de Turquie
(Roum), D'ailleurs, considérant
que la vocation particulière des
princes souverains est de faire la
conquête de Tuniveip, je crus
devoir , à mon avènement au
trône, prendre le titre de Dji-
hanghir padischah (empereur con-
quérant du monde } , comme
étant celui qui convenort le mieux
à mon caractère ; et j'espère , avec
Taide d'une providence favorable r
une longue vie et une heureuse
étoile, me conduire de manière à
justifier le choix que j'ai fait de
cette dénomination»
La différence qu*il y a entre ces deux récits ne sauroit s'expliquer par
l'hypothèse que le texte publié par M. Anderson ne seroit qu'un abrégé
ou un extrait des mémoires originaux écrits par Djéhanghir. En effet , si
fon compare les deux récits, on se convaincra bientôt que celui des
deux qui est le plus court , contient cependant diverses circonstances
dont il n'est point du tout question dans l'autre. Dès le début» le texte
g£ JOURNAL DES SAVANS,
de M. Anderson fait connoître le dervisch nommé schéikh Sèlim, et le
lieu appelé Si ri où il faisoit sa résidence : au contraire, dans le texte
traduit par M. Price, la mention de ce dervisch n'est amenée pour ainsi
dire qu'accidentellement, et le village appelé Sicri n'est pas même
nommé , en sorte que , quand plus tard il en est question, le traducteur
n'a pas pu comprendre quelle liaison cela pouvoit avoir avec la nais-
sance de Djéhanghir. Suivant le texte de M. Anderson, quand l'impé-
ratrice mère de Djéhanghir fut sur le point d'accoucher, on la conduisit
chez le dervisch, pour que l'enfant qu'elle portoit vînt au monde
dans. la demeure et sous les auspices de ce saint personnage : on ne voit
rien de cela dans le texte de M. Price, et la suite même du récit
éloignç toute idée d'une telle circonstance. Dans le texte de M. An-
derson, nous apprenons qu'Acl ar, par reconnoissance de la faveur qu'il
a voit reçue en ce lieu , fit de Sicri sa résidence royale, et que, dans
l'espace de quatorze ou quinze ans , ce lieu devint une grande ville :
rien de cela dans M. Price. Autre lacune encore dans ce dernier texte.
Il nous apprend bien pourquoi le prince Séljm parvenu au trône
changea son nom en celui de Djéhanghir, mais il ne nous dit pas pour-*
quoi il adopta le prénom ou titre honorifique de Nour-eddïn : le texte
de M. Anderson, au contraire, nous apprend que le prince choisit ce
prénom , qui signifie la lumière de la relighn , parce que le soleil venoit
de. se lever et d'éclairer de nouveau la terre de sa lumière , au moment
où il prit possession du trôné.
II y a de plus, entre les deux récits, des différences assez graves qui ne
permettent guère de croire qu'ils dérivent d'un même texte. Ainsi, dans
le récit de M. Price , le tombeau d'un pieux personnage appelé Moin-
eddin Tchousti joue un rôle important, dont il n'est point du tout
question dans celui de M. Anderson , non plus que du pèlerinage
qu'Acbar fit à pied d'Agra jusqu'à ce tombeau. Sicri , selon le
premier récit, dépend du territoire d' Adjmir, ville qui est éloignée
d'Agra de \/\o coss, ce qui, à la plus foible estimation , équivaut à
aoo. milles ( 1 } ; et selon le second récit , ce même village de Sicri
fait partie du territoire d'Agra oji=»l **°y $ <Jj£- f^< (sans doute il
(i) M. Walter Hamilton, dans le dictionnaire géographique intitulé the East
India Gajetteer , estime la distance d'Agra à Adjmir à 230 milles. 11 dit
( arcicle Ajmeer), que le principal objet qui attire l'attention à Adjmir est le
tombeau d'un saint musulman nommé Moin-cddtn , tombeau auquel Acbar
fit un pèlerinage à pied, pour obtenir du ciel un enfant mâle; er ailleurs
(•article Futtipoor Sikra) , il dit que, sur un rocher voisin de cette ville, se voit
JUIN 4830. 367
faut lire o>i=»( ^Ij^-jJ )• Mais j'insiste beaucoup plus sur les discor-
dances que j'ai signalées d'abord , parce qu'elles démontrent qu'on ne
peut pas supposer que la différence qu'on observe entre les deux textes
vient de ce que celui de M. Anderson n'est qu'un abrégé de l'autre.
Je ne puis me dispenser de signaler encore ici une omission tout-i- v
fait inexplicable, dans le texte des mémoires traduits par M. Price.
L'auteur (pag. l\d et 47) donne la liste de tous les enfans d'Acbar,
mâles et femelles ; il indique leurs noms , les noms de leurs mères , e: la
durée de la vie de chacun d'eux. Après avoir consacré quelques lignes
à la mémoire d'un de ses frères appelé sultan Àiourad , mais que dans
le langage familier Acbaravoit coutume d'appeler Pahri, dénomination
dont il indique le motif, et avoir dit que sultan Mourad étoit occupé
h faire des conquêtes dans le Décan , au Sud de la rivière nommée
Nerbudda , quand il mourut à l'âge de trente ans, il s'exprime ainsi :
*« A la nouvelle de la mort de sultan Mourad, mon frère le schahfadïh
» ( c'est-à-dire prince royal ) , Danial fut envoyé pour compléter la
>» conquête du Décan. . . . Après la conquête de la place-forte d'Ahmed-
» nagar, mon père revint à Burhanpour; et ayant donné h sultan Danial
» le gouvernement du Décan, il retourna à Agra. Danial n'avoit pas
» plus de trente ans, lorsqu'il mourut aussi à Burhanpour, par suite
3> de l'usage immodéré qu'il faisoit des liqueurs enivrantes. »
Comment se fait-il que l'auteur parle ici ex abrupto de son frère le
sultan Danial, sans avoir fait mention de sa naissance et sans avoir indiqué
le nom de sa mère, et le rang qu'il tenoit enire les enfans d'Acbar ,
comme il l'a fait pour ses autres frères et sœurs! II en est tout autre-
ment dans le texte publié par M. Anderson. Voici ce qu'on y Irt :
« En l'année 979, mon père eut d'une esclave un autre fils, qui fut
» nommé DanhL On lui donna ce nom, parce qu'il vint au monde
*> & Adjmir , dans la maison d'un personnage qui se nom noit schîikh
» Danial, et qui étoit l'un des voisins du seuil béni de l'illustre khodjah
» Moïn-eddin Tchisti. Après la mort de mon frère schah Mourad, mon
» père, vers la fin de sa vie, envoya Danial dans le Décan pour sou-
» mettre cette contrée. »
L'auteur rapporte ensuite la mort de Danial , et les circonstances
encore à présent la sépulture deschah Se l'un Tchisti, s.iint mahométan, aux
prières duquel l'impératrice femme d'Acbar, qui jusque-là avoit été stérile, dut
le bonheur de devenir enceinte et de donner le jour à un prince qui fut npmmé
Sélhn , en l'honneur du saint personnage.
3*3 JOURNAL DES SAYÀNS,
singulières qui l'accompagnèrent , à -peu-près comme on les lit dans fa
traduction de M. Price.
Quelque court que soit le fragment publié par M. Anderson, j'y
ai encore observé un caractère qui semble distinguer le texte dont il a
fait usage, de celui qu'a traduit M, Price.
L'auteur des mémoires, parlant de la citadelle d'Agra, rasée et
reconstruite de nouveau par l'ordre cTAcbar, construction qui coûta
quinze ans de travail , dit que la dépense monta à 35 Licks de roupies.
Dans\ia traduction de M. Price, il n'est point du tout question des
quinze années employées à la reconstruction ; mais la dépense e*t
}K>rtée à la somme énorme de 186 Licks d'aschréfis, de la valeur chacun
de cinq mithkals : le traducteur observe que cette somme équivaut à
26 cr or es ee 55 lacks de roupies, en comptant l'aschréji h 1$ roupies,
et ifévalue cela à 26,560,000 livres sterling • 1 ). En générai , un caractère
remarquable des mémoires traduits par M. Price, est de porter toutes
tes évaluations à des sommes qui dépassent toute croyance , et le tra-
ducteur a souvent reculé devant cette évaluation.
M. Anderson a donné, dans VAsiatik Alïscellany , deux fragmens des
mémoires originaux de Djéhanghir. Je ne me suis occupé jusqu'ici que
du premier. Le second a pour objet le journal d'un voyage de Lalior
à Caboul , fait par Djéhanghir , après que la révolte de son fils Khosrou
eut été entièrement apaisée par la défaite totale de son parti et la
prise du prince lui-même. Ce voyage eut lieu en l'année 1016 de
l'hégire, 1607 de J. C Ce journal , qui comprend un espace d'un peu
plus d'un mois, est très-détaillé. Le texte traduit par M. Price ne contient
rien de tout cela, et il paroît ne pas conduire les mémoires vrais ou
supposés de Djéhanghir jusque là. Le traducteur nous apprend que, dans
le manuscrit dont il s'est servi , le récit se termine ex abrupto ; mais les
dates y sont si rarement indiquées, qu'il est impossible de déterminer
précisément l'époque à laquelle il finit. En comparant cependant
l'Histoire de l'Hindoustan sous le règne de Djihanghir, donnée par
AI. Gladwin, et pour laquelle il a fait un grand usage des mémoires de
cet empereur, avec la traduction de M. Price , il y a tout lieu de penser
que ce dernier ouvrage se termine peu avant le voyage de Djéhanghir
& Caboul, c'est-à-dire, vers la fin de l'an de l'hégire 1016; la partie
(1) Le lac k est de cent mille, et cent laks font un croure. Peut-être n'est-il
pas inutile de faire observer que Djéhanghir lui-même, suivant l'ouvrage traduit
par M. Price, indiquant les noms des diverses monnoies d'or qu'il a fait frapper,
n'en dvwgnc aucune rôus le nom d'aichréfi.
JUIN 1830. 3^
lies mémoires traduite par M. Price ne contiendrait donc guère que
deux ans et demi du règne de Djébanghir ; mais alors, comment se fait-
il qu'on y lise tous les détails du pardon accordé par l'empereur à son
fils Khosrou, ce qui n'eut Heu , si nous en croyons ce récit, qu'aprèf
qu'il eut passé quinze ans loin de la cour , et par conséquent dans la
seizième ou la dix-septième année du règne de Djéhanghirî Observons
eft passant que M. Gladwin place cet événement sous Tan 1029 , et
par .conséquent à la treizième année du règne de cet empereur, et que
suivant lui Khosrou mourut à Burhanpour vers la fin de Pan 1030.
Au surplus, l'ordre chronologique des faits n'est nullement observé
dans l'ouvrage traduit par M. Price , et par cela même il ne paroît point
devoir être considéré comme des mémoires proprement dits. Pour en
donner un exemple , on trouve ( pag. 6 j ) , avant qu'il soit question de
la révolte de Khosrou , qui se termina en l'an 1 o 1 5 , la mention d'un
présent de grand prix fait en 1 020 par Djéhanghir à son fils sultan
Khosrou , et deux pages plus loin commence le récit de la révolte de
Khosrou, qui, est-il dit, s'échappa clandestinement de la cour, la nuit
du 8 de dhou'Ihiddjèh 101 4.
M. Gladwin a joint à la fin de l'histoire de Djéhanghir , par forme
d'appendice, quelques extraits des mémoires de ce prince, et notam-
ment un édit rendu dans la première année de son règne , et composé
de douze articles. A chacun de ces articles il a joint le texte , ou du
moins ce qu'il oflroit de plus essentiel. Ce même règlement se trouve
dans l'ouvfage publié par M. Price; mais il y est entremêlé de détails
puisés peut-être dans les mémoires de cet empereur, mais qui très-
vraisemblablement ne sont pas là à la place qu'ils occupoient dans les
mémoires originaux. Il y a aussi, dans la rédaction, des différences re-
marquables. Ainsi, par exemple, un officier de finance, qui dans le
texte donné par M. Gladwin est appelé hhalsa <uaJU. , est nommé dans
la traduction de M. Price , et sans doute dans le texte qu'il a suivi,
kroury <sjjj£=a.
II y auroit peut-être quelque témérité à porter un jugement décisif
sur l'authenticité de l'ouvrage dont nous devons la traduction à M." Price,
N'ayant sous les yeux aucune portion du texte original. Nous nous
bornerons donc à dire que les mémoires dont M. Anderson a publié
quelques fragmens , et qui ont certainement aussi été connus de
M. Gladwin et par lui mis à contribution pour son Histoire de Djé-
kanghir , nous paroissent avoir bien plus de droits à être considérés
comme l'ouvrage de cet empereur , et que le livre dont M. Price a
traduit une partie nous semble un ouvrage plus récent, co.npofé
37° JOURNAL DES SAVANS,
d'après les mémoires originaux de Djéhanghir, et peut-être d'après
d'autres dôcumens , par un écrivain qui a affecté de faire parler ce
prince en son propre nom , comme ^adressant à ses enfans, mais ne
s'est point assujetti à l'ordre des événemens , a inséré dans son récit de»
choses étrangères ou disparates , suivant qu'elles s'offroient à sa mémoire,
et au contraire a négligé parfois des circonstances dont l'omission jette
de l'obscurité dans son récit. Il paroît de plus s'être fait urte règle
d'exagérer outre mesure la valeur de tout ce dont il parle , comme le
nombre des éléphans, des chevaux, des bouches à feu , &c. &c.
«, Avec quelque réserve que nous hasardions notre opinion à cet égard t
cous ne pouvons nous empêcher d'abord de regretter que M. Price, qui
çonnoissoit les fragmens publiés par M . Anderson, ne se soit pas -livré
lui-même à l'examen critique de l'authenticité de l'ouvrage qu'il tra-
cjuisoit, et en second lieu à faire des vœux pour que les travaux dont le
comité de traduction formé sous les auspices déjà Société' royale
asiatique de la Grande-Bretagne et de l'Irlande encourage si efficace-
ment la publication, soient accompagnés des textes, ou du moins de
tout ce qui peut en rendre la lecture plus utile , et fournir à une cri-
tique bienveillante, mais éclairée, le moyen d'en apprécier le mérite
et l'importance. Sans doute , à mesure que les travaux présentés ai»
comité deviendront plus nombreux*, il sentira mieux la nécessité de
faire un choix, aussi nécessaire au succès de cette honorable entre-
prise , que digne des lumières et des talens des hommes distingués, qui
ont associé leurs noms à cet éminent service rendu à la littérature de
•
l'Asie. Nous osons espérer que ces réflexions ne seront point prises en
mauvaise part.
La discussion critique dans laquelle nous avons cru nécessaire
d'entrer nous ayant entraînés plus loin que nous ne l'avions prévu,
nous nous voyons obligés de renvoyer à tin second article l'analyse d*
l'ouvrage que nous avons entrepris de faire connoîire.
SILVESTRE DE SACY.
JUIN 1830. 371
Histoire philosophique, littéraire f économique, des plantes de
. l'Europe, avec figures ; par J . L. Poiret , ancien ptofesseur
d'histoire naturelle, membre de plusieurs académies et sociétés sa-
vantes et littéraires; tqmes VTet VII. A Paris, chez Ladrange
. et Verdière, libraires, quai des Augustins, i9i$, ni-8.° ,
Nous avons fiit connoître dans ce journal f avril 1828, p. *4 1 -*46 )
cinq volumes de l'ouvrage de M. Poiret : le sixième , qui vient de paroître ,
traite de végétaux connus par leur agrément ou par ieûr utilité. A
mesure que l'auteur avance dans l'exposition des familfes, la richesse
de la végétation semble se développer sous sa pfume. Après la soixante-
quatrième familfe , il en décrit vingt-deux, dont chacune a pïûs ou
moins de genres, et sous ces genres plus ou moins d'espèces.
Toutes ces plantes sans doute ne brillent pas du même éclat dans
leurs fleurs; mais quelques-unes ont des qualités plus précieuses; telles
sont , par exemple, les familles des ombellifères et des crucifères, qui en-
richissent nos potagers. Celle des papavéracées renferme des plantes dont
les unes font ornement et les autres fournissent dés substances d'usage
dans l'économie domestique ou dans le traitement des maladies ; nous
citerons le genre pavot. La graine d'une de ses espèces ( papaver sp'w-
mferum ) , connue sous le nom impropre d' œillet, par corhipth-n
d'oliette, oleum , donne Une huile douce qui, mêlée avec celle d'oîîvè,
est employée sur nos tables comme assaisonnement. Nous dirons,
puisque c'en est une occasion, qu'on cuhive beaucoup cette espèce de
pavot dans le nord de la France, et qu'une grande partie de rhuife
douce qu'on en tire est envoyée dans Je midi de ce royaume, ou on
fa mêle avec l'huile d'olive. C'est de cette même espèce que, dans le
Levant, on tire l'opiuii) que la nature a renfermé dans ses capsules,
et qu'on en extrait par des incisions, à l'époque où la fleur s'en
sépare : on peut encore l'obtenir par I'ébullition et Tévaporation.
Celui qu'on se procure par un de ces moyens dans nos climats, qui
ne sont pas assez chauds, n'a d'effet sensible sur les malades qu'en
l'employant h double dose, comme nous nous en sommes assurés en
faisant faire des expériences avec de l'opium produit par nos cultures.
Le pavot des champs , papaver rheas , qui est le coquelicot, n'a
. de rapport avec le papaver somniferum que parce qu'en médecine on
juge qu'il a la qualité calmante, mais à un moindre degré. Outre ce
mérite , qui est le plus important , M. Poiret lui' trouve celui de recréer
Aaa 2
37* JOURNAL DES SAVANS,
agréablement la vue, lorsqu'on la promène sur des champs cultivés,
dans lesquels il est mêlé à d'autres fleurs de différentes couleurs.
Parmi les renonculacées , famille réservée pour les parterres» les
anémones, les renoncules, réunissent tout ce que la nature a de plu»
riche en variétés; c'est , dit M. Poiret, un tableau auquel le fleuriste
cherche à donner plus d'éclat par la disposition et l'ordre qu'il établit
entre les individus, selon l'harmonie et le contraste des couleurs.
Le premier genre des çaryophy liées est {'œillet. M. Poiret regrette
n'avoir rien trouvé dans les ouvrages des anciens qui annonce qu'on
le connût de leur temps. En parlant d'une de ses espèces, qui est
îe dianthus superbus, Linn., il rappelle l'idée qu'en avoit conçue J. J.
Rousseau, qui, à Monquin, en avoit recueilli un pied. En l'envoyant
à M. Delatourette , très-habile botaniste de Lyon , gouverneur alors
de Pierre End se , il lui disoit: « Avez- vous le dianthus superbus! je
» vous l'envoie à tout hasard ; c'est réellement un bien bel œillet
» et d'une odeur bien suave. II ne devroit être permis qu'aux chevaux
» du soleil de se nourrir d'un pareil foin. »
Dans cette même famille, qui est assez nombreuse, on doit dis-
tinguer un genre de plantes dont une espèce est très-importante par
son immense utilité , et qui avoit jusqu'ici mérité la plus grande atten-
tion : elle la mériteroit encore au même degré parmi nous, si l'intro-
duction d'une matière étrangère n'avoit été beaucoup trop favorisée
aux dépens d'une production indigène. «C'est du lin que nous voulons
parier. On sait que la graine de cette plante fournit une huile employée
dans' les arts, et que de sa tige on extrait un fil propre à des usages
domestiques et à former des vêtemens ou* même des tissus précieux et
délicats.
L'auteur examine ensuite la* question de savoir si le lin avec lequel
on fabriquoit les habillemens des prêtres égyptiens et ceux des initiés
aux mystères d'Isis, cité sous le nom de lin ou sous celui de byssus r
étoit notre lin ou le coton. II paroît, d'après Rouillé, dans les Mémoires
de l'Académie des sciences, que les toiles qui enveloppent les momies
•ont de coton ; d'un autre côté , Olivier , dans son Voyage d'Egypte ,
dit qu'on y cultive du lin, particulièrement dans le* Delta,' et c'est
encore la plus grande récolte de la province de Faïoum.
M. Poiret décrit avec complaisance la famille des myrtes , fe myrte
proprement dit, myrtus communis , Linn.; le grenadier, punica granatum r
Linn. ; le syringa , philadelphus coronarius , Linh. Chacun d eux n'a
qu'un genre sans espèces.
Cest sur- tout lorsqu'il traite de la famille des rosacées que l'en-
JUIN 1830. 373
thousiasme de l'auteur s'exalte. Par-tout, comme on sait, ce genre d'ar-
bustes est recherché; il l'est beaucoup en Italie; et à Rome il y a entra
idtres un palais qui en est tellement couvert, que les bâtimens en sont
en partie cachés. Parmi nous» depuis quelques années , et sur- tout depuis
l'introduction d'une espèce apportée du Bengale, dont elle a le nom,
on a pris un tel goût pour cette fleur, qu'elle se multiplie à l'infini par
tous les moyens de l'art, de manière qu'on en voit non-seulement dans
les jardins, dans les bosquets, mais même aux portes de beaucoup
dhabitans des campagnes*
A la suite des roses viennent les arbres fruitiers qui sont de la même
famille: si les unes embellissent nos parterres, les autres enrichissent nos
vergers. Mais les arbres fruitiers sont trop connus pour qu'on ait besoin de
les nommer. Nous avons été étonnés que l'auteur, en parlant du pêcher,
n'ait pas rappelé , pour la combattre, l'opinion où l'on est que son fruit
est un poison en Perse, pays de son origine. Nous sommes assurés par
des relations certaines qu'il y est seulement mauvais, ou du moins
infiniment au-dessous de sa saveur en Europe. Des noyaux que nous
en avons reçus éîoient tellement semblables à ceux de nos pêches,
que nous n'avons pas douté de la vérité de l'assertion de notre corres-
pondant.
Le septième volume continue la description des familles, à com-
mencer par celle des papilionacées ou légumineuses , plantes qui se cul-
tivent , les unes dans nos potagers , pour nos besoins domestiques { les
pois, les fèves, les lentilles, &c. ); les autres dans les champs, pour
le bétail (la luzerne, le sainfoin, le trèfle, &c. ). L'ouvrage a pour
appendice une lettre où M. de Foucauld rend compte des plantes qu'il
a découvertes dans les hautes Alpes du Oauphiné. Outre les tables par-
ticulières de chaque tome , le 7/ est terminé par une table générale qui
embrasse tous 1^ genres , sous leurs dénominations latines , avec addi-
tion de leurs noms français.
Huit livraisons de planches, au lieu de sept qu'on avoit promises,
accompagnent les sept volumes : les figures ont été dessinées par
M. Poiret fils, et lithographiées par M. Motte. Elles sont, à ce qu'il
nous semble, trop fortement coloriées, apparemment parce qu'on a
prévu que le temps aflbibliroit les couleurs. Du reste, ces figures cos-
respondent aux familles et aux différentes classes du système sexuel de
Linné.
TESSIER.
374 JOURNAL DES SA VANS,
• ?" ~ ' m \ K ■ ' T ' ' ' ' . ' ' ' ' ' ' ' ' ' - ' ' ' *T
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE, ACADÉMIES.
•L'ACADÉMIE royale des sciences a élu M. Arago pour succéder à feu
— JV1. Fourier dans la fonction de secrétaire perpétuel ( partie mathématique).
„ Le 29 juin, l'Académie française a tenu une séance publique pour la réception
de MM. Phil. de Ségur et de Pongerville, successeurs de MM. de Lévis et de
Lally-Tolendal : on y a entendu -les discours des deux récipiendaires, et les
réponses de MM. Arnaulf, directeur, et de Jouy, chancelier. Ces quatre discours
«rat été imprimés chez M. Firmin Dîdot, 22 et 15 pages in-4.0
L*Athénée des arts, dans sa séance publique du 25 avril dernier, a proposé
trois sujets de prix , en ces termes, a I. Définir avec précision le véritable sens
» du mot civilisation , signaler les principaux caractères de notre civilisation
» actuelle, les abus et les lacunes que Ton peut y remarquer, les moyens de
-»' Remplir res lacunes, de combattre ces abus et de les détruire peu à.peu;
uoipntrer enfin comment on pourroit donner aux progrès de la civilisation ,
«dans les différentes- parties qu'elle embrasse, une meilleure direction et une
* impulsion plus rapide. — II. Présenter un tableau comparatif de l'état de
« la prose et de la poésie au XVI.C siècle, au XVII. c et à l'époque actuelle. —
j> 111. Quels sont les objets d'art que nous tirons des pays étrangers et que
» nous ne fabriquons pas aussi bien qu'eux, ou que nous ne fabriquons pas du
» tout! Quels moyens auroit-on de fabriquer ces objets. »
11 s'est établi à Londres une Société géographique, composée de cent vingt-
quatre membres.
L'Académie de Copenhague a proposé plusieurs sujets de ^rix, entre lesquels
on remarque les deux suivans : « Examinetur atque describatur politicus et
;> ecclesiasticus regni Lombardici in Italiâ status; exponatur qualis fuerit
» in^eniorum in hoc populo euhus, qualia monumenta, quaies artis reliqui*
» quae ei tribuantur, noieiurque quid et quatenus, quae ex tali disquishionc
»emantur observata, conferre queant ad illustrandam traditionemde Longo-
» bardis olim in nostro septentrione habitantibus. » — « Etsi saepissimè dispu-
>*tatunl est de philosophiâ, et persuasione illâ immediatâ quae nodiè fidei
*» nomi.ne appellari solet , vel sejungendis , vel arctissimo vinculo nectendis , vel
3» subordinandis vel coordinandis, quum nondum ad Iiquidum res perducta
n esse videatur, societas desiderat , ut praemissâ adaequatâ expositione omnium
» momentorûm quae in quaestione dirimendâ ob oculos poni debeant, disquisi-
»tione accuratâ constituatur an et quatenus philosophiâ fidei tanquàm fonda-
it mento suo superstruenda sit.*»
JUIN 4830. m
LIVRES NOUVEAUX.
FRANCE.
Observations sur la critique faîte par M. Sam. Lee, dans les n.ÛS 79 et 80 du
Classical Journal , du compte rendu dans le Journal des Savans ( décembre 1 828,
pag. 719-734; janvfer 1829, 1 2-3 8 ; février, 87-109) de sa Grammaire hébraïque ;
par M. Silvestre de Sacy. Paris, impr. royale, 1830, 48 pages in-8.* , extraites
du nouveau Journal asiatique. Les questions traitées dans ces Observations de
M. de Sacy concernent#les voyelles de la langue hébraïque, la théorie des
formes du verbe dans cette langue. . . . , l'origine ou Tétymologie des flexion!
grammaticales, la construction de certains verbes avec leurs compléniens,
.... le nombre des- formes dérivées dont le verbe est susceptible en hébreu,
le waw conversif, la valeur des formes temporelles des verbes. M. Sam. Lee ne
s'étort pas contenu dans les limites des discussions grammaticales et de la cri-
tique purement littéraire; mais M. de Sacy ne s'est point permis d'en sortir,
ce Je finis, dit -il, en répétant que, dans la composition d'une grammaire
;» destinée à l'enseignement d'une langue, le devoir de l'auteur est de constater
«•les faits , de les rassembler, autant que possible, sous des catégories corn-
» munes; de les éclairera propos par des rapprochemens qui n'aient rien de
» forcé; mais en même, temps d'éviter les théories, soit étymologiques, soit
*> philosophiques, qui n'ont pas pour but direct de faciliter l'étude, en dimi*
»nuant, au profit du jugement, le travail de la mémoire. Je ne puis pas
»sans doute émettre mon opinion sans me trouver en contradiction avec ceux
» qui adoptent un autre système. Mais ils se tromperont beaucoup s'ils attri-
»buent ce sentiment à toute autre .chose qu'à une conviction profonde, fruit
a> de réflexions longues et impartiales ; et je crois en vérité qu'il m'en coûte-
» roit bien peu pour adopter le système contraire, si l'on parvenoit à en démon-
» trer la solidité et l'utilité. » Ces Observations seront lues avec fruit par les
hommes de lettres qui étudient particulièrement la langue hébraïque, et par
ceux qui s'occupent des systèmes généraux de grammaire.
M. KlaprQth a inséré aussi dans lé nouveau Journal asiatique (féyrier 1830»
pag. 97-144) t une Réponse à quelques passages de la préface du roman chinois1
intitulé Hao-Khieou tenhouan , traduit par Ai. Davis, Ces passages concernent
*les observations critiques que M. Klaproth avoit publiées ( nouveau Journal"
asiatique, juillet 1 829 ) sur la traduction du drame Han Koung thsieou.
Grammaire générale, : philosophie de la langue française > par M. B. J. Paris,
Sédillot , 1830, in-8.9 rr. 3 fr. M. B. J. ( qui a publié en 1824 des Observations
sur les conjugaisons françaises, Paris, Sédillot, in-8.° ) donne le nom de
stichiologie , ou science des élémens , à l'intelligence générale du langage , et il
divise cette science en quatre sections : la grammatologie , lecture, écriture,
prononciation, orthographe; la ptoséologie , désinences; Yétymolà$e, origines
et familles dés mots ; Ta phraséologie ou syntaxe. L'auteur n'a traité encore que
les deux premières parties. — M. P. Cam. d*01ivier a publié une Grammaire
française, propre à l'enseignement mutuel, ifc. Paris, oarnîer, 1830, in-u.
Pr. 1 fr. 50 cent. Elle comprend six sections : 1. propositions incidentes et prin-
cipales; x figures grammaticales et analyse logique; 3. loi d'accord; £: emploî
de l'article, de FaxijecUf, du pronom r du ><rt>3, «&Cy i- é^uivoq^e^ 6. pane-
37< JOURNAL DES SAVANS,
tuation. — \3 ne graimnsire générale , en dix leçons j appliquée à la langue française,
par M. Durieux, à Paris, 1830, in-12; se trouve chez Bclin-Leprieur, pr. 1 fe.
~ Le Journal de la langue française , dont il a été fait mention dans nos cahiers
de Janvier dernier, pag. jj, 56, et d'avril, pag. 254, continue de discuter
plusieurs questions grammaticales, philosophiques et littéraires: le n.° 48
contient un second article de M. Marrast sur Hernani.
La Langue anglaise dans toute sa substance, et sa prononciation accentuée,
mite i la portée de tout âge, de toute capacité, de tout genre d'enseigne-
ment» ou méthode simplifiée » déduite de l'analyse de nos facultés intellec-
tuelles, et basée sur les procédés de la nature dans son mode d'enseignement
du langage, par M. H/Durtetz. Paris, imp. de î-efebvre, 1830, frt-8.0 ,
170 pages. Prix 3 fr. 50 c; chez l'auteur, rue Saint-Dominique, n.° 37.
La Conversion d'un romantique, manuscrit de Delonne, publié par M. Jayf
suivi de deux lettres sur la littérature du siècle» et d'un essai sur l'éloquence
politique. Paris» Moutardier, 1830, in-8.° Prix 7 fr. Le nom de Delorme,
employé dans le titre» fait allusion au volume intitulé Vie , poésies et pen~
fées de Joseph Delonne, publié ( par M. S. B. ) en 1 829. Paris , Del angle »
ia-8S, 245 pages.
Les Satires de Juvénal, traduites en vers français ( avec le texte latin em
regard ) » et suivies de lettres à Phi lin te sur l'intelligence de la poésie » et
ses beautés rapprochées de celles d'Horace dans les sujets traités par ces deux
tuteurs, par M. Barré de Jallaix. Paris» impr. de Jules Didot, librairie de
Bcfssot-Thivars , 1830» 2 vol. in- 8»° Prix 15 fr.
L'Astronomie, poëme en six chants» par M. Daru. Paris» Firm. Didot 1
!8£pf in-8.* ; x et 300 pages. Prix 7 fr. Ouvrage recommandable par la
sagesse de la composition» par la pureté^ du style et par l'exactitude des
détails. On y remarque des morceaux très-poétiques.
Pàezie AJama Mickiewicja. Pars, Barbezat, 1828, 3 vol. in-8.9/ 236»
206 et 178 pages, avec le portrait de l'auteur. Prix 15 fr. — Poésies d'Adam
JM'icMewic^ ( Mitzkevitch ) , traduites du polonais par MM. F. Miaskow^ki
et G. Fulgence. Paris» Sedillot» 1830, gr. in-8.9 % 80 pages, avec le même
portrait. Pr. 3 fr. 7J c.
Les nuits attiques d'Aulugelle, traduites en français» avec le texte en regard,
et accompagnées de remarques» par M. Victor Verger; deuxième édition,,
augmentée d'une table des matières. Paris, imprimerie de M.me Thuau , li-
brairie de Brunot-Labbe, 1830» 3 vol. in-8.9, ensemble de 106 feuilles. Prix
18 fr. On avait » depuis 1776 et 1777» une traduction d'Aulugelle par l'abbé
de Verteuil, en 3 vol. in-12.
Histoire scientifique et militaire de r expédition française en Egypte , précédée
d'une introduction présentant le tableau de l'Egypte ancienne et moderne ,
depuis les Pharaons jusqu'aux successeurs d'AIi-Bey; et suivie du récit des
évenemens survenus en ce pays depuis le départ des Français» et sous le
règne de Mohamed-Ali, par MM. Belliard, Bory de Saint- Vincent, Châ- .
teaugiron, d'Aure, Desgenettes» Dutertre» de Fortia d'Urban » Geoffroi de
Saint- H i la ire, Gourgaud , Ader» Julien de Paris, Larrey, Marcel, de Montres,
Parçeval de Grandmaison, Pottier, Rampon, Real, Reyband, Rey-Dusseuil,
Tajrlor et Xaintine, et sous la direction de ce dernier; douze vol. in-8.0,
avec un atlas Mn-+? de 400 planches. Chaque volume sera divisé en cinq
JUIN 1830. 377
ialy tique de l'ouvrage
souscripteurs avec la dernière livraison. Les trois premières livraisons ont para.
Imprimées chez J. Tastu.
Voyage de l'Arabie Pétrie, par M. Léon de Lahorde et M. Linant. Paris,
impr. de J. Didot aîné, librairie de Giard, 1830, in-fbl. L'ouvrage doit se
composer de 10 livraisons, chacune du prix de 20 fr. Il y aura de plus un
volume dé texte ln-8* — On en publie une traduction allemande, in-&# ,
avec planches et vignettes, à Casse! , chez. Bolmé.
Œuvres de Tache, traduites en français ( avec le texte en regard.), par
M. C. L. F, Panckoucke ; tome 1." des Histoires. Paris, Panckoucke, 183a,
in-8S , 4 S& Pages* Pr- 7 fr- Cette traduction fait partie de la Bibliothèque
latine-française que publie M. Panckoucke, et qui doit bientôt comprendre
les comédies de Plaute, traduites par M. Naudet, membre de l'Institut. , *
Histoire de Louis XI, par M. Charles Liskenne. Paris, impr. de Cossotv,
1830 ;%z vol. in-8.*, ensemble de 832 pages, avec un portrait.
Histoire de François I/r surnommé le Restaurateur des lettres, far M.** So-
phie de Maraise. Lyon, Rolland, 1830; 246 pages in-n, avec un portrait.
Discours sur le caractère moral et politique de Louis XI V9 par M. Ânatol*
Roux-Laborie; ouvrage' qui a remporté le prix d'éloquence décerné par la
Société royale des bonnes-lettres, séance du 29 mai 1829. Paris, impr.
de Lâche va rdière, librairie de Ch. Gosselin, 1830; 4° Pages in-8.'
Notice sur Finélon, suivie d'une liste chronologique de ses écrits, par
M. Beuchot. Lyon, P. Rusand, 1829 ( 1830), in-8.0, 76 pages, contenant un
Précis de la vie de Fénélon, et des notes bibliographiques très instructives. Cette
Notice doit se placer à la tête d'une édition des Œuvres de l'archevêque de
Cambrai, entrepri«e à Lyon.
Histoire de Provence, par M. Louis Méry. Marseille, impr. de Dufort, et
Paris, librairie de Lecqinte, 1830; 2 vol. in-S.' , qui se publient par li-
vraisons de cinq feuilles. Prix de chaque livraison, 1 fr« 2j c.
Tableau de la Pologne ancienne et moderne, par M» Maltebrun; nouvelle
édition entièrement refondue, augmentée. et ornée de cartes, par M. Léonard
Chodzko ( auteur d'une Histoire des légions polonaises ). Paris, Aimé André,
1830 ; 2 vol. in-8.° , vij, J12 et 536 pages. Pr. 15 fr. L'ouvrage, dans son
état actuel , comprend , i.° une statistique de la Pologne, avec une descrip-
tion géographique de chaque palatinat; 2.0 une histoire abrégée de ce pays;
3." un aperçu de son ancienne législation; 4*° des recherches sur son an-
cienne littérature. Cette quatrième partie est de M. Alich. Podezaszynski.
Histoire de Pologne , par M. Ziélinski. Paris, impr. de Mie , librairie de
Barbezat, 1830; z vol. in-8f , 828 pages.
Des Rogations, par M. J. L. (M. Labouderie ). Paris, impr. de Plassau;
16 pages in-8', extraites du Journal des Paroisses; et contenant un précis
de l'histoire de cette institution religieuse; d'après Alcime-Avite, Sidoine
Apollinaire, Césaire d'Arles, Grégoire de Tours, S. Eu cher, &c. L'auteur
explique pourquoi les fêtes des Rogations ont été appelées litanies ( xtomUu,
itppficitions ), en quoi consistaient originairement ces litanies , <foù vitnj
Bbb
37* JOURNAL DES SÀVÀNS,
ta distinction Je litanies grandes et petites ; à quelle époque les processions
remontent, &c. Il fait mention, des ambarvaua: car nous en convenons,
dit-il, plusieurs de nos cérémonies sont empruntées des Gentils et des Juifs.
Cet exposé, remarquable par sa précision et par son exactitude, se termine
par ces vers de Delille : *
Enfin on f» revoit dras k saison nouvelle.
Cette solennité si Joyeuse et si belle , &c
Mémoire sur la châsse de S. Taurin d'Evreux, par M. Auguste le Prévost ,
membre de plusieurs sociétél savantes, françaises et étrangères. Caen, 182c,
i**8.c, avec des planches lithographrées. S. Taurin a vécu vers la fin du
1V«* siècle ; sa châsse n'est que du XIII.* On y lit l'inscription : Abbas
Gilebertus fecit mefieri.
Mémorial portatif de chronologie, &c. Parties III et IV, 1/1-/2. En indiquant
tes deux volumes dans notre cahier de mars dernier, p. 198, nous avons
promis d'en mieux faire connoitre le contenu. Les deux premières parties, inti-
tulées, Tune Histoire politique et littéraire , T 'autre Industrie , ont été annoncées
en 1828,00V. 699. La troisième est une continuation de la seconde ( chap. III
tt IV, p. 777-1 110). Sous le titre de Phénomènes de la nature, le chap. III
.présente la chronologie des aérolithes, des comptes, de divers faits soit géolo-
giques soit atmosphériques, des hivers rigoureux, dés inondations, des ébou-
iemens ; des pestes , épidémies ou maladies contagieuses ; des tremblemens de
terre, des volcans, &c. Ces notices, parmi lesquelles il s'en trouve une
sur les maçrobites ou centenaires, n'a voient été rassemblées nulle part avec
. autant de soin. Le chapitre IV est consacré i l'économie politique : il com-
prend des séries d'articles et des tableaux statistiques relatifs au territoire
et à la population de la France , aux monnaies et aux poids et mesures , aux
^revenus et aux dépenses de l'état, au commerce, à la navigation , aux armées,,
à la Justice criminelle , à la ville de Paris , puis i la Urande-Bretagne et
aux Etats-Unis d'Amérique; détails innombrables, mais recueillis avec beau-
coup de méthode et d'exactitude. Le 4.® volume contient d'abord (p. 1-63) des
actes politiques et historiques, comme la bulle.de démarcation d'Alexandre VI ,
Tédit de Philippe II contre Guillaume de Nassau, l'établissement de la
Maison d'Orange sur le trône d'Angleterre en 1689, l'acte d'indépendance
des États-Unis en 1776. Les pages 65-258 sont occupées par trn catalogue
alphabétique des personnages célèbres dans les différentes carrières, avec (es
dates de leur naissance et de leur mort; l'indication sommaire de leurs
actions, de leurs ouvrages, &c. Ce dictionnaire, très-commode à consulter r
donne des indications souvent suffisantes et presque toujours sûres. Les der-
rières pages de l'ouvrage ( i-xlj ) sont remplies par une table alphabétique
des matières. Tout ce recueil se recommande par l'étendue des recherches
Îu'il a exigées, par l'enchaînement et l'utilité des notions qu'il présente,
'auteur, qui ne s'est point nommé, est connu par d'autres productions dont
il a été rendu compte dans ce journal: Vie du Pogge, traduite de l'anglais
de Sepherdy( sept. .1819, p. 529-535); Antiquités romaines, traduites de
l'anglais d'Alex. Adam ( mai 1818, p. 283-288; déc. 1825, Pa6- 759"76aî
sept. 1827, p. 570); Revue de l'histoire universelle moderne, 2 vol. in-n
()nin 1827, p. 380-88; Mémorial de chronologie, in-$.0 (janvier, 1822,
p. 39).' c'est la i/e édition de l'ouvrage, qui vient d'être fort augmenté et
.4
JUIN 1830. 379
perfectionné dans la seconde Imprimée chez M. Firm. Didot, et accom-
pagnée d'un cahier in-4.0 oblong contenant cinq tableaux statistiques. -,
Le 6o.c et dernier volume du Dictionnaire des sciences naturelles a paru
avec Tes 6o.c et 6i.c cahiers de planches. Il contient les articles compris entre-
les lettres Zooph et ZyU L'article Zoophyte9 par M. Blainville, occupe ^6 pages,
et offre une classificatipn nouvelle de cette classe d'êtres organisés et une
description des espèces tant récentes que fossiles : ie corps de l'ouvrage est
complet. II ne reste à livrer que les tables nécessaires pour l'arrangement
méthodique de l'atlas ; elles sont sous presse. On s'occupe, dès ce moment»
de réunir les matériaux d'un supplément qui mettra le dictionnaire au courant
de la science, et qui ne formera que peu de volumes. — La Biographie dfcs
naturalistes sera un ouvrage distinct, en 4 tomes in-S.0 , qui paraferont dé
quatre en quatre mois , à partir du i.cr août prochaiu. Nous consacrerons ait
moins un article encore à l'examen des derniers volumes de cet important
ouvrage, dont nous avons souvent entretenu nos lecteurs (août 1824 ,P. 451*
464» août 1827, p. 451-^57, &c.) Son achèvement est une nouvelle qui
doit intéresser tous les amis de l'histoire naturelle. C'est un monument glorieux
pour la France, que les principaux naturalistes de notre pays ont élevé à là
science en quinze années, il (kit honneur à la maison Levrault , qui n'a épargné
ni pekiei ni sacrifices pour le rendre aussi complet et aussi parfait qu'il étoit
possible dç le désirer.
Principes de philosophie zoologique, discutés en mars 1830, par M.*Geoflroi
Saint-Hilaire. Paris, Pichon et Didier, 1830, in- 8.*, 226 pages. Prix 4 fr.50C.
Traité élémentaire de minéralogie, par M. F. S. Beudant ;2.c édition, tome I.cr
Paris, Verdi ère, 1830, in-+S , 752 pages, avec onze planches, dont cinq
sont coloriées. Pr. 14 fr.
Education spéciale pour l'agriculture , par M. Blanq, ancien élève de l'école
polytechnique. Paris, impr. de Chaîgneau jeune, 1830; 14 pag* extraitea
du Journal du génie civil.
Examen des doctrines médicales et des systèmes de nosologie, précédéde
Sropositions renfermant la substance de la médecine physiologique , par M, E»
. N. Broussais, 3.* édition. Paris, M.,,e Delaunay, 1830; 3 volumes in-8.*ê
exix, 483, 591 et 623 pages. Pr* des 3 voL, 25 fr. 11 y en. aura un qua-
trième.
Atlas historique et bibliographique de la médecine, composé de tableaux sur
^histoire de l'anatomie , de la physiologie, dç l'hygiène, de la médecine»
de la chirurgie, de l'obstétrique, &c, par M. Casimir Broussais. Paris ^
M."e Delaunay, gr. rn-4.'f de 48 pag. Pr. 13 fr.
De la Fête du nouvel an, et du jeûne des expiations ou grand pardon
chez les Juif*, par M. Michel Berr. Paris, impr. de Pihan-Delaforest(Mo-
rinval), 8 pages in-8*
Nouveau Sysrhne du monde, au moyen de la rotation diurne de la terre, d'uni
inclinaison périodique de vingt-trois degrés, en trois mois, de son pôle boréal
sur le méridien oriental, et de la révolution circulaire annuelle du soleil autour,
del'équateur de cène planète; et Hypothèses conformes aux expériences sur ici
vents, sûr i.< iumièie et sur le fluide électro-magnétique; par M. Demonville»
Vlrt*,. Démo rutile, juin 1830, viij et 24 pag* i**-8.0, avec ; une planche. JL'mt
treprisc de l'auteur est de renverser le système astronomique de Copernic çt:di
Bbb x
^So JOURNAL DES SAVANS,
Newton , a m si que Ta tefité Louis-Sébastien Mercier (et non Lemeeckr), dam
un volume m- 8,9 publié chez Den tu , en 1 80 j.
Nous avons annoncé, dans notre cahier de janvier 1830 (p. 61 ),Ië pros-
Fectus des Méditations religieuses, traduites, par MM. Monnard et Gencé, de
ouvragé allemand intitulé Stunder der Andach. Il en a paru une livraison
chaque samedi , depuis le commencement de cette année. Lès douze premiert
auméros ont contenu vingt-six méditations qu'on a rassemblées en un volume
in-8? de xviij et 380 pages: c'est la première partie du tome I." Les snjets
que l'on y traite sont : le four de l'an, le coite domestique , le culte public,
lat"patx domestique, l'art d'être content' de son état, la jouissance du plaisir,
S£ cours de morale religieuse a été continué par plusieurs autres médita-
tas ,du même genre, toujours recommandables par la' pureté des principe*
et par la sagesse des conseils. La traduction française est rédigée avec beau^
coup de soin. L'ouvrage s'imprime chez M. Marchand du Brèuil. On souscrit,
à .raison de 5 fr. pour 12 livraisons, chez MM. Treuttel et Wurtz.
Àl^nnaUs de la philosophie chrétienne ; recueil périodique destiné ï faire con»
noftre tout ce que les sciences humaines, et, en particulier, l'histoire, les an-
jriouités» l'astronomie, la géologie, l'histoire naturelle, la botanique, la phy-
sique r la chimie , l'anatomie , la physiologie , la médecine et la jurisprudence
afferment de preuves et de découvertes en faveur du christianisme, par
une société d'ecclésiastiques, dé littérateurs, de naturalistes, de rhédecirrset
fié jurisconsultes. Les matières seront distribuées sous les titres suivans :. Articles
originaux, Revue de livres anciens , Revue de livres nouveaux, Voyages et
Géographie, Journaux français et étrangers, Statistique, Académies, Nouvelle»,
Bulletin bibliographique ; un cahier de 64 à 80 pages sera publié* le dernier
jpur de chaque mois, à partir du 31 juillet 1830. rrix de la souscription,
pdur six mois, 10 fr. yo c. ; pour l'année, 20 fr. ; et chez l'étranger, fe 5.
On s'abonne au bureau des Annales de philosophie chrétienne , rue de Vau-
grrard , n.° 4' bis.
Tablettes historiques, revue des faits contemporains. Elles seront livrées
aux souscripteurs en feuilles détachées qui paroitront à des époques indé*
terminées, mais qui formeront tous les six mois un vol. in-S.0 de 4°° &
f 00 pages. Chaque livraison se divisera en deux parties; l,Cotsretpondance,
Questions à l'ordre du jour, Sciences, Lettres et Arts, Spectacles, Variétérj
Jl , faits distribués sous les titres : Étranger, France , Départernens, Co4o»ies>
Tribunaux, Belles-lettres, Beaux-arts, Sciences, Industrie, Bibliographie,
Nécrologie. On souscrit au Bureau des Tablettes historiques, rue de Grammon%
n.° 5, à raison de- 44 ^r- P°ur 2 vol.; de 22 fr. pour un seul; de ia fr
fou? un demi-volume; . _.
1 PAYS-BAS. Recherches sur la langue nationale de la majeure partie dm
Wpaume des Pays-Bas, par. M. ie baron Van-Westrcenen Van-TîelUnik.
La Haye, 18*0, in*fr
Essai sur l histoire de Urlhêérature néerlandaise, par M. S. de 'sGravenwert >
jaembre de l'Institut des Pay§*8at, &c Amsterdam* Delachaux ; 1 ïjo» •*#/
tN)#t Jtji pages. 1* j-h'r.
.- <. JUIN 1830. 5S1
*ùeschiedenis dtr.Leidscke hooge school, &c. Histoire de l'université de Ltyde >
depuis sa fondation, en 1575, jusqu'en 1825; par M. Siegenbeck. Leyde,
J*uchtmans, 1829, «et 1830, a vol. in-8.°
De Mensch btschouwd in zijhen aanleg, Ù*c; L'homme considéré comme
tire pensant, moral et sensible, afin de développer les principes de toute connais-
sance gui lui est possible, en rapport avec sa vraie destination ; par J. J. le Roi.
Deft, in-8.4, xivft.322 pages. (Philosophie de Kanc)
ALLEMAGNE.
Homerus slavicis dialectis cognatâ linguâ scripsit ; ex ipsius Homeri carminé
os tendit Gregvl}ankouski. Homerus slavicè et gracè idem sonans et significans,
adjectâ novJL ,y? rsione laiînâ > cum commentario graeco - slavico. Posonii,
Lu n des, 1829, in-8.9 Pr. 12 gr.
Kritische bemetfaùigen uber castiliiche und portugiesische literatur; Remarques
critiques sur là littérature castillane et portugaise, et sur les écrivains espagnols
et portugais y p ar M. A. de Lîagno. Texte espagnol, av^ la traduction allemande. .
Aix-la-Chapelle, Mayer, 1830, i.cr cahier. Pr. 8 gr.
Thésaurus slïàhpear'w nus. The plays and poems of W. Shahspeare, ifb. ;
Théâtre et poésies de Shahspeare, d'après le texte corrigé par Sam. Johnson f
G. $teevcns<9 Isâac Reed et Edmond Malone, avec des notes critiques, his-
toriques et grammaticales, la vie du poëte par Alex. Chalmers, le testament
de ohakspearé, un glossaire, &c. &c. ; nouvelle édition en un seul volume
in-Af avec portai r. Leipsic, Fleischer; et Paris, Treuttel et Wurtz, 1830.
Uebersicnt der wissenschaftlichen cultur des osterreichrschen Kaiserthums, ta-
bleaa historique et ethnographique de fa littérature de l'empire d'Autriche,
dans ses différentes langues, par M. Fr. Sartori. Vienne, Gerold, 1830, in-8.*,
tome I.er Prix 4 ri. 12 kr.
Reise. utn die Welt, if a Voyage autour du monde, en 1813-2.6 , par Otton
de KotzeBue. Weimar, 1830, 2 vol. in-8/ avec des planches et 3 cartes. On a
joint au2.e volume un Précis des découvertes zoologiques, par M. Fr. Eschhofz,
professeur à l'université de Dorpat.
Ceschichte der aller Deutschen, ifc»; Histoire des anciens Germains , princi-
palement des Francs (depuis l'origine de ce peuple jusqu'à la mort de Charle-
magne); par M. Conr. Mannert. Stuttgard, Cotta, 1829, in- 8/
, Kritische BeUnchtung einiger P une te in dm Feldzûgen Karls des 'Crossen, ifc.,-
Eclaircisseniens sur les campagnes de CharUmagne contre les Saxons et les Slaves,
mémoire pour servir à l'histoire et à la géographie du moyen âge; par Al. l,éo-
pold dç Ledebur. Berlin , 1829, in-8/
Assise* et bons usages du royaume de Jérusalem, sive Leges et Instituta regni
h'terosofymitsmi. Primnm intégra ex genuinb deprompta codicibus mss. adjectif
lectionum varietate et praefatione, cum glossario notisque et indicibns, edide-
ruatH. JUuftcr, J. C. Bludtscht. Stutgardi-e, Cotta, 1830. Ouvrage pour lequel
on souscrit chez MM. Treuttel et Wurtz.
; Zrnr Géschkhu Friedrich Wilhem's 1 und Friedrichs II hmnige von Preusun;
Bikempour servir à l'histoire de Frédéric-Guillaume l.~ et Frédéric II, rois de
Psmsse., jhiWiéej par lé i)/ Ccawef. Hamboarg, Hofouuui et Campe, iK*?,
<
3*» JOURNAL DES SAV ANS,
Geschichte der Magyare* , ifc. Histoire des Magvams (Hongrois) ; par
M. le comte Mailath. Vienne , Tender, 1829, 3 vol. f«-A# avec des plant de
batailles. Prix 14 fl. ( Nous avons annoncerons noire derftéef cahier, p. 320,.
un volume publié à Londres, par M. S. Bowing, sur U poésie des Magyares. )
Pensées sur l'homme, ses rapports et ses intérêts; par M. Frédéric AnciUo*.
Berlin, Duncker, 1829, 2 vol. in-12. Prix 2 rxd.
RUSSIE. Versuch einer Lheratur der sanskrit Sprache; Essai historique et
littéraire sur la langue sanscrite, par M. Fr. Adelung. Pétersbourg, 1830, in-ÏS
ITALIE.
• ■ -
Viaggio di Terra-Santa, i7i.; Voyage à la Terre-Sainte (en 1814 et 1815),
divisé en chapitres selon l'ordre des matières; par le docteur Santino Daldirn*
curé de Salirio. Milan, Motta, 1829, hi-izi 168 pages. Prix il. 50 c.
' Irène Delfino, storia veneriana del secolo VI. Venezia, per Giuteppe GrOato*
1830, 2 vol in-8.°, 3 12 et 306 pages. Pr. 4 1. Irène (femme d'Etienne Delfino},
roman historique et politique : on en publie une traduction française.
JRela^ioni dello stato di iavoja , negli anrii 1 574» 1670, 1743 , teritte daglt
ambasciadori veneii Molini, Bellegno e Foscarini, con note cd illustration!
di'Luigi Cibrario, sott. proc. gen. di S. Marco. Torino, ttp* Atliana, 1830,
t/i-tf/, di p. xx e 208. Relations sur V état de la Savoie en f 574t 1670 ** ^\i-
Storia di Como , ifc. Histoire de la ville de Corne, par M, Maarizio Mohti.
Corne, Ostinelli, 1830; deux parties in- 8.'
Storia délia letteratura italiana del secolo xvm ; Histoire de la littréatuve
italienne du XVI 11/ siècle; par M. Antonio Lombardi, pour servir de fuite à
rtifstoire de la littérature italienne, ancienne et moderne, de Tiraboschi. Mo-
tféne, 1829, tomes 1, 2, 3, ih-8.'
Vitruvii de Architecture libri decem , apparatu praemuniti, emendationibus
et illustrationfbus refecti, thesauro variarum lectionum quadragihta sex codi-
cibus locupletati, tabuiis centum quadraginta declarati, ab Aloysio Marîno:
accedunt inscriptiones aliquot et indices varii. Romae, ex prelis Marinii;
1830, in-f?
ANGLETERRE.
Consolations in travels , or the Utst days of a philosopher. Consolations en
voyage, ou les derniers jours et un philosophe; par sir Humphrey Davy, der-
nier président de la Société royale de Londres; in-n , de 281 pages. A Londres,
chez John Murray. Ce livre, divisé en six dialogues, contient des généra-
lités qui peuvent sembler un peu vagues, mais aussi quelques observations
positives, importantes en elles-mêmes , et auxquelles le nom de l'auteur ajoute
beaucoup de prix.
Travels in the Morea ; Voyages en M orée ; par M. W. Martin LeaLe. Lon-
dres, Murray, 1830, 3 vol. in-8.*
Travels of Macarius, patriarch of Antioch, written by attendant arch-
deacon Paul of Aleppo in Arabia , translated by F. C. Beifour. Part. T,
Anatolia, Romelia and Moldavia. London, m-4.9 ; Voyages do Maatrws,
patriarche d'Antioche, écrits en arabe par son archidiacre^ ÇatJ.cfAkp,
y
JUIN 1830. 38*
traduits en anglais par M. F. C. Belfour. Partie I.", Anatolie, Roméiie
et Moldavie. Londres, in-^S
Notes on the Bédouins and Wahabys, ifc. Notices sur le! Bédouins et les Waha-
tys, recueillies par feu Louis Burckhardt, pendant ses voyages dans l'Orient.
Londres , Col bu m, 1830, \n~4J
Two Essays on the geography of ancien t Asia ; intended partly to illustrate
the campaigns of Aleianaer and the Anabasis of Xenophon , by the Rev. S.
Williams ; Deux Essais sur la géographie de l'ancienne Asie , contenant des
éclaircisseriiens sur les conquêtes d'Alexandre, sur l'expédition de Cyrus le
jeune et la retraite des dix mille, &c. Londres, in- F.0
The History of chiValry and the crusades ; Histoire de la chevalerie et
des croisades j par M. Henri Stebbing, Edimbourg , Constable; 2 vol. //1-/2.
Memoirs on the life of sir Walter Raleigh> Ù*c. Mlmoires sur la vie de shh
Walter Ralegh, avec des remarques sur le temps où il a vécu, par mistriss Thoin-'
son, auteur de Mémoires sur la cour de Henri VIII. Londres, Longman, 1829,
in-8.° — On doit écrire Ralegh, selon M. Walckenaer, de qui l'on a un très-boa
article bibliographique sur ce personnage, Biogr. univers., XXVII, 1-23; Vies
de plusieurs personnages célèbres, 1. 1 , pag. 242-288.
Commen taries on the life and reign of Charles thefirst; Commentaires sur la vie
et le règne de Charles Ln, roi d'Angleterre, par M. J. d'Israeli. Londres, Colburn,
1830, cinq volumes in-8.0
Memoirs on the life and ûmes of Daniel de Foe , ifc. / Mémoires sur la
vie de Daniel de Foé et sur le temps où il a vécu ( 1663-173 1 ); par M. Walter
Wilson. Londres, Hurst, 1830; 3 vol. in-8.° , contenant l'analyse de tous
les écrits de l'auteur de Robinson Crusoé, et l'exposé de ses opinions sur
divers sujets importans, politiques, religieux et littéraires.
An historical Account ofmy own life, &c. ; Relation historique de ma propre
vie, avec des observations sur ce qui s'est passé de mon temps ( 1671-173 1}#
par Edmund Calamy; i.rtt édition donnée par M. John Towill Rutt, qui
y a joint des notes biographiques et historiques. Londres, Colburn, 1829;
2 vol. in* 8.° II paroit qu il y est sur-tout question d'affaires religieuses; cepen-
dant ces deux volumes sont annoncés , ainsi que les Mémoires de Daniel de
Foé , comme pouvant jeter du jour sur toutes les parties de l'histoire d'An-
gleterre, depuis la restauration des Stuart jusqu'aux premières années du
régne de Georges IL
Pompeiana , ifc. Nouvelles Observations sur la topographie , les édifices et les
ornemens de Pompéi, par sir Will. Gell. Londres, Jennings, 1830, 1/1-4.% avec
des planches coloriées et des vignettes. M. W. Gell a déjà décrit les antiquités
de Pompéi; il expose ici les résultats des fouilles récentes.
History of the Jews ; Histoire des Juifs , par le Rév. D.r Millman. Lon-
dres, J. Murray, 1829, 3 volumes in-12 qui font partie d'un recueil appelé
Bibliothèque de famille.
The Evidences of christianity , stated in a popular and practical manner lit
a course of lectures delivered in the parish church of S. Mary , Islington ;
by Daniel Wilson, A. M. vicar; in two volumes. Vol. J, containing the
lectures on the authenticity , credibility, divine autority and inspiration of
the New Testament. London, 1828; vol. H, containing the lectures on the
5«4 JOURNAL DES 34VANS.
irkernal évidence 'of Aé Christian religion, Lorfdojr, 1830, gr. in» S/; Preuves
de la vérité de la religion chrétienne.
The Histoty and doctrine of budhism ; Histoire et doctrine du bouddismet
avec une notice du happouisme ou du culte des démons à Ceylan j par M, £.
Upham. Londres, in-fol., avec 4 3 planches cx*iurnjo^es. — r M. E. Upham- a
publié aussi à Londres une Histoire de Ternaire ottoman; History çf the
Pttoman empire, from its. establishment to the jrear 1828; 2 vol. in- S,0
The Adventures of Hatim-Tai ; les Aventure*, de Haim-Tài , roman traduit
du fersan par Duncam Forbes. Londres , Murray , 1S30, 214 pages 111-4//
imprimé pour le comité des traductions d'ouvrages orientaux.
' , J.NDES. Dictionary of the Bhotanta or. B ou tan language , printed fro™ a
.snsV.copy made by the Inte Rev. Schroeter,' edited by J. Marshman, to
Wjcby prefixcd a grammar of the Bhotanta language, by Schroeter, edited by
jKf'Çlarey. Calcutta ,in-éf.° ; Dictionnaire [et grammaire) de la langue du Boutan.
•AMERIQUE. Amer Khan and other poems &c.; Amer Khan et autres
peines de Lucretia Maria Davidson , recueillis et publics par M. Samuel
F. B. Morf. New-York, 1829 , in-8.° M.»»€ Davidson était née à PJatsburgh ,
.dam l'état de New-York , le 27 septembre 1808; elle est morte au même lien
le. 27. août 1825, n'ayant pas encore 17 ans, et laissant beaucoup d'écrits en
vers et en prose. M. Morf n'en publie qu'une partie.
i>;
. NOTA. On peut s'adressera la librairie, de M, Levrault, à Paris, rue de la
'Harpe, n.4 Si ; et à Strasbourg, rue des Juifs, pour se procurer les divers
ouvrages annoncés, dans le Journal des Savane. Il faut affranchir les lettres
4t 1+ prix présumé des ouvrages.
' "■ ■ ■ ■ ■ .1 1 ■ il ■ ■ ■ 1. 1 ■ » 1 „ . . , ,
TABLE.
Histoire des Français aux cinq derniers siècles , par M. Amans- Alexis
Monteil. ( Second article de M. Daunou. ) Pag. 32 J.
Chefs-d'œuvre du théâtre indien , traduits de l'original sanscrit en
anglais, par AI. //. H. Wilson , et de l'anglais en français , par
M. Langlois. (Article de M. Abel-Rérrrusat. ) 335.
Bibliothèque choisie des Pères de l'église grecque et latine , ou cours
d'éloquence sacrée, var M. Marie- Nicolas -Silvestre Guillon.
( Second article de M, Raynouard. ) 34^ .
'émoires de l'empereur Djéhanghir , écrits par lui-mime, par le
major David Price. ( Article de M. Silvestre de Sacy. ) 359.
H\stoire philosophique, littéraire, économique , des plantes de l'Eu»
. Tope, avec figures , pqr J. L. Poireu (Article de M. Tessier. )... 371.
-Nouvelle* littéraires . • « 37, .
PIN DE LA TABLE.
DES
JUILLET 183O.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE;
1830.
BUREAU-DU * JO*J**IÀfc DE£ fcAVANS.
M. le GARDE DES SCEAUX , Président.
M. Dacier, de l'Institut royal de France, secr. perp.de I'Acad. des
inscriptions et bettes-lettres, er membre de4*Acaéénfte française.
M. le B*£ôn SlI»yf8TRB'D£ Sjycr, de l'Instifat royal durante,
* Acadfmï* des I^crtpjlpnft et &elks-Iettrefc
M. le Baron Cuvier /conseiller d'état» de l'Institut royal de
France , secrétaire perpétuel de l'Académie de» sciences , er
membre de l'Académie française.
M. QUATREMÈRJE DE QuiNCY, de l'Institut royal de France,
sec rétaire peipétiet de TAcâdémle desl>faux«arts, et membre de
celle des inscriptions et Telles-lettres.
Assistans»,
Auteurs. .
M. DAUNOU,derinstitut royal de France, Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, éditeur du Journal et secrétaire du bureau.
M. TeSSIER , de l'Institut royal de France, Académie des sciences.
M. Biot, de l'Institut royal de France, Académie des sciences.
M. RAYNOUARD, de l'Institut royal de France, secrétaire per-
pétuel honoraire de l'Académie française , et membre de l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres.
M. Raoul-Rochette, de l'Institut royal de France, Académie
des inscriptions et belles-lettres.
M. Chézy, de l'Institut royal de France , Académie des inscrip-
tions et belles-lettres.
M. V. Cousin , membre du conseil royal d'instruction pu-
bttqne. " * .
M. Letronne, de l'Institut royal de France, Académie des
inscriptions et belles-lettres.
M. Abel-Rémusat, de l'Institut royal de France, Académie dts
inscriptions et belles-lettres.
M. CHEVREULy.de l'Institut royal de France, Académie des
sciences.
M. Saint-Martin, de l'Institut rdyal de France, Académie des
inscriptions et belles-lettres.
Le prix de l'abonnement au Journal des Savant est de 36 francs par an,
_! _ /_ *C _ _ _ la» ««***••.*& Ws-v»» /Ia D**~m» fla« «'«Km»»» a» la* lîriTâtrfP f\ P
ourg, rue des
et.de 40 fr. par* la poste, hors de Paris. On s'abonne à la librairie de
M. Levrault, a Paris, rue de la Harpe, n.ê 8t ; et à Strasbc
Serruriers. Il faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres NOUVEA ¥X , Us lettres p arts , mémoires , &c. , qui
peuvent concerner LA RÉDACTION de ce journal , doivent être
adressés au huridu au Journal des Savatts ,k Paris, çue de
Ménii-mon tant , n.° zx.
JOURNAL
DES SAVANS,
* ■
JUILLET 1830.
Scripta historien Islandorum , de rébus gestis veterum Borea-
li*m, latine réédita* et apparatu critko instructa, curante
Societate regid antlquariorum septentriçualium. Vol. I et II,
in-f.ê, de xxii) et 656 pag. Copenhague» 1828, impr;
de Popp.
JLià capitale des états danois ne manquoit pas de sociétés et de com-
mission* occupées de l'histoire et des antiquités nationales. Sans parier
de la Société royale des sciences, dont une section , la classe historique,
a fourni de très-bons mémoires pour l'éclaircissement des points obscurs
de l'histoire du nord , il y avoit la Société de littérature Scandinave , qui
dans son recueil a également fourni un grand nombre de mémoires et
de notices ; la commission chargée de la publication des manuscrits
anciens rassemblés et légués à l'état par Amas Magnaeus; la com-
mission archéologique qui s'occupe spécialement à faire connoitre le
musée d'antiquités nationales. Quelques hommes zélés pour l'étude de
l'islandais pensèrent néanmoins qu'il manquoit dans la capitale une insti- *
tution pour la publication des sagas , dans lesquelles sont renfermées la
poésie, l'histoire, et presque toute la littérature des anciens Scandinaves,
lis se réunirent, en 1 8zj , pour fonder une société dite des anciens
manuscrits (nordisk cldskrift-sclskab ) (1). La protection et les secours
pécuniaires nécessaires à une institution semblable ne leur manquèrent
•
(1) Voy. Hovedbtntning fia dut Kongeligt nordiske OUshtifi-StUhab $ &c.
Copenhague, 1828, in- 8.° ~~Les statuts deiU société ont paru en islandais et
en danois sous le titre de Vcdtatgter for dit Kong, nordisfut OkUkrtfi-Stltkab ,
Ccc a
*
388 JOURNAL DES SAVAIS,
point; le zèle de quelques membres fit le reste. En 1828 , la nouvelle
institution fut érigée en Société royale des antiquaires du nord ; et
animée de cette ardeur que* déploient ordinairement les âouveiles
sociétés ihtér^f es , et qui finit jrop souvent par s'éteindre avec la
même rapidité, elle entreprit la publication, non pas d'un seul recueil ,
mais de trois ou quatre séries d'ouvrages, qui, une fois complétées,
formeront une bibliothèque fort curieuse. On étoit loin de penser ii
y a peu d'années que lès sagas islandaises de viendraient aussi accessibles
aux savans de l'Europe , et que les difficultés de f étude de la langue et
Tïë fa littérature des anciens Scandinaves s'apfaniroient aussi facilement.
Quand fa Société des antiquaires de Copenhague borneroit là son
activité, elle laisseroit toujours un monument* très-honorable, de son
. existence ; mais nous souhaitons qu'elle soit assez bien soutenue pour
fournir une longue carrière, et que son zèle et son activité ne se
ralentissent que lorsqu'il n'y aura plus rien à faire pour le but. qu'elle
s'est proposé.
Notre intention n'est point d'examiner les divers recueils dont elle a
entrepris la publication : parmi ceux que nous avons eu occasion de
voir , il y en a un qui embrasse les sagas romanesques dans la langue
-originale (i); un autre recueil contient la traduction danoise de ces
-.sagas ou d'autres traditions du même genre (2). Nous nous arrêterons
ici à une troisième série, qui devra contenir la traduction latine des
sagas historiques des Islandais. Cette série paroît destinée spécialement
:pour les savans étrangers, qui se sont plaints souvent de n'avoir pas de
secours pour étudier l'esprit de ces compositions originales» Il n'a paru
: encore que deux volumes de cette série , et rien n'ipdique rétendue qu'on
se propose de donner au recueil commencé. Assurément il sera très-
volumineux, si toutes les sagas historiques doivent y entrer. Cependant,
ayant son utilité , et n'étant pas d'ailleurs d'un prix élevé , il sera proba-
* - biement bien accueilli en Europe.
' Les deux volumes que nous avons sous les yeux contiennent la saga
ou l'histoire de la vie et du. règne d'Olaf Tryggveson, roi de Norvège
au X.c siècle , écrite par Gunnloeg, moine islandais de Thingseyr, qui
paroi t avoir terminé son ouvrage vers l'an 1 2o4* Ce n'est plus un scalde,
un bourgeois ou paysan de l'Islande qui écrit ; c'est un habitant d'un
(1)' Fornaliar sœgur Nordrlanda eptir gœmlum handritum utgrfnar afC.C.
Kafn. Copenhague, 1829, vol. I et II, W-&* — (2) Nordish fortids Sagaer ,
ifter dtn udgivne islandshe filer zamU nordiske grundshrift, oversatte afC. C.
Rafn. Copenhague, 1829, vol. I et 11, in-$.°
JUILLET l8^0. 389
'des cloîtres qui avoient été établis un siècle auparavant dans l'île. Aussi
n'est-ce pas dans la langue vulgaire que Gunnioeg avoit écrit sa chronique
ou saga; il s'étoit servi de la langue familière alors au clergé , ie latin.
Cependant cet idiome ne faisoit pas fortune chez les insulaires. Un
Islandais a donc pris la peine de traduire l'ouvrage de Gunnioeg dans la
langue du pays, d'y ajouter divers traits , et d'en faire une saga sem-
blable à toutes . les autres qui circuloient. L'original latin du moine
Gunnioeg a été perdu , et la traduction libre de l'anonyme islandais
s'est conservée; il en existe dans les bibliothèques du nord plusieurs
copies plus ou moins complètes. L'une a servi à l'édition qu'on a
donnée de cette chronique en 1689 à Skalholt en Islande» et qui est
rare dans le reste de l'Europe , comme tous lés ouvrages qui sont
sortis des presses de cette île reculée.
La-Smiéié dcs~aniiqualres du nord a cru devoir collationner avec soin
les copies manuscrites qui existent encore, les compléter l'une par
l'autre, et publier d'abord un texte entier et correct. Cette édition
a paru en islandais à Copenhague dans les années 1825 et 1827.
Ensuite elle l'a fait traduire en latin par deux Islandais ; en sorte que
l'ouvrage du moine Gunnfœg, écrit originairement en latin» puis traduit
en islandais , reparoi t maintenant dans la langue des Romains. II est
évident que ce dernier travail» inutile pour leshabitans du nord; qui
entendroient plus facilement le texte islandais que la traduction latine,
ne peut avoir d'autre but que de mettre les étrangers à même de
connoître l'ouvrage du moine de Thingseyn
L'historien du joi OlafTryggveson a composé sa saga comme on les
composoit alors toutes en Islande. Rédigeant son ouvrage en prose,
if y a intercalé une foule de passages tirés des poésies des scaldes. II
cite leurs vers à l'appui de ses assertions, comme on citeroit des documens
authentiques et des pièces justificatives. Quelque étrange que puisse
nous parohre ce procédé , il étoit très-naturel chez les Islandais. Les
scaldes qui se trouvoient à la cour des princes et des iarls ou grands,
improvisoient des vers sur les événemens remarquables qui se passoient
sous leurs yeux. Leurs inspirations attestent souvent des faits contem-
porains, et sont de vrais documens; pour les temps antérieurs à l'intro-
duction du .christianisme , ce sont même les seuls documens historiques
que l'on possède, et, sous ce rapport, ils méritoient encore plus que sous
celui de la poésie d'être recueillis. De là est venu Fusage de s'appuyer ,
dans la plupart des sagas des rois du nord , sur les fragmens des poésies
de 'scaldes contemporains. Ces citations confirmoient les faits, diver-
sifioient les récits , et entretenoient les lecteurs islandais de leur poésie
390 JOURNAL DES SAVÀNS ,
nationale.. On conçoit comment œ genre mixte a p* se conserver 9 tant
qu'on a continué d'écrire de% sagas sur le tègne des Irrfs du noitL
Cependant la traduction de ces passages, qui au rçste n'ont générale-
ment que huit à douze mers, a dû beaucoup embarrasser ceux qui se sont
chargés de la version latine de l'histoire d'Oiaf Tryggveson, On ne
peut assimiler la poésie islandaise du x.e siècle à h poésie moderne.
Son plus grand mérite consistait, à ce qu'il me semble , à renfermer un
fait dans un petit nombre de vers et en peu de mots aiwangés avec un
certain art : les poètes préféroient les mots d'une ou deux syllabes ; ils
tenoient beaucoup à l'assonance des consonnes ; ia disposition des vers
produisoit une sorte , je ne dis pas de musique , car eiJe n'étoit pas
toujours harmonieuse, mais de poésie imitative, de brait et même de
fracas, qui ne manquoit probablement pas son effet sur les auditeurs.
Un poète inspiré qui faisoit entendre un ctiqueii* de.parolos tout en
rappelant d une manière vive et énergique un fait d'armes ou un autre
événement arrivé devant ses yeux, devoit exciter un intérêt particulier
chez un peuple qui ne connoissoit pas la poésie harmonieuse. La seule
ressemblance frappante entre cette poésie otiginale et celle de l'antiquité
classique, se réduit à l'usage des tropes et des épithètes : sous ce rap-
port chaque scalde avoit la hardiesse d'un Homère. On sait que Snorro
Studeson, dans sa compilation de l'Edda, a inséré un ouvrage spécial sur
les expressions figurées des anciens poètes islandais (i).
Dans les fragmens cités par le moine Gunnlœg, on en trouve égale-
ment un grand nombre. Le combat y est appelé gnra gardr, tempête
des glaives; le navire ou bateau, v/7/ur, loup de mer, ou bien sœrla baer t
maison du pirate, ou bien bakka-blakkr et utiblakkit ekkils, cheval du
pirate ; les roches , jardar Itggs, os de la terre ; le cheval, mafmfeta, l'être
aux pieds de métal; la cuirasse, baudstrkr, vêtement de bataille; la
flèche, almdros, fille de l'arc ; les guerriers sont désignés sous l'expression
de styrkir rjodandr dreyrgra darra, robusti cruentarum kastarum rubt-
factarts , et sous celle de vcrkendr ktdlns baugs strkjar , hamatœ loricœ
tinc tores. Les scaldes composoient, comme les poètes grecs, des mots
pour exprimer les épithètes ; ils prenoient avec la langue islandaise toutes
les licences que \t% Hellènes prenoient avec leur idiome souple et
harmonieux^
Aujourd'hui ces expressions figurées , ces mots créés dans le feu de
Tinspiration , sont quelquefois obscurs, et leurs tropes sont devenus
mm
* * • # « • •
(i) K^'à'cë sujet l'ouvrage instructif de P. E. Muller; Saga-bibliothek,
vol. I et II,
. JUILLET Jftîja wi
de* énigmes pour la poetérifté* II faut une sagacité' peu commune , par
exemple, pour deviner que urgmr, lien ( sous-entendu des lies ) , et ici/a
braut, chemin de pirate, signifient la mer , et que sœrva skyran , ciel du
pirate, et hjcerlaut, sol du glaive* indiquent le bdticlier. La concision
extrême de leurs vers doit souvent faire le désespoir de leurs traducteurs ;
aussi trouve* t-on des passages peu intelligibles en latin, et qui ne sont
guère propres à donner au lecteur étranger à Fidiome islandais une
juste idée de 1 original , d'autant plus qu'il a fallu employer des circon-
locutions qui rendent cette poésie lourde et traînante. J'en citerai deux
exemples : en parlant de la victoire du roi Hakon sur ses ennemis , qu'il
poursuivit dans l'intérieur du royaume, le moine Gunntœg (1) transcrit
un passage de L'éloge de Hakon par le scalde Gutfaorm Sindr. Voici
comment ce passage est rendu par tes traducteurs :
~~ Hex caruleam nuis viam
Trivh remis sale aspersis ;
IhelyHis prfnceps stravit vbos
Infirrea Bellon* proeetla ;
Deinde pro lubitu pepulit fugientes
Sanguinolente tycni saturator,
'• Quajtssurarum aspergines
Ursi tegunt kabhaeula.
Ils sont obligés de mettre en note: Scnsus àujus sirop kœ e$t: Rex navï-
gatwne perfuttftHS, pugnam commisit, multhquc hostium cœsis, reliquos
tcrga vertert et usque ad déserta rejûgere ço'cgit* Le mot islandais que les
traducteurs ont rendu mal à propos par Bcllone est mistars-vifs ;
cependant ils sont si peu sûrs de la justesse de leur version , qu'ils font
cette remarque conditionnelle., si mist pro puffia capitur, mistar vif
erit Bellona; ce seroit tout au plus femme ou divinité du combat qu'il
faudrait mettre» et non pai Beliooe, qui étoit inconnue aux Scandinaves.
Mais quelques manuscrits, au lieu de mistarvifs ont mistar-nifir 9 couteau,
du combat 1 c'est à-dire, épée, ce qui pourrait bien être la leçon
véritable Le \m traînant
Stmgulrwltmi cycni $atwét*r,
rend les deux mots islandais hrafnrtns s vangctihbr : encore (es traducteurs
n'oitt-fls pu rendre fe sens "figuré dé ktafitrinf qui exprime le sang sous
l'image de Wn tm boisson dtt corbeau.
(1) Tome I, chap. xvji.
39* JOURNAL DES SÀVÂNS,
- Voici maintenant un antre fragment; il concerna uq combat entre
les Norvégiens et les pintes de la forteresse de Jomsbourg ( i ) :
Adhibuh exercitys manuum robur,
Acer erat gladiorum tmpetusj
Avidt noxa clyptorum
Appttebat gales terrai.
Cadebant teli numina; .
JVervo volabant excussœ sagitte;
Acutum gladii insonuere
Teguminibus sottdis.
La traduction de ce passage se rapproche plus de l'original que
celle du passage précédent , et elle est en général plus claire; cependant
on devineroit difficilement ce que signifie i*expre»sfou de gaU* urru* >
si les traducteurs n'ajoutoient en note que le poète islandais a voulu
désigner par la terre ou le sol du casque , la tête du guerrier qui le
porte. Il en est de même de teli numina, qui est Téquivalent ou l'expres-
sion poétique de milites.
La plupart des fragmens poétiques traduits dans cette histoire cTOiaf
présentent des obscurités semblables* Mon intention n'est point de
jeter du blâme sur la traduction en général : les traducteurs ont tenté
u(ie entreprise oh ils ne ppuvoient réussir complètement ; c'étoh de
rendre dans un fdiome> classique une poésie obscure» laconique et
hardie, qui ne peut être sentie et goûtée que dans l'original. Je voulois
seulement faire voir qu'on ne peut juger des beautés et des défauts de
cette poésie par les mots latins destinés à la rendre ; il faut absolument
recourir au texte islandais : encore y a-t-il de grandes difficultés pour
les Islandais mêmes» comme on vient de voir, et comme le prouvent
les notes grammaticales ajoutées par les traducteurs.
Abordons actuellement la partie prosaïque , ou Fhistofre même
cTOIaf Tryggveson. Trois historiens islandais ont écrit la vie de ce
prince, qui a dû inspirer les scaldes , et intéresser vivement les habitans
du nord, d'autant plus qu'avec le règne de ce souverain commence une
grande époque pour les Scandinaves, celle de leur conversion au
christianisme. Snorro Sturleson a compris la saga cTOIaf Tiyggveson
dans sa série de sagas royales , connues sous le nom de heimskringla.
Une seconde chronique de la vie du même prince a été rédigée par un
(i) Tome I , chap, XC.
JUILLftT 1S30, jsrj,
moine islandais nommé Odde ; Reh*h jelm en a donpé une édkion à
Upsai en 1691. Enfin Gunnkeg est venu, après ces deux historiens ,
écrire la vie cTOIaf , non pas en compilant , sans jugement et sans
choix , d'après les ouvrages de ses prédécesseurs , comme on foisoit fré-
quemment à cette époque dans les cloîtres d'Europe , maris en puisant
aux sources et en citant scrupuleusement ses garans : ce sont ou les
poètes du temps, ou les sagas spéciales rédigées, également par des
contemporains ou par des hommes qui ont vécu peu de temps après ,
et qui ont pu recueillir de la bouche des vieillards les événemens qui
s'étaient passés dans le nord.
Ce n'est pas que Gunnlœg soit exempt de préjugés, et que chaque
fait qu'il rapporte soit exactement vrai. I) parie souvent (févénemens
merveilleux ; il attribue beaucbup de miracles au roi Olaf, et l'histoire
de. ce prince, tourne quelquefois à ta légende. A cet égard, Gunnlœg
partageoit les àentimens de ses contemporains, qui étoiènt intimement
convaincus que l'introduction du christianisme dans le nord s'étoit
opérée par des moyens surnaturels, et que les premiers chrétiens parmi
les Scandinaves, par cela seul qu'ils avoient embrassé la religion chré-
tienne, avoient été doués de facultés merveilleuses, et d'une supériorité
physique et morale sur leurs compatriotes. Gunnlœg avôit sans doute
trouvé cette opinion accréditée dans les sagas qu'il avoit consultées ; il
l'exprime, parce que c'était aussi la sienne et celle de toute sa nation.
Elle ne doit pas nous rendre suspecte sa véracité : quand il erre , c'est
de bonne foi , et ce n'est sûrement pas lui qui a inventé l'événement
merveilleux par lequel il termine .son histoire. Olaf, attaqué paj ses
ennemis sur mer et assailli & coups de flèches, est obligé de céder au
nombre. Son historien le fait disparaître presque comme Romulus, dans
un quage ou brouillard éclatant , qui le dérobe 4 la vue de ses ennemis.
H paroît qu'OIaf, voyant qu'il ne pouvoir échapper , se précipita dans h.
mer; on n'a du moins jamais retrouvé son corps; mais ni Gunalceg ni
les autres cénobites ne pouvoient s'imaginer qu'iin prince qui avoit tant
fait pour le christianisme, pût être vaincu par ses ennemis; ils supposoient
sincèrement que le ciel l'avoir dérobé poor toujours à ses ennemis les
païens.
L'histoire de l'introduction du christianisme dajps le nord, telle qu'elle
est racontée dans la chrorâque du riioinfcGrônldeg, offre des traits fort
remarquables. En Norvège, il n'y avoit prçpqpé pas de villes ; la popu-
lation étoit disséminée dans les campagnes» tomme elle l'est encore Çfl
partie aujourd'hui; presque tout le Hioode vivait *n paysan; sur les
iCÔtes seulement habitaient les marchands, les pécheurs # les marins.
Odd
}94 JOURNAL D£S SAVAN5.
Dans d'autres états de l'Europe, les premiers missionnaires convertissaient
ordinairement le peuple en masse; ils réussissoient sur-tout dans les
villes : une population agglomérée , qu'entraînoit leur éloquence et
qu'éclaifoit soudain la lumière de l'éyangile , abjuroit le paganisme ,
et embrassort avec ferveur ta doctrine chrétienne, à moins que des
persécutions ne forçassent les prédicateurs ainsi que les néophytes à tenir
d'abord leur culte secret et à se fortifier dans l'obscurité.
Dans le nord, oit il n'y avoit pas de population concentrée, l'entraîne-
ment de l'éloquence ne pouvoit avoir le même effet. Au x.€ siècle ,
lorsque le midi de l'Europe étoit chrétien depuis long-temps , la religion
du Christ n'étoit encore pratiquée dans le nord que par quelques h^bitans.
Les missionnaires n'avoient pu faire de progrès chez des hommes qu'il
falloit chercher dans les iles et dans les bois. L évangile ne se propageoit
pas , et l'effet de leurs prédications«se bornoit à une île , un, hameau.
Lorsque Olaf, de retour en Norvège après maintes aventures, eut ressaisi
le sceptre de sa famille, il résolut de répandre dans son royaume la
religion dans laquelle il avoit été initié à l'étranger. Je crois avoir prouvé
ailleurs ( i ) que ce roi est le même que le roi Colan ou Olef, dont Robert
Vace (*) raconte le baptême solennel reçu dans l'église de Rouen.
Les moines islandais Odde et Gunnkeg s'accordent à dire , il est vrai ,
qu'OIaf fut baptisé dans le monastère d'une des îles Sorlinguev Peut-
être Olaf a*t-il renouvelé sa ptofession de foi dans un de ces endroits;
l'histoire des Normands présente de$ exemples de ce renouvellement de
baptême , qui leur attirait des présens et des honneurs , et dont ils ne
comprenaient sûrement pas l'importance.
Quoi qu'il en soit, devenu roi de Norvège, Olaf déploya un zèle
extraordinaire à rendre les Norvégiens chrétiens, II fut obligé d'aller
d'une province à l'autre, de s'adresser même aux grands propriétaires
individuellement pour les engager k se faire baptiser, employant tour-à-
tour la persuasion, les promesses et les menaces. L'histoire de ces con-
versions partielles est peut-être la partie la plus curieuse de l'ouvrage
du moine islandais, parce qu'elle nous révèle une foule de traits de
moeurs , et met en scène beaucoup de caractères personnels dont les
chroniques ordinaires ne patient guère. C'est ainsi que nous voyons
un riche paysan qui repousse le baptême, parce qu'il est très-attaché à
un beau sanctuaire qu'il a fait élever, auprès de sa ferme, aux diçux de
Podinisme. Olaf ne peut gagner ce paysan pour le christianisme qu'en
)ire des expéditions
JUILLET 1836. ' 39*
lui promettant de laisser intact son monument sacré (t). Un autre riche
Norvégien refuse obstinément de se faire chrétien, en déclarant que' ses
parens , d'après l'avis d'un magicien finnois , l'ont voué dans son enfance
au culte cTOdin et de Thor, et qufH veut mourir dans cette religion. Le
roi le fit expirer dans des tourmens cruels (2).
Des courtisans, même des scaldes, sont envoyés par le prince auprès dés
riches paysans pour leur faire adopter la foi chrétienne. Quelques-uns ,
sur feur refus, sont amenés de force à la cour iTOIaf , et là ils cèdent,
pour la plupart, aux insinuations ou aux menaces. Sigmund, un de ces
courtisans , est envoyé aux îles Faroer. Arrivé à Stromsey , il expose le
but de sa mission aux insulaires rassemblés* Thrand, l'un (feux , lui ré-
pond que le peuple va délibérer sur sa proposition; il se retire avec les
autres insulaires; puis il vient déclarer à Sigmund qu'on veut rester
pqj*ny pt qno ÇSgtmmJ lîiqui^Pity-mis à 'mort, s'il ne quitte à l'instant
ces îles. A quelque temps de là, celui-ci surprend Thrand , et lui dé-
clare à son tour qu'on va le mettre à mort, s'il ne se fait sur-le-champ
chrétien: Thrand cède à la menace, fet depuis lors le christianisme s'in-
troduit dans l'archipel des Faroer 13).
Olaf lui-même se présenta plusieurs fois dans ces assemblées popu-
laires , connues sous le nom de things , mot que les traductions n'ont
pu rendre , à ce qu'il paroi t , que par l'expression romaine de comhia.
Il harangua le peuple pour le déterminer à abjurer ie paganisme. Dans
ces réunions publiques, la proposition du roi fut toujours mise en dé-
libération comme une affaire législative. Au fhihg qui fut tenu à Froste,
et auquel s'étoient rendus une foulé de Norvégiens , on déclara au prince
que, s'il persistoit dans son dessein de changer ta religion des habi-
tans , on l'abandonnerait avec le même empressement qu'on avoît mis
à l'élever sur le trône. Dans la ThrontBe où lé pays de Drontheîm , ou
le roi avoit convoqué le peuple pour lut faire la même proposition ;
les paysans vinrent tous munis d'armes , et accueillirent avec des cris
effrayans la harangue d'Ôlaf. l/n paysan nommé Fârnsksegg lui fît une
longue réponse, au nom de tous les assistans. Ce paysan fut assassiné
quelque temps après pat ordre d'Olaf, qui fit en mèirie temps abattn?
les idoles , et força les habitans par la terreur à embrasser la nouvelle
religion. Cependant la famille dûpaysah demanda satisfaction du meur-
tre commis sur sa personne : Olaf, malgré sa puissante , est obligé d'en-
trer en composition devant un ikfng judiciahfe, selon lés anciennes
(1) Tome II, chop. *o%, ^(i) j\>ine II, chdp. 204. ~fyj Toinè //<
ehap. ipo, ' V
odd x
# •
l96 JOURNAL DES SÂVANS,
couturées de PEurope et de l'Orient , d'après lesquelles \m meurtre
s'expioit par une composition en argent. Cependant cette fois il fut plus
difficile d'en venir à un accord, peut-être parce que Farnskaegg avoit
été considéré comme l'organe des .Norvégiens assemblés au thing de
Drontheim. Pour apaiser le ressentiment de la famille offensée, le roi
se décida enfin à épouser la fille de Farnsksegg. Mais ce mariage, qui
dévoit faire oublier un aime, faillit en produire un second: la nuit
après les noces, Gudrun, encore toute agitée du meurtre commis sur son
père, tira un poignard, et voulut immoler à sa vengeance le roi devenu
son époux; voyant son projet manqué , elle se sauva du palais cFOIaf ( i ) .
Le livre du moine islandais est rempli d'aventures de ce genre , qui se
mêlent plus ou. moins directement à l'histoire des progrès du christia-
nisme en Norvège. *
Quelques-unes de ces aventures prouvent dam quelle idolâtrie gros-
sière étoit tombé le paganisme en Scandinavie , losque Ofatf entreprit d'y
répandre la religion chrétienne. On attribuoftà des femmes figées le
don de la prophétie; on croyoit que les idoles partaient ; et le moine is-
landais rapporte des dialogues entre elles et les paysans qui leur avoient
fait construire des autels. Un Norvégien , obligé de s'exiler de sa patrie ,
se réfugia en Suède : là il trouve un asile dans le temple du dieu Freyr 9
au culte duquel s'étoit vouée une jeune prêtresse ; le Norvégien captive
l'affection de cette prêtresse; il fait le rôle du dieu Freyr ; le peuple croit
que ce dieu est venu habiter en personne le temple, et lui porte de
riches offrandes. A la fin , ne pouvant plus cacher la suite de leur union
clandestine , les deux amans s'enfuient avec les offrandes; ils viennent à
la cour d'OIaf , et abjurent l'idolâtrie (a).
On lit aussi avec intérêt les détails que Gunnlœg donne sur l'intro-
duction du christianisme dans l'Islande. Cette île avoit de$ relations
constantes avec ia Norvège ; sans cesse les marchands de l'un de ces
pays fréquentoient les ports de l'autre. Olaf ne négligea aucune occa-
sion d'éteindre le paganisme chez les Islandais ; il faisoit appeler auprès
4e lui les insulaires que le commerce amenoit en Norvège ; iLenvoyoit
des émissaires en Islande. Les premiers laïques qu'il chargea de cette mis-
sion ne furent guère propres à réussir. Deux Isfcndais firent des vers sa-
tiriques sur un de ces émissaires ; H s'en vengea en tuant les deux poètes ,
ce qui n* pou voit qu'exaspérer tous les habitans de lfle (3). Ce n'est
pas, au reste, le seul exemple que cite notre historien du goût des ls-
Vi) Tom* Jl, chap. #tf ft -*- (2) Tpm* II, çhap. i?j. — (3) Terne I,
chip. ijéf.
JUILLET. 1:8)0. 397
landais pour la satire. II raconte dans up autre endroit que le roi de
Danemark ayant saisi un navire islandais , sous le prétexte du droit de
bris et naufrage, les insulaires firent sur ceprinçe dés ver? satiriques
qui le courroucèrent appoint qu'il voulut tenter une expédition hostile
contre leur île ( i ). •
Après plusieurs tentatives plus ou moins heureuses , Olaf réussit
enfin à disposer la multitude, en.lslandq, à l'acceptation du baptême.
Gunnlœg (a) rapporte 9 comme d'autres historiens du pays , la fanjeuse
délibération du thing d'Islande, par laquelle il fut résolu de recevoir la
religion chrétienne dans l'île , mais sous des restrictions remarquables.
Potr ménager {attachement du peuple à des usages et des préjugés an-
ciens et invétérés , il fut convenu solennellement, dans le thing, que Ion
pourroit continuer en secret de rendre un culte aux idoles Scandinaves,
de manger de la chair de cheval, et d'exposer les enfans nouveau-nés que
(es parens craignoient de ne pouvoir élever.- De ces trois réserves, qui
au reste tombèrent d'elles-mêmes quand l'esprit du christianisme eut
pénétré dans la nation , la dernière étoit sans doute la plus barbare , et
il fàlloit que cette exposition des enfàps fût généralement regardée
comrile une triste nécessité , pour qu'on pût en proposer le maintien au
moment même où l'on adoptoit une religion qui considère l'infanticide
comme un des plus grands crimes. Ce n'est pas ainsi que l'on procéda
en Prusse, lorsque les chevaliers de l'ordre teutonique parvinrent, par
le succès de leurs armes, à renverser le culte des idoles, et à introduire
la religion chrétienne par un traité également solennel; il fut expressé-
ment stipulé , dans cet acte , qu'à l'avenir il ne serait plus permis d'ex-
poser fes enfans (}). Quant à l'usage de se nourrir de chair de che-
val, il n'é toit- odieux, à ce qu'il paraît, aux premiers chrétiens dans le
nord, que parce que les Scandinaves offraient cette chair en sacrifice à
leurs dieux , et s'en régaloient dans leurs festins religieux , sur-tput dans
les grandes fêtes de juul, an solstice d'hiver. Lorsque, au x.e siècle Y
O thon f. empereur d'Allemagne, envahit le Danemark pour forcer les
habitans à abjurer le paganisme, son armée manquant de vivres s*
trouva dans une position critique; dans le conseil qu'il convoqua, on
proposa , ou de se retirer prompteraent , ou de soutenir l'armée en abat-
tant les chevaux. Ce dernier avis fut rejeté par le prince : His €onslllls9
dit-il, selon Gunnlœg (4' grau subist piaçulum , nam equinâ vesci, magna
ckrUtiana rcligionis noUntla ut ils qui allô modo ritam tolcrarc possumt.
(i> Tome Ij ckap. fy— (a) tome 11, chap.ng. — Voy. cet acte dans le
tome II de Voigt , Gachichu von Petits**, pag. 628. — (4) Tomei, cbap.f.
»* JOURNAL DES SAVÀNS,
Cependant cet usage, proscrit d'abord, a survécu au paganisme,
dans lequel il * pris naissance.
Parmi les traits intéresyuis disséminés dans Pouvrage du moine is-
landais, je citerai encore une anecdctçjp*^e retrouve en plusieurs en*
droits des sagas islandaises, appliquée à divers pefsonnages et h divers
temps s c'est ïa même qu'on raconte de Guillaume Tell. Ici elle est pré-
sentée avec des accessoires particuliers. Le roi Olaf , se trouvant chez un
propriétaire norvégien nommé Eindrid qu'il veut convertir au christia-
nisme, lutte de force et d'adresse jfvec Iiii, et cherche à le vaincre dans
tous les exercices du corps. Voyant un enfant d'une grande beauté,
fit» de la sœur «TEindrid, il propose au païen de prendre cet enfant j&ur
servir de but à leur jeu de tir; H fait couvrir la tète de l'enfant d'un
drap, dont les bouts sont tenus par deux hommes, puis H fait placer
sur le drap up dé à jouer, et il propose k Eindrid d'essayer, chacun à
sotx tour , d'abattre ce dé. Le Norvégien , vivement ému , jure en se-
cret de se venger si le roi tue l'enfant. Cependant Olaf abat le dé , ou
plutôt la flèche passe entre le drap et le dé; il engage ensuite Eindrid h
faire également preuve d'adresse. Les femmes le Suppliant de leur c$té
de ne pas risquer une entreprise aussi périlleuse , Eindrid s'excuse en
effet auprès du roi de ne pouvoir lutter cette fois d'adresse avec lui ( i ) ,
' On pomroit extraire de l'ouvrage du. moine islandais beaucoup de
traits de moeurs curieux. On y voit que le commercemaritime étoit assez
actif, au X-' siècle, entre l'Islande et la Norvège. II est fait mention de
la pèche du hareng; on cite des marchands qui étendoient leurs spécu-
lations en Angleterre, en Russie, et même dans l'empire grec, jusqu'à
Constantinople (2). Les rois et les i^r/rfàisoient élever leurs enfims chez
leurs paysans, Comme aujourd'hui, dans le Caucase , les princes envoient
leurs fils nouveau-nés chez leurs vassaux (3). La rudesse des moeurs
s'aliioit avec l'amour de la poésie. Chez les Islandais , la faculté de faire
des vers étoit pour ainsi dire innée. Ingolf, omnium in iis tractibusformo*
sissimuj , comme dit Gunnlcrg (4)> est accusé et mis à Parifcnde dans
un thirtg pour avoir fait une satire en vers contre une jeune fille , Val *-
garde , quSl âvoit courtisée ; et le frère de cette Valgarde fut un poète
fameux , sous le nom cTHalfrod , qui se rendit à la cour de Hakon en
Norvège, pour lur réciter un poème fait en son honneur ( j). Le prince
trtftit si charmé , qui! donna au scalde de beaux vètemens , et une hache
*■
(1)' Tomt II, çhap. 2jj. — (2). Tome II s chap. ip.. — .(3) Klaproth,
fiehen in don Kàuhdsus; Berlin, 18 12, tome I. — (4) Tome If, chap. /j-f
-**(5) Mdotn.
JUILLET i&$0. J9*
de combat omée .d'argent. Le moine islandais cite souvent des vers de
cetHalfrod, qu'on sumommoit Je poëte difficile , parce qu'il n'é toit .pas
{usé de le satisfaire. On. voit le même poète , dans le cours de l'histoire
d*OIaf, équiper un navire , «'enrichir par la poésie, et probablement
aussi par le commerce , se charger de missions diplomatiques pour le
roi , &c La qualité de poète habile étoit alors un titre pour parvenir awt
plus grands honneurs. La barbarie des moeurs perçoit k tout moment
chez les Scandinaves 7 cependant ils expient sensibles aux charmes de
l'inspiration poétique , et la $»nité des grands pâyoit généreusement
les éloges qui leur étoient prodigués par les improvisateurs de leur
cour(i); DEPPING.
^MtalilHItaÉMi
/)fî irrfTfîtfhtrwttir irr nr ru RAISON : Introduction À î étude
de la philosophie, par M. Thutot9m professeur au collège
royal de France ( membre de ï Institut* Académie des inscriptions
et belles-lettres). Paris, impr. de Pochard, librairie d'Aimé
André, 1 830 , 2 vol w-&*9 cxx et 333 , vij et 463 pages.
SECOND ARTICLE»
M. Thurot distribue, sous les trots titres de Connaissance Science et
Volonté , les notions idéologiques auxquelles il donne le nom défaits
de {'ENTENDEMENT. Nous avons essayé, dans un premier article, de
faire connoître la première de ces trois classes de phénomènes. Nous
devons exposer maintenant comment l'auteur a conçu les deux antres»
Généraliser les perceptions particulières , considérer abstraitement les
éfémens, Jes qiplités , les rapports , c'est-à dire , les séparer des objets oit
ils ont été aperçus; embrasser' de longues séries de causes et d'effets;
reconnaître ou établir l'enchaînement des faits et les réduire en système :
tels sont les dévefoppemens de l'intelligence humaine, auxquels le nom
de science est appliqué. L'instrument de ce vaste progrès est !%t des
signes, et surtout des sons articulés ou du langage; sans cet art, il n'y
aurott eu ni analyse ni synthèse : c'est par lui que l'esprit humain a pu*
d'une part , décomposer tes objets extérieurs et les faits intellectuels » les'
examiner et les décrire avec une précision rigoureuse; de l'autre, les
«Mi
(1) Le troisième et dernier volume de la Saga d*OIaf a paru en 1829: H
contient plusieurs pièces relatives à cette Saga» entre autres «a poëtac dm
scalde luUaraema «a rhenaeur d'OUC
4oo JOURNAL DES SAVANS,
contempler dans teiir ensemble, et s'élever à de irès-haiits degrés de gé-
néralisation. M. Thurot recherche donc les causes du tangage; i! les
trouve dan> 1 organisation de l'homme et dans la nature de notre rntel-
ligence. Il remonte a fa détermination instinctive qui nous a entraînés
a créer ce moyen de communication avec nos semblables, ou à concourir
avec eux à cette création. Il apprécie la valeur des mots qui expriment des
idées ou individuelles, ou particulières, ou générales; il expose comment
se succèdent dans l'esprit de celui qui lit ou qui écoute, des opération*
qui correspondent plus ou moins exactement à celles tjui ont eu lieu
dan* l'esprit de celui qui a écrit ou qui parle. Envisageant ensuite la to-
talité des mots qui composent une langue tant soit peu perfectionnée ,
il analyse la proposition; il explique comment un ensemble de pro-
positions exprime une pensée, un résultat général , et , en quelque sorte,
un fait unique de l'entendement. Cet e*nmeti eattaîn* relui des espèces
de mots, et des modifications qu'ils subissent pour devenir propres à
l'expression précise et complète de la pensée. C'est un précis très-mé-
thodique et très-précis de la grammaire universelle, c'est-à-dire, de la
science des causes de la grammaire particulière de chaque idiome. On y
reconnoît l'habile écrivain qui , en 1 796 , tradutsoit l'Hermès de Jacques
Harris , et y ajoutoit de savantes remarques : on voïtbien qu'il n'a jamais
cessé de cultiver cette branche éininente des études philosophiques et
littéraires.
Après avoir considéré les relations et les fonctions des mots dans
la proposition et dans les suites de propositions, i! en examine quelques-
uns en eux-mêmes, dans leurs significations propres, ou , pour ainsi
dire , objectives ; il recherche a quelles notions ou conceptions répondent
les mots les plus abstraits du langage, tels qu'étendue, espace et durée,
temps et lieu; unité, nombre; cause, effet, substance, essence, esprit,,
inaltéré, individu, personne; infini, absolu, &c. : genre d'instruction
qui reprend ici son importance et sa réalité, si peu sensibles dans les
anciens traités d'ontologie. On vient de voir que AI. Thurot emploie
les mois de notions et de conceptions ; nous devons dire quel sens il
y attache. Les notions sont les collections ou sommes d'idées associées ,
et exprimées par des termes abstraits ou généraux. Une conception ré-
sulte de l'assemblage de plusieurs de ces termes: c'est l'intuition d'un
rapport entre des notions. Les intuitions de cette nature n'appartiennent
qu'a la science, et sont, par conséquent, des faits intellectuels très-_
distincts des intuitions immédiates, qui n'aboutissent, comme nous
l'avons vu, qu'à la simple connaissance,
La deuxième section de l'ouvrage se termine par des réflexions, à
., JUILLET 1830. ; :. 4oi
notre a via, fort judicieuses ,>ur l'abus des" mots dans les questions inac-
cessibles à notre entendement» sur le néologisme, des métaphysiciens
allemands, et sur les déclamations passionnées qu'on .a quelquefois
substituées aux discussions philosophiques. Si nous en croyons i au-?
leur, les mouvemens oratoires» les expressions emphatiques, les mé-
taphores brillantes» sont des omemeas tout -3t- fait déplacés et de
mauvais goût en de pareilles matières. Il est certain qu'il les a traitées
lui-même sans jamais recourir à ces artifiqps» mais avec autant d'été*
gance et d'urbanité que d^sagacité et de profondeur. Il n'approuve
point le terme de sensualisme, d'abord parce qu'il ne le croit pas fran-
çais » puis parce qu'il le juge inapplicable aux doctrines qu'on a voulu
désigner par une dénomination si étrange. Il paroît qu'on l'a quelquefois
traduite par théorie abjecte de la sensation; et cette paraphrase est encore
au nombre des expressions que M. Thurot n'admet point dans le langage
de là véritable philosophie. Il patoît aussf qtfoh a partagé les philosophes
d'une époque toute récente en éclectiques» théologiens et sensualités;
l'auteur n'approuve pas non plus ces. catégories» qui» selon lui» ré*
pondent fort mal aux caractères positifs des doctrines» ef ne présentent
qu'une énumération incomplète et inexacte. Mais il devrait songer qtfk
toute époque les controverses métaphysiques ont amené de semblables
écarts. II en connoît trop bien l'histoire et les causes» pour que l'habitude
qu'il a contractée, de s'en préserver l'autorise à les trouver étonnans;
ils sont au nombre des phénomènes intellectuels les plus ordinaires parmi
ceux qu'il a compris sous le titre de science.
La troisième section est» ainsi que nous l'avons dit» consacrée à la
volonté. Cette faculté, et celles qui lui sont subordonnées» se sont. déjà,
présentées comme devant concourir à la production de la corraoissance:
fauteur s'est réservé de les décrire ici beaucoup plus au long. L'atten-
tion, qui a lieu toutes les fois que nous avons conscience (Tune idée» d'un
fait quelconque de notre esprit» prend différens noms» selon les emplois
que nous en pouvons faire : elle s'appelle contemplation » lorsqu'elle s'ar-
rête sur un ensemble d'objets plus ou mbinft considérable, ou même sur .
quelque objet isolé ; considération » lorsqu'elle s'attache à un groupe
d'objets ou d'idées faisant partie d'un système plus étendu ; méditation »'
quand» passant d'une idée ou d'un objet à un autre dans un même
groupe ou dans fe même système» *Ile en reconrtoît la liaison et les rap*
ports divers; observation » lorsqu'elle s'applique eux objets du monde
extérieur, aux fkits <JeJa nature physique; réflexion, s'il s'agit des
de l'ordre intellectuel ou moral. Peut-être y auroit-ii lifu de
quelques-unes, cfe ces définition*, -,
fiPP
♦-.• 1 1-
4oi JOURNAL DES SAVANS,
Quintilien a représenté h mémoire comme Tarne ou II vie de
toutes nos autres facultés , et le lien qui en unit toutes les oj^érations.
Cependant M* Thupot avoue que nous ne savons pas du tout quelle*
sont les causes de nos souvenirSsJ&Mtr ne voyons pas plus pourquoi
certaines modifications de nos .pensées nous attestent des faits arrivés
depuis Ion g- temps, que nous -ne concevons pourquoi d'autres modifi-
cations ne pourraient pas nous donner la connoissance anticipée des
faits & venir. Toujours eat*éf prouvé par l'expérience qu'un certain état
de notre organisation est une condition néftssaire il l'exercice régulier
et au développement de cette faculté. D une autre part , il est reconnu
que c'est par la liaison ou l'association des idées que la mémoire étend
sa puissance* L'imagination survient, qui dispose à notre gré de ces
associations d'idées ou de plusieurs de leurs parties , pour en faire des
combinaisons dont le nombre et la variété sont inépuisables. Son
domaine n'est pas borné a la poésie , à l'éloquence , aux beaux arts *
elle peut rendre .aux sciences <féminens* services, élever l'homme à
Jft plus haute énergie morale, imprimer k la vertu un caractère
héroïque, et fournir de précieuses lumières pour la conduite de la
vie. Mais, après avoir exposé comment on peut lui devoir de tels bien-
faits, Pauteur est contraint d'avouer qu'elle est, chez la plupart des
hommes, une source d'erreurs dangereuses , et quelquefois des plus dé-
plorables égaremens.
Ce ne seroit pas çonnottre assez la volonté que de considérer seule-
ment faction qu'elle exerce sur d'autres facultés de notre intelligence ;
il faut sur-tout remonter aux causes qui la mettent elle-même en mouve-
ment : ce sont les sentiment, c'est-à-dire, les affections agréables ou
pénibles. Porté au plus haut degré d'exaltation ou de vivacité , le senti-
ment prend le caractère et le nom de passion ; véritable état de souffrance,
où un seul objet occupe exclusivement f esprit et devient sa pensée
dominante. Sous le rapport de leurs objets ou de leurs sources , les sen-
timent se divisent en trois ordres, que distinguent les qualifications de
physiques ou organiques, <f intellectuels , et de moraux. Mais si l'on ne
veut avoir égard qu'à leurs directions, on les peut réduire & deux classes,
selon qu'ils seront ou purement personnefs , ou sympathiques. Les pre-
miers se masquent souvent sous l'apparence des seconds ; mais que la
prédominance de ceux«ci soit la cause de toutes les actions vertueuses , et
que la prédominance des aentimens personnels soit le caractère à-peu près
constant des Jetions qui ne le sont pas, c'est un des grands résultat! des
recherches dé M. Thurot, et celui qu'il s'est le plus appliqué à déve-
lopper. Il y rattache la théorie morale qui a pour objets» duac&é, fhu-
JUILLET 1830. 4oj
manité, la justice, l'honneur; de Fautrè, les désirs immodérés de*
richesses» du pouvoir, de la renommée, l'orgueil, la vanité, l'hypo-
crisie. . .
II établit ensuite, comme faisant partie de la constitution de l'enten-
dement humain, une faculté de perception morale qui se développe
après ou avec celle de parler ou de se mettre en communauté d'idées
•avec ses semblables. Les phénomènes de cette perception morale lui
paroissent avoir une analogie remarquable avec ceux de la perception
des objets extérieurs, produite ou suggérée parles sensations. Les senti-
mens qui nous affectent quand nous sommes les témoins ou les auteurs
des actions utile^m nuisibles aux autres hommes, peuvent souvent
passer inaperçus; mais la réflexion constate leur existence; et d'ailleurs,
la plus légère attention stft nous-mêmes suffit pour nous apprendre que
les sentiment gymp«thgqucj qui noue associent aux peines ou aux plaisirs
d'autrui, déterminent nos jugemens sur les actions qui causent ces plaisirs
et ces peines , et sur les personnes à qui ces actions peuvent être impu-
tées. De là vient la perception de la qualité bonne ou mauvaise des
actions r du mérite on du démérite des agens; de là, en un mot, la
perception morale. Cette importante analyse, à laquelle Fauteur a donné
une grande étendue, est terminée par des éclaircissémens sur la liberté
morale et le libre arbitre.
Dans l'avant -dernier chapitre de cette section, M. Thurot expose-
comment les sentiment religieux , primitivement instinctifs, sont déve-
loppés et confirmés par l'exercice de nos facultés de perception externe
et de perception morale; comment les progrès et' les actes de ceynémes
facultés nous conduisent à reconnoitre l'immatérialité et 1 immortalité dé
lame. Le dernier chapitre a pour sujet l'influence de la législation ou du
mode d'existence des sociétés politiques, sur la vertu ex le bonheur. Nous
placerons ici les définitions que Fauteur a données' de ces deux tenues en
traitant de la perception morale. La vertu est la disposition constante à
satisfaire, en toute circonstance, à deux sortes de devoirs ou d'obliga-
tions, l'obligation morale ou naturelle et l'obligation légale ou positive.
Le bonheur, dans la condition actuelle de F homme sur ta terre , est fétac
oà la somme des biens surpasse le plus possible celle des maux, qui
seront toujours, quoi qu'on fasse, mêlés aux biens en plus ou moins forte
proportion. Ainsi, le bonheur huraaiif ,"si l'on fait abstraction des causes
toutoh-fait indépendantes de nos volontés, dépend principalement du
caractère de chaque homme, c'est-à-dire de sa manière de senur, soit
naturelle , soit acquise ; des lumières de son esprit, et «de ta juste appré-
ciation qu'jl sait faire des biens «des maux; tufin des habitudes raiion-
Eee a
4o4 JOURNAL DES SAVANS,
nables qu'il a contractées. Mais ce mot de raisonnables ne sera complète-
ment expliqué que dans la deuxième partie de (ouvrage.
La première vient de nous offrir, sous les titres de Connoissanct , de
Science et de Volonté, toutes I***4rics de faits qui composent l'histoire
de l'entendement humain bien ou mal dirigé ; maintenant il faut savoir
quel est l'usage le plus légitime de* nos facultés intellectuelles , quels
seront leurs actes les plus réguliers» ceux qui tendront le mieux k dé-*
couvrir et h reconnaître la vérité , c'est-à-dire , f état réel des choses qui,
dans le monde extérieur et dans notre aine elle-même, sont les objets
de nos pensées. Au fond, tant de discussions épineuses sur l'origine er
la classification des idées n'ont de motif ou d'excusexnie dans les consé-
quences pratiques qu'on a l'espoir d'en tirer. L'analyse de l'entendement
n'est utile qu'autant qu'elle sert à l'éclairer, Avi ouvrir et à lui tracer les
roules qu'il doit suivre pour se préserver do* Ululions tt pour acquérir
de véritables connoissances.C'est le but que désignoit le nom de logique,
long-temps donné à des traités oit s'entreméloient, trop confusément
peut-être , certains tableaux du développement naturel de l'intelligence»
tt l'exposé des règles qu'elle a besoin de se prescrire pour s'assurer de la
rectitude de ses opérations. Depuis, on a distingué de l'idéologie propre»
ment dite, spéculative, ou, si Ton veut, historique, les arts intellectuels
qui doivent en dériver, et qui seroient, selon Condillac, au nombre de
quatre; arts de parler, de penser, d'écrire, et de raisonner. M. Thurot
a traité, comme on Ta vu, de l'art de parler, dans la section de la science.
II ne dit rien de l'art d'écrire, quoiqu'il soit aisé de s'apercevoir qu'il ert
a fait tpie étude très-profonde. A vrai dire , tant que cet art ne consiste
qu'en de vains artifices , indifféremment employés pour la propagation
et le triomphe des vérités ou des erreurs , il demeure pleinement étranger
à la saine philosophie. Mais, s'iln'étoit que Fart de parler perfectionné
par l'art de penser, s'il avoit pour but de trouver toujours l'expression la
plus pure , la plus complète et la plus vive des connoissances qu'on a
réellement acquises, il pourroit être considéré comme le dernier progrès
de rintelfigencejiumaine. Peut-être n'achève- t-on de bien concevoir que
ce qu'on peut très-bien écrire* Quoiqu'il en soit, M. Thurot n'envisage
dans la seconde partie de son livre que 4es arts de penser et de raison-
ner, si ce sont là, en effet, deux arts distincts, ce que noua devons
nous abstenir d'examiner, de petit d'entamer trop de discussions. Après
des éclaircissenffcns qui tendent à déterminer le sens des mots raison ,
sens, commun, bon sens vérité, vérités nécessaires, vérités contingentes,
évidence et démonstration \ certitude et preuve , opinion et probabilité ,
croyance, persuasion, conviction, fauteur définit la méthode selon fa
JUILLET 1830. 4oj
Valeur étymologique de ce mot ( foi* et oAç ) , le chemin qu'on suit
pourérouver un^chose que Foft cherche ou que Ton veut atteindre , la
route qui conduit à cette chose , le moyen ou l'ensemble des moyens
qu'on emploie pour la découvrir. Il distingue trois procédés de la mé- -
thode, l'un fondamental, l'autre provisoire , ci le troisième définitif. Le
premier est l'observation, qui a trois modes, l'analyse, la synthèse et
l'expérience; le deuxième est l'analogie, dont les modes sont les con-
jectures et les hypothèses; le procédé définitif est l'induction.
Pour observer un objet , pour y remarquer des parties , des q unités ,
des propriétés , et pour exposer les résultats de ces observations, on est
Obligé de te décomposer et de le recomposer» Si l'on veut pénétrer jus-
qu'à sa nature intime, démêler ses divers modes d'existence, ses rapports
avec un nombre plus ou moins grand d'autres objets sur lesquels il peut
egjr>jgu_qui peuvent agir sur lui» les modifications qu'il peut leur don*
ner ou recevoir d'eux , la simple observation d«s phénomènes spontanés
sera insuffisante : il faudra placer à dessein l'objet dans des circonstances
où les rapports et les modifications que l'on cherche à connoître pour»
sont se manifester; il faudra multiplier» varier ces circonstances» en
ajouter, en exclure , jusqu'à ce qu'on obtienne une connoissance précise
et certaine. Ce genre d'observation reçoit le nom d'expérience , et diffère
du pur empirisme» impatient de tirer des premières épreuves, quelque-
fois d'une seule , des conclusions aventurées.
Il est vrai pourtant que certains rapports de ressemblance, de nombre,
dû symétrie, qui se manifestent spontanément dans les parties et les
Qualités des diflférens objets que nous avons occasion d'observer, nous
disposent à établir entre ces objets des liaisons au moins provisoires :
c'est en cela que consiste l'analogie. Si la mémoire et les associations
d'idées nous suggèrent d'autres analogies que nous n%voyons pas en*
cote, mais que celles qui ont été observées nous autorisent à soupçonner,
nous formons des conjecture* plus ou moins heureuses. Lorsque en réu-
nissant plusieurs de ces conjectures , nous en composons un système ;
quand la pensée , par une sorte d'anticipation , conçoit le fait ou le rap-
port unique qui doit servir de lien commun à plusieurs groupes de phé-
nomènes, il en résulte une hypothèse qu*il est quelquefois utile d'ad-
mettre, jusqu'à ce qu'on ait pu la vérifier par l'analyse et par Texpé*
rierçce.
. Cette vérification , qui doit ériger f hypothèse en théorie , exige des
séries complètes d'épreuves, des décompositions rigoureuses f des énu-
mérations exactes , auxquelles est ici appliqué le nom d'induction. Pour
rendre sensibles les trois grands procédés de la méthode el leurs divers
4ôS JOURNAL DES SAVANS.
modes , M. Thtirot en fait des applications aux sciences physiques, à
l'idéologie , aux sciences m o rates et politiques. U en fcpporte fesvègfes
fondamentales établies par Bacon , par Descartes et par Newton. Nous
transcrirons celles de Newton, parc* celles sont moins universelle*
tuent connues, et qu'elles concernent particulièrement l'induction.
i.° N'admettre de causes que celles qui sont nécessaires pour expliquer
les phénomènes; a.° attribuer toujours, autant qu'il est possible, des
effets du même genre à la même cause; }.° regarder comme apparte-
nant^ tous les corps en général les qualités qui ne sont susceptibles ni
d'augmentation, ni de diminution, et qui sont communes à tous les
corps sur lesquels on peut faire des expériences; 4-° regarder, malgré
les hypothèses contraires, comme exactement ou à-peu- près vraies les
propositions tirées, par induction, des phénomènes, jusqu'à ce que quel-
ques autres phénomènes les confirment entièrement ou laissent voir
qu'elles 4bnt sujettes à des exceptions.
M. Thurot reproduit aussi les trois préceptes généraux auxquels
Pascal a réduit toute la logique, et dont le premier se rapporte aux dé-
finitions, 1e deuxième aux axiomes, le troisième aux démonstrations*
I. Définir-tous les termes un peu obscurs ou équivoques , et n'employer
dans les définitions que des termes parfaitement connus ou déjà expli-
qués; H. n'établir pour axiomes que des choses parfaitement évidenjes;
III. prouver chaque proposition nouvelle par des axiomes ou par des
propositions déjà démontrées, et n'abuser jamais de l'équivoque des
termes. Ces trois règles de Pascal s'appliquent au raisonnement , mot
qui sert de titre au dernier chapitre de l'ouvrage dont nous rendons*
compte. En soi, le raisonnement n'est que. l'usage de la raison, que
l'exercice régulier des facultés de l'esprit , que l'emploi des procédés de
la méthode. Ui# raisonnement exprimé par le langage ne devroit être
que l'expression d'une suite d'idées ou de faits particuliers de' Timelli*
gence, rapprochés et enchaînés à l'effet de rendre sensible un fait essen-
tiel et principal, ou bien de montrer qu'il est illusoire. Si au contraire, le
raisonnement se compose d'élémens qui ne sont pas des faits réels •
distincts et biea constatés, mais de pures conceptions de notre esprit»
où il n'y aura que ce que nous y aurons mis tout exprès , il ne sera
qu'une forme vide de toute instruction positive , et pourra néanmoins
éblouir pendant quelque temps la raison des hommes qui l'auront m
imaginé et de ceut auxquels ils en présenteront le vain appareil.
Telle est ridée que M. Thurot nous donne des argumens dont les
écoles ont si long-temps retenti; et, en ce sens, il admire la justes*
des deux vers de Molière :
JUILLET 1830. 4*7
Raisonner e>t l'emploi de toute ma maison»
Et le raisonnement en bannit la nûson,
•
On roit assez 9 par ce plan <Jes trois parties et de toutes les sections
de l'ouvrage, que l'auteur ne s'est point proposé de tracer l'histoire des
systèmes anciens et modernes relatifs 11 la formation des idées et à la di-
rection des facultés intellectuelles* Cependant nous connoissons peu de
livres qui puissent offrir des notions plus précises et plus exactes dj ces
divers systèmes. M. Thurot ne néglige aucune occasion d'indiquer les
philosophes de toute époque qui ont professé des opinions contraires
ou conformes aux siennes. Quaqpl il combat leurs doctrines , c'est avec
les égards qui font de la contradiction un hommage. Lorsqu'il retrouve
bu croit retrouver chez eux quelques-unes de ses propres idées , il s em».
presse d'invoquer l'autorité de ces écrivains, comme la plus sûre garantie
qu'elle* puissent avoir. Souvent même il suffit qu'ils aient dit quelques,
mots qui avoisinent les résultats de ses propres analyses , pour qu'il leur
attribue tout ce qu'on y pourra trouver de justesse et de sagacité* Il n'en est
pas moins vrai que le système entier de son livre et la plupart des détails
fui appartiennent, ainsi qu'on a pu le conclure du précis» d'ailleurs trop
rapide et trop incomplet , que nous en avons donné. Mais il s'est efforcé
de justifier par-tout les premiers mots de l'épigraphe qu'il a choisie :
Dicam cnïm neç mta*
Cette épigraphe, tirée de Cïcéron [Àcad. JI, 4) • se continue par ces.
lignes: Ncc ca in quitus, si vera non fucrint 9 non vmci me malim quajn
vheere. Non-seulement M . Thurot se déclare prêt à rétracter les opinions
dont oi#Iui montreroit la fausseté, mais « il s'en faut beaucoup, dit-il,
» que je sois sûr de ne m'étre pas trompé { je regarde, au contraire ,,
abomine très-probable qu'il a pu in'échapper plus d'une erreur grave.
» dans un genre de questions depuis si long-temps controversées, »
Voilà pourquoi nous n'avons pas dû craindre de lui proposer quelques
doutes ; et peut-être aurions-ftous appelé son attention sur un petit
nombre d'autres articles , si nous n'avions eu beaucoup pfa$ de raisons
qu'if n'en peut avoir de nous défier des illusions dont ce genre de fe-
cherches est encore susceptible. Ce qui nous paraît renain, c'est que ce
livre annonce un nouveau progrès de la science idé9 logique, qu'il doit
contribuer a, lui imprimer une heureuse direction , et à la préserver des
prestiges auxquels l'ont si souvent exposée l'abus des mots, le néolo-
gisme, les abstractions , les divinations et renthousiatioe.
DAUtfOU.
4o8 JOURNAL DE$ SA VANS,
L'Histoire du châtelain de Coucy et de la dame de Fayel,
publiée d'après le manuscrit de la Bibliothèque du Roi , et
mise en français par M. Ç. A-^Crapelet , imp&ncur de
Paris. Çrapelet, xu^^^trvSù \ n.pp, i8ap, très-grand
in 8. ,43° pages.
SECOND ARTICLE.
A quelle famille appartenoit le châtelain de Coucy , héros de ce
roman ! L'éditeur a adopté l'opinion He M. de Laborde dans son essai
sur la. musique ancienne et moderne. II a cru que le châtelain étoit fils
cPEnguerrand de Coucy , frère du sire de Couc^ Raoul I.cf , mort outre-
mer en 1 1 9 1 , auquel d'abord avoient été attribuées les chansons du
châtelain. " '*'
Pour démontrer que le châtelain de Coucy né toit point de la
famille des Coucy , je tirerai mes preuves du roman même , et ensuite
je réfuterai aisément les conjectures à la faveur desquelles M. de
Laborde et l'éditeur du roman ont avancé que le châtelain étoit fils
<f£nguerrand , frère de Raoul*
' A Pépoque que le roman indique , les châtelains n'étoient que les
gouverneurs des châteaux, dont la garde leur étoit confiée par le
seigneur propriétaire : le châtelain de Coucy fut donc le gouverneur
de la ville ou du château de Coucy, dépendant de l'ancienne famille
qui a porté ce nom si honorablement. '
Aussi le roman donne au châtelain de Coucy le nom de Renaut , et
on regarde comme certain que ce nom ne se trouve point à la fin du
Xii-€ siècle dans les généalogies de la maison de Coucy.
Le sire de Vergy le nomme Renaut.
Foi que doi Dieu, sire .Renaut,
Vous ne povés hui mes aler. .... v, 494#
Plus bas, il Tappelle encore sire Renaut. L'auteur du roman dit de
Renaut :
•
* Biaus chevaus qniit e bel arnois;
Aussi cointel fil que li rois
Fust, s'ils votist aler jouster •
Onques nul povre bachcler ; - .
Ne véitfes si bien monté
' Ne dé tous poins mieux acesmé v. 878-883.
€ _
JUILLET 1830. 4op
Cette expression de povrt bathelcr ne doit pas , Sans doute , être prise
S h lettre; mais on doit en induire que le châtelain n'étoit pas -en état
de faire une dépense aussi considérable que les seigneurs qui f epoient
aux joutes et aux tournois.
II paroît pourtant que le châtelain aroit des écuyers;
V-» • •
A tant vienent si eccnier.
Ë cil escuier emnment
li vont son cheval amener,
Pais monte, après les fait monter;
Sa gent Ion «e met a la voie. • • •
II avqit même des manoirs.
Vers son mes part acheminer y. 2546-1; 57.
Et ailleurs :
•
Car a mon manoir voel aler ▼, 2580.
Et ne cessa, ne soir ne main,
Tant qu'il trouva le chastelain
Qui estoit en un sien manoir
Où il estoit venus le soir. v. 3973-3976.
Dans une autre occasion il s'agit encore du manoir.
Jusqu'à tant qu'el manoir entrèrent
Où moul^faisoit plaisant et bel;
Li chastelains en un p*4«I
Estutt couchiés* sans nul délit ,
Car on li refaisoit son lit. v. 28 12-28 16.
Je dirai ici que nerf n'indique dans le cours du roman que le châte-
lain fût logé au château de Coucy. •
Selon Fauteur. du roman, Enguemnd de Coucy assista au tournoi
que le sire de Coucy son frère donna, en 1 1 87, entre la Fère et
Vandeuii, où le châtelain se présenta et jouta avec un grand succès,
et Enguerrand lui-même y jouta contre le comte de Namur.
Certes , si le châtelain Renaut avoit été fils cfEncuerrand , Fauteur
n'eût pas manqué cTen parler, et surtout d'établir quelque rapport entre
le père et le fils, qui combattaient dans le même tournoi; et quand le
châtelain obtint un prix , n'auroit-il pas été question de son père l
Mais une raison qui prouve sans réplique que le châtelain- Renaut
n'étoit pas le fils <f Enguerrand de Coucy , c'est que , lorsque a
• Fff
1 •
JOUlOfiiL &É$TS£VÀNSf
iwfétèïtî€$ de
Un escu avoit a deux pièces
Faissiet et de vair et de geulles. v. il F- 119»
Celles du châtelain le sont ainsi :
Bien sai qu'il avoit escu (For
D'une bare d'asur fassiée
Et si ot au chief enta il liée
Un lioncel vermeif passant. v/ ÏH6'ti9j*
•• . .. ••
J'insiste sur cette circonstance , avec d'autant plus de confiance ,
que M. Crapelet lui-même observe judiciéUSertiehî , ctitis utie'note
des pages 303 et' 3#4, que « Gaucher .M de Châtilloitne portoit,
» pour bjjsure de ses armes , une merlette de sable sur le chef 9 que
3> parce que Gui de Çhâ tillon , sire dudil lieu, son père, vivoit encore ;
» autrement , a joule- 1- il , il auroit porté feà di-meï^ïefhies , étant Faîne et
» le successeur de Guy dans Ia'possessiott de ladite seigneurie.
Lorsque le châtelain est surpris parle iiive dé Ffeyef , tjuï Vèu t l'immoler
à sa jalousie» Fécuyer du sire de Fayel dit i 2t don rfiaître :
•
Mats nullement ne Pociés,
Car ce seroit trop grans mescxes; -
Riches est et bteir parentés
Est , et trop vaillant, ce savés, v.* 4549*43 5^
Si Renaut avoit appartenu à la famine 8e Cotfcy,' tèf écuyer, qui
étoît dans ses intérêts et qui voûtait le Saliver, ri'àuroit pas manqué
d exprimer à quelle famille il appâWettûit, au 'Bed de dire seulement
-qu'il était bien parenté.
Quant aux richesses que Fécuyer accôrdç gratuitement au châtelain ,
' je me bornera à faire Remarquer que / lorsqu'il passa outre-ràer , Renaut
n'emmena avec lui- qu'un écuyer et un seul garçon*
% * Car li jbW estort ' ja Vélfa ,
' Entre lui et GôBèrt s'en vortt ,
Que fuis de' cbrnpa^nië n\ttit. >i 7^2^364.
4 VÙttïfyst GoBert à tyjiefer
** Et iôtf gkrçbir iju'oit tiém HRletfs. v. 7691 -^92.
Certes^ ce nTest:pa^ en un telé^ïi&j^^ pré-
j$pté*jà suite ^^du rpï'kïcftàrdien se ^ôfeaiit âVeCiaî,,5f Wutdbis on
peut"^ouex\^
**»«?; $&. : :. . ^
Raoul preiçicr pe.Coucy : dans une noté mise a la page 204 .au bas de
la traduction , ojj ht x
«Raoul I.'r son oncle ne lui avoit laissé que quarante livres parisis
3» par son testament. » ( Atemëirt historique sur Raoul ai-CbucyA
ne
pefet a reproduite > c'est le passage suivant de ce testant
«c J'ai assigné à Raoul, qui possède un titre clérical, quarante "livres
r> parisis de rente, à prendre sûr mes revenus de fioire, et ; ce tout le
» temps de s? vie ( i ). »
Mais ce Raoul dejCouçy étoit un fifs du testateur, et non son pré tendu
neveu , Rehaut le châtelain : outre la différence dès noms de Raoul et
de Renaut, le .véritable fifs du stre d^ Coucy éloit engagé dans rétat
ecclésiastique; il possédoit un titre clérical, ainsi que le testament
l'indique , et Ton a même cru qu'il devint évêque de Npyoni II est vrai
que, dans. un acte daté de 1 1 871 passé par Raoul "I.'f de Çoucy , on lit
que son neveu, Radulphus clericus, y assiste comme témoin ; mais quand
ir faudrait admettre que ce Raoul étoit fils d'Enguerrand, on ne peut
pas en induire que ce clerc Raoul fut Renaut te châtelain, quand il
n'existe aucune preuve ni même aucune indication de cette identité.
II faut donc, admettre que le héros du rolnan de Coucy s'appèlôit
Renaut; que, Sans être de la famille des Coucy, il étoit chargé de là
garde du châtç^u-'
Après avoir cherché à cpnnoître quel étoit Te vrai héros du roman ,
je me proposois d'examiner qiièfle" fôî mérite le récit de l'événement
atroce qui en forme la catastrophe. *
Les anciens biographes, et lés Vieux romanciers ont plus d'une fois
raconté des faits semblables , et cité plus d'un marf outragé gui ;; cédant
aux fureurs d'une affreuse jalousie, tuoit l'amant de fépôùse coupable',
et lui en taisoit offrir le cœur déguisé sous Tapparence dup mets délicat.
Le résultat' de cette vengeance étoit' ordinairement la mort que
l'horreur ou lé désespoir causbit à' ^épouse si cruelIèrWent punie.
Un mvellino italien (a) antérieur à Boccace ; rapporte une aventure
de ce genre, laquelle eut un dénouement moins tragique.
Le romancier raconte qu'^ Remiremout en Bourgogne , la comtesse
(1) Laborde, Essai sur la musique, tom. II, pag. 23761238. — (a) JD/tf^f
ittustraqiont dd Boccacio.
Fff 2
4U JOUHNAL I>ES.SAiVANS,
vfcejfenfl rangera phus, pqur rf«a,p^rpiwfte^ goA|5(i)<I^ c^mo*
de Fayel s'écrie :
Je vous affi certainement
. Qu'a nul jour mes ne mangeray
D'autre morse!, ne ne metray
Deseure si gentil viande v. 8081-8095.
Parmi les divers détails qui peignent içs> raœuR.deJ'époqjfe, j'in-
diquerai que par politesse les dames prenoient les cavalier* par la.main.
La dame, de Vergi en fournit deux exemples -
Lors priit la dame par la main .
Tout maintenant le chastelam ,
Si l'a fait lès lui asseoir. v. 168-170.
Après même une déclaration d'amour qu'elle a repousses ,
La dame par la niaiu le pris ;
- Lavé ont , puis se soqt assis* ' v. 233-234.
Et ailleurs le sire de Fayel lui-môme invite sa femme à repiplir ce
devoir de politesse.
Le sire dist : dame; prenés
Le châtelain et si lavés. v. 4îS=45$-
Un autre trait des moeurs de. l'époque, constaté, par Je. roman de
Coucy , c'est le faucon présenté par les dames au chevalier, qui avoit
mérité le prix du tournoi.
Pour donner le pris plus honeste
D'un faucon faitie et plaisant ,
Dont veissiés venir avant
•
Dame en corps très-bien taiilifes,
Et de tous biens apareillies ;
Car celle qui devoit porter
(1) On trouve dans Boccace cette réponse de l'amante de Cabestaîng :
« Ma unaue a dio non piaccia che sopra a cosi nobil vivanda corne é stata
» queHa def cuore d'un Cosi valoroio e cosi cortese cavalière. . . . mai altra
» vivanda vada.» (Boccace, IV>9.)
Et dans les biographes de Cabestaîng:
« E dis que tan bos li era estât e si sabpros que jamais antre ipanjarç ni autre
m heures no'I tolrîa la sabor de la boca qu'el cor d'en G. de C. Ii ayia la jssada. *
( Choix des poésies originales des troubadours, tom. V, pag. 188 et 194. )
juillet; i#30. -4ij
Le faucon mort folle nenice ,
Ainrestoit belle bonne fet -rice :
De Soistons la cointesse eatoit ,
Et em sa compaingnie avoit
Mainte dame bien enseingnie ,
Piaille d'onnbur, de courtoisie.
On âûri remarqué <Jtte dans' les vers dtéi on lit :
Car celle" qui devoit porter
Le faucon mort folie ne nîce. v. 2022.
M. CrapeTet a judicieusement observé que1 niôrt est sans «doute Une
faute de copiste , et il a raison dépenser qu'un faucon, dont on rie
mangfcôit pasiacharr, n'étdit pas un prix à offrir ', comme un faisan ou
un paon , mais qu'on prenoit vraisemblablement un faucon bien dressé
pour servir aux plaisirs de là chasse.
Je partage (fautant plus son opinion, que je crais qu'il faut lire
n'iert au lieu de mort; car autrement la phrase n'auroit pas de sens > et
l'auteur a voulu dire que la dame ri était folie ne nice.
Cet usage de dentier un faucon , un épervier au chevalier proclamé
Vainqueur dahs un tournoi /est sans doute très-ancien. Le troubadour
Raimond Feraud, auteur de la vie de S. Honorât, y fait allusion , et dit
que, parmi plusieurs dames, Heremborc obtint le prix de la beauté,
et ligueraient qu'elfe obtint f épèrvier.
Non si trobet sa. par
Et la belha Heleuborcx
En levet l'esparvier. Vie de S, Honorât (1).
R
.If est vraisemblable que Futilité et le. succès dé la- publication de ce
roman engageront un four M. Crapefe;, ou tout autre ami de notre
ancienne littérature, à donner une nouvelle édition dont le prix sdit
accessible au commun des lecteurs ; et c'est sur-tout dans cette supposi-
tion que je proposerai ici deux moyens dé rendre plus agréable et plu*
profitable encore la lecture ou f étude de ce monument de la langue
des trouvères.
Le prfeitiief 'teroit d'indiquer au bas des pages1 qui contiennent les
chansons du châtelain , nort-ieuftmeïit ' les VaHajires qui se trouvent
I
(!) Sa ^aitille' he se trouve pas. . ..tt la belle Heremborc en obtint
Fépervier.
4x6 JOURNÀL.DES SÀVÀNS,
dans Fédition que M. de Laborde en a donnée dans son Esfai sur la
musique ancienne et moderne, tome II, pag. 23 j-309 , mais encore
celles qui pourroient être fournies par les divers manuscrits où ces
chansons se trouvent répandues.
II seroit peut-être convenable d'indiquer en note tes divers couplets
des mêmes chansons qui ne sont pas insérés dans ie manuscrit unique
du roman; ces passages feraient connoître plus particulièrement la
situation du châtelain , et serviraient peut-être à expliquer quelque
détail du roman.
J'insiste sur cette collation du texte des chapsons insérées dans le
roman d'après le manuscrit unique , avec le texte des manuscrits et de
l'imprimé qui contiennent les mêmes chansons , par une raison très-
fondée ; c'est que l'auteur du roman « n'ayant pas composé les chanson»
qu'il rapporte et les ayant recueillies comme elles se trouvoient de
son temps dans quelques manuscrits, cette partie de son ouvrage
peut offrir plusieurs fautes à rectifier par l'admission des variantes (i).
Quant au second moyen d'amélioration, je dirai qu'il eût été à
désirer que , cl après l'exemple donné par M. Méon > dans» les diverses
éditions qu'il a publiées , M. Crapelet eût placé à la fin du volume un
petit vQcabuIaire pour expliquer les mots difficiles : je sais bien que la
traduction de M, Crapelet supplée jusqu'à un certain point au manque
de ce vocabulaire ; mais je crois qu'il n'en aurait pas moins eu une vraie
utilité pour la plupart des lecteurs , sur-tout si M. Crapelet avoit indiqué
le vers du roman qui contenoit le mot. J'ose inviter les personnes qui
publient des dictionnaires , soit généraux , toit spéciaux , à la suite des
ouvrages, à indiquer, après leur explication, le passage du livre où
ce mot se trouve : c'est ainsi qu'en 173 j * M. Lantin de Pamerey publia
un très-utile glossaire du roman de la Rose, contenant cette indication
■•^
(1) Pour offrir un spécimen du travail qu'exigeroient ces collations des
divers textes , j'indiquerai ici quelques-unes des principales variantes que fournit
le texte de deux des chansons du roman, comparé au texte imprimé par M. de
la Borde :
Chanson, : Quant li estes en la douce saisons.
Je lis dans le roman : * et les dous chans fait. »La bonne leçon est celle de
' M' de la Borde : a et Z* dois chans. » Plus bas, dans M,, de* la Borde, mortex
traisons, qui me paroît préférable à mortes du romaq.
Chanson : A vous amans ains qu'a nule autre gent.
Le roman porte : « et des dous mau\ dont seut à moi parler. » La leçon moz,
paroles, qu offre le texte publié par M. de la Borde, est sans doute la véritable.
Dans Penvoi, le roman dit:' ce merci li ai. »Le texte 'de M. de la Borde
présente une meilleure leçon : ce merci li cri, »
JUILLET 183Ô. i%7
qui^permerf aux lecteurs .de vérifier si le passage de l'ouvrage fournir
véritablement le sens que le lexicographe donne à la citation.
Aujourd'hui un glossaire ne peut être un ouvrage vraiment littéraire
qu'autant qu'un auteur a adopté cette forme, qui permet de vérifier et
d'appliquer Fexplication donnée.
J'insiste d'autant pluç sur ces améliorations , que l'ouvrage publié
par M. Crapelet est singulièrement précieux sous le rapport des
règles grammaticales ; ainsi j'ai remarqué que l'auteur a eu soin d'in-
diquer , par le signe du sujet au singulier, les infinitifs des verbes
employés substantivement.
Dès les premiers yen du roman on lit :
Un conte de tres-nobïe afaire
Pour le* amoureus esjoïr
Qui le voudront lire et oïr;
Mauves ne se poej acorder
A ouïr bien dire ou compter;
Et puis que OÏRs li desplaîst
Li FAIRE* bien pas ne li plaist*
Oïrs et Faire* sont substantifs , et ont reçu Ts final qui les carac-
térise au singulier.
M* Crapelet ayant rendu un vrai service aux amateurs de notre
ancienne littérature 9 je l'invite , au nom même du succès qu'a obtenu
son travail, à y ajouter toutes les améliorations dont il est susceptible,
et je suis assuré que pour cela il n'épargnera ni dépenses ni soins.
RAYNOUARD.
Notice sur une collection £ objets antiques d'argent , récemment
trouvée près de Bernay.
Peu de découvertes d'objets antiques ont offert autant d'importance
et d'intérêt, sous tous les rapports qui peuvent recommander les
monumens d'antiquité figurée, que celle de la collection dont nous
allons présenter un compte sommaire à nos lecteurs. Trouvés en un
champ de notre ancienne province de Normandie , dans un lieu ou il
n'existe aucun vestige de constructions antiques , la découverte même
de ces objets , avec toutes les circonstances dont elle a été accom-j
Ggg
^i* JOURNAL DES SAVANS,
lignée (1) , peut passer pour un des plus singuliers -et des $faà
fortunés coups tlè hasard qui aient signalé une épcqtte «Tailleurs *i
ftoonde en découvertes heureuses. C'est un vrai phénomène archéolo-
gique, Çu'Un dépôt , formé à une époque plus ou moins reculée de
l'antiquité, et composé de nombreux rases et ustensiles d'argent ;
quelques-uns du premier ordre sous le rapport dé Fart, tous plus
ou moins curieux par le style , par les sujets ,< par lés inscriptions, par
ià matière même 7 dont on possède encore si peu d'objets , jctu par la
fabrication , dont on ne eonnèrsSoit rien tf aussi pariait dans ce genre ,
qu'un pareil dépôt, fjisons-nous , arrivé jusqu'à nous à-peu-près intact.
Tant de motifs d'étude et d'intérêt se trouvent donc ici réunis , "qu'il
seroit impossible de les présenter tous , en ce moment, avec le déve-
loppement nécessaire. Notre intention étant d'ailleurs de publier tous
les objets de cette collection, acquise en entier, par nos soins, pour le
cabinet des antiques de la Bibliothèque du Roi, nous devons réserver
pour un travail particulier les détails et les" notions de toute espèce que
comporte l'interprétation de ces monumens (2). Nous nous bornerons,
quant à présent, à une indication succincte de chaque monument,
que nous ferons précéder de quelques observations générales»
- Dans t ignorance complète ou nous sommes restés sur l'époque à
laquelle appartient le dépôt en question, sur ses auteurs et sur ses
motifs , tout ce que l'on peut présumer de plus probable , à notre avis ,
cVstque ce dépôt avoit été formé précipitamment, sans doute dans
cea. temps de trouble et d'inquiétude qui accompagnèrent la chute du
polythéisme. Les objets dont il se Compose avoieitt certainement fait
partie du trésor d'un temple de Mercure, d'après l'usage antique attesté
par tant de témoignages , et sur- tout par les inscriptions du temple
cPAmphiaraus à Orope ($>» de ceux de l'Acropole d'Athènes (4) »
d'Apollon à Délos (\) , et de Jupiter Panhellenius à Egine (6), de
conserver dans les temples une fçmle de vases , d'ustensiles et d'objets
divers, de métal précieux , que la piété des particuliers y avoit consacrés,
pour servir à l'ornement du lieu saint, plus encore qu'à l'usage du culte ,
(1} J'ai donné. tes détails de cette découverte, dans un rapport fait à
FAcadémte de* friscription* et belhes-Iéttiet, en sa séance du 2 juillet. —
{*) J* 4>U piéveotf que des lithographies qui viennent d'être publiées d'après
fo ffcw** feu* sur lès lieux, ne doonent qu'une idée très-imparfaite et très-
{autiyç,, toux cous les nnports» des monumens qu'elles représentent, et qui
sont loin, (TàHîeuxs, de former la totalité des objets trouvés. — (3) Osann,
Sy/Ag. irrstrtyuT, 74 sqg. --» (4) Boeckh , Corp. inserrju. n.° 137, p. 183 ex
■R.— (7) M#n, itidr fe 1 #, p« 160. -^<6> K. Oit. MSWer, &f'mt. p 1 60.
JUILLET 183a 4ip
et (fui étoient exposés sur des tables ( 1 ) , dans fes jours de solennité.
Ceux dont il s'agit ici, offerts en différent temps» de la main de
plusieurs particuliers, partie votifs, partie usuels, nous représentent»
par leur masse, par leur nombre , par leur fabrication,, par leurs sujets.,
et par leurs inscriptions , une longue période jJe l'art et de la religion
antiques, renfermée, suivant toute apparence, entre ie siècle des
successeurs d'Alexandre et le troisième siècle de notre ère; Quelques-uns
de ces objets sont du style, grec le plus pur, du travail grec le plus
exquis; tous se rapportent aux croyances grecques , héroïques ou reli-
gieuses; tous sont traités dans le costume grec, jusque dans les plus
petits détails ; presque tous enfin portent des inscriptions relatives à
Mercure, et toutes ces inscriptions, tracées en caractères de forme et
if époque différentes , sont iatinës , avec des noms exclusivement
romains et gaulois : (fou il • suit irrésistiblement que les monumens en
question , travaillés dans les ateliers mêmes de la Grèce , ou produits
sous l'influencé directe de ses doctrines , à une époque romaine , avoieht
fini , sans doute après de longues migrations , peut-être même après
plusieurs successions héréditaires, au sein de familles opulentes, par
être consacrés , de la main de riches citoyens romains de la Gaule , dans
quelque temple célèbre de Mercure» Le beau vase que nous décrirons ,
sous le n.° 10, paraît avoir été dans ce dernier cas, c'est à savpir,
qu'il servit sans doute long-temps, dans quelque grande maison
romaine , à un usage domestique , jusqu'au moment où la piété du
propriétaire en disposa pour orner le sanctuaire ou le trésor d'jin temple.
J'ai dit que ce dép&t a voit dû être formé précipitamment , à Fépoque
où le paganisme en décadence cherchoit. Û soustraire les élémens les
plus précieux de son culte à l'aversion active et puissante des nouveaux
chrétiens» II semble en effet que le trésor dont avoient fait partie les .
objets en question , avoir déjà reçu quelque atteinte de ce genre , puis-
qu'il s'est retrouvé des fragmens d'ustensiles et même de figures dont la
mutilation ne sauroit être qu'ancienne : d'où il suit que c'est le reste
de ce trésor qui aura été enfoui par quelque main pieuse, et mis ainsi
à I abri d'un nouvel accident. C'est d'ailleurs un fait avéré " par de
'nombreux témoignages, que le christianisme s'attacha sur-tout à détruire,
en les convertissant à son usage, les vases de métal précieux que ie
polythéisme avoit produits en si grand nombre {2). Dans les premiers
(1) Osann, Syll*g. inscript, 217. — f2) Voy. les témoignages recueillis à ce
sujet par le P. Marangoni, dans son savant et curieux ouvrage délie Cose gen-
tilesche convertite ad uso e ornamento délie chiese, C, VU,' p. 28 e altrove.
#b JOURNAL DES SÀVÀNS,
siècles qui suivirent lé triomphe dé l'église , presque tous les vâsés et
ustensiles sacrés dont elle avoit besoin pour son culte, furent fabriqués
aux dépens dés \ monUmens antiques, de tout genre et de tout métal,
que l'intérêt ou la crainte avoit fart disparoître , que le hasard ou lé zèle
ftisoit retrouver ; et je pris citer , à cette occasion , un' fait assez curieux,
qui prouve combien les découvertes du genre de celle qui nous occupe
étirent être fréquentes , dans le cours des siècles du moyen âge „au
sein dç cette même province de la * Normandie ,' et toujours avec le
résultat indiqué plus haut, de servir à fabriquer des vases et des orne-
. mens d'église. II existe , dans un rituel de l'ancienne abbaye de Jumiége.?,
qui date dés premières années du Xi.e siècle, une formule de prière
relative aux vases trouvés dans un lieu antique > .par laquelle on demande
S Dieu de souffrir que ces œuvres de l'art des pdiens soient purifiées *s
consacrées à F usage de sa religion sainte (i). Or , pour qUhine semblable
prière ait été rédigée , ou même pour que le cas qui y avoit donné lieu
ait été prévu, il falloit que dés découvertes de ces sortes de monumens
profanes se fussent opérées assez souvent; et l'on peut calculer , d'après
lin pareil exemple , quelle foule de vases et d'objets précieux d'antiquité
ont dû périr de cette manière , sur tout le théâtre de la civilisation -
antique converti à la foi chrétienne.
J'ai dit aussi que notre dépôt avoit dû provenir de quelque temple
célèbre de Mercure. En effet , toutes les inscriptions gravées sur le
plus grand nombre jles vases sont relatives à ce Dieu , sans compter
quelques représentations où il figure lui-même. Nous savions , par le
témoignage formel de Jules-César (2); que .Afercurc étoit le principal
dieu adoré dans la Gaule , et qu'on y voyoit un nombre infini de ses
simulacres ; et à l'appui de ce témoignage, je puis citer encore un fait
curieux, extrait d'un mémoire manuscrit sur les antiquités d'une partie
I——— ————.1— —.——*■«— —^^W— ,- ■
(t) Ex rituali ecclesiastico et monastico ad usum ecclesiae Gemmeticensis ,
sçripto tempore abbatis Theodorici, qui regebat ab anno M. ad annum MXXXlv,
folio X ( mss. ad provinciam spectantia, n.° 93 ) :
ORATIO SVPER VASA IN ANTIQVO LOCO REPERTA.
« Omnipotens , sempiterne Deus, insère Te officiis nos tris, ut hase (hoc)
a» vascula (vasculum) arte fabricata ( fabricatum ) gentiiium, sublimita tis tua;
a»potentiâ ità emundare digneris , ht omni immunditiâ depulsâ, sint ( sit )
>» Fîdelibus tempore pacis atque tranquillitatis utenda ( utenaum); per Domi-
»ntim nostrum &c. » Je dois ce renseignement à M. Aug. le Prévost,
membre instruit et zélé de la Société des antiquaires de Normandie. — (2) J.
Caesar. de Bell, ga IL VI, 17 : Deum maxime MERCVRIUM cotant; hujus surit
plurbna simulacra. Ha été remarqué, dans le dernier siècle, qu'iï n'y avoit
point de contrée où il se trouvât plus de statues de Mercure, grandes, moyennes et
- JUILLET 1830. À**
du limousin. Il fut découvert, Tannée dernière, à quelques lieues de
limoges, près d'une ancienne voie romaine, un dépôt d'objets
d'argent , vases , patères et autres ustensiles , tous dédiés au culte de
Mercure, d'après l'inscription qu'ils portaient, deo mercvrio , et
parmi lesquels se trouvoient quelques figurines en bronze de ce même
dieu* Malheureusement il arriva dans cette circonstance ce qui eut (ieu
dans presque toutes les occasions semblables; les objets dont se com-
pbsoitle dépôt en question ne firent que passer du sein de la terre
dans le creuset d'un ignorant orfèvre ; il n'en fut sauvé que les figurines
de broqpe , dont je possède les empreintes , et qui ne sont pas indignes
d'être publiées (1) : et c'est, du reste , un fait assez remarquable, que
celui de deux découvertes si semblables , si voisines l'une de l'autre , et
sipropres h justifier le témoignage de Jules-César, en ce qui concerne
le culte rendu à Mercure par les anciens Çaulois. Toutes les inscriptions
gravées sur les vases de notre collection sont en lettres ponctuées, méthode
qui paroît avoir été généralement pratiquée chez les anciens*, pour cette
sorte d'inscriptions. La plaque d'or, avec une inscription grecque,
trouvée en Egypte et possédée par S. Sydney Smith, offre une appiica*
tionde ce système, qui appartient à l'époque des premiers Ptolémées (2) ;
et le nom càtvlvs , écrit de cette manière sur la bulle d'or du prince
Chigi (3) , se rapporte, d'après toutes les probabilités, aux derniers
temps de la république.
Considérée dans son ensemble , sous le rapport de la matière et sous
celui de la fabrication, notre collection offre sans doute un ensemble
unique au monde. Les. objets dont elle se compose sont au nombre de
près de cent; le poids en est d'environ cent un marcs d'argent fin , un
peu plus de cinquante /ivres. On ne connoît , dans tout ce qui nous
reste en ce genre de l'antiquité grecque et romaine, que la toilette d'une
dame romaine, trouvée à Rome en 1793 , et possédée aujourd'hui par
M. le duc de Blacas (4) , qui surpasse par ie poids et par la quantité
des objets la collection qui nous occupe; mais sous les rapports bien
petites, en marbre, en pierre du pays ou en bronze, qu'en France; voy. I* Histoire
Jt l'Académie des belles-lettres 9 tome XII , p. 259: mais c'est sans doute pour fa
première fois qu'il se découvre, en France ou ailleurs, tout un trésor d'un temple
de Mercure.
( 1 ) Une de ces figurines représente Mercure dans une attitude presque en tout
semblable à celle de la célèbre statue du Vatican, dite V Antinous du
Belvédère. — (2) Letronne, Recherches pour servir à V Histoire de VEfyvte,
pag. 6-7.— (3) Causs. Mus. Roman, tom. II, sect. VI, tab. vi^ — (4) Voy.
Visconti, Lettera intorno ad un' antica svppetkttik d'argento scopertd in Rçma ,
4" JOURNAL DES SAVANS,
autrement importons de Part et du goût, je ne crains pn$ dvafflnhér
que notre collection seule surpasse tout pe -qtfé Ton 'possède ailleurs
d'objets antiques d'argent , y compris le célèbre vase du palais Gorsmf ,
publié par Vinckelmann (i), et celui du musée royal Bourbon,
représentant Y apothéose d'Homère (2).
Le procédé de fabrication à l'aide duquel ces objets ont été produits,
mérite que nous en disions ici quelques mots , en attendant les détails
plus considérables où nous entrerons sur ce point curieux et neuf
d'archéologie; Un savant, qui s'est occupé (Tune manière pàrtiaHïèi'e
dé l'histoire technique de la statuaire, M. Quatremère de Quincy ,
semble croire que les ouvrages d'argent , à la mention desqutls il n^
d'ailleurs accordé que peu de lignes \ 3) , étoient généralement fondus ;
c'est de cette manière qu'il assure-, cTaprès ie témoignage de Pline,
qu'avoient été exécutées ies statues d'argent dont parle cet auteur (4) :
mais je ne puis être de cet avis. Pline ne dit pas un mot qui donne l'idée
de statues d'argent fondues ; et il est bien plus probable, en effet, que ces
statues avoient été faites au repoussé, procédé qu'on sait avoir été si
familier aux anciens , et qu'ils désignoient par le mot sphyréfaton. II est
question de statues d'or exécutées de cette manière , jusque dans ies
temps de l'empire (5) ; et /f argent, qui fond moins bien que Por, ste
prétoit en revanche beaucoup mieux au procédé du repoussé, qui exerça ,
avec tant de succès, comnie l'on sait encore, les talens dès orfèvres
florentins de la renaissance. C'est par ce même procédé qu'ont été
produits, à- peu-près exclusivement, les objets de la collection qui
nous occupe ; car , à l'exception des anses et de quelques détails peu
importans , la plupart des vases et la statue môme de Mercure sont exé-
cutés au repoussé , et non fondus , ou produits par le mélange des deux
méthodes. Une particularité tout-à-fait neuve qu'ont offerte les prin-
cipaux vases de notre collection, c'est qu'ils sont doublés d'une
cuvette mobile, d'argent massif, travaillé au marteau, et non fondu,
laquelle servoit à donner de la solidité à la- partie extérieure, consis-
tant en une lame d'argent très-mince, travaillée en relief, et qui
■ ■ ■ % ' ' ' ■ ' ' ■ ,,. 1 ...
in~4.° Rom, 1793. Cette lettre a été réimprimée, dan» le même format, à
Rome, en 1825, et reproduite dans le recueil des Opère varie de Visconti ,
publié à Milan, tom. 1, pag. 210-235.
* (1) Winckelmann , Afonum. ined. n. iji. — (*) Tischbein, Homer nach
/tntlken, III, 231-24 ; Millingen , Ane. uned, mon. part. Il, pi. XIII, p. 2S"2^*
— (3) Qaatremère de Quincy, Jupiter Olympien, pag. 27 et foi. — (4) Plin.
jrxxm, /*.-—> (j) Voy. la mention d'une statue de ce métal, exécutée de
cette manière, ypvvn <rq>vptfK*T*ç, dans une épigramme de Panthologie, Brunck ,
Analect. IJ , 488,
JUILLET 1830; 4*)
formoîten même temps utt Copient pour les liquides. Ce procédé,
nche et ingénieux tout-4-ta-fois , nous donne lieu de croire qu'il stai
étoit fait beaucoup d'applications semblables \ et c'est sans douté k une
pratique de. ce gant* que ae rapportent les expressions de l'inscription
d'Orope citée plus faut, qui ont embarrassé les interprètes de ce
curieux-monument épigraphique ( 1 }* Il est naturel en effet de supposer
qu'au lieu, d'employer l'argent pour la doublure des vases de ce inétal »
on ae servit , en certains cas , Si tain , qui est le métal nommé *«u»mp«# ,
sur cette inscription cTOrope ; et que c'est d'une réunion pareille des deux
métaux y k l'aide de laquelle on pouvoit produire si aisément l'apparence
de vases entièrement d'argent, et non pas d 'alliage ou de soudure, qu'il
est question, dans le passage de l'inscription dont il s'agit (2). Cest
cçprivliwt cette dernière hypothèse qui a été admise par MM. Osaim
et Boeckh; ils ont supposé que ïétain qu'il s'agissoit de séparer de
Y argent, dans les vases ou .objets sacrés du temple d'Orope, s'y trouvoit
employé comme moyen de soudure : mais c'est,, je croîs, faute d'avoir eu
une coimoissance assez exacte des procédés divers de la fonte , que ces
savans ont pu exprimer une pareille idée. L'étain, allié d'une minière
quelconque avec l'argent , communique à ce métal des qualités qui le
rendent très-peu propre au tAvaii du marteau ou du repoussé ; c'est
avec le cuivre qu'il faut mélanger l'argent, pour en obtenir les condi-
tions nécessaires à ce travail ; et c'est en effet ce dernier genre d'alliage
qui a été constaté dans tous les objets de notre collection. Quant au
métal qui s'y trouve employé pour la soudure > c'est le plomb, et non
ïétain, ainsi qi^il résulte d»ç expériences que j'ai déjà eu l'occasion de
faire exécuter : et ce résultat est d'ailleurs conforme aux témoignages des
anciens jeux- mêmes \ car, c'est toujours le plomb, fiixtGfoç, plumbumf
qui est nommé dans les auteurs , quand il es t question de soudure (■))•• Il
v. _ qu'ir s agissent de métal étranger employé - .-
sooduf e, est celui-ci : *vpimrnç ks& cfcwgcfatnK tôt Juxrr/ty or. — (2} C'est ce
cju'frvoh présumé M. de Clara*, (Tune manière qui fart honneur à sa sagacité ,
"' iterprétasion qu'il donne à ce passage, Mas. de xtulpï. I, 8 r : « A la ligne
es offrandes en argent.
w ce qui indique que les
__ plaques d'argent travaillées au marteau et appliquées
» itrr an fond (Tétâin. » — ($y Voy. te témoignage du jurisconsulte Fompônius,
cité par AL Otaen kii-mcme, pag. zij, et les anttes passages rapportés par
Forceilini, aux mots Ferrumen, Ferruminatio, &c. • ■ ■- •
<** JOURNAL DES SÀVÀNS,
>• ▼•»« d'argent travaillés en repoussé , toutes les fois
qttds étaient obligés d'user d'économie dans les tributs de la piété;
™*rehéoIogique neuf et curieux : et c'est sans doute par une rare
exception à cet usage que les vases de notre collection sont doublés
a argent; ce qui nous offre le plus haut degré de la magnificence,
jointe à toute la npr&rtînn */?ô !•«»» *+ ^ „„; ^.™,™ M 'mÂmA temps
^tt™« mérite de ces ouvrages, et le haut prix qu'on y attachoit
«^J^ntîquité même. II eût suffi , d'ailleurs , pour déterminer l'époque
«quelle appartiennent les principaux objets de notre collection , de
«appeler que Pline , après avoir cité un grand nombre d'artistes
î£ejj*q*tt s'étoient distingués dans la calatùre de l'argent , vers le temps
jy***** et <kns la génération suivante , ajouté que cet art t'étoit
T^*w P*rJ* , au point que le mérite seul de l'antiquité faisoit re-
f**1™* * *>» temps les travaux de cette .espèce (î) : cToù il suit
"g^Memem que ceux de nos vases où brillent à un si haut degré
—fY^ et ^habileté du travail grec , ne sauroient avoir été produits ,
M W^ * qUe dans Ia Période indiquée par Pline.
Apres ceS observations préliminaires , venons à la description
■"J?** des. objets de notre collection.*
. ** *** P'încipal, n.° î , est une Statut de Mercure, haute de vingt
« j» pouces, du poids de j livres 7 onces 6 gros : de cette dimension
H «r ee métal , c'est déjà un monument unique et inestimable- Le dieu
^,ïflSenté eniîèrei«ent nu , sans la moindre trace d'ailes aux talons;
*** «l Ut de Ia tête ' cIui n12"1^6 > étoit probablement couvert d'un
y^V même jnétal, c'est-à-dire, d'argent, avec les ailes dorées,
<*•* ** goût d'une charmante petite tête votive de Mercure, n.° 2 , ainsi
«*£*K* » qui feiSoit partie du mêrae dépôt. D'ailleurs, le caducée , qui
Aftfctt» Parfaitement k la main gauche de notre figure , est un attribut
atiMMIêristique de Mercure , qu'il n'est pas possible de le méconnoître à
«ftpuwU signe. Ce caducée même est d'une forme neuve et remarquable,
«*£mt fendu, avec des détails dorés. Le styie de la figure est loin d'être
*Htt *K(Ue > bien qu'il ne se distingue pas par l'élégance. Les formes du
«*P$* ttiU soit peu athlétiques , mais généralement d'un bon choix et
Jf%*tf bonne proportion , se rapportent au dieu de la palestre plutôt
«tai i messager des dieux. Les traits du visage n'ont rien d'idéal , et je
** twifï* d'abord de l'idée que cette figure pouvoit bien être un
\0 VW XXXIU, il: Subitbquc ars h*c ita exolevit, ut solâ jam vetustate
~ JUILLET 1^30/ * 4ij
portrait. £n l'examinant plus attentivement, je crus y découvrir quelque
ressemblance avec la physionomie des personnages de la famille de
Tibère, celle de Tibère lui-même, et sur-tout de Germanicus , son*
neveu. ?i cette conjecture, qui ne m'est pas particulière, se con-
firme par d'autres observations, nous aurons , avec un nouveau por-
trait de Germanicus , une date à-peu-près certaine pour la fabrication de
cette statue, qui devra être reconnue pour un ouvrage romain du
commencement du premier siècle de notre ère. On sait, du reste,
combien cétoit dès-lors une pratique familière, de représenter les
divinités locales sous les traits des princes ou princesses de la famille
impériale , et la nudité totale de notre figure viendroit encore à l'appui
de cette observation (i). J'observe en dernier lieu que cette statue a
été. ppoAtîte au repoussé, au moyen de lames d'argent très-minces, qui
ont servi à former les diverses parties du corps, la tète , le torse, les
bras, les mains, les jambes, et qui ont été ensuite rapprochées et
soudées avec une adresse infinie. Ce procédé s'est sur- tout rendu
sensible iur des fragment (Tune seconde statue de Mercure* n.° j /con-
sistant en un bras droit, qui tenoit la bourse, attribut connu de ce dieu,
et en débris de pieds et de jambes, dont la proportion, lé style et le
travail prouvent qu'ils avoient appartenu à la même figure. Les lames
cf argent dont se composent ces membres divers étoient réunies par des
sutures en queue d'aronde très-visibles (2) ; et ce qui ajoute à la surprise
que peut causer un procédé semblable , c'est l'extrême mérite d'art qui
brille dans ces fragmens , joint & la prodigieuse perfection de ce procédé
même. Je ne crains pas d'affirmer que la statue qui s'est trouvée réduite
à un état si déplorable , sans doute par l'effet d'une profanation anté- :
rieure à l'époque où fut formé notre dépôt, devoit être, dans son
intégrité , un des plus précieux mônumens de la cmlature antiqw; et1
tête que sont ces fragmens , empreints , jusque dans les moindres détails ,
du goût d'une excellente école et du talent d'un habile artiste r ils ~
ajoutent encore à la haute idée que nous pouvons nous former du génie
imitatifdes Grecs , d'après tous lès mônumens qui s*exi retrouvent
(ij La nudité semble avoir été en effet un fruit essentiel et U composition'
des figures héroïques de cette époque. Ckéron cite une statue du Gh de Verres,
ainsi traitée , in Vetr. II , 63 ; et nous possédons, dans les deux bettes statues- èxi
Pompée- Spada et de YAgrrppa-Grimani , qui appartiennent au premier siècle
de l'empire, deux mônumens décisifs à l'appui de cette observation. — -^l)C'e*j
par un procédé semblable qu'avoit été exécutée la statue équestre, en brome}'
<ta Uquelle il ne subsiste qu'une Jambe de cheval , au musée de J*yon ; vby,
Millin , Voyage dans le midi de h France, tom» I -, p. 44&
Hhb
4*6 JOURNAL DES SAVANS,
Avec cette statue entière de Mercure , et ces fragment d'une seconde
figure , auxquels il faut joindre la petite tête vothf, aussi de Mercure,
dont il a été parié plus haut , il s'est trouvé un petit buste du même
dieu , d'argent massif, et de très-bon style , qui disparut peu :!s jours
après la découverte , mais qui a été recouvré depuis. Je réunirai ici les
autres représentations de Mer/Cuite, qui n'appartiennent point à la
statuaire proprement dite, mais qui, par l'image même de ce dieu
produite i l'aide d'un procédé différent , confirment de plus en plus
l'idée , justifiée d'ailleurs par toutes les inscriptions , que te dépôt entier
de nos monumens faisoit partie du trésor d'un temple de Mercure*
Tels sont quatre disques ou médaillons , ayant indubitablement servi
de fonds de paùres. On sait en effet que la plupart des patèves antiques *
cf argile peinte % offrent, à l'intérieur, un sujet encadré dons un
cercle , ou bien un simple disque , qui se trouve quelquefois remplacé
par une espèce d'hémisphère ou tf ombilic , d'où vint à ces sortes de vases
Iç nom de ftikw fjL*<rifxf*Xoç (i). C'est donc par une application ingé-
nieuse de cet ancien système que les patères d'argent avoient ïeçu
l'ornement de ces médaillons repoussés en relief (a), dont il s'est
retrouvé jusqu'à six dans notre collection, tous de style et de travail
dilfèrens , quatre desquels sont relatifs k Mercure. Sur i un de ces mé-
daillons , n.° 4* Mercure est représenté assis sur un rocher, là tête nue
et ailée , la main droite appuyée sur son caducée , ailé , debout en terre ,
la main gauche, qui tient la bourse, en repos sur son genou. A ses pieds
est un bouc, et de l'autre côté une tortue, deux des animaux symboliques
de ce dieu ; et dans le champ f à gauche, &u-dessus d'un autel allumé ,
est un coq , autre animal symbolique , dont la présence complète les
diverses attributions de Mercure. Tous les accessoires de ce bas-relief,
le rocher, le caducée et la bourse, Yautel et les animaux, avoient été
doiés. On y remarque enfin l'inscription que voici , tracée au pointillé :
^■«kteWÉMM^
(i) Athen. xi, 104, p. 501. Je profite de cent occasion pour repousser
une critique qnt m'a été faite au sujet de l'interprétation que j'ai donnée,
Afonvm. htéi. Orestéide, pag. 144* not. 4» à ces paroles d'Eschyle, Agam.
v*. 1054 t Uriat lÂHèùfAfdtoù. On a voulu voir ici un autel avec un ombilic au
tniliiu. Je montrerai en temps et lieu que. Cette interprétation est inepte et
inadmissible. *— (a) Telle pourroit bien avoir été la destination d'un méiaillon
d'argent plaqué, publié dans les Monum. ined. d*W instiu di corrisp. archeol.
taU yiv, à moins qu'on ne suppose que ce médaillon, qui provient, je crois,
d'une fouille, récente faite à Heratlanum, servoit, avec quelques autres
pareils., troavét au même lieu, à la décoration d'un meuble antique, ou
même à celle d'un appartement.
JUILLET 1830- 427
!.. lvpvlà M. c. DO , quHl faut sans doute Ure de cette manière :
i~ LVPVLA Mercurio Caneto DOnat.
Sur le second médaillon , n.° 5 , Mature debout , la tête nue , sans
ailes , couvert , pour tout vêtement, d'une chiamyde élégamment jetée
sur l'épaule gauche , tient de fat main gauche un iorrg caducée , dont la
forme et la proportion peu communes ont beaucoup de rapport avec
celles du caducée d^^otre statue , et de la main droite , une bourse
d'un volume considérable. Devant le dieu, à droite, est un cippe élevé ,
ombragé d'un arbre et surmonté d'un coq ; derrière , un second cippe ,
portant uiie tortue, le long duquel semble grimper un bouc. Il seroit
difficile de composer les divers attributs de Mercure d'une manière plus
heureuse, et dans un style plus élégant. Une partie des accessoires de ce
bas- relief , (Tune exécution charmante, avoit été pareillement dorée. II
étoit entouré d'un cercle d'argent fondu qui s'y appliquoit en relief, et
sur lequel se lit , en lettres d'or incrustées , l'inscription suivante : DEO.
MftRC. I vl. SIBY1XA D. s. 0. D. ( i )• Du reste, la forme des caractères de
cette inscription , et particulièrement l'Y du nom de Sibylla , figuré
comme V upsilon grec, démontre, pour quiconque a tant soit peu
d'usage des monumens lapidaires > que la dédicace de celui-ci appar-
tient à l'époque de Claude.
Le troisième médaillon, n.* 6f de plus petite dimension et de
travail médiocre , offre Mercure debout , le corps nu , à la réserve de
la chlamyde jetée autour de son bras droit , qui pose sur sa hanche ,
la tété nue, mais ailée, le bras gauche appuyé sur un caducée ailé ,
debout en terre. La bourse du dieu est placée , à sa droite , à hauteur
d'appui Ce médaillon , qui n'offre du reste aucune inscription, et dont
quelques détails avoient été dorés* étoit entouré d'un cercle en relief.
Le quatrième disque , n.# 7 , présente deux bustes accouplés , dont
la tête , entièrement détachée du fond, s'unit à une demi-figure <Tun
relief peu saillant. L'un de ces bustes, drapé, avec la tète ornée du
diadème , doit représenter Vénus ; l'autre, la poitrine nue, avec un pan
de draperie sur l'épaule gauche , se reconnoît indubitablement pour
Mercure , aux deux ailes qui naissent sur le haut de la tête , parmi les
cheveux nus. Au-dessous de ces deux bustes , dans le champ du bas-
relief, est dressé un caducée, symbole qui ne laisse subsister aucun
doute sur l'intention de l'artiste. L'association de Vfnus et de Mercure est
d'ailleurs constatée par un grand nombre de monumens, un desquels
fait partie de notre collection. £ur le manche d'une petite patère, n.° a i,
^^— i l 1 1 ■ 1 1 — — mmmmm — — wp— — i -———y
(1) Lisez : De Suo Dat DtdicaU
Hhb a
4î8 JOURNAL DES SAV ANS,
•
se lit, en caractères dorés, l'inscription , M. vener., sans doute pour
Mercurio. veneri , qui n'est pas un des témoignages les moins curieux
du culte rendu en commun à ces deux divinités* Du reste , Je médaillon
que je viens de décrire, déjà si remarquable par ces deux têtes accouplée»,
de ronde bosse , se recommande encore par le travail , par le mélange
d'argent et d'or qui s'y voit employé , dans un système sur lequel
j'aurai bfentôt occasion de revenir, et par le styi^iéme des figures, qui
ne manque pas d'élégance , bien qu'A accuse assez sensiblement une
époque romaine.
: J'aurai achevé l'indication des monumens de notre collection qui
offrent la représentation de Mercure, en plaçant ici la description d'un
beau simpulum , le plus remarquable par le poids , par la dimension et
sur-tout par le travail, qui est d'une rare élégance, des trois instrument
du même genre que renferme cette collection. Sur le manche de cet
instrument , d'argent fondu , et parfaitement conservé , n.° 20 , est
sculpté , de bas-relief, Mercure , nu , de face , là tète nue et sans ailes,
tournée à droite , un caducée dans la main gauche , une bourse dan*
l'autre main ; au-dessus , dans une espèce de compartiment séparé , un
bouc , et plus haut encore , dans un troisième compartiment , un arbre
qui paroît être un figuier. Autour du bassin de ce charmant instrument,
est gravée au pointillé l'inscription., MERCVRIO. avgvsto. q*
DOMJTivs. tvtvs, en lettres d'une belle forme, et d'une époque qui
appartient certainement au haut empire» C'est la première fois que j'ai
occasion de citer , parmi les donataires dont la piété s'étoit signalée
envers le dieu qui nous a légué ce trésor,* le nom de ce Q. Domitius
Tutus. Nous retrouverons bientôt le même nom ( 1 ) , en caractères de la
même forme , sur cinq vases, les plus accomplis de notre collection.
Mais je ne dois pas négliger d'observer, dès ce moment, que, suivant
un usage attesté par une foule d'inscriptions romaines de tout âge ,
ce nom de Domitius, plus fréquemment porté sous le règne de Néron,
qui et oit de la famille Domina, qu'en aucun autre temps du haut empire,
peut servir à fixer l'âge de la consécration des principaux objets de notre
collection vers l'époque de Claude et de Néron ; ce qui d'ailleurs vient
à l'appui de l'observation faite plus haut , au sujet du nom de Sibylta.
. Pour ne pas séparer, dans notre description, les objets qui ont
■entre eux une analogie matérielle de formé et de destination , je joindrai
id l'indication sommaire de deux autres fonds de patères, non moins
curieux que les quatre précédemment décrits, bien qu'à des titres
%
(1) Le nom de Tutus est déjà connu par des inscriptions romaines de la
Gaule* .... ,
JUILLET 1830. 4*9
différons. Sur le premier de ces médaillons., n.° 8 , est représenté , de
très-fort relief, mais d'un travail qui semble n'avoir été qu'ébauché ,
un génie , nu et ailé * qui s'appuie d'une main sur une lyre de très-
grande proportion, et tient, de (a main droite, un masque scénique, à
longs cheveux ; c'est probablement un génie scénique, et non un amour,
dont on ne reconnoît ici aucun attribut.
L'autre médaillon , n.° 9 ,.d'une dimension plus considérable qu'aucun
des autres disques du même genre , d'un travail excellent , et d'une
conservation qui ne laisse presque rien à désirer , nous offre là répéti-
tion exacte d'une composition qui doit avoir été très-célèbre, à en juger
d'après une autre copie, qui s'en est conservée, sur une J elle lampe
antique ( 1 ). On y voit une femme la tête nue, et non couronnée de Ihrre,
fa partie supérieure du corps entièrement nue aussi , il la réserve d'une
ceinture posée k nu sur le milieu des reins. Cette femme est couchée sur
un péplus qui lui enveloppe le bas du corps , en laissant toutefois à
découvert la partie qui donna lieu à l'un des surnoms les plus popu*
laires de Vénus, celui de Callipyge. Elle est endormie, la tête appuyée
sur son bras gauche ployé à la hauteur du front , sur une peau de lion
étendue, au-dessous de laquelle apparaissent une massue, posée en guise
d'oreiller, un arc et un carquois, attributs connus S Hercule, avec un
scyphus, autre attribut d'Hercule qu'on ne peut méconnoître, entouré
de lierre , et placé dans le champ du bas-relief* Trois petits Amours ,
nus et ailés, sont représentés endormis, en différentes attitudes, l'un
derrière la femme , à la hauteur de sa tête, le second sur $e% genoux,
el le troisième à ses pied*. Le motif de la principale figure devoit avoir
été fourni par quelque composition du premier ordre; car on fc
retrouve ,à très peu de chose près., sur des pierres gravées représentant
un Hermaphrodite endormi, entouré de même de petits Amours ; et ce
rapport, qui n'est pas moins sensible dans la célèbre figure de l'Herma-
phrodite Borghèsé, dont il dut ex û ter tant de répétitions, m'avoit fait
penser d'abord que notre figure pouvoit bien être aussi un Hcrma*
phrodite, La relation étroite qui existoit entre Hermès et Aphrodite, et
dont j'ai déjà eu l'occasion d'observer qu'il s'éloh conservé plus d'un
monument dans notre collection même, iembloit venir d'ailleurs à l'appui
de cette conjecture; et la peau de lion, qui sert de lit à deux des répéti-
4l* JOURNAL DES SAVANS,
ttons antiques <fe hermaphrodite Boighèse, pmivoit sembler encore un
nouveau trait d analogie.Cependaiu, après un plus mûr examen, je se/ois
plutôt disposé à croire que c'est Venus elle-même qui se voit repré-
sentée sur notre médaillon. La ceinture, qui doit être le ces tus, placée comme
elle l'est ki , est un attribut caractéristique de Vénus , qui ne sauroit • en
aucun cas, convenir à une bacchante; les Amours, dont on ne pourroit
expliquer convenablement là présence auprès d'une ménade endormie
par.lUjfet de l'ivresse, sont au contraire le cortège ordinaire de* Vénus;
et quant au motif de cette composition, qui nous représentèrent Vénus
couciée et endormiasur la dépouille df Hercule, ce seroit une image si claire
et si ingénieuse du triomphe de la beauté sur la force , dans le goût de
cette autre allégorie, si familière aux anciens, et reproduite sous tqm de
formes et sur tant de monumens divers, de Vénus victorieuse, parée
*des armes de Mars, qu'il n'y auroit guère, à ce qu'il me semble, de
difficultés sérieuses à élever contre une pareille explication* ( Là suite ou
numéro prochain* )
% RAOUL ROCHETTE.
Mémo 1RS qf the emperor Jahangueir, written hy himself, and
translated from a persian manuscript , by wuijor David
Price , &c. — Mémoires de V empereur Djéhanghir, écrits par
lui-même, et traduits d 'après un manuscrit persan, par le
major David Price. Londres, 182^, \\\ pages i>-^.9
SECOND ARTICLE.
Malgré les doutes que j'ai exprimés précédemment sur Tauthen-
ticité de l'ouvrage traduit par M. Price, je le considérerai, dans l'extrait
. que je vais en donner , comme nous offrant effectivement les Mémoires
de Djéhanghir écrits par lui-même. Je dois d'abord faire observer que ,
quoiqu'ils commencent à lavépement de ce prince au trône de I'Hin-
doustan, et que le manuscrit de M. Price ne s'étende pas au-delà des
deux premières années de son règne , on y trouve cependant rappelés
en détail des faits qui appartiennent au règne d'Acbar, et racontés
comme par anticipation des éyénemens qui se rapportent à des époques
postérieures de la vie de Djéhanghir.
Un caractère qui rapproche ces Mémoires de ceux de Raber que nous
avons fart connohre précédemment, c'est que les récits les plus fii-
JUILLET 183O. 4}t
votes se trouvent entremêlés à ceux des événemens politiques les plus
importans. Un autre . trait de ressemblance , c'est que Djéhanghir ne
dissimule point «es défauts et ses fautes. Ainsi , à l'occasion d'un règle-
ment qu'il fit au commencement de son règne , pour prohiber sans
réserve la fabrication et la vente du vin et de toute liqueur enivrante ,
H observe que c'est une chose connue de tout le monde , qu'il a lui-
même une violente passion pour le vin , auquel il s'est habitué dès l'âge
de seize ans. II expose en détail les excès auxquels cette passion l'a.
entraîné ; et H convient qu'il avoît porté Pabus journalier du vin à un
tel point , que s'il étoit une heure seulement sans en boire , sa main
comraençoit à trembler, et 9 lui étoit impossible de rester en place.
Sentant cependant que de pareils excès pouvoient ruiner sa santé , il
parvint à prendre assez sur lui-même pouf réduire des trois quarts la
consommation Journalière qu'il faisoit des liqueurs fortes. II n'est pas
inutile de faire observer que, suivant le texte publié par M. Anderson,
la liqueur dont il fkisoit usage étoit souvent de l'eau de vie double
*^jjj>:<j>j6* H reconnoît qu'au moment où il écrit, c'est-à-dire, à
l'âge de trente-huit ans y son estomac seroit incapable de supporter
une quantité plus grande que celle qu'il prend , et qu'il évalue à cinq
flacons <JLj. « Toutefois , ajoute-t-il, je me figure et j'espère que, par
»fa faveur du ciel, f obtiendrai la grâce nécessaire pour réaliser la
» résolution que fai prise de renoncer tout-à fait , tôt ou tard, à cette
» pernicieuse liqueur, imitant en cela mon grand père Homayoun,
» qui parvint à secouer entièrement cette habitude, avant d'avoir atteint
» sa quarante-cinquième année. Quand il s'agit d'un point sur lequel
» Dieu a prononcé une condamnation aussi positive , si la créature fait
» des efforts , si légers soient- 9s , pour se corriger, c'est assurément un
» moyen de salut qui ne sauroit être (Tune médiocre importance. »
Le royal auteur de ces Mémoires avoue aussi un crime d'un autre
genre. Je veux parler de l'assassinat du célèbre Aboulfazel, vizir
<f Acbar, et qui contribua tant à h gloire du règne de ce monarque.
Mais loin cTfen parier comme d'un crime, il semble s'en faire un mérite ,
comme (Tune action dont «on zèle pour la religion et pour la conserva-,
t ion de ses droits légitimes au trône de ses pères , lui faisoit un devoir»'
A l'occasion de l'avancement qu'il donna , dès le commencement de «on
règne , à Abd-afrahman, fils <T Aboulfazel, 3 dit qu'il lui accorda cette
faveur , quoiqu'il sût parfaitement que le père (fALd-alralmian étoit un
homme qui professoit les pfus mauvais principes* « En effet , dit-il,,'
«rvers la fin du règne de mon père , profitant de {Influence qu'il" avoît
* acquise dune façon ou de Taûtré, 3 agit si bien sur fesprit de son
"'maître , qull ptarb* I lui pétai&fer que Mafeomet . : ; • ne devait
43* JOURNAL DES SA VAN S,
» être regardé que comme un Arabe d'une éloquence extraordinaire , et
» que les révélations contenues dans PAIcoran n'étoient que. des choses
» forgées à plaisir par Mahomet. Ce furent là les motifs qui me déter-
ra minèrent à employer l'homme qui assassina Abou'Ifàzel et m'apporta
» sa tête , et ce fut pour cela que je tombai dans la profonde disgrâce
» de mon père. Ce fut aussi îi cause de cela que j'en appelai solennel -
» lement au nom sacré du prophète, et que j'osai affirmer que je saurois,
» avec son assistance , me frayer le chemin au trône de l'Hindoustan. »
II ajoute que, dans sa colère, Acbar annonça publiquement l'intention
de déclarer pour son successeur le prince Khosrou, fils de Djéhanghir;
mais que Dieu en a disposé autrement. Enfin il observe qu'Acbar ,
après la mort <f Abou'Ifazel , rentra jusqu'à un certain point dans te
droit chemin , et se montra de nouveau vrai croyant et orthodoxe.
Quand on connoît d'un côté la tolérance qu'affectoit Acbar f et de
l'autre le projet insensé qu'il avoit formé d'établir une nouvelle religion
dont il devoit lui-même être la divinité , on peut croire que ces circons-r
tances vinrent à propos pour diminuer l'horreur d'un crime que Djé-
hanghir regardoit comme nécessaire aux intérêts de sa politique.
Puisque j'ai parlé de la tolérance cf Acbar , je ferai mention ici jle ce .
que ce prince dit un jour à ce sujet à son fils , qui lui demandoit pour
quelle raison il avoit défendu que qui que ce .fût apportât aucun
obstacle à la construction ou à la réparation des temples consacrés au
culte des idoles. Acbar, se considérant comme Pombre de Dieu sur la
terre, se croyoi t obfigé , disoit-il, d'imiter la providence divine, qui
répand ses bénédictions sans distinction sur toutes les créatures , et ne
concevoit pas à quel titre il auroit pu entreprendre de persécuter et de
tourmenter des hommes , créatures de Dieu , avec lesquels il étoit en
paix. D'ailleurs, ajoutoit-il, les cinq sixièmes du genre humain ne
professent-ils pas ou la religion des Hindous , ou d'autres religions
également opposées à la vraie foi; et si je me laissois gouverner par les
principes qui ont donné lieu à la question que vous me faites , quel
paru me resteroit-il à prendre, sinon de les faire tous mourir l Et avez-
vous oublié qu'il n'est aucun de ces hommes dont vous parlez , qui
rfexerce son industrie çt ses talens au profit de l'état et de l'espèce
humaine !
Djéhanghir n'étoit pas apparemment aussi porté à la tolérance que
son père ; car ce qui lui donne occasion de rapporter cette conversation,
c'est la destruction exécutée par ses ordres , au commencement de son
règne , d'une magnifique pagode élevée à Bénarès par raja Maun$ing.
Ce temple indien, dont les ministres abusoient de la crédulité du peuple,
avoit .coûté, si Ton en croit l'auteUr des Mémoires* environ 3*> laQ^s
JUILLET 1830. 4jJ
d'aschréfis ou 3,600,000 d'aschrifis , de la valeur chacun 'de cinq
mithkals. Djéhanghir prit prétexte de la jonglerie des prêtres qui
desservoient cette pagode , pour la détruire et faire construire à sa
place , et avec les matériaux mêmes provenant de la démolition , une
grande mosquée, à Bénarès, ville qù jusque-là, dit-il, on n'osoit pas
même prononcer le nom de l'islamisme, ce Si Dieu m'accorde des jours ,
» ajoute- t-il, j'espère, avec le secours de ses bénédictions, la remplir
a» de vrais croyans. *> •
M. Price remarque que la somme à laquelle est évaluée la dépense de
la construction de cette pagode , équivaut à ; croris et 4 ^acks de rou-
pies, parce qu'il compte Vaschréfi à 15 roupies, et que cette somme repré-
sente j, 400,000 livres sterling: cette assertion lui paroît une exagéra-
tion énorme. Il est difficile de déterminer la somme que représentent
ces dénominations. Uasckrêfi est certainement une monnoie d'or; et
comme les pièces d'or ne sont pas par-tout du même poids, on peut en
porter, je. pense, l'évaluation de i4 à. 16 roupies chargent; le terme
moyen seroit donc 15 roupies, comme Ta évalué M. Price, Selon
M. Shakespeare , dans son dictionnaire hindoustani , Yajthréfi de Cal-
cutta vaut 1 livre 1 1 sous 8 deniers sterling , ce qui ne s'éloigne pas
beaucoup de 4o fr. ,.et sur ce piedies 3,v6covoop aschréfis donneraient
environ i44,ooo,oop de francs* Mais notre auteur observant qu'il
s'agit $ aschréfis du poids* de cinq mithkals chacui) , on ne peut guère ,
je pense , leur supposer une valeur moindre de j 8 francs , ce qui
éleveroit fa somme susdite à 2.98 millions de francs ( 1 ). Je doi* observer
que U dénomination d'aschréfi ne se trouve point dans ÏAylri Acbéri. Au
surplus , il est bien inutile , ce me semble , de rechercher la véritable
valeur des sommes énoncées dans ces Mémoires ; car, ainsi que je J'ai
déjà fait observer*flans mon premier article, il semble que l'auteur, toutes
les fois qu'il s'agit de nombres ou de valeurs, ait pris à tâche.. de
rebute^ le lecteur le plus - crédule. Le passage suivant suffira ,pQur
montrer combien ce reproche est fondé ; il me servira en même temps
à signaler une lacune que M. jPrice semble n'avoir p^s observée.
L'auteur , qui dans ce qui précède n>voit Jpit aucune tpentioç qes
éléphans attachés à son service personnel ou à celui de sa ipaisop,
s'exprime ainsi $x abrupto /ce Pour assurer la fourniture régulière, de
» grain et d'eau } nécessaire i ces nobles animaux , j'établis un joudjdar
» ou surintendant pour chaque division de mille £Iéphaps attachés à
(1) Suivant M. de Jfrnnevilfe, (es roupies d'or 4e Djébanghir pèsent #>5tF»
Ancien poids de marc, et s ont à aï Larats, ' , » .
• • ■■■■* * «**'
il i
4)4 JOURNAL DÈS SAVANS,
» mon Service; J'observerai ici que quoique les éléphans entretenus sous
* mon gouvernement forment une quantité difficile fc compter , il n'y
» en a cependant que doute mille qui , parleur taille et leur caractère *
» puissent être employés contre les rangs de l'ennemi, en un jour de
» bataille* II faut Joindre à cela un millier d'autres , d'une taille au-
s» dessous, qui servent h. porter le fourrage et le gfein pour les premiers/
i> Il faut encore compter f en outre de ceux-là, cent mille éléphans
» qui sont nécessaires pour porter les amarah, ou litières couvertes
fcdes femmes de la maison impériale, et tout le bagage. ...» Je
» n'ajouterai à ceci qu'une seule remarque , c'est que l'entretien de tout
*fce train d'éféphâns ne coûtoit pas moins de 46o tacks tiaschrtjîs
* annuellement : encore ne comprends-je point dans cette dépense ce
a qu'il en coûtoit pour soignes et servir ces aïiimaux;" chacun d'eux
*> exigeoit pour son service quinte personnes , et un poste de mille
» hommes de garde étoit établi par- tout où il y a voit un dépôt de mille
» éléphans. » À cette occasion , l'auteur se rappelle la vengeance qu'il
fut près de tirer d'un de ses officiers qui avoit acheté un éléphant de la
plus haute taiHe, pour une somme de 60,000 âschrrjts , c'est* ihdire ,
d'après -l'évaluation du traducteur , 90,000 livres sterling , et d'après
Ceque fai dit *i-de*$us, 3,48o,coo fr. •
Suivant TAyik Àthérî, les éléphans devinés particulièrement au
service personnel cFAcb&r étoient toujours au nombre de. cent un ; et
quand il voyageoh , le transport des tentes et de tout l'attirail de sa
maison exigeoit cent éléphans , cinq cents chameaux et quatre cents
chariots. Sous ce même empereur , il n'étoif attaché à Téléphant du
premier rang que cinq. hommes et un valet. Si nous en croyons Djé-
hanghir, Àcbar entretenoit habituellement trente-deux lyille éléphans ( 1 ),
et ft>i) comptait dans son équipage de chasse doute nulle antilopes et
douze mille autres animaux , tels que rhinocéros , autruches, gazelles
connues sous le nom denil-gaw [béliers de montagne ], et éloutigttrya,
animal que M. Ptice suppose pouvoir être l'hippopotame i ce qui est
bifn peu vraisemblable : je conjecturerais plutôt qu'il s'agit du buffle?
Car on fait usage » je crois , du buffle apprivoisé pour chasser le buffle
sauvage»
Je reviens à la tolérance cf Àcbar pour les rites religieux des Hin-
dous. La liberté de penser que ce prince affectoit, contribuoit sans doute
autant que les intérêts de sa politique à lut inspirer ce sentiment : car f
>MWrtita*rtH«toM«É
fi) fl dit ailleurs (p*g. 63 ) qu'à la mort de son père il hérita de doaze
mille éléphans. „
comme on le *ai^ H ne passoit pa» pour, un tnis-amCère mysirfman»
Son fils Dyéhanghir, qui se fait gbùre d'avoir infraohlit le culte fmisuljrçafl
k Bénarès, ce qui sans doute fut un grand s* jet de. scandale pour Ie%
Hindous, usa de plus d'indulgence à l'égard de* futiic , c'€$t-h-dire, dfc^
Pusage où étoient les veuves de se brûler avec le corps de leurs np&rts.
II avoh d'abord , par un règlement provisoire , défendu cette pratique
barbare*, à l'égard de toutes celles qui auraient des en&ns ; ensuite il
ordonna que , sans avoir égard à l'opinion populaire , l'exécution de cç*
sacrifices ne ftt jamais tolérée *, lorsqu'on aurait employé la phut
légère contrainte à l'égard d'une veuve pour l'y déterminer. «A tout
* autre égard, ajoute-t-tl , je ne voulus point que les Hindous fuspcpt
* gênés dans l'exercice de leurs devoirs religieux , ni «posés è aucun
««'genre d oppression ou de violence; » Pour justifie* sa conduite en cela*
H répète à -peu-prés les mêmes raisons qu'il avoh mises précédemment
dans la bouche de son père* U>st, il ftut l'avouer « assez difficile de
concevoir comment une semblable tolérance a pu être conciliée ,avec
les principes incontestable» de l'islamisme, «oncçmaat les païenAt
les idolâtres* ...
•Demc événement dont ie récit occupe beaucoup de place dans (es
Mémoires de Dfëhanghir , ce sont en premier lieu les derniers moment
de fa vie dTÂcbar et sa mort, et ensuite [ftjévolte du prince Khosipu,
fils aîné de Djéhanghir , contre son père. Ce n'est même qu'à l'occasion
de la révolte de Kbosiou, que Djéhangbir raconte daris le plus grand
détail tout ce qui.se passa à la c#ur d'Acfaar pendant les derniers jogai-d*
&a vie. Acfear «volt laissé entrevoir le dessein de faire recennoîtce peu*
son successeur son petites Ithosrou, au détriment de sont propre £U
sultan Sélim, depuis Djéhanghir, et les principaux peignetu** de la çouc
<étoient lignés pourfiïre valoir et soutenir iesrprétcnttohsde Kfaosri
Khosrou^ Si
lerédt de fauteur des Mémoires nat exact ,■ Acbar, dans les denyers
Jours de'sa vie, avoh entièrement renoncé à de ;pcojet, et, connoksaat
ou soupçonnant les* intrigues auxquelles -sa mort, qui ne pou voit paa
beaucoup tarder , dohnoit lieu , il avertit son fib , .qui- passoit tous les
jours deux on troisquarts^Pheure le soir près de lui, de nephis vewr
au palais, ou de n'y entrer qu'accompagné de ses propres gardes et de
sa suite. Le prince , reconnof ssant ia tagttee 4e cet avis , s'y conforma ;
et une circonstance qui le convainquit tout-à-ikit des yro jeu qui sefra-
mcSent eomfe lui , cfest qu'é«k|it *rmè un jour xfans la at&deMe suiyîdff
ses gens, les émirs, sftps pfendre pour cela fcs ordres «TÀcbar , lui«u
fermèrent 1e lendemain les portes. En conséquence* H cessa de se
présenter au pelai»; jnaisv.il 4toxt - exacteaym infini* de unit « qui se
Jii z
4*4 JOURNAL DES SXVANS,
passbit , par quelques-uns des officiers qui étoient attachés à ses intérêts.
Je n'entrerai point dans le détyl de ces intrigues , et je me contenterai
d'observer que le prince Khosrou secroyoit, à ce qu'il paraît , si assuré
jdfe succédera l'empire, qu'il reœvoit déjà les congratulations de ses
aftidés. Un de ses. partisans cependant se hasarda de demander au ma*
rtfcnjUe mourant quels étoient ses ordres relativement au prince Khosrou*
Su réponse, si nous en croyons Djéhanghir , qui a pu à la vérité être
instruit de ces circonstances par quelques personnes affidées qu'il avoit
auprès d'Âcbar , mais dont toutefois le témoignage est un peu suspect,
fut conçue en ces termes : « C'est Dieu qui décide des événemens', et
afiriui seul appartient la souveraineté. Quant à moi , je conserve encore
» beaucoup d'espoir ; mais , sans doute., en vous permettant un tel
» langage en m» présence , vous me regardez comme déjà victime de la
» mort. Toutefois il pourroit bien se faire que je jouisse encore quelque
» temps delà vie. En supposant cependdht que la crise fatale soit proche,
» et que l'heure du départ soit arrivée, puis-je avoir publié cette promp- a
» TCude dans les dispositions militaires , cette sagacité dans les affaires
apolitiques, et les autres qualités indispensables pour exercer avec
» succès le pouvoir souverain , que f ai reconnues moi - même dans
» Séfim-schah à Allahabad ! Je n'ai jamais senti diminuer en rien l'amitié
» tî' {'affection que je lui apportées. Quand, séduit par de mauvais
» conseils , il se seroit égaré un instant des devoirs d'un fils , en est-il
» trtoins pour cela mon fils aine , et par conséquent l'héritier du trône, de
» ce* trône qui, par les institutions de ma race, appartient au fils premier
*tté;, et ne sauroit descendre à celui qui est plus jeune! Au reste , je
j» donne à Khosrou le Bengale, qui forme une étendue de territoire de
» six mois de marche. »
Une anecdote qui concerne les médecins <TÀcbar mérite d'être
remarquée. L'un deux, qui se nommoit Ali, avoit permis ati malade de
manger du melon, ce qui lui avoit causé une violente indigestion; et
le lendemain de cette crise , il lui avoit fait administrer une certaine
potion. Un autre médecin, appelé le docteur Afô%afferf blâma sévère-
ment l'indulgence et la prescription cTAli. ce Pour moi , dit Djéhanghir ,
» -par une juste répugnance à faire perdre à un homme sa réputation ,
» et peut-être par un penchant naturel k pardonner , je décidai que le
» docteur AH ne seroit pas foulé aux pieds (de mes éléphans ) , d'après
» wmh suggestion qui ne venoit que de pure malignité, et une accusa-.
» tron qui de la part de Mozafier n'avoit d'autre principe que la jalpusie.
» Si, me dis-jé à moi-même , les bévues des médecins ne concouraient pas
» et -l'exécution des décrets divins § nous ne mourrions jamais. J'en fis
JUILLET 1S30. 437
» même la confidence au docteur Ait, par un sentiment de discrétion
» et de bonté v mais , au fond de mon aine , toute ma confiance dans
» son talent fut anéantie. »
Djéhanghir consacre beaucoup de place, dans ses Mémoires, à faire
connoître les principaux seigneurs de sa cour et de celle de son père;
il expose leurs bonnes qualités et leurs défauts , et développe les jnotift
qui l'ont déterminé ou à récompenser leurs services , ou à dissimuler
leurs intrigues et les griefs qu'il avoit contre eux. On voit que , quand il
écrivoit ainsi, la plupart étoient encore vivans; et si ces Mémoires sont
authentiques , il semble qu'ils n'étoient pas destinés & être connus de la
famille du monarque et de sa cour , durant sa vie.
Entre autres choses assez remarquables, il raconte Qk"û livra à la
Justice et fit punir de mort un jeune seigneur nommé Aiir^a Nour t
qui s'étoit rendu coupable <Tun homicide volontaire. Ce jeune homme
étoit fils d'un des principaux officiers de la cour, appelé Khati-l-a^em ,
et dont Djéhanghir fâisoit le plus grand cas. Djéhanghir remarque à
cette occasion que , quelque peine qu'il éprouvât à user de sévérité
envers le fils d'un seigneur du plus grand mérite , il dut vaincre sa repu*
gnance pour obéir à la loi musulmane qui prononce la peine de mort
contre le meurtrier. Sans doute il oublioit 9 en écrivant cela , la part que
de son aveu il avoit eue à l'assassinat d'AbouTfazel.
Relativement à un autre seigneur, nommé Asafkhanf dont il fait
le plus grand éloge, il observe qu'il n'avoit que deux défauts , savoir,
l'avarice , qui I'empêchoit de faire aucun acte de générosité , et une
négligence totale du devoir de la prière. Quoiqu'il çût fait , avec la
permission cTAcbar , le. pèlerinage de la Mecque, et qu'il en eût accom-
pli en apparence avec beaucoup de zèle et de dévfetioft tous les rites ,
à son retour dans l 'Hindous cm il ne parut aucun changement dans sa
conduite irreligieuse. « Il ne pouvoit, disoit-il pour s% justifier, s'ac-
» quitter de la prière , parce qu'il étoit assailli de trop nombreuses tenta-
» lions. » Sans doute ni Acbar ni Djéhanghir ne pensoient pas tout-à-
•fait comjne Saadi , qui , dans le Gulistan , ne veut pas même qu'on prête
de l'aigent à un homme qui négligé la prière, parce que celui qui est
capable de manquer à ce qu'il doit à Dieu, ne se fera pas de scrupule
d'oublier la dette qu'il aura contractée. • •
• L'auteur de ces Mémoires se laisse fréquemment .entraîner à de
longues réflexions morales et politiques , 4|>écialement sur les devoirs
de la' royauté et la vanité des jouissances passagères du monde. J'en
citerai "un exemple, parce qu'il me semble* propre à démontrer que si
cet ouvrage est de Djéhanghir, il n'a pu être écrit que vers la fin de
4*8 ' JOUIT» AL DES SAVANS,
a on règne. Âtf milieu de réffexicfis fort longues et de fieux commun*
fort ordinaires , Sur la nécessité où se trouve parfois un souverain dé
recourir à des mesures sévères pour maintenir ou rétablir Tordre -et
pour assurer là paix et îe repos de ceux qu'il gouverne , le royal auteur
affirme que ; même au milieu ées jouissances de la vie, il n'a jama:s
perdu-de vue ce devoir sacré. « Je n'ai jamais oublié, dit-il , que quelque
» flatteurs que soient au goût les plaisirs de ce m onde, 'la tin en est
» plus amère que les plus mortels poisons. Héla* î que me sont
i> aujourd'hui les joyaux du plus grand prix <jui ont été versés scrir ma
* tète avec tant d'abondance ! ils n'ont plus aucune valeur à mes yeux ,
» et je n'éprouve plus que de l'indifférence pour leur possession.' Si j'ai
* contemplé fPiefquefoTs avec délices les grâces et les charmes de la
j> jeunesse et de la beauté t je ne connoh plus vë plaisir ; ce sentiment
» m'est devenu étranger. Les divertissemens de h chasse et les charmei
* d'une société joyeuse , ont trop souvent été pour moi Une Source dé
» peines et de regrets. La vieillesse , du bout du doigt , m'a montré que
» désormais la retraite dewit être mon plus grand plaisir et. ma re$-
* source la pluj assurée , et que de là seulement je pouVoîs retirer lès
* plus grands avantages. En .un mot, fl n'y a et H ne saurait y avoir
» en ce inonde aucun état permanent de repos et de bonheurr tout y
» est changeant , vain et périssable. En tin cfin-'dVril on voit fa magf-
*> crétine dont les enchantemena captivent le monde et les amateurs du
99 monde , saisir par le cou une victime, puis une autre , &c. &c. **
Si Ton réfléchit que Djéhanghir ri'avoit pas plus de trente-sept, ans
quand il succéda à Acbar , et qu'à cette époque H n*étoit rien moim
qu'indifférent aux douceurs du pouvot souverain et Y tous les plaisirs ,
on croira difficilement qu'il ait écrit cesjréflexions philosophiques dans
la première ou la seconde année de son règne.
Par une reiltoniré assez singnlière, le passage que je viens de crtet
est immédiatement suivi <Tun très-long récit des tours de passe^passe
qu'exécutèrent dans le Bengale , en présence de Djéhanghir et de sa
cour , une troupe de jongleurs dont l'adresse surprit tellement ce
monarque , qu'il a jugé à propos d'en consigner ici . ies détails. De
vingt-huit tours, tous phts étonnans l'un que l'autre, je n'ëri citerai
qu'un #seul , ePce sera le premier de tous ceux que rapporte l'auteur, '
Ces jongleurs donc proposèrent à l'assemblée de désigner tel arbre
qii*on jageroit k propos, annonçant qu'aussitôt ils en Jetteroient la
semence en terre , -et qu'on verroït l'arbre incessamment sortir 4e terre
et prendre sa parfaite croissance. Un seigneur présent ayant désigné lé
mûrier, ils jetèrent en terre des semences en dix endroits différens';
, • JUILLET j8$0. ii9
tï quand ils eurent récité certaines formules dans un tangage qui n'étoit
compris de personne, on vit tput d'un coup sçrtir de terre dix mûriers :
l'expérience , répétée sur des arbres de beaucoup d'espèces diverses ,
eut toujours le même succès». Bien plus, sur la demande de Djéhanghir,
au moyen de quelques cérémonies et de quelques invocations y on vit
paraître sur chacun de ces arbres des fruits analogues à leurs espèces ; «t
chacun des assistant fut libre d'en goûter. Ensuite H parut entre le fèuil-t
tâge de ces arbres des oiseaux de diverses formes", de diverses couleurs ,
et pareillement diversifiés poilr leur chant, et on les vit se jouer et
s'ébattre en pleine tiberrf entre les branches. Enfin les feuilles prirent
des teintes variées ♦ semblables à celles qui caractérisent l'automne et la
saison de la défoliation, puis les arbres rentrèrent en terre comme ils
en àum nt sortis /et disparurent entièrement, ce Je rie ferai à ce sujet,
4» dit DjéhangMr, qu'un» seule observation» c est que si toutes ces
a» choses ne s'étoknt pas passées sous mes yeux » je sa'aurots jamais pu
m croire que cela eût rien de réeL *» L'édrteur ajoute, dans une note, qu'il
m. été témoin , dans la partie occidentale de Unde , d'un tour pareil,
employé à. la production d'un manguier. Une toile dérobott h la vue
îles spectateurs les moyens mis en «feutre, par les jongleurs* * Je ne puis
m absolument point me figurer, dit-il , comment cet effet extraordinaire
* éjtoit produit, à moins qu'on ne suppose que ces jongleurs portoient
» avec eux des manguiers» à tous les degrés de culture et de végé-
» tatma, à^pnùs l'état de semis , jusque cdai de la fructification. »
Agrès avoir rapporté foules les choses surprenantes qu'a vit exécuter
par ces jongleurs, «DjékangbiT observe quef quelque subtilité et quelque
artifice qu'on suppose dans ceux qui font de pareils tours, il faut pour*
tant convenir qu'il y a fil-dedans quelque chose d'un pouvoir sur*
humain. « J*ai ouï dire, apoute-Hi , qu'on nomme cela fart des Sam**
m miens, et j'ai fcppitt que cet art est aussi connu en Europe et y est
3» poussé fort loin» » Au lieu de Part des Samanèens (Semnaman)
le traducteur conjecture qu'il fort lire Asm art i en, c'eat^-dire , *ks
iakitans du ciel : je sais loin d'adopter cette conjecture.
Pendant que Djéhnighir est sur ce sujet , il est prend oemioo de
raconter des aventures absurdes qui lui avoieat été débitées par ha
Arqbe, et dans iesquette* une le bafcitée car des Portugais* et oit il
n'y avok pas un muI musulman , yone.ua grand râle. Ce prince , qui 9
à œqull parait , ne saupectoi t point la véracité du narrateur, attribue
les choses merveilleuses qu'on lui. a racontées des Portegais habitua
de cette lé , à VvichàmitiffMt*ms savons, dit-il 9 Are fort en vogne parmi
les Francs*
44o JOURNAL DES S A VANS,
- Cette longue digression en -amène- encore* une autre; et ici il s'agit
d'un conte indien tout aiçsi absurde , relatif à l'origine de la forteresse
de Mandou , place située dans la province de Malwa 4 et célèbre dans
I histoire de l'Inde, et dont Acbar ne put se rendre moitié qu'après un
siéger de six mois. . * •
* Un voyage de Djéhanghir dans le G ut ara te fournit à l'une des beautés
du sérail de ce prince , femme qui ne portoif -encore que* le titre de
Khàirou Inésa Bégum , et qui étoit loin dé la haute faveur dont elle jouit
dans la suite , l'occasion de lui offrir une ftte magnifique dans les jardins
de son père le Khan-khanan , situés dans le voisinage cT^Jiftied-abad.
Ce n'est pas sans intention que je fais observer que la célèbre Nottr*
makal, nommée plus tard Nour-d)ihan , n'est . appelée dans l'occasion
dont il s'agit que Khàirou'lnésa, c'est-à-dire, ta plus tx$\lknu dts femmes.
On l'appelle ordinairement Mïhr-tlnésa , et c'est ainsi que MUGIadwin
la nomme dans son Histoire de Djéhanghir -( pag. ai ). On pourrait
supposer qu'il y a ici une faute dans le manuscrit dont M. Price a fait,
usage , pu bien qu'il a lu mal-à-propos » LjJL jg» au lieu de » Lait *j%» ?
mais, pour dire le vrai, j'ai peine à concevoir qu'on ait joint le mot
arabe LjJI ainsi déterminé par l'article , avec le mot persan j^*. Je
sais bien qu'on a une alliance qui peut sembler analogue t dans le nom
de la pripcesse Bakht+tlnisa ; mai* il faut remarquer que le mot cm?',
quoique d'origine persane, a passé daifs la langue arabe > ce qui n'a
pas lieu, je crois, pour le mot j**, qui en persan signifie soleil et amour.
' Une circonstance remarquable de la fête donnée en cette occasion
à Djéhanghir , c'est que , quoique l'on fût en hiver ,. les artistes chargés
de la décoration des jardins avoient suppléé par-tout, avec du papier
et de la cire , à l'absence des feuilles, des fleurs et des fruits, et cela
avec un art si parfait , que , si nous en devons Croire l'auteur des
Mémoires , l'imitation étoit telle qu'il oublia la saison dans laquelle on
se trou voit, et étendit la main pour cueillir des fleurs et des fruits.
Je me borne au petit nombre de faits qu'on vient de lire , et qui
peuvent donner une idée des .objets très-variés que contiennent ces
Mémoires, et du système de rédaction que l'auteur a suivi, je devrois
peut* être dire de l'absence de tout système et du désordre qui s'y font
remarquer. J'ai déjà signalé dans mon premier article ce qui me. pajort
manquer essentiellement à cette publication, et il seroit inutile de
revenir là-dessus* Cela ne doit pas toutefois nous empêcbej de jouir
avec reconnoîssande de ce qui nous est offert.'
SiLVESTRE DE
; JUILLET 1S30,; ,' 44»
Mémoires d 'agriculture , d'économie rurale et domestique, pubJiés
< par la Société royale et centrale d'agriculture , année 1828.*
A Paris, chez M.mc Huzard (née Vallat la Chapelle),*
lifaraîrfe de la société, rue dé TÊperon-Saint-André , n.° J.
. •' 1
Les sociétés d'agriculture > instituées pour perfectionner le premier
des arts , s'acquittent de cette belle fonction en propageait des principes,
en recueillant des faits, et répandant la lumière autour d'elles par des.
exemples et des écrits. Depuis un siècle, il s'en est formé un grand
nombre en France , sous diverses dénominations , ex toutes à l'aide de
l'amour du bien et du zèle des membres qui les composent. Il en existe
une, dite Société centrale, à laquelle se rapportent les autres, sans
autre devoir à remplir à son égard que la communication, soit de décou-
vertes qu'elles auroient faites, soit d'essais tentés avec des succès
obtenu).' La Société centrale accueille ce qu'elles lui font parvenir , et
leur fàjt part à son tour du produit de. ses propres recherches. On ne
peut douter que cette réciprocité n'ait de grands avantages. La Société
centrale vient de publier un volume dont nous allons rendre compte. ;
Il commence par un discours de M. de Martignac , alors ministre de
l'intérieur, et qui présidoit une .des séances publiques. Nous n'en
itérons que deux endroits, ce Trois jours , dh-il , se sont à peine écoulés
» depuis celui où recevant avec une paternelle bienveillance l'expression
» de vos sentimens , le roi vpus a répondu ; Ctst principalement p#r
» l'agriculture que la Franc f peut augmenter sa prospérité ; je vous engage
» a travailler toujours avec le même $le à cette branche fi intéressante delà
» richesse publique. » Plus loin, Je ministre s'exprime de cette manière;
« II u'çst pas d'illustration qpi ait dédaigné. l'agriculture, pas de genre
» de gloire' qui. jait cru s'abaisser en essayant la herse et la charrue. S|
» d'une part Pline et Virgile àescençtiiçiU des. h^ujeurs du génie poifr
a» tracer au cultivateur de modestes façons, de l'autre la .main triopi*
» phame. de Cincinnatus ne; tar^a pas à reprendre le sillon qu'avoif
» interrompu la victoire. » Le compte qui suit des travaux de la société
pendant le cours de l'année précédente, . offre, à Ja reconnoissance
publique une grande variété d'objets traités. C'est toujours par ces sortes
de comptés rendus qu'on peut juger de futilité d'une société , parce
qu'an. y trouve le sommaire des matières dont elle s'est occupée, et
auxquelles elle * donné le pïuj d'attention. H semble à ceux qtd-kj
écoutent ou qui lés lisent qu'Us as>îs;ejit aux ^éapees particulières .4$
toute rannée." "_.. ; w;4. ..;; .' rV^
44* JOURNAL DES SAVAIS ,
Noul Voudrions pouvoir <Wra tonnoftre m détail réloge de Frtnçofc
de Neufchfttcau» par M. SUvestie, secrétaire de ia société. La Vte de
cet homme, que les lettres ont perdu il n'y a pas long- temps , comprend
tant cTévénemens difFéfertS , il a fait tant de choses, qu'il éloit impossible
que cet éloge ne fût pas très-étertdu. Nous nous bornerons à dire qu'il
conçut le premier et exécuta le projet de lier aux fëtes annuelles, dans
tous les dépaf terriens , «ne exposition publique des produits les plu*
remarquables de {Industrie manufacturière , et ce fut une âe% pensées
dont il a conservé toujours ujt plus doux souvenir. Nous ajouterons
qu'il desiroit qu'on introduisît renseignement de 1'agricuftare dan*
instruction publique; que, pendant un séjour qu'if fit dans les environs
de Bruxelles, il traça le projet du dessèchement de l'immense marais de
Peeï et de la mise en culture des vastes bruyères de la Campine, et qu'il
Commença même , à ses frais , cette grande entreprise.
Cet éloge est suivi de cinq rapports sur les divers concours qu'avoft
ouverts la société.
La tâche du secrétaire n'étott pas remplie par Féloge de François
de Neufchftteau, membre de la société, dont il avolt été quinze fois
le président. M. Sifvestre crut devoir donner une notice biographique
sur Louis-Gervais Delamarre , propriétaire et cultfvtueur forestier , qui
ne 4» soit point partie de cette compagnie, quoique ses connohsances l'y
Ht*sent bien appelé. Mais fl n'avoit pas désiré cet honneur; 3 ne fauroit
pas accepté , et voici pourquoi : étant dans Pintention de léguer - & la
société un domaine qu'il aflfcctionnoit beaucoup; par une idée qu'on peut
taxer de bizarrerie , il ne vouloit pas qu on pût croire que c'était urt
acte tîe reconnoissance. M. Delamarre avoit acheté le VieH-Hfcrcourt ( i },
dans l'arrondissement de Bernay, département de l'Eure. Ce domaine de
trois cents hectares» dont quinze en bois, étoit composé en grande partie
de terres médiocres et mauvaises, oit If ne croissoit que des bruyères,
des fougères , des ajoncs , des mousses. M . Delamarre ty établit : pen-
dant dix ans » il ne s'occupa qu'à l'améliorer , et y essaya toute sorte
d'arbres , et spécialement ceux de la famille des conifères ; il- réussit à eh
élever et à en planter beaucoup qui un jour auront de là valeur. Pour
assurer après lui h conservation de ces plantations , en accroître futilité
; (i\ Ce domaine a* dote pas être confondu avec Harcomt, situé dans le
Calvados,! autre partit 4e ta Normandie, sur b rivière d'Orne, i 3 royriainèues
de Caten, jîutrefoU connu sous le nom de marquisat de Thury et érigé en
f'700 par Louis XIV tù duché, en faveur de Henri d'Harcourt de Bcuvron,
capitaine des gardes et depuis maréchal de France.
rtyo
x •: • \
-tts
- et perpétuer les exemples que donnerait leur succès , il imagina <f établir
par sou tesument la Société centrale d'agriculture sa légataire univer-
selle , persuadé qu'elle ne détruiroit pas son ouvrage , et qu'elle suivroît
même les ecremens qu'il iaissoit pour continuer ses améliorations* II
attachoit tant de prix à ce qu'il avoît feit, que penser que cela pût
être anéanti étoit pour lui un tourment-dont il cfaerêhoit à se débarrasser.
U se -tranquillisa en faisant don de son domaine à un corps toujours
existant , dans lequel l'intérêt particulier n*àurok jamais d'influence , et
qui y éclairé par les meilleurs moyens d'entretenir tt d'améliorer cet
établissement, devoit mettre encore tous ses soins à en conserver et
accroître les avantages.
Outre la distribution des prix décernés en conséquence des pro-
grammes de la société , elle accorde encore d'autres prix à titre d'en-
couragement, et consigne dans se* vcdumes les rapports qui en
développent les motifs. Quelques-uns de ces prix sont toujours destinés
à des notices .biographiques, sur des hommes qui ont rendu des services
à l'agriculture par leurs travaux. Il en a été donné un à M. Hédouin ,
avocat à BouIogne-sur»Mer, membre de la Société académique d*s
en&ns d'Apollon, à cause cFua éloge inséré dans le volume dont nous
Tendons compte , éloge qui rend un juste hommage à la mémoire de
M. le baron de Courset , savant très-distingué dans la botanique pra-
tique. U culrivoit un grand nombre de plantes, tant exotiques qu'indi-
gènes, dans des* jardins quoo venoit visiter, auprès de Boulogne : ceux
qui ont connu %^$ vertus , ce qu'il a observé ,- ce qu'il a écrit , savent
à quel point cet hommf ge étoit mérité.
- Nos» arrivons à ua sujet -qui maintenant occupe beaucoup te
esprits* II s'agit du percement des puits suivant la méthode artésfennct.
La société, dans un programme, rappelle les npms de» hommes qui en
ont parlé. Le prennes est Dominique Caasini, qui fit connoître ceux de
Modène en i $7 1 • Bétidqr , en 1729.» écrivoit qu'il avoît vu au monas»»
tère de Sain t- André, à une demUîeue d'Aire en Artois , un puits foré dotu
j'eau a'élevoit à la hauteur de quatre mètres. Ici l'auteur de cet article du
volume fait cette réflexion : « Les progrès dans le* arts se développent
?» comme tes inventions. Les premiers, pas: sont rapides; mais bientôt
*> l'exécution présente des difficultés qui en retardent ou suspendebt le
» court. » Ce n'est que depuis quelques quittées que Fart du fonumûer
mondent , pratiqué S y a un dède dans no^piovihoea du norfl v s'estait
coanoittoet a fixé Fattentiou dans quelques autres départe mens, gcicefc
aux effort* d'habiles ingénieurs et mécaniciens: on deit parKuHèrpmst
ce nouvel élan i MM. «éricart de TJwiy, Gaprièr* Baillai;* A* tm
xkk 2
444 JOURNAL DES SAVANS,
sondages n'ayant pas eu, par-tout ofe Ton en a Ait usage, les effets qu'on
se promettait* la Société d'agriculture a voulu provoquer par un concours
générai de nouvelles recherches. Elfe a annoncé trois prix, qu'elle de voit
distribuer dans la séance publique de cette année , un de 3,000 fr. , un
de 2,000 fr.\ et un de 1,000 fr, , aux propriétaires, cultivateurs,
ingénieurs et mécaniciens qui «auraient percé un ou plusieurs puits
dont l'eau s'éleveroit à la surface du soi. Pour donner -aux concurrens
; tous les ' rtioyens et renseignemens qu'ils pourraient désirer , elle a
placé dans ce volume et fait distribuer à part les recherches qui lui ont
été présentées par M. le vicomte Héricart de Thury , sur le gisement
des eaux dans le sein de la terre , relativement aux fontaines jaillis-
^antes des puits forés ; des observations sur la cause de leur jaillissement ;
l'indication de ceux qui existent en France, des ouvrages à consulter sur
la construction de la sonde, de la manière de s'en sertir, et même
jusqu'aux noms des sondeurs auxquels on peut s'adresser. Ce travail,
qui ne pouvoit être court , occupe cinquante-quatre pages.
Une commission avoit été nommée par la société pour aller prendre
possession, en son nom, du domaine cTHarcourt, légué, comme il aété dh,
par M. Delamarre. Cette commission reud compte de l'examen de toutes
les parties du domaine; en tète est le testament, en date du a 8 septembre
1 8,27. La commission^ y décrit le château , donne une notice historique
de sa construction et des familles illustres auxquelles il a appartenu
depuis 917, date bien constatée. Les commissaires n'ont pu s'empêcher
d'être étonnés que de simples agriculteurs fussent les successeurs des
plus hauts personnages de France. Ce qui a le plus attiré leur attention,
et c'étoit l'objet principal , ce sont les bois et plantations , qui sont
divisés en parties plus ou moins étendues : ces bois pris ensemble sont
considérables, et presque tous en pins, épicias r mélèzes y &c M. De-
lamarre avoit tant d'amour pour cette sorte d'arbres, qu'il à détruit
quelques plantations d'autres espèces, pour en mettrç à leur place.
A la vérité , ils ont réussi par-tout , et ils sont , disent les commissaires ,
d'une belle végétation. Cinq plans représentent le vieux château avec
Ses fossés, ses tours, se$ remparts et ses dépendances.
II nous reste à parler de l'eut actuel de l'exploitation du domaine
royal et rural de Grignon, commencée il y a quelques années. Nous
pensons quSI suffit de dire que le Roi a consenti à la concession de ce
, pour y établir urçe école Spéciale, théorique et pratique- de
science agronomique; Cet établissement s'est formé > et doit s'entre-
tenir par des souscriptions* Déjà des améliorations y ont été introduites.
EÛigé par M. Bella, très-instruit dans tout ce qui concerne l'art
*
*
agricole , il ne peut manquer de prospéneri Un rapport îur son état
actuel fait partie du volitihe que nous faisons connoître. Ce n'est
qu'après un certain nombre (Tannées qu'on pourra juger de Y effet (f un
établissement bien conçu, et qui doit concourir aux progrès de l'éco-
nomie rurale de la France.
Le volume est terminé par un. mémoire de M. Bonafbus , directeur
du Jardin royal d'agriculture de Turin1, correspondant de fa- société, sur
Temploi du chlorure de chaux pour purifier Tair des ateliers de vers à
soie. Les causes des maladies de ces insectes ont été l'objet de re-
cherche* de l'abbé de Sauvages , de Fontana , de Paroletti , du comte
Dandoio > de Foscarini , de Nysten, médecin de Paris, qui fut envoyé
par nos soins dans te Dauphiné et k Languedoc pour y feiie toutes les
observations et les expériences qu'il croîroit nécessaires. Une âçs mala-
dies de ces irisée tes , quant à sa caUse et Jl £es effets , fut toujours là plus
difliçile à prévenir et à .combattre; c'est celle par laquelle le ver se
convertit en une matière blanche, qui, suivant des chimistes, est
formée de 'phosphate ammoniacal magnésien, d'un peu d'urne d'ammo-
niaque, et <T une petite quantité de* matière animale: cette maladie
s'appelle musçardinc. M. Bonafous a découvert et s'est assuré que,
contre l'opinion de Nysten et de Dandoio , elle est contagieuse. II
propose, pour décomposer lel miasmes délétères des ateliers de vers à
soie, le chlorure de chaux, facile à employer et peu coûteux, sans
négliger cependant de faire pénétrer dans ces ateliers un courant d'air
qui chasse l'air qu'ifs contiennent, et d'y allumer fréquemment des feux
de flamme pour le déterminer à céder la place à Tair extérieur.
• • •>!
TESSIER.
«^«MNti
NOXJVELVtS LITTÉRAIRES.
■ ■ k " •
^INSTITUT ROVAfc DE FRANCE.
^ L'Académie des stàènces a- tenu , le 26 juillet, une séance publique, où l'on
a entendu Its éloges de MM. Humphry Davy et Vauqueltn, par M. Cuvier; de
NL Fresnal/par M» Arago.
- Les. prix ont été décernés dam l'ordre suivant :
L U grand prix de mathématiques, promis k l'ouvrage imprimé ou marins-
^ qui présenterait l'application la plus importante des théories mathématiques
i Ift physiquement^ la ou à jrastroaomie^eu.hten.qut.coQtiendroit une décou-
44* JOURNÀi DES SA.V.ANS,
■
TOrieanafytkriie trèsHrcniav^uaMe* » été partagé, entre la &m;Hlede feu M. Abcl
de Christiania, et M* Jacobi, professeur, de ma thématiques- à Koenisberg. Ce
fix con>i«oic en une médaille d'or de la valeur de 3Aoço francs.
IL Le grand prix des sciences naturelles étpit destiné à une description des
nerfs des poissons-, appliquée au moins à trois espèces, choisies, Tune parmi les
acanthoptérygiens thoraciques, l'autre parmi les malacoptér y giens abdominaux,
ta troisième parmi les chbndcoptérygiens, L'Académie n'a secu qu'un seul mé-
moire» écrit en latin » portant saur devise, Quidgpitf ws ocçulto eu inapricum
f'roferet. mtaig et accompagné oje dessins du fini le pkis précieux, représentant
a distribution des nerfs dans lé sandre , le brochet et (a lamproie, Quoiqu'on eût
désiré plus de recherches sur f origine cas principales paires de nerfs, et sur l'ana-
logie encore contestée de quelques-unes de ces paire*, 4e,prix a été accordé, A titre
d'encouragement , aux deux auteur* de ce travail, M. Edouard d'Alton, profes-
seur d'anatomie à l'Académie de» beaux-arts de Berlin, et M, Frédéric SUemm,
professeur et prosecteur à l'université de la même ville.
IIL Le prix d'astronomie, fondé par Lalande, a é\i décerné à M. Gambart,
directeur, de l'observatoire de Marseille, qui a le premier, aperçu fa nouvelle
comète de 1830, fa soigneusement observée . et a déWminé le* élément pa-
-raboitouet de ton orbite. ««-«La somme réservée Pansée derotére.a été partagée
-entre M. Gambry \ k qui l'obserVttoiredt Paria est .r«di^f4>te.d'uoe magnifique
lunette jnéridipnne, etALPjerreIot*inyen.teujr d'un compteur k détente ,à iwte
duquel un observateur inexpérimenté peut espérer, des son début, jù déter-
miner les instans des passages 4Vne étpifç sous les differens fiis du réticule de fa
lunette méridienne. ~ ■.. '
-£V. Le prix de mécanique, fondé par M; de Montyo* , et consistant en une
anédaUte ne la valeur de 1 .epo ir., de voit être adjnté i celui qei attroit inventa
pu perfectionné de» instrument utiles aux progrés de l'agriculture, des arts mé-
caniques et des sciences. L'Académie a disposé de 7Q0 fr, en faveur de M. Ti-
lorier, pour les perfectionnement remarquables .qu'il a apportés à sa machine
à comprimer le gaz; et de 300 fi*, epftveur de M, Barbrn et , professeur de phy-
sique, qui a perfectionné les machinai pneumatiques ordinaires, sans les rendre
plus coûteuses.
V. Prix de physiologie expérimentale» fondé par M- de Montyon. En re-
grettant de ne pas avoir trouvé cette année de treWrands travaux en ce
§enre, l'Académie a néanmoins accordé, ce prix , à M. L£on Dnfour, auteur
e recherches anatomiques s*r 1er hémiptères , Accompagnées de considérations
relatives à l'histoire naturelle et à la classification de ces insectes, avec atlas;
ouvrage qui présente un grand nombre de faits nouveaux , précieux pour la phy-
siologie générale et.pôur la zoplogie, ,-t> H a étç fajt mention hftnprable de Pou-
vragftde M, Fourcaud, intitulé Lois Je l'organisme vivent ou application des lois
physico -chimiques à la physiologie,
•VI. Prix fondé par M. de Montyon, en faveur de celui qui aura découvert
lès- moyens- de rendre un art ou un métier'snoint insalubrev Le» travaux de
M. Aldmi, relatifs à l'art de préserver les pompiers de l'action de M flamme dans
les incendies, tendent au but que s'est proposé M. de Montyon f peu vcnxconn
«JrftVeer A ta* conservation det hommes , présentent déjà des résulta» Ailes et
msfttiî, e» font espérer de plus étendus. L'Académie , prenant en considéra won
W^woemew Irien remarquable avec kquei M. AlsJû» a poarseivi ses rcebe*-
' /. / JUal EUT 4 ft^t i : 44*
ches, et les dépchses qaVle* ont *«igMrs,u»cro «dévots k» accorder *b somrftei
de 8,000 frM à titre de récompense et d'cissioufiagemcn* • t
VII. Prix fijtidë par M. de Momyôn> m laveur de cetr* qui adront çétftc*1
ttonné fort de guérir. L'Académie a reçu 42 ou vraget, mémoires on rnstriimërtf
qui tendbietit à cette fi* ; et éerondanr elle fr'a, cette année, accordé ni \à\x
Vif encouragement* Et? eflet, traptés tes terme* du pto^rarorae, cet prix ne
doivent être adjugea qu'à des découverte» parfaitement vérifiées, dv Dama le*
vues spéciales qui hl! ont été soumises, les «iiejétt»entde^icawime^yieaafuire>
n'ont point encore reç» de l'expérience la sanction <qu'eiies doivent avoir. L'A^
cadëmieirend d'ailleurs Justice à quelques ouvrages oui se distinguent paru*
bon esprit d't>b*trv*tioft et ps* une sage réserve dansies ratitonneniens r rite f
a reconnu des vues utiles, des applications heureuses, dont fart de guérir pourra >
dans la /mh«^ retirer des résulctta aVantage«a« . ♦ ,
VIII. Le prix de statistique fondé par M. de Mpntyon, et dont la valeur
est de $jofn9 a été décerné a M. -Fuvfs, ancien officier d'artillerie, auteur
dfune notice statistique sur la département de l'Ai* en 183©, voLiivS* -
f Académie des science* propose pont 183a et 183a les prix tful vont Ivre
indiqués.
1. Grand prit dé manSeWtfaurt en f 8^> ^fcoô tt. * Les expïfcatîctoi plat
aie* frtoins ittgéflteuiés<|ue4et physicien* ont données du phénomène de- la grêle,
•»4a*ss*n t encore bea^ico«p4 destscr. L'Académie a penséqtc cette question peter*
» roît aujourd'hui être étudiée avec *eccé* ; an» (es connoissançes exacte* 4**6*
i« a déjà acquises sur te rayonnement de i& .chaleur , sur la température de Fat*
»mosphère à différentes élévations , sur le froid qu*engendre l'évaporation, sur
» Téieçtijcité> dec- &€•* çondeirom peut-être à i^ne solution complète -de cet
» important problème météorologique.. •• L'Académie demande une théor^
s» appuyée sur deaWxpéciencex positives .sur des observations variées-, faites^s'il,
» est possible, dans les régions mêmes ou naît la grêle. . * En traitant de la jot»,
filiation des grêlons/ quant à leur constitution physique, quant à l'énorme
» volume qiftlt agoiiiérant qnrlgjirfois , quaat. aux- faî'TiiT /*r finirie et aija
» époques au jour dans lesquelles on les observe ordinairement, il sera indis*
» pensable de suivre les conséquences delà ifetorie qu'on aura adoptée, jusqu'aux
w applications numériques» soit <jw cet té théorie mette seulement en œuvre les
99 propriétés déjà connues de la chaleur et de l'électricité, soit qu'elle s'étende
«sur àtt propriétés iouVeMes, sesnltant d'expériences incMCestéblc**» +~L*i
mémoires devront étie rtmis au mréftittat de Ti nstsaut avant le #•** koacs i%a*
H. Autre gsand ^rix denUtWmatiqaef neur 165a. a Examiner dtmrseâ dé-
tails le phénomène de ia résistante des fluides, en déterminant avec' sofa, pif
s» dos expériences -exactes, les pressons ^oe> supportent séparément on- gréfcd
» nombre de points «faobla sur è<* fjarttc*. sn^éfsWrrs , t*tésa4c« e* pd*eVTe^re*
» d'un corps , lorsqu'il est exposé aaHchee éë ce fluide en mdu*tssulk , *et fers-
•» ou'il se meut dans le mêiwe Aride, «* repos f mesurer ta vitesse 4c feaw *fr
«divers points- due fiieti sjoi «voisinent le corps 1 construire, t s* les données
i> de i'obfervatnstt^ fax <Wrbea que fcwsmfrtt ces *4ets ; détérslikier le point *ér
» commence leur xlevkiiiosi, en nVahr *l itotp «5 %n*# établir, tH est pomMe.
» sut les résulutade ces expériences» q>« founole* esnpiriquH, snjsj fantoin^/
» rera ensuite avec Pensemble des expériences faites antérieurement sur le même
tt sujet, » — Ce prix avoit été prbposé ^oéi^it^e^ mais Fauteur du méuKxm
44* J O U R*J A L DCS SMAA N S.
»
m* ^^at^dinieixriciitbii/tonotaW^ «n dccmée.* V**r «Wfwelié de recon^
noître qu'il n'avoit pu encore .sa tiaSikire pleinement* te question*; il t présenté,
une su£tq d'eapérienceA y^s-i^géniei^s , qui pourront , par de .nouveau*; efforts ,
CQPf^e^de^/é^luuirupo^os, ' . , : j , ,
UliGi^d prix des scienc»t naturelles pour 1&31. « Faire coonoicre par des
»«echercbes aoatomiques, et àfl'aide .de figures, exactes < l'ordre dans lequel
«Vopèrelç dévetoppement jdes vaisseaux v ainsi que Jes ^jinripaux, changement
m qn cprùtveitf iCA ^nérar! Jes<*rgaskê»'dç»tinés.à la ctrculatidn du,s4ng chez le*
» Anirrraui 'vertébrés, afianvet après leur naisaançe^et dans les diverses époouea
» de-leur ivie, » Gë sujet est reows pour (a troisième fois,.âu. concours ; ia valeur
4u pKx est de 4°°° fr> Les toémoires doivent, être revis avant le i.*r janvier
IV. Prix fondé par M, AHmmbeft* « Déterminer 4 Patd* d'observations,
v et démontrer pari de» préparation» anatomiques et des- destins ©ca<its,;Ies
» modifications qde présentent, dans, leurs -sq^Ût tes et dans Jeun muselé*» les
» reptiles ^batracien», tels que Jes grenouilles et les salamandres,, en passant do
*4:état de larve à celuti d'animal parfait,» Cette question avoit été-déjà propo-
sée ; l'Académie la soumet de nouveau aux recherches des anatomistes%JLetCDii4
çouxs^çra %mé le. ji. mjr& 183 j.YaJçurdq prix, 1,500 fr... . . «
(< j V. Prix d'astronomie fondé par La lande, à décerner le J.tr lundi, de juin
*8jtf>rà l'observation i* plus.; intéressante on au mémoire le .plus utile, à la
^4etBfçe (-6356*0 • L* suite au cahier prochain, , : ;■.•',-. -.i
• f
If r - | ..■■■■ .!■• . *
f . *
''Nd^ÀV On f eût fadnheJàUlibrénkdïM. Lerrairlt- * Paris, rue de la
thffpê/it.9 Si; et à S&àsHourgj rue de* Juifi,povr seprocuiir les divers
ôu+rt&ès artnontés dans le Journal des Sàvans. Il faut affranchir tes lettres
et te prï* présumé des ouvrages.
dfcMê— »— — **«i— «A^àÉ— ■^MdÉ^i
-» . : ■ • ■ :■■.•■
'A
TABLE.
Seiipta historien Islandorvm ; 9*/. / <t //. ( Article de M. Deaptng. ) Pag.' 3(7 .
Bê*l*ent*ndethent et rie ià raison .-'introduction à V étude de iapktto-
jppjutj par JM*Thurots\ Sec<w4 article de M* Vwnou.) ï * . * + • • 399.
iKiftoife du châtelain de.Gwcyet dé Wdamede F<syeî, pur M,A*Cra-
^iPfa'X Second, artkh de M. Rtyvovwtd. ). • ., i . . *>:. ■ ..,. , . . » . 4°8 •
&ofae wrunt colUckiofi çL**bf*t* antiques, d'argent, < récemment trouvée
.riHft *fe. Jlfcmay. (Article d* M< Raoul* Rochetie, )•*.,,;*.«.».. 427 •
Jjpfatirt* 4? VwpereurJDjéhanghir j écrits par ki-mJms , traduits par
pjfamtyr JPauviJPMçe,. i&cpndertkteitiAf* SU vestre de Sarfy. )•, 43c.
4f@7flçii;es 4'ngtîçMkw*» (L'éc#$Qm'wwtak rt domestique 9m$bliis par
^-iftôtiryaleiMmttà {ArtUU dsMTtwvt. ) 44 1 •
9Tt0fi::>in «b ujîi.sU tii; .il ? è Jt <^S ^ A ?| A, #I^ff .^ .^ yi,q .j —
1 ■ '■'
I à /■. ;•■•■ J ( > *
i
*
r
4 «
I ■ \
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 4° fr- Par 'a poste, hors de Paris. On s'abonne , à la maison de
librairie Levrault, à Paris, me de la Harpe, n.° 85; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33. Il faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouveaux , les lettres, avis, mémoires, frc, qui
peuvent concerner la rédaction de ce journal , doivent être
adressés au bureau du Journal des Savans , à Paris, rue cfe
Ménii-montant, n.° 22.
JOURNAL"
SAVANS,':
A
AOUT 1830.
tes
Bibliothèque choisie des Pères de l'église grecque et latine, ou
Cours d'éloquence sacrée, par Al. Marie-Nicolas-Silvestre
Guilion, professeur £ éloquence sacrée : x6 vol. in-8s ,
1 724-1 72p. Paris, Méquignon-Havard , libraire , rue des
Saints- Pères , n.° 10.
TROISIÈME ARTICLE.
Pour expliquer et faire connoître l'usage ancien d'encourager les
orateurs sacrés par des applaudissemens et par des acclamations , je
dois indiquer préalablement deux faits qui rendront plus évidentes les
preuves que je fournirai de l'enthousiasme et des transports avec lès-
quels les fidèles interrompoient les discours de l'orateur sacré ,'• afin de
lui exprimer les sentimens qu'ils ëprou voient.
La plupart dés discours des SS. Pères furent de brillantes et heu-
reuses improvisations; ils étoient souvent obligés de parler d'abondance,
parce que , prêchant presque toue les jours , et consumant une grande
partie du temps dans i'exeicice des autres devoirs de leur pieu* ministère,
H ne leur en restoit guère pour composer et inculquer dans Iéiir
mémoire ce qu'ils atoientà dire au peuple; àttssi plusieurs tliscours des
SS. Pères prouvent ,'d'une manière mcomestâbte ;qirïls s'abandonnoient
è'l'impnra tien du. panent, çt qu^iejciff^s^^/e^rripr^YU^ donnait par-
fois, itiie direction nouvelle à leurs se^tim^^^^Jçuff éloquence. ■
Dins un de;S^;diM:our$j,:S.tJearrç£^ à ses
auditeurs les émotions de la veille :
» . >j ' •• f * * * ,
ce Je n'étois plus le maître de l'ardeur qui dévoroit mon ame, et
», dont les transports redoublqient avec mes paroles mêmes. Mais c'est
» vous qu'il en faut accuser ; ce sonf vos applaudissemens et vos accla-
lII 2 ' * '
4s2 JOURNAL DES SAVANS,
» mations extraordinaires qui m'entraînoient dans ces écarts
» Croissant avec Faffluence et l'ardeur toujours progressive de mes
» auditeurs , mon zèle a franchi toutes les bornes; et cédant au plaisir
» que vous goûtiez à m'entendre , je me suis abandonné , malgré moi-
» même* à toute la fécondité du sujet. »
Un jour S. Augustin étoit en chaire , instruisant son peuple : tout-à-
coup il aperçoit qu'un des chefs des manichéens entre dans l'église;
aussitôt , abandonnant le sujet qu'il traitoit , il prêche éloquemment
contre les principes de ce sectaire. Le manichéen fut si frappé et si
toublé , qu'à l'instant où l'évêque cFHippone descendit de la chaire , il
courut à ses pieds , reconnut et abjura l'erreur à laquelle il avoit été
jusqu'alors attaché.
Cette habitude d'improviser dans les églises chrétiennes atiroit donné
naissance à fart de la tachygraphie , si cet art n'avoit existé depuis long-
temps ; car il étoit bien naturel et bien convenable que les chrétiens
s'occupassent de fixer les paroles fugitives qui exprimoient les dogmes
de la foi, les maximes de la morale religieuse, et les règles pieuses
auxquelles ils dévoient soumettre leur conduite : mais , sans m'arrêter
aux textes nombreux qui constatent l'usage de la tachygraphie ou de la
séméiographie chez les Grecs et chez les Romains , j'exposerai seule-
ment quelques-unes des preuves que fournit l'histoire ecclésiastique.
A la fin du troisième siècle, S. Genès <F Arles, employé, jeune
encore , dans l'administration de là milice de la province , avoit , dit
son biographe , par son application et par son adresse , réussi parfaite-
ment dans cette science de son emploi, qui consistoit à égaler la
rapidité de la main et des notes à celle de la prononciation des discours
de ses chefs.
Le poète Prudence, faisant l'éloge du martyr S. Cassien, nous
apprend qu'il fut mis à mort par les écoliers auxquels il montroit
l'écriture et la tachygraphie , dont l'art est ainsi défini :
Verba notis brevibus comprendcre cuncta périt us,
Raptimque punctis dicta prœpetibus sequL ( Péri Steph&non , IX. )
S. Grégoire de Nazianze , dans le discours qu'il prononça avant de
quitter le siège de Constantinople , après avoir salué tout ce qu'il ché-
ris soit et tout ce qu'il abandonnoit, le temple, les prêtres, les fidèles ,
les pauvres , ajoute ( i ) :
ji.
(i) ViHemain , Nouveaux mélanges historiques et littéraires, tônie ÏI,
pag. 219.
août 1830. 4ij
0 Adieu, vous qui aimez mes discours , foule empressée où je voyoîs
» briller les poinçons furtift qui gravoient mes paroles. »
Divers passages que j'aurai à citer pour constater l'usage des applau-
dissemens et des acclamations , porteront avec eux la preuve évidente
qu'ifs avoient été recueillis par des tachygraphes.
Ces notions préliminaires faciliteront l'intelligence des faits qui
constatent les applaudissemens et les acclamations dans les temples
sacrés; mais il ne seroit pas juste de juger cet usage de la primitive
église, qui s'est prolongé durant tout le moyen âge, avec les idées de
rigoureuse décence et même de simples convenances religieuses que
nos mœurs actuelles ont pu nous inspirer dans nos pays.
Lorsque les premiers chrétiens commencèrent à se réunir en pieuses
assemblées , ils étoient accoutumés à manifester , par des applaudisse-
mens et par des acclamations, les émotions qu'ils éprouvoient dans les
spectacles, dans les assemblées politiques, dans le sénat et dans les
temples.
Retirés en secret pour se communiquer la foi , s'exciter au zèle et se
préparer au martyre , il étoit impossible que la manifestation de leurs
saints transports et de leur saint dévouement n'éclatât par des signes
caractéristiques; et quand ils obtinrent enfin le droit ou la permission
de professer publiquement la religion dans des temples chrétiens , il est
hors de doute que l'enthousiasme avec lequel les orateurs sacrés étoient
accueillis et écoutés ne contribuât beaucoup à attirer des prosélytes.
Les assistans exprimoient à haute voix, ou en battant des mains ,
leur adhésion aux principes et aux maximes qu'on leur pr^choit ; ces
applaudissemens publics , qui seroient aujourd'hui parmi nous un
hommage frivole, également indigne de l'orateur et des auditeurs,
devenoient un utile moyen de propager et d'enraciner la toi et les
maximes évangéliques.
Aussi ne suis-je pas surpris de lire dans l'Histoire ecclésiastique de
Socrate, livre vu, chapitre 1 3, que des hommes attachés à la personne
et aux succès de l'orateur avoient le soin d'exciter ou de diriger les
applaudissemens.
Le fait qui prouve ce que j'avance ict est d'autant plus remarquable,
que l'historien ecclésiastique n'en parle qu'accidentellement, et sans
paraître mettre aucune importance à. son récit.
S. Cyrille étoit patriarche d'Alexandrie au commencement du v.1 siècle ;
il parvint à chasser de sa ville les novariens, et il voulut aussi en
expulser les Juifs; mais le gouverneur Oreste leur accordoit sa protec-
tion. Un jour que le gouverneur avoit , selon sa coutume , convoqué le
%
454 JOURNAL DES SAVANS,
pçuple au théâtre > où il devoit publier une ordonnance , les Juifs
reconnurent quelques; partisans de Cyrille qui yenoiertt prendre con-
rçpissance de l'ordonnance du gouverneur { parmi eux, du rhistorien ,
^fpit le nommé Hicrax, professeur de littérature élémentaire , lequel
étoit le plus fervent auditeur de Cyrille, et avoit coutume de diriger
les, applaudissemens»
La seule assertion de cet historien permettrait de croire à l'usage
des? .applaudissemens publics; mais on en trouve les preuves les plus
qpmbiçuse* dans les ouvrages mêmes des SS. Pères.
M. l'abbé Guillon dit de S. Grégoire de Nagianze ( i ) :
« Nous savons de lui* même que les païens et les hérétiques accou-
» rpient en. foule à ses prédications , comme & une fontaine d'eau vive;
» que, pour l'entendre, on forçoit les balustres qui fermoient le sanctuaire
i> d'où il parloit, et que l'admiration éclatoit par des applaudissemens
»et des acclamations; que souvent on les écrivait sur le lieu même
» pour les retenir et les propager. »
Dans le discours qui. précède la vie de S. Jean Chrysostome ,
M. l'abbé Guillon s'exprime en cçs termes :
ce Des acclamations involontaires , des applaudissemens universels ,
» échappés à l'admiration, interrompoient communément l'orateur. La
» modestie et la piété du saint archevêque a voient beau s'en plaindre ,
» on ne s'en excusoit que par des acclamatious nouvelles. »
S. Jean Chrysostome atteste ces applaudissemens ; il en parle en
plusieurs de ses homélies : dans la trentième , sur les actes des apôtres, il
dit de certains prédicateurs , que s'ils sont entourés d'une multitude qui
applaudisse, ils sont joyeux comme s'ils avoiçnt obtenu des royaumes ;
que si au contraire leurs discours sont suivis d'un profond silence , ce
silence est pour eux plus pénible qu'une torture ; et il se reproche à
lui-même et reproche aux orateurs sacrés, de se plaire à des témoi-
gnages d'approbation , au lieu de les repousser hautement.
Dans son homélie XX xi , sur les actes des apôtres , ce prélat annonce
que .souvent2 il lui étoit venu en pensée de réprimer les applaudisse*
mens; et dans son discours sur les représentations du cirque , H s'écrie
qq'après avoir écouté ses prédications contre les spectacles, quelques-
uns de ceux qui l'a voient applaudi étoient allés applaudir plus vive-
ment à ces spectacles même* (z).
:On lit dans la Bibliothèque choisie, au sujet de S. Augustin : *
« II lui arrivoit de prêcher tous les jours et souvent deux fois par
> ' j ■ _i ' IL- ' '. : ■ ' '] ' " ' '. ' '. ' '*■!!." ".J * ' •
t
{\)\Tome VI fpag» 2*~—.(2) S. Chrysostomt Opéra , tom. I , pàg* 79*.
AOUT 1850. 4jî
.1 jour. II n'interrompoit point cène fonction, même quand il étoit
» si foible qu'if pouvoità peine parler: mais il ranimoit alors ses forces;
» et le zèle dont il brûloit pour le salut des âmes lui fàisott oublier
» ses peines et ses dangers. S'il allait dans d'autres diocèses , on le
» prioit de rompre le pain de la parole de vie : par-tout on couroit
» en foule à ses sermons, on l'écoutoit avec transport; on battoit
«souvent des mains, selon la coutume de ce siècle. De semblables
» succès n'é totem pas ceux qui flattoient le plus son cœur. Ce ne
» sont pas, s'écrioit-i!, -des applaudissemens, mais des larmes que je
» demande. »
J'ajouterai ici ce qu'il dit aussi dans son Traité de la doctrine chré-
tienne :
«Ce n'est point par les applaudissemens et les acclamations de
» l'auditoire qu'on doit juger l'effet du discours, mais par les lames ,
» les gémissemens et le changement de vie. »
II adressa un jour à son auditoire ces paroles remarquables :
« Vous avez entendu mes discours, et vous les avez applaudis ;
» vous avez reçu la semence, et vous avez rendu des paroles: toutefois,
n ô mes frèrei , ces éloges sont les feuilles des arbres ; nous demandons
» le fruit ..... Je me plais moins dans ces louanges populaires que je
» ne suis inquiet de quelle manière vivent ceux qui me les donnent :
» être loué par des gens qui vivent mal , je ne le veux pas , je l'abhorre ,
n je le déteste; c'est pour moi une douleur et non pas un plaisir: être
» loué par des personnes qui vivent bien, si je dis que je ne le veux
» pas, c'est mentir; si je dis que je le veux, je crains de paroître plus
» vain que raisonnable ; aussi je ne le désire pas entièrement , de peur
» de céder au dangereux plaisir de la louange humaine, et je ne le
» refuse pas entièrement, de peur que ceux devant qui je prêche ne me
a semblent ingrats. »
Knfin, traitant des concessions qu'il exigeoit de ses auditeurs , et ne
voulant pas les priver ni peut-être se priver lui-même de l'expression
de ieurreconiioissance, il demande qu'on ne l'interrompe point par les
applaudissemens et les acclamations , mais qu'on les réserve pour la
fin du discours.
Je ne quitterai pas S. Augustin sans rapporter une nouvelle preuve
de ces applaudissemens , tirée d'un discours que M. Guillon n'a pas cité.
L'évêque d'Hippone , faisant ( 1 ) une vive peinture de la passion de
l'amour , fut tout-à-coup interrompu par les acclamations et les applau-
(1) Serm. XLV , de Temp.
45* JOURNAL DES SAVANS,
dissemens de tous les auditeurs ; aussitôt il s'écria : « Pourquoi avez-
» vous tous applaudi à la peinture de cette funeste passion , sinon parce
» que tous vous l'avez éprouvée ! »
Non- seulement on rendoit de tels hommages aux prédicateurs, mais
quelquefois on les motivoit en s'écria nt : «Voilà qui est orthodoxe ( i ) ! »
II ne faut pas s'imaginer que les applaudissemens et les acclamations
ne fussent en usage que dans les églises d'Orient ; il en étoit de même
dans les églises d'Occident ; on en trouve la preuve dans les lettres de
Sidoine Apollinaire ; il écrivoit au pape Fauste :
ce Lorsque vous prêchiez à Lyon , je vous ai applaudi constamment ,
» et mes acclamations ont accompagné vos discours jusqu'à extinction
» de voix. »
S. Augustin, parlant des prédications de S. Ambroise , qu'il suivoit
assidûment , s'écrie : ce O mon Dieu ! c étoit pour examiner si son
» éloquence répondoit à sa grande réputation , et si ses discours soute-
» noient les applaudissemens que lui donnoit son j>euple. »
On lit dans la cinquante - unième lettre cFAvhus , archevêque de
Vienne, qu'il avoit prêché un discours, et que les applaudissemens qu'il
obtiqt excitèrent l'humeur du rhéteur Viventolius , qui critiqua aigre-
ment la manière dont l'orateur avoit prononcé le mot potitur.
J'ai annoncé que je citerois divers passages qui prouvent à-Ia-fbis
l'usage des applaudissemens et celui de la séméiographie ; en voici
quelques-uns.
Dans ia sixième homélie de S. Jean Chrysostome sur le destin, on lit:
ce Telles sont les considérations qui m'ont imposé le devoir de des-
y> cendre dans l'arène pour venger la cause de la providence. Si Passer-
ai tion que j'ai mise en avant vous a présenté de quoi vous surprendre,
» l'importance de la discussion , l'intérêt que nous y avons tous , doivent
» aussi me promettre de votre part une favorable attention : ce que
» |'ai établi ^en principe ( ne m'interrompez point par vos applaudisse-
» mens ) le voici ; c'est que , dans les injustices que l'on éprouve , per-
» sonne ne peut recevoir de mal que celui qu'il se fait à lui-même. »
Cette brusque exclamation ne m'interrompe^ point par &c. , consignée
dans le texte même du discours , prouve non-seulement que les fidèles
applaudissoient l'orateur, mais que ces interruptions étoient consignées
dans les notes des tachygraphes comme elles le sont aujourd'hui.
(i) S. Jérôme écrivoit à VigHantius : Quando , me de resurrectione et veritate
corporis predicante , ex latere subsaltabas et plaudebas manu et appluudebas pede
et ORTiioboxuM conclamabâs. ( Hieronymus, epist. LXXV. )
AOUT I
830.
4î7
Comment les détailsde la scène suivante auroient-il pu être transmis
autrement que par les moyens, plus ou moins heureux, dont on usoït
alors pour conserver intégralement les paroles des orateurs et des
interlocuteurs publics!
Au commencement d'une homélie sur le jugement dernier,
S. Ephrem s'arrête tout-a-coup, se recueille et se tait; il prolonge son
silence : l'auditoire s'étonne , et demande la cause de cette brusque inter-
ruption; alors l'orateur avoue qu'il est ému d'épouvante; et cependant ,
s'élançant de nouveau dans son vaste sujet, il peint a grands traits le
tableau terrible du jugement dernier et des accidens qui le caractérise-
ront; enfin il s'écrie :
« O mes frères ! que de larmes ne devrions-nous pas répandre
» dans l'attente de ce terrible jour! »
A ce moment, le saint abbé s'arrête encore, suffoqué par ses sanglots.
L'auditoire s'écrie : « Ne nous apprendrez-vous pas ce qui vient à la
» suite! » II reprend :
« Voila tous les hommes rassemblés , paies , les yeux baissés ,
'• comme suspendus entre la vie et la mort, entre le ciel et l'enfer, et
» chacun d'eux s'entend appeler, cité par son nom, pour subir un
» rigoureux examen. , . . Malheur à moi ! je voudrois vous apprendre
« le reste ; il ne m'est plus possible ; ma voix est muette. »
Nouvelles instances de l'auditoire : « Poursuivez , s ecrie-t-on de toute
part ; nous vous en conjurons pour notre utilité et la sanctification de
nos âmes. Après quelques délais , il continue ainsi :
« Dans les. enfers , supplices ; ici, ténèbres extérieures; là , géhenne
» et tortures; ailleurs, grincemens de dents, ver qui jamais ne dort;
» plus loin, étang de feu, fournaise ardente, inépuisable. A chacune
m de ces tortures sont assignées leurs victimes particulières, dans la
» proportion avec les péchés dont on s'étoit rendu coupable ; tous
» bannis a jamais de la présence de Dieu; tous abymés dans le déses-
» poir, tous livrés a la mort qui en fait sa proie.
Ici S. Ephrem se frappant la poitrine, et pleurant encore plus amère-
ment, a suspendu de nouveau son récit; on le presse.
« Vous le voulez , je parlerai donc , mais seulement par mes larmes ,
» et par de profonds gémissemens. O mes frères! que voulez-vous
» apprendre! jour épouvantable! malheur à moi! malheur à moi!
j> vous tous qui avez des larmes , pleurez avec moi ; que ceux qui n'en
» ont point apprennent a connoître le sort qui les attend, et qu'ils ne
" négligent pas leur salut. »
Des allocutions aussi vivement improvisées, et souvent accompagnées
Mmm
i
4;8 JOURNAL DES SAVANS,
de cri* , de sanglots , de marques broyantes d'approbation, produisirent
sans doute les plus grands effets ; niais ces moyens dramatiques n'oflfèn-
soient-iis en rien la dignité du ministère évangélique !
J'ai tâché d'indiquer quelques causes du talent et des succès des
SS. Pères, et quelques-unes des formes de leur action oratoire.
II me reste à faire connoître par des traits particuliers le genre de
leur éloquence.
Réduit à faire un choix parmi ce grand nombre de SS. Pères ,
j'appellerai sur-tout l'attention du lecteur sur quelques-uns de ceux
dont la renommée n'est presque pas venue jusqu'à nous , et dont les
ouvrages ne sont pas recherchés comme ceux de S. Basile , de S. Gré*
goire de Nazianze , de S. Jean Chrysostome , de S. Ambroise , de
S. Augustin, &c.
Voici deux passages tirés des homélies de S. Astère, archevêque
cTAmasée , qui vécut jusqu'au commencement du v.e siècle.
Les ouvrages de S. Astère offrent des morceaux d'une éloquence
vraiment apostolique; ils ont été recueillis par Cotelier et par
Combefis. L'abbé de Beilegarde avoit, en 1693 f publié une traduc-
tion des discours de cet archfvéque, de laquelle M. l'abbé Gurtlon a
cru ne devoir pas faire usage.
Le premier passage est remarquable, en ce qu'il constate que , dans
le temps et dans les lieux où cet archevêque exerçoit son saint ministère,
les chrétiens avoient coutume de porter des habits, soit brodés, soit
peints , où étoient représentés des sujets tirés de l'histoire sainte ,
circonstance qui fournit à l'orateur sacré des réflexions- animées d'un
beau mouvement d'éloquence.
« Ne fiâtes point peindre Jésus- Christ ; c'est bieii assez qu'il se soit
» humilié jusqu'à se revêtir de notre chair , et que vous portiez d'une
» manière spirituelle le verbe dans votre cœur. Ne brodez point sur vos
» habits l'image du paralytique , mais allez le chercher en personne sur
» son lit de douleur. Ne vous amusez pas à regarder cette femme qui
» fut guérie du flux de sang ; appliquez-vous à soulager les veuves qui
» sont dans l'affliction. N'affectez point d'avoir sous les yeux la pèche-
» resse prosternée aux pieds du Sauveur , mais entretenez-vous du
» souvehir de vos péchés pour les pleurer et vous en repentir. Ne
» faites point voir sur vos habits la résurrection de Lazare , mais revètez-
» vous des œuvres propres à vous faire paraître avec confiance sous les
» yeux de votre juge , au jour où vous ressusciterez vous-mêmes: ne
*> vous montrez pas avec l'image de l'aveugle à qui Jésus-Christ rend
» la vue , ni des corbeilles pftSua* de ' paitts multipliés 9 ni du miracle
rr.rn »•
AOUT 1Ô30. 459
*» des noces de Canb; songez plutôt à soulager les aveugle* vivait*, à
p nourrir les pauvres et les indigëns. » Le second passage exprime avec
talent une pensée mqrale que proclament également Ta religion et fâ
philosophie: #.
a Je ne puis assez m'étonner, quand f entends dire , Ma terre , ma
» maitfn \ j'ai peine à comprendre comment byee tftote syllabes on ose
» s'ériger en souverain d'un bien qui n'est pas à soi . . * • : ce que vous
» avez en propre , c'est votre indigence et votre nudité ; tout le teste
» n'est que d'emprunt ; vous n'en avez l'usage que pour un temps* Cette
*> couronne, cet office, cette robe de magistrat, ne sont que dès'
» masques de théâtre que vous portez pour le rôle qui voUl est donné
» à jouer sur la scène de cette vie , et que vous transmettez comme
» vous les avez reçus; et de mêrrçe que fa bière et le drap mortuaire
» servent à plusieurs cadavres ,' ainsi toutes ces brillantes décorations
» passeront par divers personnages, et ne resteront à personne. »
On pourrait extraire de la Pibliothfeque chbfsie ua assez grand
nombre de passages dignes de figurer auprès de ceux que je cite ici
ou que j'ai cités précédemment , et en composer un Volume précieux
qui seroit , à lui seul , un manuel cf éloquence sacrée ; la publication
d'un pareil travail , très utile aux jeunes gens, ferait circuler dans notre
littérature les beautés oratoires répandues au milieu de beaucoup
de discussions théologiques et de controverses dogmatiques , dans les
vingt-cinq volumes qui composent la Bibliothèque choisie des' Pères
de l'église , et deviendrait pour son auteur un juste hommage et un
nouveau succès. *
RAYNOUARD.
Notice sur les vases et objets ahûques if argent trouvés près
de Beruay.
■
SECOND ARTICLE.
Venons maintenant aux vases qui composent fa partie la plus pré-
cieuse à tous égards de notre collection. Le premier dont je ferai men-
tion , à cause de l'inscription qui s'y lit , et qui nous offre , pour la se-
conde fois , le nom de ce même Q. Domitius Tutus , contemporain de
Néron, est un de ces vases nommés en général potoria par Pline, aux-
quels il seroit superflu de prétendre assigner dés noms particuliers , dans
l'incertitude qui règne et qui régnera toujours sur des dénominations
usuelles transmises des Grecs aux Romains, et sujettes, comme tout
Mm m 2
4*o JOURNAL DES SAVANS,
ce qui tient aux usagés de ^a vie commune , à mille modifications,! en
passant de siècle en siècle et de peuple en peuple. Quoi qu'il en soit,
le vase n.° iô, que f appellerai potorium, dépourvu d'anses, maïs
muni d'un pied qui lui donne 4- pouces 10 Iignes.de hauteur sur un
diamètre dé 3 pouces 10 lignes h son ouverture supérieure, nous
offrira le premier exemple de ce système de vases d'argent, Consis-
tant en une lame, très-mince , travaillée de très-haut relief, et doublée
tf une cuvette dafgent massif. Dans la partie inférieure se trouve l'ins-
cription que voici , gravée avec soin en caractères de très-bonne forme :
mercurio. Q. DOMiTius tutus, v. s. L. m. Mais c'est sur-tout la
< composition dont ce vase est orné , qui en fait un des plus précieux mo-
numens de l'antiquité figurée venus jusqu'à nous.
Quatre figures forment cette composition , dont tous les personnages
sont si clairement caractérisés et tous les détails si judicieusement, ap-
propriés au sujet , qu'il serait difficile de ne pas reconnoître ce sujet ,
comme je puis dire ici que je le fis au premier aperçu , et comme je vais
l'exposer en peu de mots. Uftdieu dont là physionomie et les cheveux,
tels' qu'ils se voient ici, séparés sur son front en deux grandes masses,
ne sautaient convenir qu'à Jupiter, assis sur un trône, la partie supérieure
du corps nue , et le bas enveloppé dans un vaste péplus , un long sceptre
à la main, se recoftnoît , à tous ces caractères , pour le maître des dieux.
oOn trône est décoré de plaques carrées , alternativement d'or et d'argent
bruni ; ornement qui rappeîoit le goût des étoffes asiatiques ,- et qu'on
retrouve sur- tout au vêtement des Amazones, sur plus d'un vase peint,
de beau style grec ( 1 ). Près du dieu , est une déesse debout, le front ceint
du diadème , envloppée toute entière d'un ample péplus , et portant de
même un long sceptre ; et , à tous ces traits , il n'est pas plus possible de
méconnoître Junon. Au devant du couple divin , un cheval ailé , qui ne
peut être que Pégase, baisse la tête pour boire à la source de la fon-
taine Pirène , dont la nymphe demi-couchée et demi-nue , un roseau dans
la main gaucKe , appuie son autre main sur l'aile déployée de Pégase.
Dans le fond, Y Acrocorinthe , figurée comme on Ja voit sur tant de
monnoies coloniales de Corinthe , avec un temple tétrastylt , au sommet,
(1) Sur un vase peint , de beau style et dé fabrique d'Avella , que je possède ,
une Amazone est vêtue d'à naxy rides dont l'étoffe est travaillée dans ce même
goût. Du reste, les expressions ae trône à ichiauier, de trône êchiqueti, dont on
s'est servi pour désigner le siège du dieu, et les allusions au trône des divinités
égyptiennes, ou même à Y échiquier des ducs de Normandie, ne semblent ni
plus justes ni plus fondées les unes que les autres.
8 30. 46 1
indication du célèbre temple de Vénus armée, qui existait en cet endroit ,
achève de déterminer le lieu de la scène, de manière qu'on ne puisse
s'y méprendre. Le dernier personnage esi un Athlète vainqueur aux
jeux istkm'iques. Il porte sur le front la couronne de pin, qui étoit
précisément le prix de la victoire aux jeux de l'isthme; il tient en main
la palme, symbole général de victoire , qui trouve ici son application
particulière; sur le fond, est représenté un herméraele, et plus bas, la
table des jeux ( 1 ) , et non un lectisteme, comme on l'a dit quelque part ,
par une méprise assez singulière. Ce n'est pas ici le lieu de développer
les preuves de l'explication que je viens de donner, ni d'indiquer les
notions neuves ou curieuses qui résultent de ce bas relief; mais je ne
puis m 'empêcher d'y faire remarquer , dans ces quatre personnages
d'âge, de caractère, de sexe différens, un abrégé de ce monde idéal
des Grecs , dont on peut dire que chaque monument est un art tout
entier. Ici la majesté des dieux suprêmes, rendue sensible dans le
groupe des deux divinités; la grâce et l'élégance dans la figure de la
nymphe ; la puissance et ia force athlétiques dans celle du vainqueur
isthmique, égalent, s'ils ne surpassent, tout ce que l'on peut imaginer
en tait de grandeur, de noblesse et de vérité de style. Ici, ce qui
frappe sur-tout, c'est cette grandeur même empreinte sur de si petits
objets; c'est cette perfection de goût apportée à l'exécution d'un vase
d'un usage vulgaire en apparence, bien que consacré plus tard au
culte divin ; c'est , en un mot , cette puissance de style , qui fait
apparoitre presque des colosses sur un simple vase à boire.
Parmi les autres vases, qui forment la partie la plus importante, a
tous égards, de notre collection , ceux qui méritent d'être cités et décrits
en premier lieu, à cause de l'intérêt des sujets qu'ils présentent, sont
deux vases, n."' 1 1 et 12, delà forme de prafericulum, dont la hauteur est
de 9 pouces^, le diamètre de [ pouces 7, et le poids de 4 livres 4 onces.
Ces deux vases se correspondent, du reste, si exactement, sous tous
les rapports de fa forme, de la composition et du travail, qu'il est évi-
dent qu'ils avoient été fabriqués dans le même atelier et par la même
main, pour servir de pan/ans l'un à l'autre , suivant l'usage qui paroît
avoir été pratiqué a l'égard de ces sortes de vases d'argent , et dont il nous
reste plus d'un témoignage antique {2). Il n'est pas moins certain , par
(]) Pausan. V, 20, I: -Tptvxt{a. ta nf
— (2) Ces sortes de vases doubles, ou pendat
Rome par, ou synthesis , Plin. XXXHI, 12
rptitMirnti tsiç rinumv m eixQarti,
, fornioiem ce que l'on appeloir à
Voy. à ce sujet les observations
MM
*
4«i JOURNAL DES S'AVANS,
Ja: rature J même des compositions dont Hs soiit orties, qiie ces deux par-
ftriiules ré toiénr do nombre des vases tioihmés homériques (2) , à l'exécu-
tion desquels ; le choix même des sujets indique qu'àvoient été employées
lès mains les plus habiles, sans doute aussi d'après les modèles créés par
les grands maîtres. Le style dans iequel sont traitées les compositions
denoe ^exix vases homérique^, ne semble cependant pas tenir, du goût
lèphis pur de l'école grecque : le dessin à quelque pesanteur, et cer-
jainsf détails acCusertt une époque romaine. Mais la composition entière
prqyidnr certainement cP un artiste grec ; et je serois assez disposé à croira
cpie ila fabrication en appartient à un âge peu éloigné de celui quel?line
nous! représente comme l'époque de la prospérité de cette branché de
?igf pchet les Romains,. c'est à savoir; à f âge qui suivit immédiatement
k kiècfe de Pompée (2). LHin et f autre portent: une. inscription qui
flfavofr pu y être remarquée <faJ>ord sous la croûte épaisse dont le métal
était couvert, mars ^ui se Ht manjtena^t sans fe moindre difficulté, et
cfcttfc inscription , cdnçue comme celles qui se sont déjà offertes sur deux
autrçs vases, mïrcum'o àxjgusVo Q* ibOMinus tutus fex vqtq,
prouve que ceux Hom il s'agit ici sont une offrande du même Q. Do-
rafiiu* Tutus. ■■.! •• ':
D^ris l'étav ofrse spnt retrouvés le» deux vases en question, avec
leurs membres -Avers' dètad)^, pat Tiffèt de faction du temps qui
en Jrvoft détruit les soudures , il n'est pas- s$r que chacun (Feux puisse
être rétabli avec toutes le* pièces qui lui appartenoient en propre. Nous
croyons cependant que , dans la restauration déjà opérée de celui de ces
vases qui étoit le: moins endommagé, nos soins auront réussi à lui
restituer sefc membres principaux; et c'est par celui-là que nous com-
mencerons la description du couple, en nous bornant aussi à ces parties
principales , et en réservant pour une autte occasion des observations
plus détaillée*.
> h -Pour bieri saisir l'ensemble de ces compositions, il est nécessaire de se
fixer sur un point important \ c'est Ici correspondance exacte qui existe
entre lek dqux vases, et qui suppose une analogie complète dans le
féoftfbpê des sujets et dana ia disposition des figures. Or, le premier de
twvlises oflre bien évidemment deux actions ou scènes ^distinctes, re-
présentées par une sérit continue de personnages; et cela de manière que
les deux actions, opposées Tune à l'autre, occupent chacune la moitié
î^$f&çop$9y'Mu$* t*. C'jfy, V, p. 45» uoi. c, et celles de M, Boettiger, les
fyfàïfifc&iJt^ IOJLi u^ ™?$aise-~~ (0 Sueton. Nerqn. XLVH : Duos
scyphos homencos. — (2) Pïin. XXXIH, 12.
AOUT 1830. 4Ô3
juste de la circonférence du vase , dans la partie la plus renflée du sphé-
roïde. Les deux scènes en question sont, d'une part la mort de Patroele ,
de l'autre la rançon d'Hector. t.a même correspondance devra donc se
retrouver sur l'autre vase, où nous voyons la même disposition générale,
dans le sens dont les personnages sont placés les uns par rapport au?
autres , et dans le mouvement de toute la composition. En effet , nous y
reconnoîtrons deux scènes épiques, qui se répondent et se balancent
parfaitement , quant au choix des sujets, de même que pour le nombre
et l'attitude des personnages; c'est , d'un côté, Hector traîné au char d'A-
chille, de l'autre , Achille lui-même succombant sous la flèche de Paris , et
non pas, comme on l'a cru, une suite de trois sujets d'inégale étendue.
Une autre particularité commune aux deux vases, dont je ne dois pns
négliger de faire ici mention , attendu qu'elle n'a pas été moins mal in-
terprétée, c'est que l'anse étoit fixée sur un masque bachique, parfaite-
ment caractérisé par tous les traits d'une tête de Silène ( 1 ) , et auquel
on a voulu ( sans aucune espèce de fondement , attribuer un rôle dans la
composition épique, "en y voyant un masque tragique, ce qui n'est pas,
et en faisant de ce prétendu masque tragique une prétendue tête de Pho-
tos , au iieu d'y voir un simple motif d'ajustement dans la composition
du vase même.
Voici maintenant la description sommaire des quatre scènes homé-
riques représentées sur nos deux vases. La première scène du vase n.D 1 1
offre un jeune héros nu et imberbe, étendu sur une espèce de bûcher, au
milieu de personnages qui expriment leur douleur dans des attitudes di-
verses. A ce seul trait si caractéristique et si manifeste d'un héros imberbe.
il est singulier qu'on ait pu voir ici les principaux Troyens pleurant autour
du cadavre d'Hector ; car Hector est barbu, non-seulement sur le plus
grand nombre des monumens antiques qui nous restent {2) , mais, ce
(1) Ce caractère est conservé même dans la lithographie; ce qui rend
plus étrange encore la méprise dont le masque en question a été l'objet.
— (2) J'en ai cité plusieurs exemples, Achilléide , p. 87 , noie 5 , lesquels n'ont
pas empêché mon savant confrère , M. Letronne, de soutenir qu'Hector avoit
pu être représenté imberbe , attendu qu'il étoit mort à trente ans , comme si l'on
n'avoit pas de barbe à trente ans ; et cela , sur la foi d'un passage de Philostrate
! est dit qu'Hector étoit représenté sans cheveux ; car c'est ainsi que
aduit les motï grecs, m*t' luVifuite M*or'r; voy. Journal des
le ji
M. L<
Savons, septembre 1829, p. 533. Je
mots dans la langue de l'art ; et , en attendai
décisif que nous fournit notre vase, pour
la belle tête barbue de ce héros , sur une rart
en argent , cabinet de M. Allier d'Auteroch
sillet
, je citerai, i
manière d<
nédailie auti
pi. X1I1, n
i'appui de l'exemple
eprésemer Hector,
orne d'Ophryniuni,
11 , actuellement au
.
464 JOURNAL DES SAVANS,
qui est décisif dans ce cas-ci , il est tel sur notre vase même , dans la scène
correspondante à celle qui nous occupe. Rien n'indique; non plus ,
dans les détails du costume, que ce soient des Troyens qui com-
posent cette scène de deuil , tandis que tout s'y rapporte aux Grecs, d'a-
près le costume même, auquel les uns et les autres se reconnoissent dans
la scène opposée. Le jeune héros presque nu, assis dans l'attitude d'une
douleur profonde , qui occupe la première place k gauche , ne peut être
w£ Achille, présidant aux devoirs suprêmes qu'on rend à son ami. En
f*ce de lui, Phcenix, son vieux gouverneur, assis aussi , et tenant sa*
genou droit serré de ses deux mains , se reconnoît à sa barbe épaisse , et
sur-tout à cette attitude si caractéristique qui distingue le même per-
sonnage» sur le disque d'argent du cabinet du Roi (i), et sur le vase
du musée de Naples que j'ai publié (2) ; attitude dont 00 a cherché bien
inutilement, ce me semble (j), à infirmer l'intention symbolique, qui
reçoit , d'un monument tel que ie nôtre, une autorité pouvelle et décisive.
Ce n'est pas ici le lieu de désigner les autres personnages qui figurent
dans cette composition : mais il en est un que je> pe saurois m'empêcher
de signaler dès ce moment; c'est Ulysse, debout derrière Achille , la tête
couverte du. bonnet nautique qui le caractérise , le visage caché sous sa
HPB
cabinet du Roi; coof. Eckhd, D. Al. II, 436. Du reste, M. Letronne, qui
pense que le passage de Philostrate le jeune m'avoft échappé, auroit pu se
convaincre du contraire, en jetant lui-même les yeux sur le paragraphe de
Winckelmann que j'ai cité, Mon. rned. n.° 1 35, et aans lequel cet illustre anti-
quaire a rapporté, à l'occasion d'un bas-relief Borghèse, ou Hector est repré-
senté barbu, tous les témoignages des anciens relatifs à ce point d'iconographie
grecque, y compris le passage de Philostrate le jeune* En tout cas, la tradition
homérique sur les longs cheveux noirs d'Hector, Iliad. XXII, 401: «M*?' éi
Xciïnti Kjucincu Waiw», suivie par Virgile, s£n. Il, 277, squalentem barbam
et concretos sanguine cri nés, mériteroit bien autant de confiance que cette
absence totale de cheveux, contraire à toutes les données antiques, quon a cru
trouver dans le passage en question du seul Philostrate.
. (1) Millin, Monum. inéd. tom. I, pi. VIII, p. 86. — (1) Monutn. inéd.
Achilléide , pi. XIII , p. 59 suiv.— (3) C'est encore M. Letronne , Journal des
Savons, septembre 1029, P* 53 x > note &> <Iui a contesté l'intention symbo-
lique attribuée à l'attitude dont il s'agit, d'après l'observation que cétoit sur-
tout le croisement des mains qui avoit cette intention, et non pas là pose de ces
deux mains croisées sur le genou. Je montrerai ailleurs ce qu'il faut penser de
cette distinction, plus subtile, à mon avis, qu'elle n'est fondée en raison; et
en attendant, j'observe, à l'appui du témoignage formel et précis de Pausanias,
que notre vase offre absolument la même attitude que celle qui est donnée au
même . personnage , sur deux autres monumens antiques, évidemment avec la
menu intention. '■ .
i droite, et dans une attitude qui se rapporte, comme celle de
Phœnix , à une intention symbolique (ij.
La seconde scène du même vase, représentant la rançon d'Hector,
At/Tp* E*Topof, est peut-être ce que nos monumens ont offert de
plus curieux, par la nouveauté des détails épiques qui s'y remarquent.
Nous savions déjà , par ta table iliaque , et nous avons appris tout ré-
cemment par les vases de Canîno , combien de circonstances étrangères
aux poésies proprement homériques avoient été fournies, par ia tradi-
tion postérieure ou contemporaine, aux poètes et aux artistes grecs de
tous les âges. C'est une de ces circonstances nouvelles et singulières que
nous présente la scène en question. Le corps d'Hector nu et barbu s'y
voit étendu dans l'un des plateaux d'une balance, dont un grand vase,
de la forme de cratère, occupe l'autre plateau. Ce que cette balance,
indépendamment de son emploi même dans une pareille scène (2) , offre
de plus remarquable, c'est qu'elle repose sur trois pieds disposés en triangle,
et non sur un arbre dont le sommet seroit formé , comme on l'a dit, par
le prétendu masque de Phobos. Ce masque , purement bachique, ains
que je l'ai déjà remarqué , est placé de manière qu'il semble soutenil
le fléau de la balance , dont la forme générale s'étoit déjà montrée sur des
vases peints (j) , telle à-peu-près qu'elle est ici, sauf cet ajustement si
ingénieux et si neuf, qui n'est pas le détail le moins curieux d'une com-
posilion si bien ordonnée, bien qu'il n'ait pas l'importance mythologique
qu'on lui a si gratuitement attribuée. Du reste , rien de mieux conçu , de
plus savamment disposé, que cette composition elle-même. Achille ta
est le personnage principal. II est assis sur un siège élevé , avec un sub-
sellium sous ses pieds , signe non équivoque de sa haute dignité. Autour
de fui sont, à gauche, un guerrier barbu, sans doute Ajax, la tête
nue (4), appuyé sur sa lance ; à droite, Ulysse barbu, la lêie couverte
du bonnet nautique , et , immédiatement derrière Achille, un troisième
personnage vêtu et casqué , que jem'abstiensencemomentde désigner.
(i) Il a le pied gauche élevé et placé sur un rocher, absolument dans
l'attitude qui paroît avoir été consacrée pour lej effigies de Neptune; ce qui
semble n'avoir eu ici d'autre motif que d'indiquer, de même que le bonoei
nautique, les longue.' navigaiions d'Ulysse; je reviendrai ailleurs sur cette idée.
— (2) Cei instrument figure dans une des traditions épiques recueillies par
Eusiaihe, pag. 127;, lin. 41. — (3) Millin, Vases peints, tom. I, pi. xix;
tom. II, pi. LXl. — (4) Cette têie.qui existe en toute intégrité, mats qui s'étoit
détachée, d'où vient qu'elle manque sur la lithographie, est celle d'un héros
barbu, et son caractère, d'accord avec l'attitude du personnage et avec la
place même qu'il occupe près d'Achille , semble ne pouvoir convenir qu'à Ajax,
Nnn
466 JOURNAL DES SAVANS,
En face de ce groupe est celui des Troyens debout, au nombre de cinq ,
ayant en tête le vieux Priant , barbu , vêtu de la longue tunique et de
l'ample pépius asiatique, le front couvert, ainsi que deux de ses com-
pagnons, de la mitre phrygienne, et tous exprimant, cf une manière variée
et énergique, ia désolation qu'ils éprouvent. Ici , comme dans la scène
précédente , les expressions diverses dont une même affection est sus-
ceptible, se produisent à des traits si naïfs et à des attitudes si justes,
les nuances en sont si judicieusement choisies et si habilement disposées ,
d'après l'âge, le rang, la physionomie des personnages , et il en résulte
lui ensemble si pittoresque , d'un intérêt si touchant , qu'il est impossible
d'y méconnoître une conception originale , certainement émanée de qpel»
que grand maître de la Grèce. Le coi du vase est orné d'une représenta*
tion où se montre , (Tune manière tout aussi sensible, l'imitation d'un
type excellent. C'est Diomede , ravisseur du Palladium , et réfugié sur
l'autel , dans l'altitude que nous trouvons consacrée sur tant de beaux
monumens de l'art antique, et, vis-à-vis de lui, Ulysse, qui semble,
par un geste expressif, lui indiquer le moyen d'assurer le succès de leur
audacieuse entreprise. Ce même sujet, sculpté de la même manière, sur
un ombilic de patère pareil aux nôtres, avoit fait la réputation d'un de
ces anciens ca/ateurs en argent, de Pythéas, cité par Pline ( i . Un temple
tétrasty/e, orné d'une immense guirlande, figure, sur la partie posté*
rieure, à-Ia-fois comme symbole et comme ornement, dans ce système pu-
rement grec , où le moindre détail , choisi avec discernement et traité avec
goût , bien que toujours réduit à la forme la plus simple , concourt à
l'effet général , et fait servir la décoration même à l'intelligence du
sujet.
Les deux scènes représentées sur notre second prxféricule se déve-
loppent naturellement dans l'ordre que voici. Toute l'action se passe au
pied des murs de Troie, représentés au moyen de bossages, d'un beau
caractère, et munis de tours carrées et de créneaux. Hector, les mains liées
au-dessus de la tête, les pieds attachés axichar d'Achille (2) , est traîné sur
la poussière. Trois guerriers grecs, emportés par un mouvement rapide,
dans la direction de ce char, mais dans des attitudes variées, qui semblent
tenir d'un sentiment de terreur, rappellent le groupe à-peu-près sem-
(1) Plin. XXXIII, 12 : Fuit dévide Pytheas , cujus. . . . Ulixes et Diomedes
trant in phlalœ embhmate , Palladium surripientes. — (2) Cette figure est la
plus maltraitée de toutes celles qui font partie de la composition. La restaura-
tion n'en sera cependant pas impossible; et c'est seulement lorsque cette
restauration sera effectuée, qu'on pourra se faire une idée juste de I ensemble
et des détails de la figure en question.
Lia! >Ie qui accompagne le char d" Achille sur deux vases peints que j'ai
publié* ( i ) , et prouvent que celte circonstance étrangère iiu récit homé-
rique étoit fournie par quelque tradition célèbre. C'est Automédon qui
guide le char d'Achille ; autre particularité qui se rapporte sans doute à la
même tradition , et dont j'ai aussi relevé ailleurs (2) l'emploi rare en
pareil cas. L'auteur de la composition qui nous occupe est sorti plus
franchement encore des données homériques , dans la manière dont il a
dessiné la figure d'Achille debout, et se couvrant tout entier d'un im-
mense bouclier , avec son glaive nu dans la main droite; figure dont
la conception neuve et hardie, la stature gigantesque, d'accord avec
l'énorme bouclier , décèlent la pensée d'un grand maître , en même temps
que, par un détail expressif et touchant, emprunté de l'Iliade, notre
composition se rattache de nouveau aux images homériques. Au haut des
murs de Troie, un vieillard barbu, la tête couverte de la mitre phry-
gienne, et une femme ichevtiïe , les mains étendues, avec son voilequi
flotte en désordre sur sa tête, nous montrent Pr'tam et Hécube, expri-
mant leur désolation, à la même place et sous les mêmes traits que
dans le poète ( \). Non loin de là , deux Phrygiens, munis de boucliers
dune forme amazonienne, qui est ici un trait de costume caractéris-
tique , attendu qu'il est purement oriental (4) , brandissent contre
Achille le javelot court dont leur main droite est armée. C'est encore ici
l'un de ces détails réduits à leur expression la plus abrégée , qui carac-
térisent éminemment le génie pittoresque de l'art grec.
La seconde scène, qui occupe l'autre moitié de la circonférence de
notre vase, représente, dans le groupe principal, la mort d'Achi/le.he
héros, blessé au talon droit de la flèche fatale (5), est renversé sur le
genou gauche; sa tête penchée, ses mains déraillâmes, toute son atti-
tude , admirablement rendue , annonce une mon prochaine. Trois guer
ricrs ennemis, qui attaquent de front, sans doute Enée , Paris, nommés,
dans une scène semblable, sur un vase de Canino (6} , et Claucus ou
Agénor, désigné par Diclys de Crèle (7) , disputent ce corps mourant
aux héros grecs qui le défendent. Le redoutable fils de Télamon, Ajax ,
se reconnoît, entre ces héros, à son action énergique, sur-tout à son
immense bouclier, dont il couvre Achille tout entier et lui-même. Un
(1) Menum. inéd. Achilléide, pi. X'
p. 86, note j. — (}) Homer. JUad.XXl
tsyèce d'ecu, oppression fort singulière pou
Fabul. 107 et 1 1 3 ; conf. Imt. adhk. U. -
(?) IV, ,8.
lit, 1 et i. — (2) Au même lieu,
:, 405-408. — (4) On a vu ici une
un bouclier amazonien. — (î) Hygin.
(6) Catalogo, &C, n. S44»P- 66.—
46*8 JOURNAL DES SAVANS,
autre héros , doht la figure ne se dessine qu'à moitié sur fe bas-relief,
peut-être Nioptoleme , un des Grecs nommés sur le vase de Canino , com-
bat au premier rang pour la même cause. Ce qui me détermine à cher-
cher, sur le vase en question, de préférence aux témoignages mytholo-
giques qui nous restent , l'explication de la scène qui nous occupe ,
c'est, indépendamment de l'antiquité de ce vase, sans doute très-supé-
rieure à celle des écrits post-homériques de Dictys, d'Hygin ou de
Quintus de Smyrne , l'observation décisive, que , sur le vase de Canino,
comme sur notre praeféricule , les groupes de personnages se corres-
pondent de manière à prouver qu'ils dérivent d'une tradition commune.
Ainsi, aux pieds du guerrier troyen , qui ne sauroit être qu'Énée , est un
personnage renversé à terre, dont on ne voit que la partie inférieure du
corps ( i ) ; de même qu'au devant du héros grec , qui corn bat derrière Ajax ,
apparoît la figure entière d'un Grec mourant , appuyé sur son bouclier ;
deux groupes qui se retrouvent sur le vase de Canino , le dernier des-
quels nous offriront , suivant les indications fournies par ce vase, Mi-
ni las et Nirie. Mais, dans aucun cas, on ne sauroit voir, comme on l'a
fait , dans ce dernier groupe , Achille triomphant if Hector ; d'abord , parce
qu'il faudroit admettre sur notre vase trois actions au lieu de deux, ce qui
est contraire à toute analogie; en second lieu, parce que les figures
prétendues d'Hector et d'Achille sont placées dans le même sens , l'une
au devant de l'autre (2) , disposition qui n'est pas moins contraire à l'hy-
pothèse d'un combat entre ces deux personnages ; et enfin , parce que
le guerrier mourant, quel qu'il soit , est un Grec , et non Hector ou tout
autre Troyen, ce qui résulte positivement de la forme de ses armes, et
sur-tout de son bouclier argolique , trait essentiel du costume qui dis-
tingue sur notre vase les Grecs et les Troyens. Quant à la Victoire,
placée dans cet endroit de la composition , volant les ailes éployées ,
avec une palme et une couronne, elle est là manifestement pour indi-
quer , par sa présence , l'issue de la lutte qui dure encore entre les deux
partis , au sujet du corps d'Achille que chacun d'eux se dispute. Je ne
dois pas omettre de remarquer le masque de Silène, placé entre les deux
actions principales, au point même où elles se séparent , et qui n'a bien
évidemment, dans ce cas-ci, comme dans l'autre, que le motif d'ajus-
tement précédemment indiqué, et non l'intention symbolique qui ne
MIS
(1) Cette figure a été complètement omise sur la lithographie.—» (2) Je ne
~îs où l'on a vu Achille traînant Hector et le perçant de son ipée. 11 n'y a pas
la moindre trace de cela sur le vase, non plus que sur la lithographie même ,
pi. m, toute imparfaite qu'elleest.
seroit fondée ici à aucun titre , non plus que sur aucune circonstance du
sujet.
Le col de notre prxféricule est orné d'un sujet dont la vraie ex-
plication est facile a saisir, pour peu qu'on ne s'éloigne pas du système
de composition dans lequel sont exécutés nos deux vases ; attendu que,
dans les productions de l'art grec, tout se lie et se développe sous l'in-
fluence du même principe. En effet , on y voit deux héros qui semblent
délibérer entre eux sur quelque entreprise importante , et l'un de ces
héros est manifestement Ulysse, puisqu'il se produit ici absolument
sous les mêmes traits que nous l'avons vu précédemment, et à la même
place. II y a donc toute raison de croire que l'autre héros est Diomède,
comme sur ce premier vase, ha peau de bête dont il se montre revêtu
estcelle qui couvrait Dolon, au moment où l'imprudent Phrygien , qui
cherchoit a s'introduire ainsi déguisé dans le camp des Grecs, est surpris
par Diomède et par Ulysse ( i ). Le moment représenté sur notre vase
est donc celui où les deux héros grecs , vainqueurs de Dolon et maîtres
de sa dépouille, délibèrent à leur tour sur la conduite de l'audacieuse
ambassade dont ils sont chargés. Ici, comme sur le vase précédent',
Ulysse est représenté dans l'attitude du conseil ; et Diomède a pareille-
ment, sur les deux vases, l'attribut de l'action; sur l'un le palladium , sur
l'autre la dépouille de Dolon: d'où l'on voit avec quelle justesse les
données fournies par le sujet se combinoient, dans les compositions de
l'art antique, de manière a offrir toujours une action claire et précise.
Tous les accessoires concourent de même à l'intelligence du sujet, ISarbre
indique la campagne où Dolon a été tué; Yauttl , surmonté de trois
têtes de bélier, se reconnoît, à ce signe, pour un autel funèbre ; et le
vase cinéraire, dressé sur un cîppe carré, ne se rapporte pas moins évi-
demment à ia même intention.
Je ne pourrais, sans excéder de beaucoup les bornes où je dois me
renfermer quant à présent , indiquer toutes les particularités curieuses
de style, de travail ou de costume, qui distinguent les quatre grandes
compositions homériques que je viens de décrire. Je ne me permettrai
qu'une seule observation générale sur la manière dont sont traités les
sujets en question, au moyen d'un mélange d'argent et d'or, qui tient
à ce système de sculpture polychrome, duquel il ne nous étoit peut-
être encore parvenu, sur aucun monument, d'application plus sensible
et plus heureuse. Tous les nus des figures ont la couleur naturelle de l'ar-
gent , tandis que les armes et les vêiemens sont dorés : mélange plein
(i) lliad.x, 334.
I
479 JOURNAL DES S^VANS,
d'harmonie, de richesse et de goût, dont la toilette d'une dame romaine
n'avoit pu nous donner qu'une idée imparfaite , parce qu'elle appartient
aux temps de la décadence de Part, tout en nous apprenant combien
étoit profondément enraciné dans les habitudes de l'art antique ce sys-
tème f dont, il y a quelques années encore , onrévoquoit en doute l'exis-
tence, dont on étoit allé jusqu'à combattre le principe, malgré les nom-
breux témoignages qui s'offroient dans les auteurs, et malgré les preuves
sensibles qui se montroient sur les monumens , mais dont il suffi roi t d'un
seul monument tel que les nôtres pour constater le vrai caractère, et
presque pour révéler tout le génie. Sous ce rapport , aussi bien que
sous celui du procédé matériel qui les a produits , on peut dire sans exa-
gération que notre collection d'objets d'argent nous a rendu une branche
de l'art grec toute entière.
Les deux vases que je décrirai en second lieu , et qui mériteraient
d'occuper le premier rang dans notre collection , s'il n'étoit question que
de la perfection du travail et du goût de la décoration, sont deux
vases , n.°* 13 et 1 4 > qui ont été d'abord désignés par le nom de vases i
Wau lustrale , et qui peuvent bien en effet avoir servi à cet usage , lequel
étoit notoire, habituel et constant dans l'antiquité grecque et romaine?
jtandis que le nom de kymbi ', qu'on a donné d'autre part à ces vases, est
tout-à-fàit arbitraire, comme la plupart des dénominations sous les-
quelles on affecte maintenant de désigner les vases antiques. II suffit
d'ailleurs d'observer que la kymbi grecque, quelle qu'en fût la véritable
forme , étoit un vase qui n'avoit ni base, ni anses ( 1 ) , pour être assuré
que les deux nôtres, qui sont pourvus de ce double appendice , ne sau-
raient être des kymbi.
A la vérité , nous ne savons pas davantage quelle fut la forme la plus
habituelle du vase à eau lustrale chez les Grecs. On voit souvent, sur
les vases peints, une espèce de seau muni d'une anse mobile, qui pa-
raît avoir servi à cet usage , attendu qu'il est presque toujours porté par
des personnages d'un ordre mystique (2) ; et des vases tout pareils se
trouvent dans nos collections* Mais if semble que le vase contenant
l'eau lustrale dont on aspergeoit les dévots , et placé , à raison de
cela, sous le pronaos des temples (3) , avoit la forme de bassin, c'est-à-
■ ' j ■ ■
(l) Doroth. apud. Athen. XI, 63 : Tivoç mmpim Ço&iw m xjujulCIol ^ o/>9or,
wvfyara /xW iyirmf i m*JI% cht. Aucun des traits de cette description n'est appli-
cable à nos vases. — (2) Il en existe tant d'exemples , qu'il suffira de citer les
vases publiés par Millin, tom. Il , pi. r,i , LU , Lin. — (3) Le témoignage le plus
positif à ce suret est cehn>ci d'Euripide, Ion. 435 ( 438 Matthiae ): t\9«r %iç
a-nêffwmipia , Jfo'm xaQtin* ; voy. Visconti, Mus. P. Clem. V, XXXIII, 62.
AOUT 1830. A?'
dire , de paùre , ainsi qu'il résulte positivement du témoignage de l'ins-
cription atlique où i] est question d'une de ces patins d'or, scellée sur
une base , à l'entrée du Parthénon ( 1 )■ Au contraire, lorsque cette sorte
de vase étoit mobile, ce qui exigeoîl qu'il fût muni d'anses et de pied, il
semble qu'il pouvoir avoir la forme des nôtres. En tout cas, le vase en
question se nommoit «weppafTilpfov , et il se fabriquoît le plus souvent
en argent: il est fait mention d'un de ces aporrhantêrions d'argent, con-
sacré dans le trésor du Parthénon d'Athènes , sur un fragment d'inscrip-
tion ntiique que je possède, et que M. Boeckh a publié (2) ; d'où l'on
voit qu'il y a plus d'une analogie pour reconnoître l'espèce de vase dont
il s'agit dans les deux qui nous occupent. Quoi qu'il en soit, l'inscription
qu'ils portent l'un et l'autre , sur le bord du bassin inférieur, en lettres
ponctuées , d'un beau caractère , MEBCURIO AUGUSTO Q. DOMITIOS
TUTUS EX VOTO, prouve qu'ils sont un don de ce Domitius Tutus,
dont le nom nous est déjà connu (3) , et dont j'ai essayé de déterminer
l'âge, pour en déduire , avecquelque probabilité , l'époque à laquelle ces
deux vases , de style et de travail grecs , auroîent été consacrés au culte
de Mercure, par cet opulent citoyen romain de la Gaule. Du reste, rien
de plus riche que la composition représentée sur chacun de nos vases. Le
système entier en est puisé dans les symboles et dans les personnages dio-
nysiaques; et le motif général en est emprunté du même type que celui du
célèbre vase dit de Pto!émée,o\xà.<ï Afithridnte, du cabinet des antiques (4),
qui est précisément de la même forme. Les personnages principaux sont
un centaure et une ctntauressc , d'âge et de physionomie divers , opposés
l'un à l'autre , et accompagnés de plusieurs génies bachiques, la plupart
ailés et de sexes divers, de petits satyres en attitudes variées, et d'une foule
de symboles et d'attributs dionysiaques distribués avec un art infini, exé-
cutés avec un goût exquis. Au nombre des objets accessoires qui servent a
{]) Boeckh, Imcr. n, 138, I. 6, p. 184 : 'Er tS irywii.
âtctpamtTai , tts-ntH/Mf. La célèbre paùre d'or, du
Bibliothèque du Roi, pourroit fort bien avoir servi à cet 1
ihid. 11. 1 3 7 , 1. ; , p. 1 84 : [ ^7n ] piuTHpioi àfyjfttt aaToiïftai
étoit scellé, ce qu'indique le mot a.<sia$/Mt , aussi bien qu'un
aus:i d'argent , désigne sur une autre inscription attiqu
(î) Voy- Journal des Savans , juillet, p. 428, et ci-de!
— (4) Ce vase a été publié par D. Félibien, Hht. de
pi. IV, et par D. Momfaucon, Ant. expl. tom. I, pai
de manière à ne pas rendre inutile une gravure plus exa
qui accompagnera celle de nos deux vases d'argent, à
analogie qui existe entre eux, et qui peut donner lieu
intéressante.
l'a) fiaixii yj>vavt, t'J- m
des antique* de la
âge. — (2) Boeckh,
A la vérité, ce vase
litre aporrhantérion,
, ibid. n. 141 , I. 6.
15, pag. \6ot 462.
f. Ùtnys, p. 344.
, 11, pi. 167, mais
cte et plus soignée,
cause de l'extrême
à une comparaison
47* JOURNAL DES SA VANS,
rernplir le champ de la composition , on distingue deux trapé^oporis ( i ) ,
formés par trois figures bachiques , dont l'exécution défie la perfection
des plus beaux camées y et chargés de vases divers, de la forme de rhytonsf
de cratères, de calices, avec cette particularité, qui me semble tout-à-fait
neuve , que les rhy tons sont maintenus en une position verticale sur la
table, au moyen de tiges métalliques garnies d'un anneau à leur extré-
mité supérieure. Cette table est proprement ce que l'on appeloit chez
les anciens mens a delphïca (2) ; et les vases sacrés qu'ony exposoit , dans
les grandes solennités religieuses , s'y trouvoient soutenus de différentes
manières , à raison de leurs formes diverses : il nous en étoit parvenu
quelques témoignages (3); et nous en avons ici un exemple sensible, qui
sert de plus à nous expliquer le véritable sens d'une expression grecque
assez singulière pour avoir embarrassé le plus habile philologue de nos
jours, M. Boeckh (4). De grands vases, de la forme de Médicis, con-
courent à l'ornement de la composition, et offrent de plus un inté-
rêt particulier, parles sujets traités en bas-relief dont ils sont décorés.
On y reconnoît, sur l'un, un groupe d'Ulysse enivrant Polyphême ; sur
un autre, les Dioscures enlevant les Leucippides ; sur un troisième, un
Guerrier grec a cheval , combattant une Amazone a pied , représentation
(1) Voy. au sujet de cette sorte de meubles antiques, Visconti , Mus. P.
Clem. V, X, 18-20. — (2) Pitiscus, Lexic. ant. rom. Il, 180-181, a réuni
tous les témoignages des anciens sur ce point. — (3) Sur cette sorte de meubles
propres à maintenir debout les vases de la forme de lécythus , d'amphore, &c, et
nommés, en général, eLyyWxti, on peut consulter Buonarotti, Vetri antichi, p. 21 3.
11 y a lieu de croire qu'ils étoient le plus souvent de bois , d'après un passage
d'une inscription attique, Boeckh, Inscr. n. 159, P. 260. — (4) H s'agit au
mot TnpiiTKihîç , compris dans un catalogue attique de vases et objets d'argent
consacrés dans l'Acropole d'Athènes. On y lisoit la phrase suivante, citée par
Athénée , XI $ I, , p. 47*> > & tâp&Ç , ixTO/xa, ocpyupovr , 1^ I1EPI2KEAVE2 T/>oWtf ;
et la même phrase s'est retrouvée en partie, sur une inscription attique, conte-
nant un de ces cataJogues d'objets votifs; Boeckh, Inscript, n. 151, 1. 37,
p. ^42- Le savant interprète de ces marbres attiques a vu, dans l'instrument
désigné par le mot Ttipiarm hiç , une base munie de pieds qui auroient eu la
forme de jambes: ce qui n'offre certainement pas une image très-claire; aussi
n'en paroît-il pas lui-même très-satisfait , d'après ce qu'il ajoute: Quamquam ne
sic quidemvox plane exvedi ta est. Il suffit maintenant de voir comment les rhytons
sont fixés debout sur fa table qui les porte, au moyen de deux tiges métalliques,
qui les soutiennent en guise de jambes, pour saisir la signification des mots,
H5t| mpunmhiç fpiatrn, et pour reconnoftre la forme de cet instrument attique.
C'est encore ici, pour le remarquer en passant, l'une des preuves sans nombre
qu'offrent nos vases, relativement à l'originalité du style grec qui les carac-
térise dans l'ensemble et dans (es moindres détails.
AOUT 1830. 47i
directement contraire aux traditions ordinaires, mais non pas tout-a-fait
sans exemple sur les monumens de l'art grec (1 ).Ces figures se détachent,
avec la couleur de l'argent pur, sur un fond doré; système suivi dans
tous les nombreux détails de la composition entière , où je doute , pour
en faire en passant la remarque , qu'aucun amateur de l'antiquité puisse
trouvera reprendre le défaut de goût , tt pour ainsi dire de modération , qui
règne dans l'ensemble de la décoration. II suffit à des yeux tant soit peu
exercés, d'examiner avec quelque attention ces admirables monumens
de la cœlature antique, pour y reconnoître précisément ce degré de ri-
chesse et cette mesure de goût que comportoit la nature même de ces
vases , précieux par le métal , par l'usage et par le travail ; et telle est en
effet la haute perfection qui y brille, sous quelques rapports qu'on les
envisage, que je ne serois pas surpris que nos deux vases reproduisissent
pour nous d'excellentes copies des vases de cet Agragas cité par Pline,
et renommé sur-tout par ses figures de Bacchantes et de Centaures (2).
C'est du reste une question qui, non plus qu'un grand nombre d'autres,
relatives soit au style et au travail de nos vases, soit aux représentations
mêmes dont ils sont ornés, ne sauroit être convenablement débattue en
cet endroit ; et le défaut d'espace m'oblige pareillement de renvoyer à
un troisième et dernier extrait le reste de la description sommaire de ces
précieux monumens.
RAOUL-ROCHETTE.
Select Spécimens of the théâtre of tke Hindous , translated
front the original sanscrit , by A. H. Wîlson. Calcutta , 182^,
3 vol, in-8."
Chefs-d'œuvre du théâtre indien , traduits de l'original sanscrit en
anglais , par M. A. H. Wîlson , et de l'anglais en français,
par Ai. Langlois; accompagnes de notes et d'e'claircissemens ,
(1) Je possède un vase, qui sera publié parmi mes Monumens inédits , où le
même sujet est figuré de la même manière. Ce va»e est d'une belle fabrique
d'Avella, et le sujet principal représente Médît qui égorge ses enfans. —
(2) Ptin. xxxni ,12: AcngMtif . . . Baccha: Centaurique calati in scyphis.
Ooo
4jr4 JOURNAL DES SAVANS,
^ et suivis d'une table, alphabétique, des noms propres et d^s termes,
relatifs à la mythologie et -a w mages de Ilude, avec Uur
' explication* Paris, 1828 , % vol. Ji*<#S
u
SECOND ARTICLE.
~: La première pièce dit recueil de M. Vflson est en dix actes précédés
dtan prologue. Le titre en est difficile à rendre eh français. AfrhcKt'cha*
tàiî ' signifie littéralement un chariot dRargile ou dé terre cane» xak
Jfduet d'enfant - en forme de chariot : il se rapporte à une particularité
t6u$-à-fitft indifférente de la fable, et il n'y est fait qu'une seule
afftision insignifiante dans le cours du drame. Le véritable titre seroît
la Courtisane amoureuse, la pièce 'a dû être composée intérieurement
rfu'x.* siècle. Le style, bien qu'élégant , né manque pas die simplicité,
au Jugement de M. Wilson, qui ^oït dans cette circonstance un^
ttfeuve de l'ancienneté de Pouvïage , antérieur, selon lui , à l'époque ùU
les écrits des Hindous se distinguèrent par la richesse d'une diction
travaillée, et iur-tout à ceffeort les- corripositions sanscrites com-
mencèrent à êtrç dégradées par un mélange de pensées fausses et (Tëx*
pressions alembiquécs, c'est-à-dirç, aux ix.e et x.e siècles. Le traducteur
ajoute quelques raisons encore $ celles qui sont prises du style, pour
établir l'âge de cette production dramatique , qu'il croit pouvoir reporter
au temps du roi Soudraka, au n.c siècle après notre ère, ou même un
siècle avant cette ère. Ce Soudraka passe pour être l'auteur de la pièce
dont il s'agit.
, L'intrigue et la -catastrophe du Chariot d'argile sont fondés sur un
événement historique réel, et" dont le récit se présente ici sous une
forme plausible et d'accord avec la vraisemblance. Palaka , roi dTOud-
faym, est renversé du trône par un berger qui s'empare de la couronne,
à fajde des brahmanes, que les dédains de leur. précédent souverain
avaient indisposés contre lui/Mais le véritable sujet du drame paroît
entièrement (Fimagination. Une courtisane nommée Vasantasena est
éprise du brahmane Tcharoudatta , l'honnête homme de la pièce,
mais réduit à la pauvreté par suite de ses libéralités. Ce brahmane est
marié, H a un ffls; et pourtant cette double circonstance ne semble
apporter aucun obstacle à la liaison que recherche Vasantasena. L'époiîsé
légitime du brahmane paroîi peu , et né songe pas même à se formaliser
des sentimens qu'une autre a conçus pour son mari , non plus que de
AOUT 1830. 47S
ceux qu'il peut éprouver en retour. Tcharoudatta est vanté continuelle-
inent pour ses hautes vertus , son noble caractère , son admirable
conduite. Toat cela se montre plus dans ses discours que dans ses
actions. Ce qui est plus singulier, c'est la pureté, le désintéressement,
les sentiinens généreux et romanesques attribués a une courtisane qui
s'est acquis une fortune immense par l'exercice de sa profession.
L'amour, en s' emparant de son oceur, y a étouffé jusqu'au souvenir
des penchans déshonnêtes et des inclinations vicieuses auxquels elle a
dû céder autrefois. Elle repousse les sollicitations d'un prince, représenté,
il est vrai, sous les traits d'un pédant sot et ignorant, autant qu'injuste et
cruel. Une conception pareille semble appartenir à l'une de ces époques
secondaires où , par une sorte de réaction morale, la littérature reporte
sur les professions dégradées par la société , l'honneur que la corruption
des classes élevées leur a fait perdre. Au reste, le Châtiât d'argile
présente, en plusieurs de ses parties, des tableaux de mœurs du plus
haut intérêt : une maison de jeu, au second acte; la description du
palais magnifique habité par la courtisane , dans le quatrième; l'évasion
et l'arrestation momentanée du rebelle, dans le sixième ; le traitement
cruel souffert, au huitième, par Vasantasèna , par suite de la résistance
qu'elle oppose aux désirs de l'indigne Sthavaraka ; les formalités d'un
jugement criminel dans le neuvième, et les apprêts d'une exécution
dans le dixième , offrent autant de scènes remarquables , où les idées
morales et les habitudes nationales des Hindous se montrent sous un
aspect extrêmement curieux.
La pièce qui suit le Chariot d'a-g\lc est d'un genre absolument
différent- Ce n'est plus le tableau de l'état social des anciens Hindous ,
mais la description de leur monde mythologique qui en fait le sujet
principal. Ce drame remonte à la moitié du premier siècle avant J. C. ;
car c'est l'un des trois qui sont attribués à. l'auteur de Sacontala, au célèbre
Kalidasa , et les deux qui ont été traduits , participent , jusqu'à un certain
point, aux mêmes qualités et aux mêmes défauts. Dans l'un comme dans
l'autre, un prince demi-dieu et une nymphe d'une condition au-dessus
de l'humanité sont le héros et l'héroïne. On y trouve la même vivacité
dans les peintures, la même tendresse dans les sentimens, la même
beauté, la même délicatesse dans les pensées, une égale élégance dans
le style. Il paroît difficile à M. Wilson de décider à laquelle des deux
compositions la palme doit appartenir. Mais , selon lui , la fable de celle-
ci est peut-être plus habilement ourdie , et les incidens naissent les uns
des autres plus naturellement que dans Sacontala. En revanche , on n'y
rencontre pas de personnage aussi intéressant que l'héroïne de ce
Ooo 2
*
i76 JOURNAL DES SAVONS,
dernier drame. Le récit qui fait la hase de b pièce de Vikrama et Ourvasi,
est contenu dans le Vrshnou Pourana , ainsi que dans le Padma Pourana.
M. Wifson Fa rapporté d'après cette double autorité. Kalidasa a divisé,
son drame en cinq actes; il fait, sur- tout dans le quatrième, un grand
usage du pracrit , circonstance remarquable pour une pièce qui a dix*
huit cents ans : M. Wilson n'a pis négligé de la relever en examinant
les preuves de l'ancienneté de cette composition dramatique.
- Ourvasi, nymphe du ciel, gracieuse création du solitaire Nârâyana,
revenant avec ses sœurs du palais de Kouvera , est enlevée par un génie
nommé KesL Aux cris de ses compagnes , Pourouravas , roi de Pratis-
thana, s'élance sur les pas du ravisseur; il I atteint, délivre la telle
nymphe, et la rend à ses amies, encore évanouie par l'effet de la
frayeur. Le roi des musiciens de la cour d'Indra, pareillement attiré
par les plaintes des nymphes célestes, loue le courage du héros. Celui-
ci ne peut s'éloigner sans laisser voir l'impression que les attraits de la
nymphe ont produite sur son ame. Ourvasi, de son côté, témoigne à quel
point elle est sensible au service que Pourouravas lui a rendu. Une
peinture vive de ce double sentiment remplit la fin du premier acte ,
et se fait remarquer par les traits d'une délicatesse qu'on ne rencontre
jamais sans quelque étonnement dans les productions asiatiques. Le
second acte s'ouvre par une véritable scène de comédie , entre un
brahmane confident du roi et l'une des suivantes de la reine. Celle-ci
surprend le secret du nouvel amour de Pourouravas ; et tandis que le
roi s'entretient avec son confident de l'objet de sa passion, Ourvasi,
suivie d'une des nymphes célestes , cède à l'attrait qui l'appelle auprès
de lui. D'abord couverte d'un nuage , elle laisse tomber à ses pieds
un billet écrit sur une feuille de bouleau , et finit par se montrer aux
yeux du héros qu'elle a charmé. Cette scène seroit parfaite , si elle
n'étoit déparée par le mélange de quelques bouffonneries assez insi-
pides , placées dans la bouche du brahmane ami de Pourouravas , et
qui se reproduisent beaucoup trop dans tout le cours de la pièce. La
jalousie de la reine, les reproches qu'elle adresse à son royal époux,
après la lecture de la feuille de bouleau , portent un caractère de modé-
ration , on pourroit dire de froideur, qui laisse un peu languir l'intérêt.
Au troisième acte , Ourvasi a été rappelée dans le ciel pour remplir un
rôle dans la représentation d'un drame joué devant les immortels. Elle
s'est trahie par sa préoccupation ; et ie nom de Pourouravas , au lieu de
celui de Pourouchottama ( premier agent de la nature ) , est sorti de
sa bouche , quand , dans le personnage de Lakchini , elle a dû faire l'aveu
de son amour pour Vishnou. Indra a daigné commuer la peine qu'elle
AOUT 1830.
477
eût encourue , en un exil qu'elle passera sur la terre auprès du monarque
qu'elle aime. Cependant la reine , cherchant à éloigner les senlimens
dont elle a été péniblement affectée, donne rendez-vous à son époux sur
la terrasse du pavillon des pierres précieuses, pour y être témoin de
l'entrée de la lune dans la constellation rohini. Tandis qu'il l'attend ,
Ourvasî et sa compagne, toutes deux invisibles, se rendent auprès de
lui. La reine survient, et, pratiquant les rites de la réconciliation à l'égard
du roi , s'engage à n'avoir que des pensées de douceur et d* complaisance
pour la nymphe qui attire les regards de son seigneur et partage avec lui
les chaînes d'un amour mutuel. Elle s'éloigne après fui avoir formelle-
ment rendu sa liberté. Ourvasi, témoin caché de cette déclaration, ne
perd pas un instant pour en profiter. Son amie prie le héros de faire
en sorte qu'Ourvasi n'ait point sujet de regretter le ciel qu'elle a quitté
pour lui. Les transports des deux amans terminent le troisième acte.
Le quatrième acte est presque en entier lyrique. L'intérêt en est
tout national. Les peintures qu'il offre, ies détails mythologiques dont
il abonde , les beautés poétiques qui y sont rassemblées , la variété du
mètre , les agrémens de la musique , tout cela est a-peu~près perdu dans
une traduction. Un jour que la nymphe et son royal amant erroient sur
les bords du Mandâkinî , une sylphide qui folâtroit dans le cristal des
ondes attira On moment les regards du monarque. La jalouse colère
d'Ourvasi s'éveilla ; elle repoussa dédaigneusement celui qu'elle ai in oit ,
et dans son trouble elle oublia la loi qui interdit aux femmes l'entrée
des bots funestes de Kartikèya. En franchissant la limite fatale, elle se
vit transformée en une liane légère. Pourouravas cherche en vain sa
bien-aimée, et, dans une suite de couplets entremêlés de récitatif, il
déplore son sort funeste. Un être surnaturel vient à son secours et lui
donne le rubis dt la réunion. Ourvasi reprend sa première forme ; ils
sortent portés sur un nuage. Le cinquième acte est comme une pièce à
part. Un faucon emporte le rubis. Une flèche perce le faucon: cette
flèche porte un nom ; c'est celui du triomphant Ayous , fils d'Ourvasi
et de Pourouravas. Ce prince apprend ainsi qu'il a un fils , à qui la
nymphe céleste a donné le jour à l'insu du père, quoique celle-ci ne
l'eût pas quitté. II ne manquoit que cette condition a la félicité du
monarque : il termine la pièce en formant un vœu pour que le savoir
et la fortune cessent d'être opposés l'un à l'autre comme des ennemis,
et assurent de concert le vrai bonheur de l'humanité. On ne voit pas
bien à quoi revient cette pensée ; et généralement , depuis le troisième
acte , beaucoup de choses dans ce drame semblent s'écarter de ce qui,
AOUT 1830. 479
des Hindous : on l'attribue au même auteur que la précédente, Bava-
bhoûri; et il a également composé une autre pièce, le Mahâ Vira
Tcharîtra, qui n'a pas été traduite, et 06 il a présenté , sous ia forme
dramatique, les exploits de Râma, tels qu'ils sont racontés dans ie
Râmayana. Ici l'auteur prend l'histoire de ce héros au moment où il
rentre dans AyodhyS, sa capitale, au retour de sa glorieuse expédition
contre le tyran de l'île de Lanka.
Râma et soii épouse Sitâ sont heureusement réunis. On leur montre
des peintures où sont retracées toutes les aventures du héros, jusqu'au
moment où la reine , victime d'un enlèvement , a été reconnue très-pun
au moyen de l'épreuve du feu. Cet artifice amène un récit qui met
les spectateurs au courant de ce que nous appellerions {'avant-sàne.
Sitâ s'endort dans les bras de son époux ; mais, durant son sommeil,
des bruits cafWmieux, démentant les résultats de l'épreuve, ameutent
le peuple , qui exige l'éloignement de la reine. Rami cède a la néces-
sité, et, sans éveiller son épouse, ordonne les apprêts de son exil. Douze
années s'écoulent entre le premier acte et le reste de la pièce. Sitâ,
seule et sans secours , au milieu des forêts , déplorant les rigueurs de
son destin et la cruauté de son époux, a été prise des douleurs de l'en-
fantement; elle s'est précipitée dans le Gange, et dans ce moment a
donné naissance à deux enfàns que la déesse du fleuve a placés sous
la tutelle du sage Vâlmîki. Râma, poursuivant le cours de ses exploits
contre les ennemis des brahmanes, pénètre dans la forêt habitée par
la reine. Le troisième acte est consacré a décrire leur rencontre , un
ne sauroît dire leur entrevue, puisque Sitâ, rendue invisible par la puis-
sance de la déesse Ganga, ne peut céder au transport qui l'attire vers
son époux ; le destin les rient séparés jusqu'à l'achèvement de Vaswa-
nifdha , le sacrifice solennel du cheval , que Râma a entrepris. Les exer-
cices des deux enfàns de Raina dans rhennîtage de VâlmîJri, leur
bouillante ardeur à la vue du cheval destiné au rite sacré, produisent
une ou deux scènes intéressantes dans le quatrième et le cinquième acte,
lis s'attirent la colère des soldats du roi , en voulant emmener le noble
animal. Le sixième s'ouvre par une description toute poétique ou plutôt
fantastique d'un combat livré par l'un des fils de Râma à leur cousin
Tchandraketou, chargé de réprimer leur audacieuse entreprise. Râma
paroît et sépare les combattans. Les traits des jeunes princes , leur
valeur intrépide , les armes divines dont on les voit armés, font soup-
çonner leur naissance. Mais la reconnoissartee est réservée pour le sep-
tième et dernier acte ; elle s'y fait au milieu d'une pompe théâtrale
préparée par Vâlmîlti , où assiste une nombreuse réunion de dieux,
48o JOURNAL DES SAVANS,
d'hommes , cPespritrde l'air, de la terre , de f océan , de dieux serpens ,
et de tous les êtres qui respirent et qui ont le mouvement. Il y a
quelque chose de bizarre dans l'emploi de ce moyen , qui rappelle une
belle scène de Hamlet, et plus encore une autre scène de l 'Illusion comique
de» notre Corneille. Rima s'évanouit en contemplant les infortunes de
Sh& représentées par elle-même ; il reprend ses sens quand elle lui
est rendue par la déesse Ganga. VâJnrîki lui ramène ses deux fils.
Le prince retrouve à- la -fois tous k& objets qui lu| pont chers. En
cela 9 le poète dramatique s'est éloigné du récit des poètes épiques ,
d'après lesquels Sitâ es* séparée de son époux et de ses enfkns par la
déesse de là terre, qui ouvre son sein pour les recevoir. On sent
qu'il faut, pour prendre intérêt à une composition de ce genre, être
nourri des traditions mythologiques dont h religion et la poésie ont fait
en quelque sorte, pour les Hindous, de$ traditions n^Éonales. Mais
ce drame n'en est pas moins rempli de détails attendris$ans , de situa-
tions touchantes et de morceaux pathétiques. On peut., même à travers
les traductions, concevoir de. l'original une idée très-avantageuse.
Le Moudra Râkchasa ou le Sceau du ministre est un drame entiè-
rement différent du précédent : le sujet en est tout politique , et les
personnages appartiennent à l'histoire. II y a même un commentateur
qui prétend qu'on y doit voir un traité de, politique , encore plus qu'une
comédie. On l'attribue à Visâkhadatta, fils de Prithou le Grand Roi;
or on cite un Prithou Radja qui , au xii.e siècle, fut tué dans une
bataille contre les mahométans ; et l'on pense que ce pourrait avoir été
le père de l'auteur du Moudra Râkchasa. Le nom du roi Tchandra-
goupta, qui y joue l'un des principaux rôles, peut inspirer un in-
térêt particulier. W. Jones et Wilford ont avancé que ce prince étoit
le même que Sandrocottus , et M. Wilson pense que le rapport des
noms , remarqué d'abord par W. Jones , n'est pas la seule raison qu'on
ait de supposer l'identité des deux personnages ; il cite différentes coïn-
cidences qui confirmeroient la conjecture. Le nom sanscrit peut être rem-
placé par Tchandramas , et Diodore de Sicile ( i ) nomme Xandranus
le roi des Gandarides, dont la puissance, alarma le conquérant macé-
donien. Le même nom se lit > sous ujie forme encore plus rapprochée
de la forme primitive ( X*rtyo*wrof ), dans Athénée (2) , selon les va-
riantes de quelques manuscrits collationnés par M. de Schlegel (}) ; et
^**i
(1) Lib. XVI , c. 03, éd. Wessel, tom. II, p. 23a. — (2) Deipnosoph. I. I ,
éd. Schwcigh. tom. I, p. 69. — r(3) lndische Bibliothek, tom. I, p. 246. Les
manuscrits de 1* Bibliothèque dû Roi (3056 et 3056 A) ne contiennent pat
cette curieuse variante: Peu et l'autre portent Sjvjyxevwn
AOUT 1830. 48i
suivant ce célèbre critique, c'est d'après Strabon que Casaubon et
d'autres éditeurs ont rétabli dans le texte l'orthographe de la.vtyixvrToç.
Le prince étoit né dans une condition inférieure; et cette circonstance
est remarquée, à l'égard du roi des Candarides , par le même historien ,
par Quinte-Curce |t) et par Plutarque (2). Tchandragoupta, suivant
les Hindous , sollicita le secours des princes du nord et du nord-ouest
de l'Inde ; il put donc visiter Alexandre, comme le disent Plutarque
et Justin (3). Sandrocottus étoil roi des nations qui haliitoient le long
du Gange; et ces peuples sont connus sous lesnomsdeGuff/rtfr/t/cr, Gar-
garides , Gnndarides , Gandarii, Pras'ti ou Parrhasiï. Le premier de ces
noms paroît à M. Wilson avoir été formé par les Grecs du nom même du
Gange; mais il y avoit réellement une nation de Gandkari a l'ouest de
i'Indus , et l'analogue du nom des Prasii se retrouve dans la déno-
mination de Prâchi , contrée orientale , et Prâch'tâ, peuple de l'est , qui
s'applique, dans la division géographique de l'Inde, aux habitans des pays
situes à l'opposé du Behar, ainsi qu'au Magadha , ou a la partie méri-
dionale du Bihar même. Les auteurs anciens et les Hindous s'accordent
donc sur le lieu où ils placent, les uns, la domination de Sandrocottus,
les autres , celle de Tchandragoupta. Enfin , la capitale du premier
étoit la ville de Palibothra sur le Gange , au confluent d'une rivière qui
n'est pas nommée dans Strabon (4). maïs qu'Arrien (j) et Pline (6)
comprennent parmi les afHuens du Gange , sous les noms d' Erranoboas
et de Sonus,
Dans le drame, la capitale de Tchandragoupta est Pâtalipoutra, sur
les bords du Gange, non loin de la rivière Sont, dont les bords sont
ébranlés par la marche d'une armée. M. Wilson voit peu de raison de
douter que Pâtalipoutra et Palibothra ne soient une seule et même ville ,
et il retrouve l'une et l'autre dans la ville de Patna, malgré l'opinion
contraire de géographes très-habiles, et le défaut d'accord de quelques
circonstances , comme l'éloignement qui sépare cette ville de la rivière
Sone , éloignement qu'il est tenté d'attribuer aux changemens survenus
dans le cours de plusieurs rivières de l'Inde. Quoi qu'il en soit, il reste
assez d'analogies pour conclure avec quelque probabilité que Tchandra-
goupta et Sandrocottus sont le même prince; et ce rapprochement,
{1) L'tb. IX, cap. 2. — (a) In Atexandr. éd. Par. 1624, pag. 700. —
(JJ Cf. Jiist. lit. xil , cap. 8. —(4) Sirab. iib. XV- Conférez une noie de
M. Gosseilin mr le livre 11 , traduction française, 10m. 1 , p. 184. — (l) Erra-
nobram , Cossoanum , Sonum ( la/vàr ti minfûi., Ber. Ind. Iib. éd. Blarcarl,
pag. 514.— (6) Hist.nat. Iib. VI, cap. 22, éd. Hard. pag. 318.
Ppp
r!
4/Sfc JOURNAL DES SAVANS,
infiniment curieux , nous a paru mériter que nous nous y arrêtassions
tut instant; Nous revenons au drame dont ce personnage est le héros».
Nanda, roi de Pâtalipoutra, a été assassiné. Un brahmane, nommé
Tchânakya, qui avoit dirigé le complot, a fait. donner la couronne à
Tchandragoupta. Rakshasa, premier ministre du roi Nanda, s' é toit
réfugié à la cour du roi des MIetchas ou barbares, et i'excitoit à
venir attaquer l'usurpateur. La fidélité de Rakshasa est désormais le
seul obstacle que puisse rencontrer le pouvoir naissant. Tchânakya
entreprend de conquérir au nouveau roi l'assistance du ministre fidèle.
De rasés agens, dès espions adroits, le servent dans cette nouvelle entre-
prise/ II affecte une sévérité qui n'est pas dans son cœur, et met en
fuite tous les amis de l'ancien ministre. Au deuxième acte , (a scène
est transportée dans la capitale du roi Malayaketou , qui a donné asile
à Rakshasa. Celui-ci se prépare à venger son ancien maître. Ses amis,
ou ceux qui se prétendent tels, viennent successivement le rejoindre,
et lui rendent compte de ce qui se passe à Pâtalipoutra , conformément
aux vues de Tchânakya. Au troisième acte, on voit Tchandragoupta avec
le ministre qui lui a ouvert le chemin du trône, tenant le langage d'un
disciple à l'égard die son maître, d'un obligé envers son bienfaiteur. Cette
scène est longue et froide, mais curieuse, en ce qu'elle offre une pein-
ture de la politique des cours indiennes. Le ministre développe son plan
pour consolider l'autorité du nouveau roi , et tous deux d'accord feignent
une altercation qui doit tromper leurs ennemis communs. La scène,
dans le quatrième acte, est reportée au palais de Malayaketou. On
lui apprend la rupture de l'usurpateur et de son ministre , et l'on pré-
sente cette circonstance de manière à lui persuader que la place de ce
dernier est destinée à Rakshasa. Les soupçons augmentent en voyant
celui-ci presser le départ de l'armée qui doit attaquer la cité de Pâta-
lipoutra. Une suite de rusés et de contre-ruses sert it prolonger l'action
et à soutenir la curiosité. C'est là le caractère particulier de ce drame.
L'un des événemens les plus bizarres , rappelé dans plusisurs endroits
de la pièce, est la mort donnée à Parvateswana, père du protecteur
de Rakshasa, par l'entremise d'une jeune fille dont un poison subtil
avoit rendu mortelles les caresses et l'approche même. Des papillons,
en se reposant sur elle , périssoient à l'instant. M. Vilson, on ne sait
pourquoi, a, dans quelques endroits, mis à la place de cette jeune
fille une statue empoisonnée par art magique (i). Un autre sujet de
(i) Acte i.er, p. jo. Comparez, acte 5, pag. nj. Le traducteur français
en fait une statue vivante et animée/ mais il avertit de la substitution opérée
par M. Wilson, sans pouvoir en rendre compte.
AOUT 1830. bl$
remarque, c'est la réunion des peuples qui constituent l'armée qui
marché contre Tchandragoupta : elle est formée de troupes de Coulout-
tha, de Mafaya et de Casmira , des princes de Sindhou et de Parasîka,
des Khasas et des Magadhas , des Gandhâras, et de l'infanterie Yavana-,
des Kiras, des Safcas, des bandes de Tchédi et des cohortes des Hoûnas.
Parmi des noms d'origine purement indienne, on en reconnaît aisément
d'autres qui désignent des peuples étrangers et occidentaux, comme
Paraslkas, Ganahâras, Yavanas , Sakas , Hounns , et Ton seroit tenté de
croire qu'if y a là quelque souvenir confus de la composition des armées
d'Alexandre. Mais ce qu'il y a de singulier dans la conduite du .drame,
c'est que les ruses (es plus odieuses , les stratagèmes les plus machia*
véiiques , sont présentés comme une chose simple et naturelle , et cou-
ronnés d'un plein succès. Des lettres supposées scellées par un faussaire
de /'anneau du ministre témoignent hautement contre lui. Rakshasa est
rendu complètement suspect à son protecteur dans le cinquième acte.
Dupe d'une autre imposture assez grossière au sixième , et au septième
d'une combinaison bien peu vraisemblable, il est amené à reconnoître la
supériorité de son ennemi Tchânakya, et à consacrer, comme lui, $%&
services au nouveau roi. II reçoit des mains de Tchandragoupta \é
poignard, signe de l'autorité ministérielle.
L'âge de la dernière des six pièces traduites par M. Wilson paraît fixé
d'une manière incontestable : elle est attribuée au prince Sri Harcha
dèva, roi de Cachemire, grand ami des lettres, lequel monta sur le
trône en 1 1 1 3 , et périt en 1126, dans une insurrection que son goût
pour la poésie, et la protection qu'il accordoit aux comédiens et aux
danseurs , avoient contribué à exciter. Le Ratnavali ou // Collier est
fondé sur une antique histoire des amours de Vatsa, prince de Côsâmbi, et
de Vdsavadattft, princesse (TOudjayani, sujet indiqué par Calidâsa , dans
son Nuage messager ( 1 ) , et traité par plusieurs poètes. Ce drame atteste,
selon M. W ils on, une déviation pins complète des habitudes purement
indiennes , un plus grand raffinement , un relâchement marqué et une
détérioration proportionnée dans les sentimehs moraux.
Sous le rapport de la littérature , cette pièce offre aussi des change-
mens notables , et qui font voir le défaut de pathétique remplacé par l'in-
trigue , f affaiblissement de l'inspiration porté au point de ne pas fournir
même la moindre pensée, le moindre jeu d'esprit. La poésie en est toute
mécanique et réduite aux ressources du mètre, bien que le style soit,
sur-tout dans lé pracrit , supérieur à ce qu'on observe dans les autres pièces.
^mtm ■— ■ i 1 1 1 1 1 ■*— *— « ■ 11 — ^— *— — mm
(1) Atigha diia, p. 36, note sur le vos if$.
ppp
4*4 JOURNAL DES SAVANS,
La fable né mérite guère d'être analysée, quoiqu'elle donne lieu à quel-
ques détails agréables. Une princesse de Ceylan a été fêtée par la tem-
pête sur le rivage de Côsâmbi ; sa présence excite la jalousie de la reine
yâsavadatta. Des portraits de personnes aimées , tracés à la hâte par ceux
qui brûlent pour elles, sont un moyen favori employé dans les pièces
indiennes ; il se retrouve ici comme dans le Mariage par surprise. La
reine se déguise et passe auprès de son époux pour la beauté qui Ta rendu
inconstant. Cette scène ne manque pas cf intérêt, et elle amène un dia-
logue assez piquant. Mais la jalousie conjugale ne produit ici , non plus
que dans le Héros et la Nymphe, qu'un refroidissement momentané.
L arrangement entre les deux femmes aimées de Vatsa s'accomplit dès
que. la seconde est reconnue à son collier pour la fille du roi de Ceylan;
et la pièce finit , comme la Stella de Goethe , par un accord qui comble
les vœux du prince et satisfait ses deux épouses. Le Collier est en quatre
actes seulement.
La traduction des six drames est , comme nous l'avons annoncé , suivie
d'extraits ou de courtes notices , relatifs à vingt-trois autres pièces , que
l'auteur n'a pas cru devoir traduire en entier. Nous serions entraînés trop
loia , - si nous voulions en présenter l'analyse à notre tour. IL faudrait
transcrire, au lieu d'abréger. Le Kouiouka Servaswa est nne farce assez
plaisante, et où se trouve un passage sur les adultères des dieux rapportés
dans les Pouranas : ce Que dit la loi ! Tu ne commettras pas d adultère.
— Langage d'insensés ! Pour notre guide , prenons de la loi ce que les
sages et Içs dieux eux-mêmes en observoient , et non des préceptes
comme celui-là, qu'ils méprisoient. Indra trompa la femme de Gaou-
tania; Tchandra enleva la fiancée de son gourou ( maître ) ; Yama séduisit
l'épouse de Pândou sous la forme du mari, et Mâdhava débaucha les
femmes de tous les bergers du Vrindâvan. Ces fous de Pandits, se
croyant sages , ont seuls fait un péché de cette conduite. — Mais c'est
un précepte des Rischis : que répondez- vous à cela î — C'étaient tous
des imposteurs : devenus trop vieux pour se livrer au plaisir, ils le con-
damnoient, et, par envie, défèndoient aux autres les jouissances qu'ils ne
pouvoient plus goûter eux-mêmes. — Très-vrai! très-vrai! nous n'avions
jamais entendu prêcher une doctrine aussi orthodoxe , &c. »
D'autres pièces sont des satires de la licence des brahmanes , des vices
des princes , de la foiblesse des ministres , de l'ignorance des médecins
çt des astrologues. On y trouve des personnages d'hypocrites , des char-
latans , et jusqu'au matamore de nos anciennes comédies , le tout accom-
pagné de traits qui ne manquent parfois ni de justesse , ni de vivacité.
Un mendiant et son disciple se disputent la possession d'une courti-
X
AOUT [830. 48s
sane. lis soumettent le sujet de leur contestation à un brahmane, qui
(ait métier de résoudre les questions de droit épineuses ; maïs celle-ci lui
présente des difficultés qui lui en font différer la solution , et il arrête
que la demoiselle restera sous sa protection jusqu'à ce que le procès
puisse être convenablement éclairci.
Nous n'avons plus rien a dire des pièces mythologiques, qui paraissent
toujours occuper fe premier rang dans le théâtre indien. Elles prêtent
à des développemens qui ont de l'intérêt dans Je pays , et à des peintures
ou descriptions qui, par rapport à la poésie, peuvent mériter d'être
étudiées par les amateurs de ce genre de composition. Mais c'est plutôt
dans les autres que le plus grand nombre des lecteurs chercheront les
particularités caractéristiques des mœurs de l'Inde, et le sujet d'obser-
vations ou de rapprochemens moraux et philosophiques.
Nous nous plaisons à exprimer encore une fois la gratitude que tous
les littérateurs doivent a M. Wilson pour un travail qui , dans un sujet d'un
haut intérêt , accroît nos lumières , et nous apprend une foule de choses
que nous aurions long-temps ignorées. L'histoire littéraire y gagne de
nombreux points de comparaison et la madère de rapprochemens très-
curieux; l'histoire des mœurs y puisera d'utiles renseignemens , et le
moyen de juger dans la pratique cette civilisation indienne, dont on n'a
presque jamais parlé que d'après la théorie. Il est intéressant de contrôler
l'une par l'autre, et de voir par les comédies quelle est en réalité l'in-
fluence des codes , des ouvrages religieux et des traités de morale. On
ne craint pas de dire que, sous ce point de vue, le recueil de M. Wilson a
peut-être fait faire à nosconnoissances sur l'Inde, plus de progrès qu'on
n'en auroit obtenu de la publication des deux épopées, des dix-huit
pouranas, et de cent autres poèmes dans le même goût. Nous avions
assez d'idéal; cet ouvrage-ci nous donne du positif.
Chaque pièce, dans les trois volumes de M. Wilson, porte un fron-
tispice et se distingue par une pagination particulière : les dates mêmes
n'en sont pas identiques. H paroît qu'elles ont été publiées successive-
ment à Calcutta, avant d'être réunies sous un titre commun. On en
avoit aussi lu des extraits dans quelques recueils , notamment dans
l' Annual Registcr de Calcutta (1) , dans le Journal asiatique {2}, et dans
la Bil-liothèque indienne de M. deSchiegel (}).
(1) The Calcutta annual Reghter, 1821; Mhcell. tract, pag. 20. — (2) T. X ,
pag. 174. — (3) Indhche Bibliothek , tom. II, pag. 149- On trouve, à la suite
de» notice» lur les pièce» indiennes, tirée» d'une lettre de M. Wilson, un
aperçu de quelque» autre» drames par M. Lassen.
486 JOURNALDES SAVANS,
' L'impoKàncë littéraire du travail de M. Wilson lai assurait les bon-
Mkirs-dë fa traduction dans d'autre» langues, et le genre de l'ouvragé
tftfgeoft Un tiadUcteur mstnrit. M. Langlois a satisfkitaux conditions qui
h&étqierit itqpôsées» Versé lui-même dans l'étude du sanscrit, il a pu,
mieux qu'un autre , conserver les idées de l'original , l'exactitude dans
les noms propres et dans les termes indiens relatifs aux usages , triom-
pher enfin de la difficulté que lui opposoit le style du traducteur an*
giais y obscur en beaucoup <T endroits , particulièrement dans les passages
que ce dernier a cru devoir rendre en vers anglais. Quelques phrases qui
ne semblent pas avoir été complètement interprétées , et un petit nombre
de négligences, ne doivent pas affaiblir l'estime que lui mérite la manière
dont il' a egcécnté sa tâche ; peu d'autres auroient été capables de faire
mieux. On peut regretter qu -au lieu de traduire simplement les avertisse
mens qpe M.: W ils on a placés avant chaque pièce, et qui sont remplis
de notions historiques et littéraires extrêmement curieuses , le traducteur
fiançais ait cru devoir en changer la forme , les abréger , en retrancher
des portions qui roéritoient d'être conservées. Quant aux notes , qui sont
ttto*nombreuses et dont plusieurs ont une certaine étendue , il a pris
un parti fort judicieux : à l'exemple dç Fors ter, dans sa traduction aile*
mande de Sacontala , il les a rassemblées à fa fin de l'ouvrage , en dispo-
sant alphabétiquement les noms et les mots qu'elles sont destinées à ex-
pliquer; on a de cette manière un vocabulaire historique , ou Ton peut
chercher des éclaircissemens applicables même à d'autres ouvrages que
celui-ci. C'est, comme le dit M. Langlois, le fondement (Fuji diction-
naire des mots indiens, qui , de jour en jour, doit paraître plus indispen-
sable. Effectivement la seule mythologie des Hindous exigerait le secours
d'un livre de ce genre ; et celui qui &roit le dépouillement des noms
propres renfermés dans les principaux ouvrages relatifs aux antiquités
de I Inde , rendrait un véritable service à cette branche de la littérature
orientale.
J. P. ABEL-RÉMUSÀT.
AOUT 1830. 4*7
The Travels of Afacarius, , patriarck of Àntioth , wtittett ty
his attendant atchdeacàn Paulof Aleppà , in arable 7 phrtyïhi
frit, Anatolia, Romelia and Âfo/davia, transtated by Y. C.
Belfo.ur, A. M. Oxon. London, 1829. — Les Ifoyages de
Macàite ê patriarche d' Antioche , mis par écrit en arabe pan
ï archidiacre Paul d'Alep, attaché à son service; //' partie/
contenant FAnatolie , la Romélie et la Moldavie , traduite par
F. C. Belfour,&c. Londres, 1829, xij et ïj"4 pag. in-jf.4
La relation des voyages du patriarche rf Antioche Maçarius , traduite
par M. Belfour de l'original arabe , et publiée par Tordre et aux frais du
comité de traduction de la Société- asiatique de h Grande-Bretagne et
de l'Irlande , est un ouvrage fort différent 4e ceux auxquels les orienr
talistes de l'Europe consacrent d'ordinaire leurs travaux et dont ils
font l'objet de leurs études. II ne s'agit ici ni d'histoire, jqi de littérature
musulmane, indienne ou chinoise; c'est un patriarche de l'antique
église cT Antioche, de cette ville qu'on .peut appeler le berceau du
christianisme pour les gentils, qui, san$ aucune autre vue que de venir
réclamer des secours pécuniaires pour son siège patriarcal auprès des
princes qui professoient comme lui la Religion chrétienne, suivant la
confession et le lite des Grecs, quitte son église, traverse l'Asie mineure,
se rend à Constantinopie où il fait une assez longue résidence , puis k
la cour du vaivode de la Moldavie , où il est retenu long-temps par une
révolution qui détruit toutes les espérances qu'il avoit fondées sur la
générosité de ce prince. La première parue, la seule qui ait été publiée
jusqu'à ce four, ne nous conduit pas plus loin que. la frontière de la
Valachie, et le traducteur ne nous apprend point dans sa préface ce que
doit nous offrir la suite de la relation. Celui par qui elle a été mise par
écrit dans le style le plus simple, est un diacre ou, comme il s'appelle lui-
même , un archidiacre de l'église d'Antioche , fils du patriarche Macarim
lui-même , élevé , à ce qu'il paroît , sous Içsyeux de son père, sans autre
instruction que celle qui est indispensable à un ministre de la religion,
et porté à considérer les moindres; cérémonies ecclésiastiques avec bien
plus d'intérêt que tout ce qui âxeroit l'attention d'un savant, d'un
érudit, ou d'un amateur de statistique ou d'économie politique.
Si cejt aperçu ne laisse pas espérer, de la lecture de cette relation ,
des notions fort intéressantes pour la copnoifsançe des contrée^ vjfjtée*
pai le p^ri«d#,; $b 4wm Jtoi 4* (Fffutr , tfui* ^ conque
488 JOURNAL DES SAVANS,
fauteur a raconté avec une entière simplicité ce dont il a été témoin ,
qu'il a peint le? homme? avec lesquels il a eu des relations , et sur-tout
le clergé grec et les moine? qu'il a fréquentés , tels qu'il les a vus. Son
récit peut même avoir un assez grand intérêt pour les savans qui
s'occupent de l'histoire ecclésiastique de l'Orient et (Tune partie de
l'Europe dans le siècle où il vivoit , c'est-à-dire , dans la première
partie du xvu.c siècle. II n'est pas d'ailleurs indifférent de tenir d'un
témoin oculaire le récit de (a révolution qui précipita du trône Basile
ou Vasili , surnommé , avant son élévation au rang suprême , Loupoul ,
c'est-à-dire , le Loup, prince qui tient un rang distingué parmi les sou-
verains de la Moldavie , mais qui gâta par ses intrigues et par des entre-
prises malheureuses un règne qui auroit pu laisser d'honorables sou-
venirs.
M. Bel four, qui a dédié cette traduction à l'honorable sir Gore
Ouseley , ancien ambassadeur de sa majesté britannique à la cour de
Perse , l'un des vice-présidens de la Société asiatique, et président du
comité de traduction des ouvrages orientaux , nous apprend , dans sa
préface, que le manuscrit arabe de cette relation duquel il a fait usage , a
été acheté à Alep , il y a peu d'années, par le feu comte de Guilford,
qui le lui remit en 1824 pour qu'il le traduisît en anglais. En vain
M. Belfbur, en voyageant dans le Levant, a-t-il cherché, spécialement
à Constantmople , à Smyrne et au Caire , un autre exemplaire de cet
ouvrage. II a donc eu à lutter non-seulement contre les difficultés que
présente d'ordinaire l'étude d'un ouvrage manuscrit dont on ne possède
qu'une seule copie , mais encore contre une difficulté d'un autre genre
et beaucoup plus grande, résultant d'un nombre presque infini de mots
grecs transcrits en arabe , le plus souvent d'une manière qui les rend
presque méconnoissables. II a été heureux pour le traducteur de pouvoir
recourir à l'assistance du feu révérend H. D. Lewes, résidant à Cons-
tantinop(e, et qui, étant profondément instruit dans la langue grecque
et dans les rites et les usages de l'église grecque , a pu reconnoître
presque toutes ces expressions étrangères , sous leur déguisement arabe.
Nous ajouterons que , par quelques morceaux du texte que le traducteur
a transcrits , on reconnoît que le style de l'original est un arabe vulgaire
ou Ton a quelquefois affecté des formes de l'arabe littéral , mais (Tune
manière maladroite qui trahit l'ignorance de l'écrivain.
La répétition continuelle et presque journalière des mêmes cérémonies
du culte , présentoit aussi , non pas une difficulté , mais des détails
fastidieux, propres à rebuter les lecteurs. «Les retrancher entièrement,
»'<Rt M. Béffbur, fc'eôt été rompre le fH de la narration, et quelquefois
» • *
Ajout; 1.83»;:; î'.H 4^p
» perdre entièrement de vue pendant plusieurs semaines. nQSyoyagetRfi
m ecctésitstiqties* Je me suis donc vu contraint à conserver de Oes détaik
m tbut ce qui étoit nécessaire à Ja continuité du récit ; mais j$ cr%in$ titeo
» que; ce ne soit au grand déplaisir, de nps compatriotes qui voudront Jîq
» cette relation 1 . . • LVchidiacre lui-même se plaint souvent de l'wle*-
* sive: longueur des -cérémonies de l'église <grecqufe,,surr tout, tflfas
» qu'elles sont en Usage parmi les Cowqi^e^jet les M.pscwjtes.i.qt aèapn
* moins son goût inné pour les rites ecclésiastiques est cause qxfiï ne
» négligé aucune occasion de décrire dans le plus grand détail :touM^
» cérémonial , dont la longueur égale Ja magnificence ; on voit qu'il ne
» s'adresse qu'à des gens , aussi bien que lui-même , élevés dans (a-
» inourde ces cérémonies. Ces détails toutefois lui donnent fréquemment
* occasion de frire des remarques sur les, principes moraux et religieux
» des diverses nations qu'il visite , et jl y a lieu d espérer que ces obseiv
«varions auront quelque intérêt pour lie lecteur. On peut aussi tirer de
» ces mémoires ecclésiastiques quelques notions relatives à J'hjstoire
t» politique et à Ja statistique de contrées aussi peu connues que le sont
». la Moldavie et la Valachie.» . ,
Noui allons maintenant laisser là le traducteur * pour nous occuper
de l'auteur et de sa narration. Ce ne sera pas toutefois sans avoir
témoigné à M. Belfbur notre reconnoissance pour la manière plus
qu'obligeante avec laquelle il a parlé de nos propres travaux , et rapr
peié l'avantage que nous avons eu de le compter autrefois au nombre
de nos auditeurs les plus studieux* . ' . , ,,
Le patriarche Macarius commença son voyage en se rendant cTAIep
à Âatioche; au mois de tamou^ ou juillet de Tan du monde 7160,
c'est-à-dire , 1 6 5 1 de J. Ç, Les trois premiers chapitres de fa, relation ne
contiennent guère que son itinéraire dTAntioche à Constantinople, en
passant par Iskanderounih , ou Alexandre tte,/*^/ ou Aia$9lAfisséyessa
oïl Mopsueste, Adana, Tarse, Ak~kupri, Tchifté-khan, Erekli ou
Hélfeciée, Esmil, Kounyth ou Iconium, Ak-schéhir, Eski-schéhir >
Yenghi-schéhir , Brousse , Modanir ou Modahia, puis en se rendant par
wmf de ce dernier lieu à Escoudar ou Sçutari , et de là à la capitale de
Kemf}ire ottoman.' Parmi les lieux moins importans nommés dans cet
itinéraire , nous soupçonnons qu'il y en a quelques-uns qui ont. été mal
lu* par le traducteur* Ainsi Eilft (lu fils de Ramadan  Kirk-ghctchi ,
Olcn kushluk y Kqra-yenar, Bajaveng, nous semblent être les mêmes que
Yailah §&è$ ou Yaila Jj^Lj, c'est-à-dire,, le campement d'été de Ra-
Wiaa-ûgloit jï&J d*ï*j f & /M**? ^K^Jf^à!^ o^^% c'est-à-dire %
les quartf at$ gués ;^Ww*kiictM #X& Jjlvu h gra*d campement
Qqq
4£* JOURNAL DES SAVANS,
ttkhtr , 'Katto-ki'tyérJSSyjJiy fa fiwi** nmrej Ba^ardjik fojjb ,
fc petit baiàY, l\ eii eét êé rtiême de Ahkam* Sakla, Be/aidoè+qw
Sdrit ceflfeinemeitt les lien* appelés Êaïkam *Udl*, /x***// çjèUlJet
BtmUwàdin ^IjVj*. Ces erreurs doivent pour fa plupart être imputées
frftitettPJte f* relâtten;qùel^tie^unes sont dues à l'incertitude des
" i du manuscrit ( i }. Pies de Bàlkam sont des eaux thermales : le
dmcvè Pâtit «fit «ju'elies sont nommées Kib/cudja; il ignorait vraisem-
blablement que ce môt^^JLS est turc et signifie pains chauds, li
prétend que Ladàk , F ancienne Laodicée , surnommée Corn bus ta , est
appelé* dans le Synaxare des Grecs Litavtrniek : je conjecture qu'il avoit
écrit comme il faut «ujOjY, et que, le texte étant écrit négligemment,
le traducteur a lu 4*jjjUL En parlant <T Ak-schéhir , if dit que Vest Un
Village célèbre , parce qu'on y voit la sépulture de Fïàja. Ii s^git du
Kftodja Nasr^eddrn ^jJI^^J <>tyw, le fameux bouffon, sur lequel on
peut consulter l'Histoire ottomane de Démétrius Cantimir, tome I ,
pâg, j8-
Ce petit nombre d'observations que nous avons faites , n'a eu pour
objet que de prouver que , si l'on veut faire usage des détails topogra
phiques ou historiques donnés par l'auteur de cette relation , il faudra
préalablement les -soumettre à un examen critique.
t>ans cette partie de là relation) excepté l'itinéraire, la description
des églises » et les observations relatives aux rites du culte des Grecs ,
ii n'y a presque rien qui offre quelque intérêt , si ce n'est un petit
nombre de lignes concernant le tombeau du célèbre sofi et poète
mystique Mevfena Dfélal-eddin Roumi, à Iconium , et ce qui est dit
des eaux thermales de Brousse. Notre voyageur désigne Djéfal-eddrn
Roumi sous le nom du saint mot /a Kkandkar; je crois que ce titre est
une corruption du mot jlftjjtjjk.
J'ai remarqué deux fois , pag. 5 , le mot Kabarisa , que le traducteur
n'a pas expliqué. Dans le premier passage , l'auteur dit que le patriarche
et sa suite arrivèrent à Alexandrette le 6 août, dans Tapies-midi de la
veillé de la fête de la Transfiguration. « Nous fûmes reçus , dit-il , avec
» de grands honneurs par les Kabarisa , et nous assistâmes dans leur
» église à l'office nommé iypuwfU (ouvigifes). »PIus loin on IJt'cd
qui suit : « Quant au patriarche , il se rendit pour recevoir ses redevances
» à Tarse , et datts les petites villes de Triwor { je crains que ce norçi ne
* s . : • ../
(1) Je range parmi ces dernières le 00m d'un lieu situé entrç Estti-ichéhiret
Bazardjik, <pii est appelé ici Ytirç-hak: Je ne doute poiat que ce ne soit te
mém* qui , sur hè carte de DJikén-mma, est nommé Boui oytth <JyJ ^
AOUT 1830. 491
» soit altéré ) et de Djafer-pascha , ainsi que dans les villes des Kabmïsa,
n situées dans ceite direction. » Je conjecture que le mot Kabarisa
i-jLj est le pluriel de j«j*ï, et signifie (es Chypriote!.
II y avoit précisément trots mois que le patriarche avoit quitté Alep,
le jour où El arriva à Constantinople. Son séjour dans cette capitale de
l'empire ottoman occupe le chapitre iv et les suivans jusqu'au quinzième
inclusivement. Macarius avoit écrit de Brousse au patriarche Païsius ,
qui occupoit alors le siège de Constantinople , et aux métropolitains ses
sufrragans, pour leur demander la permission de visiter Constantinople.
Cette marque de déférence, conforme aux usages anciens , mais qui avoit
été négligée par les prédécesseurs de Macarius , fût fort agréable aux
prélats grecs, et Macarius reçut du patriarche de Constantinople et de
son clergé l'accueil le plus distingué et le plus amical, pendant tout
le temps que dura son séjour à Constantinople. Je passerai sous silence
le détail de toutes les invitations qu'il reçut de célébrer la messe dans
les principales églises, et celui de toutes les cérémonies ecclésiastiques. Je
me bornerai à observer que, dans l'église patriarcale, et sans doute
dans les autres, on faisoit mention, dans les offices divins, de l'empereur
moscovite Alexis et de sa femme l'impératrice Marie, de Basile ou
Vasilt , vaivode de Moldavie, et de sa femme Catherine, et enfin de
Mathieu, vaivode de Valachie, et de sa femme Hélène , avant de prier
pour Kyr Païsius, patriarche de Constantinople, et Kyr Macarius,
patriarche rTAntîoche. Je ferai aussi mention d'un synode auquel assista
et prît part le patriarche Macarius , le dimanche entre la Circoncision
et l'Epiphanie de l'année 1653, la veille même de son départ. L'objet
de ce synode étoit de prononcer une sentence d'excommunication
contre un patriarche déposé, l'un des prédécesseurs de Païsius. Ce
patriarche, nommé Cyrille, et que notre auteur ou son traducteur sur-
nomme H'upanus , étoit accusé de plusieurs crimes , entre autres d'avoir
occupé, et cela par des moyens violens ou illégaux, quatre sièges
épiscopaux successivement, savoir, ceux de Corinthe f M. Belfour dit
Camathia, sans doute par erreur1, Phtlippopolis , Chalcédoine et
Ternow; de s'être élevé illégalement et de sa propre autorité a la
dignité de patriarche; enfin d'avoir été cause de la mort du patriarche
Cyrille l'Alexandrin, le même que le fameux Cyrille Lucar. L'éditeur
dit dans une note que le prélat contre lequel le synode prononça
l'excommunication, est connu parmi nous sous le nom de Cyriltus
Bcrrhensis. C'est assurément une méprise. Cyrille de Herrée ou Cy-
rille II, qui avoit occupé le siège patriarcal a trois reprises différentes,
Qqq 1
4$r JOURNAfÉ DES SAfVANS,
étam mdrt en ilî 39, leOyriUe qw Païsius excommunia ne peut être
qafe Cyrille III , surnommé Spanns , surnom que M. Belfbur a mal à
propos rendu par Hispanus, et qui sans doublai étoit donné parce quV/
ayoit peu de barbe. Ce prélat , qui n'occupa le siège que dix-huit jours 9
ou même quinze jours suivant notre voyageur , parce qu'il n'avoit pa^
de quoi acheter l'appui du gouvernement turc , vivoit , à l'époque où il
fut excommunié, à Constantinople , retiré dans la maison d'un homme
puissant qui lui servoit de protecteur.
L'auteur de la relation du voyage de ^iacarius décrit les églises de
Constantinople, et particulièrement l'église patriarcale, le palus du
patriarche , les principaux quartiers de la ville , la mosquée de Saintes-
Sophie f FAt-méidan, et beaucoup d'autres lieux, ainsi que divers édifices
et fnonumens de l'antique capitale de l'empire grec , mais toujours d'une
manière extrêmement superficielle. Sainte-Sophie attira sur-tout l'admi-
ration de nos voyageurs, et ils remarquèrent qu'on y voyoit encore de
tout côté des restes du culte chrétien , tels que des croix , et des figures
ou des peintures relatives aux mystères du Sauveur et aux fêtes consacrées
à en rappeler le souvenir.
Le traducteur nous paroît s'être parfois mépris sur l'interprétation de
certains détails relatifs aux rites de l'église grecque. Ainsi , en parlant du
dimanche où se lit l'évangile de la parabole du mauvais riche et du
pauvre Lazare, il n'a pas reconnu ce nom dans le mot arabe jjUl;
et prenant ce mot pour un adjectif arabe, il a traduit: On the eve of
tbe Sunday of the Rick and helper. Ce dimanche doit être , je pense ,
celui qui précède le 6 de tischrin second ou octobre. Le dimanche
précédent est nommé dans le manuscrit , si M. Belfbur ne s'est pas
mépris » le dimanche de ^v-^oJcÛ : ce mot m'est tout aussi inconnu
qu'à M- Belfour.
De Constantinople, le patriarche Macarius devoit se rendre en
Moldavie; la rigueur de la saison (on étoit alors au mois de décembre)
et des motifs d'économie le déterminèrent à prendre la route de mer*
Quelques circonstances retardèrent son départ jusqu'au j janvier»
L'auteur de la relation , qui attribue la communication de la Mer Noire
avec la mer de Marmara à Alexandre, décrit en peu de mots les contrées
qui bordent cette mer, et leur position respective avec le port de
Chioustangé t ville nommée en grec, suivant lui, Li mania Costa tira.
<c A droite , dit-il , nous avions Trébizonde , Sinope , Castamoun et
» (a baie de Mingrélie , qui est le pays des Géorgiens. En face de nous
» étoient les contrées de Caffa , de Na^ar et de Khan. Nous avions à
j» gauche la Roméiie, Silistrie et Barja, où nous venions de prendre
*
.' ' AOUT l8jd. 49^
* téfffe, et dotit touf les habitans sont dès musulmans tartares; car
» lorsque le sultan Mahomet conquit cette contrée, il eii chassa les
* chrétiens fct il la peupla de Tartares , race détestée -dès Na^arites. Lai
* plupart d'entre euxvehoient.de là Caramahie et de notre pays. Le
» Sultan eit agit ainsi pour défendre les rives du Danube contre les
•chrétiens , attendu que c'est une province frontière, et qui forme la
* limite de h Homélie dans la partie opposée au Danube, ainsi que de
» la Moldavie et de h Valachie. » Bar) a est certainement le 'Dokwdja
OU Ùcbrudji t province à laquelle appartient Chioustangé ; mais je ne
sais ce qu'il faut entendre par Na^ar, Khan et les Nayvrius /peut-être
par Khan Fauteur a-t-il voulu dire le pays soumis au khan des Tartares.
Macarius arriva a Yassi le 2 5 janvier , ayant passé par Galatz ,
Bariad, Waslouï, et quelques autres villes ou villages. La description
de* monastères , des églises et de leurs décorations » les cérémonies
ecclésiastiques et leurs moindres détails 9 sont toujours les objets domi-
nant dans-cette partie de la relation comme dans la précédente; à quoi
if faut encore ajouter les honneurs rendus au patriarche, soit par le
souverain, que l'auteur désigne ordinairement par le titre de bey, et
quelquefois par celui de vaivode, soit par son épouse, qu'il ne nomme
pas autrement que la domina, ou par son fils le vaivode Stéphani , soit
enfin par les personnages lès plus considérables de la cour. En parlant
des présens que le patriarche offrit au prince et à sa famille , et qui, pour
la plus grande partie, consistèrent en reliques achetées à Constantinople,
Fauteur de fa relation ne peut s'empêcher d'ajouter cette réflexion
naïve : « Je ne saurois penser sans un sentiment de peine que tous nos
x^présefts se trouvèrent perdus, quand par la suite Vasili éprouva un
»- renversement de fortune.- * L'épouse de Vasili étoit une Circa*sienne;
il avoit deux filles , dont l'une avoit été mariée en Pologne à un noble
de la famille Radziwili, et l'autre venoit d'épouser le fils de l'hetman des
Cosaques, et en outre une troisième qui fut ensuite emmenée en Russie.
Le père du second gendre de Vasili est nommé ici Akhmilj son nom ,
suivant Woif, étoit Kitmtlmski, ou , comme l'écrit Von Engel , Chmjel-
ultçki ; et quant au fils, il se nommoit Timothie, ou, par corruption,
Ttmousch. Vasili n'avoit consenti à ce mariage que malgré lui, et après
y «voir été contraint par la force des armes. Notre auteur ne fait aucune
mention de ces circonstances.
Peut-être sera- 1- on bien aise de connoître le portrait qu'il fait du
vaivode Vasili, qui fut un des princes les plus distingués de la Moldavie,
et qui, s'il eût moins écouté les conseils de son ambition, et usé de
ptttsde ménagemens envoya ses sujets moldaves t aurait sans «toute
»
494 JOURNAL DES SAVANS,
évité les revers de fortune qui Faccahfcnent dam le temps môme qp* fa
patriarche Macarius étort dans tes états.
ce Ce seroît, dit-ii, une chose au-dessus de l'intelligence humaine, que
» de décrire le respect qu'inspirent b majesté du bey , son instruction et
» *es qualités acquises , la supériorité de son bon sens , la profonde .Con-
» noissance qu'il possède des écrivains anciens et modernes , paient »
» chrétiens ou rares ; enfin sa bravoure et ses talens. militaire*. L* vérité
*est qtfH égale ou plutôt qu'il, surpasse les anciens empereur* greçk ;
» car , dans tout le monde , on célébré ses qualités éminente*. Qg *e
» êont pas seulement les patriarches , les métropolitains , les prêtres , les
m mornes et les laïques qui rendent justice à si générosité sans bornes et à
»*e* actions illustres; sa renommée n'est pas bornée aux églises et aux
* couvris; les agas mêmes, les négocians et autres individus delà nation
» turque , jusqu'aux derviches et aux commerçai» , tous sont dans l'usage
» de jurer par sa tête. Cependant il a été,. la plupart du temps; et il
* est encore l'objet de la haine publique , et ii est impossible qu'il se
* maintienne ici dans la jouissance de sa souveraineté* li est, cpirtme
«nous l'avons dit , connu dans tout l'univers ; mais , pour les empereurs
» de Moscovie et les grands seigneurs de ce pays , ils sont très-glorieux
» quand Hs reçoivent des lettres de lui , et. Us les portent sur eux aveq
* le plus grand respect. La cause de cela, c'est le récit qu'ils entendent
fcikire delà grande affection qu'il porte aux églises et aux monastères»
* et de sa charité , dont tout le monde ressent les effets* En Pologne , le
* roi et les grands du royaume ne l'estiment pas moins. Akhmil et les
«Cosaques ont désiré l'alliance de sa fille; les lar tares et leur khan lui
* pcfftfent encore plus d'affection que tous les autres;. l'empereur d'Aile-
» tti*gAe, le roi de Hongrie et les Vénitiens, sont aussi très-bien disposés
»'en safkveur. II a fait imprimer beaucoup de livres d'église, d'exercices
» de dévotion et de commentaires, et outre cela dès ouvrages en langue
»* vaïbque , à l'usage de ses sujets de la Moldavie. Autrefois le peuple ne
» lisétr ses prières qu'en langue servienne , langue qui tient de celle de
j»Ik Russie ; car depuis la Bulgarie et la Servie jusqu'à Ja Vaiaçhie et
m'ht MbMavie, et de là jusqu'au pays des Cosaques et jusqu'à Moscou,
* tom-le nfconde ne lit que ia langue servienne, dans laquelle sont écrits
tfVMft'ieufs livres. Mais les Vaiaques et les Moldaves parlent l'idiome
* valaque , et n'entendent pas un mot de ce qu'ils lisent en langue
»-seÊ»lemie^ A raison de cela Vasili a fait bâtir pour eux, près de (on
ir monastèrei, aoi vaste collège , et a fait imprimer des livres dans leur
*tptt>prè idiome* Lis Serviens, les Bulgares r les Cosaques et les Moscq»
*'VUfcs parie** 'iras va* seule et niérne langue, qui ne diacre qfte p*r,
AOUT 1830. 4yj
» Xanchnnttè ( il est difficile de comprendre ce que l'auteur veut dire
» par-là ) , et par quelques nuances locales ; mais leurs livres et leur
» écriture sont absolument les mêmes. »
Je me suis laissé aller à transcrire tout ce passage, parce qu'il est
peut-être un des plus curieux de l'ouvrage , quoique d'ailleurs le portrait
de Vasili et de la considération qu'il avoit acquise, soit sans doute un peu
exagéré, et qu'il puisse y avoir quelque chose qui ne soit pas parfaite-
ment exact dans les détails qui concernent les langues des diverses
contrées où règne l'idiome slavon.
Notre auteur ne fait pas un portrait flatteur des habitans de la
Moldavie. Les hommes, si on l'en croît, sont tous des assassins et des
voleurs. Les registres de la justice prouvent que le vaivode Vasili, pen-
dant ving-trois ans de règne , avoit puni de la peine capitale plus de
quatorze mille voleurs; et cependant il ne condamnoît ordinairement
a mort que les coupables qui avoient déjà été repris trois fois de justice.
La sévérité de Vasili n'épargnoit pas plus les prêtres que les autres
Moldaves. Quant aux femmes et aux filles, leurs mœurs étoient telle-
ment dépravées, que la rigueur du prince n'avoît pu les améliorer, quoi-
qu'il en eût fait périr plusieurs milliers.
Parmi les remarques relatives aux usages particuliers de la Moldavie ,
je citerai la suivante. « Il faut observer , dit l'auteur de la relation , que
» depuis le commencement du mois iïadar (mars) jusqu'au 10 du
» même mois, la cloche de fer du couvent nommé le couvent de Veffendi ,
» sonnoit douze heures dans le jour, et autant dans la nuit, mais que,
» passé le 1 o , elle sonna quatorze heures dans le jour et dix dans la
» nuit. Depuis le 1 ." de nisan ( avril ) , elle sonna quinze heures le
«jour et neuf heures la nuit; enfin dans les mois de haxjran et de
» tamou^ (juin et juillet) , elle sonna seize heures le jour et huit la
a nuit. »
Le récit des cérémonies et des offices ecclésiastiques du carême et
de la semaine sainte, est interrompu par celui d'une révolution poli-
tique qui renversa du trône Vasili, et coûta la vie au brave Timoihée ,
son gendre, fils de l'hetman des Cosaques, après que par sa valeur il
eut balancé pendant quelque temps les succès du grand logothète
Georges. Celui-ci cependant finît par supplanter entièrement Vasili,
a qui il devoit son élévation et sa fortune , et qu'il trahïssoit depuis
long-temps, ayant des intelligences secrètes avec Atathi ou Mathieu,
vaivode de Valachîe, et avec le roi de Hongrie. Le régne de Vasili
occupe beaucoup de place dans l'Histoire de la Moldavie écrite en
langue moldave par Myron ou Ko.- tin , et traduite en grec vulgaire par
f î
4
#
4j^ JOURNAL: DES SàVANS,
Jilexandre AnririsffoSmyme; et fbnj>em regretter que M. Hase* qui a
ait conooîôfe cetife histoire dans les Notices et extraits des manuscrits.
tome XI, p. 274 et suhr., n'ait pas jugé à propos de publier cette
portion de l'ouvrage. Çeorges, vainqueur de Vasili, prit, en montant
aur le trène , selon notre auteur, fe titre' de Iranov Georgieça Stepka***
rmrvodt: « car, ditol, la coutume des beysde Moldavie! et de Vahchfe
» est de mettre devant leurs noms Ivanov, comme étant Je prénom ou
•> plutôt ie titre officiel du prince de ces pays. Leurs armes , ajouterai!*
» sont la tête d'un veau. Le nom du nouveau bey étoit proprement
» Georges, et ses pères et ses ancêtres, avoient autrefois été prince! de
* ce pays. Leur nom commun étoit Sufpkanos, c'est-à-dire, Etienne.
« Notre auteur remarque , à cette occasion , que Vasili étoit. détesté
des Moldaves, parce qu'étant Grec de naissance et d'origine, il avoh
rempli sa cour de Grées , auxquels il avoit accordé tous les offices im-
portans , tandis que le prince lui-même et ses {compatriotes traitoient
avec le dernier mépris les Moldaves , qui se trouvoiertt réduits à la plus
profonde misère. Vasili étoit effectivement un Epirote ou.Aibaftois. Les
historiens de la Moldavie nous apprennent que Vasili avoit aussi an-
disposé , dans les premières années de son règne * lés Moldaves, en pre-
nant pour épouse , à cause de sa rare beauté , une Circas$ienne qui
professoh la religion musulmane. L'archidiacre Paul garde le silence
sur cette circonstance, quoiqu'il ait remarqué que la domina étoit
Circassienne. II n'est peut-être pas inutile d'observer que cette prin-
cesse portoit le nom de Catherine, qu'elle avoit fait reconstruire un
couvent appelé du nom de Notre-Dame, à Yassi , couvent où l'on
conserve une ancienne image de la Vierge , qui passe pour avoir opéré
des miracles; enfin que, dans cette église, étoit un tableau où l'on
voyoit le bey de grandeur naturelle , tenant dans sa main la représen-
tation de l'église, et près de lui la domina avec son fils et ses trois
filles. Ailleurs on voit que, dans le palais, outre la chapelje du bey,
dédiée à S. Georges, il y en avoit une pour la domina , sous l'invocation
du même saint. Tout cela donne lieu de penser que cette Circassienne
avoit embrassé la religion chrétienne.
La relation de l'archidiacre Paul est entremêlée de quelques détails
sur ie climat de la Moldavie , les productions du pays , les grands
officiers et l'étiquette de la cour , les repas , les usages civils ou reli-
gieux particuliers aux Moldaves , le costume des homjnes et des
fiemtàes, &C..11 observe, à cet égard, entre autres choses * qu'à Corts-
teitinople et dans les contrées voisines , les veuves portent des 'coiffures
de cottieùr orangée * mail, q perdait s la Moldavie , la Valachie et le'pays
des Cosaques , l'habillement des veuves , depuis la tête jusqu'aux pieds ,
est entièrement noir, comme celui des religieuses. Il ajoute que, dans
la Moscovie , les veuves portent des caftans noirs de laine , très-amples
et très-Jongs, avec des manches d'une largeur immense.
A l'occasion du carême , il remarque que la cour et les classes les plus
élevées de la société observoient le jeûne avec une exactitude rigoureuse.
« Quant aux basses classes, ajoute- t-il, elles ne gardent point le jeûne,
» ne font aucune prière, et paroissent n'avoir aucune religion. Ces
» gens-là ne sont chrétiens que de nom, et leurs prêtres leur donnent
» l'exemple de passer les nuits entières dans la débauche et dans
» l'ivresse. Voilà les scènes dont on est témoin dans ce pays. C'est toute
» autre chose en Vaiachie; les habitans se distinguent par leurs senti-
» mens religieux, leur tempérance et leur bonne conduite. »
Les événemens qui préparèrent et accompagnèrent la chute du
voivode Vasili, les succès divers et alternatifs des deux partis, les
désordres €t les alarmes que ces événemens occasionnèrent parmi les
habitans de Yassi, la terreur que la marche des troupes jeta chez les
moines, dont les couvens servoient de refuge à une population effrayée,
enfin les inquiétudes du patriarche Macarius et de ses compagnons
de voyage, qui, au lieu des avantages qu'ils s'étoient promis, se voyoient
enveloppés dans toutes les horreurs d'une guerre civile, tout cela
remplit les derniers chapitres de ce volume, qui inspirent beaucoup
cTiniérêt. Quant à l'auteur du récit, on ne sauroit se dissimuler que ce
qui l'affecte sur-tout, c'est le regret d'avoir perdu le fruit des présens
offerts par le patriarche au bey et à sa cour, présens qui avoient coûté
quelques centaines de piastres, et d'être privé de f'effet des promesses
de Vasili , qui s'étoît engagé à payer les dépenses et les dettes du
patriarche, à envoyer avec lui un ambassadeur à l'empereur de Mos-
covie , et à le défrayer de tout , tant pour le voyage que pour le
retour.
Au lieu de voir se réaliser ces flatteuses espérances , nos voyageurs
restèrent comme des prisonniers, dans de continuelles alarmes dont ils
n'entrevoyoientpaslafin, jusqu'à ce que, parla mort du brave Timothée,
fils de l'hetman des Cosaques et gendre de Vasili , et par la prise de la
place de Satja ( Sut^ava ) , où étoient renfermés les immenses trésors de
Vasili et la princesse sa femme, il ne resta plus aucune ressource au
voivode détrôné. Ce fut alors seulement que le nouveau voivode con-
sentit au départ du patriarche Macarius pour la Vaiachie; il lui donna
même une lettre pour le bey de Vaiachie, Malthi, qu'il appeloit son
père, et une somme d'argent pour fournir aux frais de sa route; « mais,
Rrr
4j>9 JOURNAL DUS SÀVANS ,
?4k. fcufeêwr de la: relation, avec. une parcimonie analogue à son
atrMtrésu^affainçe naturelle. » M •
Nos* voyageurs , partis de Yassi » se rendirent par Skentai, Variouï et
Beriad , à une ville nommée TtkwtcU ( Tekoucttii ) ; puis, ayant passé le
Séretr il» arrivèrent à Fokschan (Foçzanii) , le ai septembre de l'année
7* 6fr Fokschan est située sur une rivière (la MHcov) qui forme h
limite entre la Moldavie et la Vaiachie. Le patriarche fut retenu par
4tS/ ordres qu'avoir donnés le nouveau voivode de Moldavie, ordres
qui permettoient ia sortie du patriarche seulement et de ses gens, mais
à l'exclusion des étrangers qui l'accompagnoient. Pour faire lever cette
défense, Macarius fut obligé de se rendre à Roman, ville oit se
trouvait alors le bey , et qui est un des trois sièges épiscopaux suflfragans
du métropolitain de la Moldavie. De retour à Fokschan, je patriarche
ae > mit en route le zi octobre , pour entrer sur le territoire de la
Valachie.
, L'auteur de la relation, à l'occasion du tiA»iw ( sorte de chasuble
■fennée) de S. Jean Chrysostome, que conservent comme une relique
les é*éques de Roman, dit avoir appris qu'il y a dans le pays des
Nms&h f c'est-ràrdire , en Allemagne,. une grande ville nommée Ituno-
ptlis , qui est en possession du corps de S. Jean surnommé /y*>tf h
M'tsétuofdicux > *x.\p traducteur observe qu'il n'a aucune connoissaitoe
<Fun saint ainsi nommé. Je pense qu'il s'agit de S. Jean l'Aumônier,
patriarche d'Alexandrie, mort en 619, et duquel a pris son nom >
suivant l'opinion la plus commune, l'ordre de S. Jean de Jérusalem.
C'est à Presbourg qu'est conservé son corps , qui avoit , dit-on , été
envoyé en présent de Gonstantinople à Mathias Corvin , roi de Hongrie.
A ia suite de cette première partie de ia relation des voyages de
Macarius, le traducteur a ajouté quelques notes qui, jointes à celles qui
se trouvent au bas des pages dans le cours même du volume , sont
destinées à suppléer à certains détails omis par l'auteur de ia relation,
et sur-tout à expliquer quelques-unes des cérémonies de l'église grecque,
et le sens des mots ou des formules employés dans le rituel dt^ Grecs.
On pourroit désirer que ces notes, surtout celles qui $ont relatives au
dernier objet, fussent plus nombreuses et pi us développées. VEœholegitM
où Rituale Grœcarum du P. Goaid aurait pu être consulté avec beau-*
coup de fruit par l'éditeur. Nous avons rencontré plusieurs fois , dans
cette relation , le sroc grec xoçwn , ' qui > comme nous le lisons à ia
page 70 , bst écrit aihsî ^^Tdans le texte arabe , et nous regrettons
que M* Belfour p'enait pas indiqué la signification.
Nous devons teamimi cette tutioeen freooQMUHt que ia tracte©-
lia
tion de ce manuscrit présentent beaucoup de difficultés, et crue si
l'ouvrage renferme bien de choses qui sont de nature à n'intéresser
qu'une classe peu nombreuse de lecteurs , il contient aussi, comme on
a pu le voir par notre extrait , des détails curieux sur l'histoire politique,
ecclésiastique et morale des contrées parcourues par le patriarche
Macarius. On doit donc souhaiter de voir paroître la suite de cette
relation.
SILVESTRE DE SACY.
SriiOGE epigraminatum veterum , ex marmoribus et libris , coltegtt
et illvstmvit Fr. Th. Welcker; ei'ttio altéra recognita et attela.
Bonna;, 1828, 304 e/ xl pages.
Za der Sylloge epîgrammatuin veterum : Abwe'tsung der
verungl'ùckten Conjecture» des Herrn Prof. Hermann , von
F. G. Welcker. Bonn , 1829.
Dans les deux éditions de l'Anthologie données par M. F. Jacobs,
ce savant critique a rassemblé toutes les épigrammes, c'est-à-dire,
touies les inscriptions en vers, qui avoient pu échapper à Brunck ;
mais il en est quelques-unes qui lui ont échappé il lui-même:
d'ailleurs , chaque jour on en découvre de nouvelles; et peu de temps
après l'édition de l'Anthologie palatine , on pouvoil en réunir assez pour
former un supplément notable; ce que M. Welcker a fait , il y a déjà
plusieurs années , dans deux programmes. Il les reproduit maintenant,
mais avec des additions si nombreuses , qu'ils sont devenus un ouvrage
tout nouveau.
Dans une préface adressée à M. Fr. Jacobs, l'auteur expose son but;
il indique les sources où il a puisé des inscriptions inédites ou peu
connues; il nomme les personnes qui lui en ont procuré, et les ou-
vrages, particulièrement les Voyages récens en Grèce, en Egypte et
en Syrie, qui en contiennent que M. Fr. Jacobs n'avoit pas pu con-
nohre, parce qu'ils ont été publiés depuis 1817, date des derniers
volumes de \' Anthologie palatine. D'autres ont été tirées par M. Welcker
de divers recueils, tels que ceux de Gruter , de Muratori , et le Musée
de Vérone ; on les y avoit laissées, soit qu'on ne les eût pas aperçues, soit
fÇ>ç .JOURNA'E JfcES SAVANS,
qu'on ne les eût pas jugées dignes de figurer dans F Anthologie. Tontes
celles qui concernent FAttique et la plus grande partie de la Grèce
continentale', :ont: déjà paru dans le tome I de l'admirable Corpus
btscripéionum dû M. Boeckh. M. Velcker . les reproduit avec les resti-
tutions du savant interprète, dont il ne s'écarte que rarement Là tota-
lité monte au nombre de deux cent quarante*
Sans doute la plupart de ces petites pièces ont peu d'intérêt;
quelques-unes même sont en assez mauvais style: cependant leur collec-
tion est utile ; on aime à trouver réunies jusqu'aux moindres parcelles
d'une littérature si riche. Traités par (Fex ce liens philologues, comme
MM. Jacobs et Velcker , ces fragmens donnent lieu à des observations
intéressantes de grammaire, d'histoire ou d'archéologie , dont la science
tle l'antiquité s'enrichit. Presque toujours ces inscriptions sont plus ou
moins altérées; les efforts que des hommes habjles font pour les com-
pléter ou pour en épurer le texte , amènent de curieux rapproche mens ,
utiles à ceux qui veulent appliquer le même genre de critique à des
objets plus relevés. Aussi nous sommes fort loin de partager le dédain
que M. Hermann , critique d'ailleurs si profond et si spirituel , montre
pour ce qu'il appelle des minuties. Par fefkit, il y a telle explication
exacte et complète d'une de ces minuties qui sert plus la philologie et
la connoissance des usages anciens, que beaucoup de conjectures ha-
sardées sur des 'passages altérés de tragédies grecques. D'ailleurs tout
travail consciencieux, entrepris par un homme profondément versé
dans la matière, et qui n'y met ni prétention déplacée, ni charlatanisme,
ne peut qu'être utile dans la sphère , quelque étroite qu'elle soit , où
l'auteur se renferme. II mérite les égards et la reconnoissance de qui-
conque ne se laisse point égarer par un esprit trop exclusif, ou par
quelque éloignement , soit pour lapersonhe de l'auteur, soit pour le
sujet qu'il a choisi.
Entre autres observations que contient la préface , on distingue celle
qui regarde la méthode à suivre pour restituer ce genre de textes. On ne
doit pas se donner une* aussi libre carrière que lorsque Ion corrige le
texte d'un ancien écrivain ; et la raison en est simple : c'est qu'il n'y
a qu'un ou deux intermédiaires entre l'auteur de l'inscription et le
critique. II faut donc s'écarter fort peu des traces marquées, avoir
égard aux intervalles , et éviter sur- tout de vouloir absolument
trouver des vers parfaits. Beaucoup de ces pièces ont été composées
par des gens peu habiles dans la versification, qui se sont permis
bien des licences. A côté d'un vers excellent, qui peut-être n'est
qu'une réminiscence, s'en trouve souvent un mauvais , qu'il ne faut pas
I
tenir à rendre trop bon ; car on n'auroit plus celui de l'auteur. Les
seuls cbangemens qu'un critique judicieux se permettra, se borneront
à rectifier les erreurs qui proviennent de la confusion des lettres de
même forme ou des syllabes de même prononciation) ou ces lapsus
qui dévoient échapper souvent aux lapidaires illettrés qui gravoient
les inscriptions. Faute de se renfermer, à cet égard, dans les limites
d'une saine critique, on a souvent refait des inscriptions qu'il failoit
se borner à rétablir.
Les deux cent quarante inscriptions que contient ce recueil sont
divisées en trois classes, sepulcralia, anathematica et promiscua ; et
dans chaque classe , l'auteur a distingué celles que fournissent les
marbres, cippes ou sarcophages, de celles qu'il a tirées des livres im-
primés.
La première classe est la plus nombreuse : elle en contient cent
seize , dont cànt quatre tirées des marbres ; le reste consiste en courtes
épitaphes tirées des anciens auteurs. M. Welcker se contente de donner
le texte en lettres courantes; mais il transcrit dans ses notes, en
capitales, les leçons qui peuvent être l'objet de quelque remarque ou
donner lieu a des difficultés. Par ce moyen, on juge des motifs qui
l'ont détermine à lire de telle ou telle manière. Ses observations sont
courtes et substantielles , rédigées à-peu près dans le genre de celles
que M. l'r. Jacobs a jointes à l'Anthologie palatine , mais un peu plus
développées.
Nous avons dit plus haut que ce recueil renferme toutes les inscrip-
tions en vers qui se trouvent dans la collection de M. Boeckh. Lorsque
ce profond critique, presque toujours heureux dans ses restitutions,
a passé sur un monument de ce genre, ce qu'on peut faire de mieux
ordinairement, c'est de le suivre. Quant aux explications , comme il
s'est imposé l'obligation d'être fort concis , il peut être quelquefois à
propos, dans un travail spécial comme celui de M. Welcker, d'ajouter
quelques développemens à ce qu'a dit M. LJoeckh , qui se contente
de toucher les points les plus saillans, et de résoudre les difficultés
principales. Si ceux qui lui ont fait un reproche de cette concision,
avoient voulu songer à l'immense carrière qu'il parcourt, ils l'auroient
loué d'une sobriété qui est une preuve de plus de son excellent juge-
ment. M. Welcker complète fort souvent et avec autant de critique
que d'érudition le travail de son prédécesseur.
H est un bon nombre des ipigrammes de cette première partie qui ,
sans être inédites , n'ont jamais été traitées par personne , et que
M. Welcker explique pour la première fois; telle est une inscription
;e* JOURNAL DES SAVANS,
du musée réyat ( ni* 578 ) , relative à un gladiateur, difficile à lire et
à comprendre: ( in* 4? ) > et qu'if expliqué dans un commentaire fort
Audit » où H donne tfîntéressans détails sur les combats de gladiateur*
dm les Grecs. Nous lui recommanderons Une antre inscription du
Même genre qu'il n'a pas connue, et qui a été trouvée près de Sagâlassus
f*r M. Ârundel (1) ( n.° aol. L'hiscription ( n.° 5 1 ) est fort difficile
klite; les restitutions et suppiémens de M. Velcker annoncent autant
de sagacité que de connoissance dans la langue. Quelques-unes laissent
des doutes; mais il n'est pas facile de mettre autre chose en place;
et f exemple d'un savant helléniste qui s'est trompé plus d'une fois assea
gravement , eh voulant faire mieux que M. Velcker, montre qu'en
<e genre, comme en tout* il est souvent difficile de faire mieux que
celui que Ton critique.
II est une inscription à laquelle M. Velcker met beaucoup d'in-
térêt , parce qu'elfe est gravée sur un monument funéraire trouvé aux
environs de Bonn: elle a été publiée d'abord dans Fiais ( 1 8 ai , 1. 1),
et dans l'ouvrage de M. Dorow intitulé Denkmal germanischer und
tûmischer ZiU in dtn Rhtfa. Wtstphâl. Provin^en, tome I, pag. 5 1. Elfe
a déjà été expliquée par M. Grotefènd ; mais sa leçon jpst inexacte en
plusieurs points, comme le prouve lefac simite qu'en donne M. Velcker.
Là restitution qu'il en propose est très-satisfkisahte. L'inscription se
OGfeppose de trois hexamètres suivis d'un pentamètre; fi s'agit d'une
femme de Thessalonique , nommée Hyle. Sur le devant du sarcophage ,
eft sculptée une petite chienne. M. Velcker pense qu'il y a là un de ces
feux de mots assez communs dans l'antiquité ; ainsi, on avoit sculpté un
lion (xi*v ) sur le tombeau d'un individu nommé Léon ; une lionne
(xitufàt) sur celui de Leana; une génisse (fd/uaXtç) sur celui d'une femme
nommée Dama lis; un sanglier ( aper ) sur celui d'un homme appelé
Aper, &c. De même ici, la figure de fa petite chienne peut se rapporter à
la ressemblance du nom propre Hyle (ta*) avec les mots Cxar ou
vhtmtiïp , aboyer.
Au reste , ce que cette inscription offre de plus remarquable, c'est
d'avoir été trouvée près des bords du Rhin. M. Velcker la regarde,
sous ce rapport , comme unique.
il a inséré , dans cette partie de son ouvrage , une inscription que
M. PouquevrHe a copiée au couvent d'Arotina, qu'on croit être sur
remplacement d'Erineum en Doride. D'après son contenu, ce seroit
(1) A Visit to the sevtn churches of Asie; London, 1828.
AOUT 1830. Soj
une épitaphe de Calchas dit Mopsus. M. Welcker la donne avec la
restitution la plus probable. Il ne doute cependant pas, non plus que
M. Jacobs, qu'elle n'ait été fabriquée avec une scholie de Tzetzès sur
Lycophron: si les moines d'Arotina la conservent avec si grand soin,
c'est sans doute comme une preuve que leur couvent occupe l'emplace-
ment de la métropole dorique. Celte opinion nous semble préférable
à celle de M. Boeckh [Corp, iriser. n.° 759) , qui la croit antique, mais
fabriquée après coup à l'époque romaine. Il n'est ptis facile de deviner
quel intérêt on pouvoit avoir alors à forger une inscription pareille.
Quoi qu'il en soit, vraie ou fausse, nous dirons qu'elle n'avoit aucun
titre à entrer dans ce recueil; car elle n'est point en vers. La collection
de Pococke a fourni plusieurs inscriptions a M. Welcker, qu'on n'avoit
pas crues être en vers , tant la leçon en étoït altérée. J'en ai déjà relevé
une dans ce journal ( 1 ) , et M. Welcker l'a reproduite . Malgré ses soins,
il en a encore laissé échapper une autre; elle est de Smyrne, et com-
mence par l'hexamètre : tri* wflç ngaix** **«tÔv owb/m WA Tutpùra [2).
Au reste, cette partie du recueil de M. Welcker est celle qui
doit le plus s'accroître : il n'est pas de voyage dans un des pays où
s'étoit répandue la langue grecque, qui n'en fasse connoître quelques-
unes de nouvelles. Quoique l'auteur ait mis tout le soin possible à se
tenir au courant de ce qui avoit paru , on pourroit déjà, avec ce qui a été
découvert depuis , faire un supplément assez considérable. Je me con-
tenterai de citer celle qu'a publiée M. Raoul-Rochette dans ses Monu-
mens inédits, d'après M. Léon de Laborde, qui l'a trouvée à Sakkarah,
et que M. Welcker a reproduite dans sa réponse à la critique de
M. Hermann : la leçon èm\â$efvit que M. Welcker substitue à celle
d'tutys»* est autorisée par l'original, qui porte bien distinctement
A*PONA. Je citerai encore une inscription de trois vers qui est dans
le musée royal égyptien -, elle vient d'Egypte , et a peut-être été trouvée
à Lycopolîs :
Uinfii fur fui ici Avxa'v -TTcXtç. €ltv J LAj^u&t ,
€ixan H&\ ivî xSpa ign*9C%9&5*i( irtcurr*-
♦e/Ceu X&l Meuoïr 0 Stpa-J. MfMMf£É| i/*nr.
« Ma patrie est Lycopolîs; mon nom est Elémon, et j'ai été enlevé
» par la mort à vingt et un ans; serviteur de Phœbus et des Muses,
» j'étois célèbre en tous lieux. »
(0 i»»S. P- 399--W Pag- 24, n.* a3-
%
5o4 JOURNAL DES SAVANS.
. Sans cette inscription , le nom de ce poète ci fibre n& seroit point
venu jusqu'à nous.
La seconde partie , comprenant les <tr<tStp*ni} ou didicatoires , en
renferme soixante-cinq , dont cinquante-quatre tirées de marbres : Tune
des premières est l'inscription du musée Nani , gravée sur une colonne
striée , regardée comme des plus anciennes par Vilioison ei Lanzi ; elle
est for t difficile , et Pihterprétation de M. Welcker diffère en quelques
points de celle de M. Boeckh. Dans son érudit commentaire, il
explique plusieurs locutions, entre autres %iw yfairm îr o*rX?> et
généralement tiniw yf*m*m> qui ne s'entend que d\me figure peinte ,
quoi qu'en aient dit quelques critiques. II auroit pu rappeler les observa-
tions de AL de Koehîer ( i ). M. Welcker se sert, à cette occasion , d'un
passage fort souvent cité de Plutarque dans la vie de Périclès , où il est
question des divers genres d'ouvriers qui travaillèrent au Parthénon :
fyydw™* *w«**nM , ToptvW (a). Les diverses corrections de ce passage ne
sont pas satisfaisantes. M. Welcker entend par Cat^tïç ceux qui pei-
gnoient les statues» Caftîç \id*r; et il joint hxiçarnç avec Ç*y&pu :
mais on ne peignoit pas l'ivoire ; (Tailleurs qu'est-ce que fyvrov (j&k*xihf% ç!
H y a déjà long- temps que j'ai proposé de lire, en changeant la ponc-
tuation, C&QtTç Xfva™> (JufauriipK ixifmrnç, aux qui teignent l'or ( c est-
à-dire qui préparent Yor de couleur si usité dans la toreutique ) , ceux qui
amollissent l'ivoire : c'est en effet par un amollissement successif qae les
anciens rendoient fivoire capable de se plier aux divers usages auxquels
ils fempioyoient. De là, les expressions /ua\<t<mtv ixiçetmty et ars mol-
liendi eboris ( 3 ) , pour indiquer ces opérations. Je soumets cette expli-
cation à un savant aussi profondément versé dans l'histoire de 1 art chez
les Grecs que dans celle de leur langue.
. Je trouve dans un voyage récent , celui de M. Beggren , une courte
inscription en vers qui concerne encore un poète inconnu ; elle a été
trouvée à Panorme , près de la Propontide :
ArA0HITTXHI
IIOIHTHNEÏTHSAN
AIlAMEÀMAHIMONASrOI
APAM&NON AOIflN
(1) Remarques sur les antiquités du Bosphore Cimmirien, pag. 123, 124. —
(%) In Pericl. $. 12. — (3) Schneider ad Eclcg. vhys. p. 16. — Ruhkopf
ad Senec epist. xc, S- 3*. — Quatr. de Quincy, Jup. Olymp, p. 418.
AOUT 1830. îos
ITEMMATOATMniAûnN.
Y\atinnv 'motte Avmfita MÀ^ifter ainat
àfttutror Jhîar nfifi.cn Ohv fA-Ti 1 «JW .
« Les ciioyens ont élevé ce monument au poêle Maxime
» d*Apamée, qui a remporté les couronnes de deux olympiades. » Vrai-
semblablement ce poète avoit eu le prix de poésie , deux fois , dans les
jeux olympiques qui se célébroient a Smyrne en l'honneur d'Adrien ;
car je ne pense pas qu'il s'agisse des jeux de l'Elide.
Viennent ensuite les deux inscriptions des casques trouvés à Olympie;
l'une d'elles relative à Hiéron , et expliquée, pour la première fois ,
par M. Boeckh. J'avoue que je ne puis me persuader qu'elles soient
des vers. L'espèce de rhyihme et de mesure qu'on trouve dans la
réunion de quelques mots , n'est point un effet de la volonié de ceux
qui les ont écrites; ces mots se seront présentés naturellement ainsi à
leur oreille façonnée au rhythme poétique. Là se trouve encore la
belle inscription de Catilius Nicanor, en l'honneur d'Auguste, copiée
à Philes par M. Hamilton et M. Gau. Il ne restoit d'incertain que la
date; elle vient de m'être fournie par une bonne copie qu'a prise
M. Lenormand. Cette date est de l'an 23 d'Auguste, c'est à-dire , de
l'an 7 avant notre ère.
Cette partie est terminée par l'inscription gravée sur un des doigts
du grand sphinx, copiée par Caviglia, et restituée par le D.' Young
dans le Quaterly Rtv'uw. Il y a déjà quelque temps qu'on me pria de
passer au musée royal égyptien, pour y voir quelques blocs de pierre
qui venoient d'arriver, et sur lesquels étoient gravés des caractères
grecs: la surface de ces blocs qui porte les caractères est sensiblement
bombée. Les premiers mots que je distinguai m'apprirent qu'ils faisoïent
partie d'une inscription en vers : mettant les blocs bout à bout, je
reconnus bientôt celle que Caviglia avoit copiée sur le doigt du sphinx ,
et je me convainquis que les huit blocs que j'avoîs sous les yeux,
faisoient partie de ce doigt lui-même , qu'on avoit coupé en plusieurs
fragmens pour pouvoir le transporter. Malheureusement il en manque
quatre pour compléter finscription, soit qu'on les ait laissés sur le
lieu, soit qu'on les ait égarés en chemin; en sorte qu'il ne reste
que sept ou huit lettres des quatre derniers vers , qu'il est impossible
de rétablir. La restitution qu'en a donnée le D.' Young est tout-à-
fait hypothétique : pour les premiers vers , elle est exacte ; il y a quelques
différences dans les vers j-j, qu'il faut lire ainsi :
SSS
y_
>od JOURNAi*DBS SXVANS,
>iiW« TlvpetfûJhév W»r dm* ilêÊf nattes ,
otî 7*? OtJhmJko C&ivwnroï mç *m feitou*,
vrtf Ji d*2 Arro srgptfisikir myéowu^.
.... 7*&u<mv Twm&piwtt feiAor. <&nttA* {*\
y&inç Alynrmo (2) ffi&quov iyniifùL.
« ...;. . Çç voisin que les dieux ont donné aux pyramides , n'est point ,
»^otnme àT^hèbés, fe sphinx horpicide cf (Edipe \ c'est fe suivant vénéré
» de Ja déesse Latene, c'est le râfdiep du désiré et boh'Osiris , roi
* 1 ■ J^i ' ^^ I*..' i * ' ' ' I B a
» vénéré de la terre a Egypte. » l
» Ainsi, fq possédant cette inscription, le musée royal égyptien
possède fln des doigts du grand sphinx.
T f|jA troisième section, intitulée epigrammata promiscua, renferme
tputes les inscriptions Çui ne sor^t ni funéraires, ni dédicatoires ;
M. Velcker y a réuni .pruicipaleipçnt des hommages religieux ou
7jyçcx¥*»'ff47* ». qui peut-être auroieitt été' aussi bien placés dans là
précédente , .comme l'inscription dû sphinx*
La première est l'oracle copié1 à rergame par M. le comte de
Y*du*, et dont il a été question dans ce journal. II étoit difficile à tire
ex à comprendre, et aussi intéressait pour le fond que pour tes détails.
Lgs pfincîpales des autres sont dès inscriptions trouvées en Egypte et
en Nubie , plusieurs déjà connues et expliquées ; par exemple , une de
Philes, expliquée par M. Niebuhr (3), une autre de la même jfe,
expliquée dans les Recherches sur l'Egypte (4): celle-ci n'avoit droit
à entrer cfcns le recueil de M» Velcker que parce qu'elle est précédée
<Tun vers ; car le reste est bien certainement de la prose , et je ne vois
pas pourquoi M. Welcker a disposé les deux dernières lignes comme s'il
les croyoit des vers. Enfin il y en a une autre , rapportée par M. Gau et
déjà expliquée dans ce journal ( j ) , de même que deux inscriptions du
temple d'Hermès à Dekkeh (6) : l'une est cette inscription, si mutilée,
d'un stratège venant adorer le dieu. M. Welcker a reproduit le texte
que j'en ai donné. Dans les deuxième et troisième vers, il change la
ponctuation. J'avois lu :
• . m «fi , ctr«£ Sr%*juJb(> U (mJ\uç
Ahv*v*]r (?) 7% u*t*%v ^H A$dtl[wm na-mç >»*]•
U sépare XruÇ de irûduJk , mais à tort , je pense. Une nouvelle copie 9
plus exacte et plus complète que celle de M. Gau , prise par M. Ch.
*— y#*l 11 11 ■ » ' ■ \ ■■« 1. H ■' " " " • ' ' *
(l) Yotwg iWitf. — (a) Vouag Aiytwéw. — (3) Gau, Inscr. nub. XJI,
».• 41. — (4) Page 470- — (j) *8*j„ page 103.— (6) 1824, P*g« 3°*-
— (7) Trisyllabe par syoéirèse. ,
AOUT 1830. < $07
Lenormand , en confirmait pleinement h leçon U IhJhh , donne pour
l'autre vers. . . .NTEMETAKTKAïAieion^N. . . .epmh. La leçon dés
deux vers devient ;
an Â9 cttct% ^lAxie^f, oç fuJiac
AïyuTrriaijf 7% (têTctÇv ^ Albion»* [>»*}, Afpiiïm. .
Le complément de jaJW est y#*,et l'expression yi fct7«£v Aiymém
7% *# hibtoTWf désigne fa mèpne chose que hlylnmo fwtfi» &* Atàuwv
dans une autre inscription de Dekkeh. J'ajoute qu'au quatrième vers »
la leçon %vx^H9 que j'avois proposée pour les lettres T<>. • .NOÇ, est
Confirmée par lai nouvelle copie , qui. donne XOMCNOc
. Les quatre dernières inscriptions de cette partie sont du nombre
de celles qui ont été gravées sur le colosse de Memnoa. 1/uue d'elles est
l'Inscription du pt>ê.te homérique Arius (car c e$t Jà sop nom, d'après les
copies de Sait, et non. Argius)y expliquée et, commenté? dans ce
journal ( 1 ) ; la Seconde a été déjà expliquée par AL Jacobs , dans son
Mémoire sur Mfemnon : de la troisième, M* VeJcfcer ne donne que
ce seul vers Stiôr*™ *iî*7wp iftfifXm àfl/wtrof l\to> qui e$t en effet
dans f ouvrage . <fo JabJonslti et dans la Description de Thèbes;. mais
cette ligne évidemment ne tient k rien; elle se trouve au milieu de deux
autres lignes sur la copie de Pocockfc, que M*. Jacobs a essayé , mois
en vain , de restituer* Ces trois lignes sont inséparables > et il faut les
lire ainsi :
€i {£&) AoCiitSJjpfc iXu/»y vclv\t9 *oXo]wàr ,
StKni-rw rt/*«wp Ipèpir ïm h/Lijjûrwoç ih&w*
■ ' titXvor iç KflbwAof (4) *t*pç 0 e»G*fcfrfi »
Ce Catulus étoit un épistratége d* la Thébajde* ou chef militaire et
civil de la haute Egypte. . > .
. Enfin la quatrième est celle qui a été gravée sur la face sud du
piédestal, et qui a été mise à découvert par les savans français lors de
la fouille entreprise pour retrouver le sol antique. M. Welçker reproduit
l'excellente leçon que M. fioissonade a donnée des quatre premiers
yers ( $ ). Une autre copie de Sait , qui m'a été communiquée , contenant
quelques traits de plus que celle de M. Girard , m'a fourni te moyen
d'en restituer douze vers; et au. lieu d'un fragment sans suite, on a
*^*n^^*+m
(s) i8*3vP* 7Ji-7î8*t-(2) wertlweffceftimedensIIorMt^^i,nwAit, parce
411e cette dfrpbthctaguc exprime ua u bréf ; CatitUis ,' Pesthumuf , Fùdeuf. -<-
(3) Comment, epigraph. ad caU L. H. epist., p.
$$$ 2
5*8 JOURNAL DES SÀVÀNS,
maintenant Tune des plus curieuses de* inscriptions du colosse de
Memnon (i).
Si nous n'avions craint de rebuter les lecteurs par trop de discussions
grammaticales , nous aurions pu citer bien des passages où ils auroient
pu juger par eux-mêmes des heureux résultats de (a sagacité de
M. Welcker: le peu que nous en àVoris dit' suffira, nous l'espérons,
pour lés faire apprécier/ La même raison nous empêche de le suivre
dans sa polémique contre M. Hermann : le litre de la brochure que
notfs avons transcrit en tète ( Exposé 'des malheureuses conjectures du
Pr. Hermann) , n'annonce pas un ton. de discussion bien doux; fe
texte répond assez bien au titre. On en jugera par le passage où il
annôhce <* qu'il a prouvé clair comme ie jour que la critique , en fait
» d'inscription, ne sauroit être exercée plus de travers (nickt verkekrter
» ausgeufa utierden konnte) qu'elle ne l'a été par M. Hermann dans la-
» dite Récension ; que cette Récension contient plus de choses incon-
» sidérées ( Uebereilungen ) , d'erreurs et d'inepties { Ungemmtheiten ) ,
n que peut-être aucun philologue n'en poùrroir réunir à-la-fois dans un
» espace aussi jresSerré. » Le reste *est plus ou moins dans ce goût.
M< Wefcker s'en extuse, et se rejette sur \* partialité de son critique,
qui aura voulu frapper du même- coup et Fauteur de la Trilogie
d'Eschyle et l'éditeur de Pindaraf I est vrai que M. Hermann n'a pas
été^parftitemerït juste envers ce dernier, dans sa Récension Aw Corpus
inscriptionum , quoiqu'il soit plus que personne en état d'apprécier fe
mérite de cet ouvrage colossal, véritablement hors de ligne , par
l'immensité des matériaux qu'il réunit, par la profondeur de critique
de son auteur , qui embrasse , avec un succès égal , toutes les branches
de la philologie grecque. Je ne connois la Récension que M. Her-
mann a faite du Sylloge de M, Welcker , que par les extraits que
celui-ci en a donnés ; ils suffisent pour montrer que la discussion des
inscriptions grecques n'est pas aussi familière à l'illustre auteur des
Elementa doctrinœ metrica que celle des anciens poètes. Qu'on me per-
mette de borner là mes observations. Mais je ne puis m'empêcher de
manifester, en terminant, le regret de voir un homme que la finesse
de son esprit autant que la profondeur de son savoir rendent si bien
fait pour apprécier le mérite des autres, se mettre à poursuivre des
philologues si distingués, de critiques dont le moindre défaut est de
\
(i) Mon mémoire sur tontes les inscriptions de Memnon s'imprime en ce
moment dans le tome II des Transactions de la Société royale de littérature
de Londres.
AOUT 1830. 509
n'être pas toujours justes, au Heu de s'unir avec eux par les liens de cette
bienveillance mutuelle si profitable aux progrès de la science. Les
hommes comme lui, capables de ces recherches profondes et con-
sciencieuses qui seules peuvent en reculer les bornes, devroient réserver
leurs forces pour ces honorables et utiles travaux. Tout au plus doivent-
ils s'en laisser distraire de temps en temps pour rendre aux lettres le
service de démasquer l'ignorance présomptueuse» la médiocrité intri-
gante ou le charlatanisme protégé , et de défendre le mérite contré les
jugemens intéressés des coteries.
LETRONNE.
NOUVELLES LITTÉRAIRES,
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
( Suite des prix proposés par l'Académie des sciences).
V. Prix de physiologie expérimentale fondé par M. de Montyon : une me»
daille d'or de ia valeur de 896 fr. sera décernée, le premier lundi de juin
1831, à l'ouvrage imprimé ou manuscrit qui aura le plus «contribué aux
progrès de la physiologie expérimentale.
VI. Prix de mécanique fondé par M. de Montyon , médaille d'or de 500 fr, ,
pour l'invention ou le perfectionnement des machines ou instrumens utiles
aux progrès de l'agriculture, des arts et des sciences. Les ouvrages, modèles,
appareils, &c. , doivent être envoyés avant le i.cr janvier 1831.
VII. Prix de statistique fondé par M. de Montyon : l'Académie considère
comme admis à ce concours les mémoires manuscrits qui lui sont envoyés avant
le même i.er janvier, et les ouvrages imprimés dont on lui donne conoois-
sance.
VIII. Question de médecine : « Déterminer quelles sont les altérations physi-
» ques et chimiques des organes et des fluides, dans les maladies désignées sous
» le nom de fièvres continues ; quels sont les rapports qui existent entre les mala-
» dies et les altérations observées ; insister sur les vues thérapeutiques qui se dé-
» duisent de ces rapports. »
IX. Question de chirurgie. « Déterminer , par une série de faits et d'observa-
tions authentiques, quels sont les avantages et les inconvénients des moyens
» mécaniques et gyranastiques appliqués à la cure des difformités du système
^osseux. »
5io JOURNAL DÈS SAVANS,
: m Désirant qae cette question » d'une utilité pratique et immédiate > toit
résolue aussi complètement qu'il est possible, l'Académie demanda aux conçu*»
rçns: i.° la description générale et anatomique des principales difformités qui
peuvent affecter la colonne vertébrale, le thorax, le bassin et les membres;
2.* les causes connues ou probables de ces difformités , le mécanisme suivant
lequel elles sont produites, ainsi que l'influence qu'elles exercent sur les fond-
rions et particulièrement sur la circulation du sang, la respiration, ife
digestion et les fonctions du système nerveux; 3.0 de désigner d'une manière
précise celles qui peuvent être Combattues, avec espoir de succès., par l'emploi
aés moyens meta niques, celles qui' doivent l'être par d'autres moyens, enfin
celles qu'il seroit inutile ou dangereux de soumettre à aucun genre de traite-
ment; 4-* de faire connoître avec soin les moyens mécaniques qui ont été
employés jusqu'ici pour traiter les difformités , soit du tronc , soit des membres ,
en insistant davantage sur ceux auxquels la préférence doit être accordée. La
description de ces derniers sera accompagnée de dessins détaillés ou de modèles,
et leur manière d'agir devra être démontrée sur des personnes atteintes de
difformités. Les concurrent devront aussi établir, par des faits les améliorations
obtenues par les moyens mécaniques, non -seulement sur les os déformés , mais
sur les autres organes et sur leurs fonctions, et en premier lieu sur le cœur, le
poumon, le système digestif et le système nerveux. Us distingueront, parmi les
cas qu'ils citeront, ceux dans lesquels les améliorations ont persisté, ceux où
elles n'ont été que temporaires, et ceux dans lesquels on a été obligé de sus-
pendre ou d'abandonner le traitement, à raison des accidens plus ou moins
S raves qui sont survenus. Enfin la réponse à la question devra mettre l'Aca-
émie dans le cas d'apprécier à sa juste valeur l'emploi des moyens mécaniques
et gymnastique* proposés pouf combattre et guérir les diverses difformités du
système osseux. «
* La valeur de chacun de ces deux derniers prix ( VIÏI et IX ) dé médecine
et de chirurgie', sera de 6,000 fr. Les mémoires devront être remis au secrétariat
de l'Institut avant le i.er janvier 1832.
L'Académie française a tenu sa séance publique ordinaire le 2j août.
M. Parseval-Grandmaison a prononcé, en qualité de président ou directeur,
un discours sur les prix de vertu , qui ont été distribués comme il suit : à
Simon Albouy, de Rodez, 4°° fr*'> à la demoiselle Barreau, de Cahors,
3,000 fr.; à la veuve Meyer, de Béfort, 3,000 fr.; à seize autres personnes,
seize médailles de 600 fr. chacune: total 19,600 fr., provenant de l'une des
fondations Montyon.
Quinze mille francs provenant des libéralités du même fondateur, ont été
employés, par l'Académie française, à soulager les veuves, les orphelins et les
blessés victimes des journées des 27 , 28 et 29 juillet.
Les prix Montyon destinés aux ouvrages les plus utiles aux moeurs, ont été
décernés dans cet ordre : premier prix ( 8,000 fr. ) à M. Say , auteur d'un Cours
complet d'économie politique pratiques deuxième prix (6,000 fr, ) à M. Ch.
Lucas, pour son livre sur le Système pénitentiaire en Europe et aux Etats-Unis ;
troisième £rix {3,000 fr.) à M, Norvins, pour, un poëme iixt f Immortalité de
Vame ; quatrième prix (2,000 fr. ) à M. Alissan Chazet, pour un ouvrage
intitulé Des abus , des lois et des mœurs, précédé d'une Vie de Aï. de Montyon.
, AOUT 1830. jii
C'est de ce même bienfaiteur que proviennent les 10,000 fr.# valeur d'un prix
proposé dès 1827 Pour 1829, et qui n'a point encore été décerné. Le sujet est
énoncé en ces termes: De la charité, considérée dans son principe, dans ses
applications, et dans son influence sur les mœurs et sur l'économie sociale. Les
ouvrages destinés à ce concours devront être envoyés avant le i.eT février
183 1 ; ils ne seront point rendus aux auteurs , qui auront seulement la faculté
d'en faire prendre des copies. Chaque manuscrit portera une épigraphe, répétée
sur un billet cacheté où sera le nom de l'auteur, qui, dit le programme, ne doit
point se faire connoïtre. Ces dispositions sont communes aux concours dont les
annonces vont suivre.
Prix d'éloquence: l'Éloge de Lamoignon Malesherbes; sujet remis an
concours pour 1 83 1 , aucun des ouvrages présentés en 1 830 n'ayant pleinement
satisfait l'Académie, qui toutefois a distingué le n.° 8, portant pour devise ?
incorrupta fides nudaque veritas.
Prix de poésie : la Gloire littéraire de la France. Le genre et la forme du poëme
sont laissés au choix des concurrens. « Notre langue a depuis long-temps ,
»> dit l'Académie française, l'honneur d'être, en quelque sorte , la langue uni-
» verselle de f Europe: cet avantage lui appartenoit dès le xi.c et le xil.e siècle;
» elle Ta toujours conservé , et même il n'a pas cessé de s'accroître. Le siècle
» ouvert par Corneille a répandu notre idiome et notre littérature dans tout le
» monde civilisé: par-tout on a imité nos poëtes, traduit nos auteurs. Le
w siècle de Voltaire a encore ajouté à notre gloire littéraire; Montesquieu,
i»J. J. Rousseau et plusieurs autres écrivains français du xyni.e siècle, ont
» préparé, secondé ce grand mouvement des peuples vers un meilleur ordre de
» choses en politique et en morale. Toutefois quelques étrangers se sont élevés
» contre cette grande renommée littéraire, et malheureusement ils ont trouvé
» en France même des auxiliaires; ils ont particulièrement attaqué la gloire de
» notre théâtre tragique, se figurant sans donte que, s'ils parvenoient à enlever
» ce poste important , ils pourraient se rendre les martres et se proclamer les
» vainqueurs de tout le parnasse français. Il s'agit de s'opposera cette invasion,
»qui a quelque chose de barbare; de combattre pour nos autels et pour nos
» foyers. L'Académie propose à nos poëtes de traiter un sujet qui semble
» appeler leur patriotisme et leur talent , comme étant tout-à-la-fbis national
» et littéraire. » Ce concours ne sera fermé que le 1 5 mai 1 83 1.
En 1832, l'Académie décernera un prix extraordinaire de io,joo francs
(Montyon) k l'auteur qui aura le mieux exposé l'influence des lois sur les
mœurs, et Vinfluence des mœurs sur les lois. Ce sujet étoit proposé pour 1830:
un seul ouvrage a mérité une mention honorable; c'est le n.° 5, ayant pour
épigraphe ces mots extraits des Mémoires de Sully: Si j'avois un principe à
établir, ce seroit celui-ci, que les bonnes mœurs et les tonnes lois se forment
réciproqL ement.
Après l'annonce des prix décernés et proposés, M • Andrieux a lu un poëme
intitulé l'Enfance de Louis XII et quelques traits de sa vie/ M. Leraercicr , un
poëme lyrique, ayant pour titre le Triomphe national. Le recueil de tout ce
<jui a été lu en cette séance a été imprimé chez M. Firmin Didot , 35 pages
L'Académie française a perdu fun de ses plus anciens membres, M. le
Ïi2 JOURNAL DES SAVANS.
comte de St'gur, aux funérailles duquel des discours ont été prononcés par
MM. Parseval-Grandmaison et Arnault.
M. Parseval. « Pressé du besoin d'exprimer, au nom de l'Académie, le*
regrets que lui Inspire la mort de notre illustre confrère, je viens Taire à sa
dépouille mortelle un triste et dernier adieu. Naguère encore, il sembloit
nous annoncer ce fatal instant .quand nous lui donnions son fils pour collègue,
«t qu'if nous disoit d'une voix émue, que nous venions d'embellir ses derniers
jours, ne pouvant en reculer le terme très-prochain. Ces paroles , les derniètes
qu'il a prononcées parmi nous, et que les anciens eussent appelées novissi m a
verba, nous parurent un douloureux présage de la triste cérémonie qui nous
rassemble. ...»
M. Arnault. « C'est par les qualité» de l'esprit qu'un littérateur se fait
rechercher; c'est par les qualités du cœur qu'il se fait regretter. Comme
celui dont nous accompagnons ici les restes, quand un académicien meurt
après avoir glorieusement fourni une longue carrière , le charme de son talent
n est par mort pour la société ; elle le retrouve dans des écrits qui survivent
à leur auteur. Il n'en est pas ainsi du charme de son caractère ; il s'est évanoui
tout entier avec lui, et ce n'est que par le désespoir de n'en plus jouir qu'il est
rappelé à la mémoire. Tel est le sentiment que nous éprouvons sur-tout au
bord de cette tombe, prête à se refermer suri un des hommes les plus sociables
qui aient siégé parmi nous. »
Nota. On peut s' adresser h la librairie de M. Levrault, à Paris, rue de la
Harpe , n,' 8t ,- et à Strasbourg , rue des Serruriers, pour se procurer les divers
ouvrages annoncés dans le Journal des Savans. Il faut affranchir les lettres et
le prix présumé des ouvrages.
TABLE.
Bibliothèque choisie des Pires de l'église grecque et latine , ou cours
d'éloquence sacrée, par M. Afaric-Nicolas-Sitvestre Cuillon.
( Troisième article de AI. Raynouard.) Pag. 4$' ■
Notice sur lesvases et objets antiques d'argent trouvés près de Bernay.
{Second article de AI. Raoul- Kochette.) 4î9-
Chefs-d'œuvre du théâtre indien , traduits de l'original sanscrit en
anglais, par A4. H. H. IPitson , et de l'anglais en français , par
M. Langlois. (Second article de M. Abel-Kémusat. ) 473.
Les Voyages de Afaca'tre , patriarche d'Anûoche, mis par écrit en
arabe, par l'archidiacre Paul d'Alcp. (Article de M. Silvestre
de Sacy.) 487.
Sylloge epigrammatum veterum , ex marmoribus et libris , colltgit et
illustravit Fr. Th. Welckcr, ( Article de M, Letronne.) 499-
Nouvelles littéraires 509.
FIN DE LA TABLE.
JOURNAL
DES SAVANS.
SEPTEMBRE 1830.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
,1830.
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 40 fr. par la poste, hors de Paris. On s'abonne , à la maison de
librairie L&VRAULT, à Paris, rue de la Harpe, n.° 85 ; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33. Il faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouvea ux, les lettres , avis , mémoires, &c. , qui
peuvent concerner LA rédaction de ce journal , doiyent être
adressés au bureau du Journal des Savans, à Paris, rue de
Ménil-montant , n.° 22.
JOURNAL
DES SAVANS.
SEPTEMBRE 1830.
L'Ilia de , traduction nouvelle en vers français , précédée d'un
Essai sur l'épopée homérique , par A. Bignan. Paris, Belin-
Mandar, libraire, rue Saint-André-des-Arics, n.° 55 ,
2 vol. in-8.° , 1830.
*
I L est permis de cr&ire qinl est plus aisé de traduire les vers
d'Homère que ceux.de Virgile: l'Iliade laisse à ses traducteurs plus de
latitude que l'Enéide n'en permet aux siens; la poésie simple et majes-
tueuse d'Homère ne réunit pas en aussi grand nombre que les vers
élégamment travaillés de Virgile , ces beautés de détail qui exigent tant
d'art, de soins et de talent, pour être reproduites dans nos langues
modernes. Les images du poSte grec , presque toujours vulgaires ,
appartiennent sur- tout h. la nature physique; ses épithètes n'ajoutent le
plus souvent que des idées matérielles; enfin on trouve rarement dans
l'Iliade ces habiles alliances de mots, ces expressions créées, ces traits
hardiment poétiques, qui font le charme des lecteurs de Virgile.
Toutefois , si cette simplicité, je dirois presque cette nudité de style,
autorise suffisamment le traducteur moderne à ajouter quelques déve-
loppemens à la pensée ou à l'image . grecque , une pareille faculté
devient un écueil dangereux; car il faut qu'on *oit sans cesse en garde
pour rejeter tous les ornemens de i^tyle contraires au génie de la
langue originale; et plus on a de talent, plus il est difficile de ne pas
mettre l'esprit' de nos langues modernes à la place de la belle simplicité
homérique. M. Higran m'a paru manquer quelquefois h cette règle de
convenance littéraire. Je me bornerai h lui indiquer quelques passages
de sa traduction, et je ne doute pas qu'il ne reconnoisse lui-même la
nécessité de le* corriger.
Ttt 2
5i6 JOURNAL DES SAVANS,
Dans le livre ni , v. 22 1 , il peint ainsi Ulysse :
Sans remuer son sceptre, il sembloit dans son ame
D'un stupide courtoux nourrir la sombre flamme ;
Enfin sa grande voix , s'échappa ru de son sein,
De ses rapides mots faisoit voler fessai m. .
Homère n'a rien dit qui permît- d'employer la figure de Tessaim des
mots ; maïs seulement
c< Mais lorsqu'il lançoit de son sein sa forte voix. »
Au commencement du livre xvi , v. 8.
' Tu pleures ; comme on voit, près de sa tendre mère ,
La fille -qu'à son sein elle vient d'arracher,
Se suspendre à son voile, à ses pas s'attacher,
Et , vers elle tournant des yeux baignés de larmes , •
Du baiser maternel redemander les charmes.
•
Je ne ferai qu'indiquer fe contre-sens du second vers. M. Bignan sup-
pose que la mère a arraché son enfant à son sein, tandis qu'Homère
dit seulement.
. . . iff ta<suL pwrfi ùiovr avtXijùeti ajùoyit.
La fille , courant avec sa mère , demande qu'elle la prenne dans ses
bras. » Mais rien n'indique les expressions si modernes et si peu
homériques :
Du baiser maternel redemande les charmes.
Dès le premier chant, il dit, en parlant du père de Chiyséis :
Pour racheter sa fille, aux vaisseaux de la Grèce
Chry«ès avoh tramé sa plaintive vieillesse*
L'original ne fournit pas ce dernier vers , dont l'expression est plus
latine que grecque ou française.
Plus bas je puis faire la même observation sur le second vers :
Déjà, pendant neuf jours, sur le champ désoé,
Ues flèches d'Apollon le courroux a volé.
L'original porte seulement : « les flèches du dieu , pendant neuf jours ,
» volent sur l'armée. »
«c
SEPT-EMBRÉ 1830. 317
Err>f^utfp (lit ara, ç-parnp «Jfcrro *ÏA* Stoîo.
J'ai insisté sur ce point de discussion littéraire , moins pour faire la
critique des vers de M. Bignan , que pour rappeler un principe qui est
peut-être trop méconnu (1). J'avoue qu'il est très-difficile d'assouplir
assez N habilement notre langue pour reproduire avec élégance la sim-
plicité originale. La langue allemande et la langue italienne fournissent
beaucoup plus de ressources aux traducteurs des anciens classiques :
on cite pour l'allemand la traduction de Voss ; Maffei avoit rendu en
vers blancs le premier chant de l'Iliade , et chaque vers de sa traduc-
tion est exactement calqué sur l'original (a).
Cependant le caractère dominant de la traduction de M. Bignan est
une exactitude aussi sévère qu'elle peut l'être en poésie, jointe à
une élégance presque continue ; on ne peut disconvenir que , sous ce
rapport , il n'ait surpassé les auties littérateurs qui avoiènt tenté de
reproduire» en tout ou en partie» l'Iliade en vers français.
On admire quelquefois dan* Homère l'adresse de placer à la fin de
(}) Ce n'tst pas qu'Homère n'anime quelquefois son style en donnant des
épithètes morales à des objets matériels ; ainsi, au XV.e livre, v. 542, de l'Iliade,
il dit : « le dard courroucé perce le sein. »
Maïs , outre qu'il emploie rarement ces sortes de figures, je crois qu'il n'auroit
pas dit le courroux JLu DARD. Aussi M. Bignan a-t-il traduit :
Il le blesse à l'épaule , et l'airain furieux
Dans sa large poitrine entre victorieux. *
(2) En voici les premiers vers , qui permettront de juger du reste :
Canta lo sdegno del Peliade Achille ,
O dhra , atroce sdegno , che infiniti
Produsse aftànni a* Greci , e motte ancora
Anzi tempo a Plutone anime forti
Mandù d'eroi , e d'essi pasto a i cant
Fcce e agi! augclli. Ma cosi di Giove
Adempieosi il consigiio.
•
Si j'avois à comparer, sous le rapport de l'exactitude de la traduction, ces
vers avec la plupart des traductions en vers de l'Iliade, je ferois remarquer qu'il
n'y a pas un mot de l'o iginal qui ne soit reproduit par Maffei. On trouve
Achille fils de Ptlée, l'envoi des héros à Pluton avant le temps marqué par les
destins , circonstance presmie impossible à rendre en yen français avec élé-
gance et sur-tout san* une longue périphrase.
V
m
Ïi8 JOURNAL DES 6AVANS,
son récit le mot qui donne une orCe nouvelle il la phrase qu'il termine.
A ce sujet , je cite avec plaisir es vf:T$ du vi.c chant , que M. Bignaa
a traduits aimr :
Dans les rangs ennemis , on char au vol rapide
A ses regards présente un héros intrépide, •
Hector. ,
•
Cette coupe de phrase, qui rejette le mot Hfxtor au commencement
du troisième vers , rend d'une manière harmonieusement poétique la
beauté de l'original : de telles formes , employées à propos , réussissent
toujours , parce qu'elfes présentent un heureux accord de l'harmonie
et de l'image ; mais ce sont des exceptions qui , hasardées sobrement ,
apportent à l'oreille une sensation agréable , et , prodiguées sans motif,
fatiguent et indisposent le lecteur. Parmi les divers traducteurs qui ont
eu à rendre cette beauté de détail , je rapporterai la traduction de M, lie
Rochefort, qui paroît ne s'être pas douté qu'il eût & s'emparer d'un
effet poétique : •
Quand , chassant dans la plaine une foule craintive ,
Sur un char teint de sang soudain Hector arrive.
Le mot ?rip , qui termine la belle description du xx/ livre que Lohgxn
a citée et que Boileau a traduite , commençant par ces vers :
L'enfer s'émeut au bruit de Neptune eh furie, &c.
et terminée par ceux-ci :
Ne découvre aux vivans cet empire odieux,
Abhorré des mortels et craint même des dieux.
n*a pas été reproduit par M. Bignan. Dans Boileau, MÊME des dieux
ne rend que foiblement l'idée d'Homère , qu'on pourroit traduire des
DIEUX , tout duux qu'ils sont, tout immortels quVs sont> ou tout au
moins, des dieux eux-mêmes. MM. de Rochefort et Aignan avoient
conservé , avec quelques corrections , dans les premiers vers , la traduc-
tion de Boileau et le vers qui la termine :
Abhorré des mortels, et craint même des dieux.
M. Bignan, quf a tenté de lutter contre la traduction de Boileau , ne
I'a-t-il pas aî!oiLIie!
Ne dévoile aux vivans cet empire des ombres
Empire dé o!é, redoutable, odieux,
Maudit par les mortels, abhorré par les dieux.
9 # SEPTEMBRE 1830. 51^
Que devient le *ip qui est dans Homère un large coup de j>fticeau (1 ).
Pour faire connaître le genre de mérite de la traduction et des vers
de M. Bignan , je choisirai principalement les passages dont les traduc-
tions furent présentées en 1776 et en 1778 au concours de poésie de
l'Académie française. Dans celui de 1 776, l'Académie avoit laissé au gré
de£ auteurs la traduction en vers alexandrins d'un fragment de l'Iliade.
Le prix fut partagé entre MM. Gruet et André de Merviile, qui s'étoient
exercés l'un et l'autre sur les adieux d'Hector et d'Andromaque. Les
adieux d'Hector et d'Andromaque ont l'avantage de fournir.*- la-fois le
dramatique et le pittoresque , et un bon traducteur peut faire preuve
d'un talent varié.
La traduction de M. Bignan m'a paru élégamment poétique ; \l a
conservé la couleur originale, et je lui ai su gré d'avoir interverti l'ordre
des Vers "d'Homère , qui peignent le jeune Astyanax se rejetant au sein
de sa nourrice :
Le jour vient, je le sent dans le fond de mon ame,
Où tomberont les murs de la sainte Pergame;
Où Priam et son peuple, Hpcube et ses enfans,
Périront, égorgés par les Grecs triomphans ;
Où , vaillans et nombreux , nies trop malheureux frères
Céderont la victoire à des /nains étrangères.
Eh bien ! tant de revers m'inspirent moins d'effroi
Que l'image des maux accumulés sur toi,
Lorsque biegtôt, pleurant ta liberté chérie,
Par un Grec arrachée à ta douce patrie ,
Tu viendras, sous les lois d'une femme cTArgos/ .
Captive , ourdir Ja toile et tournef les fuseaux ....
Ah! qu'en ses flancs profonds la terre m'engloutisse ,
Avant que jusqu'à moi ta douleur retentisse!
A ces mots, le guerrier , doucement attendri,
. • S'apgroche , étend les bras vers son enfant chéri;
Mais du casque d'airain l'aigrette frémissante
Sur la tête d'Hector t'agite menaçante;
Au sein de sa nourrice alors l'enfant craintif
Se rejette, et sa bouche exhale un cri plaintif.
MM
(1) Cesarotti semble n'avoir pas senti l'original, lorsqu'il a traduit
■ < ■ <
I ruggmosi suoi «quaîlîdi âlhetghi
Abbominio dcl ciefo , orrtir dei mondo.
V-
jio JOURNAL-DES SAVANS, '
Pour les yeux maternels ce spectacle a des charmes ; ~
Hector même, en voyant ses naïves alarmes, •
Sourit, et devant lui dépose, au même instant , »
Le casque surmonté du panache éclatant;
11 soulève son fils , le contemple , et l'embrasse :
« Jupiter, et vous, dieux! protecteurs de ma race! &c. »
Si toute la traduction étoît écrite de ce style , elle sertit presque digne-
d'éloges sans restriction. Sans doute la citation dé ce fragment donne
une idée avantageuse du talent de M. Bignan; mais j'y remarque sur-
tout {Interversion des vers d'Homère , dont j'ai déjà parlé. M. de Roche-
fort avoit fendu ainsi f original :
Hector étend ses bras , s'avance vers son fils;' •
Mais Tentant s'épouvante , il pousse de grands cris ;
Au sein de sa nourrice il se prçsse et se cache;
II frémif à l'aspect du terrible panache
Pont l'aigrette superbe et les touffes de crin
S'élèvent en flottant sur le casque d'airain, * .
L'époux, en regardant son épouse plaintive,
Avec elle sourit de sa frayeur naïve. ^ • • •
Aussitôt, découvrant son front majestueux,
Hector pose à l'écart son casque radieux ; #
11 retourne à son fils, l'embrase, le caresse.
Si le traducteur conserve Tordre des *ers <THdïnère, qui fait rejeter
au sein de sa nourrice le jeune Astyanax au moment où Hector lui
tend les bras , on éprouve un^premier sentiment pénible , en songeant
que le fils d'Hector repousse les caresses de son père, puisque Homère
n'indique la cause du mouvement de l'enfant effrayé qu'après qu'H s'est
caché au sein de sa nourrice. L'explication tardive ne conviendroit pas
à une composition moderne, et Ton doit savoir gré au traducteur qui
a mis sur le premier plan cMju'Homère n'avoit placé tpi'au fond du
tableau.
Hugues Salel, qui, dans la seconde moitié du XV.e siècle, avoit
publié une traduction des onze premiers chaiits de l'Iliade , s'exprime en
ces termes.
Tendit les mains pour avoir en ses bras
Son petit fils, poupin douillet et gras;
Lequel , voyant Tarmet et le penntge
SEPTEMBRE 1830. s**
Horrible et fier , soudain tourne visage,
Pleure, et s'escrie, et sa nourrice appelle,
Baissant le chef sur sa ronde mammelle.
II est remarquable que , dans son poëme sur le troisième consulat
<FHonorius, Claudien a présenté le tablçau suivant, sans doute imité
d'Homère , mais modifié d'après les idées morales du JV,e siècle de
notre ère, « C'est au milieu des boucliers que tu t'essayais à marcher ;
» les dépouilles récentes des rois servoient aux jeux de ton enfonce . . .
» Souvent ton père , revenant vainqueur , céda en souriant à ton désir
» d'être élevé sur le bouclier étincelant, et te pressa sur son sein
» haletant , sans que le fer t'effrayât ; et loin de craindre les sombres
*> menaces de son casque , tu tendois tes jeunes mains vers les aigrettes
» qui se balançoient au sommet (1). »
L'Académie , qui , lors du concours de 1776 , avoit laissé le choix du
fragment à la volonté des concurrens , reconnut qu'il étoit difficile de
juger par comparaison des fragmens différens , qui exigeoient les uns fa
souplesse, d'autres la force, et que caractérisoient diversement les
beautés dramatiques ou les détails pittoresques. Pour le concours de
1778, elle indiqua spécialement le commencement du xvi.c livre, où
la Patroclée. J'en ai cité précédemment un passage tiré de la traduction
de M. Bignan , et fea ai indiqué les défauts ; il a été plus heureux dans
le reste.
Patrocle se revêt de l'éclatante armure.
Deux riches brodequins composent sa chaussure;
Sa brillante cuirasse , ouvrage heureux de Fart ,
Autour de la poitrine arrondit son rempart. *
Le glaive, aux clous d'argent , sur son dos se balance ,
Et l'épais bouclier protège sa vaillance.
Surmonté des longs crins d'un ondoyant cimier,
Le casque menaçant couvre son front guerrier.
Armé de javelots , il les soutient sans peine;
(1) Reptasti per scutapuer, regumque récentes
tiuvwe tibi ludus crant
Me coruscand clypeo te saepc volcntem
Sustulit anidens et pectore pressit , anhelo,
Intrcpidura fcrri , galeae nec triste timentem
Fulgur , et ad summas tendentem brachîa cristas.
{ CI. CLAUDIANI de II L° cons. Hons. Paneg. ▼. M-3*- )
V V V
j22 JOURNAL DES SAVANS, 1
Mais il n'ose toucher cette lance de frêne ,
Instrument de carnage et de destruction ,
Que jadis, aux sommets du vaste Pélion,
Façonna le Centaure, et dont Ienorme masse, &c»
A l'époque de ce dernier concours , Voltaire vivoit encore , et il eut
Ja singulière velléité de .rentrer dans la lice académique; il ambitionna,
il se flatta même d'obtepir une couronne qui auroit encore ajouté
quelques fleurs à celles dont on l'accabloit. Circonstance digne de
remarque! Voltaire, à la fin de sa carrière poétique, éprouvoit ce
besoin d'un succès académique, auquel il avoit -prétendu en vain
soixante-six ans auparavant , lorsque l'Académie proposa en 1 7 1 2, pour
sujet de prix de poésie , le vœu de Louis XIII à Notre-Dame de Paris.
L'Académie, ignorant que la pièce n.° 5 portant pour épigraphe ,
Nec verbum verbo curabit reddere Jidus lnte'rpres ( Horat. ) , étoit de
Voltaire, récemment décédé, en écouta froidement la lecture faite
par M. de la Harpe, qui seul étoit dans, la confidence. II faut lire
dans la correspondance de ce dernier les détails du jugement; il les
termine ainsi : ce La pièce ne fit aucune sensation; à peine y vit-on uu
» beau vers, et Ton eut peine à aller jusqu'à la fin. Elle n'auroit pas
" même obtenu une mention, si je n'avois, en opinant , ramené mes
» confrères à mon avis, et si je ne leur eusse représenté qu'elle étoit
55 écrite du moins assez purement, mérite que l'Académie doit toujours
>5 encourager. Mais je me disois a moi-même: Si vous saviez quel
» homme vous jugez en ce moment ! si vous saviez que vous balancez
x> à relire un ouvrage qui est de l'auteur de Zaïre et de la Henriade !
» voilà ce que jâ pensois intérieurement; et je plaignois le sort de
» l'humanité qui mécônnoît sa foiblesse et le sort du génie qui vieillît. »
A ce témoignage de M. de la Harpe, on peut joindre celui de
Vagnière, secrétaire de Voltaire. Dans l'édition des poésies de VoIta:re
publiée en 1825 avec lej notes de M. Beuchot, celui-ci eut soin
d insérer ces vers; il les reproduira sans doute dans l'édition complète
qu'il publie en ce moment, avec des notes et des indications souvent
utiles et toujours intéressantes; je crois qu'il devra y joindre la traduc-
tion en prose qui les précède dans l'édition publiée en 1778 chez
Demonville, et dans laquelle l'ouvrage est attribué à M. de Villette ;
cette traduction est évidemment l'ouvrage de Voltaire. On reconnoît
In touche du vieillard de Femèy, ex ungue leonem , à ces vers qui n
sent pas fournis par l'original. La traduction en prose par Voltaire porte:
e
SEPTEMBRE 1830. 52}
«c Je ne crains pas les prédictions . ...» La traduction en vers s'exprim 2
en ces ternies :
Je méprise, dit-il, cette erreur populaire
Qui croit que l'avenir au prêtre est révélé,
Et qu'il nous faut mourir lorsque Delphe a parlé.
Je me garderai de citer d'autres vers de la traduction de Voltaire;
M. Bignan désavoueroit lui-même l'avantage que la comparaison lui
fèroit accorder. •
La traduction de M. Bignan est*précédée <Tun Essai sur l'épopée
homérique, dans lequel il résume avec précision et sagacité diverses ques-
tions qui ont agité les érudits au sujet (THomère.
En présentant ces diverses observations , j'ai cédé à l'intérêt que
m'inspirent la persévérance et le talent de M. Bignan. Outre l'exacti-
tude et l'élégance que j'ai déjà indiquées comme caractère assez général
de sa traduction , ses vers sont souvent remarquables par la richesse des
rimes , par une facture savante, et par une coupe harmqpieuse. Si , après
de longs et grands efforts , il lui reste encore un certain nombre de
passages et divers détails à perfectionner , comme il aura sans doute la
modestie d'en convenir, il lui suffira, en corrigeant ces divers endroits
de sa traduction, de se ressembler à lui-même; et animé par son
succès, il saura trouver de nouvelles forces pour y ajouter -encore.
Deux traducteurs d'Homère, MM, Bitaubé et Dugas-Montbel , lui ont
donné un exemple honorable qu'il ne dédaignera pas d'imiter ( 1 ).
(0 M. Bitaubé avoit publié, en 1764, sa traduction avec un soccès non
contesté: mais ce succès même lui inspira le désir de s'en rendre digne;
il retravailla long-temps son ouvrage , et publia en 1780 la nouvelle traduc-
tion qui a obtenu une estime et une vogue aussi constantes que méritées. Sur
Ja version en prose de M. Dugas-Montbel, voye2 l'article suivant.
RAYNOUARD.
r.
VVV 2
ja4 JOURNAL DES SÀVÀNS,
]1uade d Homère, traduite en français , par M. Dugas-
Montbel, avec le texte en regard; 3 vol, in-8.° , et un
volume de notes. Paris , chez Firmin Didot.
Cette nouvelle édition et traduction d'Homère est destinée à
commencer une grande collection des principaux auteurs grecs 1 dont
MM, Firmin Didot doivent publier le texte avec la traduction en regarcL
Le spécimen qu'ils en ont publié" il y a quelque temps, étoit fait pour
appeler l'attention de tous les amis de la saine littérature, et la sollicitude
d'un gouvernement protecteur de tous les travaux utiles. Espérons que
l'appui nécessaire à une si vaste entreprise ne fui manquera pas.
La sage lenteur que M. Didot met dans cette publication, est un
garant du soin qu'il y apporte. II ne veut admettre que des traductions
nouvelles, faites par des hommes qui joignent au talent d'écrire une con-
noissance approfondie de la langue grecque, et il s'est assuré la
coopération de la plupart de ceux qui , dans notre pays , sont le plus
capables d'atteindre au but qu'il se propose,
II étoit naturel d'ouvrir cette suite de chefs-d'œuvre de la littérature
grecque par les plus grands de ces chefs-d'œuvre, par ceux qui
occupent le premier rang en date et en mérite, par les poèmes
homériques. M. Didot a heureusement trouvé tout fait un travail
complet sur Homère, fruit d'un talent consciencieux et d'un goût
persévérant. M. Dugas- Montbel, qui a consacré une vie indépendante
et sans ambition à l'étude des poëmes homériques, a publié en 1815
une traduction de tous ces poëmes ( 4 volumes in* 8! ). Cette traduction
a été placée par les connoisseurs au-dessus de celles de Bitaubé et de
Lebrun , les meilleures qui existent en notre langue, ou , pour mieux
dire, les seules qui méritent quelque attention depuis celle de M.mcDa-
cier. Mais les éloges donnés a ce travail n'ont pas empêché M. Dugas -
Montbel de ne le considérer que comme une ébauche, qu'if a remise
sur le métier, qu'il a perfectionnée chaque jour, à mesure qu'une
familiarité plus grande avec son poète favori le faisoit pénétrer plus
profondément dans sa pensée, ou lui en faisoit apercevoir les nuances
les plus déicates.
C'est seulement après une révision de plusieurs années que le tra-
ducteur a consenti à présenter son travail une seconde fois au public.
II atfoue pourtant qu'après tant de soins, il a encore aperçu bien
des taches dans sa traduction , lorsqu'il l'a vue en regard du texte.
SEPTEMBRE 1830. J2j
« Un examen attentif, dît à ce sujet M. A. F. Didot, a fait sentir h
» M; Dugas-MontLel combien il étoit nécessaire de la revoir <fe nouveau,
» afin de la rendre encore plus digne de supporter une comparaison
» aussi redoutable. Nous associant même à ses travaux , il a voulu
» interroger avec nous tous les secrets du langage, pour mieux se rap-
» procher de son modèle ; et après avoir examiné scrupuleusement
» toutes les difficultés, souvent nous avons eu le bonheur de mettre à
» profit les comeils de M. Boissonade et ceux de quelques Grecs pleins
» de science, jetés en Europe par des malheurs comparables à ceux
» qui leur firent jadis y chercher un asyle. » Nous aimons à citer ce
passage, parce qu'il montre, dans M. Dugas-MontLel , des qualités
rares en tout temps , la recherche opiniâtre du mieux , la crainte de ne
jamais faire assez bien, et le besoin de consulter les autres, pour se
garantir de ses propres illusions. La traduction de l'Iliade est entière-
ment achevée : chaque volume contient huit chants. Il y aura deux
volumes de notes; un premier seul a paru.
Que cette traduction se recommande par une grande exactitude y
c'est un mérite qu'on peut lui supposer d'avanêe , d'après tous les soins
que l'auteur a pris : on peut même dire que ce n'étoit pas la qualité
la plus difficile à obtenir, au moyen de tous les secours que la critique
ancienne et moderne fournit pour l'interprétation des poésies homé-
riques. Ce qui imponoit encore, c'étoit d'arriver à une diction
simple et noble tout- à-la fois , exempte d'une vaine recherche des
formes poétiques de notre langue, afin de donner quelque idée de (a
manière du poète à ceux qui ne le lisent point dans son idiome
original.
Le style de M. Dugas-Montbel , dans tous les endroits ou nous
l'avons comparé à l'original , nous paroît avoir ce mérite à un haut
degré , et rendre le plus souvent avec bonheur l'expression de cette
nature choisie dont les Grecs ont eu le sentiment dans les arts de l'ima-
gination comme dans ceux du dessin. Nous nous contenterons de citer
un seul morceau, pris parmi ceux dont nos lecteurs doivent avoir sur-
tout conservé la mémoire.
C'est le discours d'Agamemnon cîïvus sa dispute avec Achille : «Toi
»que 1 ivresse égare, qui portes à-Ia fois les yeux d'un dogue et le
» coeur d'une biche , jamais tu n'osas combattre à 1» tète des peuples ,
» ni te placer dans une embuscade avec les chefs rie l'armée ; ces périls.
» te semblent la mort. Sans doute il est bien préférable de parcourir
» le vaste camp des Grecs, et d'enlever sa récompense à celui qui
» contredit tes paroles : roi fléau des peuples , parce que tu commande*
^
5i6 JOURNAL DES SAVANS,
» îi des lâches; sans cela, tu m'aurois outragé pour !a dernière fois.
» Mais je* le déclare, je le jure, inviolable serment! je jure par ce
^sceptre qui désormais ne poussera ni rameaux ni feuillage, qui ne
» verdira plus , depuis que , séparé du tronc sur les montagnes , le fer
» Ta dépouillé de ses feuilles et de son écorce,.par ce sceptre que portent
» aujourd'hui dans leurs mains les fils des ôrecs, chargés par Jupiter
» de maintenir les fois; je jure, et ce serment te sera funeste, que
» bientôt un grand désir de retrouver Achille s'emparera de tous les
» Grecs; et toi, malgré ta douleur, tu ne pourras les secourir, lorsque
» en foule ils tomberont expirans sous les coups de l'homicide Hector :
» alors , furieux , tu te rongeras le cœur pour avoir outrngé les Grecs, »
Ceux de. nos lecteurs qui sont familiarisés avec Homère, auront jugé,
d après ce fragment, que M. Dugas-M on tbel s'est heureusement tiré4
des difficultés qu'éprouve un traducteur d'Homère en français à rendre
les épithètes dont fe styfe du poète est hérissé. II y a de ces épithètes qui
ne sont amenées que pour faciliter la facture du vers ; c'est, je pense, un
reste du caractère primitif d'improvisation qu'avoft la poésie épique chez
les Grecs: d'autres sonf caractéristiques, et reviennent chaque fois que
le même nom se rencontre. Les rendre toutes en français seroit fasti-
dieux , et Souvent inutile au sens ; mais il en est qu'on ne peut se dis-
penser de reproduira. C'est un choix à faire, dont le goût est juge, et
celui de M. Dugas-Montbel me paroît avoir posé une limite fort rai-
sonnable. Partant du principe reconnu par les anciens grammairiens ,
que beaucoup des épithètes d'Homère expriment In qualité générale de
l'objet, au moyen d'un trait particulier de cette qualité , ou bien encore
expriment la cause par l'effet et réciproquement, le traducteur a traduit
souvent les épithètes par des équivalens qui rendent peut-être mieux
ce que le poète avoit dans l'esprit qu'une version lout-à fait littérale.
Ainsi, il a cru que l'idée de vaillant, de courageux, ressortoît des épithètes
alxfjun-niç (qui combat avec la lance ), àjx't^wàs ( quî combat de près),
. tîjKvrfuç (bien armé des jambes) , Jkfopm ( qui s'occupe des combats ) ,
Ï7miJkfjicç (qui dompte les chevaux) ; que l'idée générale de beauté
répondoit aux idées particulières de teunûtevoç (aux I eaux bras),
tïÇmoç (à la belle ceinture ou à la belle taille), teKa-mpyoç (aux belles
joues ) , épi.hète qu'Homère donne sur-tout à de jeunes tilles , comme
Chryséis et Briséis, et qui emporte une idée de fraîchi ur; aussi
M. Dugas-Montbel l'a- 1- il rendue quelquefois par jeune, et avec raison ,
ce me semble. Ce qu'Homère appelle des vaisseaux creux ( JwîXari rSuç ) ,
jl le rend par larges vaisseaux ; les adjectifs novn-mfoi ( qui traversent la
mer), ifiififatojoç ( que Ion pousse en ramant des deux côtés), &c. ,
SEPTEMBRE 1830. r~7
appliqués aux vaisseaux , sont traduits par légers , et ainsi de beaucoup
d'autres. II se trouvera sans doute des personnes qui auroient mieux
aimé une traduction plus littérale : mais, avant de nous prononcer sur
leur opinion, nous voudrions voir un chant entier d'Homère traduit
dans leur système.
On pourron désirer , parfois , que le traducteur eût été fidèle à lui-
même, et eût traduit les mêmes épithètes toujours de la même manière :
par exemple , tufûwcç, traduit par belle le plus souvent, Test par ornJe
d'élégantes ceintures dans un endroit ( 4' , 260 ) ; il paroît pourtant que ,
dans Homère, cette épithète exprime la beauté d'une partie du corps, plutôt
qu'une particularité de vêtement. Le traducteur rend S'iorptprç par nobh
( P > v. 75 ) ; c'est plus le sens que fils de Jupiter , appliqué à Patroc'*
( x', 648 ) , et ailleurs , dans le discours d'Agamemnon ( a ' , 1 76 ) : « dj
» tous les rois enfans de Jupiter , tu m'es le plus odieux. » Cette traduc-
tion est un peu à côté de la pensée du poète , qui n'a pas voulu dire
que Jupiter fût le père de Patrocle , d'Achille ou des autres princes ; cet te
épithète, appliquée si souvent aux rois par Homère, signifie nourri
sous les auspices de Jupiter; un équivalent fort approché seroit aimé >
chéri de Jupiter. Une autre épithète qui revient à chaque pas est celle
de yhcLuxZ'mç , attribuée à Minerve : on peut se dispenser de la rendre , >i
Ton veut, et c'est le parti que prend souvent le traducteur; m:iis dès
le moment qu'on l'exprime , on doit la traduire par aux yeux d'azur ,
comme M. Dugas-Montbd le fait dans un endroit ( C, 166) y et 1101*
par sage, comme il le fait ailleurs , attendu fju'fl n'y a point de rappoit
entre le sens de yXcivxaTnç et celui de sage. II est bien vrai que la sagesse
est l'apanage de Minerve; mais ce n'est pas à cela que pense Homère ,
quand il lui donne {'épithète dont nous parlons. De même , lorsqu'il
qualifie Ilion de venteuse , de battue des vents , mnfMtajtt ( 4, 297 ) r je ne
pense pas qu'il y attache Pidée de superbe: cette épithète ne se rap^rte
qu'à la situation élevée de Pergame , partie de Troie. Ainsi, avant de
rendre une épithète homérique par son équivalent, il faut être bien sûr
que. l'idée générale qu'exprime cet équivalent comprend l'idée particulière
que le poète lui-même a exprimée. Je me hâte d'ajouter que M. Dugao-
Montbel s'est le plus souvent conformé à ce principe.
J'ai parlé plus haut de l'exactitude de la traduction nouvelle; je
pourrois citer bien des passages que j'ai rencontrés , où M. Dugas-
Mbntbel a rectifié le sens adopté par les autres traducteurs. J'aime-
mieux lui présenter les doutes qui me restent sur quelques passages,
dont il semble que sa traduction ne reproduit point, je ne dirai pas le
sens général ( car, a cet égar I , on le prendroit bien rarement en défaut)»
5^8 JOURNAL DES SAVANS ,
du moins la nuance précise. Peut-être a t-il souvent eu de bonnes raisorts
j>our traduire ainsi; mais ses notes n'en font pas mention: il aura plus
d'une occasion , dans la suite , de résoudre ces pentes difficultés*
a , 30. Dans le discours d'Agamemnon à Chrysès , on lit: ce Non,
» je ne délivrerai pas ta fille qu'elle n'ait vieilli. . . . occupée à lisser le
» lin et destinée à partager ma couche. » Le grec porte i&\ l(jm Mx°*
iivoaouv ; cela veut dire , et préparant mon lit(i). A cette époque , où
Ie> femmes étoient comptées pour si peu, c'étoit une de leurs fonctions
de préparer le lit de leurs époux ou de leurs amans. L'idée de partager
ma couche est donc comprise h. la rigueur dans celle de la préparer; mais
pour rendre toute la pensée <f Agamemnon , l'expression de l'idée
propre est-eïle indifférente ! Je ne le pense pas. La menace est rendue
bien plus énergique par l'expression des deux fonctions serviles :
« occupée à filer le lin et à préparer ma couche. » Peu après : ce fuis,
» **e m'irrite pas, si tu veux t'en retourner Sqns malheur ( ctLumptç is
» km Wuéc/).» Sans malheur est foible : la traduction exacte est sain et
sauf; mais peut-être M. Dugas-Montbel ne l'aura-t-il pas trouvée assez
élégante.
C, 232. «Te faut-il une nouvelle captive pour't'unir d'amour avec
»elle, et la renfermer dans ta tente! » La pensée nest ni aussi claire
ni aussi énergique que celle de l'original, î!rr ai™* ûnovlt-Çi tynrxltu.
Le mot av-nç emporte ici l'idée de pivoç : « et la posséder seul en la tenant
» à l'écart. »
^48. ce Et ne viens pa* seul outrager les rois. » pi^ c3«x oîoç
iptÇijuurat Çamteuav : ce non pas outrager, mais te mesurer, fen prendre
» aux rois , les braver. »
456. « Comme une flamme dévorante consume une vaste forêt sur
le sommet des montagnes. » Ouptoç \v xapvçyç. Ceci est un cas particulier ;
la traduction littérale est plus juste : w sur les sommets d'une montagne. »
La forêt est si vaste ( irmmç) , quelle couvre les diverses sommités d'une
montagne. Un peu plus bas , Âaia h Mtp2vi : « dans les prairies d'Asia. »
II faut d' Asias ou SAsius ( v. Heyne ad I. c. ).
5 3 5 . ce Venus des terres voisines de l'Eubée, les Lccriens suivirent
» A;ax sur quarante vaisseaux. » II y a, dans le grec : ce les Locriens qui
» habitent au-delà de I'Eubée . . . oï vetioun mpnv Up nç hvCoinç. » Ici , ridée
étoit if autant plus importante h conserver , qu'elle caractérise la patrie
de celui qui a écrit le catalogue des vaisseaux , si toutefois le vers n'est
pas interpolé. II n'y a qu'un homme né ou habitant sur la côte de
■ ■ ■ ' | 1 ■ ■ ■■
(1) Buttman Lexihgns, 1,9.
SEPTEMBRE 1830. î*9
l'Asie mineure qui pouvoit dire que les Locriens sont au-delà de
l'Eubée. On sait le parti que Wood en a tiré pour son hypothèse.
6} 2. « Les uns habitent Ithaque, Nérite, ombragée de forêts. »
ci p fotxnr tîfcOK {fj N*piw ttpooiçutoo*. II y a ici un hendiadys que
la traduction ne fait pas sentir. En mettant ombragée» on laisse croire
que Nérite étoit une autre île, connue Ithaque, tandis que c'était la
partie montagneuse de Ilfe d Ithaque même; c'est comme s'il y avoit ,
ci iàxxnv %$xoy iy y Napiw, 70 iiro*ipt/ttor opo* iji. On lit en effet dans
l'Odyssée : v&m** <F fâaxxr tû«Aw't?w iv <F opoç «utj Nw'p#w ùvoatçvtocv
dptTrpvmç (#. 22 )•
748. Je crois que le passage suivant laissera aussi xjuelque chose à
désirer pour la précision géographique. « Gonée partit de Cyphos avec
» vingt-deux vaisseaux ; les Eniènes le suivent dans les combat» , et
* les Pérèbes. .#. , et les habitans de la froide Dodone, et ceux que
» virent naître les rivages du rapide Titarèse, &c. » D'après cette tra-
duction, il y «1 ici quatre peuples différens : mais Homère ne parle que
de deux, les Eniènes et les Pentes; car tout ce qui suit se rapporte à
ces derniers :
ïllpOLlGot
et oipi àuSvnf Sb<rxi!fMpov ofxj tSivi»
os r iftQ ifup7vt TrnLpiarov %py ivifjtûrn*
« Les Perèbes , tant ceux qui habitent aux environs de la froide
» Dodone , que ceux qui cultivent les terres sur les agréables bords du
» Tharésius. » C'est ainsi que l'entendent les anciens ; et là-dessus
s'appuyoient même les Thessaliens dans leur prétention que leur pays
avoit possédé une Dodone, comme l'Epire. Ces vers sont probable-
ment d'un rhapsode qui aura voulu flatter leur orgueil national.
r'. 3. <c Les Grecs volent sur l'Océan rapide, » hr cix**r7o poJun;
H faut vers l'Océan. L'Océan étoit placé, selon I opinion des anciens
poètes grecs, à l'extrémité de la terre, tout autour de son disque. C'est
peur cette raison qu'on pourroit aussi trouver à dire à cette traduction :
«« je vais aux extrémités de l'Océan ( ttpt p»p aZvç \if xixjawo pltdpa 4-
» 20 5 ). » II ne peut être question des extrémités de l'Océan.
28. La liaison des idées est- elle bien saisie en cet endroit ! « Tel
» Ménélas est plein de joie, lorsque Paris s'offre à sa vue; enfin il
» espère venger son outrage.» On devoit dire, car ou parce qu'il
espère ( ou parce qu'il se promet de ) punir le coupable, &c 9*7» >*p
11 aidât ixti-nit. Voilà, en effet, ce qui causoit sa foie.
105. Il est possible que l'idée ne soit pas non plus exactement
reproduite en cet endroit ; «£t7i À Upta+wto Ciwr , ïfp îpxs* ift/ury «v7tf ,
Xxx
53o JOURNAL DES SÀVÀNS,
\m) o# TPuJiç imfplttXùi %£ imrm. ce Que Priam vienne fortifier nos
» sermens. . . , car ses fils , &c. » Homère ne dit pas que Priam doit
fortifier, mais qull doit recevoir les sermens lui seul, faire lui seul tes
cérémonies qui aclompagnoient la prestation de serment. Plus bas
( v- 2 S * ) > garantir les sermens présente la même nuance , qui ne me
semble point exacte. *
200. ce Et quoique le pays ( Ithaque ) soit stérile , les ruses d'Ulysse
» sont inépuisables. » Je crois qu'ici M. Dugas-Montbel prête à
Homère une antithèse qui n'est point et ne peut être de lui. Opposer
la stérilité d'Ithaque à la fertilité de l'esprit d'Ulysse est un trait d'eéprit
qui sent le moderne , qui du moins n'a rien d'homérique : te rpifn h
<h/jup làottitç *f*r*Yiç wip Ipiffnç , IsiÙç v&rrviovç 71 J&Kwç %$\ fmJUt yrvuti.
Ce qui a trompé le traducteur, c'est la particule ay , qui a le plus sou*
tent , dans Homère , et sur-tout en pareil cas , le se* de quoique. Mais
souvent aussi elle ne sert qu'a donner plus de force h une circonstance de
la proposition principale: ainsi, hni fx troue ?* tupup&iÀip mp ton*
( a , 3 5^j; et 7i7*«âr , fSrtp ê/ai • . . fm 0% , f/A«r mp lououf , ir o?3*A^ïç
ÏJbjUAi Stifofump ( « , 586 )• « Supportez vos peines, 6 ma mère* • . ,
» afin que je ne vous voie point de mes yeux outragée , vous qui
» m'êtes si chère. » •
à'. 5. S. Junon dit à Jupiter : « Mon origine est égale à la tienne.» Le
grec offre une idée un peu différente et plus'énergique : a mon origine
» est la même que la tienne. » yipoç S* ipêi trôtf , oSt* ni ; plus littérale-
ment , }e sors d'où tu sors.
Z. 5 8. II y a là une difficulté dont M. Dugas-Montbel auroit pu dire
un mot dans ses notes. II traduit : ce que l'enfant même sur le sein de sa
mère n'échappe pas à jios coups ( p*i \rm+ yawiipt pimp Kovpov \ln*
çiptu , fiM? oç $vy>i ; . Heyne donne de fort bonnes raisons en faveur de
l'autre sens : a que l'enfant même dans le ventre de sa mire, &c. *> Il
eût été à propos de le discuter, puisqu'on ne l'admettoit pas.
8p. II y a encore ici une différence entre ie texte et la traduction :
« qlsftls n'aillent pas en fuyant se jeter dans les bras de leurs femmes,
» pour être la risée de nos ennemis. » Je crois qu'il fàudroit ; * pour
» faire la joie de nos ennemis , pour combler de joie nos ennemis ( qui
» lès verroient fuir ) , » Jhmoi A x*ft** y*vl*&*t» Ailleurs ( * , 193)9
M. Dugas-Montbel a très-bien rendu, dans ce même sens , le membre
fui x&pya. >wifa<9* JbqarltoBfr, ce ou de peur que nous soyons un sujet
» de foie pour nos ennemis. »
2. 483. Dans la description du bouclier d'Achille, M. Dugas-
Montbel n'a pas osé rendre ntatrar 71 ffAi'dwm par la lune dans son
SEPTEMBRE 1830. jtj
plein , ou la pleine lune ; il a préféré la lune arrondie , qui est plus élégant ,
mais n'exprime rien, puisque la lune est arrondît dans toutes ses phases.
l\ ne faut pas , au reste , croire que cette ylàne lune qu'on représentoit
sur les anciens monumens fût une face entourée de rayons, comme
on le voit sur les essais de restitution du bouclier d'Achille ; c'était une
femoy montée sur un char ou sur un cheval, ayant sur Ja tête un disque.
Je terminerai ces remarques, en regrettant que M* Dugas-Mqntbel ,
dans le passage où le poète (%' , 160) , parle d'Hector tournant trois, fc^is
autour d'il ion pour fuir la poursuite d'Achille, se soit laissé entraîner par
la traduction qu'en a faite M. Lechevallier. Ce voyageur, ne sachant. com-
ment arranger la position qu'il assigne à Troie avec le passage d'Homère,
a supposé qu'Hector a tourné devantTroïe, et non autour de Troie. C'est
là une de ces interprétations imaginées uniquement dans l'intérêt d un
système , et auxquelles , sans cela, on ne jourcoit jamais songer. Aussi
les anciens , qui ont tant subtilisé sur ce passage , ne se sont-il* jamais
avisés de pareille chose ; et depuis Euripide jusqu'à Virgile , tous ont
montré qu'ils entendoient lempi d'Homère , comme le veulent vet le génie
de la langue et le bon sens.' Que *tpi ait parfois un -.sens vague qui
prête à cette interprétation, cela est vrai, mais en des cas tout diffèreps,
comme le prouvent les exemples mêmes cités par M. Lechevallier et le
comte de Choiseul-Gouffier d'après lui (nfojr ft*xtr$** &&rur ). Mais»
en cas pareil , mf) ne peut avoir d'autre sens que celui d autour. Ainsi ,
quand Achille affligé tourne trois fois autour du corps /de Patrocle ,
suivi des chars thessaliens, le poète dit, oi A rfiç mfi rtxpèr iirpi&ç
i\tu*9 jvTODf ( 1 ) ; et lorsque le héros traîne le cadavre d'Hector trois
fois autour du tombeau de son ami, fe poète dit encore, -rgiç S" JaftiJ)
mût <rifit* MîvomâJk Atlmç (2) ; enfffi s'agît-il de chars. -qui tournent la
borne, Homère dit **fi 7»p/u* Cm*êtta*c (3). Au reste, pour ^txe convaincu
que , dans le passage en question, le. sens de tourn r autour est le seul
admissible, il suffit de voir le passage entier , et de remarquer qu'il y a
deux termes de comparaison, dont Choiseul-Couffier a prudemment
passé le premier sous silence (4). « Comme de rapides coursiers. ....
» tournent rapidement autour des bornes de la carrière [.JuJ9 lr JU§r~ .
Xopopot mpi liffjutTaL /u*rvxtç Iwmt. . .T*«£»ff ) . . . . ainsi les deux_
* guerriers tournent autour de la ville de Priam ( »c w -rùïçUpti^to wixsf
mft iAr»3iÎ7wr, leçon que je préférerais à *y#J>r»d*iii' ). a Ptour-bh traduire7,
comme M. Dugas-MombeJ , d'après MM. Lechevallier et Choiseul-
(t) //. * 13. — (2} û 16. — (3) T A**-— HT Voyage pittoresque de la
Grèce, il, p. 2$a.
xxx a
53* JOURNAL DES SÀVÀNS,
Gouffier, le premier m*ps par autour 9 et le second par devant, dans on cas
tout pareil î En mettant devant la ville de Priant, on détruit toute compa-
raison ; tandis qu'il est évident que la ville de Troie est ici comparée à
l'intervalle qui sépare les deux bornes d'une carrière , autour duquel
tournent des coursiers rapides, llion est comme la spina de la carrière
que parcourent les deux héros. Quant à l'objection qu'il n'es* pas
vraisemblable que les deux guerriers aient été capables de courir trois
fois -autour de la ville, sans reprendre haleine» il n'y a pas d'autre
réponse à faire que celle-ci de notre savant Boissonade : ce Frustra se
» torqùére puto viros doctos qui wipî , non circiim , sed propi , ad,
» juxtà vertunt. Miror , qui toi et tanta apud Homerum miracula et
» heroum pprtentosissima fàcta concoquant , hune cursum ut absurdum
» rejHidiare et interpréta tionis contortae remedium quacrere (î). »
Telles sont les remarques que je soumets au jugement du traducteur,
qui sans nul doute connoît Homère beaucoup mieux que moi. Ces
remarques d'ailleurs portent la plupart sur des nuances , et ne peuvent
en aucune façon affoiblir les éloges que mérite son travail.
Le prehiief volume déjà publié des notes ne contient que celles des.
doute premiers chants de l'Iliade. Le second volume , qui comprendra
la restitution des éoute derniers chants, s'imprime, et ne tardera point i
paroître. A^ifjfaÀr'pàr un Coup d'oeil fêté sur le volume qui a paru ,
c'est -un travail fort important, qui fera autant d'honneur à l'érudition
de M. Dùgas-Montbel , que la traduction en fait à son talent. Lorsqu'il
serti terminé , nous en donnerons une analyse.
Nous devons ajouter que l'impression de cette nouvelle traduction
et édition d'Homère, ne laisse rier^à désirer pour la beauté et l'élé-
gance. La correction, point si difficile à obtenir dans Fimpres>ion du
grec , nous a semblé aussi parfaite qu'elle peut l'être. Nous n'avons
rencontré qu'une faute dans le greC , \\ i^fid^ut , pour îÇ iirfaàow ou
bien t£t*-p<£fymr { x' , 115), et dans le français Cotryne (C , 646,
p. io} ) pour Gortyne. Par inadvertance, on a passé ailleurs la traduc-
tion d'un vers entier : « Elle ressemble tout-k-fkit aux déesses immor-
» telles (y. 158).»
( 1) Notulce ad ftbm. L L
LETRONNE.
•w\ 1:; • • i
£ XXX
SEPTEMBRE Î830.' J3J<
VERHAÙbEUNGEN . nw À*/ Bàtnvuiaszk iGenàotschôp van
Eunsten en Wetenschappen. . . . Batavia» io.c deert
1825, n.« deei, 1826, /W.*
Le dernier volume de la collection des mémoires de la Société dé
Batavia qui nous soit parvenu , est le onzième , publié en f 826, En faisant
connôître les matières contenues dans ce volume, nous indiquerons les r
morceaux qui forment iepiécédent, imprimé un an auparavant, et dokit
il n'a pas été rendu compte dans ce journal.
Chaque volume de ce recueil s'ouvre par un rapport surPétat de ia
Société durant l'intervalle de temps qui a précédé fa publication. Ce rap-
port , ordinairement rédigé par le secrétaire f est quelquefois très-étendu.
On y trouve la meiit&n des principaux travaux dont la Société a reçu la
communication, et la liste des membres qui la composent. Le dixième 1
volume en contient deux ; l'un pour 1 823 , par M. Van der Vinne , se-
crétaire, et l'autre par M. Maurice, président , lu dans l'assemblée gé-
nérale du 2 février 1 82 j. On voit dans ces deux morceaux un résumé
des principales circonstances qui ont pu intéresser la Société de Batavia, :
depuis que les possessions hollandaises de l'Inde orientale, momentané» '
ment occupées par les Anglais , ont ététemises au gouvernement néer-
landais. La liste des membres et les régie mens de la Société sont répétés •
à la suite de ces deux morceaux. ,:*..;•■■!
Les mémoires compris dans le volume sont au nombre de huit. Nous
en rapporterons les titres , avec une courte indication de la matière qui y
est traitée".' - • - :.
Le prertiiéfest une notice Sur un ouvrage malais , intitulé jçûA^Ufct b»-?t& *
Hikayet Isma Yâtiem, ou l'histoire tflsma Yâtiem , rédigée par fsmaé}r -
revue et corrigée par M . Roordavan Eysmga. Cet ouvrage à^té imprimé
à Batavia, en un petit volurile de 2 1 s pages in-4*0, Fart 1 2)7 de Phé-
gyre ( 1 8 2 1 ). Il est indiqué comme contenant les* lois et fes institutions >
pour tous Tes princes ,. grands , généraux et autres. L'histoire d'Isma
Yâtiem est fort estimée des Malais : elle paroît contenir dès antidotes
sur les anciens princes indiens , dont les noms , Ronm Safrntân, Indra
M engin Jrû> Indra m ampli a annoncent les rapports tjue lès rôisde Java
ont autrefois entretenus âvec; THindoùstan. On n'aperçoit, dans feu-
trait de M. Roorda vanEysinga, ni dates, nf noms géographiques qui
puissent éclairer sur Tépoque ouïe théâtre des événertiens tjuiy sont
racontés. ........ •_.:. :
Le second morceau traite de la constitution des Monts Gedç ; il est
534 JOURNAL DES SA VANS,
dudocteu* Blume , dont, nous aurons bientôt occasion de rappeler les
beaux travaux sur fa botanique. Beaucoup d'observations de È même
nature sont consignées dans ce mémoire*
M. Domis est auteur du troisième, qui contient la description des dis-
tricts de Salatiya ou Soltigo , et des Sept temples, avec la traduction (Tune
inscription dçl'an 4*7 ( i.o j % ).
On doit .le^quatrième àMi Yan deu Heuveli , chirurgien-major à Sa-
irçarang : ç'ç?Ua description très-dé ttillée <fun monstre humain né dans
ce»e r^wœ sa * 8*4.
M. Vos a communiqué le cinquième mémoire, où il fait connoître le
commencement,; les. progrès, les accidens et la méthode curative du
cholera-morbu* qui éclata dans le Bengale en 1M7.
•M. de Sie:bo{d a envoyé de Nagasaki les réponses à quelques questions
sur la pratique des $xbuchemens au Japon , par Mjfjiazunzo ,' médecin
japonais. /. .
On trouve ensuite un essai relatif au pays de Benfcouli sur la côte
occidentale de Tjje <fe Sumatra , par M. Nahuis ; et le volume est terminé
par des remarques détachées de M. Overbeck , faites à la lecture de l'his-
toire javanaise Jutjtulée Sad/ara Radja djawa, dont une traduction a
é té intérêt dan^Jes deux premiers volumes du recueil de la Société.
Le onzième ,volume est rempli de mémpires moins nombreux , mais
eççorç .plus, kttéressans que les préçédens. Le premier est une courte
esquisse de File de Ungga et de ses habitans, par feu Angelbeek. On
sait que 111c de Lmgga est située entre Sumatra et Bornéo , au S. £. du
détroit de Malaca , et au N. O. de l'île de Bankar Sa capitale , Kwala daï ,
est dans la partie méridionale. Les Chinois y ont formé des étabUssemens
comme dans les autres îles de l'archipel oriental» Les Malais y composent
également la partie dominante de la population. Leur croyance reli-
gieuse est l'islamisme. Leurs habitudes , leurs traditions anciennes 9 se rap-
portent généralement à celles des grandes îles voisines; mais l'auteur a
recueilli des détails qui mériteraient, d être plus connus. La description
de Lingga fourniroit un article intéressant aux tecueils consacrés à la
géographie en général, ou à l'histoire asiatique en particulier.
■ M. de Siebold résidpît encore au Japon iort de ia publication du
volume que nous analysons. Cest de Desima qu'il a envoyé V Abrégé de
la, langue fapoqpUi qu'on y a inséré , et qui en occupe 76 pages. Les
neufphuKh^s joint** à cet abrégé ont été gravées en bpisau Japon même.
La; Société dé Batavia ne pouvoit manquer d'accueillir avec empresse-
ment et de placer dans sa collection. un morceau si remarquable, le pre-
SEPTEMBRE 1830. H5
mieririrft (1) dès- travaux d'un savant qui, à l'exemple de Jùernpfer et
de Thurfberg, a su mettre à profit son séjour dans une contrée si inté-
ressante, pour en étudier £ fond les habhans et les productions. Dans
cette intention , M* de Siebold devoit commencer par en apprendre la
langue, et ce sont les premiers résultats de ses efforts qu'il a: consignés
dans son Abrégé. Indépendamment de quelques renseignemens que Fau-
teur ne supposoit pas connus en Europe , on trouve dans son mémoire
plusieurs remarques utiles. Ii avoit alors à sa disposition un* collection
de dictionnaires cfu'fl a considérablement accrue depuis. Ceux qu'il cite
sont au nombre de quatre , présentant les mots japonais en rapport
avec les caractères chinois correspondans, et imprimés en 1817» 1818
et 1819. Trois autres ouvrages encore plus curieux sont un syllabaire
indien 9 une description des lettres de l Inde par un prêtre de ce pays
nommé Pun-ma-bou-di (vraisemblablement Pradjnapofi), et traduit
9 y a environ *niHe ans à la Chine, par un prêtre chinois nommé. Se-
san-in (2} ; et enfin un vocabulaire de la langue yezo, contenant plus de
deux mille mots de cette langue , divers dialogues , des décrets impé-
riaux , des comédies , &c. , le tout rédigé par Wouyebara Koumasiro ,
interprète de la langue de yezo. M. de Siebold cite en ouUe un livre
intitulé Nederduitsche taat, she Iaku-ken, idest, Cl avis Ungum ( belgica) ,
ouvrage extrêmement rare, qui contient f abrégé du dictionnaire belge
de Haima, traduit en japonais par un savant japonais, et gravé en
planchés de bois. Il en existe deux éditions , imprimées f une à Yedo >
l'autre à Miyako , il y a environ vingt ans. .
Les caractères japonais sont , ainsi que tout le monde sait, les sèji}s
qui mériteptla dénomination de /y//j^/yttr/; la forme en est connue en Eu,-
rope depuis le temps de Duret (}). Kaempfer, et d'après^ui Deahauterayes,
en ont donné des tableaux exacts. AL Siebold pense être le premier qui ait
montré l'origine chinoise de ces syllabaires. II ne parott pas avoir appris
l'existence des ouvrages publiés en Europe, où ce fait a été établi d'une
manière constante ;4). Mais il ajoute quelques particularités qui étoient
(1) On a publié à Batavia, en 1824, une petite dissertation intitulée:
de Historiœ naturaiis statu in Japoniâ, 16 pages in-8S —rJiï\ C'est ainsi que
l'entends cette phrase de l'auteur , ? lingua indien in chinensem versd per
sacerdottm chinensrm Se^san-in , ante mille circher annos in Ctûna hn pressa.
Il est peu probable qu'on possède an Japon des ouvrages impunies il y a méite
ans: il s'agir sans doute d'une réimpression. — (3) Vcy. Trésor* <tf*< langjmt*
Paris, 1619, pag. 013. — (4) Voy. Recherches sur Us langue* tarifes, toiiu 1
p*«a. — Elémensrét Lt grammaire japonaise, pag. a), .»*> aftilififanebcs»*?»
Ntkee d'extraits des manuscrits, tom.Xl, p. 140 et suivantes et planches» .
: H& JOURNAL DES SAVANS,
moins vulgaires Les caractères japonais se distinguent en mâles et fe-
melles. Les mâles s'appellent kata-kana ( demi-caracteres empruntés {\))9
et les femelles hira-ka-na (ow fira-ka-na, caractères empruntés planes t ou
' communs [z)J tyama-foka-na ( $) ou manyoo ki-na ^caractères empruntés
<Tun poëme intitulé Afanyoo ). Au sujet de la distinction des écritures
*n mâle et femelle, l'auteur renouyelle l'idée que cette dernière a reçu
son nom du plus grand usage qu'en font les femmes ; et cette conjecture
1 rappelle l'allégation des voyageurs qui prétendoient que l'écriture des
femmes étoit ainsi nommée 9 parce qu'elle est extrêmement confuse, et
difficile à lire. Je crois cette plaisanterie mal fondée, car l'écriture fra-
kana n'est pas moins fréquemment employée par les hommes de tout
rang et de tout état , et je serois porté k croire que c'est là une distinction
purement arbitraire, et née peut-être de la forme plus arrêtée et plus
régulière du kata-ka-na, eu égard à la légèreté élégante et capricieuse
des traits du fra-ka-na. En parlant des pinceaux et de l'encre qui ser-
vent à écrire , M. Siebold remarque que la liqueur de la seiche n'entre
pour rien dans (a composition de l'encre de la Chine, comme on le lit
dans un grand nombre d'ouvrages* On ne sait en effet pourquoi (es na-
• turafîtes persistent à répéter cette erreur , qui a déjà été réfutée. V Ency-
clopédie japonaise, dam la description du sepia officinales i4)« dit posi-
rtrvehient: « II y a dans le ventre de cet animal du sang et du fiel, qui sont
* précisément comme de J'encre : on peut s'en servir pour tracer des ca-
ractères ; mais au bout d'un an les traces s'effacent, et il ne reste que le
papier tout blanc. » Et en énumérant ailleurs les ingrédiens qui entrent
dans la fabrication de Pencre , soit à la Chine, soit au Japon , le même
ouvrage ne fait aucune mention de la liqueur de la seiche , qu'on n'a ja-
mais employée * cet usage.
M. Siebold donne , sur la prononciation du japonais f quelques règles
"qu'on a lieu de croire exactes , attendu le séjour que l'auteur a fait au
'Japon même , et le soin qu'il a pris de s'instruire à fond de tous les ob-
jets qui ont fixé son attention. Ces régies d'ailleurs s'accordent avec les
-nombreux remeignemens que nous possédons sur le même sujet : elles
. rç'cn diffèrent que pour les deux séries de syllabes, ra, re, ri, ro, rout et
f\
•■ (i) Plus exactement lareralia mutuaia nomlna, en chinois Pan-kia-ming ou
"faanJàtt-min*. — (*) En chinois Phwgkia-ming. — (3) En chiuois Ta-ho-
ftâhg ; caWctèrtf de la pro\ince de Taï-ho, donc le nqm japonais esc Yamato.
41» ne faut pés confondre crue province de Yamato avec celle de Yamasiro , où
fit flhié Miyàko ^ comparez Encyci. jap. liv. LXXU et lxxuk— (4) U U,
SEPTEMBRE i8?o. U7
fa, fi Ji,fo, fou, que Y zuiçxir prononce Ja, le, U, lo',lou, et ha, Ae,
» ai, ho, hou, pafr une substituUôn*4pnt on trouve des exemple» chez ses
devanciers, et qui est. fondée sur l'usage de plusieurs provinces/1
Les règlçs grammaticales que M. Siebold a remues au sujet des rap-
ports des noms et de la conjugaison des verbe», «ont le mérite drune .
grande simplicité. On ne doute guère qu'elles ne représentent plus fidè-
lement lé système propre de l'idiome japonais que les expositions em-
brouillées qu on trouve dans les écrits' des anciens missionnaires sur la
même matière. C'est en suivant la piétho !e adoptée par fauteur, qu'on
pourrait arriver à donner une idée complète de la grammaire japonaise v
il faudrait seulement réunir un plus grand nombre d'exemples tirés des
livres, pt sur- tout rapprocher constamment les phrases japonaises des
«phrases chinoises correspondantes, afin de se mettre en état de distinguer
ce qui est commun aux deft* idiomes et ce qui les caractérise. Toute
expression japonaise transcrite en lettres latines a perdu sa forme natu- .
relie, et peut 2t peiné être reconnue dons les textes originaux. La lecture
assidue de ces derniers est encore le seul moyen de suppléer à l'imper*
fectioh des traités élémentaires.
Al. de Siebold a joint à son abrégé neuf planchés , représentant les
divers syllabaires japonais, gravées en bois dans la ville cTOosaka, d'après
des modèles tracés par un écrivain du pays , et qui sont d'une rare élé-
gance. Les explications qui s'y rapportent sont très-précises et très-
exactes; mais Fauteur se trompe en assurant que ce sont les premiers ca-
ractères japonais authentiques qui aient encore vu le jour en Europe. Des
syllabaires plus, complets ont été publiés dans les ouvrages -indiqués
ci-dessus , et il y a plus de cinq ans que l'imprimerie "royale possède un
corps de caractères kata-ka-na, gravés en acier, et qui ont servi à -l'im-
pression d'une notice sur l'Encyclopédie japonaise ( i ).
Le morceau qui. suit d?ns le volume qui nous occupe ^est très-étendu :
c'est une monographie du poivre de l'Inde orientale, par M. Blume. Après
quelques considérations générales su* les piperades , il décrit quarante-
une espèces de cette famille , parmi lesquelles trente-quatre sont nou-
velles et instituées par le botaniste lui-même ou par quelques-uns de
ses. devanciers. Les caractères de ces espèces nouvelles sont représentés
sur plusieurs planches. Une autre suite de planches contient le simple
trait des fèifflles de toutes les espèces , avec des chiffres qui renvoient à.
la description.
Après cette monographie , on trouve, un discours biographique sur
■*■
(j) Notices et extraits des manuscrits, U>m. XI.
j38 JOURNAL DES SAVÀNS,
Jean Pieterstoon Koen , quatrième gouverneur général des Indes hol-
landaises, lue en 1824 par M. de«Sferiè*e. L'administrateur auquel est'
rendu cet hommage ëtoit né en 1587a Hoom dans la Hollande sep-
tentrionale : il exerça les fonctions de gouverneur général depuis 1618
jusqu'à 1 629. Le nom de Koen ne se trouve pas dans nos biographies;
if sera aisé de remplir cette lacune à l'aide du discours de' M; dé Serièrew
Enfin le dernier morceau du volume est une lettre de M. Ôyerbeek à
M. Lenting, et relative à Bouddha et à sa doctrine; Ce morceau -ne con-
tient rien qui ne soit déjà connu. L'auteur a mis à contribution des ou-
vrages très-répandus , tels que les As i a tic Researckes , et les compilations
de Ward. On est en droit* d'attendre des rerisèignemens plus importons
Sur ce' sujet r cTune société dont les membres, tant résideris que certes-
poAdans , habitent Tune des contrées les plus curieuses à étudier, sous
le rapport de la diffusion des dogmes d'origine indienne, k l'orient des
deux presqu'îles arrosées par le Gange.
*
••'.■'*; J,P. ÀBEL-RÉMUSAT. .
TaraFjE Moallaca , cum Zu^enU' schoMs : textum ad fidm*
codicum parlsiensium dWgenter emendatutn latine vcrtîtyvhàm
poêla açcurate exposuif, sekctas Reiskii anuotaiiones suis sub-
junxit > indiàm arabicum addidit Joannes Vullers. Bonna?
ad RhenumV iS.^p» vj et 90 pag., et 31 pages de texte
arabe. ..;...
Le texte du poème de Tarafii , compris dans le nombre des Moat-
Mas, ayoit déjà été publié trois fois, cf abord par le célèbre Reiske , en
174^ , avec une version latine, un extrait des scholies arabes cTEbn-
Nahhas , un prologue ou introduction , et un commentaire plein d'une
érudition sans exemple, alors en ce genre ; ensuite par l'illustre WUIiam
'Jones, mais en caractères latins seulement, avec les autres Moaliakas et
une traduction anglaise, en 178); enfin à Calcutta, avefc un abrégé*
des scholies de Zouzéni , en 1 8 2 3 . De ces diyerses éditions , la dernière
étoit trop rare, comme le sont en général les livres arabes et persans
imprimés dans l'Inde, pour que les personnes qui se livrent en Europe
& l'étude des langues de l'Asie , pussent espérer de se la procurer; celle
SEPTEMBRE 1.8.30.; M?
de V. Jones/faute d'être imprimée en caractères arabes , ne pouvôit
eue d'aucune utilité: l'édition de Reiske étpit donc la seule dan*,
laquelle on pût étudier ce poèinë; mais si, d'un coté, elle annonçoitdans .
l'auteur du. commentaire une connoissance très-étendue des poètes
' arabes , de l'autre ce commentaire étok pUrôt , pour les jeunes orien-
talistes, la matière d'une étude longue et péniMe, qu'un secours pour
1 intelligence du poème de Tarifa. D'ailleurs les fragmens de poésie
dont C* commentaire est rempli sont souvent altérés , parce que Beiske,
ayant totalement négligé l'étude de la prosodie et de la métrique des
.Arabes, s'étoit privé de l'instrument critique le .plus nécessaire à un
éditeur de poèmes arabes. Ajoutons que les traductions de Reiske sont
d ordinaire écrites péniblement, difficiles h entendre; et parfois peu
fidèles * ce dont là Moallaia.de Tacafa fournit plus d'un exemple. 11 y
. avoit donc .toute sorte de raisons pour desirA qu'on donnât une nou-
velle, édition du poème de Tarafa, qu'on y joignît les siholies de
Zouzéni , commentateur judicieux et non diffus, enfin qtfoa appliquât .
à rinterjjrétation grammaticale de cet ancien et respectable monument,
de. h poésie arabe avant l'islamisme , les nouveaux moyens que le
progrès des études orientales a mis, depuis une trentaine d'années, à la
disposition de l'Europe savan{e. .
M. Vullers a placé à la tête de son ouvrage , des prolégomènes qui
portent pour titre de Tarafa ejuSquc Moallaca. Il y a rassemblé d'à! ord
"tout ce qu'on sait de la vie de Tarafa , de ses aventures aye.c le roi^arabe
. de Hinf, Amrou, fils dé Hénd, et de l'imprudence qui coûta la vie.
à ce poète dans un âge très-peu avancé ; ensuite il a exposé le sujet du '
poème, présenterai aperçu des différente* parties dont il se compote >
et fait connohre le rang que les critiques arabes assignent à Tarafa,
parmi les anciens «poètes de leur nation; enfin il* a donné le détail des
divers seiours. soit imprimés* soit manuscrits , qu'il â eus, tant pour ta
publication du texte arabe du poème et du commentaire de Zouzéni,
• que pour la traduction du poème et pour la composition des notes
qu'il a jointes h sa traduction. •
Tarafa n'étoit point lé nom de nôtre poète; il s'appeloit Amran ,
. ou , comme prononcent lès AAbes, Amr, fils d'Alabd, et il reçut , dit-
<m , le surnom ou le sobriquet de Tarafa, qui lui est d'ailleurs commun
avec d'autres poètfcs, à cause d'un vers dans lequel il avoit employé le
mot IÎsjJsl*. Ce vers est cité par l'auteur du Kamous t et M. Vullers
croit y trouver une preuve que le surnom* de notre poète doit être
prononcé Tarafa et non Torfa, comme on Je lit.dmts quelques -manus-
crits. H est certain qu H faut prononcer Tarafa; et l'auteur du SiîaA, qui
yyy 2
54a JOURNAL DES SAVANS,
ne hisse aucun doute Ià-des*us , dit 'que tarajïiijt est le singulier de
tir/a pisjit | ce qui signifie une sorte d'arbre , et que c'est du nom de cet
arbre que notre poète a été appelé Tara/a. C'est aussi. ce que dit Tebrixi
dans son commentaire sur le Hamasa ( p. 20 1 t éd. de M. Freytag ) r
à l'occasion (f un autre poète nommé Tara/a. J'insiste un peu là-dessus r
parce que je ne comprends pas bien comment l'emploi du mot mouîta-
tiforiy dans le vers cité par l'auteur du Kamou*, peut servir à démontrer
qu'il faut prononcer Tarqfa et non Ttnfa. Au surplus , les exemples ne
sont pas rares de poètes Çui aient reçu'des surnoms pris de quelqu'un,
de leurs vers, et feji ai- indiqué un assez grand nombre dans mon.
Anthol. grdmmat. or. , f>*g. 45 9 «t suhr»Je dois ajouter que je ne com-
prends pas le vfers cité par l'auteur du Kamous, et je pense «que le
savant traducteur turc de c£ dictionnaire arabe ne l'a pas compris non
plus, car il s est .contenté #de le transcrire &ns en donner l'explication.
v Tarafh étoit naturellement porté à la satire» comme te prouvent les
• faits , en petit nombre , que la tradition nous a conservés de cène époque
antérieure à l'islamisme; ifs nous apprennent en même temps» que son
goût excessif pour les plaisirs, ses débauches et sa prodigalité, fui avaient
aliéné les .esprits de sa famille ef même, de ses plus .proches païens.
D'ailleurs ses vers satiriques, dans lesquels it n'épargnoit ni ses p&ens;
ni le roi de H ira , Amrou , ni le frère cPAmrou , Kabous , destiné 2t
x succéder au trôné , lui avoient fait des ennemis puissans , dont la ven-
geanoe termina ses jours- par une mort tragique, lorsqu'il n'a voit'
encore , si nous en croyons le témoignage dfes écrivains arabfes , que-
vingt- six ans, ou même , 'suivant d'autres, dix-huit ans seulement, ce
qui est , il faut l'avouer , bien peu vraisemblable. M. Vullers raconte en
détail les circonstances qui coûtèrent la vie à Tarafa, tandis que
Moulammè? , son compagnon , dévoué comme lui à la mort par la
haine du roi de Hira , mais plus prudent ? parvint à sauver ses jours*
Cette aventure, qui a donné lieu à quelques proverbes, est trop connue
pour que je m'étende davantage ici sur ce sujet. . •
Le$ grammairiens et les scholiastes arabes citent assez souvent des
V£T$ de Tarafe ; et quoique plusieurs jtoètes aient porté ce nom , jl est
très- vraisemblable que , quand ils n'ajoutent aucune autre désignation,
c'est de fauteur de -la Afoallaka qu'il est question. Toutefois , si l'on
en excepte la Afoallaka qui porte son nom , et qu'il doit avoir com-
posée , suivant la conjecture de Reiske , adoptée par M, Vullers , à l'âge .
de vingt ans ou environ ; entre la première* et la' huitième année de
Mahomet', le temps ne nous a conservé de ce poète célèbre aucun
ouvrage de quelque étendue , et c'est ce que reconnoît un célèbre
SEPTEMBRE 183p. j4i
•
critique arabe , cité par M. Vullers. Outre les vers satiriques contenus
dans le récit de ses aventures ,. et une jolie pièce que j'appellerais
voleta tiers un madrigal, adressée à une alouette £ laquelle il avoit rendu
la liberté , pièce dont il n'e^t pas même certaip qu'il .soit l'auteur, je ne
comtois de lui quurf fragment de poésie , compris dans le» Hàmasa^ et
qui paroJt avoir échappé aux recherches de M. Vullers. Ce fragment
Confirme bien le caractère satirique et caustique attribué par la tradi-
tion k Tarafk! II ne sera. pas hors de propos de le rapporter ici (i).
« Tes propos et tes calomnies ont mis 'une barrière entre toi et les
» deux familles desquelles lu tires ton origine, les enfans de Saâd , filj
» de Maleç, et les descendans d'Amtou et <TAuf. Tu es potfr tes proche?
» une bise glaciale qui souffle de la Syrie , et dont le froid humide con-
» tracte le vfcage de ceux qu'il atteint , tandis que , pour les étrangers , tu
^ es un doux zéphyr , sans froidure, et qui amène des nuages dont les
» eaux fertilisent les champs et .remplissent le lit des torrens. Mais je
» sais, et je le sais d'une scient certaine jit infaillible, que méprisable est
» celui qui souffre que se: proches tombent dans le mépris , et que Ja
*> langue de l'homme, quand il est dépourvu d'intelligence, ne sert
» qu'à 'mettre ses défauts au grand jour. *> Le dernier ver$ renferme une
comparaison déguisée , et le poète veut d\rey de même que la lupgue, &c
Je suis très-posté à croire que ces vers sont dirigés contre Malec,
cousin de Tarafa, le même .dont il* se .plaint dans sa Moallaka% car
Tarafa et Malec descendoient l'un et l'autre de Saad, fils de Malec,
.M. Vullejs adopte Je jugement que Reiske et W. Jorfes.ont porté de
la poésie de Tarafa. Je rapporterai les propres expressions du premier de
ces. deux écrivains., xjui appelle le poème de Tarafa, genuina antiquïtatis
ixemplar , qued, simplici verborum cul tu , conceptus Sublimes , sed non ultra
naturam adactoS, et auJucfS nobilif animi impetus exhîbit. Je souscrirois
volontiers* à ce jugement, mais je voudrais en retrancher ces mots»
simplïti verborum cul tu ; car si d'un côté H est vrai que le poème de
Tarafa se distingue; entre les monumèns de l'ancienne poésie arabe, par
l'élévation des pensées, par l'expression d'une noble indépendance, et
d'une fierté qui, s'é levant au-dessus du* jugement des autres , se vante
de ses vices comme de ses vertus ; par le choix , la variété et la grandeur,
des .figures toujours exemptes, d'hyperbole, le -style au contraire est
constamment élégant , concis , élevé au-dessus du langage ordinaire „
tant ppr. le choix des mots que par ses formes elliptiques , et sur-tout
par l'usage des adjectifs qualificatifs presque toujours substitués aux
■"■■" ■■■■■■ Il I I , ■ , , ,| , 1 „ .!■■ ■ | ■ I I I
' (0 Vy*z k Hamum, éJiiivn de M. Freytaj, pug. 632.
j4* JOURNAL DES SÀVÀNS,
noms. C'est de qu'a fort Lien observé M. VuH^rs, doftt }e ne puis/me
dispenser de rapporter le jugement , exprimé en ces ternies : Diccndi
. gtnus poetâe nostnî'est bftve, contisum et vere poiticum. Scatet 'Afoatlaca
jbrmis pfrraro usiiatif* H verbis quœ normisi rarisrima signifie/. ' tient * et
çonstructione *hic occurrunt. Loco substantïvomm Jere srmper' leguntur
adjectival rtifinithi ctpartfci/i i f pferumqi\e eti&m prœposiiiones verborum
quai euhi iHïs cdnstruuntur virera itnphnt. Verba dtniqut et sentent! œ ta m
fréquenter omhjra sunt, ut tt/ipsej durœ ertnsjlentes haud ràro occurrant.
C'est ajsèz.dire que ceux qui ne connoîtront le poème dé Tarafa îjue
par une traduction , ou qui n'en saisiront le sens qy'eti suivant servile-
ment,^ vers par vers ; ou plutôt mot "par mot, le commentaire de
!Zouzéni, .seront loin d'en^ pouvoir porter un jugement équitable,
^joutons tjue,dans ce poème, comme dans la plupart *des anciens
poèmes arabes, une longue et minutieuse description <ïç 1a "hiortt'ure
sur Iaquelleje poète traverse les plaines arides et solitaires, description
qui occupe une trentaine de vess , ne pe*t cfu'êrre bieri imparfaitement
.entendue par tout âùtrô qiîe gardes homme: pour qui.!e chameau est
la première richesse , le premier besoin , et l'objet continuel de? leurs,
soins et de leurs pensées. C'est dans ces descripfioiïs suf-tôtat que nous
Sommes condamnes /nous autres Européens ,*à nous traîner#pénible-
ment à la suite d'uft schoHastê.où d'un grajrffnairiem
PEisque jai cité ici le jugement porté par M. VuIIers du "talent
poétique de Tarafa , je me fais, un devoir de saisir cette occasion pour
signaler une erreur qui m'est échappée en rendant compte, dans ce
Journal (cahier de juin i82t), de J'édition de fa' MoaVaka de
Hârçth , donnée par le même M. VuIIers. Je ne saispar quelle préoc-
cupation , faute d avoir lu avec assez d'attention le jugement qu'il avoir
porté des poésies cTAbou'lala , en ies comparant avec les anciennes
poésies arabes , j'avois cru qu'il donnoitla préférence aux compositions
du sifde de Moténabbi et d'^bou'jala, c'e ces portes « dont les taMeau*,
» avois-je dit, ne sont ni vrais: ni recommandahies par'la pureté du
» dessin, par la bonne ordonnance de toutes les parties, par I\c!at et
» la fraîcheur du coloris. » -Averti de ma méprise , je regrette de n'a oir
pas trouvé plutôt une occasion de déclarer , cnmme- je le fais ici , que
M. VuIIers ne méritbit nullement la critique que je lui adressais. . •
Si je voulois faire connoître ici la marche ordinairement suivie pat*
les anciens poètes arabes , dans les compositions auxquelles on do*ine le
nom de kasida ex^cj», ou même me bo»ner à présenter en Abrégé
ïes idées principales qui font le sujet de la /MoaV.aka de Tarafa, je
• ne ferois guère que répéter des généralités dont j'ai entretenu plu-
•«SEPTEMBRE 183a. . s4j
sreirrsfbis les. lecteurs de ce journal, ou copier ce que j'ai dit, il y a
déjà bien des années, dans .mon Mémoirx sur l'origine et .tes anciens
monùmens de la ÏUtimtun 'garni les Arabes, mémoire , qui a été publié
dam* le tome L du rtcuôil $e V Académie des* belles lettres, et qui a
souvent été cité par M. V allers. Je dois donc* renvoyer uniquement au
travail de M. VuIIers les lecteurs à qui ces matières, ne sont pas
familière», ou qui ne seront pas fâchés -de trouver, rassemblées des
motions épar>es#dans plusieurs ouvrages, lis ne se repentiront point
devoir consacré quelque tur.ps à la lecture et à l'étude d'un livre fait
avec méthode- et avec une sage critique, où il n'y. a rien de trop,
comme aussi rien tf essentiel n'y eat oints , et qui peut faciliter lès
progrès des jeunes . amateurs de la langue et de la IVtérature des
Arabes. JI ne me reste donc autre chose à faire, pour donner quelque
.utilité/h cette «otice, que de-soumetire , soit à l'auteur lui-même , sort
.aux orientalistes de profession, quelques observations critiques qui.se
.sont présentées à mon esprit. . .
■ En général , le texte arabe tant du poème- que du commentaire dt
Zourén» est imprimé correctement; et s'il s'y est. glissé quelque»
fautes, ce qui est inévitable, surtout lorsque, comme dans le caa
prient , i'fiapressiQn se fait loin du lieu qu habite l'auteur ou l'éditeur,
les «corrections ont élé indiquées dan* un errata. lien a cependant
échappé à l'attention de M. VuIIers un petit nombre que je crois utile
, d'indiquer.
Dans le texte du poème, au vers 46? il faut substituer oSumS
Anvers 4*> il ftdt lire ^xb, au lieu de £jdb.
Au vers' 77 , ê^o et <jo* doivent étire changés en o>£ et ^ty*.
Pans le commentaire de Zoilzériî, j'indiquerai les correction*
suivantes. " ' * ' • ■"■
»
Au vers 10 , on a imprimé deux fois J* , tandb qu'il- falloît écrire ,
comme le porte mon manuscrit <^i*; et cela n'e^t pas douteux, puisque
Zouzéui . expliqué ce mot par Jpljl. J'avoue cependant que je ne.
«suis point ici de lavis 4e Zouzéui , et que je tiens pour certain que 1^
poète, par Jf , a vouju dire )ux>n chagrin r ***? scucis, et point du tout
mes projets. Je crois que cela est démontré par ces mots qu'il ajoute*
•jLi*2fcl o+£. Le sens est donc :/e lamas Us soucis, lors&il m\n sut-
ncniç»s/(/u'iit,.&ç. ;. \ 7..
Au vers i a., il-raut substituer *yi k ^Ijll» -et <^à/>y*
j44 . JOURNAL DES SAVONS,
Au vers 3 5 , il faut lire lf*l* et non LwUjLc , car Ta/Exe se rapporte
mu chameau et rio/r à ses deux veilles. •
•Au vers. 7 8 , <jLL> est une faute , et il faut lire ulU».
Dans les prqlégomènes , pag. 21, Ijg. 22 , au lieu de in oppido
Toufone, il faut mettre /nr toif/7/0 quod extruxit filius Toufauàis* II s'agit
là de ia mosquée d'Ahmed , fils de Touioun.. - *
Je ne itf arrêterai point à la traduction du poème , et je do» dire que
M. Vullers me paroît en gépéral .s-'être parfaitement, rendu raison du
sens du texte , et avoir fait beaucoup cf efforts pour être aussi littéral
<ju iléioit possible. Si cette traduction étoit destinée à tout autre usage
qu'à celui de servir de guide pour parvenir à l'intelligence exacte du texte,
je voudrais qu'elle fi&t plus libre , et qu'elle pût s'entendre sans que le
lecteur fût forcé de recourir sans cesse au commentaire. Elle, perdroît
•sans doute le mérite de la concision et des figures de langage qui
donnent à l'original do nerf, et une sorte de vague, lequel contribue
h amplifier les idées ; mais du moins elfe présenterait -de* idées nettes ,
liées ensemble', et accessible» à' tous les lecteurs. Je doute fort qu'un
lecteur qui seroit réduit à cette traduction du vers i\\xubiti mlidi, ab
utroqut laie n distantes ', quasi incedent cum d a a bus h y drus aquarii
robusti, pût se faire une idée de ce que le poète a voi*lu dire. Peut-être,
puisque en définitive il &ut avoir recours à un commentaire aralw ou
latin pour comprendre la traduction , vaudroit-il mieux renoncer à ces
traductions littérales, nécessairement barbares et parfois inintelligibles,
les remplacer par une traduction moins rigoureuse , écrite soit en latin ,
soit en français , en. allemand , &c. , et réserver pour le trommentaiœ
l'explication littérale du texte. Au surplus , c'est d'fcprès le -but que* s'est
proposé M. Vullers qu'il faut juger sa traduction , et mes observations
ne doivent être considérées que sous un point de vue général.
Je crois qu'au vers 24 , le traducteur n a pas tout-k-fâit saisi le sens
du texte , en faisant dire au poète , dans la description de sa monture :
Longe discedit céleri incessa pedum posteriorum , priores hue / 1 il lue
jaetans ; et je préfère la traduction de Reiske, qui dit; infinitum spatium
pede emeticns , incredibi/i rotans manun ctleritafr. En effel l'intention
du poète n'est pas de dire que le chameau qu'il monte fait en peu
de temps de longues marches , mais bien que s^$ pieds de derrière font
des pas très-alongcs > J*>)l o^jëJu**, c'est-à-dire, U^Li , comme
F explique un commentateur. Peut-être M, Vullers na-t-il pas voulu
exprimer autre chose; mais ce n'est pas là, ce nie semble, l'idée que
suggèrent le* mots latins longe d/sc/dit.
j£ ne suis pas non plus parfaitement satisfait de là traduction du
vers suivans \firmiter se volvunt pedes ejus anteriores i ptttorti ejusque
armi sese inclinant s ub teete fan} sujfulto, quoique , en fa rapprochant du
texte arabe , j'en devine le. sens , ce que je ne saurais dire de -celle de
Rejske : Si nu os as dextras jactanfi, ut sartprfilum sursum trahit, *et l accru
ejus volutantur in çipjfo cffidto. #I1' y. a dans ce vers deux comparaisons
\à&ti distinctes, dont la seconde n> point du tout été comprise par
ReiskewPans Ta première, le poète compare le mouvement des jambes
dç devan^du chameau , lorsqu'elles se lèvent en formant une courbe et
s'éloignant du poitrail , à celui d'une fileuse qui d'une main ferme tord
PétoUpe. qu'elle file, en l'éloignant de sa poitrine et la dilflgeant oblique-
ment Le poète emploie, pour exprime* cela, quatre mots dont trois, dans
fetir .sens propre, sont relatifs \ ¥aft de-fiter, o>J , Jbc* et ^j-a. Reiske
a bien vu cefa , et je ne sjûs pourquoi il a. introduit là un tailleur ou un
CD.idônnier, tarton D^ns la traduction de M. Vullers, au lifeu de se
volvunt-, f aurqjs nyeux aimé motu obliquo ètjir/now pectare rtctdunt. Par
la seconde figure , le -poète a Voulu, )p 'pçnse , peindre le volume, des
flancs, de l'animal , formant pomme un toit composé de tuiles qui se sou-
tienne^ Tune l'autre et qui dépassent la façade d'un bâtiment; de
même les cuisses du chameau se meuvent ej, s'écartent en marchant iouj
ses flancs 'fortement arqués, qui les débordent de chaque côté. C'est
peut: être de toute la Afoàïlaca le vers le plus difficile à rendre, tant
par la nature des figurés que par la concision de l'expression.
' Au vers 19 ,:il*se trouve un mot indfqûant une. pièce d'un navire ,
et sur la significàtioo duquel les commentateurs ne sont pas d'accord;
rîçst le mot qIXI^. C'est, suivant les uns» le gouvernai/; suivant d'autres,
un mat : Reiske .a dru que c'étoft une ancre /peut-être parce qu'il n'a
pas bien compris jet scbôliaste. qu'il a consulté; et AL Vullers partage
se» opiniôn;.qui est , je crois, une erreur. Le schoiiaste dit, ^ jJI ^liUt
iUujuJ! <j *yij. Sans doute Reiske a cru que cela voûloit dire que ce
qu'on appelle qUU qt' ce qui sert à arrêter le navire, c'est- a-tijpe , une
ancre, et M. Vullers adopte cette traduction. Pour moi, je pense que
Je schoiiaste a dit que c'est ce qui sert a diriger un navire, et je pronohee
jc-sj ^ : \ 'J t.*
^A* et non |ji}?'Ce' schoiiaste est doçc d'accord avec un autre qui
entend parla le gouvernail qui est à l'amer e du navire: jUaâJI J4> ylJCJI
{*j*y* j [aà£j- M> Vullers, au contraire, tient pour certain que
q(X^ signifie la proue du navire [ rostrum naris ] ; mais ce que je ne
eotoçois pas,Vetft cprtf allègue, en feveur de cette interprétation, Zouzéni
et Djewhari, quf dBsent que c'est la queue, c'est-à-dire, la poupe 'du
zzz
h^tlment^ î^J\ ^x Le ' traducteur turc du Ram*** rend fe< mofr
awbe plCi par le turc ^S , qui signifie^tfjmnu?//. D'aHlèurs 0ld se>
trouve employé deux fois dans la tr ad uciîqji. arabe du N eu veau -Test a-
dans
endroit*
w l propos
(pleGolius , et après lui N[enu)bky et d'autres auteurs de dictionnaires,
m ....
ont traduit (jlCJ par ancre II resté à savoir si un critique afabte/Àbou?
Obéida,, a eu raison: de dire que /dan* ce vers de Tarafà, le mot oliCï
signifie nuit., Jii p^fee que, le^nât ^pp^rtienr à la partie artiàr«M«
(la ppUrfac jkWJ ) du, n^yire^J>voyfcqu£ je ne vois *ucttn motif cfe*
supposer, que le. po§te ait employé ce mpt cfeps.une signification aussi;
éloignée de son acception connue. Ii a très-bien pu entendre par £>l&»
Id gouvernail ou l'arrière d'un navire, et dire, comme Texplkjue Zéuzém,
que sa monture se distingue par la longueur et llçléVatioft de son cou,
qtfi, quand elfe le dresse, ressemble h la poupe d'une embarcation
qui remonte lu Tigre. Si non* savions précisément quelle- étoh l*tlpèce-
dJembarcatioh à laquelle on donnoit le nom de c*>j*.> nous recon-
npîirions. sans ijoijte pour quelle raispn le, poète ^comparé le. cou dé
son chameau k l'arrière plutôt qu'à .Pavant # de ce bâtiment.. Une
observation qui n'est peut-être pas sans quelque importance, à. cet
égftrd ,' c'est que> j»j* signifie la croup* cT,pne -femme , et qu'on appelle
#Ly une femme qui a la* croupe forte \ qualité dont les- Arabes font-
geand cas, et qu'ils associent souvent' à lar finesse de la taille. *
Le commentaire de M. VuIIers, outre les variantes des manuscrits et
des éditions qu'il) a consultés, et le développement du sens /contient
encore desgk>>es empruntées ,-soii à: l'édition de.Reiske, soit à celle jde
Calcutta, ou à quelques manuscrits.. Parfois aussi l!iuteur relève des
erreurs *s$ez graves d? la traduction de Reiske,, ou bien il rend
compte des motifs qui l'ont déterminé à adopter, da&s des endroits
obscurs, lé sens auquel il a donné la préférence. II. a soin encore de
rappeler les règles de la grammaire qu'jl y a tfeu d'appliquer., toutes les
fois qu'elles pourraient n'être pas présentes' à là mémoire dés lecteurs.
Et. en général, comme je l'ai déjà dh, cette partie de -son travail m'a
paru faite avec méthode, sans longueurs inutiles r et sans omission de
rien de ce que pourroient désirer ceux à qui elle est destinée. Voici
seulement deux corrections que je me fais pu devoir d'indiquer.
OttHs te tôfMtteftttrîre eut le ve*s 3 , page }4, ftuWèttf <#oft néces-
saire de corriger ht fe^ttrôe là glose -de. Z^uzéni, oùfl lu} p»oît màhqiieir
qpékpie «chôsfe. f)e là manière dont il Fa imprhnëe/SoJSj d^ï k£ à*
difficulté. On y lit J| îj^ jtf, tf&j i^fîM»jJ ^ , c'est-à-dire, *
cause de l'excès de l'amour et de la violence de la passion qui trouble
ma raison. VoUa le sens, fi l'on admit &'c. Si l'on ptéféroit lire So^aj
O&jJr, il faudrait supprimer jSy
Dans fe commentaire sur le septième vers , pag. 37 , il y k uh -mot
omis, et il &utlire : cijô^ > loof» j*à> Jjd± *Jyj. Cecf n'est sans doute
qu'une fautç typographique > et je ne la remarque que parce qu'elle
pourrait arrêter les fafteurs*
Malgré iet commentaires ïfabes doftt M, VuIIers a fait usage , et
malgré ses propres travaux et c&ùx de Reiske -, il reste encore dans la
■Moalhcu de/Tàrafà» comme dans la pîupart des plus anciennes poésies
arabes, quelques vers, en petit nombre, dont le sens, est peu certain,
ou dont l'analyse grammaticale laisse des difficultés. Je poûrrois citer
comme exemple du second cas le huitième vers de Tarafa, et le
trentième* pourroit servir de preuve à ia première partie «de mon -asser-
tion* Mais doit-on *W étonner , si l'on fait attention au petit nombre
de monuments gui nous restent de cette époque reculée , et aux change-»
mens qu'a dû apporter' au langage comme aux moeurs des Arabes, fa
révolution causée par le mahométisrne ! Sans doute , lorsqu'on a com-
mencé , sous les auspices de la paix et de la prospérité, dans l'empire
musulman , à s'occuper de ces vénérables restes de la littérature arabe ,
bien des souvenirs étotent effacés, blea des traces a voient disparu, et
la mémoire n'a voit pas toujours conservé fidèlement des poèmes qui
dévoient paroître bien frivoles aux rigides et sauvages musulmans du
premier siècle. * ■ »
Pour compenser un peu la sécheresse du compte que je viens de
tendre, de là Moaiiaka de Tarafa publiée par M* VuIIers , je terminerai
cet article par la traduction de trois Jolis vers , que M. VuIIers a cités
dans son commentaire.
« Fais- toi insensé avec les insensés , quand tu te trouveras parmi eux ; .
» mais si par'has&rd tu rencontres des hommes sages , deviens sage avec
»t*it. Àcçommode-toi au caractère de l'homme avec lequel le sort
» t'associe, soit qu'il s'agisse de choses sérieuses ou de chopes frivoles;
zzz a
j48 JOURNAL DES SAVANS,
» car j'ai reconnu qu'aujourd'hui la raison contribue autant au malheur
» de l'homme , qu'elle fais oit autrefois son bonheur. »
Je ne sais en quel siècle ces vers ont été composés ; ainsi L'on ng
m'accusera ppintd'en calomnier aucun. * •
SILVESTRE DE $ÀCY.
wmmm
7 bai té du Citrus , par Georges GalleSio, auteur de la Pomon*
italiana, précédé d'un extrait de la kttre de M. Oscar Lecferc-
Thouin à M. C.
' • • .:..- .•.<**..:..
Pautàtïm crescunt , ut par est, semine certo,
Crescendoque genus servant , ut nosccrç passif
Qu'arque sua de materia granâescere alique,
(TiV. Lyp. Car. lîb. i, v. ffy.)
A Paris, chez Fantin, libraire, rue Mazarine, n.° ip,
iQzp, i voL in-8.° de 366 pages. •
Cet ouvrage doit avoir deux parties : il n'en a, encore paru qu'une ;
la seconde se faisant beaucoup attendre, nous avons cru devoir rendre
compte de la première, d'autant plus que seule elle présente assez
de matière pour suffire à un article, qui pourra faire désirer et. hâter
peut-être fa publication de ce que l'auteur annonce -avoir à dire de
plus sur cette sorte de végétaux.
Au titre du livre, on croit qu'il n'y est question que du citronnier
/ citrus /, ou du moins qu'il .est l'arbre principal d'une famille bien
intéressante par la beauté comme par J'excellejice de se$ fruits. Cepen-
dant le citronnier n'est pas Tunique objet du'ttaité , ni celui qui donne
le nom à un genre , car il n'eii est qu'une espèce.
M. Galle s io l'a bien senti ; il eût adopté plus volontiers celui âfagrumi,
employé par les Italiens et comprenant toute la famille à laquelle cet
arbre appartient: mais écrivant en français, où le mot citrus, pour
exprimer le genre , est plus connu , il a cru ne pas devoir en choisir
un autre.
Tout le monde regarde comme mérité l'éloge que , dans sa préface ,
il fait de la famille dès citronniers, orangers, cédrats, bergamotiejs ,
bigaradiers ,. &c
SEPTEMBRE 1S30. 549
« Ces arbres, dif-il, réunissent à-Ia-fois les avantages des arbres
3> d'agrément et ceux. des plantes utiles. Rien n'égale la beauté de
«leurs feuilles, l'odeur suave de leurs fleurs, l'éclat et le goût de
» leurs fruits ; aucune plantfe ne fournit comme eux des confitures dé-
» Vicieuses, des assaisonnemehs agréables, des eaux de senteur, dès
» essences; des sirops, et l'acide précieux dont on tire tant de parti
» pour des teintures; tout enfin, dans ces arbres, charme les yeux,
» satisfait l'odorat , pique le goût, nourrit le luxe et les arts. »
En effet, -ces végétaux, dans les pays chauds, ont toujours été
l'objet d'une culture principale des jardins ; dans les pays tempérés,
l'ornement des maisons de plaisance; dans lés pay s m froids, ils ont
donné ' lieu à ces bâiiinens destinés à entretenir une chaleur - douce
au milieu de l'hiver ; aussi les agronomes se sont-ils occupés, de les
.conserver et multiplier.-
M. Gallesio cite tes ouvrages qui en ont traité; ce sont les suivans :
Les Nouvelles Hespirides, par Jean Commelyn ; Amsterdam, *
Crtricultura ; ou Culture des arbres fruitiers, savoir , les orangers,
les citronniers, les limonrpers, les grenadiers, les lauriers, Ôx. , par
Fançois Vin-Sterbeck (en hollandais) ; Anvers, 1712.
Magasin pour* la* culture des jardins en Allemagne , par Picler.
' Journal allemand , 4 •* série , années 1807 et 1808.
JHesperides, sive de* m a forum aureorum culturâ et ustî libri IV, Jo.
Jîaptistx Ferrarîi SenenSïs è societate Jesu ; Romae , 1 6&6.
Hesperidum norimbergensium , sive de malorun\ citreorum, limonum ,
'aurantiorumque culturâ et usu libri IV, autore Joanne-Christophoro Volc-
kamero , è linguâ germanici in latinam translati; Norimbergx, apud
Endterium. * . " •
..'C'est après avoir bien médité ces auteurs, et sur-tout Ferrari et
Volckamer, qui ont le mieux écrit sur ces végétaux, "que M.. Gal-
les^o a trouvé "que tous ayoîent laissé à leurs successeurs un champ
assez vaste à parcourir, par nippon à la classification des espèces et
variétés qui remplissent confusément leurs "ouvrages. II a voulu .re-
médier à ce défaut cForare , en établissant une nouvelle méthode de
classification ; pour cela il s'écarte entièrement de la marche adoptée
par les botanfstes et Ie& agronomes , ses devanciers ; bien persuadé , dit-if,
que sa méthode, calquée sur la constitution *et la nature du végéta! ,
sera jugée comme tellement identifiée avec cette origirie-et cette orga-
nisation , que chaque individu de la famille se trouve , dans ses cadres
ou tableaux* placé et indiqué avec le même ordre que celui qui est
Ijo JOURNAL. DES SAVANS;
employé, dans les jardins botaniques pour l$s plantes indigènes et
exotiques.
Voulant atteindre ce Fut, M. Gailesio annonce à* son lecteur qu'il
stest scrupuleusement occupé à .saisir Ifesf caractères distinctes de
chaque plante, afin d'être en état de' déterminer tes espèces, séparer les
hybrides et les monstres des variétés, et en présenter le tableau par
divisions et généalogies , de manière qu'après avoir ,mis tous ses soins
à observer la si rie non interrompue de chacun dans les premiers dé-
veloppemens de leur germination jusqu'à leur fructification et repro:
duction , qu'après avoir comparé l'ensemble des résufiats de ses expé-
riences avec celles qui ont été précédemment étudiées et avec tous les
phénomènes connus, il peut affirmer que s* théorie est fondée en
principes. et sur des faits non contestés.
M. Gailesio »raite ensuite de la greffe , des boutures, des marcottes,
du sol et de la culture , soit relativement h la conservation dés qualités
précieuses du genre et des espèces, soit pour concourir & la formation
de ces variétés nombreuses çt particulières à ce. végétal.
Uçuvrage est divisé en quatre chapitre^, dont le premier contient
un grand nombre d'expériences sur lesquelles l'auteur appuie sa théorie.
Voici les résultats qu'il en tire : "-..*..
i .° Les espèces forment autant de branches dans les familles qui- sont
connues sous le nom de genres, et auxquelles elles appartiennent par
des caractères communs ; elles se distinguent entre elles par des carac*
tères particuliers. * .
Ces caractères sont çonstans, et ils distinguent le type des va-
riétés. '
Les types sont totfjours féconds ; ils se reproduisent par leurs se-
mences , à moins que celles-ci ne soient modifiées par la fécondation.
2.° Le mélange des espèces dans la réunion des sexes a donné
naissance à des hybrides. % *
L'hybride participe des caractères des deux espèces dont elle est
composée ; ainsi la physionomie extérieure décèle son origine. Elle n'a
pas besoin de procédés pour être connue; elle a une tendance h la
stérilité.
3.0 Le mélange et la proportion des principes de reproduction de
plusieurs individus d'une «même espèce ont donn4lieu aux variétés. Les
variétés ne sont qui? des aberrations du type.
4.° L'action irrégulière et forcée d'un principe sur l'autre dans l'acte
de la fécondation , soit sur 4a même espèce , soit entre des espèces diffé-
rentes , a donné lieu à la production des monstres.
SEPTEMBRE 1Ô30. }%t
Les monstres ne sont donc que des individus dont l'organisation &
subi une altération par le fait de la fécondation.
Si cette altération slcu lieu dans les Ovules, le monstre* est dans lé
germe, et ce' germe semé produit urte variété qui ne porte que de*
monstres. Nous ne chercherons pas à approfondir cette théorie et à k
discuter ; nous laisserons ce soin aux «physiologistes.
Si cette, altération a lieu dan* l'ovaire. le monstre est dans le fruit
qui en. résulte, et pérjt avec lui-'
Dans le deuxième chapitre, l'auteur traite du genre citrus et de ses-
espèces, qui oh!* une grande propension k se mélanger, et dont la fleur-
présente beaucoup de fàeftité pour recevoir une fécondation extraordi-
naire- M*. GaHesio y établit les divisions des botanistes et, des agro-
nomes',, et celles qu'il a adoptées; il traite des espèces primitives et
des hybrides qu'il subdivise en trois races, et ces trois races entleux'
classes. La première est £elle des- hybrides qui ont cogservé la phy-
sionomie de l'espèce principale , de laquelle elles ne se distinguent que!
par des modifications, très-légères , qui affectent k peine quelque parue
dé la plante» La seconde est celle des hybrides dans lesquelles le mélange
est si prononcé, qi$e l'on ne peut le* confondre avec aucune des variétés*
des epèces primitives. L'auteur appelle ponches les hybrides du L'inoinuer
et du cédrat, limes les hybrides de l'oranger et du limonnier , /amies les
hybrides du cédrat' et de l'oranger; '
C'est Te chapitre 111 qui est consacré & la synonymie et ^ la description^
dés espèces, variétés et hybrides, appartenant à ce genre de végétaux*»
Les deux derniers articles concernent les fruits monstrueux etJ fe*
agrumes des. Indes/, avec des observations généraleV
L'auteur, dans le 1Y,C et dernier chapitre , quitte le rôfe de bota-
niste pour prendre celui d'historien. 11 s'occupe. de recherches sur fes
pays où ces arbres sont indigènes , ceux où ils ont été transportés et
où ils se sont naturalisés , et les époques de leurs différentes transmi-
grations. # •
. Ce chapitre* est rempli deirecherches qrû donnent lieu fe des discussions
savantes, et présente beaucoup d'intérêt à une certaine classe d'agricul-
teurs et aux botanistes L'auteur y montre une grande érudition ; des
notes très -étendues .attachent le lecteur,, et prouvent que M .GaHesio
a lu et consulté une infinké d'écrivains de difflrens siècles et de diffé-
rentes nations, et qu'il a voypgé dans beaucoup de contrées où l'on
cuhive'des 'orangers. Nous citerons , parmi ses notes , ceHe dans laquelle
if rend compte de l'état dexes arbres , quanta leur produit ààtts divers1
pays. Les orangers du Fthalafc lui om jtutu lés pi as beaux dér fEurdpr/
j.52 JOURNAL DCS SAVANS,
Ceux de la. Sicile ont des fruits très-doux; un seul arbre en Sonne douze
à quinze cents. H en est de même de ceux des îles de l'Archipel , de
Salo, de Nice, d'Hyères» Les moines du couvent de los Remrdios en
Andalousie ont assuré M. Gallesfo qu'ils avoient cueilli à leurs arbres jus-
qu'à cinq mille oranges, ce qui a lieu aussi dans le Finalais, où même -on
en a récolté dans un jardin six mille, et dans un autre (celui dé M. Piagia)
huit mille sur un seul individu. Ce dernier arbre s'élève à la hauteur de
neuf mètres ;ses branches, qui forment un globe etqpi descendent jusqu'à
terre, présentent une circonférence de trente-quatre mètres ; la. tige, qui
est encore jeune et vigoureuse, a un mètre et demi de "circonférence.
L'ouvrage est terminé par deux tableaux synoptiques , l'un des carac-
tères di$tii\ctifs des différentes espèces de crtrus, et l'aiitre du genre,
disposé d'après les principes de la nouvelle théorie de la reproduction
végétale. ' .
Nous ne croyons* pas devoir oublier dédire que M. Gaflesio , à
la fin de sa préface , témoigne sa gratitude à trois de nos confrères,
en s'exprimant .de cette, manière : ce Ce traité , dit-il , n'$uiroît jamais
* atteint le degré où il est parvenu, Sans les secours que j'ai trouvés à
» Paris i dans les ressources immense* qu'offre ce centre des connois-
M-sances humaines, et dans l'aide de l'amitié et des lumières de MM. de
»Sacy, Desfontaines et Mirbel; c'est à. ces tepis ^avans, et principale-
a» ment à M. de Sacy , que je suis débiteur d'un grand nombre d'db-
» servations et de détails qui ont enrichi mon travail et qui en ont
» facilité le développement et la liaison ; il m'est doux maintenant de
» leur en témoigner ma reconnoissante , &c. »
•."'*' TESSIER.
Mémoires de Y Académie royale des sciences de- F Institut de
France, années 182*1-1826 ; tomes Vlll et IX, in-4.9 Paris,
Firihin Didot , rue Jacob, n.° 24.
PREMIER ARTICLE, tome VIII.
En commençant cet article , nous rappellerons à nos lecteurs que
nous n'avons été chargé par le bureau du Journal des Savans que de
rendre compte des mémoires cpmpris dans la division des sciences
SEPTEMBRE 1830. 553
physiques du recueil de P Académie royale des sciences de l'Institut ;
l'examen des mémoires compris dans la division des sciences mathéma-
tiques ayant été confié à celui de nos collaborateurs qui est spécialement
arttché au journal pour rendre compte des ouvrages du ressort de ces
dernières sciences.
Mémoire sur l'origine, le développement et l'organisation du liber et
du bois, par M. Mirbel.
»
II seroit assez difficile <T exposer clairement l'objet de ce travail , de
manière à en faire sentir toute l'importance , si nous ne rappelions pas
la structure du bois et de Pécorce ,. ainsi que les opinions principales
qui ont été émises sur l'origine et le développement des diverses parties
qui les constituent sous le rapport anatomique.
Lorsqu'on coupe la tige ou môme une brandie Kgneuse d'un arbre
de nos forêts perpendiculairement à sa longueur , on aperçoit presque
toujours, au premier coup d'oeil i sur chacun des deux plans circulaires
qu'on a mis à découvert, quatre parties, ïécorce, le corps ligneux, la
moelle, et les rayons ou prolongemens médullaires, qui, partant du centre,
vont en ligne droite jusque dans Pécorce.
En examinant Pécorce et le corps ligneux de plus près , on voit
que la première est formée de couches concentriques enveloppées , à
f extérieur , d'un tissu cellulaire : les uns ont compris Pensemble de ces
couches sous la dénomination commune de couches corticales ou de
liber, tandis que d'autres ont appliqué Pépithète de corticales aux
couches extérieures , en réservant la dénomination de liber aux couches
intérieures ; quelques savans n'ont admis qu'une couche de liber. On
voit enfin que le corps ligneux est aussi composé de couches concen-
triques , dont la plus extérieure, moins dure et en général moins colorée
que celles qu'elle recouvre, est appelée aubier; les autres couches
constituent le bois proprement dit. Celle qui touche la moelle est
Vétui médullaire, parce qu'en effet elle semble la contenir.
Les opinions qu'on a avancées sur l'origine et le développement du
bois, rentrent dans deux principales, lorsqu'on ne veut voir que les
grandes différences qui peuvent les distinguer les unes des autres.
Grew, Malpighi, Linnseus, Sennebier, admettent que les couches
intérieures de Pécorce ou le liber s'ajoutent au bois et constituent
Paubier, tandis que les couches corticales extérieures s'ajoutent à Pécorce*.
M. Dupetit-Thouars pense au contraire, avec Knigt, que chaque-*
année , entre Pécorce et l'aubier, i\ se produit une couche de liber qui
▲»aa
$j £' JOURNAL DES SAVONS,
ajoute !t F&orce , et une couche cf au hier qui $ ajoute au corps figneu*
ex se convertit en bois l'année suivante,
M. Mirbei professa d'abord la première opinion; mais l'observation
lui eu ayant démontré la fausseté, il «ut ia bonne foi de l'abandonner;
C'est dans une note lue en i S 1 6 à la Société phiiomatique , qu'A
énonça sa nouvelle manière devoir, qui é toit appuyée d'ailleurs sur des
tfessms cPtrne grande exactitude, faits pnr lui* même cPaprès nature: fé
mémoire que nous examinons nVst en quelque sorte que l'explication
détaillée de ces mêmes dessins , qui ont été gravés dès 1817,. avec une
grande perfection , par M. F. Béin. Nous allons exposer les idées de
M< Mirbei , quelque difficulté qu'il y ait à les faire comprendre ai;
lecteur, lorsqu'on n?a pas la ressource de les lui présenter avec les deux
planches qui accompagnent le mémoire original et qui le rendent* si
clair.
• Une branche d'orme de quatre ans fixe d'abord son attention. Après en
avoir coupé une tranche mince perpendiculairement à f axe , voici ce
qu'il y reconnoît : en partant de l'étui médullaire , on compte quatre
couches ligneuses-, y compris l'aubier, et quatrç couches de liber ou
corticales, car M, Mirbei est da ceux pour qui ces deux expressions
sont synonymes; chaque couche de liber est séparée de sa voisine par
une couche de tissu cellulaire, et chaque couche de liber se compose
elle- même de lames alternatives de tissu cellulaire , et cTun tissu plus
dense , qui est probablement formé de tul.es ou de cellules très-longues
à parois épaisses non criblées de trous; la couche de liber la pi Us
proche de la circonférence est couverte de tissu cellulaire dans lequel
on remarque quelques lacunes.
Chaque couche ligneuse présente à l'observation un tissu que M. Mir-
bei avoit décrit d'abord sous le nom de petits tubes, et qui paroît être
une agglomération de cellules à parois épaisses, extrêmement alongées
et fermées à leurs extrémités; ce sont elles qui donnent principale-
ment au bois la dureté qui lui est propre; 2.0 des tubes vasculaires ,
à parois criblées de trous; ils limitent intérieurement la couche
ligneuse; 3." des tubes d'un diamètre plus petit que les précéderas, à
parois criblées ; comme ils sont coupés intérieurement de distance en
distance par des clouons, on pourroit les considérer comme des cellules
alongées et criblées. Ces tubes, par leur disposition en rangées circu--
laines, partagent la couche ligneuse en feuillets concentriques analogues
a ux< lames que nous avons remarquées dans chaque couche de liber. La
dwteté des feuillets extérieurs* est plus grande que celle des feuillets
intérieurs; mais, en comparant sous le même rapport les diverses
•>' 4i
SEPTEMBRE 1830. 5jj
couches du corps ligneux, on trouvé que. leur dureté respective
augmente avec feur proximité du centre.
L'étùi médullaire, qui est fa limite intérieure de la dernière couche
ligneuse , présente de gros tubes vascuiaires , dont les uns sont criblés
de trous, et les autres formés d'un filet roulé en hélices; ce sont ces
derniers qu'on a appelés trachées.
Quanta la moelle, elle se compose d'un tissu cellulaire qui offre à
l'observation microscopique deux parties très ' distinctes : celle qui
ivoisîne l'étui médullaire est à parois très^épaisses , et présente des
interstices ou lacunes , tandis que l'autre partie , à parois minces , n'en
présente pas. Les cellules de la première partie sont souvent remplies
d'une matière qui a l'aspect de l'amidon.
H y a continuité entre les prolongerions médullaires , la moelle et
fe tissu cellulaire qui enveloppe les couches corticales ; mais les pro-
ÏOngetnens médullaires qui sont dans le corps ligneux, sont formés de
cellules à parois épaisses , tandis que ceux qui sont dans l'écorce sont
formés de cellules à parois milites,
II y a tant de ressemblance entre un tronc (Tonne et ceux des autres
arbres de nos forêts , et , d'un autre côté, les dessins de M. Mrrbel sont
si nets, si précis , si conformes aux idées que Ton peut se faire de la
structure des objets qu'ils représentent , qu'on seroit tenté de généraliser
ce qu'il dit de la structure de l'orme à celle des autres arbres, sans qu'il
parût nécessaire de soumettre ces derniers à l'examen : mais lorsqu'on a
Fhabitude d'observer la nature, on a tant d'occasions de remarquer
Combien la réalité est foin de l'apparence , sur- tout lorsqu'il s'agit
d'étendre à plusieurs êtres ce qu'on a observé dans un seul , que (a
philosophie naturelle exige impérieusement que l'observateur ne géné-
ralise qu'en raison de la multiplicité de ses observations. C'est pourquoi
M. Mrrbel a soumis le tllia curopœa, le prunus cerasus, le malus corn-
munis , Itfagus sylvatica, k un examen aussi scrupuleux que celui dont
Forme a été l'objet ; et ces nouvelles observations sont venues généraliser
les premières, pbur établir ce feit fondamental, que toutes les fois qu'un
arbre n'a pas été altéré dans son écorce , cette écorce présente autant
de couches de liber que le corps ligneux présente de couches ; qu'en
conséquence, on ne peut admettre que le bois s'accroît parce que le
liber s'y ajoute en passant d'abord à l'état d'aubier.
Voyons maintenant comment M. Mirbel conçoit le développement
de l'écorce et du corps ligneux.
À chaque printemps , un produit organisé, appelé cambium par Grew
et Duhamel, apparoît entre l'écorce et le corps ligneux, c'est-à-dire,
Aaaa 2
55<î JOURNAL DES SAVANS,
entre l'aubier et la couche de liber qui ont été formés Tannée précédente :
peu à peu le cambium donne naissance , i.°à une couche d'aubier qui
s'applique sur l'ancien , tandis que celui-ci passe peu à peu ît l'état de
bois proprement ditj zJ" à une couche de liber qui s'applique. sur I*
surface interne de l'écorce , de manière que la couche de liber la plus
ancienne est la plus extérieure , et que la couche la plus ancienne du
bois est la plus interne. Mais en même temps qu'il se développe une
nouvelle couche de liber et de l'aubier, les couches de liber formées les
années précédentes croissent elles-mêmes, parce qu'elles reçoivent, entre
ce qu'on appelle les mailles de leur yssu, du cambium qui se transforme
en cellules.
M. Mirbel revient sûr l'idée qu'il a émise au commencement de sa
carrière scientifique , que les différentes parties que l'œil distingue dans
le végétal sont celles Sun tissu continu, de sorte que les vides , les
interstices , les lacunes que présente le tissu cellulaire , ne sont pas le
fait de l'organisation , mais bien le résultat d'accidens qui ont déchiré
des cellules : il rejette donc ce que M. Treviranus a nommé méats
intercellulaires; il n'admet donc pas la formation de ce même tissu par
l'agglomération de vésicules qui se sont soudées ensuite. Si l'on parvient
à isoler une cellule, ou ce que M. Dutrochet a nommé un clostre, on
n'a pas dessoudé cette cellule , ce clostre , des cellules, des clostres qui
étoient contigus aux premiers; mais la paroi commune à deux cellules,
à deux clostres , s'est déchirée suivant un plan passant dans le milieu de
cette paroi et parallèlement à ses faces. Le sève ne circule donc pas dans
les méats, mais bi?n dans des vaisseaux, qui sont pour M. Mirbel des
tubes criblés de trous , des tubes fendus , et des trachées.
Enfin M. Mirbel explique ce fait, que, dans chaque couche ligneuse ,
la partie la plus dure est à sa limite extérieure , et la partie la moins
dure à sa limite intérieure , en disant que cette dernière partie ayant été
produite au commencement de la végétation de l'année, tandis quç la
plus dure Ta été ensuite, les circonstances atmosphériques étoient plus
favorables alors pour que la matière ligneuse acquît plus de dureté,
qu'elles ne I'étoient au commencement de la saison.
Recherches sur ta manière de discuter les analyses chimiques, pour
parvenir à déterminer exactement la composition des minéraux, par
Af. J. S. Beudant.
Tous ceux qui ont suivi l'histoire des progrès de la minéralogie
depuis les premiiers travaux de Haiiy , ont sans doute remarqué le
SEPTEMBRE 183a # 557
défaut de concordance qui existoit -f à une certaine époque , entre7 les
résultats de l'analyse chimique et les résultats de la cristallographie; et alors
on pouvoit d'autant moins prévoir cet état de choses , que ia chimie
avoit confirmé, de la manière la plus évidente , des rapprochement basés
sur la structure des cristaux: ainsi Vauquelm, ayant découvert une base
salifiable nouvelle, la glucine, dans le bérii, la retrouva dans Pémeraude,
où il avoit été conduit à la rechercher d'après l'invitation de H au y , qui
yenoit de se convaincre que Rome Delisîe avoit eu raison de conclure
l'identité de ces minéraux de l'identité de leur forme cristalline. Un
second exemple non moins remarquable que le précédent étoit te
découverte que fît Vauquelin de la strontiane unie à l'acide sulfurique,
dans des cristaux apportés de Sicile , que Ton avoit confondus avec le
sulfate de baryte, jusqu'au moment où Haiiy remarqua que l'angle
obtus de la forme primitive des cristaux de Sicile étoit plus ouvert
d'environ $ degrés et demi que dans les cristaux du sulfate de baryte :
quoi qu'il en fût de cette harmonie entre les deux sciences , et quoique
Hauy eût défini l'espèce minéral?, dans la première édition de son traité,
une collection de corps dont les molécules intégrantes sont semblables, et
composées des mêmes élémens unis en mime proportion , H s'éleva des
difficultés si graves, que l'auteur de cette définition adopta, dans ses écrits
postérieurs , une manière de voir qui annihilait, pour ainsi dire, la part
que cette définition accordoit à la chimie dags la détermination des
espèces minérales. Les difficultés dont nous parlons étoient de deux
ordres : les unes concernoient des substances qui sont composées des
mêmes élémens , unis en une même proportion , et qui ont cepen-
dant des formes primitives distinctes; telles sont le spath calcaire
rhomboïdal et i'arragonite, tous deux composés d'acide carbonique et
de chaux. Les autres concernoient des matières de la nature de celle
qu'on appelle pierres , qui , contrairement aux précédentes , présentent
une même forme primitive dans des échantillons que l'analyse chimique
trouve différens sous le rapport de la proportion des élémens, et, dans
plusieurs cas, sous celui de la nature même de quelques élémens.
Les premières difficultés n'ont jamais eu pour les chimistes la gravité
des secondes , parce qu'en effet ils ont si souvent l'occasion d'observer ,<
dans leurs expériences, combien l'arrangement des molécules d'un
corps a d'influence sur sa couleur , sa densité » sa consistance, &c. &c. ,
qu'ils étoient suffisamment préparés à admettre. que les mêmes prin-
cipes, comme l'acide carbonique et la chaux, unis dans la même pno*
portion, pouvoient constituer des solides aynnt des formes primitive*
différentes ; et cette opinion a été ultérieurement parfaitement démontrées
fit JOURNAL DES SA'VÀrNS.
Les secondes difficultés ne paroissoi ent pas dé nature à être expliquées
aussi facilement ; cependant tous les bons esprits , en énuméram les
découvertes .qui étoient résultées de l'alliance de la cristallographie et
de la chimie , pensoient avec raison qu'il y avoit quelque principe
théorique inconnu qui, une fois découvert, rétablirait l'harmonie
entre deux sciences qui se m b (oient devoir se confondre à leur but
plutôt que d'avancer eh divergeant de plus en plus l'une de l'autre.
Ce principe est cefui de Yisomorphism'e , découvert en 1810 par
M. Mitscheriich. 11 consiste en ceci t qu'il y a des corps a , b , c , d, . . .
qui, en se combinant avec un corps v, forment des composés av , hv ,
çv, dy>. . . . cristalUsabfes dans le même système, sous des formes plus
ou moins rapprcfchées par leurs angles, si toutefois ces formes ne sont
pas identiques. Les corps a, b, c, d sont dits isomorphes, lis sont
acides, lorsque v est base sali fiable ; ils sont bases salifiables, lorsque v
est acide: en un mot, les corps isomorphes a, t, c, d,. . . sont tou-
|purs doués de la propriété antagoniste de celle du corps y.
Mais avant d'aller plus loin, noifc devons remarquer que cette
découverte (ut préparée par de nombreuses analyses , qui ont illustré
les noms de plusieurs chimistes, et sur tout par l'heureuse idée qu'eut
M. Berzelius, de considérer les espèces minérales de la classe des pierres
comme des sels , c'est-à-dire, des composés dans lesquels un ou deux
principes fatsoient fbqption d'acide et un ou plusieurs principes
faisoient (onction de bases salifiables. Cette manière de voir, appliquée
spécialement aux pierres siliceuses , en faisoit des silkdtcs , et ceux-ci,
une fois rangés parmi les sels, présentoient des silicates simples, ou dçs
composés définis de silice avec une seule base , des silicates doubles ,
triples,. . . ou des composés de deux silicates, de trois silicates. . . .
définis : dès-lors leur composition pouvoit être calculée comme celle des
sels simples, des sels doubles, des sels triples. . ., etdevenoit susceptible
d'être exprimée , de la manière la plus simple et à-la-fois la plus précise,
dans le langage du système atomistique.
Par exemple, les pierres appelées pinite disthène, cymophane,
devinrent des silicates d'alumine simples ; le zircon , la gadolinrte , la
calamine , des silicates de zircone, d'yttria, de zinc simples; l'émeraude,
Iteuclase , des silicates doubles d'alumine et de glucine ; le feld-spath ,
qui étoit une espèce unique pour Haiiy , devint un sous-genre renfer-
mant trois espèces de silicates doubles, savoir, un silicate double
cfalumine et de potasse, un silicate double d'alumine et de soude, un
silicate double d'alumine et de chaux ; et , fait remarquable ! c'est que
cette composition étoit telle qu'en remplaçant , dans les deux première^
. SEPTEMBRE! 483©. ?^
mÊpèa»>, la silice par l'acide sulfarique dans la proportfan convenable
pour neutraliser les deux bases , on a voit l'alun à base de potasse et
ÏWun à base de soude.
La décooyerte de fispraorphisme donna à ces faits une généralité et
une précision qu'ils n'auraient point eues sans elle» et ce ne an
séefletnent qu'alors qu'on sentit bien ce qui a voit manqué jusque-là
pour appliquer rationnellement le système atomistique à uq asses
gond nombre d'analyses minérales* ■>
* En effet, le principe de Vhomorphismc, en généralisant Je fait que
du suHàte d'alumine forme des composés ootaêdres avec du sulfate éé
potasse , du sulfate de soude, et même du sulfate d'ammoniaque ; que
du. silicate d'alumine donne des composés de môme forme , soit qu'il
s'unisse à du silicate de potasse , soit qu'il s'unisse à du srlicatede soàdev
ou bien même à du silicate de chaux, explique plusieurs des difficultés
les plus graves que nous avons signalées plus haut , en parlant de la
dissidence de l'analyse chimique et de la cristallographie; savoir :
i.° Que des cristaux, ayant la même forme priinfrïvp, peuvent
différer par quelques-uns de leurs élémens , dans le cas même où ces
cristaux sont parfaitement purs, ou , en d'autres termes, que l'analyse
les' trouve formés cTélémens unis en des proportions définies et cons-
tantes. II est évident qu'alors ils constituent plusieurs espèces d'un
même sous-genre ;
2 .° Que des cristaux peuvent présente* des principes <Juf ne paraissent
pas d'abord-être en proportions définies , mais qui se réduisent, par un
examen aprofondi, à des mélanges en proportions indéfinies de composés
définis. Cette difficulté. ts\ facile à concevoir , lorsqu'on sait qu'uypt
cristal d'alun de potasse peut s'accroître dans une solution cTaluii
ammoniacal, et que le résultat, qui n'est qu'un mélange de deux ccprps
Sarfahement définis, ne ces.*e pas d'être homogène à l'oeil , malgré là
ifRrènce qu'il peut y avoir -4ans |a proportion des $els mélangés."
Ajoutons à ces difficultés celles qui résultent des mélanges qu'une
cristallisation rapide a opérés entre des corps qui peuvent être isomorphes
ou non isomorphes.
D'après ce qui précède , il est évident que , pour se représenter ta,
composition chimique d'un minéral dont on aura fait l'analyse , 11 ne
suffira pas d'avoir déterminé la nature ni même les proportions de' açi
élémens; il* faudra voir encore s'ils sont dans des proportions conve-
nables pour constituée dés sels simples ou doubles : cpnséquemroenV, n
faudra avoir égard aux composés isomorphes, aux, mélanges npssîbles
de composés définis , afin que, dans tous les cas, on puisse, en réunissant
/
t6o JOURNAL DES SAVAIS,
lés élémens trouver dans le minéral analysé , voir si ces élémens
représentent un composé défini pur ou plusieurs composés définis
mélangés. Pour arriver à ce but , on part de suppositions suggérées par
les caractères extérieurs du minéral analysé, par la possibilité que la matière
qui sert de gangue au minéral ait pu s'y mélanger, &c. Ces suppositions
faites, <xû cherche à les vérifier par des calculs : or , ce sont les règles a
suivre pour opérer ces calculs que M. Beudant s'est proposé de tracer
dans le mémoire dont nous avons énoncé le titre plus haut. Les consi-
dérations précédentes étoient nécessaires pour en faire apprécier
l'intérêt; et nous avons d'autant moins hésité à nous y livrer, que
ce mémoire n'est pas de nature à être analysé fidèlement dans ses
détails. Nous nous bornerons à parcourir rapidement les paragraphes
qui Je composent
$. i •* Expériences sur les sets.
M. Beudant s'est livré à des expériences sur les sels , pour savoir si
rexcès (te silice que l'on rencontre dans un grand nombre de silicates
peut être attribué .à ce que ces composés s'étant trouvés , au moment
de leur formation , en présence (Tune quantité de silice plus grande que
celle qui est nécessaire à fa neutralisation de leurs bases sali fiables , cet
excès de silice a été enveloppé par les silicates , soit qu'il y ait eu com-
binaison ou simplement mélange.
Le résultat des expériences de M. Beudant a été :
i .° Que les sulfates , les nitrates, les carbonates neutres cristallisables,
qu'on fait dissoudre dans des eaux qui contiennent un excès de l'acide
Où de la base de l'espèce du sel qui est dissous, cristallisent en con-
servant leur composition première , sauf le cas où le sel dissous est de
nature à former un sous-sel ou un sur- sel; maïs alors les principes du
nouveau sel sont en proportion définie. Ces expériences ne sont que la
Confirmation de ce qu'un grand nombre de chimistes avoient déjà
ob$ervé;
a/ Que l'eau mère acide ou alcaline qui reste attachée mécanique-
ment à un sel , n'élève la proportion de l'acide ou de la base qu'à
quelques millièmes f ou très-raremeril à des centièmes , au-dessus de la
proportion essentielle 'h la combinaiso'n ; et cet excès disparoît , si les
sels , avant l'analyse , ont été brisés et pressés entre des papiers Joseph
qui absorbent l'eau mère ;
î»° Que dés ^silicates préparés par la voie sèche se sont comportés
d*ûne manière analogue aux sels précédens , dans des circonstances
SEPTEMBRE*, |0)Q..->1 jrfj
analogues. Aussi Iajilice étoit^I« mêlée è,^^2^s'4^>* <Jes propor^ru
tjui constituoieot dés composés neutfrç, i|,se; produisait des «liçate$
neutres. La silice étoit-elle un peu surabondante,. H.se produjspit deux
combinaisons distinctes à l'œil , et chacune en proportion définie.
Ces e;cpériences# n'ayant pas dp.n.rçé la. solution, de la question que
M. Beudant s'éfioit proposé de traiter, il crue qu'il h trou ver oit dans fa
tendance qu onjt les sels à se mélanger lorsqu'ils, cristallisent rapide-
ment, sur-tout Jprsque ces sels sont formés dû même acide et ont en
outre la même formule atoratstique; et en effet,- M.- Beudant ayant
pris en considération la nature des gangues , ou plus généralement celle
des matières qui enveloppent les minéraux dans leufs gîtes, trouva
que les analyses calculées dans l'hypothèse ou il y avoit eu mélange de
ces matières. avec le minéral, étoient fies pins satisfaisantes.
. S- a.
Le second paragraphe en est la preuve : il se compose de quatre
séries d'analyses.
La première concerne im groupe cristallin que l'auteur considéra
d'abord, d'après les ^uls caractères- physiques et minéralogiques^,
comme un mélange <f amphibole acrinote en cristkux . rhomboïdaux ,
et d'épidote thallite en partie granulaire , en partie fibreuse.
« L'analyse du premier minéral représemoit :
• * ■ . .
Amphibole actinote, *. 55.) c'est-à-dire , de deux espèces du
Amphibole trémolite 38.) »u>genrc amphibole.
Tfisilicate de fer .... 1.
Silicate trialumineux çv . % .
' ' . ■ ' "9? r:
\
m •
L'analyse du deuxième minéral représentait :
•
Épidotç zoïsite. . . . 4 1»7* (c'est-à-dire, <ïeux espèces du sous-
Epidote thallite 47»9-| &***. *pM*te,
Bisilicate de magnésie*. 2,7.
Bisilicate de fer. 7,0.
Silice surabondante . 0,6.
99>9-
Tels sont les «résultats obtenus , en calculant chaque analyse sans
prendre en considération la possibilité que l» matière contiguë à la ma-
tière analysée s'y soit mélangée; et quoique satisfaisans , us ne le sont pas
Bbbb
S6x ' JOURNAL DÈS SA-VANS,
mutant que lès résultais calculés dans ia supposition du m
corps contîgos. Eh effet , dans cette supposition , '
La prçmière analyse donne : • 9 •
* • • •
Amphibole actinote... ..... . 47>9» *' •
Vmphibole trémolite 3% A»
Jpidote thaliite. • . 1 0,6.
ipidotc foîsite. . . . 3,0.
• 99*9*
La seconde analyse donne
.
Epidote thallite. ........... 52,7.
JËpidote zoîsite 37,»»
Amphibole actinote. ." 6,0»
Amphibole trémolite». . . . .• ». • 4,2*
ico,a.
■ •
*
Résultats trop simples pour qu'ils ne soieAt pas adoptés*
La deuxième série d'analyses fournit Ses résultats anajogues pour
dois minéraux qui présentent * chacun un mélange cTépidotes et de
grenats*
II en est de même d'une troisième série cTanalyses qui se rapportent :
1 .° A une idocrase ou grossulalre mélangée de wollastonite et de
trémolite;
2.0 Ah wolfastonrte mélangée de trémolite et de tfisi licate* de
chaux ;
3.0 A de la trémolite mélangée de grenat;
4.° À du trisilicate de chaux mélangé de wollastonite et de trémoHte;
$ ,° A du carbor ate de chaux mélangé de carbonate de magnésie.
Enfin , une quatrième série d'analyses confirme encore la manière
de voir de l'auteur. Cette série s'applique ;
1 .° A du quartz hyalin;
2.0 A du grenat;
j. °. A du disthène ;
4.° A de f actinote;
j.° A du mica.
M. Beudant est conduit à discuter des analyses de pyroxène et
d'amphibole , faites par différera chimistes , qui ont 'indiqué les miné-
raux qui accompagnoiem les échantillons qu'ils ont analysés.. •
•
9 .SEPTEMBRE 183a jfij
« •
• •
Dans le troisième paragraphe, l'auteur applique sa méthode dé
calculer les analyses à celles de plusieurs roches; telles sont :
i.° Une roche de grenat d*ala;
*.° Un gninstern compacte;
J.° Un grunstein noir de Schemnitz ;
4.° Un trapp de Suède ;
y.° Un basalte de Beaulteu;
6.° UA basalte de Somos-fcb.
Il conclut que Ton confond souvent, sous h même dénomination ,
des minéraux différens ; par exemple , il distingue trois sortes de griin-
stein | au lieu (Tune seule sorte ; et deux sortes de basalte, au lieu d'une
seule. • •
$. 4* Théorie de la discussion des analyses minérales.
m
M. Beudant distingue d'abord cinq cas qui peuvent se présenter,
lorsqu'on veut appliquer sa méthode dé calculer aux analyses minérales.
//r cas. L'analyse a donné des élémens en -proportions définies*
.2/ cas. L'analyse a donné des élémens plus ou moins nombreux en
proportions qui approchent d'être définies , de manière qu'il y a quelques
matières surabondantes , et qu'il faut admettre des mélanges sur la nature
desquels on n'a pas de notions.
3.' cas. L'analyse est compliquée , mais elle est accompagnée de
renseignemens sur la nature des mélanges possibles, et peut être
partagée immédiatement en deux portions, dans chacune desquelles
les principes immédiats se trouvent 'en proportions définies.
4/ cas. L'analyse totale , où Tune des parues dans lesquelles elle
peut se «diviser , doit renfermer , d'après les renseignemens sur les
matières associées , de$ composés de même base ou de bases isomorphes
d'ordres diffêrens.
Ce cas exige la solution de quelques éguations à plusieurs inconnues.
j/ cas. L'analyse est accompagnée de renseignemens sur la nature
des corps associés ou contigus ; mais quelques principes immédiats du
corps qui peut être mélangé , ne sont pas en quantité définie» et
n'ont offert que des traces de leur présence, ou même ont été tout-à-
fiut négligés. La discussion ne peut sel faire que par tâtonnement, par
un calcul* de fausse position.
L'auteur applique le calcul à chacun de ces cas en particulier» et U
Bbbb a
*j*4 JOURNAL DES SAVANS,
procède pour chacfin d'eux suivam deux méthodes différentes : dans la
première méthode,, il part des quantités pondérables des principes
immédiats; et dans la seconde; des quantités doxigène contenues dans
les divers oxictes ou acides des minéraux. analysés. Cette partie , quoique
ia plus essentielle du mémoire , est cependant beaucoup trop technique,
pour que nous essayions de l'exposer ; nous nous bornons à l'indiquer
aukctèur.
E. CHEVREUL.
De Robert r Wacii carminé quod inscrihitur Bru tus, disser-
tât io quam &c. offert Levinhus Àbrahapis, &c. , /// audi-
torio colle^ii Èlersiani ,ji octvbr. 1828. . . . Hafnia?, H1-12+.
À Pépoquè où notre ancienne littérature étok très-peu connue et
n'étoit guère étudiée , on accordôîl justement des éloges aux laborieux
érudits qui , fouillant dons les dépots littéraires , faisoient ensuite
imprimer, en entier ou par fragments, les productions jusqu'alors inédites
de nos vieux écrivains ; il suffisoit presque de la publication matérielle
d'Un manuscrit, pour acquérir des droits à la reconnoiasance et à
l'estime. ...
Depuis qu'à la faveur, de ces utiles entreprises , on a pu constater
les formes et même les règles du langage des troubadours et des trou-
vères, les éditeurs qui se présentent, aujourd'hui , ont les. moyens de
choisir avec discernement parmi les variantes nombreuses que four-
nissent les divers manuscrits , et ils ne doivent admettre que celles qui
se rapportent k ces formes et à ces règles reconnues : la critique "doit
donc juger leur travail avec une sage sévérité, qui permette à la science
de prendre tous les développemens dont elle est susceptible»
La publ cation" du roman de Rou n'avoit pas été précédée dun
examen suffisant et de la comparaison raisonnée.des divers manuscrits
dépositaires du .texte , soit en France < soit en Angleterre ; quelquefois
l'éditeur rn? préfiéra pas les variantes qui s'accordoient davantage aux
règles grammaticales de l'époque; (fans l'intérêt de la science, il fallut
entreprendre un travajl spécial, et il a servi de supplément à 1 édition du
roman, : quelle est d'ailleurs très- recommandante par divers mérites et
sou* plusieurs raj>portt%
SEPTEMBRE ifllO. j6j
Je desjre vivement qu'on ne soit pas réduit à la nécessité de donner
un pareil «supplément pour le /oman de J3rut ; etcçst sur-tout sous ce
]x>int de vue qiie j'examinerai la dissertation de M. Abrahams.
L'impression entière du roman de Rou, par Robert Wace, fut
précédée d'un entrait assez considérable > publié avec notes, p/éface et
traduction danoise, par M. le chevalier P. O. Bronsted, qui travaille en
ce moment à un grand ouvrage sur les antiquités de la Grèce ,c dont
il a paru deux belles li\r?iM>ns. M. Bronsted avoit eu. le* dessein de
faire connoîire les faits concernant l'histoire de sa patrie, d'où partirent
la plupart des guerriers qui formèrent des établr>semens en Normandie.
.C'est dans le même esprit que M. Abrahams se prépare à livrer
à l'impression le rpman de Brut, au^si Composé par Robert Wace; il
pense que cet ouvrage fournira d'utiles- renseignemèns pour la connoi»-
sance de l'histoire et des antiquités des pays du nord , et notamment du
Dariemarck. ,
H expose que, voulant recueillir de$ documens relatift au Danemarck,,
il vînt*à Paris, où, après avoir étudié les origines de la langue française,.
if rechercha et co0*ul ta les manuscrit* .qur contenqient les ouvrages de
nos anciens auteurs : il lut d'abord- les poètes du midi dé la France ; il
s'appliqua ensuite à connoître ceux du nord, dont l'idiome a plus de
rapport avec le langage actuel de la France > et s'attacha spécialement
aux manuscrits du roman de Brut, dont on qV publié , dit-il j que peu
de.fragmens , sur lesquels la critique ne s'est pas exercée.
M. Abjahams annonce que, pour établir fe texte de cet ancien
poëme, le plus ancien peut-être de tous , selon lui, députe la forma-
tion de la "langue romane , il a compulsé cinq manuscrits de la Biblio-
tKèqije du Roi \t). • • ■ •
*l'ai fieu de croire que le prospectus* "cPtinè édition du roman de-
Brut , imprimé chez MM. Firmin Didot père .ef fils , et répandu > il
y £ environ trois ans, est l'ouvrage de iVJ. Abrahams.
En attendant h* publication de ce roman, et pour offrir un spécimen
de l'édition projetée, il donne divers fragmens, et notamment ceux gui .
concernent les guerriers danois placés sous la conduite de Hengist et
de Hors.
Je n'entrerai dans aucun examen, soit de% faits historiques, soit des
récits fabuleux, contenus 'en divers écrits, à la faveur desquels
M. Abrahams tâche d'indiquer les sources où. Robert *W ace a puisé le
(i) N.°* 76; j, n.° 7J37 de l'ancien fonds,. n.° 27, n.° 7 du fonds de:
Car^é, it n.° 106 du supplément*. l
$66 JOURNAL DES SA VANS, .
•
sujet et les épisodes du roman de Brut (i); fatteftds la publication
entière : mais je dois dire qu'on ne peut qu'être satisfait' de cette partie
du travail de l'éditeur futur.
Outre les cinqmanuscrksqu'ildéclareavoirconsultésà.la Bibliothèque
du Roi , ji auroit pu profiter de cçlui que possède la bibliothèque royale
de l'Arsenal. - .
Ce manuscrit in-jf.9 vélin, n.° 17 1 , contient des variantes précieuses :
H avoit appartenu à M. de Bombarde et ensuite à M. de Patrfmy. .
Je donnerai peut-être une idée avantageuse du style de ce roman ,
en citant un passage qui ne se trouve pas dans les fragmens rapportés
par M. Abrahams.
A l'époque des fêtes de Pâque , Artur a tenu une cour à Paris , et
il a distribué des fiefs ; son sénéchal «a obtehu l'Anjou ; puis -
*.
Dona il en fieu Normendie
Qui «donc (*) avoit nom Neustrie. ... • (*) alors
En a^rii, quant e(té entra
En Engleterre trespassa ; .
Mùlt véissiez, à. son repaire (*) , • " • . (*) retour
Hommes eufanunes joie faire ;
Baisent les dames leur mariz
Et les mères béisent leur fiz ;
• • •*
Filz et filles bessent leurs pères
Et de joie pleurent leurs mères ;
Cousines beisent leurs cousins ,
Et les voisines leurs voisins;
Par rues et par quar refours, •
En véissiez estre pfuseurs, •
Pour demander comment en est
* ■ *
Et (*) <Ju'il ont fait de leur conquest , (*) ce que
Qu'il ont fait etqu 'il ont trové,
Et pourquoi ont tant demouré.
Cil racontent les aventures,
Les batailles fortes et dures f
Et ics travals qu'il ont eu
Et les perilz qu'il ont véu.
(1) Koyrç Particle de Robert Wace dans Y Histoire littéraire de la France,
tome XIII , pag. 518-530.
SEPTEMBRE 1830. 567
Ces vers, que M. Abrahams regarde , ainsi que je l'ai dit, comme
les plus anciens peut-être de la langue des trouvères, me paraissent
remarquables par la clarté, la correction du style, et par la vérité
naïve dès images. %
Je passe à la comparaison du texte imprimé par M. Abraham* avec
le texte du manuscrit de l'Arsenal; ce sera le moyen sans doute de
rendre plus évidente la nécessité. des corrections que je proposerai
d'après ce manuscrit.
S. 1. Articles. La laftgue des trouvères , dans les premiers temps de
sa formation , emplpyoit au pluriel l'article Ll comme sujet masculin \
LES n'étoit d'usage que pour le régime.
D'après cette règle, il faudrait admettre la variante suivante.
Pag. fia de la di?sert. : Et les breton* torz temps cressoîenr.
Man. de l'Arsenal : Et li brtton totz temps, &c.
S. 2. Substantifs, Selon -le .principe, aujourd'hui incontestable, qur
d&jgnoit au singulier le sujet par la présence de Y s à la fin du nom,
et au pluriel par son absence, tandis que les régimes direct» ou indirects
ne prenoient pas l's au singulier et l'acceptaient au pluriel, il faut
préférer les variantes -qui sont conformes à Cette règle* En voici
quelques-unes que fournit le manuscrit de la Bibliothèque de PArsenaL
Pagl 1 76 de la dissert. : Hcnguht qui maire et arnsoez fu.
Man. die l'Arsenal: Hengnist MAIRE* et, &c.
Pag. 78 de la dtsseri. : Tuit ly MEILLOftr eli plus fort
Sont mit hors de! pais par sort.
II ne falioHpas Ps à' meillor ; le manuscrit de l'Arsenal porte ti
mfUlour. * •
Pag. 86 de la dissert.: E ton grant preu (*) serort (*) profit
Man» de F Arsenal : Et ton grant PREVs seroit .
Pag. 96 de la dlsserj. r Li CPESTIEN* l'en haïrent.
Dans le manuscrit de l'Arsenal on Ut \restUn> qu'il faut adopter.
Pag. 114 de la disserf»: Mais BRETONxqn! païens cremoient.
Le manuscrit de l'Aj-senal porte, conformément à ta règle, breton,
Pag. 116 (Je Iedi5sert 1 Païen; lorfauhc dieux appeloienj.
Man. de l'Arsenal : Payen leurs faulx, &c.
Pag. 32 de la dissert.: Tôt emement bretons faisofenr**
Maru de l'Arsenal * Toc ensemcnt breton*
568 JOURNAL EÎ.ES SAVANS,
S. 3. Adjectif. La même règle £toit -appliquée aux adjectifs et aux
participes passés.
Pâg. 52 de la aissert. : Tant prisiez et âtnê seroîe.
Le manuscrit de l'Arsenal fournit prisiez et AM£{.
$. 4. Au pluriel, le sujet il ne prenoit pas Ps, comme H Ta prise
depuis. '
Pag. 74 de la 'dissert. : Li roys rouva quelz que ils fussent.
Le manuscrit de l'Arsenal porte if, et l'on doit préférer cette variante.
Pag. 76 de la dissert. : ClLz oîrent lor mandement.
.Pag. 84. /f Lorsignor sont cil^ nâtural.
Le manuscrit de l'Arsenal fournit àl dans les -deux passages,
S. j. Omissions, lacunes.
Après ces vers , page 1 1 a de la dissertation :
Leur otroia en feu (*) Succexe (*) fief.
Et toteEssexe et Mi.ddelxesse , •
le manuscrit de V Arsenal ajoute quatorze vers :
Pour ce que près erent de Kent
Que Enguist et premièrement, .
Pour remembrer la traïson,
De cotuiaux .ainsi a le nom:
Sexe, ce dient le* Anglols,
Plusieurs couteaux est en françois.
Mes cil ie nom auques varient
Que ne sevent que s*nefient.
Anglois le reprovier en orent ;
De ia traïson que cil orent
La fin de la parole osterent;
Ses noms des couteaux trestorne rent ,
Pour ousblier le desonnor
Que fait orent leur ancessor.
Après ces vers , ie manuscrit de l'Arsenal continue par le vers de
l'imprimé:
Vostigîer tôt lor a guerpi.
Pour l'intelligence des quatorze vers que f ai rapportés ; je dois dire
que Henguist avoit formé un complot pour assassiner les Bretons ;
SEPTEMBRE 1830. 569
ses guerriers dévoient tirer et tirèrent en effet leurs couteaux cachas ,
lorsqu'il leur cria en sa langue , dit le poète : NIM IVER S£X , prem^
vos couteaux.
Pag. 120, après le vers : Les. bras toz nuz, escuz lever,
Le man. de l'Arsenal ajoute: Moult leur vcissiez coups doner
Et de l'acier le feu voler.
S* 6. Vers inexacts à cause âes pieds qui manquent ou qui sont de trop.
Pag. 78 de la dissert. : Si coustnme est et us.
II manque deux pieds à ce vers; ils sont dans le manuscrit de l'Arsenal.
Pag. 78 de la dissert.: Si comme coustume est et us.
Querre terre et mansions.
La mesure exigeoit TERRES, comme on le lit dans le manuscrit de
l'Arsenal.
Pag. 84 : Tult ly home mal terminent.
Le manuscrit de l'Arsenal porte , te terminent, autrement il manque-
rait un pied.
Pag. 116 : Et chrestien diex reclamoient,
Bien se combaltoient payen.
L'article li , placé avant chrestien et payen, donne à chaque vers le
pied qui manque, et l'on trouve cet article dans le manuscrit de
l'Arsenal.
Pag. 120: Pris avon cestui vaincu.
Le pied qui manque est fourni par le manuscrit de l'Arsenal :
. . • cestui et vaincu.
Pag. 1 12 r Qui a fol et fotble chevetaine.
Ce vers a un pied de trop. Le manuscrit de l'Arsenal porte plus
exactement :
Qui a foible et fol chevetaine.
Pag. 33 : Nez commencierent à perillier.
Le manuscrit de l'Arsenal réduit à huit pieds ce vers , et dit :
Nés commencent à periller.
cccc
57» JOCRttAL ttES SAVAKS,
Pag. 52: Qui me cftst qnc tant corne J'atifote.
Le rriattUScfît tfe f Arsenal supprime m*, et le vers tftt aïofs que les
huit pieds*
$. 6. Variantes de mots préfiraUts.
Pag. 32 de la dissert.: Dont véissiez grans tueîz
£ merveilles detrenceis.
Ge second vert «t ainsi dans ie manuscrit de l'Arsenal :
£ merveilloux deglageis.
Pag, 76 : Notre terre est de gertt noie.
Le manuscrit de P Arsenal porte naïve , qui , dans le texte, rioié et doit
rimer avec plaintive.
Pag. 98 .* Qui à veut te desvoie.
Man. de l'Arsenal : Qui à tnervtrUesjt deivoiew
Pag. 1 1 8 : Haïr Tôt et haïr le dut.
II faut lire, comme dans le manuscrit de l'Arsenal :
Hril'ot (c'est-à-dire* Veut haï).
En indiquant les variantes préférables que peut fournir le manuscrit
de l'Arsenal, j'avoue volontiers que,. dans beaucoup de passages, le
texte admis par M. Abrahamsest aussi bon et quelquefois même meilleur
que le texte correspondant de ce manuscrit; mais, quand un savant
étranger se dispose à mériter l'estime des littérateur* français par la
publication d\m ouvrage aussi important que le roman de Brut , j'ai
cru servir et lui-même et la science en fournissant les moyens d'ajouter
à l'utilité et au succès de l'entreprise.
Je terminerai ces observations en citant deux passages rapportés
dans la dissertation de M. Abrahams , qui confirmeront sans doute
l'opinion avantageuse qu'on se sera formée du style de Robert \^ace.
Le premier est relatif aux preuves de mérite que les daines exigeoient
des chevaliers.
Ja nulz chevaliers n'y éust,
De quel paraige que il fus,
Ja péust avoir druerie (¥) (*) faveurs.
Ne courtoise dame à amie,
$e il n'éust trois fois esté
De chevalerie cspfouvé.
} t » >
SEPTEMBRE 1&30. }7j
1/aUtfe passage offre des détails de ce qui se passoit aux églises lors
des cérémonies religieuses.
Moult oïssiez orgues sonner.
Et clercs chanter et orguener,
Voix abaissier et voix lever
Chans avaler (*) et chans monter* (*) descendre.
Moult véissiez, par les mou s tiers,
Aler et venir chevaliers ,
Taac pour oîr Us clert chanter,
Tant pour (es daines esgarder*
D'un raoustier à Fautre venoient,
Moult aloient et esgardoient ;
Ne savoient certainement
Auquel fussent plus longuement*
Ne se pouoient saouler
Ne de voir ne d'escouter;
Se tôt Io jor ainsi durast,
Jou cuidast (1) qu'il ne Ior aouiast.
J'invite fortement M. Àbrahams à publier le roman de Brut, mais à
ne le publier qu'en rectifiant le texte d'après les meilleures variantes :
je lui offre à cet égard mes soins et mon zélé ; je voudrois les appliquer
à l'amélioration et non à la critique de l'édition annoncée.
(1) Parmi les variantes que présente le manuscrit de l'Arsen&I pour corriger
ce passage, je n'indiquerai que celle du dernier vers, où on lit CUIT >)e
pense , au lieu de cuidast, qui est une faute évidente.
RAYNOUARD.
<CCC 2
J72 JOURNAL DES SAVÀNS ,
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
INSTITUT ROYAL DE FRANCE.
M. CuviFR a publié l'Analyse des travaux de l'Académie des sciences pen-
dant 1820, de ceux du moins qui correspondent à la météorologie, a la
physique, à la chimie, à la géologie, à la physique végétale et à la botanique,
à l'anatomie et à la physiologie animale, à la zoologie, à la médecine et a la
chirurgie, enfin à l'agriculture. Cette suite de notices remplit 137 pages î/i-^.%
imprimées chez M. Firmin Didot. La mort de M. Fouriera retardé la publica-
tion de la partie mathématique des. derniers travaux de cette Académie.
La partie physique est si riche, qu'il nous seroit impossible d'en indiquer tous
les articles. Ceux qui se rattachent à la chimie peuvent mériter une attention
particulière. Dès les premières expériences sur l'électricité galvanique et sur
son action chimique , on avoit prévu qu'çlle donnerait l'explication d une multi-
tude de phénomènes qui échappoient aux lois connues. M. Becquerel vient de
montrer qu'en effet on peut se rendre compte par-là de la formation de plusieurs
minéraux : c'est dans les effets électriques manifestés par l'action chimique des
corps en contact qu'il a cherché la solution du problème. Quand un métal esc
attaqué par un acide ou par un liquide, il y a dégagement de chaleur, puis
formation d'un composé qui exerce une action non-seulement sur le métal ,
mais encore sur le liquide qui l'environne et avec lequel- il se mêle insensible-
ment. Dans l'action de l'acide nitrique sur le cuivre , l'acide prend l'électricité
positive, et le métal l'électricité négative. En multipliant les expériences,
M. Becquerel a démontré que le développement de l'électricité est dû à des
actions chimiques: il a fait connoStre les lois de ce développement; il a indiqué
les moyens d'obtenir divers oxides et un grand nombre de composés nouveaux.
M. SéruIIas, par ses nouvelles recherches sur les combinaisons de l'acide
iodique avec les bases salifiables, est d'abord arrivé, à l'égard de l'iodate
neutre de potasse, au même résultat que M. Gay-Lussac , savoir, que, dans ce
sel, l'atome d'acide iodique, contenant cinq atomes d'oxigène, neutralise un
atome de potasse, contenant un au>m£ d'oxigène. il a décrit ensuite deux
nouveaux iodates de potasse avec excès d'acide, qu'il a nommés bi-iodate et
tri-iodate, l'un contenant deux fois, l'autre trois fois plus d'acides que n'en
renferme l'iodate neutre. — En faisant des expériences sur les sulfures de
phosphore, M. SéruIIas a découvert un corps tout-à-fait nouveau, contenant
du chlore, du phosphore et du soufre. C'est un composé à proportions
définies, qui n'est pas susceptible de combinaisons différentes. Une analyse
attentive fait voir qu'il est formé de irois atomes de chlore, d'un de soufre f
d'un de phosphore. Le même chimiste a présenté un mémoire sur deux autres
produits, J'huile douce de vin, et l'acide sulfovinique. 11 a observé que les
sulfovinates desséchés dans le vide donnent à la distillation une matière qu'on
!
SEÊTEfoflftË'I^CV 573
Il prise pouf une huile, et qu'il a reconnue être le sulfate d'hydrogène bi-car-
borié hydraté neutre. Outre ces résultats, fruits de l'observation directe 9
l'auteur du mémoire s'est livré à des vues théoriques sur la manière dont se
forment les divers poduits de l'éthérification.
Feu M. Vauquelin , pour compléter l'histoire des propriétés de ce principe
immédiat des végétaux que Ton connoît sous le nom dégelée, a fait l'analyse d'une
partie végétale ou ce principe se rencontre en abondance, savoir, de la racine de
carotte. En la réduisant en pulpe, il en a obtenu un suc particulier et un marc:
le suc contient, i.° de l'albumine, qui entraîne avec elle de la mannite et une
matière grasse résineuse; 2,° un principe sucré difficilement cristallisable;
3.0 une matière organique dont la propriété la plus remarquable est d'être tenue
en dissolution à l'aide du principe sucré.
M. Chevillot a examiné les gaz des intestins dans l'homme malade : il y a
reconnu six espèces de gaz , l'azote, le gaz carbonique, l'hydrogène , l'hydro-
Séne proto-carboné, l'oxigène, l'hydrogène sulfuré. L'azote est le plus abondant
les gaz qu'on trouve dans les voies digestives de l'homme mort de maladie.
' Entre les travaux relatifs à la géologie, on distingue le tableau des terrains
ui composent l'écorce du globe , ouvrage de M. Brongniart. II divise l'histoire
e ces terrains en deux périodes, qu'il suppose exprimées dans l'ancienne
mythologie par les règnes de Saturne et de Jupiter : celle où nous vivons a
succédé a la dernière des grandes catasrrophes auxquelles ia surface de notre
globe a été en proie; les mutations s'y réduisent à des volcans, à des allu-
vions, à des dépôts formés de substances dissoutes par les eaux. La période
précédente avoit été plus tourmentée ; les formations s'y succédoient, la vie
s'établissoit et s'anéantissoit alternativement sur difFérens points; le globe,
comme Saturne, dévoroit ses enfans : c'est l'objet des hypothèses et des systèmes
des géologues. Mais ce qui n'a rien de conjectural , c'est la nature et la position
relative des terrains qui en ont été les produits, et des êtres organisés dont ils
recèlent les dépouilles. Tous ces terrains sont stratifiés , et leur stratification
même prouve qu'ils ont été formés successivement; mais il en est dont la masse
non divisée en couches semble tenir plus intimement au noyau de la terre ;
d'autres qui en ont été vomis à l'état liquide et se sont répandus a diverses
époques à la surface des couches. L'auteur a joint à ces vues générales beau-
coup d'observations particulières et nouvelles,
M. Ellie de Beaumont, en admettant la production des montagnes par
soulèvement, et en examinant avec soin, dans chaque système de montagnes, la
nature des couches qui y sont inclinées et de celles qui sont restées horizontales ,
a conçu l'idée de fixer l'ancienneté relative des montagnes diverses, et a cru
reconnoftre que les plus élevées ne sont pas celles qui ont été soulevées les
premières. Il croit les Pyrénées, les Apennin , plus jeunes que les chaînes plus
basses de la Bourgogne et d" Forez. Il assigne aux Alpes deux îigt$ difFérens;
et selon lui, leur chaîne orientale, depuis le Valais Jusqu'en Autriche, est plus
récente que l'occidentale.
On a prouvé par beaucoup d'exemples que les ossemens incrustés dans les
couches anciennes des terrains tertiaires et secondaires , différent assez de
ceux des animaux actuels , pour qu'il soit permis de lès regarder comme apparte-
nant à des espèces et même i des genres inconnus. Cependant M. Geoffroy
Saint-Htlaire pense qu'il seroit téméraire d'affirmer que ces animaux des
1
1
J74 JOURNAL OfcS SAVAIS,
anciennes époques ne soient point liés, à titre d'ancêtre* $ 4 ceux qui vivent
aujourd'hui, H aperçoit une parenté réelle entre les uns et. les autres; et persuadé
que la géologie n'a point fait encore assez de progrés, il annonce qu avec un
sentiment plus profond et plus vrai des rapports zoologiques, on pourra y appli?
quer une chronologie qu'il essaie de tracer. Par ses expériences sur les œufs, il
a cherché , dit-il » à entraîner l'organisation dans des voies insolites ; c'est If
but de son écrit intitulé Déviations organiques provoquées et observées dans un
établissement d'incubations artificielles, fi assure qu'en opérant sur des masses,
il a toujours obtenu des produits ; qu'il y a fait des monstres a volonté, ayant la
qualité qu'il prévoyoit.
AI. Héricart de Ttuiry a publié un ouvrage importas! sur les puits forés ou
artésiens. Il faut souvent pénétrer à plusieurs centaines de pieds avant d'arriver
a des eaux disposées k s'élever ainsi ; mais lorsqu'on réussit , on se procure de
très-grandes ressource*. Tout fait croire que ce sont des nappes d'eau descend
dues de collines ou de montagnes plus ou moins éloignées» «sur lesquelles
pèsent des colonnes de la hauteur nécessaire pour les élever au niveau ou elles
parviennent, quand des couches de glaise ou de pierre ne les empêchent pas d'y
arriver* L'auteur fait connoître toutes les régies à suivre dans ces opérations»
les indices d'après lesquels on peut re guider, les rnstrumens dont on doit se
servir.
Sous le titre de physiaue végétale et botanique, se rencontre un travail de
M. Dupetit-Thouars , ou la théorie de la végétation est réduite à ces deux
propositions: i.° le bourgeon est une nouvelle plante; a.9 ses racines com-
posent les nouvelles couches ligneuses et corticales. Les observations de cç
naturaliste tendent à prouver que la formation des couches est déterminée par
la partie supérieure, qu'elle part des bourgeons et va se terminer au chevelu de
la racine; que le cambium est, aussi bien que la sève , dont il est une émanation
directe, une matière indifférente qui ne prend de consistance qu'autant qu'elle
est employée ; que c'est le bourgeon seul qui peut la mettre en œuvre, en dé ter»
-minant les fibres corticales et ligneuses qui doivent établir sa communication
avec la terre ou le réservoir de 1 humidité. 11 résulte encore de la même suite
de phénomènes et d'expériences, qu'il y a deux substances dans les végétaux,
le ligneux et le parenchymateux.
M. deMirbela offert à l'Académie, dans un nouveau mémoire, l'ensemble
de ses observations sur l'œuf végétal: c'est l'histoire , telle qu'il la conçoit, de
l'organisation et des développemens des ovules. Il y a distingué cinq périodes.
Dans la première, l'œuf végétal esta l'état naissant; c'est une excroissance
pulpeuse, conique, sans ouverture. Dans la seconde, l'exostome et l'endostome
s'ouvrent , et se dilatent jusqu'à ce qu'ils aient acquis le maximum de leur
Amplitude. Dans la troisième, la primine et la secondine, soudées ensemble ,
prennent un accroissement considérable, et cachent la tercine, qui souveoc
devient un suc membraneux. Dans la quartième , la quartine naît de toute la
surface de la paroi interne de l'ovule: la quartine s'alonge, et l'on y découvre,
sous la forme d'un globule suspendu par un filtrés-délié, la première ébauche
de fembryon. Dans la cinquième période , l'embryon développe ses cotylédons
ainsi que sa radicule : il atteint sa grandeur naturelle.
Divers autres sujets de botanique ont été traités par MM. Dunal, Fée,
SEPTEMBRE 183a 5?$
Càmbetaéde , Hetïrt de Casslni , Decandolles , Auguste Saint-Hilarre. Nous
«tons annoncé la nouvelle édition du Catalogue des plantes du Jardin du Roi,
par M. Desfontaines.
L?anatomie et la physiologie animale revendiquent un mémoire de
M. Geoffroy Saint-Hilaire, Intitule Fragment sur la nature, et inséré dans
l'Encyclopédie moderne de M. Courttn. La nature y est représentée comme se
Composant des faits et des actions de tont ce qui existe. « Ce n'est qu'une
* manière abrégée d'exprimer les êtres et leurs phénomènes» On en a partagé la
t» science en sciences particulières; mais aujourd'hui c'est à la notion des faits
* simples et primitifs qu'il faut s'élever pour entrer dans les voies de la phito-
» sophie générale. »
Les expériences de M. Flourens concernant l'action du froid sur les animaux ,
établissent, i.° que ce n'est pas seulement sur L'organisation et la vie prises
collectivement que le froid agit; 2.0 qu'il a une action principale et déterminée
sur l'organe respiratoire; 3.0 qu'il agit sur cet organe de deux manières dis-
tinctes: l'une qui produit une inflammation aiguë et promptement mortelle;
loutre qui cause une inflammation chronique , c'est-à-dire, la phthisie pulmo-
naire; 4.0 qu'une chaleur douce et constante prévient toujours l'invasion de là
phthîsie pulmonaire, et souvent même en arrête les progrès. On doit aussi à
M. Flourens des expériences sur la régénération des os, et un mémoire des-
tiné à montrer que la moelle épiniére n'a point sur la ci culation i:ne action
spéciale proprement dte, distincte de l'action générale des centres nerveux ;
que ce n'est point en elle que réside le principe essentiel , encore moins le
principe exclusif de cette circulation.
M. Breschet a examiné les variétés de 'structure de l'organe de l'ouïe dans
les poissons, et les rapports divers qui rattachent cet organe à la vessie natatoirç.
M. Seiré a donné lé titre à'anatomte tr mscenrfante à un mémoire où il
soutient que lés organes se forment par ùnè impulsion de la circonférence au
centre, et qu'au lieu du développement centrifuge , c'est le développement
Centripète qu'on doit admettre. Cette manière de voir détruit, selon lui,
l'idée de la préexistence des organes et des germes , et change les fondeméns
n?êmes de la science.
M. Wacren a; donné la première notice- exacte des deux frères siamois
réunis parle sternum. Deux filles nées en Sardaigne ont aussi vécu plusieurs mois
malgré une soudure intime de leurs parties inférieures. M. Dutroihet a observé
une vipère à deuxitêtes, que la soudure latérale de deux foetus* sembloit avoir
fermée. Un jeune hprrçsnemort à Verneuil en 1804 a voit dans le ventre une
tumeur fibcçusç^ où se trouva un autre individu, très-déformé, treVio compte^
et tju'il ctoit pourtant impossible de ne pas rtcônnoftre pour un véritable
foetus humain.
Les articles de pure zoologie sont un mémoire de M. Isidore Geoffroy Saint-
Hilaire sur les singes d'Amérique^ (a description d'une nouvelle espèce de
tapir, découverte dans la presqu'île de Malacca par M. Roulin ; des observa-
tions -de Mi -de Blainvillc sur la gelinotte des Pyrénées ;■ les recherches de
M. Mil ne Edwards sur les crustacés; les monographies des animaux de plusieurs
co^tritles, par M. Aodôain; un travail de M. 3mus>s^le**rgftne*3it m%4ve-
i76 JOURNAL DES SA VAN S.
inentde ht mygale avicuiaîre. M. Cuvier* a. décrit un ver parasite qui habite
dans le corps des mollusques céphalopodes, M. Moogez a recueilli tout ce
qu'ont écrit les anciens auteurs sur les animaux qui ont paru à Rome dans les
jeux publics.
Presque toutes les branches des sciences naturelles se sont enrichies» en 1829
et 1830, des découvertes et des observations de plusieurs voyageurs éclaires ,
MM. Bory de Sajnr- Vincent, d'Urville, Reynaud, Rîfaud , Quoy, Gaimard*
Bélenger, &c. Les produits du voyage des officiers de la Chevrette, donnent la
plus honorable idée des connoissances qu'acquièrent aujourd'hui Ie's officiers de
santé da,ns les excellentes écoles que le ministère de la marine a créées. Tant de
riches détails d'histoire naturelle, ajoutés aux découvertes de géographie,
impriment un caractère tout nouveau aux expéditions maritimes exécutées dans
ces derniers temps.
Nota. On peut s'adressera la librairie de M. Levrault, à Paris, rue de la
Harpe, n.° fr; et à Strasbourg, rue des Juifs, pour se procurer les divers
ouvrages annoncés dans le Journal des Savans. Il faut affranchir tes lettres
et le prix présumé des ouvrages.
pMiWM^M
/
TABLE.
L'Iliade, traduction nouvelle en vers français , par AI. A. Bignan.
( Article de M. Raynouard. ) Pag. 51 j.
L Iliade d'Homire , traduite en vers français , par M. Dugas-
Montbel ( Article de M. Letronne. ) 524*
Verhandelingen van het Bataviaasch Genootschap van Kunsten en
Wstenschavpen ; Mémoires de la Société de Batavia. [Article de
M. Abel-Rémusat.) J33»
Tarafœ Moallaca, cuin Zu^enii scholiis. [Article de M. Silvestre
de Sacy. ) 5?8 .
Traité du Citrus , par Georges Gallesio. [ Article de Af. Tessier. ) . . j4^«
Mémoires de l'Académie royale des sciences , de l'Institut de France ,
années, 182; et 1826; tomes VIII et IX. [Article de M. Chevreul.) 552.
De Roberri Wacii carminé, dissertatio Levinhi Abrahams. ( Article
de M. Raynouard. ) 5^4 •
Nouvelles littéraires • • <• 572*
FIN DE LA TABLE.
Il I ! I II ■ ■!! ■■ ■ ■ ■ '|
• •
Errata. Cahier d'août , pag, 508, lig. 9, exposé, lisez rejet ou renvoi,
JOURNAL
DES SA VANS
OCTOBRE 183O.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE,
1830.
t
t
t r
:•■■: i
i
<k .. / . . i-- "i
r
*
«
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 4° fr* Par '* poste , hors de Paris. On s'abonne, à la maison de
librairie Levrault, à Paris, rue de la Harpe, n.° 8j ; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33, II faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouveaux, les lettres, avis, mémoires, &c, qui
peuvent concerner, la rédaction d& ce journal , doivent être
adressés au bureau du Journal des Savans , à Paris , rue de
Ménii-montant, n.° 22.
JOURNAL
DES S A VANS.
OCTOBRE 1830.
The Fortunate union , a romance translatée front the chinese
original , with notes and illustrations ; to which is added a
chinese tragedy, by J. F. Davis, F. /?. s. London, 1829,
2 vol. in-8.°
H an wen chi kiài: poeseos sineusis commentant. On the poetry
ofthe Chinese, by J. F. Davis (from the Transactions of the
royal asiatic Society, vol. II). London, 1829, /7r-^.# dé
71 pages,
lN OUS avons eu plus d'une fois occasion de parler > dans ce journal ,
des divers ouvrages que M. Davis a composés avec l'intention de faire
conrioître le goût des Chinois dans les productions légères de leur
littérature. £i) dernier lieu , nous avons consacré un article' à sa traduc-
tion anglaise de la tragédie intitulée les Chagrins de la dynastie Han ,
qui se trouve reproduite à la fin du nouvel ouvrage que nous allons
examiner. Homme de goût et littérateur éclairé , M. Davis , qui a passé
plusieurs années à Canton, et qui s'est occupé du chinois sous un point
de vue tout littéraire , a profité des avantages de sa position; .et le genre
d'ouvrages qui pourroient le plus embarrasser un autre traducteur, parce
qu'ils exigent l'étude du génie national et la connoissance des localités,
est justement celui vers lequel il paroît être le plus porté. On lui doit
déjà deux pièces de théâtre et quatre nouvelles. II acquiert un titre de
plus à. la reconnoissance qu'il a méritée, en donnant au public une
bonne traduction de l'un des romans chinois les plus cpnnus , <îe celui
qui porte le titre de Hao khieou tchouan , ou l'Union bien asforti(*\ , - j
Le docteur Hugues Percy , évéque de Dromore, a publiée Londres,
Dddd %
580 JOURNAL DES SAVAIS,
en 1 76 1 , i:ne traduction de ce rbmjfi*( rf , faite, *8 ce qu'il paroît , vers
1719, par un auteur anonyme qui mourut en 1 7 $6. Des quatre cahiers
dont se composoit le manuscrit, les trois premiers étoient écrits en
anglais, efle quatrième f d'une autre main , en portugais. On croit que
l'auteur de cette traduction étoit un Anglais nommé HPÏ/kimon, attaché
à la compagnie des Indes , et qui s'étoit livré à. I étude du chinois. Mais
il reste quelque incertitude à. ce sujet ; el à quelque ration qu'ait appar-
tenu ce traducteur inconnu , Percy, qui avoit mis en anglais la quatrién^e
partie, et vraisemblablement corrigé le style des trois premières , étoit,
en sa qualité d'éditeur , le véritable repondant de ce petit ouvrage.
C'est sur sa version anglaise qu'Eidous en fit une française (?) , qui a
été réimprimée il y a deux ans (}), dans un moment où l'attention do
public avoit été ramenée sur les ouvrages de ce genre par Ij publication
d'un second roman chinois.
Il est naturel qu'un nouveau traducteur ait été frappé des défauts
(Tune première version , puisqu'il entreprend de la remplacer, et il a
f>esoin de justifier son travail par ia critique du travail de son prédé^
cfsseur. M.. Davis a usé de ce droit sans en abuser. 11 y avoit beaucoup
de fautes dans l'ancienne version du Hao~Lhieou-tchouan. Le titre
même de ce roman avoit été mal rendu par the P leasing, history :
M. Davis le traduit par the Fortunate union ; ce seroit , plus exactement
encore, la Bille alliance , ou l'Histoire du couple bien assorti (4)* Le
premier interprète parloit de canifs , pour un pays où l'on ne connoît pas
l'usage des plumes. Il attribuoit à une jeune fiHe le désir de voir ses
ennemis sacrifiés et leur chair en offrande pour apaiser son ressentiment,
désir dont il n'y a pas de trace dans cet endroit de l'original. H faisoit
discourir le héros avec un valet au sujet de son mariage, genre d'entre- ~
tien imité de notre ancienne comédie , et qui est peu d'usage dans les
romans chinois. Un petit nombre d'interpolations et beaucoup de
suppressions faites sans motif et sans discernement , avoient contribué
à défigurer une composition qui ne se recommande pas moins par le
mérite de détails ingénieux et caractéristiques que par un plan bien
conçu et sagement mis à exécution.
M. Davis donne, dans sa préface, une juste idée de son travail; il
y fek connoître les motifs qu'il a eus d'adopter certains équivalens
— i
(1) Hau-hiou-choaan or the pleas'mz history ; London, 1761, 4 vo'* il*'***
— (2) Hau-Iiïou-choaan , Histoire chinoise; Lyon, 1766,4 vol. //1-/2. — -
(2) Hau-kiov-choaan , ou Y Union bien assortit, 1828, 4 vol.— (4) Voy«
Mélanges asiatiques , tome II, pag. 396.
OCTOBRE 1850. >8i
pour les titres chinois : le parti qu'il a pris à cet égard semble n'être pas
exempt d'arbitraire; car il rend en anglais les mots lao-yc et tarjin ,
par worship > lorfchip ou cxctllcncy , et il supprime les mots de
madame et de mademoiselle, dont les noms de femmes sont toujours
accompagnés en chinois, de peur, dit-il» qu'ils ne produisent un
eflfet ridicule % et parce qu'ils ne représentent pas .exactement le sens
des termes originaux. Cette double raison est foible, et de plus
elle ne s'applique pas moins aux titres que l'auteur a pensé devoir
rendre qu'à ceux qu'if a cru pouvoir négliger. II y a là une question de
goût assez difficile à résoudre par les principes généraux sur la traduc-
tion. On peut voir quelques idées à ce sujet , proposées par un auteur
français dans une occasion toute semblable ( > ) .
Le traducteur pense que le Hao-Khieoutchouan est une peinture
d'autant plus fidèle des mœurs chinoises, que le héros n'y épouse
qu'une seule femme. Les lois delà Chine, ajoute- t-il immédiatement,
ne consacrent ji>as absolument la polygamie , bien qu'elles permettent
le concubinage. Tout roman chinois qui représente un homme épousant
deux femmes ( et M. Davis , qui a traduit deux nouvelles de cette espèce,
avoue qu'il en existe un grand nombre), est, sous ce rapport, une peinture
tout aussi pou fidèle des habitudes réelles que sous le rapport de toute
autre circonstance fabuleuse que fauteur se sera plu à imaginer. M. Davis
cite plusieurs traits du roman qu'il traduit, pour confirmer son opinion
à ce sujet; mais puisqu'il récuse l'autorité des romans .dans cette matière,
il faut en chercher de plus graves et de plus décisives. On n'a , je crois,
jamais prétendu que deux femmes chinoises épousées par un seul
homme pussent être mises absolument sur le même pied et jouir dé
prérogatives tout-Màit égales :. la nuance qui existe, entre le mot thsi
[ épouse ] et le mot tsiei ( seconde femme,) ^e^ topJQurs, obseiyée,
même dans les romans dont une dou^.alil^npQ constitue le dénoue-
ment (2). C'est, au reste , une distinction up peu subtile que celle qtie
M. Davis veut établir entre la polyg^e proprement ifti)e et Je concur
binage autorisé par les lois. Je ne rappellerai ras les nombreux passages
des missionnaires et des voyageurs relatifs à Tétat. des tsiei ou secondes
femmes ; il suffira, sur un point si bien constaté, de* citer le passage
suivant de sir Geo. Staunton, dan; une nflje sur lesra^<^tes dû code
(1) 1+kiàtfi, préface.- -(a) Voyea It Jv-kiaolï, ^MhiPkjiHf
175* tome IV, ii.6a 117.. A , , ,!,Wt 1„ 1njL flI
ruoq
" t\ vv.s-v.r. -, ;;- ; , / (5)
$8* JOURNAL DES SAVANS,
pénal relatifs au mariage (i) : « Un Chinois peut épouser légalement
» d'autres femmes , à son propre choix , et avec moins de cérémonies ,
» et sans égard à l'égalité des familles ou des rapports sociaux- »
L'auteur se fut épargné cette discussion superflue, s'il eût remarqué
que les observations auxquelles il a voulu opposer son autorité de
voyageur, s'appiiquoient à ufl partage de semimens toléré il b Chine
et difficile à concevoir en Europe , plutôt qu'à une égalité dans b con-
dition des épouses , qui n'a jamais été mise en avant par ceux qui ont
étudié la législation de l'empire chinois (2).
On sait que les romans de ce pays offrent cette ressemblance avec les
romans modernes de l'Europe' , que chaque chapitre doit habituellement
commencer par une petite pièce de vers : les auteurs en placent aussi
à la fin des chapitres et dans le cours même de la narration , aux endroits
où il se présente quelque sentiment passionné ou quelque situation
remarquable à peindre. L'ancien traducteur s'étoit dispensé de b peine
que cette partie poétique eût exigée de lui , en la passant entièrement
sous silence. Sir Geo. Staunton avoit essayé de réparer partiellement
Cette omission ; mais M. Davis a tout-à-fiit comblé la lacune que ses
devanciers, a voient laissée dans la traduction du Hao Uiieou-tchouan. II
a pris soin de rédiger une double version des morceaux de poésie que
contient l'original : dans Tune f écrite en vers blancs , et insérée dans le
corps même de Pouvrage, il a cherché à rendre la lecture de ces
morceaux agréable à ses compatriotes ; dans l'autre , qu'il a rejetée à la
fin , il a suivi littéralement le sens des vers chinois , en Rattachant à
conserver les allusions quelquefois très -éloignées qui en font le principal
mérite aux yeux des amateurs du pays. Cette dernière tâche étoit sans
comparaison la plus difficile. Les vers épars dans le cours du roman ne
sont pas au nombre de plus de quatre cen:s , et l'on peut assurer
qu'ils sont loin d'offrir les difficultés et le degré d'obscurité qu'on ren-
contre en d'autres compositions du même genre; cependant le traduc-
teur avoue qull lui 9 coûté presque autant pour en représenter la
signification darts une version littérale , et l'esprit dans une traduction
poétique > que potir tout le reste de l'ouvrage. C'est, comme on l'a
<Jé]i f^it ohsérver dans ce Journal et cortîme M. Davis le rappelle
à cette occasion , c'est qu'on ne possède pas de dictionnaire pour la
rmmm
(1) A Çhinepe may afterwards espouse pther wives, agreeabiy to hîs own
'Abfcéy and Mth féwer -cérémonies , as wcll as withotit any regard to èquaïity
in point of family and connexions. Ta tsing leu-iee, "pag.* 111, note. —
(*) Voyez nouveaux Mélanges asiatiques , tome I, page jj.
OCTOBRE I&3Q.7 j8$
poésie chinoise , de livre ou se tr<Wvent expliquées les fréquentes allu-
sions , les expressions détournées dont les vers abondent , et qui rie
sauroient être entendues à moins «Tune connoissance approfondie des
traditions , des récits populaires et des opinions fantastiques des Chinois.
La résidence au milieu des naturels , et le secours qu'on peut rédamer
d'eux pour les passages difficiles, sont peut-être , dans l'état actuel des
choses, une condition indispensable pour composer une traduction
irréprochable d'un morceau poétique quelconque. JVL Davis • a relevé
plusieurs fois , avec f es ménageméns d'une critique bienveillante , deux
contre-set^dans l'interprétation de la partie versifiée d'un roman chinois
dont la ptpucation a précédé celle de Haokhieou-tchouan. Le traducteur
dç ce roman ne seroit pas embarrassé pour citer cinquante passages
également fautifs dans cette partie de son propre travail : il avoit eu
soin d'avertir lui-même qu'il étoit loin d'en être satisfait , ou d'affirmer
que le sens de l'original y fût toujours rendu , çt que ce dernier lui avoit
échappé dans les occasions où le fil des idées se déroboit sous les fleurs
de l'imagination chinoise (i). Bien que les difficultés de ce genre
fourmillassent particulièrement dans l'ouvrage en question , ce roman
n'en méritait pas moins la préférence , sur-tout dans le petit nombre
de ceux que l'on possède à Paris , et qui n'avoient pas encore reçu les
honneurs, de la traduction : il la devoit obtenir à plus d'un titre ; et la
partie qui se refusoit à une interprétation littérale , ne pouvoit faire
mécopnoitre le mérite des autres, qu'il étoit plusse de transporter dans
un idiome européen*
Un ou deux exemples pris parmi les morceaux dont Fauteur du
H^Uîepu-tchouaa a orné son roman, pourront donner une idée
de ce genre de composition, et montrer en même temps quelle est la
nature <fes obstacles qu'elles opposent à l'interprète européen. Voici le
sens littéral d'un quatrain pris dans le chapitre VI.
Les os blanchis' sonr inhumés; mais Pombre noue Pherbe.
La fleur faune au bec (Poiseau ) peut aller exprimer sa gratitude.
Léi héros vertueux. les hommes et les femmes éminens .
La nuit, dans leur repos, se gardent d'altérer leur bonne conscience.
Les deux premiers vers font allusion à deux aventures qui seront
rapportées à fat fin de cet article. »
La manière elliptique dont ces idées sont rappelées les rend à-peu*
(i) Préface du JifiMao-li, page 67.
^84 JOURNAL DES SAVANS,
près inintelligibles , quand on n'a pas les anecdotes auxquelles, eHes se
rapportent bien présentes à la pensée.
Au commencement du premier chapitre , se trouvent les quatte vers
suivait* , dont M. Davis n'a peut-être pas complètement rendu le sens :
. DormaBtvéveiUéyM cherche, il s'agfte, il pense;
Quel être sensible ne chérirait une belle personne !
Seulement que Ton n'enchaîne pas ses desin secrets»
Et ce sera, parmi les hommes., la plus belle des noces.
M. Davis a traduit assez exactement les mots de ce qtwram , et il
en a bien expliqué lé trait final , dans lequel les verbes eàaam et accom-
pagner sont pris pour les actions caractéristiques (Tune noce chinoise ,
et figurément pour la noce elle-même. Mais il a admis, du premier an
second vers , un enjambement que ne comporte pas la structure du
vers chinois : SUepïng or awake , he still seeks, still restUssly, ihinks of
fier , With natural fuling; et de plus il ne paroi t pas s'être aperçu que
presque toutes les expressions de ces vers étoient prisés du ChMring ,
et fbfm'oient autant <f allusions aux personnages célébrés dans les odes
de ce livre classique. Le premier vers est emprunté de là pièce où sont
chantés les amours de Wen-wang et de son épouse Thseu {*). Au
second , l'idée d'une belle personne est rendue par les mots \mn9 qiù
signifient littéralement , des sourcils semblables au papillon du ver à soie,
c'est-à-dire, amincis^ alongés et courhés comme le corps de cet
insecte, Cette expression , devenue triviale k force d'avoir été répétée ,
est encore tirée du Livre des vers (2) , où se trouve Fépithafame chanté
pour l'union du roi de Veï avec la princesse Tthouang-kiang. Les vers
du Hao-khieou-tchouan sont tout remplis d'emprunts de cette-espèce ,
et qui commencent dès le titre même de l'ouvrage, ainsi qu'on Ta fait
voir ailleurs. M. Davis eût considérablement augmenté l'utilité de
Yappendix où il en a placé la traduction littérale , s'il y eût joint l'indi-
cation de ces centons , dont se composent toujours en grande partie les
vers modernes. On rendrait un véritable service aux littérateurs qui
s'occupent de la poésie chinoise , en rédigeant pour eux une table des
expressions du Livre des vers, qui sont un objet habituel d'imitation.
Il faudrait comprendre dans ce dépouillement les poésies de ii-taï-pe ,
de Tou-fou ptt de plusieurs autres poètes célèbres; mais tes composir
trons de les deux écrivains exigeraient une étude bien plus longue et
ChUhlng, Kouefoung # od. i.re , v. 3 , 8, 10, — (a) P*rt. u% c. v.°. 0<J. 3/
v. 11. t ■■ •
hfel^plu*. *flfrtiie jî pttrce qu'on a fnoihs'ffe'iwôyëik péûfMeiî "acquérir
no^el^4mp*tffitfté que fût la prôniére version de Hio-kMeou-
«ehOxAti^Û marche du roman , V enchaînement des înckferfs et Tes traits
d»l prihcrpau* caractères y avaient été afcse* tMèfetWert*' cofkértés ,
pfMtr qii'iiitfcît maintenant superflu d'en présenter Iarmfysé. Là ribuvèlte
#a*kxfen *tt beaucoup plus exttcfe dttlift 'léïtiëtiHs ,: qHtfqtfélfc? *soif
<mc<kè êïuk étotgnée d'être littérale. L/ftafeur a Voulu qu^Ife 'pût être
lue avec plabir dans sa langue maternelle, et une teHe ftrtëhden Sapote-
litoft des -sacrifices; C'est une tâché difficile pôuf un traducteur , Çfte de
voûiotf être fc-Ia-fois élégant et littéral. Le style de M. Dayjtfjwfoft
pbb empreint de la première de ces qualités que de. li setonde.:
JUp'ïaste^tfeit par kt détails qàe ces sbltes^tfmivrsges » ree&ïri-
iti^ydetftrài'itâeiit^ les'ritdyehi de
W&ttnflftr une idée Juste du tfantefere moral >*«ië nation a&ftfqûe ;■
eiuç&mv&vutfimpjA&rrmt «u**elàtions déi voyégeurs. "Otefr *àxti ce
rapport sur-tout qu'ils recherchent les fruits de l'imagination orteritale 9
et qu'ils^ se Montrent empressés fe étudier Je*; romans mdtkàx des
Cftincfr , plur ptopres petat-3tafe que oirtr <r*wttn autre peuplé :tk
fburpir des totioas exactes sur le* habitudes sociales , les idées domi-;
nantta et 4'âMt réel de la civilisation. Nous rie saurions entrer darri
a 1 v
l'exaiftea de ces détails ^et nous reeorrimartdofts seulement la £tffè
alliance tomme un tableau exact de la société chinoise , que le talent de ,
l'auteur et l'habileté de l'interprète cortedutent ï rendre très-agréable» *
M« Pavis a réimprimé! k la Ai du toiftan de la ffrf/e alltance, sa
traduction de la tragédie chinoise dont nous Avons rendu compte thnS
ce {ournàf ( 1 y Réduite , iûrfflqiie notas Favoris dit t fr fa partie 4a drame
qui, dans l'original , est écrite e# prose', cette traduction n^occupe ici'
que vingt-cinq pages. Nous ne reviendrons pas sur ce que d^s avons
dit de cette intéressante production , ek nous ne ferons , sur unephrail'
de l'avertissement qui la précède, qfe'ùée seule observation j historique
plutôt que littéraire. La pîèc£, selon rftr remarque 'de M"; ï&vis , se
rapporte à l'une des périodes les plus eUriëiises- des annales t& la Ghmet
où la mollesse croissante de la coiir , et la faiblesse du gouvernement;'
qui en étoit la conséquence, enbnrdffËtt le< Tartares dans ieufe attaques, '
et donnèrent naissance à ce systèmé^m poli tique de temporisation , par *
lequel on voufoit se rendre ces barbare* favorables au moyen' éF un tribu?; *
système qui, long-temp* àfîte , aitiena- là chute :de Femjiifè, 'éTfiêttï*
(i) Numéro de fi»vrï»t ! 830. ■ ,)..•. y
Eéee
«.
5>8& JOURN^i, DES SÀVÀNS,
bassement de la. dominatidSci moagpfa Ges orç>t* lûHg-ifmp/ afitir,
doivent £tre relevés : en effet , entre le temps de Hou-han-y&t0kkm*iiiLï
le prince toute qui est l'un rdes héros de la «rugédfe» famel. ifroh
trente-un ans avant J. G,, et la soumission totale 4e la Chine eits
Mongqls sous Khoubilaï, il s'est écoulé treiae cents ans;. >{£. Ton n*
peut gjièrei rattacher l'un à l'autre dettx firits séparés p^Tuim si tong,
intervalle* sans avertir qu'il s^st passé bien des événÀiffP «n^fiCofe :.•
essayé bien des système* y et que i'étu de? nations voisinas de. Je Chine*
a changé bien des fois dans la durée de treize siècles* ..> ■'.;.;.;. ■ . >
Ce que uoms avons dit au sujet des vers du Hao^-Uiieptt-tçhottaiii
nous engage à pajler aussi d'un mémoire fort étendu de MU Dans /
consacré à la poésie, chinoise ,iet qjiia trouvé plpce.datis letonpe IlddSf
Transactions de la Société royale asiatique de la C^aode^Bi^tagne. : ^ts*
anticiper sur le compte qui sers sansrdôute rendu <Je^e dernier ouylfige^i
mais I analogie des macères est un irçotff pour réujtfr en» ua.mfrnèi
article l'extrait de. deux écrits d'un méipè auteur q^fonfr-en. quelque)
sorte complétés l'un par fjntre. .■ *ii ., m . ,ii.
Le mémoire sur la poésie .chinoise est. assujetti à des formes mettes
djques.qiji annoncent un tr^gil apj>*ofqn$Ii>:JL/auteur divise son sujet en»
deux pafâer; .r.° la; yersi fiction, ouje^/ègfes particulières qui pré-
sident à la. composition des vers., df.s Woph&s tt des stentes, et. les
sources d'où l'on* fait découler la mélodie et le rhythme i a* une vue
générale sur le style et l'esprit de. la poésie chinoiserie caractère dtss
images et des sentiipens qu'elle exprime*, et sur la division dont elle est
susceptible, eu f^gard aux divers genres de poèmes reconnus par tes
littérateurs occidentaux.
Dans la .versification chinoise j on doit faîte attention à la nature des
sons qui constituent Je langage, et à leur propriété daifcs lès compositions
métriquqfl^à la variation des accens, telle qu'elle est déterminée par la
règle , à la mesure, à la césure, placée vers le milieu de chaque vers , à
la rime, et à l'effet rhyth inique produit par le parallélisme ou retour
régulier des sons et des idées dans une ou plusieurs stances.
Afin de prévenir l'objection qu'on pourrait élever contre l'harmonie
delà poésie chinoise, du retour inévitable d'un petit nombre de mono-
syllabes, M. Davis s'attache à pr<wer que la langue parlée n'est pas
exclusivement composée de mono^Iabes. II se fût peut-être dispensé
de cette discussion , s'il eût connu ce qui a été écrit à ce sujet sur lé
continent, il y a dix-sept ans ( i ). Bien qu'un nombre assez considérable
(i) Mines de l'Orient > tome III , pag. 279. Vienne, 1813.
■ '"■ OCTOBRE 1830. i%f
de «muet polysyllabiques trouvent ptafe'dtas le tangage, In petite
chinoise n'en semble pa$ moins monotone peufdei oreilles étraiigèft*s{
«Mb HL Davif remarque tfès-fustement qu'elle saasftrt depuis Fort
longtemps les gens du pays. EstnU vra'semMabie , dit-il , qifaee portion
si4cpsidéntble de It race Iranaine eét persisté k cultiver avec efttfcou-
Italie un art absolument privé de ce charme qui en fut le mérite
principal en tout autre lieu? Le plaisir que les Chinois trouvent *
fcftttittbe des Vers est un 4feit: ces vers som donc Wrmonietat pour
M*. Ad vestes fta coupe heuréàsè des phrases > la fustesse de*rn*tirtie$
«*t Il beauté des images son r des avantages que l'on ne saurait contester
* de bon* vers chinois, *t qui' peuvent compenser ce que nous f
tlèuvéïts cte contraire à l'euphonie des Jdtomës auxquels nous somme*
*ecatWmés. ' * '" T-. : ^
' ta tnWur* ' <fc* vers varie depuis trois tylkbes jusqu'à sept 9 \ cJUn
eà le nombre fc^lWcofkîdérabie dont on ftise ^hafchuéftfmëm wage*
t^iutettr cite desr^ Vers de trois, de quatre, dé cinq et d* sept syllabes,
itei h»*Tl«?!^^ni«teme comme «temple cfbeptamètres méritent tfétre
rapporté* fcH^ :
ÎCfaq pîcsVélévent ,: fiés fon à f autre comme les doigts de la main.
Ceiï un apprit pôuf la vflle de Yan , une muraille à mi-chemin do ciel.
La naït, cerWrnaïrt se lave dans le fleuve d'argent (ta voie lactée), et
■ cueille Iles étoiles du' boisseau ( la grande èurse). -'
'Le Jour, eîle 'AtkTazur du ciel, et Joue avec la fumée des nuages.
La ploie a cessé, t% les rejetons de jaspe se montrent dans feSpace.
La lune se Hic comme une brillante perle suspemjfcc dans h paume
de cette main. ' •
Un ne Mit si C est le bras que le grand esprit porte en avant/
De loin; ao-tfela des rners comptant les états de Tetapire do ftdtica.
.-...■-.■ -, ' * ' -■■ "...
• 1 -
Les Chinois ont une autre règle de versification , qui interdît de
placer la fin d'une phrase au milieu cfun vers. Chaque ligne est coin*
plèjeen soi, et Ton ne connoît ritq cfoçé que nous appelons enjambe-
ment. Mais il existe une césure , ^i& la quatrième syllabe dans le
vers de sept , et après la seconde dans ffcVui de cinq. Cette, césure se fait
sentir dans la déclamation, comme Tàiucur sen est assuré en écoutant
attentivement des naturels. La césure nç peut tomber sur un terme
composé , ni séparer un nom de son adjectif, un verbe de sçn adverbe ,
ni couper dçux substantifs en comtructiorj. Cette règle est quelquefois
Eeee 2
*|{ JOURNAL DJEfit^AVANS,
$im.gm$ secours .pour .lïitftliigwa 4e <«*&&». vers obtrar 41
i, Pftitire *tt»r beaucoup' de Xiimièr^S:^uM}9«Hm ipiopittté. &*<****
sWwtf, que M. Davis fejt conapître paç .fooMéfceu* exempta* cfest
I«fMH¥^<n^» ou ^ppoft de sjuoéuâeyrjfti sV^erve «nt^ to«^oe*
«JMMitfcJefctféfp» tfi»a >«* '* l'être ,*hquejqw&is dfee Jfesuopfoqtf
Wt,^wmi^4wrcj o* «pmplété .par : l* pe*séç qui vie** aptèA*;**
POHUBft .te* qçftfiiiéiabliiwDi-m rapports <^pp^qt,to^ttirs.jlf4
H^«io$<ÏW«P<>ûd^it« dan* le ver*, op lève ams* 4» 4qwvt>4M*f
^ ;r«w»aû(S^ef qui po^fpiçht cause* iW;giwd embar^.^i*i*j*p$*t*r
•WUi 4efciPff uye* d* /petft ; .«^rtisn.i. p dfcf ïntedgcpiw &*|itafr4et
caractères originaux , qu'on doit supposer peu familiers -nif, tonifim .dllT
<$, jp*n#L lyi. .: D*v£i; étatisant uac* sç*t& ck^ow^anpjm^^njtit Te
pvaHéiismô ées,vers chi^is et celui qu'on re^^cp^ ^sjjivp^sifl #s
Ffebreux , çpmpte, a^ le docte** IjQwtb r jrofc S9tfe%4fe ç?feJMf¥ltHft9
r^gttliè*e* : ^pressa?» et ^ pi»iÊe*V.J* ^af^M^i^^^^V^^p^Ip
rapport d'un mot à un autre , dans l'ordre de Fénonc$qypVA $4mfkt
thitique, ou l'opposition de termes et d'idées inverses, et Te synthétique,
dans l^i>JrinQ^f>u.£f Çgoes oe sp^répoo^nç p^^K^ft pour
fe.se^s, J^wisqù Fpir^.spin dç ph^ç,fp f^rd l^.|^srd^ %ti*s les
:rçoim,JfS w phrase^, fe^^ «W fipipbre ,
le* particules 'négatives ^ intçrrogatives , &c. ,Les ç^eç^pliaV rapportés
pour çhapun^ ^ç ^çes formes dpjjùrient beaucoup d'^ikéj(:à:f^dissçrjation
de M. Î5avis. .4 . ' t
I4 sècQDde^rtie traite du genre des poésies^çWriQist^ , L'auteur
donne une idée de celles qui entrent dans la composiupn.Qu Q^king,
et qui , comme il J'observe , pe Relèvent guère ,au-«ifs|u$ dp la chanson,
bien que jks commentateurs ^ par Les .application spuyçm. forcées qu^iis
en font à des personnages connus ou à des événemens mémorables ,
leur- aient donné une importance .historique ou philo opbkjue qui les
rapprpcBe de1 fa cantate, de rode ou de l'hymjié On ne4 peut nier
pourtant que l'ancien genre lyrique des Chinois rie renferme des beautés
du premier ordre , et qui en prit ftit ,J pour les modernes run fus te Sujet
d admiration et d!imitatîonllAïfiJ& lés odes du Chî-king*, viennent les
kio , sorte de poésie irréguhere,, où le désordre dès' ppfa^ées et des
images répond à Finégàlfte <fes Vers , qui sont de toute mesure , et à
la confusion ,aes rimes,. iqtiî..reparoissent à. âes espaces ifréguliers.
M. Davis eut ,'sur la poésie aortt les drames sont en grande partie com-
posés, des réflexions que notis h'ânaly serons pas, paire que nous en avons
/ OCTOBR^E 1830. j«5>
dé)^ présenté de toutes semblables, en rendant compte des deux pièces*
que cet auteur a traduites .(1). II parle ensuite de Li-uï-pe, le plus
céièbre~des poètes de' ¥ école moderne-, qui vécut dans le vin.e siècle;
ntaît f I ne apporte que deux petites pièces tirées «Tune collection où
!fs oeuvres de cet écrivain fameux sont, selon M. Davis, réunies à
celle* «de quelques-uns de * ses * contemporains. Des compositions si
estillffiu de* Chinois appfeHeroieBt \ ainsi que je l'ai déjà dit , I attention
di quelques littérateurs qui se seraient spécialement attachés à surmonter
tes difficultés inhérentes aux sujets traités par les poètes de la dynastie
des *$bang, et à la manière dont ces sujets sont traités. I^essai de
M. Davis ouvre k voie; mais elle est encore hérissée d'obstacles, et
elle serait ;bien longue à parcourir.
> ^H n'existe* la Chine aucun poème .qui mérite rie nom d'épique. I41
m&e pastorale n'y -est pas non plus cultivée ; et Ja raison qu'en donne
nuseor* c'est que, les habitudes de la nation , le peu de soin qu'on. y
donne aux troupeaux, le peu d'usage qu'on. y .fait de la viande et
même du fah^onrxIétonTné les naturels du spectacle des scènes qui
ftappent l'imagination des poètes bucoliques. .Toutefois les détails
champêtres et les ocnemens empruntés à la poésie, descriptive dominent
dans toutes les compositions -des poètes chinois. Ils aflectionnent.parti-
culièrement (es sentence* morales, et les sectaires ont composé des
pièces de vers religieux. La satke ne forme la base d'aucun poème en
particulier-, mais elle trofeve sa place en bon nombre d'endroits,
même des morceaux du Chi-king.
^L'auteur en vif^ÊÊk la partie vraiment épineuse des poésies chinoises ,
et l'on ausoit desifOTpi'U «e&t réuni sur ce sujet un plus grand nombre
de matériaux , et fbutarkr ses lecteurs des éclairdssemens plu? étendus.
Toute la lartgue abonde en expressions figurées , prises des objets les
filus agréables ou les plus frappans dans le monde extérieur j. et chaque
objet a, parmi les senthnens ou les • passions , une sorte de terme
correspondant , qui est toujours rappelé , soit explicitement, soit, par
voie d'allusion. C'est ainsi qu'on dit les songes du printemps et les
nuages de l'automne, poux désigner les illusions du bonheur et Içs
infortunes réelles.; La réflexion de la lune par les flots désigne un bien
qu'on ne saurait atteindre. Des nutffts qui obscurcissent le jour,
marquent les ombres que la caiorinie prot jeter momentanément sur
un beau caractère. L'herbe dans laquelle les piedss'embarrassent dénote
. >■
(») \htiriuil desSaÙMns, janvier 1818 et février 1830.
\^
y9o JOURK^LJDES SAVANS,
fe difficulté d'agir.: Le» fleuri «ont l'embJèm» de la btauté ; le printemp*,
cehn de fa foie; eu l'an tourne, celui dot chagrins. La satisfaction -est
exprimée par «ne fleur épanouie ; ia vertu sent tache d'une béroftie*
par une génisse blanche, un cristal, pur, m morceau de, glace tram»
parent. La saison où les pêchers sont en. fleur est le temps du mariage;
les hommes qui ne songent qu'au plaisir, sont des abeilles et des
papillons parmi bs'fleiirs. Tek sont les exemples donnés par M. Davis*
II y a ertx>utre un nombre immense d'expressions qui se rapportent
à des traits d'histoire et à des anecdotes vraies ou controuvées, et le
plus souvent H n'y est fait allusion que par un mot ou par une expres-
sion détournée , qu'on ne saurait entendre à moins de savoir d'avance
de quoi il s'agit. M. Davis rappelle ici ce qu'il a dit deux ou trois fins
dans les notes de son roman , au sujet de ces mots : le cwur qui répond
au luth, ou te phénix qui cherche sert compagne*. Ces phrases rappéBfftf
l'aventure d'une Jeune fille nommée Weu-kbm* qui /étant apnée <Ti&
Jeune homme du nom d*Ssc-maf fut touchée de l'entendre chanter une
romsnee sut le phénix qui appelle son mâle. Son eeenr s 'émne, dis-onencore,
et ces trois mots sont relatifs à la fuite de Ven-kiun , qui disparut avec
son amant, laissant, vers le matin, ses pas empreints sur la terre
humide de rosée. •
L'autre exemple cité s'est pareillement offert à M. Davis dans les
vers du Hao-khîeou-tchouan : l'esprit. qui noue Fierté , et l'oiseau qui
parte /a fleur jaune, sont des expressions relatives aux anecdotes suivantes.
Un empereur de la dynastie de Tcheou enjoignit à son fils , qui devott
lui succéder , de faire enterrer vive une des femnÉfequ'il laissoit après
lui. Le fils, reculant devant cet ordre barbare , sa^a la vie à la veuve
de son père, et la maria a un homme de sa cour. Dans une guerre qu'il
fut obligé de soutenir contre le pays de Tsin 9 l'empereur eut à com-
battre un guerrier redoutable ; mab il vit en songe l'ombre du père de
celle qu'il avoit garantie de la mort , qui lui promettoh son assistance.
L'événement répondit à cette promesse : une main invisible noua
l'herbe du terrain où le guerrier ennemi porta ses pas, et mit ainsi
obstacle à sa fuite. Une personne vit un oiseau tomber à terre blessé
ifun coup de flèche : l'humanité l'engagea à lui porter secours , à
arracher la flèche, et à lui ^dre la liberté aussitôt qu'il fut guéri.
Cette personne tomba malad^queique temps après; et comme elle
étoit «i danger de la vie, l'oiseau parut, ayant à son bec quelques
fleurs faunes que le malade s'avisa de manger et qui lui rendirent
immédiatement la santé.
La poésie chinoise ne manque p^s non plus de merveilleux. Des
r*
OCTOBRE ï$$Q. f?i
êtres mythologiques , les génies qui président attractions de la nature ,
aux phénomènes du ciel et de I* terre , aux collines , aux taux et aux
forêts, y jouent fréquemment un rôle. Hoeï-Iouest le monarque du
feu; Lotiï-koung ,' le roi du tonnerre Lou-chin, l'esprit des vagues
automnales. Le Vieàbe et ia Itnte [ Youev-Iao] a pour office particulier
de rattacher les uns aux autres, avec un fi* de soie invisible , les jeunes
gens des deux sexes ixx moment même de Ieur4iaissance< Après cette
opération , ils sont invariablement prédestinés à s'unir entre eux, quels
que soient les obstacles , en apparence insurmontables , que leur oppose
Téloignement des lieux ou toute autre circonstance défavorable On
dit alors ycou-youan, le fil existe, ce qui équivaut à assurer <pie de
jeunes amans sont destinés à vivre l'un pour l'autre. Avec une si
grande variété de ressources dans l'imagination, dit M. Davis, et
ayant sous les yeux les feuilles les plus brillantes du livre de la nature ,
déployées dans une ' contrée immense t qui ne le cêdeà aucun autre
pays pour les avantages naturels, if faudroit que ce pe^B^fût véritable-
ment stupide pour ne tirer aucun parti des rftatériaur qui sont à s*
disposition.
Voilà une esquisse, plutôt qu'un tableau , de ce qu'il seroit nécessaire
de savoir pour être assuré de ne plus rencontrer à la lecture des
poésies chinoises, d'autres difficultés que celles qui sont inséparables des
productions de ce genre , et qui se présentent dans les écrits des poètes
de tous les pays. Pour donner une idée complète (des objets qui sont
indiqués dans la dissertation de M. Davis , il faudroit un ouvrage (Tune
étendue considérable; et cet ouvrage , paç, diverses raisons sur lesquelles
il est superflu de revenir, seroit plus facile à composer à la Chine
qu'en Europe. On doit désirer que M. Davis profite du nouveau séjour
qu'il a été appelé à faire à Canton , pour rendre un service de plus à la
littérature , qui lui est déjà redevable de plusieurs ouvrages dignes
d'estime. Ce qui donne un prix particulier à son mémoire , c'est le soin
qu'il a pris d'y faire entrer un assez grand nombre de fragmens en vers ,
avec des traductions généralement fidèles , quoique peu littérales. II n'a
pas toujours indiqué l'origine de ces fragmens. Plusieurs sont empruntés
au roman même qu'il a traduit. Le morceau le plus étendu est une
relation poétique du voyage qu'un Chinois, homme d'une condition
honorable et <Fun esprit distingué , fit en Angleterre dans le cours de
l'année 1 8 1 3 . On avbit , en 1817, donné , dans le Quarterly review ,
quelques extraits de ce poème singulier: M.. Davis transcrit ici les dix
octaves dont il est composé. On sera peut-êlre curieux de voir les deux
premières ; en voici la traduction :
*
59a JOURNAL DES SA VAN S,
Loin par-delà h mer, à iWréraité du nord-ooest,
11 y • un royaume dont le nom est Ying-hm*
Le pays est froid ; on y est disposé k approcher do feu.
Les maisons sont si hautes fne Ton y peut cueillir. les é
Les esprits y sont droits, amis des rites et respectueux.
Les cœurs sont portés k Fétude des livres sacrés.
On y a une haine particulière pour les Fo-lahgsse:
Le bouclier et la lance ne reposent jamais ( encre eux ).
Les collines et les champs sont riches de végétation.
Les étages qui les partagent semblent un sourcil peint.
Les hommes sont animés de respect pour les femmes.
Celles-ci sont dignes du pays par la beauté de leurs traits.
Les jeunes filles ont un visage coloré comme l'incarnat des rieurs.
Les appas des belles sont comme le jaspe blanc.
L'amoiuade tout temps fait naître des passions profondes.
Les épolHe plaisent à se prêter un mutuel appui.
Le mémoire de M. Davis est terminé par quelques pièces mélangées ,
et presque toutes du genre descriptif , qui est celui que les Chinois
affectionnent particulièrement. Le nombre des strophes de nature diffé-
rente qui sont rapportées et traduites dans cette dissertation , s'élève à
soixante-dix, contenant en tout environ 430 vers. On ne sauroit trop
inviter l'auteur & donner suite k ses travaux sur la poésie chinoise; aucun
de ceux qui s'en sont occupés avant lui n'a présenté au public des maté-
riaux aussi nombreux. Ceux qui voudront porter plus loin ce genre de
recherches , devront commencer par étudier le résultat de celles qu'il
a faites. C'est à cette doubfe marque qu'on peut reconnoître qu'un
littérateur a véritablement exécuté un travail utile.
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
OCTOBRE l8^0.
« • *
1 -»
Dà/t yfÊtraute Gçfehrte des Einsamen 3in scUngferligt* G*g<n*
jflffiH ¥on A bit Manssotir Abdulmelik te» Mohammed bm
Ismaii Eitseâlebi nus Nisabur. Uebersèttf, herichttgt ind mit
Amerkungen trfkutert dttrch Gustav Ffâgef, nebst etàëm
; yiirfùhe/der tierrn ffojraths, J# Ritler yoi^ Hajpnîer«
. tPiçnf jSip.— Abrégé dtfofttfage intitule \ç Compagnon
4u Sotiiaifs ^çpncernaiit tes à-propos de ia. conversation •
pérAl><KirMdtisôttrAbd*hkfi/ic Thùâlehi deNimbotr+fh de
Mohammed, fils dlsmatt; tntdmty corrigé et enrichi de not*
1 par Ai. GiistaVfePîîitfél, aïèc un prototue de M> le cOtotffler
,%de,.cpur le fpqiapet X de Hamtaçr. Vienne, ;***$* xjflôj
/,'frS** P^Ép* w-^/vpIi» 50 pag. de nôtes^ .,
£jjf . tspftiis*nt Intitulé 4e fo^vpçç dqnt npys allons rendre conpf tt »
WmV^ M noù^ attwlier.au tt!W qf# .portç eirambe et qw *t
p^j^tçrae^t çl^ çt jjon ^ celui fluïi a reçu <kiu k traductic^ flfc-
j^arid?4'etqui doit, ce nous semble t être tout-à-fait inintelligible pour
qukopqpe est étranger à Ja phraséologie arabe. En effet, les utes de*
|îvrps^n fjfato se composent oadinairement de deux parties, doatja
pgipière , roéiapborique, allégorique » souvent même amphigquriqpft ,
MUt s>y^ïiqu^>, toute >orte d'ouvrages, et la seconde ezp^iap^^ep
laines propfcs f Jâaturels , le véritable sujet du livre, ta ttaisop antre
(JM .deia parties du titre d'un livre est constamment exprimée par la
prtbofcitiop ^i, qui signifie le plus souvent dans, mais qui , en ce cas ,
doit é^e traduite par. concernant, relativement à, ou il est traité de, ou
de tQUte .autre manière propre à rendre la même idée. Nous ne croyons
PI* que la préposition allemande in puisse exprimer cette idée, et- nous
pensons qtfe, pour comprendre ce titre allemand, il faut commencer par
le traduire de mot à mot en arabe. Nous nejusdfier9ns.ee que nous
li^an^ns ki, relativement aux titres de la plupart des livres arabes , jpr
d^n .GKJÉÉf* f ParÇp W* pfc ** puroit être l'objet <T aucune çqfMptr
tatibn. lierai est pas de même du sens que nous c^onnon* u^jçpx
c Ffff
l»4 JOUBfiJAUmHDXtVANS,
de quelques observations: mais elles seroient prématurées ici. Une
inliâ"il|uè'^ie mutff iïutOui RtWrlc s4ifje^ pdur jtKWMI "Tome" BÊUK
interprétation du mot ±J*j-*x& abrégé que M. FJugçl a introduit dans
WviilriiarWi^'hMrVra^^eésttltiS sonStrrerîcîfcW', atarné'tf |jr]i<W>
»*«i<b3ml»isieirri en! «<■ (U»nUro cAW*4ln».|iJjcn»''qti'iliM corMMbé-
mPVM^^eW^t.^cIg^ra^ntrïiuTifV'iiirte tfpi&eùpas l'onWige
WSfe,elBlrR(ic^TOjfflïîeV8r1'M3,''*UV> SwiMw «W**K*s>»
resyetnt, etqjl trop corrompu pour qvj Ton pût, parvenir ^ lui donnes un
ieHspt«iae>, liitpSrce ^la^cïéfâwaifigewt^ sitrifici: Nous
p«u<>«ïf«'dotû«lir*!iT *ia!V;-ffav^s'6Htt-f^r<atioWp^r¥'lj*iil
Al ùi\*(«»\eai*WWis\, '«S'ifcli estrpéu>* fc. m<>«^w»^««rUcïe*re
MrWfr -,V*vM>lWy^t^>*»*. l*WwViL«»r*< Wmmr.T, J*.
mot du or*
«nfvTa^
éditeur c
propre à exercer les jeunes amateurs de la littérature de l'Orient , et le
prioit de lui indiquer l'ouvrage sur lequel devoit tomber son choix, et
un Irr'térafeïir capable d'en entreprendre 'la traduction et d'en diriger la
publication j'ïFruï proposa Y Anthologie de Th'aâléb'ï, et pour traducteur
utv Jeurfe briéntaliste d'une grande espérance! M, Gustave Flugel , de
Bautén.' Nous rie pouvons qu'applaudir au choix fait de M. Fliige! ;
mais il n'en est pas de même de t'a désignation de l'ouvrage* Entre-
prendre -h traduction d'un livré irrite quelconque , d'après un seur
manuscrit, n'est pas Ta tâche qui" convient 'a un jeune littérateur. Que
sera ce donc , si le manuscrit es;1 P6uvr3ge d'un copiste ignorant , qui
n'a- pas Souvent compris ce qu'il transcrivoit; s'il renferme beaucoup
dé vers, toujours plus sujets à ê'ire aîttrés par les copistes que la prose;
sf'ce tfaë conrJèrtt;ie rnarrascVh T.'esf'^'éin't un sujet1,» soh Wstoriqjilii
soit phifofcgiqtae on didactique, lié dans toutes ses ■parties' ,'fetjftrinirjt
ttn «hse-iriMe.bu-fes-errdfolts dtffifcîies-oii obscurs et les faisais attelés
se *brWgertt otr s*expHrjnB«nt pâf'Ce.1 quHe>''prétètfe'!éfW*rÛj Iéjsdfti
ii érimt, âttfién nVcéla, fl' s'agit d'un, récuèn' danècHotesdétachées.'âi
bons ymi'iJ^i^^'1k^ià6i^^^>fàieet fytfap&.&mâà
Mgmtttiquesf 'É est j drffcH^i cVriotis'' "Semble, de'réunfr nuf'tt
coridkforB propres a rendre ti^proWérhiàim** ié'sUctèiMhê enp%-
prtieimssT Hasardeuse:' "i1 : ■'l, ■"'"" "" '■ ! '■ m " J"B'
-iMydeHamiii.er's'ottlnpeens^stèyc^
q&m*^\i£*lpcmîtmEm*ipttf*& * #m tfetfttfneiit
•amtehn i^fe^&arppéeaii; le *ha$a.qt U^cfemion det ,moïCf*U*>q*'ils
*igéntali^ dJMl ,. es aura* ■*» ffaro^*, peu dfe coÉnoiêsawfc de? l'itapré M
«jcbianusiAqe d&pé^Ag/M^^/^ si!roïi^e*aepieM»tMegta
yyéri^ué»i*Qitaii^âto^hb»am deo&mutfaj^doiitAA» Jerprpftsseufc
ffiEaqiteg «mat deiteauàineaavee/sacfcèe JMfUtk»l i pefadr^rtro» ^
**fufa*t «bb» ;des lAmtafogp&a jécnttts en prias* ^ composée* data le
irjné*fc£i esprit que celto deuStobée ^ et rangées pajJ oqdre::de :«Mtîèrt»4
»&Wts ^n;j#^W/fcwj^
v&jibî&toÇiciÂrA , toiwteatcifeiStJlicatkin joàtériejib ^eA^fcnnte
*<H^-éihalÉt^ DmP'ultttmiverfeK wyifrj>(rèî*i,vjef ;dartl ti&Mjftàifiédiê
»»4*iiyU -£rscb»*GfbbeÉJt) je t'ai définiq 41 d'après j le teati|>fopre>d^ nom
ctoiiîpa^ipouyoir, mfena irn Ait if s g^c»sk>i»^ M^>d» JHàÉam^f j;«/**
£*»£ tchfagfcrqgnrMedck ;. *fo$o\vGwaplayc* vtnttjGxpxeuion jàiriafes
^yidl»i»t5.'éeJ^<i»,/W/»>^Wt /M**** M> de Hamn^dret**ei**u peur? la
fkf tfficttian k^e cette cknibleidéfii*^ à laipréfce de M. i Jfiâgtb et
laulfeâw^ë 3pqqtof eDde§feMUi fa vinet Arabe.col^U p# S^gwmt*
cimtmà>qméfcok>\m$t*àÊ rqpp«/>;>p«^qup4esitttre9*<Mi* leaquots^QHI
taqgés ceeaAéodoftea et cep t^o^rmboi^ vbnaat à ètm prononcés cbfts, In
cayavenaiioii, çappettènfsu^le dwrap à^uiquiV/ètfiàmUitfi^ ^vetf
«»p©dwIs^uf^ue;$ajUie* quelque, lépàrtre iugéoiesMabu^pfapMttf .,
qtejqaé iacékie , dont*$ ni ibauque pas d'assaisonner la conwegsfttioit »
*fr$ti peawena servir èamêmè teaq» àifomusement et ifci'ihttfcMÇttQP <fc
prioee^et dea g»ànda<seig«euH ^ui ioé fpnt i'hormeiix,de ^P^fiwtttff
e*I Miutie JUamiher *haèrv* que les; recueils {onni^<*nû 4e <mn 4*
<M$kndMbat , nèteqpL aoukion grand notai}!** » «ont fégattmeot $gft#fc &
faiimii Me<dea.fcâ»aDt>fc «na* leipanat de iruf de; Ja. maraAe#lde l'histoire
«fcjfeia poé«BvU| a*ote oçp*oft|B*Jqiitaf firibéerflaorafe wiiivnite **'? **r
qafeieopisoévwtik iaélifetitt^yiigraiit^ec queJesi anecdote* €t te ohm*
*Wcèdes jrfjp» maéfjutat pas. Ia reste ^ ppologMe^f Mkvdqifelawmer
aetcétmngçs àgeiaujelq ek jd n'en <eatfra*ai qtfuai jeui fàrt^'ÉMWqwe, la
héyijjtWqnr im^^iide^tk^^yjquie' poeiède «cteellemerttJwi d^yj^HS
péiàbeifecaabnAritt ^ donnas ;*p»s la.dé^o^
*atfc)ttxte MéhàdktrtH) gàhûiqur a /pour laufeep AKgt&j4%p4^
Mi Eliïgel adonnéy dans une note de sa- pf4&ce,ua aperçu dp m OU-
^t^MUCi^ei^MqmeBMpK ^^lè^we qu'il j a 00e refeipa .IliqiMfprf
Ffff a
S96 JOURNAL DES) SA VÀN S,
et sensible entre l'état politique des Arabes ivent et après Mahomet ,
et leur littérature à ces deux époques; Dans k première, nofcs ne
cbnnoissoitt que des poésies , et toute iafittéi» tort est renfermée. <km
un cerde très-borné ? dansât seoomfei les conquêtes, les richesses , le
houe} te contact ou plutôt le mélange avec des peuples pfms avancés
dam la carrière de la civilisation, ont étendu {horizon de k littérature»,
et en oht multiplié les objets .et les ressources. La prose, sans exclure la
poésie, s'est associée à elle» et c'est à ce*genre mixte qu'il âut rapporter
les recueils auxquels appartient en commun te nom dAntiê/ogfcsou
Mokmdkéràt, '' tpf me qui a donné naissance k VAntkologiquc <y* Science
des Mokodkérat ^tj^Uif 1*. « On entend par-là , dit M* Flâgei, des
» Réponses où des réparties promptes , qui produisent une vive impits-
* séort ; ce qu'il ne faut pas entendre comme si elles dévoient être précé-
» dées de questions arbitraires ou produites par le hasard : au contraire ,
3» on 'considérât ces réparties comme renfermées dans un cercle déter-
» miné , raison pour laquelle presque tous les ouvrages de ce genife
a» se meuvent dans le même cerclé, et se ressemblent par Fexécution de
» l'ensemble. * M. Flâgei développe cette identité de plan et dTexé»
cutietoi mais il f st inutile de le suivre datas cfs développements H en
est donc de' ces recueils à-peu-près comme des vocabulaires destinés
à enseigner k nomenclature d'une langue, qui se ressemblent «fus par
leurs divisions et leurs subdivisions, du citl, de ta terre, des animaux ,
de l'homme, du manger et du boire , des vttemens, &c. Sous des rubriques
communes , viennent se ranger des anecdotes graves ou plaisantes , des
citations de l'AIcoran, des traditions, des maximes empruntées fax
philosophes anciens et aux poètes, des bons mots, des facéties, &c
Maintenant je demande si cela constitue une science qu'on puisse
nommer anthohgîque ; fe ne le pense pas : k réunion de toutes les
anthologies arabes ne forme pas plus une science , que k collection de
tous les ana; à moins que par science on n'entende ici k connoissance
matérielle d'une division de la bibliographie y et c'est peut-être unique-
ment en ce sens que Hadji-Khalfa a dit o[^UJt JU. Un homme d'un
esprit fort ordinaire peut appliquer toutes ses fearités à entendre et à
rassembler dans sa mémoire tous les recueils de plaisanteries, bonnes ou
mauvaises ; il les saura, et suivant toute apparence , il ne saura guère
que cek. Possédera- t-H pour cela une branche de l'arbre des sciences »
et pourra-t-on dire qu'il est savant eh antkologique ( i ) ! Mais est-il béttt
(i ) Cest bien là , en effet, le sens que M. de Ha m mer, dans son Cottp^Tmil
encyclopédique, &c., donne au mot Mmkolcgkjae; mais Je persiste à peaserqee
OCTOBRE 1830. S97
vrai d'ailleurs que le mot ï_yA4 réponde de près ou de loin à l'idée
que nous exprimons par anthologie! Je ne crains point de soutenir ta
négative. Ce mot, comme l'a fort bien observé M- Fliigel, signifie être
en présence de quelqu'un ( conversari cum aliquo ), et par suile causer avec
quelqu'un ; il est analogue, par sa forme et par sa signification, à ï^L*
disputer avec que/qu'un , £JL»L* dijjmcr, traiter une question avec quel-
qu'un, îJA<£ adresser la parole a^mjqu'un, &c. Aussi Soyouti a-t-il
intitulé sa description historique de l'Egypte ïj-àL^JI ^~^ la Beauté de
la conversation , c'est-à-dire, sujet agréable de conversation , concernant
l'histoire de Atisr et du Caire , sans qu'il y ait rien dans ce titre qui
rappelle l'idée d'anthologie { 1 ).
Et si l'on fait attention à la définition donnée par Taschcoprî-zadèh ,
et rapportée par M. Fliigel, de ce qu'on entend dans l'Orient par
o'j-al^J' le , on verra que c'est une étude qui fournit les moyens de
placer dans la conversation, des sentences , des bons mots, des réparties
spirituelles, qui ont été dits par d'autres, et qu'on ne peut employer
a propoc que quand on connoît les circonstances dans lesquelles ils ont
été dits et l'application qui en a été faite primitivement.
M. Fliigel divise le contenu de ces sortes de recueils en trois parties,
éthique , historique et philologique ; et il est évident que des ouvrages
qui se composent d'anecdotes et de bons mots relatifs à toutes les
circonstances de la vie, et dont les vertus, les vices, les ridicules, les
bonnes et mauvaises inclinations , font le sujet , ne peuvent manquer de
se rattacher à l'histoire, sur-tout à l'histoire des moeurs, et en même
temps à la morale pratique , et à cette partie de la philosophie qui con-
cerne les droits et les devoirs de l'homme vivant en société. Quant a
l'histoire littéraire et à la philosophie , c'est accidentellement qu'elle
entre pour quelque chose dans le fruit qu'on peut retirer de la lecture
de ces recueils , du moins de celui dont il s'agit ici , parce que l'auteur
s'attache quelquefois à expliquer des expressions obscures , ou à déve-
lopper les nuances qui distinguent des mots que l'on pourroit regarder
comme synonymes. C'est au contraire le principal objet de plusieurs
ouvrages bien autrement importans , tels que le J.UV! <_jLi=, d'Abouï-
faradj Isfàhant et le >»jJI l-$u de Thâalébi, que M. Fliigel, suivant
cette dénomination est très-impropre; et si je l'admettais, ce ne seroit que
comme une subdivision de la bibliographie.
(r) C'est par inadvertance que, dam ta quatrième partie delà Bibliothèque des
i toi tudes , pag. xxx] , le titre de cet ouvrage de Soyouti a été rendu par Beaux
pointe dt vuedt l'histoire d'Egypte.
*$8 JOURNAL B£5> SA VANS,
*AcieIà l'opinion de M. <Je Hammer, rfàtf erttmr daris j» mèroe kalégorie
l|uV lei Motàdàèrat , mais qui appartiennent , - autant moi , ^ k phifa^
J0gie proprement dite', et qui sont en même temps de véritable» imtji*-
Jogies poétiques. • ■ , -. - • ■ « m
' Après ces généralités, M. Ffcgei donne 4a vfcdeThaâléM* extra» des
ttto Au Hmmn iUttitrti dTi>n^fcaUica»> er une lifte de toi» les
*6dv*agefc de Thaôlébi , dont fa^Knofesan^e Jur »nété fournie par ir
Actionnaire bibliographique de HàdjMthalfa; ek pair lès cataloguée 4e
diverses bibliothèques ; yen 3 fait cortooître 4é mairnscrit dont iJ a fait
«U^e, 4es Taisons qiri l'ont déterminé à omèttrt quelques portions ik
l'ouvrage , le système qu'il a suivi dans sa traduction , et les bornés dfos
lesquelles H4d& se renfermer en ce qui concerne les tioteèi jointes k
cette traduction, v ..■ ■.» fi i •' .-- : : •'•.■
~'? Les . anecdotes > bons mots et réparties ingénieuses ,, recueillis par
Ihaâlébi dans Pouvrage dont nous rendons compte*» sbm cfassé^t
tfons l'édition donnée par M. Fliigel; sans trois > cent , trente* deçx
rubriques* Goidme f éditeur a pris la liberté de fàife , pour tle» ipîsqnk
que nous avons dites, quelques retranchements* l'original i, nou&ittf»»
posonsqûe dans cetiMi le nombre des articles est un peu ptid dbfasi-
dârtbie^NÀis allons prendre au hasard quelques articles , pour dqriffer
<uàe idée juste de ce recueil , et nous accompagnerons nos citatiensr4r
<fiVe»éfir obstFV^iion» critiques. ! :.; . -/ ^-i..* f /'U
•jb tî. DttèlUi fût jugé et qui est lui-mêmt le coupable. ;; » - • ) '
*>ir * Un poète a dh : Le plaideur n'a aucun succès à espéi-er. *le sa
* cause , quand tt a pour partie adverse le juge lui-même» » • ■ i
« Un autre a dit : Un des griefs les plus graves ; c'est épie ï Ton Ya
bidonné la charge de redresser les griefi, èFékarai>j
*"■* « Oh raconte qu H étoit survenu à un soi un abcès qbe ies4n4dedft*
«voient traité inutilement. Le mi leur dk un jour v Vous- vous fouet de
tttoi; si Vous me guérissez , à la bonne heure; sinon je vous fyai mourir*
feës médecins alors sfe Téunirent pour consulter cotre eu*ve# ils çon*
vinrent (Je dire au rôt t Voici le remède qui peut procure! votre» guéris***
flfeut prendre un enfant de dit éti% ; son père et s» mère le tiendront »
ttm par lîut&e, l'autre par les- pieds ,-wus'l -égorgerez au-dessus de
votre- mal , et-vou* boirez son sang, Je tout Ai contentement du père
et de la mère et ayee leur, acquiescement. Les médecins donnèrent cet
médecins , et ton fit proclamer daos tes duftreafles. ville* la demanda du
roi. II se trouva un père dont les enfin* ;*à<knroient in&iHibiememt
.OCTOBRE 1830. ■ î9$
quand ils atteignoitnt l'âge de dix *as. Cet homme, étoit pauvre, et
«voit alors un fils qui étoit près d'avoir cet Age- .H riit».ia.fetniae;
GoadMisoni natBÉ fils »p roi ; mous ièii recevrons line'spmrbeftfangeht;
aussi bien cet enfam n£ peut ,nianquer de mourir dans pen.rLe jpèjeet
la mère se dé [er minèrent donc à cela; ils allèrent trouver le roi., eijuî
remirent leur fils: l'un d'eux l'ayant pris par la tète et l'autre par les
pieds, le roi saisit un coutelas , et alloit égorger l'enfant , lorsque celui-
ci se mit a rire. De quoi donc ris-tu; lui demanda le roi , landis que tu
vas recevoir te coup mortel! L'enfant répondit : Je fais réflexion qu'un
enfant est plus cher à sa mère qu'à qui que ce soit , et qu'elle le défend
au prix de sa propre vie ; qu'ensuite il grandit sous la garde de son père;
qu'enfin, lorsqu'il est parvenu à un 5ge fait, c'est le roi qui le protège
et lui assure ses droits. Aujourd'hui je vous vois tous les trois d'accord
pour me donner la mort: k qui donc irois-je porter ma plainte i Ce
discours fit une vive impression de douleur sur le roi ; le couteau lui
échappa _des_mains , et la violente secousse qu'il éprouva fit ouvrir son
abcès. JI guérit, rendit la liberté à l'enfant , et l'adopta pour son fils. »
Cette anecdote est racontée par Saadî dans le Gulistan , avec plus de
goût et d'une manière moins prolixe, M. Fliïgel a corrigé dans ce récit»
deux ou trois fautes.de son manuscrit ; mais il en a laissé subsister de
beaucoup plus graves. Il a trouvé une sorte de redondance dans
l'endroit où il est dit qu'il se trouvait un pire qui ne pouvoit élever aucun
infant au-delà de l'âge de dix ans, &c. Et effectivement, dans le texte
tl qu'il l'a publié, il y a une tautologie dont on ne saurait rendre
Triple^ ou plutôt des mots vides de sens. II a cherché à pallier ce
défaut dans sa traduction j mais il falloir tout simplement restituer un
mot .que Ie,copUie a PJWfli.eUue^^t/pJf.Jil Q* ykx'M.itf^
JfîUî, ^ «ij-c <&<ij*^- Non -seulement alors il n'y a plus de tautologie^
mais on comprend pourquoi le père et la mère se déterminèrent à sacrifier
la- vie d'un enfant dont. la perte d'ailleurs leyr paroissoit inévitable-,
tandis que , dans' lé texte imprimé , rien ne motive l'action contre nature
«aVpèrè et de la mérél ' '. "" ll ' ' . ,
(. .Une autre faute non moins grave se trouve danj fes.mots J*j
aW ,^>\^Â_m#mty&$^^r& $ïWj-*^*#rt?
flttt**9ÎtTt ht privles plaint net sage sm de £mfm*> aaais qoù, duuia
•édite* rie pd»ve« ioffiar auciaa *aat. Il est évadent qatâ aaSoit lirr
<J*j|/>r meitreTei^^'tiim^té' ■,\ir-'b '■ i AlUti" "-'■'- ^'
'■ t. Exemples ÏÏIttrUbtts ^w,^''f « tt^t rr^ft AV^ ^
6oo JOURNAL DES SAVANS,
déposition, , »*// fn/., m /ici faisant des reproches è mots couverts, le
finirent à. admettre leur témoignage*
Avant d'aller plus loin , je dois faire observer que le sens que je dornie
aine mots j^U et JS© , est leur propre acception*
« Un maftrè cFécoIe se présenta pour déposer devant Sawwar. Je
n'admettrai point ton témoignage, dit le khadhi. L'autre lui en de^J
mande la raison* Cest , dit le khadhi 9 que tu reçois un salaire pouf*
enseigherfe livre de Dieu ( PAIcoran ) . Mais, reprit fe mahre <f école,
▼oùs recevez un saTarre pour rendre fa justice. C'est ttlalgré moi, dit h
kadhi , qu'on m'a imposé ce devoir. Soit , dit f autre ; au'on vous Ht
fait kàdhi malgré vous , je fe veux i mais est-ce aussi malgré .vous qàfr
vous recevez un salaire! Le ladhi consentit alors k recevoir %i dépo-
sition.
*> Une autre personne déposoît devant le même SàWar, iixr Une
question d'état ( sans doute sûr ta fégfârtihé £Wfc itaissance contestée)?
D'où sais-tu , demanda fe kadhi au témoin , ce que tu affimu^ s DPofr
vous savez , répartit fe témoin , que vous êtes Sawwar , fils cPAbd-aflab.
"'m Quelques personnes déposoient devant Abou-Schorma , dans une
•Étfntestation relative à un terrain pfanté dé palmiers. Le juge leur de-
manda combien il y avoit de palmiers dam ce terrain. Lés témoins
répondirent qu'ils n'en savoient rien, et Ik-dçs$us fe kadhi voulut rejeter
fëtirs dépositions. L'un d'eux fui dit : Kadhi , combien y a-t-il de co-
fônnes dans cette mosquée où vous rendez la justice depuis un tef
ribmbre (Tannées î Le kadhi alors admit feurs dépositions. » 0
Dans fa première anecdote, je fis Ujtff J* %jC> cdbT *^*y et je sup-
prime fe mot UjjJj* , qui nç fait que troubler fe sens.
Dans fa seconde, M. Flugef fait dire au témoin : d'où je sais que vous
îtet Sawwar, fils dfAbd-allah oJL> o** ^. Je tiens pour certain
qu'if faut tire ^4^ , d'où vous saveç.
I., 1 1. D'une partie qui a fait a mots couverts un reproche à son jugr. •
relativement au témoin qui déposoit contre lui, et qui par ce moyen ttfàU
% rejeter son témoignage par le juge.
*■ Sous cette rubrique ; il y a deux anecdotes dont je ne saisie pas bien
lé tais. Je soupçonne qu'il se trouvé quelques fautes dans f e texte de la
firatnièrr. La seconde, renferme plusieurs expressions prises certaine^
^»ènt Ans lia| sens obscène, «tjcjue je Ressaierai pas d'expliquer. Le
traducteur ne sembf e pas , d'après fa note qu'il a faite sur ce , |>a$sage ,
Jç& fryoir envisagées sous ^ point 4ç yue ; mais le mot QjfavMSft*1
me pairoît mettre fa chose hors de doute.
OCTOBRE 1830. 601
1%. De celui qui réfust de rendre un faux témoignage. . - ;n:
ce Mohammed, fHs de Font , étant vizir, fit citer Alt , fife <fha,
pour déposer en sa faveur contre là vérité , ce que celui-ci refusa- de
faire. Ali , étant de retour chez {pi , écrivit au vizir : Ne me sachez pas
mauvais gré du refus que j'ai fait de vous prêter assistance en faisant
une fausse déposition ; car il ne peut y avoir d'union fondée sur
l'hypocrisie, et Ton ne peut accorder aucune confiance à l'homme qui
ment et qui altère la vérité. Personne n'est plus capable d'intenter les
plus grossiers mensonges à votre détriment, quand il sera en colère
contre vous, que celui qui* pour vous faire plaisir , manque à la vérité,
quand il est content de vous. »
ce Moténabbi avoit dit à-peu-près dans le même sent: . ■• . - - . .
» Celui-là. t'autorise à user de perfidie dans les affaires que . tu auras
avec lui , dont tu t'es une fois servi avec avantage confire Ia vérité. ». .
'. Ce que j'ai traduit par , il n'y a pcfott d'aUord fondé sur l'hypocrisie,
parce que je lis dans le- texte ^Ui J^-gUtJ ^a été rendu amâtpar
MvFiiigei: V hypocrite ne fait jamais aucm gain , comme le mpitvkr et
l'homme qui use de finesses ne trouvent aucune croyance. M* Flûgtf « lu
et imprimé ^Uît Y. C'est sans doute une faute du manuscrit; wiab
en lisant airisi, on ne sauroit donner un Isens raisonnable à ce passage.
Je crois qu'il y a encore une autre faute dans les mots, J^Wj <J<£f^ ok
gjae j'ai traduits par inventer les plus grossiers mensonges, mais qui signi-
fieraient à I&lettre* transgresser le mensonge» comme ^ft. <sï>*i aigqjfip
transgresser ta vérité. II serott pept-ètfe trop hardi de lire JiU t '^^xiu tj S
et il est plus vraisemblable que l'auteur a écrit jMJf 3 J&*A pl'HJfassc
IcïlxfrÀes en fkîttiè inehsonge. , ' " ,
:* Le vers de Moténabbi ne paroft pas contenir une jteni^ tfès^rotè;
il est appliqué de diverses manières par les commentateurs/ Le1 igns'^tife
far adopté ^t un dé 'ceux qu'ils proposent , et celui qui fe&i&rf té jpius
naturfeflerrieiit des mots. Mais peut-être Thaalebi Pâ-t-îi entendu' iffittr:
ce Celui qui fa servi aux dépens de la vérité , t'a fait assez Coîinôîtlre
* qu*H est capable d^te tromper diN fcs relations avec t& ^W.'ffûgel
acrw pciUvoîr tirer du texte, tel qu'il1 est V un sens qu'if Jfexttf^^ïlH&:
JA Fais pour toi choft cTun homme crut; pour te &re tffefr {[tilHabi
»tions, quana u sera en çoiere contre vn. ».u*eu je moi 45*11x4
qun a rendu par devenir r ennemi (au mensonge J; mais ce verbe n a
°ggg
tfo* JOURK'ALTiaBrSiAV'ANS,
Jamais , je crois , cette signification. En outre* , te traducteur paraît n'avoir
paeniït attentW-nque.^^J ne signifie point choisît un homme qui, mais
(pe c'est 4ne forme, adrôirwjve , toutrMàit synonyme de .^* ^j»t<-U
Il «'igrtore < assurément p»; qu'on d% indifféremment , pour exprimer
laduurattont *i~JJ -la ou- +j (]>-*!•
;i'-20. ' intïtatimt à faire uni/on thpix des kêmmts qu'on tmpfole comme
ckambethtnr ci pmiètf, et rxpôsitïoà des qualités qu'ils doivent avir. ■'■'■
'icjT*M:,!fiW'tie;Mohii(eb ,:dit à son *Is : Prends pour secrétaire . «n
hbmme" d'esprit ;' et potjr chambellan un homme de bon sens. ■ .
i» Abd-Rlmé^icdit & 'sori' frère : Veille aftenriverneni sur la conduite de
ton secrétaire, de ton chambellan et- de ton commensal; car les
étrangers te connoîtront par ton secrétaire , ceux qui viennent te trouver
figeront t^torpfir ton chambellan , et ceux qui sortiront d'auprès de
toi, par ton 'dorâmensat. r . . ■ ; *.-
* Le poéw Yahya, fils de Moalla-, a dit ;: Fais-toi une règle de
cette maxime, que lé vîiagede l'hontme, c'est son chambellan. C'est
crt lui que âe montrent les bonnes «t les mauvaises qualités du .maître.
: w Uadutre/poéte «dit ; La sagesse d'un honutte se connaît par. son
. pr^^it4arts.|a traduction du mot d'Abd-almélic, car ton , secrétaire jwà
trahir Us secrets, ce qui est déplacé ici , et ne se trouve point en effet
dans te texte. Dans le mot attribué à YézirJ, uijk.1 à été rendu par
"ftVàff s'/verément et Jiuù-.l par tiens dans de justes bornes. Je ne pense
~pas que :ces verbes aient Jamais ces acceptions; el d'ailleurs la rubrique
.répoadroit bien peu aux anecrfoteiiauxquejlés elle sert de titre commun.
Je me > permettrai encore une.ou deux citations. ,
De ceux qui venant pour rendre visite ( à .un hoitunc en place )
cherchent à se procurer une admission facile, et se plaignent ( du refus
.aji'rïs! éprouvent). _'" ....'", ' '.;'.■■■■
.; ? t/n émir vint pour voir un autre émir , et écrivit un billet qu'3
d^^aa.an chambellan pour je remettre à son maître. Lo bijlet cwiteooit
:Ce|V|ërs':" ^'^ ■■",...'
»Sî tu le permets, nous te saluerons, et. nous. serons comme une
plume., qui , quand fe courant d'air l'emporte] se laisse entraîner (sans
doute il vpuloit.dire qu'il se retireroit au*' moindre s^gne, qui Iui,-feroit
connoître, que sa présence importuneroit Ternir ). ,
» Dis-lui qu'il s'est fait bien léger : ce fut la réponse que Ternir lui
fit faire parle chambellan. .......
» Là-dessus le visiteur écrivit un autre billet, contenant , ceci :
, ^ t; n*"uiMV i* ■■ i ■' ■ •■-.-■■ trij «»»■■■:
833°
«. OCTOBRE it&jQv ' ; i . tffc*
/.«Si ni le permets , jtolw tfr saluerons, jetiiioi** seronscomnie te pjerç»;
quand on ia jette dans une irçatte d'eau*, elle tombe au fopij.
-■: ^L'émir chargea cette fois le chambellan de lui dire qu'U sjétoit feit
lien lourd..
! » Alors le visiteur écrivit un troisième billet, err ces termes : ;
- 'j»Si'tu le permets , nous te saluerons, et nous serons çorouia mq
cavalier qui s'en va, quand Sa terminé ce qui l'aàienoft chez ftpi. .. .
» A la bonne heure pour cela, dit «l'étfiir,, ^t il ordonna qu^a
l'introduisit, » !
"■ Dans le dernier vers Je lis iJL* jai^ vj^au lîeu dé .oîj *JU ,*oroection
qui me. paroît indispensable. Au surplus, il y a certainement -erreur
dans la traduction , ôh oh lit V hoos' sothmh commère cavalier qui,
ftiWju'il tia pas le bonheur de te rtncdtitrèr ,sc nrrfÀr/Eri-'îldmettant même
la mauvaise leçon JJL , cette traduction ne sèrbit pas* exacte. ' •
1 i 8. Réprimande adressée à thiïqui usent' d'indulgence , puis s'en
fepcnttuL—: ____ .. '" . "''.''. k
• c< «Pavois eu , dit le fils de Tabratéba; une drscussFdn avec Suie per-
sonne, et favois supporté de si part ( beaucoup de duretés); ensuite
Je nie Repentis démon indulgence. Puis ?f me semHa-vbiren 'Songe un
vieillard qui s'avança vers moi, et "me dit :
^ « Quoi donc , te repens-tu\ api*ès avoir usé icPiridrigericte. envers un
homme qui s*est hià! conduit et qui a été injuste envers toi ! Garde-toi
di $k& repeîipr ; car le pire de tous tant que nous tommes!* i?es\ cëM
qui , après a Voir fait une bonne action , s'en repeht. *>
f *M1! Flûgel a' bîéh rendu je-sensj mafs dans lé texte , au 4ieu-<tfè
JJUf L*a .û^,-îI-^Ï9Pt-K^"U^ t>Lfe,et dans te fermer versi, ailfeii
de^Jl >v ^ tr* •' ce- W** ne • convient.. ™ au sens ni à la, mesure du Vep ,
faut £*jï <*•- . _ ..""..
,• ijjê Qu'il ne faut point meftre. sa confiance dans uç homme <£ijlsi f'ori
atf4\Lwpa%avqnt^ du mai ',' 't'" ( . ' J' '" ';
'^ cr On a ifit :. Si vous causez dû chagrin à l'homme libre , ne formez
ppint jiptès Ç^fe ae liaison avec lui ; si vous vqvki fiez aVec tiiï ,' ne Tuf
causez point de chagrin. ? . V ' " : ""•«.*" "
je me coçferite <f observer "/qu& le traducteur, survint moi, -'»sV*t
M^remeiit m» ^tof lé <&«:' tfe^rttè taaxttïe. ";' - ' '> -
* "" tel i pâsWges que Jil ' portés ' sdiit pfus ^ue1 Affi^s"'!^****
çonnohre la nature d^'Fbûvfige de Tfaàl8bii ëtR» ?mpërftièt!ôiW
X Reuti rVjîr^^èF ^^I^AtibA^HeS^^r àia trtduyftb^OhWera
j ■
do4 JOURNAL DES SAVANS,
sàits dbute que ce livre né manque point d'intérêt; que, par la nature
même des choses dont il se compose, 9 présente de nombreuses diffi»
cultes , et que ces difficultés ont été beaucoup augmentées pour lé jeune
éditeur , réduit à un seul manuscrit , et à un manuscrit qui , à ce qtrtl
paroît , fourmille de fautes de toute nature. Sans ces circonstances ., fat
ptafoffcatioit de ce recueil eût été un service important rendu à la litté-
rature arabe. Tel qu'il est, il sera encore utile , mais plutôt aux sa vans,
qm pourront y appliquer la critique nécessaire , qu'aux étudians , aux-
quels il paroît avoir été destiné. '
Avant de terminer cet article, je dois dire un mot des notes que
M. Flugel a jointes à sa traduction.
Un recueil de la nature de celui de Thailébi pourroit facilement
devenir l'objet d'un volume de notes plus considérable que l'ouvrage
lui-même , si l'on vouloit seulement donner de courtes notices histo-
riques sur tous les personnages , hommes de lettres ou autres , dont les
noms se rencontrent à chaque instant sous . la plume de l'auteur ,
notices qui exigeraient beaucoup de temps , dé recherches pénibles , et
une bibliothèque entière de livres imprimés et manuscrits. A cela se
joindraient encore nécessairement des notes critiques et purement
philologiques. M, Flugel a dû de toute nécessité s'imposer des bornes
beaucoup plus étroites dans cette partie de son travail, pour ne point
trop grossir le volume et trop élever en même temps les frais d'impres-
sion. Toutefois se$ notes donnent une idée très-avantageuse de son goût
pour les recherches , sur-tout pour celles qui tiennent à l'histoire litté-
raire; et quoique nous n'ayons fait que les parcourir fort légèrement ,
elles nous ont convaincu qu'il est appelé à cultiver un jour avec succès
cette brandie de la littérature arabe , branche spéciale qui laisse encore
tant i désirer , quoiqu'elle ait beaucoup gagné depuis quelques années*
J'observerai à cette occasion que, dans la note n.° 2, il a réuni
quelques détails sur un écrivain arabe , connu sous la dénomination
SEbn-alarabi, et dont f ai aussi parié dans mon Anthologie grammaticale
arabe 9 pag. 129. Mais le traducteur a eu tort de penser que , dans le
passage auquel se rapporte cette note , et dans tous ceux où on lit le
mot jj^l, il s'agisse de l'écrivain nommé Ebn-alarabi; ce mot né
signifie &qu'«# Arabe ju disert* L'absence de l'article met hors de doute
que ce n'est point un nom propre. Les critiques et les philologues arabes
en appellent souvent , dans les questions relatives à la langue et à la
Utlénuure , au témoignage des Arabes du désert.
, . Je dois, en terminant cet a,rticle, déclarer que jç n'ai point lu en entier
le volume dont je viens de rendre un compte succinct : cette
OCTOBRE 1830. ' 605
comme 011 peut en Juger par ce que j'en ai dit , seroit une véritable
étude , à laquelle je n'ai pas eu le temps de me livrer. Je crois cepen-
dant en avoir porté un jugement équitable. Mais pour éviter toute
interprétation qui pourroit être défavorable au jeune savant à qui nous
devons cette publication, et que je désavouerais formellement, je prie les
lecteurs de se rappeler que mes réflexions critiques s'adressent plutôt à
la nature même de l'entreprise, que j'appellerais volontiers téméraire ,
qu'au travail de M. Fliigel. Celui-ci vraisemblablement n'aurait mérité
que de la reconnoissance et des éloges sans restriction , s'il eût essayé
ses forces sur un ouvrage moins difficile, ou s'il eût eu plus de ressources
pour l'exécuter avec un plein succès. Malgré les défauts qui déparent
son travail , il a droit «encore à de justes témoignages d'estime et à
d'honorables encouragement
SILVESTRE DE SACY.
Transactions ofthe royal Society of littérature , ofthe united
Kingdom; vol. I, part. 11.
SECOND ARTICLE.
»■
.Il nous reste à analyser le mémoire qui termine ce volume. II ferme
à lui seul un ouvrage fort étendu, puisqu'il occupe cent soixante-dix
page^U est intitulé , sur Us Dimts de l'A tique, par V. Martin Leâke :
six pflfches l'accompagnent , savoir , une carte de la Grèce , une de
rAt tique , un plan de Marathon, un plan de la forteresse de Phyle , un
autre des restes d'Eleusis, une carte pour l'éclaircissement de la bataille
de Sakmine. Ce mémoire , ou plutôt cet ouvrage » peut être considéré
comme la description géographique la plus complète qu'on ah donnée
de rAttique. Les recherches de fauteur pour parvenir à fixer fat position
des différera dèmes, font conduit à embrasser la géographie éhtière
du pays, et à en discuter tous les points de .quelque intérêt*
Diodore le Périégète et Nicandre de Thyaâra paraissent avoir été (es
auteurs les plus connu* dans l'antiquité par. leurs ouvrages Mfpr If*
dèmes de rAttique : c'est dans ces ouvrage» que les {exko^typhçp
H*rpoci*t*ftj Etienne d*Byxaiqj0 Suide*,ont prinàpaboiett f^sé
6o6 JOURNAL DES SÀ'VÀN&
les indications qu'ils, donnent à cet égard; leur exactitude est oon^
firm^e> panier inscriptions. ^ *■•■...; 1 * . :• v» ■
• Parmi les modernes, S igonins est le premier qui ait donné une Ibcb
de? dèmes de fÀtttque, dont il réctiâHtt cent trentë-denx noms.* £ri
\6vfn Meursra* jtabBa son traité d$ JPçpalis Attisa > «composé de itoiob
rangeai par ordre alphabétique r et appuyé , selon «son usage , dedusjoM
textuelles Mate ,£our compléter le nombre de cent soixante-quatorze*
donné par les1 anciens V il a enflé sa liste de notas1 qui n'appartenoiênt
qu'à dee caps, des îfes et des montagnes. Spon, de retour de Grèce
cn'i6$6f avec tin grand nombre <T inscriptions , entreprit de former un
nouveau catalogue; il exclut treize des noms rassemblés par Meurshwj
et en fntrpduishc.de .nouveaux 4 la place. ..---■ : ! ' .»•■■■ •■•
En 1745» Corsini, ayant appliqué une critique jplus -sévère in
sujet , et préférant, avoir un catalogue exact plutôt qu'un catalogue
complet, en inséra un de cent soixante six noms dans le premier
volume de ses fastes attiques.
Depuis ce temps, rAttîqïïeT(êfrprus fréquemment visitée par des
voyageurs et des savans ; de nombreuses inscriptions ont été recueillies
£ur Les lieux: il n'est donc pas surprenant qu'pn puisse former un calit-
iogue pius exact et plus complet qi>e ceux* de Spon et de Corstm.
En outre , la géographie cfè TÂttique ïiifeiix* connue, la position bien
déterminée des ruines qui s'y trouvent encore, fournissent une multitude
d'indications précises qui* permettent défaire autre chose qu'un simple
catalogue de dêmes sans application géographique, d'en essayer une
classification, et même de déterminer la position de quelques-uns avec
ûçrirtude et* (le plusieurs autres; avec une probabilité suffisante. TVlul
Vaux- points et dressé ufre carte détaillée; "
"' '.L^ûièiir fcoiiimence par exposer les grands traits- de la géographie
prRyirque du pays { par indique»- les principales' chaînés fie mônffagrtes
qur/le' p'tfrcotirentj les principaux courans qui endescendent et- les
rdW^^^nafureiles drue ce* chaînes ■ •ëtatlKssem; fl*é trcftitt'cbhchiif'lk
Itëfi&hh'' 'nHu*eIîë que îe SritesJiitèi H ■PintMiqaè-'êàm Mte-slMil»Hk
même" iponÀe; ïPôBiètve-aveé tfaW qto'lè*6W]éè PeritéHaie.tfi
•¥ cyWfém^terè'aâhV'lé' 'MitnWr f ****éx*>: )- actuel y a^pfiqW à
^n^def g^ïïdti cWînes'; he teifroùvé qjuë'tiai* 'P»tisariife ,'ttndW <}«■«
WTUBéuW te'arJcîens'/rniébphraste et Thucyttitte;' iife îpartenr'qfce
WarYtëJs^^Wdetf'ter^
' ' OC T O B RE : 1 830 607
Meatéii. Après ces observations préliminaires sur la constitution
physique du pays,. Fauteur rapporte lés divisioiy naturelles que les
anciens reconnobsoient dans FAttiquç ; savoir : 1 .° la plaine d-' Athènes
(Wfry),. bornée au Sud-Ouest par la mer, et entourée des autres
c6té* par les monta Égaleos, Parnès, Pentélique et Hymette;; 2." fe
district maritime* détendant depuis l'extrémité Sud du mont Hyuiefte ,
le long du golfe Saronique et de la mer Egée, appelé Para lus ott
Paxalia, dont Je chef-lieu paroît avoir été- Sunium ; 3/ \\ Aféîègie,
canton renferme dans les montagnes de (a Paralie v s'étendant à
rHymette et au Pentélique , et conservant encore le nom de fA\<xy*\
4«° tout fc pays qui s'étend du Pentélique i FQropie, comprenant "T
tous le nom dé Diacrie, la côté Nord- Ouest de l' Astique-: la Diacrte ,
quoique montagneuse, n'étoit point stérile; elle contenoir beaucoup de
ces plaines élevées et de ces pâturage! situés sur des hauteurs, que les
anciens appelorent V*mij?; y .° la plaine maritime, située au Sud-
Ouest de la chaîne qui joint le Cithéron au Parnès, forme une autre
division naturel^ GeTATtîque. Quoîque^ÉIeùsîs occupât une portion de
cette plaine, eue s'appeloit Thrtdfitnne, du riom du dèm* Thîia ,
auquel la plus grande partie apparfcnoit*
- Après un1 court résumé sur les changemens qu'a éprouvés là division
en tribus, Tarneur commence par fixer la position de plusieurs dèhies
importans , auxquels d'autres positions ont été rattachées; entre ces
points , Eleusis seul est bien déterminé. Décélie, fixé par Thucydide à
cent vingt stades au Nord d'Athènes, dans une situation élevée qui la
rendort visible: d'Athènes, doit avoir occupé uhe haufen* àû vHtagt
moderne 4e Tatoy , qui se voit distinctement , et se' trouve à : rentrée
du défilé qui conduit de la plaint à Orope et à Tanagra.' Dilfahrièiffc
tiApkidna ne peut être connue que par conjecture ; en ttrtribiflftft 4vec°
toin les textes des anciens, on est conduit il placer ce déine^noh loin
dffrBécélie, dans un endrbit où sont encore leà vestiges d'urie antienne
*iHe fortifiée k Buga ou Meziabéca, petit village au milieu de la Diatafe.
Thoricus et Ciphisia conservent encore leurs anciens noms peu ahéréfr.
. ; Selon Palémon le Périégète , les dètnes de f Attiqoo étôient au
iHtabre de cent soixante-quatorze où environ* Mais  est probable
, de temps en tehips, de nouveaur blêmes âffem^ttité» aux^nciètt
né prirent la place d'autres démet détruits. Aiflpkk* BétHéchlé*
Jouirent leur nom dç fa femme de Ptoléméé Pbflflpatdry >(Nf;iÉ
Jpêltonicns, de celle d?Ai*fe Lct ; mais la pfupaft étokfff' de <J©
aorienne date, -et subsisté*** pendant WUttffc J^odb1 * ntiMAP»
àftfalMw '/> ■■■ - /' *•*''" '■ ' '->i'\ -> 't intï.-.M . :î- • \ t.:^'- ni. ''ih'.o *n*b»:.
6o8 JOURNAL DES SAVANS.
Chaque citoyen athénien appartenoit à an déme, et l'indication
de son détne. étoi (^toujours jointe à son nom , dans toute circona*
tance publique; c'est, ce qui fait que les inscription! de l'Attique four-
nissent un nombre considérable de noms de dêmes; ces noms, ajoutés
à ceux que contiennent les auteurs attiques et les lexiques cTHarpocra**
tion , d'Etienne dé Byzance , cfHésychhis et de Suidas v forment à- peu-
près le nombre indiqué par les anciens.
M. Leakè d'annonce aucunement la prétention de fixer la position de
tous avec certitude : la plupart ont eu trop peu d'importance pour que
Pbistoire en ait fait mention; d'autres n'étoient que de petites com-
munes, consistant en un temple et un lieu d'assemblée, entourés *dt
groupes de maisons. Des vestiges d'anciennes constructions , marquant
l'emplacement des* dèmes , se trouvent endifférens lieux1 de F At tique;;
ils consistent généralement eh fondations, jen restes de sculptures et
d'architecture, en puits de marbre. Mats la difficulté est d'appliquer
les noms; anciens à ces divers emplacement; c'est ce que Ton ne peu!
faire d'une manière satisfaisante que pour un peiii n<yibm M. Lëafce
le recoimof t ; et dès-lors on doit penser qu'il ne dirige ses. recherches
que sur ceux-là , ne s'inquiétant nullement des autres, dont fa position
nef peut être retrouvée que par le moyen de découvertes postérieures.
Il xfiqise sas- recherches conformément à la division qu'il a établie
danvTAuique, c'est-à-dire qu'il considère, i»° les dêmes de la plaine
d'Athènes, comprenant ceux de la plaine et des faubourgs; a.° les
dêmes de h Mésogée et de la Paraliê , en y comprenant ceux de la
pjaitte d'Athènes * au Sud de Phalère ; ;.° les dêmes de la Diacrie et du
j&rnès; A* les dêmes à L'Ouest de la plaine d'Athènes, «enfermant
l'îlei de. Salàmine. a / ?>
II nous est impossibIe.de suivre l'auteur dans les discussions relatives
à, cette foule de points obscurs; leur analyse, en. supposant que noua
plussions la présenter brièvement avec' la clarté nécessaire, ne séroft
.djaucU* ihtérét pour nos Jettent*» à moins qu'ils n'eussent sôus les yëuz
J* carte dressée par M. Leake. : • • ;rr *, W
;j>; Nous préféroni appeler i Jour attention sur plusieurs observations
îfctér&fqntes que Hauteur mâle è ces recherches arides; de ce nomfaft
QH\çtMoici sjtrj^ntguéur du stade en Grèce : « J'ai déjà «uoôcasiop
*tfpÉl*«W& qitf^ptote. fct; Thucydide paraissent avoir calorie ht
d^twce^iWKigêtlft-aljlur.Un^tadb phisrcôuct que celui de tfoo pieds
9&cs>*, noftirf W ippurt^it,! s'eto rendit cxwtfpte en disant que, fe^K
JHUUfflH é»i^,fo(ftit**.Mimi$ï>tmi dans ce cas, les dbtanoesim»
cèdent ordinairement la vérité. Parmi les premières routes qui ontiiété
V. OCTOBRE 183a 609
soumises à une mesure effective , on peut compter celle* de h plaine
d'Athènes, et entre autres celles d'Athènes à Acharnes; dans là suite ,
il en fut de même de beaucoup d'autres, tant dans l'Attique que dans
le reste de la Grèce ; et de là , il peut arriver que les autorités les moins
anciennes donnent plus correctement les distances. Ainsi Diodore
compte 100 stades* entre Phyle et Athènes, et Thucydide lao entre
Athènes et Décélie, quoique les intervalles soient égaux; et le ren-
seignement de Diodore s'accorde mieux avec la carte moderne que
cfelui de Thucydide*
. » Quelle qu'ajt pu être la longueur du stade chez les anciens
géographes et navigateurs, en différens temps et en différens pays > (es •
Athéniens , au moins , furent dans l'habitude d'employer le stade de
£00 pieds grecs; et j'ai peu de doute que ce fût là l'évaluation géné-
ralement adoptée en Grèce. La longueur de 4° stades, pour le long
mur du nord à Athènes , et celle de 3 5 stades pour le mur de Phalère ,
données par Thucydide , représentent certainement des intervalles
mesurés-, ^ct elUa oont «y a et »c ~dao&4c- -atade dit clympïqut*
s» Je prendrai cette occasion d'observer, par rapport à la différence
<gp est supposée exister, entre les stades olympique et pythique , que si
rousjfbus en référons au stade de Delphes pour juger la question, il
y en a des vestiges suffisans-pour qu'on puisse s'assurer qu'il n'y a point^.
de différence sensible entre sa longueur et celle des autres stades dama-
is Grèce. On peut ajouter que, quoique tous les stades, tant en Grèce
qu'en Asie mineure, soient plus ou moins ruinés, il existe assez de restes
du plus grand nombre , sinon de tous , pour juger que la distance entre
f «up rmpUt et le **fwnfy , ou la longueur de (a course à pied, étoit la même
pu à- peu-près la même dans tous, c'est-à-dire, d'environ 600 pieds
grecs, en prenant pour module la centième partie de la largeur du
Parthénon. » 4É
Une autre observation curieuse concerne la ville de Thoricus , où il
existe encore les restes d'un théâtre d'uqe forme singulière , et dont
M. Leake donne le plan.
A l'occasion de Marathon, M. Leake entre dans une discussion
approfondie sur la bataille entre les Grecs et les Perses ; il en explique
les détails , d'après le plan exact qu'il a dressé du champ de bataille. II
examine les rapports des anciens sur le nombre des Perses qui y com-
battirent, et il en montre l'exagération. Toute l'armée f d'après les
calculs les plus raisonnables , ne pouvoit monter à plus de 180,000
hommes. 11 soumet aussi à un nouvel examen toutes les circonstances
de la bataille de Salamine : il compare entre eux les récits d'Eschyle et
Hhhh
CTitt JOURNAL X*t S SA VANS,
d'Hérodote. Ce morceau , qui tient plus de quarante pages , embrtajd
non-seirfemerit la description de la bataille , mais encoite tout ie récit
de l'expédition de Xtrxès , depuis le passage de l'Hetlespont. L'auteuf
y discute le texte si difficile cf Hérodote sur la construction do périt
de bateaux. Ces deux essais topographiques méritent l'attention de#
historiens et des militaires.
Quant h la bataille de Safamîne elle-même; il change les fdéeil
qu'on s'étoit faites sàr la disposition respective des deux flottes. Jn*.
qu'ici, on ayoit pensé que la flotte persane avoit occupé la partie &
plus large du détroit de Safamîne , en face de la presqu'île de Mutoychie
et du Pirée, jusqu'au cap Cynosure; et que la flotte grecque étant
rangée en face, pfos au nord , dans l'espace étroit qât sépare fîle <kt
mont i£ga(eos. M. Leafce pense au contraire, d'après une comparaison?
plus exacte des textes d'Hérodote et d'Eschyle , que la flotte grecque
s'étoit embossée dans le golfe de Salamine, et que les Perses se dére»
loppoieht sur trois lignes le long du détroit , parallèlement h (a côte de
i'Attique. Les raisons quH'dWme de cette disposition tstms paroîssent
avoir beaucoup de forcé. II explique, à cette occasion , plusieurs textes
cf Hérodote , et , entre autres, le passage si difficile où il est dit que fee
vaisseaux des Perses qui étaient rangés «autour de Céos tt de -Cjmsurt
^fc> ( oî A/jLf) ikv Tior tfl ■fir Kxmaw&*9 vin , 76 ), vinrent occuper tout lé
^% détroit jusqu'à Munychie. » II adopte l'opinion de Barthélémy, *jue
Cynosure est un cap de l'He de Safamîne; il en est certainement de
même du mot Céos, si le texte n'est point atltéré. Wesseling et Lnrcher
y voient l'île de Céos; mais cette opinion est inadmissible»
Le mémoire de M. Leake est terminé par le catalogue de tous les
noms de dèmes qu'il a pu tirer des auteurs anciens et des monumens.
Ce catalogue est divisé en trois parties : dans la première, sont rangé*
les dèmes par ordre alphabétique , sur deux cotflhnes , Tune contenant
leuts noms, l'autre ceux des tribus auxquelles ils apparlenoiem ; les
noms des dêmes sont écrfts conformément à l'orthographe des monu-
mens. La seconde partie du catalogue contient les noms des dèmes
qui ne sont connus que par :Ies auteurs anciens et n'ont point été
trouvés jusqu'ici sur des inscriptions lapidaires ; à chaque nom est
Joint celui des auteurs qui en ont parlé. Enfin la troisième partie cot>
fient quelques noms douteux, et M. Leake expose les raisons pourôtf
Contre leur admission au nombre des dêmes.
Le total des noms contenus dans les trois listes monte h cent
quatre-vingt-cinq , ou onze de plus que le nombre mentionné par Strai-
bbh, Il ne s'ensuit pourtant pas qu'il faille 'écarter onze noms de ee
i . 1
. h : OCTOBRE 1815a; j r. éi i
cfttfclogue ; cfr certains éêmts peuvent a«ojr é^té créés plus tard» notant^
mem du temps d'Adrien ; et il a dû arriver; pendant toute li durée de
Ifetépublique,; que de nouveaux démesont été substitués à d'anciens
tlimés: or, les noms des anciens et des nouveaux peuvent se trouver
â&is des inscriptions de cWïérens temps*
• Le mémoire de 'M. Leake est réellement un travail très- approfondi,
neuf dans presque toute ton étendue, qui répand bien du jour sur fa
géographie ancienne de TAttique , et éclairait un grand' nombre de
textes anciens ? on peut le comparer à ce qu'il y a de mieux dans les
autres collections académiques ; c'est dire qu'il courpftne dignement ce
pftffiier volume des Transactions d une Société qui s'annonce comme
hé devant pas rester en arrière de celles dont les travaux ont été le
plu* Utiles au progrès de Ja littérature et ëè* sciences historiques. -
?o-.-r- . ■.•-•:■ ; ■.-..-. . ..•;....-■' ....
,;», :. LÉTRONNE.
■ ■ • *
» • ■ ■ m. J
.1. ■ :a
OEUVRES divertis , italiennes ''et fiancaisei , /Énnius Quirinus
Vf; Visconti * recueillies et publiées, par le docteur J. Labùs;
..«: tomes I, II, UI, Milan , 1827^18.30, in-8.°
PREMIER EXTRAIT.
. L'édition des œuvres diverses, <fE. Q^.Visoontij publiée à Milan,
4M confiée aux soins et aux connaissances dp docteur J. Labus, est unç
entreprise littéraire trop importante , et cette entreprise e$t défi trop àvan-r
cet 9 pour que nous ne regardions pas comme un devoir d'en rendre k nos
lecteurs un compte aussi détaillé que le comportent la nature et les bornes
dece journal. Si l'éditeur ,qui jusqu'ici** est montré si fidèle à toutes ses pro-
messes , tient l'engagement qu!il à pris d'abord , et qu'il a encore renoû-
ràlé tout récemment, de terminer f. avec l'armée où nous sornmçs, l'é-
djtion entière , dont il ne reste plus à. paraître que le IV.* et derniçr
tyclume, nous pouirotis nouv-méme donner une idée complète d'un
recueil si intéressait à tant de titres * et nou$ n'éprouverons que le regret
de ne pas remplir peut-être une tâqhç si difficile d'une manière 4'gixe
<fe*pn objet,, . ; , , ;.. .
: Mxxçjïa&fi^ww fc mérite de Visconti. Le mng
Hhhh a
6t2 JOURNAL DES SA VANS,
que ce savant illustre occupa pendant une grande parue d'une vie
core plus remplie de travaux que d'années 9 à la tète de tous les aati»
quaires de son siècle , lui sera certainement confirmé par le sufiragé
des siècles qui . suivront. Viscoiûi a pu jouir lui-même d'une gloire fi
légitimement acquise; la postérité avoit commencé pour lui de sofi
vivant ; et depuis qu'il est entré tout entier dans le domaine de l'histoire,
sa renommée n'a fait que s'accroître, à mesure que ses travaux ont été
plus souvent et plus sérieusement étudiés; II est pourtant vrai de dbp
que la patrie de Wincltelmann n'a pas été généralement aussi juste-è
l'égard de Visconti , que la patrie de celui-ci s'étoit montrée équitable et
même généreuse envers l'auteur de T Histoire de l'art* L'Allemagne * je»
nanti plut d'une fois dé critique* où te grand nom de Visconti n'était
pas plus ménagé (Jueie véritable-intérêt de là science; et nous voudricNN^
pour l'honneur d'un pays si cher aux études archéologiques , qu'il nous
fût permis d'ignorer les diatribes d'un antiquaire de Pétersbourg, qui,
en s attaquant à Visconti , ne respecta ni la vérité , ni Visconti , ni lui*
même. ' ■*
Ce n'est pas que nous prétendions que tout soit irréprochable dans
les productions de Fimmqrtel auteur du Musée Pie-CIémentin. Des q&-
vaux qoji embrassèrent presque tout Je domaine de l'antiquité écrite ou
figurée, qui fpiçnt produits, les uns par une extrême* Jeunesse, tes
autres par une circonstance fortuite ; qui devancèrent enfin, sur plusieurs
points, les découvertes de la science, ne purent toujours offrir, dans
tous leurs détails , ce caractère de certitude çt de maturité qu'on re-
marque à un si haut degré dans ses principaux ouvrages , fruits de lon-
gues, études et de laborieux loisirs. Visconti eut sans doute trop souvent
le tort, attaché aux habitudes de son pays et de sa profession, d'écrire
trop facilement et trop vite sur toute sorte de sujets ,' à chaque fois que
quelque monument nouveau venoit s'offrir à son observation ; ces petits
écrits, inspirés par le moment ou dictés par la complaisance, ont nui
peut-être à la réputation de Fauteur, tout en servant au progrès de la
science. Visconti avoit , si je puis m'exprimer ainsi , son savoir si prompt
et si bien préparé, qu'il étoit. toujours prêta le répandre à tout propos,
et pour ainsi dire au gré de tout venant; et cette facilité dont on abÂsa
contre lui, et dont je ne nierai pas qu'il n'ait abusé lui-même» n'a que
trop donné prise II la malveillance et que trop réjoui l'envie. Mais 3
fôut le reconnoître hautement*; ces légères imperfections dans F homme
qui produisit tant de solides et excellens écrits, rie font même pas une
ombre à sa gloire. II n'appartient qu'à ceux qui ont la prétention d'être m-
faillibles, de se récrier contre la ftiWesie de ijùeKfdés opuicuies échajlpés
OCTOBRE 183p. <Jij
à fauteur des plus grands travaux archéologiques de son siècle ; et tel qui
a pu dire que telle dissertation de Visconti ne sert qu'à montrer quoi nt
doit pas écrire toujours ni sur toute chose , n'est sans doute qu'un de
ces hommes qui, lents à travailler et paresseux k produire, ne savent
guère que se faire un avantage de leur stérilité et un mérite de leur im-
puissance.
. . Cétoit donc une entreprise utile et digne de tout l'intérêt des amis
de l'antiquité , que celle de recueillir en un corps d'ouvrage cette foule
de petits écrits de Visconti , produits à diverses époques de sa vie, fcn diffé-
rentes langues » et sur tant de questions diverses ; quelques-uns des-
quels , publiés séparément et pour ainsi dire en feuilles volantes ,
d'autres, cachés dans des collections volumineuses, et oient rares et diffi-
ciles à découvrir , et quelques-uns enfin , restés jusqu'à ce moment inédits ,
attendoient, pour voir le jour (Tune manière digne de leur auteur, les
soins d'une main habile çt amie. Tel est l'objet que se sont proposé
les éditeurs de la collection qui nous occupe , et tel est le devoir que
ttet **arg* rfc renjj£.!ppy^r^ *\lïJ^ ^ PnM'r A/L le docteur J. Labus,
qu'une foule de travaux épigraphiques , ou l'érudition la plus vaste
se joint à la sagacité la plus heureuse , ont déjà signalé à l'Italie et
i l'Europe savante çonjme le plus habile disciple et comme le digne
héritier de Morceili, *
\ En commençant le compte que je me propose de rendre de cette
édition des œuvres diverses de Visconti, j'ai une première obligation à
remplir, dans l'intérêt de la vérité, autant que dans celui de f entreprise
elle-même ; c'est de déclarer que l'exécution matérielle en est très-supé-
rieure , sous tous les rapports , aux éditions semblables des grands ou-
vrages de Visconti qui ont été publiées à Milan. Il est trop reflet trop
notoire que ces éditions, par la manière dont elles ont été conduite;,
ne peuvent être que d'une assezfeédiocre utilité pour ceux qui ne coiv-
noissent pas les éditions originales; et que, sans avoir beaucoup servi %
sous ce rapport , l'intérêt de la science , elles auraient pu nuire à la réputa-
tion de l'illustre auteur , si le mérite de $es ouvrages avoit pu souffrir de
la négligence ou de la précipitation de ses éditeurs. Mais la collection
4ont nous allons nous occuper , remarquable généralement par le soin
et par la correction avec lesquels elle est exécutée , et qui sont dus à la
coopération active du docteur J. Labus, n'a réellement rien de commun
avec ces malheureuses réimpressions que le format , et que l'intentioty,
cette fois du moins justifiée par le succès, de rendre les travaux gp
-Visconti accessibles et familiers à tout. le monde. L'exécution des
planches , non moins soignée que cçlle du texte > méritç également des
6ti JOURNAL DES SAVANS,
éloges; et c'est un double avantage , pouf un livre tel que celui-ci, de
parqîrre sous les auspices d'un savant comme M. Labus , assisté <fipi.
artiste comme M. Palagî.
]Nous allons parcourir chacune des dissertations contenues dans les
deux volumes que nbu$ avons dès ce moment sous les yeux, en suivant
I ordre où elles s'y présentent, lequel est en général celui des temps ou
elles ont été produites ; et nous nous arrêterons sur ceux de ces écrits
qui peuvent donner lieu & quelques observations nouvelles.
Le premier morceau qui s'offre en tête de cette collection , et par
lequel s'ouvrit aussi la carrière de Visconti , est la description du Mo*
nument des Sapions, publié d'abord dans l'Anthologie romaine, maisdotit
on ne connoît plus guère aujourd'hui que la belle édition donnée en un
volume In- fol., par J.-B. Pïranesi, en i?8j. On sait quel vif et uni*
Verse! intérêt excita , dans Rome d'abord , et bientôt dans toute l'Europe *
h découverte fortuite faite, au mois de mai 1780 , du tombeau de b
plus illustre famille de {'ancienne Rome. Visconti, bien jeune encore;
fut un des premiers h visfrer ref auguste hypogée, cFob sortrwnt en
Fouie tant de précieuses connoissances , unies à tant d'émotions gêné*
reuses ; et ce fut sans doute un rare avantage pour un antiquaire , de
commencer à signaler son nom par la publication du plus glorieux,
£ eut-être, et du plus ancien des monumens funéraires de l'antique
ioine. Viicoatï ne resta pas .au-dessous de h tâche qu'il s'étoit imposée
ni de {'intérêt qui s'y attachoit% Toutes les observations consignées dans ce
court et savant écrit, portent l'empreinte d'un esprit éclairé, d'un goût sûr,
cTitffe érudition saine et choisie; et l'on peut dire que, dans ce premier
tjpavîirt,' .le mérite de l'auteur se révéloit déjà tout entier, et tel qu'il
apparût plus ' tard dans des productions plus importantes. Mais cerné-
ritfe mêhre nous fait un devoir d'ajouter , sur quelques points , aux ob-
servations de Visconti , afin de les r^dre , autant qu'il peut dépendre
de nous ,, plus conformes à {'état actuel de la science.
Visconti n'avoit pu s'empêcher de remarquer , en commençant , qu'une
inscription cPun des Scipions, découverte en 1 6 1 6 , et conservée encore
aujourd'hui au palais Barberirii , àuroit dû mettre , depuis près de deux
fendes 9 les antiquaires sur la voie du véritable tombeau des Scipions ,
ab sùfet duquel il s'éleva , durant tout cet intervalle, tant de discussions
trtfiftctuettSès. Plus loin encore, il rappela l'observation déjà faite par
îftâriiii;( t), que l'inscription d'un autre Scipion, du fils du vainqueur d'An-
tfcchus, et oit consignée ; depuis cent cinquante ans, dans un manuscrit
Kf.é.'- i. ' . . j..* m .■•'-.■, .
r
y ■ " ' _i ' " ■ " '' *
(i) ïscrîi. ^4 Iban. dèdic. pag. IX-X. ■ . ■ j- ■ ' ■ ■
OCTOBRE 1830. 615
dé ce même palais Barberini, et publiée , depuis un demi-siècle, dans le
recueil de Doni ( 1 ) : d'où il résultait indubitablement qu'à l'époque la plus
brillante de la renaisssance des lettres, au commencement du XVH.C siècle,
et & Rome même, dans le centre des études littéraires , le tombeau des
Sapions avoit été connu et visité, que des savans en ay oient vu et copié
les inscriptions ; ce quin'avoit pas empêché que, dans un espace de temps
si court et dans un pays si éclairé, la tradition d'un monument aussi
illustre ne se fût totalement perduç. Un fait analogue à celui-I^ s'est vu
révélé tout récemment par la découverte, également due au hasjud,
d'un grand nombre de tombeaux romains situés sur l'ancienne voie Àu-
réliênne , et retrouvés , en 1 8 1 9 , dans les jardins de la moderne villa
Panfili. Parmi les monumens qui en sont sortis , on a pu distinguer
une inscription funéraire bilingue, doni la totalité avpjt été insérée
d'une manière défectueuse dans le recueil de Mu raton (2) , et les deux
épigfammes grecques, qui font suite à l'épitaphe latine, se lisoient sépa-
rément dans l'Anthologie , avec deux vers de moins à {a seconde {fe
ces épygraniiiiL3 (3). M. Nîibulu , témoin orafoire de cet événement,
a publié le monument bilingue en question , dans sa vraie teneur, avec
nnfac slmile à l'appui ?4) ; et il a été démontré par ce second et -irrécu-
sable exemple des vicissitudes singulières auxquelles ont été sujets les
monumens antiques , dans les temps de ia civilisation aussi bien que
dans ceux de la barbarie , que beaucoup de ces monumens qu'on croit
perdus ne sont peut-être qu'égarés, et que d'autres qui ont parti suspects
<faprès une publication vicieuse, n'attendent peut-être, pour recouvrer
toute leur autorité, que la circonstance fortuite qui les fera sortir une se-
conde fois du sein de la terre , ou de l'obscurité qui les recèle. Car il est
bon d'observer que l'inscription Barberini du fHsde Barbatus, du vainques
de la Corse , avoit été condamnée par Maffei, précisément à raison des
particularités nouvelles de langage et d'orthographe que son docte inter-
prète, le P. Sirmond, y avoit signalées tout le premier , en même temps
qu'il les avoit si savamment expliquées. L'inscription du fils de Scipion
Asiatique avoit paru également suspecte à Gorr ; et il a fallu que cette
dernière se retrouvât à sa place antique dans l'hypogée des Scipions , et
que ce tombeau même, rempli d'inscriptions semblables , s'ouvrit tout
■■■■■■■■■■ iii 1 1 1 ■ ■ 11 11 1 m
(1) Class. V, n.° 21. — (2) Thesaur. III, p. 1321; conf. Dorville ad
Charit. pae. 39; Leich. Cut Secund. in Murator. p. 43. — (3) Brunck,
Analect. III, adespou n. LXXVIII et dcxciii ; conf. Jacobs, Xi, 329-331,
et XII , 264-265. — (4) KUine historische und philologhclte Schrifun , von B,
G. Nrebuhr, I Sammlung, S. 338 ; Bonn, 1828.
6ï6 JOURNAL DES SA VANS,
entier aux observations de la science, pour réduire h leur juste valeur
les critiques hassrdées et les doutes frivoles des antiquaires de Vérone
et de Florence ; grave et mémorable leçon , sur laquelle Visconti jn-
sistoit avec raison , k l'époque où elle sortit avec tant d'éclat du tombeau
des Scipions , et qui n'a pourtant pas profité à tous ceux qu'elle devoit
éefaher, si Ton en juge par la témérité avec laquelle on voit encore
tous les fours des hommes plus ou moins habiles essayer trop souvent
de contester aux monument qu'ils ne comprennent pas la foi qui leur
est due , et prendre trop aisément la mesure de leurs connaissances pour
celle de toutes les vérités connues ou k connoître.
Je ne puis m'empécher encore , au sujet d'une de ces inscriptions
trouvées dans le tombeau des Scipions , et reproduites récemmehtpar
M. Orelli , dans son savant et utile recueil ( i ) , de remarquer que la
manière dont Visconti remplissoit et expliquent la lacune laissée sur la
pierre aux sixième et septième vers de l'inscription du jeune fils de
Cn. Scipion Hispalus (a) , me paroît encore préférable à celle de
M. Orelli (3), qui lit tout simplement Jaùdî , au lieu doVcnrWs, proposé
par Visconti, ou de lausibus , terme équivalent, admis par M. Grote-
fèttd , dans son excellente grammaire latine (4) ; et cela , sans ienm le
moindre compte des lettres m and , qui se voient encore sur la pierre 9
et sans essayer de lier le sens du mot MANDatus, qui résulte certaine-
ment de ces lettres, avec le reste de l'épitaphe, comme l'a fait, (Tune ma-
nière aussi satisfaisante qu'il étoit possible , Visconti suivi par M. Grote-
fend ; et j'avoue franchement que je ne conçois pas comment M. Orelli ,
critique habituellement si difficile , et juge si sévère des inscriptions la*
tines, qu'il n'admet 4e plus souvent dans son recueil qu afin d'avoir une
occasion de les condamner , a pu se flatter qu'une interprétation aussi
arbitraire et aussi incomplète que la sienne, qui ne s'appuie, pour fa
leçon Idudi , sur aucune autorité , et qui laisse tout le dernier vers de
l'inscription dépourvu de sens, obti endroit plus de confiance que celle
de Visconti , d'après le seul motif qu'elle offre plus de facilité : sed
nostrurn facilius est; ce qui me paraît très-douteux,
Si la plupart des observations de Visconti qui ont pour objet Fin*
telligence et l'explication des monumens lapidaires de l'hypogée des
Scipions, semblent encore aujourd'hui dictées par un savoir exact, et
(1) fnscriptionum latinarum selectarum amplissima collectio ê &c«; cum
inédites Jo. Casp. Hagcnbnchii suisque adnotation. edidic Jo. Casp. Oreljiui ;
Turici, 1828 , 2 voll. îfi-£* — (2) Monum. dei Scipioni , p. 50-ji. — (3) Op,
laud. n. 555 , tom. 1 , p. 150.— (4) Grotefend , Gramm. lau II, p. i$Î6.
OCTOBRE 1830. 617
pm Une critique judicieuse; il n'en est peut~ém pas . tout-krfah. de
|Hêmè de quelques-unes des idées de l'illustre auteur, relatives k certaines
fueitioot d'art ou d'antiquité. Telle est, entre autres, l'opinion exprimée
$u su)et dû prétendu mélange des divers membres de l'architecture
gretque qu'oftroit l'élévation latérale du monument des Sapions. II
subsiste encore > au second étage de cette élévation , la partie inférieure
tfilne colonne cannelée et à base attique , en partie engagée, de manière
à figurer de ois côté , avec d'autres colonnes maintenant détruites, un
feu*' portique, correspondant sans doute k. une portique véritable,
fui dut foAner la principale façade dé ce monument , du côté de h
voie Appienne. D'après la manière et le goût des cannelures , Visconti
Wpposoit que. la colonne en question avoit dû être dorique ; et cette
supposition admise, l'addition dune base attique, élément qui fut cons-
tamment étranger au véritable dorique grec , lui paroissoit fjpfièt <Tun
de ces emprunts maladroits faits au génie pur et élégant des Grecs par
te goût encote inculte des Romains. Mais au lieu de chercher k excuser,
par Jg >îl«no» on p«» r>n%<>îté Jl VtTruTercetttr/fcntgy; comme il l'ap-
pelle , Visconti aurait pu faire une autre supposition : c'est que la colonne
dont il s'agit, et le portique entier dont elle fàisoit partie, dévoient être
d'ordre ionique; ce qui me parott résulter en effet du style même des can-
nelures et des proportions de la colonne, et ce qui peut en même temps,
fans avoir besoin de recourir aux préceptes étroits et aux règles arbitraires
de Vitruve , sertir k rendre compte de l'addition d'une base attique.
Un autre fait qui vient manifestement à l'appui de celui-là , et oit Vis-
• conti avoit cru, avec un égal embarras* reconnohre k même licence,
c'est la composition du grand et célèbre sarcophage de Barbants , dont
k* couronnement consiste, comme on sait, *n une frise dorique, avec
métopes et. triglyphés , terminée par une volute ionique. II y avoit Ik
aussi un. mélange des deux ordres grec*, qui pouvoh sembler con-
traire aux principes sévères de la bonne architecture ; et tout en pro-
clamant le goût exquis avec lequel sont exécutés ces ornemens,
empruntés k deux systèmes différais , Visconti se crut obligé ■ de
convenir qu'un pareil mélange tenoit à ce que les arts de là Grèce, V
peine encore naturalisés dans le Lathiiu , n'étoient pas employés k RoMe',
dans. le siècle des. Sapions , avec le jugement qui en régla toujouf*
l'application chez les Grecs. En un mot , il crut que c'étoit faute dàtofr
pénétré asse7m avant dans /'esprit, et, pour me servir de se$ propres exprti^
stons , dans la philosophie de l'art, que.tts artistes témoins, séduits faVord
par la beauté des ordres grées, en avaient ainsi confondu, dans leurrÊÈÊF
miens ouvrages, les élémens et les principes. Ce sont Ik dés assertkmAu
lui
3£S SAVÀNS,
lesquelles le progrès opéré dans nos connoissances archéologiques
permet aujourd'hui de dire que Visconti s'est assez gravement mépris,
sans que cela nuise le moins du monde à sa haute réputation. II est
maintenant avéré, par une foule d'exemples, que l'emploi de l'ordre
ionique , sur les inonumens funéraires de fa Grèce , tenoit à des idées
d'un ordre symbolique , et qu'il s'y étoit produit, avec celle destination
spéciale, à une époque antérieure à celle où l'ordre en question fin
admis à figurer dans les grands inonumens publics. Il n'est pas moins
certain , ne fût-ce que par l'exemple du monument héroïque qu'oïl
appelle le tombeau de Théron, à Agrigente, que le mélange des élémens
propres aux deux ordres doriqueet ionique, fut autorisé, chez les Crées
eux-mêmes , a une belle époque de l'art , sans doute en vertu des mêmes
idées; et il n'est plus possible, après de pareils exemples , d'attribuer a
I ignorancg et à l'impéritîe des Romains un emploi des ordres grecs ,
qui n'avoit paru abusif et vicieux h des personnes trop exclusivement
attachées a la docirine de Vitruve, précisément que faute d'avoir pénétré
'ISte^ avant dans /'esprit tl Jtmj la fhiSaîofthit tit l'art grrt.
Le morceau qui suit est le Catalogue des inonumens du mutée Jtn-
k'tns ( i J , lequel fut publié à Rome en 1 787, en un petit volume in-j..',
devenu aujourd'hui assez rare. Les inonumens dont i! s'agit , consistant
pour la plupart en autels, cippes, urnes cinéraires , et autres marbres,
ou le mérite de l'art se joint le plus souvent à l'intérêt des inscriptions,
provenoient de diverses collections, jadis célèbres, telles que celles
du palais Altieri et de la villa Montalto ou Negroni; et ce que
M. Labus a négligé d'indiquer dans sa préface , tous ces monumens ■
ont été depuis acquis pour le musée du Vatican. Quelques-uns a voient
déjà paru dans les recueils de Boissard, de Gruter, de Muratori*
d'autres étoient encore inédits: mais on peut dire des uns presque
comme des autres, qu'ils avoient tous également besoin d'une main
habile, telle que celle de Visconti, pour être véritablement publiés. Les
interprétations de ce savant , généralement courtes et précises , ont sur-
tout pour objet de montrer en quoi chaque monument complète ,
étend ou rectifie les notions précédemment acquises à la science : et
sous ce rapport, elles manquent rarement leur objet: quelquefois,
cependant, on peut y trouvera redire ou à ajouter; et c'est sous ce
double point de vue que je me permettrai de faire ici quelques
observations.
Le monument décrit sous le n." o. est une statue de Mercure, en
0) ?<>£■ 7'-"7-
mhrbfè ffiéc, d'une ^rdpottion un ?eu /plus £Mr>feè.*aftiaèv i||t Jt
pJmmde bosselle se Ht, gravé m £rrâ caiactènes > ie nom deftatitt*;
deceîteMtuiièie * iTOtirrij sot»-emendu vpms; { travrage] fMpàmtL
Ce menpment *p voit pnaiiiirtiriit* au musée Pto-<2iétnèrifcijrt, 4b » t ééfc
pdiié 4>ar nette autdur (i),qu n'« pfas manqué de ISire T*raaft}i|êrî
*t bette occasion , l'excessive rtreié des non» «Jt sculpteurs eunishit
amé giuvés sur leurs owrtges , et fat forme pew commune dé cette
intaipdoh etie»mé'irie. Visconri ajoutoit qui! ne se mppetok epfe Ae«k
eocemples analogues ; c'est i savoir, te Pofyrium sfriiicài ,^ûi a kfk
«en ! nom , Mttirsfcrs l*b.-, sur ia plmte d'âne statue dd musée 4e
Gepttofe ï*) , tnVArtichmus, uiesr <Tunè statue de la <3ahrie dfe
flmettce. Mais ces deux exemples pourrwoat fcie» nltoe pas d'adtfotf
«Me FopMon de Vbcontr; car le nota de \Pofysim*s ( j) étant pttftf-
mèm gnc, a est probable que fbrttae qui 1e postait étoh «h 4e ce*
^rm affranchis , par les mafc^iesquels *'eaé<utdiem jpieaqué tons les
ouvssdfe <faft qui se raisoierWt Rome; et fauteur de la ittlieft
Fforfflfrrmi le via! uum duquel on n*est pas Wcorvbirnifté .$K
étoit certainement un Grec asMqué , nartftfAphrotfsiss de'Omtepot
jmbeMefftfnt sorti de cette même Uccle dUphrocïsias , dont' ikh|s
coraioissons plusieurs statuaire* , et dont il nous est resté plusieurs
ouvrages. Quoi quil en soit, Je nom du sculpteur remain Ifigtmuét,
vestIt-H le seul qui nous ftt connu de cette rpaaièm, ce que je auis loin
tfMbjfettie, n'en est que plus Intéressant k recueillir ; et Ton a Heu fféét
surpris que ce nom ah été omir dans Toiraagè, <TaHIeui* si savant bfcsi
utile r du docteur SïHig ( $) , autti bien que le nom de At^fte*r,<ftài>
teur de la statue eapitolme, ....
Un autre nom d'artiste noua est révélé partir* marbre dfc UNMc)de
Jenkins, décrit sous le n.# idj c'est tthx de Zfrttr #'MfrtHaAtiê\
auteur présnrtré (Tune statue qui se toit dans la ViIIa?Ludbfisi ÇÂ) f 'lié
inarbre en question est uni Hennés aoÉphide, sur le pilastre &guçi
(!) Mus. P. Ctem.Ul, tav. XLl, p, $a-f4._(a) Afifc. G^iêêL M ,.6&
— (3) Vtscontt récrit POLYTHIMVS; mais c'est une ^rrçurqua relevée en
dernier lieu M. Welcker, Kunstblatt , LBay, n.° 83, p. 331, — (4) Bracci,
Manor, dei Incisori, II, a6i , lit A niât an Us, et c'est la leçon qoe suit notre
auteur; 1rs interprètes de W inckelmann , Werkt, VI, 2 1 p. 341» donnent
AtttUanus, et c'est sous ce 'nom que M. Sillig tn fait mention, Catalog. vet.
Artif. p. 102: et ce qu'il y a d'étrange , c'est que tous ces écrivains s'autorisent
de la leçon de Buonarotti , qui a publié le premier, Vetri, prefàz, p. ?xi, on
fac simiù de cette inscription , où le nom est écrit assez luifnetncfbt Anithtiis.
— (5) Vatdtog. vmr. Artlf «0 Dresd. 1827 , iW.# — f5) Vrndtelrhaijri^
Wtihii VJ , #7». - ^ : • *
• - • • •
lui a
6io JOURNAL DES SAVANS,
est gravée une inscription grecque, en vers hexamètres , doni les dix
premières lignes seules ont pu èire déchiffrées ; c'est Wincfcelinann qui
en fit le premier mention (t) , et c'est dans l'édition romaine de son
Histoire de l'Art que l'inscription même fut publiée pour la première
fois (2} , mais d'une manière si défectueuse , que l'éditeur , M. C. Fea ,
crut devoir la reproduire de nouveau dans un errata (j) , telle qu'il la
devoit aux soins éclairés de Viscomî, et telle que Visconti lui-même
la fit connoître dans l'ouvrage qui nous occupe. C'est donc à Visconti
seul , et non aux interprètes de Winckelmann, comme l'a fait en der-
nier lieu M. SiJIig (4) , qu'il faut rendre grâces de la publication de ce
monument , ainsi que de la notion exacte qu'il en a déduite le premier,
relative à ce sculpteur Zenon d'Aplirodisias, et à l'existence, confirmée
par ce nouvel exemple , de toute une école de statuaires grecs établie
dans celte ville de l'Asie mineure, au.v 11. c et ni.' siècles de notre ère.
Un des marbres les plus curieux de la collection Jentins, est l'ins-
cription publiée sous le n." 1 1 , où fWst question des JVegoiiàttrtJ ex
Area Saturni (j). Visconti remarque avex. mison <ju'«ucwn d^Hepo-
graphes de Ron.e n'a fait mention de cette Areà Saturai , et il conjecture
qu'elle dut être située dans le Velatrvm, où ces auteurs placent m\t
Area Saneta près d'une y£.des Saturni. Mais if y a , dans ce peu de mot*,
plus d'une inexactitude qu'il importe 1 la conhoissance, encore aujourd'hui
si imparfaite, de la topographie romaine, de relever ici, puisque l'occasion
s'en présente. D'abord, il semble que Visconti ne devoit pas ignorer
qu'il est fait mention d'une Area Saturni dans une belle instripiidii
découverte près du Forum romain au temps de Panvinï.qui la publia (6),
(1) WinckelmannV Wtrke, VI, 279, e! part. II, p. 341, note 1299. —
(2) Storia dtll' Arte, t. II, p. 3 70. — {3) laid, tom. III , p. 60). — (4) CataU/g.
vtt. Artif. v. Zenc , p. 4S7- — {5) Cette inscription est maintenant placée
dan» le corridor Chinramonti, sous le n." 297. — (6) Panvinî, Urbs Ronui ,
p. 186, éd. Paris. I j88. Voici l'inscription même , qui mérite d'eu* rappelée,
attendu qu'elle a échappé à l'attention de tous les modernes topographes Je
Rouie, depuis Nardini juiqu'à M. Nibby :
t. CALPVRNIVS. PISO
M. SALLVIVS (fie )
PR. AER.
AREAM. EX. S. C. A. PRIVATI5
PUBLtCA. PECVNIA
FEDEMPTAM. TERMINAVER
Ji résulte de cette inscription que L. Calpnrnius Piso et M. Salviui ,
prêteur; de Tarrarivin, fixèrent les limites de\'.4rea, apréi l'avoir rachetée ,
aux frais de l'Ëiat, de divers partimliers qui l'occiipoient; le tout conformé-
\
OCTOBRE , l8f9i l tfu
et qui ne se fit aucune difficulté dadmetti?, sur k fi» <fe çettç iq^
cription, VAr&t Saturai, en la plaçant au-devant 4e. ÏALrwrium (i),
L'indication de cette j4w tfétort donc pas aussi nouvelle que le
pegsoit Visconti ; et la place qu'il lui wsigrioit $ur le Vçlaprum n'^joit
pas. exacte , puisque h proximité de VuErarium empêche defthephp
ailleurs qu'au voisinage du temple de Saturne , c'est-à-dire % au pied
du Capitale, VArea en question; sans compter que la potion (Tune
mdes*£aturni % au quartier du Velabrum , ne repose, à ma coupôûfcr
senc^que sur un. teste de Victor, probablement interpolé (a). Voici
maintenant de nouveaux témoignages, qui achèvent de prouver que le
temple de Saturne, servant ds£rarium, étoit précédé cTune pfae,
Area $ cpUe-Ià mtme où résidoient, les marchands qoï se qualifient , suf
rinscriptioa Jenkins* Negotiataret ex Area_ Saturai. Pline parle d'un
fguier planté dev&t le temple d* fat*r*t. * ?et quj .dut être arraché 9 parce
que cet arbre , en vieillissant , menaçoit d'entraîner la chute d'une
statue de Sylvain érigée spus son ombrage (3). U suit de là qu'il deyçfr
y svoir? cUvaut — tyiiijiIoy mu ••puer -Mbre y uneJr62# pOUJ* qu'uil
pareil ari>re ait pu y croître et y subsister durant au moins trois siècles.
U eixistoit de plus* sur ce même espace, un autel de Saturne* celui-là
riftme dont on rapportoit réfection à Hercule , et qui se voyoit encore
à celte place, au temps de Denys cfHalicarirçsse (4)9 et plus tard encore/
puisqu'il en est fait mention par les légionnaires en ces termes : Ara
Mus Saturai. C'est du rn^me autel quïl est aussi question 9 dans un
ment à un décret: du sénat. Or, d'après ia qualité même de préteurs têt
l'arrarium que prennent ces magistrats, et d'après le lien où lue trouvçt
l'inscription même» il est évident qpcl'Area dont il y est question ne peut
être que VArea Saturni, puisque c'était le temple de Saturne qui servit '
d'ararium.
(1) Panvini, Urbs Roma, p. 188 : Area Satumi ante ALrarium. Cette
inscription est citée dans une lettre d'Holstenhis , apud Fea, Miscellan antiq.
pag. cccviij. — (a) Le tMe de Victor, apud Nardsni, il, 128, j>prte:
jEdes Opis et Saturai inyico Jugariot et plus loin, p. 130 ; vieits Jugar
tins, hum et Thurarius , ubi sunt Ara Opis et Cereris cum signe Vertumni.
On voit que , dans ce second passage , il n'est plus question qoe des autels
d'Ops et de Cirés, Aucun autre auteur ne parle d'ailleurs d'un second temple
de Saturne dans cette position, ou ne jdit que le temple d'Ops fut commun
avec Saturne. T?e temple d'Ops étoit célèbre, parce ou il servoit de trésor poux
les particuliers, comme celui de Saturne pour F£t^L Ciçer. Phtlipp. 1,7,
et XI, 14 : et c'est peut-ctre cela qui aura causé u méprise de Victor ou
de son copiste. — (3) Plin. xv ê s8 : Fuit et ante Saturni *dem,Urbis anno
eclz sublata,.... cum Sylvani simulacrura subverteret. — (4) Uioayu H4L
i*34- . . . . . ... :>
ptisJjgè tuiteti* dé Mtcrëbé p^\ inhiba fo*& n^ &À\b4fté jk&*,
«il . Ifeù d'Aram , <e tjaè h tourtiiw* tfe Va phrase sèftibtabit a«wM|felr -,
et & çitf viêmfroft directement '% Itoptf de l'existence en cet en*ek
Wmkèpfatt, Arta Stiturni. Je fftppélfètiifiAqiie, dam une feutie fiiffe
*ftxn£*Jèdé , 1 fut trouvé, précfcémëht % fendrait où dut 4m cétft
ifhw, tu pied dû Cèpitolè, les twteî <Turi portique et de tr&iï foùtifwé* ,
qui feppartenoîént sans dototè 4 ces Ntgotiatorcs ex Area Saturni nwhitoés
sur Fmscrîpdon Jenkin's fi).
; jè.n ai plus que deux observations à faire, au sujet déxléttx
dans l'interprétation desquelles la critique de Visconti a pu parote* Wi
défituc L'une, qui se fit sur un petit autel , n.° 7 , se termine par ces
péîofes , 10 AI. posit , que Visconti lit IAOI POSVIT , et qtfà «oit
{relatives kïlao de Macrdbe , ou au Jekova des Juifs. 41 me parcft évident
quH faut lire tout simplement IOVI , et qu'il n'y a, dans le monunNgilt
en question , aucune raison de le rapporter fa ce culte étranger. L'autre
inscription, publiée déjà par Gruter, et fort curieuse sous piusfetiHfc
rapports que Visconti a parfkttemrn^-rhdkju^ , «ftnc, k fa 4ùtttfèrn£
ligne, ces mots, DEDtT. sing. * il, qrâi interprète ainsi, dédit
SINGVlis DONAhiA BINA. M. Làbus na pas manqué de relever, dans
sa préface , page xfij, cette étrange interprétation , et d'avertir le lecteur
qu'il firiloit lire , dédit singulis denarios dvO. Mais avant d'im-
puter à Visconti une erreur si fâcheuse , avant d'admettre qu un |>areU
antiquaire avoit pu ignorer une notion si triviale , chose qu on ne peut
réellement supposer , puisque , dans un autre de set ouvrages , à locc*-
sion d'une inscription oit se trouve la même formule, sing. * v,
Visconti fa rendue de cette manière , singvlis denarios qvin-
Qve (3), la simple équité ne commandoit-elle pas d'avoir recours à une
(1) Saturn. 1,8: Habet (jfSdes Saturni) aram et antè senaculum. Ce
senatulum, ou lieu destiné aux réunions du sénat At une nouvelle dépendance
du temple de Saturne j placée en avant de ce temple , antè , qu! sert encore à
montrer l'existence d'un espace libre, d9une area , en cet endroit. — (2) Fauno >
Antich. di Rom» lib. il, c. X. Des inscriptions trouvées en place sur l'archhravfc
de ce portique, sembloient indiquer qu'il appartenoit à un édifice nommé
Sckola Xantha par les Régionnaires, ce qui n'empêche pas que les Nteottatorn
ex Area Saturni n'aient nu avoir leurs boutiques dans le même local. Dû reste^
lés questions qui ont rtjj^ort au véritable emplacement du temple de Saturne,
avec ses dépendances, sont encore loin d'être résolues , malgré ce qu'a dit à ce
sujet M. Nlbby, Foro ramant, pag. 1 08- 1 13; ce devroit être l'objet d'un
travail particulier, et conséquemment ce ne peut être celui d'une note, —
()) Aflonumenti Gabini délia villa Pinciana, p. 124.
• OCTOBRE 1/830, ■; Ut
wattt àuppositian ! ç est qu'il f avoit ici une fauté dlropitssîon , et qu'au
fitilée ûokarJA bina ; paroles, qui n'offrent auAut seiu ifcisojinable*
Vjsfconti airoit écrit denàiuà bina* mots qui s'écartent ssty doute
fermage général , mais qui du moins éloignent de Visconti ridée d'une
inadvertance aussi grave. Cest une conjecture que je soumets, du veste,
au bon esprit de M. Labus, et dans laquelle il reconnoîtra le zèle qui
n'inspiré et qui l'anime lui-même pour la mémoire de ce savait illustre..
Des dnf petits écrits qui vieiment immédiatement après le Catalogue
des monumens Jenkins v et qui ne consistent chacun qu'en deux ou
trois pages, trop rapidement écrites, pour comporter un examen sérieux
ou une critique sévère , on ne sauroh rien dire aujourd'hui* si ce n'est,
par rapport au monument qui fait le sujet du premier- de ces écrits ( i ) ,
quç f explication qu'en, adonnée Visconti éjcît . réellement trop super-
ficielle. 1/» monunrçtt dont if s'agit est up superbe vase» de niarbre et
de travail grecs, orné <Tu*i bas -relief, qui fait encoje actuellement
partie de la collection du prince Chigi, et que Visconti eût le mérite
de faire connohre le premien Makçn y: voyant uii vase funéraire , avec
une composition analogue , il n'apprécia pas suffisamment t'iraponpocq
et Je véritable objet de ce monument Zoéga s'étoit proposé <fen
donner une explicatiob nouvelle et complété, ainsi qu'on en peut juger
d'après les allusions qu'il y fait en plusieurs endroits de ses Disserta-
tions (a). H y voyoit un sujet relatif au mythe de P\ytàiî et c'est aussi
d'après la même donnée , que le savant éditeur de ces écrits posthumes
de Zoéga, M* Welckçr, a publié une interprétation suffisamment
développée de ce rare et curieux monument ($). Cette opinion a été
à-peurprès généralement admise ; et je citerai, entre autres,. M. Hirt (4)
et M. Creuzer {$) , qui ont reproduit fûn et l'autre le vase Chigi,
avec l'explication dé AL Welcker: mais j'avoue, malgré l'autorité de
tant d'illustres suffrages , quefeette explication ne me paroît pas encore
exempte de difficultés; et comme une discussion sur. un pareil sujet
m'entraîneroit nécessairement beaucoup au-delà des bornes oîi jel dois
me renfermer, je me contente d'exprimer ici le regret que M. Labus
ait gardé, un silence absolu sur une opinion aussi contraire à celle de son
auteur, au sujet de laquelle il eût pu être si important à la science de
faire connoître son propre sentiment.
• •■ ■ .
(i) LttUra, &c. p. 1 19-121 .t-(2) G. ZoegaV Abhandlungtn , deje. » p. $a, 8 14
taf. v, n. 13. — (3) Nachtrâge des Herausgebtfs ( H. WeJcker) rp. 38^393.
-*- (4) \\xn< Bilderbach, &c. Il , I , p. 1 03 ; coo£ ibid. > p» Xlfar-foYAùbUdungai
zu Symbolik, &c, taf. XXXVII, 2, pag. 24-25^
***
*a* JOUJtKALDlES SÀVÀNS,
"*■■ l* DtssmaOmw^^lut^mïfÊâ antifmis9 qui parut ", en 1788, en
mpmfrmiumiJt-Kt trta-him imprimé à Panne, chez Bodooi i et
quiTempfevfagH*pt pages de notre édition (1)', pôiwroit dootwvJbu
i |beimc^ 4bbtêi^ack^que je me vok obligé de supprimer ; maisA
en est une que Je ne puis passer sont silence. C'est un des écrits de
Visconti qui ont donné lien à la plus grave imputation dont il ah été
jannris r ofcfet . lin savant allemand , M. de Koehler , n'a pas craint d'ex-
primer le soipçonque tes mosaïques, objiets de ce travail de Visconti,
étaient Aruvre d'un faussaire r dont l'illustre antiquaire eût été dupe on
complice , de manière \ abuser de la bonne foi du chevalier rTArara 9
possesseur des mosaïques en question (a). A la vérité, M. de Koehler
n>voit paà vu les monumens originaux; il n'en parle que d'après de pré-
tendues lettres de Marini et de Lanzi, qui .n'ont été ni produites par
personne, ni retrouvées nulle part; et M. Labus rapporta textuellement,
dans sa préface , un témoignage émané de AL Philippe- Aurèle Visconti,
frère cTEnmus , ;et Juwnêipe antiquaire célèbre , qui déclare avoir vu ,
parmi le» papiers du du cTAzara . les calques des mosaïques dam il s'agit,
pris sur (es monumens mêmes, et qui assure que la seule altération quds
aieiit subie , c'est d'avoir été passablement améliorés dans le dessin par
L'artitte mqderne chargé de. la gravure. Ce seroit donc k cette espèce dé
falsification si ordinaire , et Ton pouiroit dire si innocente, que se réduijort
te tort de Visconti, si toutefois on peut le fui imputer à lui-même; et
j'avoue que, jusqu'à ce qu'il soit démontré qu'un pareil homme ait été
capable d'une supercherie ou d'une méprise qui inculperoit si grave-
ment son caractère ou son savoir, j'aime mieux croire, comme je l'ai
défi dit -ailleurs (3), que M, de Koehler a manqué, dans cette occasion,
qui n'est pas la seule , de lumières ou d'urbanité, que Visconti de discer-
nement ou de probité. Du reste , cette dissertation de Visconti renferme»
sur la pratique de Yignispicium chez les (frecs et chez les Romains, dés
notions neuves et curieuses , dont le mérite est tout-à-fait indépendant
de celui du monument qui y a donné lieu. C'est dans ce même écrit que
Visconti énonça , pour la première fois (4) , son opinion au sujet du
célèbre groupe de S. Iidefbnse , oh il voyoit Vapotkéote d'Antinous ;
trompé par une ressemblance , plus apparente que réelle , qui existe
d Oi , 0 r_ -j--- — ______,._ ^
plusieurs écrits de Visconti. — (j) Oicstéidt, p. 175, note 3: — (4) Voy*
pag. 159*162 de notre édition. .
'Jr.
OCTOBRE 1830. €if
entre la tète d'un des personnages et la physionomie si' connue du favori
tf Adrien. Cette opinion est l'une de celles qui lui tenoient le pi us. à
cœur; et c'est pourtant, on peut se permettre de le dire. Tune des moins
heureuses qu'il ait jamais eues: il Ta reproduite, à chaque occasion
nouvelle, dans son Musée Pie-Clémentin (1 ) , dans ses Monumenti scelti
Borgkesiani^[i)\ et c'est de sa touche même que l'avoit. recueillie
en dernier lieu M. Mongez , qui la suit encor^Jans son Iconographie
romaine (3I , et qui s'est, comme ota voit, laissé tromper par sa mé-
moire , en assurant que Visconti n'avait rien laissé d'écrit sur ce groupe*
Je ne m'arrête pas sûr la relation des fouilles jattes h Rotna-Vecthia,
dans le cours des années iy8p à 1792 (4) , attendu que la plupart des
monumens trouvés dans ces fouilles , et décrits dans cette relation ,
ayant été acquis pour le musée du Vatican , sont devenus » dans le
grand ouvrage de Visconti , l'objet d'explications qui rendent celles-ci
i-peu-près indifférentes. Le morceau qui suit, intitulé Observations sur
un camée antique représentant Jupiter jEgiochus { 5 ) , ne fait pas moins
d'honneur au goût qu'à l'érudition de Visconti , bien que M. de Koehler,
toujours injuste envers "Ciscbnti , ait été d'avis que l'illustre antiquaire
ifavolt su remarquer rien de ce qui distingue ce beau monument, sous le
rapport de l'art , non plut que sous celui du sujet (6). II semble que le
critique auroit dû chercher à suppléer , du «noins sur quelques points,
au silence absolu qull reproche k Visconti ; c'est ce qu'un savant ,
vraiment animé du zèle de la Science, n'auroit pas manqué de faire h cette
occasion : mais c'est ce que celui-ci n'a (ait encore nulle part ; et lorsque
l'on compare une allégation si rigoureuse avec la dissertation de Vis**
conti , pleine de détails si curieux et d'observations si savantes , on ne
peut s'empêcher d'éprouver une surprise qui n'est certainement pas à
l'avantage du critique.
Nous retrouvons encore , et c'est bien malgré nous, l'antiquaire de
Péfersbourg , dans l'examen d'une des plus curieuses dissertations de
Visconti , la Lettre sur une collection d'obj ts antiques d'argent, détour
(1) %M. P. Clem. VI, XLVll, 63. — (2) Mon. scelt. Borgh. 1 , 59, —
(}) Jcon. rorn. 111 , cy. — (4) Pag. §76-100. — ($) Pag. 191-209. J'observe
à cette occasion que le beau camée qui fait le sujet de cette dissertation , se
conserve maintenant dans la bibliothèque /de Saint-Marc % établie» com#|c
on sait, dans l'ancien palais ducal, à Venise. — .($) Amalthea , I, pti )pr«:
« Visconti's Schrifc. . . ubergeht inlbg die Hauptsachen, welche dieset PftoiofcJ
» angehen , und mehreres, aas die Vomtllung beiriflt, und fie ausgc^chpet,
»ist nicht g^orig ausgefiihrt. » _ .1 ViJ.,^
6x6 JOURNAL DES SAVANS.
verit û Homt tn iyp} (i). Lé critique atrabilaire, qui semblait avçjr '
pris à tache d'attaquer tous les travaux de Visconti, n'épargna ni celte
dissertation , ni les raonumens mêmes qui en étoieot l'objet. Sans avoii
jamais vu ces jnonumens , qui appartenpient alors à M. de Schellersbepn,
et qui sont maintenant dans la collection de M. ie duc de Blacas, il ne
craignit pas de les signaler comme d*i objets de fabrique moderne; et si
quelque chose peut Atonner , après de pareils soupçons opposés k U
notoriété publique , c est que M.- Boettiger , qui , ie premier , dans s&
Sabine, fit usage de la publication de Visconti, n'ait pas, dans son
Amaltkca , protesté contre des suppositions si faussés et si injurieuses.
M est inutile , aujourd'hui que l'authenticité des monumens en question
n'etft mise en doute par personne , d'insister plus long-temps sur ce
point; et je terminerai cet article par quelques observations auxquelles
peut donner lieu le travail même de Visconti.
La Itttrt qui nous occupe parut à la fin de Tannée 1 7 y 3 , en un petit
volume devenu très-rare , dont un exemplaire , enrichi de quelques
corrections et additions inédites de là main de rameur, et communiquées
à l'éditeur M. Labus par l'antiquaire romain Th. A. Visconti , a servi
de texte pour cette réimpression. Mais je suis surpris que M. Labus
n'ait fait, dans sa préface, aucune mention d'une seconde édition
romaipe de ce même opuscule , publiée eu 1825 par les soins de
Montagnani , ■ avec des planches assez bien exécutées , et même avec
quelques passages que je ne retrouve pas dans le texte reproduit par
M. Labus , entre autres celui qui se lit à la page 22 de cette seconde
édition romaine (2). Quoi quil en soit, la réimpression faite parles
soins dp M. Labus se distingue par quelques additions importantes ,
l'une desquelles , à cause de son objet et de son étendue , mérite d'être
signalée à l'attention de nos lecteurs ; c'est celle qui se trouve , en
forme de note, pag. 215-217. L'auteur y rend compte de la décou-
verte faite, plusieurs mois après la publication de sa lettre, de quelques
fragmens, au moyen desquels l'inscription gravée sur le couvercle de
■ » ■ I ! , , — — ■
(1) Pàg. 2to-2jf. — (2) En voici le titre entier: Letîera di E. Q. Visconti
interno ad un* antica supeilettile d'argento scopcrta in Roma; Ronta, 1825 ,
dalle st&mpe del Salvincci, in-4.0 L'éditeur, Montagnani, qui a dédié cette
réimpression à M. le duc de Blacas, a fait suivre ce travail de Visconti de
étvix morceaux, l'un de feu .M. d'Agincourt, pag. 23-30, l'autre de
Galeani Napione , 31*44» relatifs au même sujet. Les planches, au nombre
4e 24» contiennent la totalité des objets dont se composoit ce trésor dômes*
•fftqte, avantage qui manque i ia réimpression de M. Labus, tt dont je ne
pouvois me dispenser de faire la remarque, _
> -r
* ' OCTOBRE 1830. Ul
fm pyxis ou cassette cf argent , a pu être restituée toute entière , tfvec
le monogramme dû Christ quLIa précède, de cette manière iSECVNDI
AT phOIECTà V1VATIS in ChristO ; d'où il résulte indubitablement
que ce monument fut exécuté pour des personnages chrétiens. Visconti
observe qu'il n'avoit pas osé d'abord suppléer la lacune laissée entre
les lettres vivàtis. . . .nch. . , par la formule si connue qui s'est
trouvée de fait sur le monument; et le motif qu'il en donne, c'est que
les emblèmes et les personnages païens employés à sa décoration ne lui
permettoient pas devoir, dans ce monument, une œuvre chrétienne. H
ajoute qu'il ne connoît aucun autre exemple d'une divinité païenne , telle
que Vénus , représentée sur un monument' chrétien , malgré I emploi si
fréquent qu'il convient avoir été fait dans les peintures , les sarcophages
et les verres des catacombes, d'une foule de types et de motifs em-
pruntés k l'antiquité profane; de sorte que (c'est fa conclusion qu'il
tire lui-même de ces observations ) le supplément retrouvé a démontré
'que ce qui étoit contre ia vraisemblance, étoit pourtant la vérité.
* Ce seroit sans doute le cas de beaucoup de nos restitutions , si tes
parties du monument que nous suppléons par conjecture se re trou voient
en réalité ; bien des inscriptions , où nous croyons n avoir rétabli que
des vérités, ne nous offriraient peut-être que des erreurs, si jamais le
texte original venoit à reparoître ; et cette réflexion devroit nous rendre
un peu moins décisifs à juger uniquement sur ce que nous savons , et
-sur-tout à juger de ce que nous ne savons pas. Mais, pour' en revenir au
fait particulier qui a donné lieu à cette observation de nôtre auteur , je
«lois dire que sa doctrine , en ce qui concerne l'emploi fait par les pre-
miers chrétiens des types créés par le paganisme , est loin <f éti* irré-
prochable. Il seroit facile d'alléguer une foule d'exemples contraires à
cette doctrine ; et pour n'en citer qu'un seul, des figures de Bac chu s ( 1 )
et de Mercure (2) , tout aussi profanes que celle de Vénus Anaiyomenc
qui orne le couvercle de la pyxis et un autre vase de la collection qui
vous occupe , se retrouvent sur des sarcophages et des peintures chré-
tiennes des catacombes, où le contraste de ces images païennes avec
* ' i ■ * ■■! ■ 1 . . a 1 ■ ■ . h ■ ■ , , 1 1 ■ ■ i ■ 1 .i m — — ■— »
(1) Voy. le'sârcophage f Aurélia Agapttilla , qualifiée Ancilla Dit, orné de
figures de Batchus et de génies bachiques , et tiré du cimetière de Sainte-
Agnès , dans Boldetti , qui a pris ce Bacchvs pour une Vénus liHtint; Osserva^.
tifra i cimiteri, *c. , pag. 466-467. — (2) Un Mercure Psychepnnpe , prfcé-
*<t>nt le char de Pluton ravisseur de Proserpinè, est un sa jet manifesmnent
empramé des basreliefs et des peintures funéraires de IWicraité frotta, qui
se retrouve sur une peinture chrétienne des cataeowbtif publiée par Rotiari,
Piituret seuls, sagr. &c., torm 1H, p. 218. .„ ■■»•...-.-...
Kkkk 2
**< JOURNAL DES SAVANE, %
H sainteté du lieu et avec la nature même du monument pourroft
paraître bien plus étrange que sur la toilette d'une dame chrétienne. Je
rien dirai pas davantage sur ce siîjet, qui seroit susceptible d'une dis-
cussion approfondie, et qu'il m'est conséquemment impossible de traiter
convenablement dans un article de journal.
Relativement à la manière dont les noms des deux époux à qui appar-
tenoit cette toilette antique sont exprimés au moyen de monograjnmes
renfermés dans une couronne, partie dorée, partie colorée de cette espèce
d'émail nommée , à cause de sa couleur brune ou ncirâtre, nigtllum , d'où
est venu , comme on sait , le nom moderne de niello , Visconri s'étoit
borné à exprimer le soupçon que fa pratique du nielle n'avoit pas été in*
connue aux: anciens. C'est un soupçon qu'il eût pu changer en certitude,
pour peu qu'il se fût livré sur ce point h quelques recherches; et, à cette
occasion, je ne puis m empêcher de remarquer combien un Essai sur les
nie/les , récemment publié en France 9 et passablement vanté par des
personnes étrangères à l'histoire de lart , présente d'omissions graves et
d'erreurs capitales sur ce qui fait le principal sujet de cet essai , jusque
là qu'iln'y est fait aucun usage ni même aucune mention du célèbre
traité de Théophile Presbyter , rédigé au Xi.c siècle (0 , où tout ce qui
a rapport à la pratique du nielle se trouve minutieusement décrit , en
vertu de traditions qui dévoient être fort anciennes. Mais je me laisserois
encore entraîner trop loin de mon sujet, si je m'arrètois à signaler toutes
les imperfections de V Essai sur les nielles , et je dois me contenter, de
renvoyer i^os lecteurs à un savant mémoire de M. Cicognara, le célèbre
auteur de l'Histoire de la sculpture, mémoire publié récemment dam le
recueil de V Athénée de Venise (2), où cette tâche est remplie de manière
à ne laisser rien autre chose à désirer, que la publication du livre même
(1) Leasing fut le premier à donner connoissance de ce curieux et important
ouvrage, d'après un manuscrit de la bibliothèque de Wolfenbuttel ; voy. $ts
Sàmmtliche Schriften, tom. VHI^pag. 287-368. Cinq ans plus tard, c'est-à-
dire en 1779» le savant Morelli ajouta de nouveaux détails, dans son catalogue
raisonné des manuscrits de la maison Nani, p. 33 ; et le livre même fut publié à
Brunswick, en 1787 , dans une collection d'opuscules commencée par Lessing
et terminée par Ch. Leist. Il eût suffi à l'auteur de V Essai sur les Nielles de lire
avec quelque attention le livre de Bans ch, qui lui sert de manuel , pour trouver,
aux pages 2 et 36 du X1I1.C volume, l'indication, du traité de Théophile Pres-
byter, cité précisément pour ce qu'il renferme de curieux au sujet du nielle.—
(2) Dell' origine, composizione e decomposizione dei Nielli, esercitazione dei
C. D. Cicognara, dans le tome I , pag. 99-136 , des Esercitafioni scientificht e
• ktteràrie delT Ateneo di Venejia^ Venez. 1827 $ in-ff
OCTOBRE 1830. 6zy
t
qu'il nous fait espérer, d'une Histoire de la gravure, dont on sait qrçe
M. de Cicognara s'occupe, et qui sera digne sans doute de sa haute
réputation.
•' Entre les notions curieuses que nous a procurées Iadécouveite de cette
argenterie antique , il en est une que je me reprocherais , comme Vîs-
conti lui-même , de passer sous silence : il avoit remarqué , sous Fune
des quatre petites soucoupes (fargent , scutdlœ > l'inscription que voici ,
SCVT. 1111. p. v, qu'il déclare ne pouvoir s'interpréter autremeift que
de cette manière: Scvtellàk. quatvor. pondo QtJlNQVE; et en
effet , ajoute-t-il, les quatre pièces ensemble $ mises dans la balance , pro-
duisent juste le poids indiqué (1). Voilà, pour en faire en passant la
remarque, un exemple décisif, fourni par l'orfèvrerie antique , à l'appui
cfune pratique que j'ai signalée moi-même sur les yases de terre peints,
oj^gdes inscriptions telles que celle-ci , TAPI A£ nu (2), indiquent si
manifestement le nombre. et Informe des vases qu'il s'agissoit d'exécuter
en fabrique ; et cet exemple peut suffire , en attendant mieux , à réfuter
certaines critiques de M. 1$ comte de Clarac (3) , où l'on regrette que
le noble antiquaire ait employé plus de personnalités que de raisons,
dans un langage qui ne convient pas plus à sa qualité qu'à son mérite.
Le morceau qui termine le premier volume des œuvres diverses de
Visconti , est le Mémoire sur les célèbres inscriptions triopéennes (4) > un
des écrits de Visconti qui contribuèrent le plus à lui assurer, en qualité
de philologue , la réputation qu'il avoit déjà comme antiquaire , mais qui
est depuis trop long- temps et trop justement apprécié, ainsi que les
jnenumens mêmes qui en sont l'objet, pour que nous ne devions pas
nous» borner, sur-tout à la fin d'un article déjà long outré mesure, à
cette simple indication.
(1) Pagr22j. — (2) Voy. ma Notice de V ouvrage intitulé Catalcgo di scelle
anAchità del pr. di Canino, &c, extfaite du Journal des Savant, février et
ntars 1830, p. y, note 3.— (3) Mélanges d'antiquités grecaues et romaines, par
M. le comte de Clarac , officier de la légion dlionneur, chevalier, &c. Pans*,
1830; voy.' pag. 37-40* H y a, dans cet opuscule, quelques observations rela-
tives à des bas-reliefi publiés ou décrits dans mon recueil de Monumens médita,
observations qui ne semblent pas toutes dictées par l'intérêt de la science,
d auprès le style dans lequel elles sont rédigées. Je répondrai, en temps et lieu»
à celles de ces critiques qui ê portant sur de* faits , méritent de$ expïicadonf.
RAOUL.RQCHETFS» :^
y
*)*' JOURNAL DES SAVANS,
Lettre à M* le chevalier P. O, Brqnsted. /. sur quelques
médailles cufiques dans le cabinet du roi de Danemark , récem-
ment trouvées dans file de Falster, et sur quelques manuscrits
cttfiques, par Jac. Chr. Lindberg; avec xi) planches.
Copenhague, 1830.
Les médailles gravées et décrites par M. Lindberg sont au nombre
de M ; elles ont été trouvées , en 1 827 , dans l'île de Falster , et sontcorv-
jfeiVées aujourd'hui dans le cabinet du roi de Danemark. Quatre de ces
médailles -en argent sont frappées au coin des monarques persans de la
dynasjtie des Sassanides. M. Lindberg fes attribue toutes quatre à des
princes musulmans , antérieurs à l'an 7 5 de l'hégire ; et il n'est plus coû-
teux aujourd'hui que les premiers khalifes ont effectivement fait frapper
dés monnaies d'argent au type des princes sassanides , en y ajoutant ou
leurs propres noms ou quelques formules arabes musulmanes. Mars, des
«quatre pièces décrites par M. Lindberg , il n'y en a qu'une qui appartienne
indubitablement à cette époque , c'est celle qui occupe Ien.° 9 de la pi. 2 9
et qui porte le nom S Omar. Rien n'autorise, ce me semble, à attribuer
les trois autres à l'époque musulmane , plutôt qu'aux derniers temps de
la dynastie des Sassanides. Au n.° 8 de la même planche, M. Lindberg
croit voir, sur le revers de la médaille, trois figures en pied, dont celle dm
milieu ressemble à une statue. C'est, à mon avis , une erreur, et ce revers
offre , suivant l'usage constant , deux figures en pied , placées des deux
cotés d'un pyfée ou autel du feu. Ce qui s'élève au-dessus de l'autel
n'est vraisemblablement qu'une grossière repésentarion de la flamme :
peut-être seroit-il permis de supposer qu'on a voulu, comme sur quel-
ques autres médailles sassanides , représenter une tète humaine au milieu
de$ flammes.
Les médailles eufiques sont au nombre de 1 8 , toutes en argent. La
plus ancienne , qui n'est qu'un, fragment , me paroi t , comme a M. Lind-
berg, être de Fan 95 ; elle a été frappée dans la ville de Sabpur , ou
plutôt Schakpour. Ces médailles , au surplus > ne jettent aucune nouvelle
lumière sur les problèmes qui restent encore à résoudre» relativement
la numismatique musulmane. Toutefois on doit savoir gré k l'auteur de
tes avoir fait connoître. Il est seulement à regretter que , sur quelques
points, il n'ait pas connu ce que les travaux de M. Frarfm et de quelques
autres orientalistes ont ajouté, depuis peu d'années, aux notions que Ton
possédoit déjk sur cette numismatique. II n'auroit pas dit que la médaille
OCTOBRE 1830. tfj*
placée sous le n.° 7 , pi, 1 , a été frappée à Afukammédi* , **0 partit 4i la
tille de Bagdad. II ept reconnu aujourd'hui de tout le monde que pif
Mohammédiyya , il faut entendre la ville de Reï. J'observe en passant
que cette médaille offre une cingularité bien remarquable, c'est que le
xpot Aiahdi y est écrit ainsi <soJv>> sans l'article. J'ai peine à croire qu'il
n'y ail pas ici une erreur dans la gravure. Je ne comprends pas pourquoi
l'auteur dit que la médaille pi. 1 , n.° 4s est remarquable par la forme gram-
maticale dans le chiffre ( il a voulu dire dans le nom de nombfr) deux çjswJlf
et pourquoi il a cru nécessaire de justifier cette forme, en observant quelle
se trouve sur d'autres médailles. La vérité est que cette forme est la seufe
vraiment régulière , et que ce sont les autres formes de ce même nombre
deux, <£jJI, v5ul et Ut, qu'offrent beaucoup de médailles» qui sont
en opposition avec les règles de la langue arabe. La médaille pi. 1 , n.° 9,
a,été, où je me trompe fort, frappée à Abbasiyya* Sur la médaille qui oc-
cupe le n.° 3 de la pi. 2, au lieu de Hamounak Vj^, nom que M. Lind-
berg dit lui être inconnu, il faut certainement lire Hàmouyïk <tjf> ainsi
qu'a lu M. Frxhn sur une médaille frappée & Samarcande y et qui est de
j'an 193 , comme celle du cabinet du roi de Danemark, Hamouyik est
un nom très-connu plus tard dans l'histoire des Samanides , et c'est un
de ces noms composés d'un mot arabe et d'une particule persane , comme
Sibcwdih, que l'usage a altéré et changé en Sibouyèh.
Je ne puis au&si me dispenser d'observer que les passages de i'Âicoran
qu'on lit sur les inonnoies musulmanes , sont souvent traduits d'une
. m s nier e peu exacte. Assurément les mots è»\ j*aX> Of^j^ rj** o**y.
n'ont jamais voulu dire : jam lœtentur fidèles auxilio Dei. Et puisque je
signale cette inexactitude dans la traduction, je dois ajouter tout de suite
qu'il est fâcheux que le compositeur qui a été employé pour les textes
arabes , ignorât complètement les premières règles de l'écriture de cette
• langue, à moins peut-être que les fautes innombrables qui défigurent les
mots arabes , ne viennent de l'imperfection et de l'insuffisance du carac-
tère qu'il avôit à sa disposition.
Les médailles dont je viens de parler sont l'objet de la première partie
du travail de M. Lindberg; la seconde est consacrée à quelques remar-
ques sur l'ancienne écriture arabe, c0sur les manuscrits cufiques qui se
trouvent à Copenhague. Je porterai encore sur cette seconde partie le
même jugement que j'ai porté $ur la première. La description matérielle
des manuscrits cufiques qui se trouvent à Copenhague, et les nombreuses
planches gravées avec beaucoup de soin qui accompagnent cette des-
cription, seront accueillies avec plaisir et reconnoissance par tou<ceux
qui s'intéressent aux progrès des études orientales , et spécialement k
*$a JOURNAL DES SAVAIS,
taux de là paléographie arabe , pour laquelle , comme le dit fort bien
M< li&tdbétfg, H g été A peu fait jusque ce Jour. Mais quant aux recher
<^s scîetitifiqnes «et aux observations préliminaires qui précèdent cette
description, on poùrroit penser que l'auteur a plutôt voulu se rendre
compte de ce qu'il avoit fu sur la matière dont il traite, que communi-
quer au public quelques nouvelles lumières. Il n'est pas même parfaite-
ment au courant des pas qui ont été faits , depuis quelques années , dans
la connoissance de f histoire et des vicissitudes de l'écriture arabe. Il croit
encore , comme tous les savans le croyoient il y a vingt ans , que le
caractère arabe connu sous le nom de neskhi, est postérieur de deux
ou trois siècles à celui qu'on nomme cufiquc, et il ignore que des monu-
mens authentiques et irrésistibles ont démontré la haute antiquité du
caractère neskhi , ex. ont forcé de renoncer au système qu'on s'étoît fait
à cet égard, système contre lequel cependant s'élevoient de fortes objec-
tions , qu'une préoccupation encore plus forte empêchoit seule d'appré-
cier à leur juste valeur.
On ne s'imaginera pas , je pense ,' qu'en émettant mon opinion comme
Je l'ai fait, avec une entière franchise, j'aie voulu décourager un jeune
savant dont le zèfe mérite au contraire d'être loué et soutenu , à qui il
n'a manqué que de connoître tout ce qui avoit été fait avant lui, et
qui a toujours rendu un vrai service h la numismatique et à la paléogra-
phie arabe, en publiant des médailles récemment découvertes , et de
nombreux spécimen d'anciens manuscrits.
SILVESTRE DE SAC Y.
Bejdracen tôt de Flora van Nederlatidsch Itidië, uitgegeven door
C. L. Blume, M. D. enr. 1-1.7 cahiers in-#S 9 avec un
«hier de planches et de tableaux in fol. Batavia , 1825-
1826.
M. le docteur Blume, commissaire pour le service médical civil,
directeur des plantations de Buitenzorg , et auteur de plusieurs ouvrages
estimés concernant la Flore de l'Inde hollandaise, a publié à Batavia, dans
les années 1825 et 1826, 17 fascicules d additions à la même Flore , for-
jnam ensemble trois volumes in-8.* L'exercice de fonctions relatives à
OCTOBRE 1830: "î £33
TtirC de guérir > et à la culture des productions naturelles dans des con-
trfes et sous un cKmat si injéres^ans pour les botanistes ; assurent
à hauteur un mérite incontestable, celui d'avoir rassemblé beaucoup de
filés nouveaux pour la science. II n'est pas de région dont on puisse
aftfendre plus d'observations curieuses sur des plantes rares ou même
entièrement inconnues jusqu'ici. Aussi le nombre des genres et des es-
pèces qui ont été décrits, pour la premier* fois, pgr MfBlfrme * soit
dtàs cet écrit, sort dans les précédera, est-ÎI fort tonsidéraftlé. Ortairtes
familles naturelles reçoivent des accroissemens très-remarqiiabtes. Dans
l'impossibilité de relever en détail ces importantes additions', il suffira
tf indiquer les plus saillantes , en parcourant rapidement les<feahiers de
l'ouvrage. ' l
M. Biume a suivi ies familles naturelles. Quelques fascicules en coiv,
tiennent chacun plusieurs, et de celles qui sont les plus nombreuses en
espèces, comme les ranunculacées , les crucifères , ies càryophyllées, les'
maivacées. Les cinq premiers en renferment trente-huit. On y trouve
comprise une description détaillée du cocotier , par M, Rôorda van Ey-
akigau Mais les 6.* , 7/ et 8.c cahiers offrent une monographie étendue'
sur les orchidées de Java, distribuées en trois tribus, et contenant cent
dix-huir genres, La classification de nombreuses espèces dé cette famille
nécessite fadditron de cinq tableaux synoptiques , et de plusieurs grandes '
planches, où sont représentées les parties de la fructification , servant de
Caractères à plus de soixante espèces peu connues. La famille âe$ uni*
eéés et celle des amentacées remplissent les 9/ et iô.* fascicules. Les
fascicules 11, 1 3 à 1 j , et le 1 7/ ou dernier, correspondent ensemble à
cinquante-neuf familles, dont plusieurs sont au nombre des plu* remar-
quables de tout le règne végétai , et cette circonstance indique de* ae-
croissemens proportionnellement moins considérables pour chacune* de*
ces familles* Le 1 2.c caUtfne renferme que les euphorbes , et le 1 6f ,
qui est très-étendu , qu^HÉamilles seulement; les nibtacées, Tes strydl-
nets, fes apotynées et Iwasclépiadées. Si M-.1 Blum^^t^arcotart le
cercle entier des familles naturelles et complété par- là tes' Imptortsàftfe!*
additions, l'ouvrage dont nous parlons eût acquis un intérêt plus grand
ehcore ; mais c'est ce que sans doute il ne manquera pas de taire dans M
nouvelle édition qu'il doit , dit-on, publier en Hollande , et ejui infir-
mera toutes 'HP observations botaniques qu'il a p* recueillir pendant
sort séjour dans f une des principales îles de HArchipd o!*ehtaP; ■•> **> ■»
Les espèces nouvelles établies par M, BIume> d'apt^M** fe*vtfu* Jier*
Kttotls , ou d'après des individps jquTii * entérinés d*u de* 6dHfedSoJB
fctteées antérieurement , ècmnènt jfce ^i«ftési valeur *** toIIect*&it,<de
LUI
6$4 JOURNAL DES SÀVÀNS,
sont autant <f acquisitions dont là science des plantes s'enrichit, et qui la
comptaient dans une de ses parties les plus dignes d'intérêt Mais lès
espèces connue» que l'auteur a observées , croissant spontanément dans
njé de Java , sont , sous d'autres rapports , également propres à fixé?
l'attention des botanistes. La géographie des plantes, cette branche
nouvelle de l'histoire du règne végétal , peut puiser , dans les matériau!
qui lui sont fournis par M. Blume, une multitude de faits nouveaux; ^t
l'on sait, par iesçpèmplesde M. Mirfoel et de plusieurs autres, combien
d'utiles, applications les résultats de ce genre peuvent avoir pour l'éco-
nomie rurale et domestique , l'industrie , la physiologie végétale 9 la géo
Sophie physiqueet la géologie. Sans entrer ici dans un détail qui exigerait
trop de développemens purejnent techniques , nous indiquerons comme'
P9uvaju,4u* l'objet d'un double rapprochement, sous ce rapport, la (a-
roiilç des amentacées , une de celles dont les espèces paroissent plus par*,
tiçelièrefnent affectée» à la zone de transition tempérée. Cène famille*
<&?z M, Blume , a vingt-neuf espèces , habitantes de Java, et parmi les*
qi*e|Iç s vingt-quatre sont instituée* par l'auteur. Nous ne nommerons que
Ie% qutnus ebgans, phantaria , glabtrrima, pstudo-molucca , angustatu,
sj&dai^ frutiepsa ,. roflmdata f ind*tài intata , gemeltijhra* torbinaM,
/*4f 441 ; les ca?t4MA argentea, tuagmrutjavanica; le liquidambarahifigiMMt
l* lubofayw javtn sis, genre nouveau» Deux espèces dp genre sa/ix ont
été apportées du Japon , Tune, te s> japonica, par Tbunberg; l'autre, le;
j- suboldiana, par les soins du naturaliste auquel elle: a été dédiés, et
dont on attend dans ce moment de si précieux renseignemens sur toute*
les b^nches des sciences naturelles qu'il a pu cultiver au Japon.
. Unç description méthodique de toutes les espèce* de plantes java->
nais es, particulièrement de celles qui sont nouvelles, met les botaniste*
99> état de profiter pleinement des matériaux qui ont été rassemblés pott*
eu* par M. Blume. Ha pris aussi un soin qui, n'est pas toujours asse*
présent à la pensée dès naturalistes qui voyagflKlans les contrées ori*n~
t|f «i c'es* dç recueillie les noïhs des pays, q^euyejat> en mille occa^
WWj deneflir l'instrument d'une synonymie, du plus hau^ intérêt pou*
fr science même, qu chi moins, pour son histoire, et pour les recherches
ftljuîvçs ^l'économie rurale, aux arts mécaniques, à la matière médt*
c^.( II 3 plqçé à te suite de chaque description de plante Je nom que
«CMUft. pfcntfi pQPtf *n javanais. Sans doute il aura prisses précautions
nécessairsspo#f aftufcr & cette partie de son travail ledtegré de correctfeu
^f ¥W Wde qfcM peut en ntttdre l'usage sûr et profitable : ce sera dbnc
«W»..w si^éfient «reportant ifcfxrquemras possédons en ce gemet
4&hhhmvj*g* iteii Jhi^tff ïi^riottttr Atoifeu. t*. de pbiwufi
1: la
OCTOBRE 4830- *|$
luttes. II manque , à l'Usage d'un tel livre , des index Ittiftà « javanais j
niais, ainsi que nous Pavons dit, l'ouvrage est demeuré incomplet : il Te$t
ttu moins dA l'exemphire que nous avons sous les yeux; car nous ne
voudrions pas assurer que ce qui y manque n'ait pas paru à Batavia depuis
l'époque de l'impression du 1 7/ fascicule. II règne toujours beaucoup
d'incertitude sur les particularités relatives à la publication des livret
dans ces contrées reculées de l'Asie, et les vérifications sont longues éfr
difficiles. Daris tous les cas , la réimpression annoncée remplira indubi-
tablement lés lacunes de Fédition originale; mais cette dernière nous à
paru assez importante, même dans l'état d'imperfection ou nous la pos-
sédons, pour que nous en fissions connokre l'existence aux amis de la
science végétale.
J. P. ÀBEL-RÉMUSÀT.
NOUVELLES UT TER AIRES.
INSTITUT ROYAL DE ERANCH.
L'Académie royale des beaux-arts a* tenu, le 3 octobre, sa séance pu-
Mique annuelle, qui a été présidée par M. Galle, et qui /est ouverte par Tesé-
cution d'une cantate. On a entendu ensuite le rapport de M. le Bas» sur les
ouvrage» des pensionnaires du Roi à 1* Académie de France à Rofne. L'exé»
cucion d'un autre morceau de musique a précédé la distribution de» grands prix
de peinture, de sculpture et d'arctihectafe, de gravure en taille douce 1 et de
composition musicale»
I. Peinture : Mêliagre prenant les arnuts à la sollicitation de soit épouse. Pre-
mier grand prix , M. Sfgnol , de Paris ; second , M. Schopin , né à Lubeck ; tous
deux élèves de M. le baron Gros.
II. Sculpture: Thésée vainqueur du Afinctaure. Premier grand prix,
JflL Husson, de Paris, élève de M. David; second grand prix, M. Rartras,
d'Aix , élève de M. Cortot ; mention honorable de M. Eug. L. Bion , de Paris,
élève du même mafire.
III. Architecture JQflfaison de campagne pour un prince, à peu de distance de
la capitale. Premier grand prix, M. Garrez, de Paris* second grand prix,
M. Alph. F. Jos. Girard, de Montîgny; tous deux élèves de MM. Vaudoyer et
le Bas.
IV. Gravure en QûIIe douce. Premier grand prix , M. Martinet, de Paris,
? LUI a
f}6 JOURNAL DES SAVANS,
élève de M« Forster et de M. Heim; second grand prix, M* JL* Ad. SaImon>
élève de M. Dupont et de M. Ingres.
V. Composition musicale. Premier grand prix, M. Berlioz, jÉ^ département
de l'Isère, élève de M. Lesueur et de M. Reicha ( scène exécutée au milieu de
la séance ) ; deuxième premier grand prix, M. Alex* Montfort,xIe Paris, élève
de MM. Berton, Boïeldieu et Fétis (cantate exécutée à l'ouverture de là
séance) ; second grand prix, M. Laur. Fr. Ed. Millauit, de Paris, élève de
iWM. Boïeldieu , Lesueur et Fétis.
La séance /est terminée par l'exécution d'une, scène italienne ( Maria di
Brabante), musique de M. Alb, Guillion, pensionnaire du Roi à Rome,
élève de MM, Berton et Fétis.
r' LIVRES NOUVEAUX.
• - » ■ *
; FRANCE.
, Nouveau jy s terne d'enseignement du latin , ou Essai sur la .valeur des prépo-
sitions latines, développée par des figures, et (sur) la possibilité de soumettre
l'étude des langues anciennes et modernes à l'esprit d'analyse et à la méthode
rigoureuse dès niaftiênlaticicfns;. précédé d'observations sur les inconvéniens du
système actuel d'instruction publique , t>ar M. F. G. Pottier, professeur d'huma**
nités au collège royal de Henri XV^Jçaris, imprimerie de Lachevardière, li-
brairie de Roret, 1829 , in-Ô.°, ci; et 224 pages. Dans sa préface, l'auteur
oppose aux explications usuelles de quelques mots latins celles qu'il croit plus
méthodiques, il rèofiercKe iensuife li -Wiéorfe génlérale des prépositions latines.
L'ouvrage contient l'analyse grammaticale de chacune de ces prépositions, dis-
posées dans l'ordre alphabétique , depuis Ab jusqu'à Ultra. II est possible de
-ne point adopter toutes les idées générales de M. Pottier, et de contester
quelques-uns des détails qu'il expose ; mais son livre suppose une étude atten-
tive de la littérature classique des Latins, et des meilleurs traités de grammaire
anciens et modernes. — Le même auteur a publié, eu 1830 , chez M. Lâche*
vardière, un .volume in-8.°i intitulé:^ Sa Majesté Louis-Philippe) Roi des
Français , sur l'Instruction, viij et 128 pages. L'auteur y entremêle a sa théorie
les reproches, trop amers sans doute, qu il se croit en droit d'adresser au conseil
de l'université.
La Divine Comédie de Dante AHghieri , traduite ea français, par M. A, F.
Artaud , ancien chargé d'affaires de France à Florence, à Vienne et à Rome;
avec le texte italien en regard, et des notes. Paris, Firmin Didot, 9 vol.
in- 1 8. —L'Enfer, deuxième édition, 1828,3 voI.T.I,xxxj et 226 pages; avant»
prgposf vie de Dante , les onze premiers chants du poëme, et les notes qui les
concernent (avec une gravure). T. II, 246 pag., ch. XII-XXII. T. III, 286 p.,
ch. XJUII-XXXIV. — Le Purgatoire, deuxième édition , Ujjo, 3 vol. T. I , viij
et 253 pag. Avant-propos, ch. I-XI, et notes ( avec un^gravure). T. II, 226
pag., ch. XII-XXII. T. 111 , 243 pag., ch. xxiil-xxxin (Sur les vers proven-
çaux qui terminent le 26.* chant, M. Artaud a recueilli les remarques de M.Ray-
nouard qu'on a lues dans notre cahier de février dernier, pag. 67-78). — Le
Paradis, deuxième* édition, 18 jo,,} vol. vj et 244 pag* Dédicace du traduc-
OCTOBRE 1830. (Î37
tturà sa fille, avant-propos, ch. I-XI, et notes (avec une gravure ). T< II ,236 p. ,
ch. xii-xxii. T. III, 243 pag. ; les onze derniers chants. Cette traduction a
obtenu un grand succès.
Chansons du châtelain de Coucy , revues sur tous les manuscrits , par M. Fran-
cisque Michel; suivies de l'ancienne musique, mise en notation moderne, avec
accompagnement de piano, par M* Perne , correspondant de l'Institut royal de
France. Paris, imprimerie de Crapelet, 1830, cr. in-8.° « Cette édition des
«Chansons de Regnault de Coucy, châtelain de Côucy, tirée à cent vingt
» exemplaires sur papier Jésus , quinze sur papier de Hollande, et deux sur vélin ,
» numérotés à la presse, aux frais et par les soins de Francisque Michel, est
» dédié à la ville Je Lyon, sa patrie. » Pag. j-xxxvij , Essai de l'éditeur sur la
Vie et les chansons du châtelain de Coucy , suivi de notes et éclaircisse-
mens. Pag. 1-16, Chronique du châtelain de Coucy et de h dame de Fayel.
a Au temps que le roy Phi lippes régnoit, &c. ; » suivie de notes, et de la des-
cription des manuscrits où se trouvent les chansons du châtelain. Pages 17-128,
les vingt-quatre chansons, suivies d'additions et corrections, et de pièces de divers
auteurs. Pag. 129- 139, glossaire. Pag. i41m|95 > ancienne musique de ces chan-
sons mise en notation moderne. Pag. 197-199, table des matières , &c. Ce vo-
lume est orné de vignettes, représentant les armoiries du sire de Coucy , les
ruines de son château &c. : il est à joindre à celui dont nous avons rendu compte
dans notre cahier d'août 1829: Histoire du châtelain de Coucy, &c.
Ode à la mémoire du chevalier d'Assas et de Triaire l'artilleur, par M. J. P.
fÀrgallies. Nîmes, Bianquis-Gignoux , 1830, 16 pages in- 8.°
. Lucius Junius Brutus , tragédie en cinq actes et en vers, par M. Guill. Stan.
Andrieux ,. membre de l'Institut , secrétaire perpétuel de l'Académie française,
professeur de littérature française au collège royal de France. Paris , librairie
de M.me de Bréville, rue de TOdéou, n.° 32, 1830, in-8.0, xxxj et 9^pag.
Cette tragédie a été représentée pour la première fois sur le Théâtre français ,
le 13 septembre dernier.
, Keepsake français, ou Souvenir de littérature contemporaine, orné de dix-huit
gravures, deuxième année, 1831. Le premier volume de ce recueil a paru en
1830 : le second est dédié à la Reine des Français; il contient des morceaux de
littérature dont les auteurs sont MM. Audibert , Ballanche, Belmontet, Bé-
ranger, Chateaubriand,.,.. AI. Dumas., Français de Nantes, de Mancy ,
Sainte-Beuve, &c. MM.œcf Cottin, de Staël, Tastu, Tercy, Valdor, Val-
more.. . . ; avec 18 gravures anglaises, annoncées sous le titre $ Illustrations ?
volume i/*-&% qui, relié en soie et doré sur tranche, coûte 25 fr. On a tiré
sur grand panier vélin ^ avec fig. sur papier de Chine , avant la lettre , quelques
exemplaires dont le prix est de 60 fr. A Paris, chez Giraldon-Bovinet, passage
Vivienne , n.° 26.
Cartes géographiques et portatives des résidences royales aux environs de Paris f
dédiées à la Heine, par M. Maire : 1 , carte générale et géologique , 2 Ver-
sailles, 3 Fontainebleau , 4 Compiègne, 5 Rambouillet, 6 Saint-Germain-,
Saint-CIoud et Meudon. Paris, Delaunay,au Palais-Royal, 1830, 7/2-4." obi.
Ces six cartes sont exécutées avec un grand soin.
Paris et Londres comparés , par M. Am. de Tfasot. Paris , imprimerie de Du-
cessois, librairie de Ducollet, 1830, in-8.° , 180 pages. Le titre de ce volume
ne correspond guère qu'aux premières pages ; les autres sont remplies de divers
tf|8 JOURNAL DES SAVANS,
projets , dont le plus littéraire' est on nouveau système de versification finn*
çaise.
Œuvres de Tacite , traduites par M. C. L. F. Panckoucke : Histoires, tome
premier. Paris , de l'imprimerie de l'auteur, 1830» in-8.°, 458 pages. Préface
du traducteur, suivie de morceaux de sa version et.de celle de M. Burnouf,
comparés ; les deux premiers livres des histoires de Tacite , en latin et en
français ; notes de M. Panckoucke sur ces deux livres. Nous nous proposons de
rendre compte de ce volume. (Voy. dans notre cahier de sept. 1824, p. 563**68,
un article sur le tableau des mœurs des Germains v traduit par M. Panckoucke. )
Histoire de saint Lcys, roi de France, par Jehan, sire de JoinvHIe, revue
sur tous les manuscrits et les imprimés, par M. Francisque Michel , tom. I.#r
Paris, imprimerie de Béthùne, 1830, gr. in-t8, xlij et 302 pages. Ce volume
fait partie de la Bibliothèque choisie , par une société de gens de lettres, tousia
direction de M. Laurentie. Quand cette nouvelle édition de Joinville sera.
complète, nous la ferons plus particulièrement connoître. Les précédentes sont
indiquées et appréciées dans Y Avis que M. Francisque Michel a placé à la tête
de celle-ci, et qui est suivi d'une Notice sur Joinville. Nous venons d'annoncer,
H y a peu d'instans, les Chansons du châtelain de Coucy , publiées par le même
éditeur , qui paroit avoir fait une étude sérieuse et méthodique des monument
du moyen âge.
Histoire des communes de France, et législation municipale, depuis la fin dtfc
XIe siècle jusqu'à nos jours, dédiée aux deux chambres, par M. P. J. S.
Dufey, de FYonne. Deuxième édition. Paris , imprimerie ne Marchand du
' Breuil, librairie de M.m* Vergne, in^8.* de 24 feuille*. Prix, 6 fr. La première
édition est de 1828 ( voy. Journal des Savons , fum , 1 829 , p. 374 ), L ouvragé
est divisé en quinze chapitres: 1, Régime municipal depuis les plus anciens
temps jusqu'au ministère de Snger et des frères Garlande ( xil.e siècle ). II et
III, jusqu'au'règne de Louis XI. IV, V et VI , jusqu'aux États généraux de 1614
et à l'assemblée des notables de 1626. VII , sous Louis XIV. VIII, au XVliL*
siècle jusqu'en 1777» IX et X , jusqu'en 1789. XI, XII et XIII, en 1789,
1790 et 1791 . XIV, Depuis 1792 jusqu'à présent. XV, Résumé et conclusions.
Conséquences du système de cour établi sout François 1." , première livraison ,
contenant l'histoire politique des grands offices de la maison et couronne de
France, des dignités de la cour, et particulièrement des marquis, et du sys-
tème nobiliaire depuis François L", par M. P, Rœderer. Paris, imprimerie de
Lachevardière , librairie d'Hector Bossange, 1830, 1 27 pages tn*S.'
Notice historique sur la distribution de la décoration de la légion d'honneur
dans le vallon de Terlinctun, près la ville de Boulogne-sur-Mer, le 28 ther»
midor an 12 [ 16 août 1804]» et sur la pierre monumentale destinée à trans-
mettre le souvenir de cette fête solennelle , par M. B. Bertrand , D. M. Bouw
logne-sur-Mer , imprimerie de F. Bible, 1030 , 31 pages in-8.° M. Bertrand
est auteur d'un Précis de l'histoire de Boulogne, en 2 vol. in-8.9 ( voy. Journal
des Savans, août 1828, p. 509, octobre 1829, p. 635 )•
Dissertations politiques et philosophiques sur les principes des gouvernemens,
les délibérations des assemblées , &c. , par M. L. M., ancien élève de l'École
riy technique! Paris, imprimerie de Fain, librairie de Carilian-Gœury, 1830,
et 103 pages in- 8.*
Mélanges d'antiquités grecques et romaines, on Observations sur plusieurs
OCTOBRE 1830. 63$
bas-reliefs antiques da musée royal du Louvre , par M. le comte de Ciarae ,
conservateur de la première des deux divisions du Musée royal des antiques
du Louvre. Paris, Firmin Didot, 1^30, 80 pages in-8.9 «Ces observations sont
» tirées de la nouvelle édition', qui sera bientôt publiée, de la Description du
» Musée des antiques , et de l'ouvrage du même auteur, intitulé Alusée de
» sculpture antique et moderne» *
Cours d'antiquités monumentales, professé à Caen par M. de C au mont,
secrétaire perpétuel de la Société des antiquaires de Normandie, &c. Histoire
de Fart dans l'ouest de la France, depuis les temps les plus reculés jusqu'au
XVii.e siècle, tome I.er, première partie, ère celtique. Caen, imprimerie de
Chalopio. Rouen, librairie de Frère. Paris, librairie de Lance, 1030, xvj et
271 pages in-8.° Nous reviendrons sur cet ouvrage, qui doit contribuera
étendre e&à diriger l'étude des monumens celtiques. »
Revue normande, rédigée par une société de savans et de littérateurs de
Rouen, de Caen, et des principales villes de la Normandie, sous la direction
de M. de Caumont, i.-r vol., première . partie. Caen, imprimerie de Cha-
lopin; Rouen et Paris, librairies de Frère et de Lance; septembre, 1830, i/i-&%
îx et 1 50 pages. La Revue normande paroîtra de quatre mois en quatre mois,
par cahiers de huit feuilles au moins, qui formeront un volume in- S S en chaque
année. Le prix de l'abonnement annuel est de 15 fr.
Considérations générales sur Us volcans , et examen critique des diverses
théories qui ont été successivement proposées pour expliquer les phénomènes
volcaniques; par M. J. Girardin. Rouen, impr. de Periaux jeune ; Paris, librairie
de Carilian Gceury , 1831 , //!-&• , 252 pages.
Recueil général des anciennes lois françaises depuis Tan 4*0 jusqu'à la révo-
lution de 1789, par MM. Isambert, conseiller à la cour de cassation ; dt
Crusy , directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère delà Justice;
Taillandier* conseiller à la cour royale de Parts. Tome XX : juin 1687 —
i.er septembre 1715. Parts, împr. de Gratiot, librairies de Belin le Prieur er
de Verdière, 1830, in-8s , 648 pages — Tome XX] , i.er septembre 171 j —
i.er jauvier 1737, in-8.° , 422 pages. Prnc de chaque volume, 7 fr. Nous
avons annoncé les dix-huit premiers tomes de cette utile collection , ainsi que
les six qui correspondent au régne de Louis XVI. Voye^ nos cahiers de nov,
1822, p. 643-650; mai 1824., p. 413-419; octobre 1829, p. 637; janvier
1836, p. 62, &c. H ne reste à puolier que les lois qui appartiennent aux trente-
huit dernières arVnçes de Louis XV : 1737-1774. oous fort peu de temps, ce
recueil sera complet, et nous achèverons de le faire connoître par une analyse
plu» étendue de toutes les parties qui le composent.
Essai sur Us finances , par M. Ducherne, avocat à Grenoble. Paris , impr.
de.^ondey-Dupré, librairie de Delaunay , 1831, in-8.0, vj et 540 pages.
Prix 7 fr. Nous annonçons cet ouvrage , parce qu'il nous paroh offrir un
ensemble de notions positives , exposées avec clarté, distribuées avec méthode.
On y peut puiser une connoissauce exacte de la plupait des faits relatifs aux
dépenses et aux recettes du gouvernement français. L'auteur a u.<é du droit
d!y, joindre ses propres idées sur la manière de limiter ou régler les unes et
(es- pitres : l'examen de ces parues de son travail entraînerait des discussions
politiques qui doivent rester étrangères au Journal des Savans.
" :{
6io JOURNAL DES SAVANS.
Explication du mot de Messe , par M. J. L, ( la Bouderie ). Paris, impriment
de Pfassan, 1830, in-8.c Ce morceau d'histoire liturgique est suivi de quelques
détails historiques sur la béatification et la canonisation.
Annuaire pour l'an i8ji, présenté au Roi par le Bureau des longitudes,
Paris, Bachelier, 188 pages in-/ 8,
PAYS- BAS. Disscrtatio litteraria de Deo Platon is, quam.— pro gradu docto-
rat û$ summisqr.e honoribus ac privilegiis in Academia Iugduno-batava rite
et légitimé consequendis, publico et solemni examini submittit Joannes Tide*
man Amstelodamensis, diejcviij januarii 1830. Arastelodami, ex officinâtypo*
graphicâ A. Zweeaardt, in-8.° , xvij et 214 pag.
ITALIE. Nuovo Di^ionario de3 Sinonimi délia lingua italiana, di N. Toma»
seo. Ficenze, Luîgi Pezzati, 1830 , in-f.0
Essai sur la 'géographie physique et botanique du royaume de Nûples, pai
M. Tenore. Naples, imprimerie française , in-8.° 9 103 pages, avec deux cartel
géographiques coloriées.
ANGLETERRE. Notes on Haïti, made dnring a résidence m that repuhlic*
Notes sur Haïti, prises durant un séjour dans cette république, par Ch.
JMackensie. Londres, Colburn et Bentley, 1830, 2 vol. in-8.ê
Commentants on the life and reign of Charles the first* Commentaires sur
la vie et le règne de Charles L" , par J, d'Israeli, Londres, Colburn, 1830,
5 vol. in- 8.°
Nota.' On peut s'adressera la librairie de M. Levrault, à Paris, ruede I4
Harpe , n.° 8t ; et a Strasbourg, rue des Serruriers, pour se procurer les divers
ouvrages annoncés dans le Journal des Savons* Il faut affranchir Us lettres et
le prix présumé des ouvrages.
TABLE
The Fortunate Union , a romance translated from the cfiinese original,
with notes and illustrations. ( Article de Af. Abel-Rémusat. ). . . Pag. 579»
Abrégé de l'ouvrage intitulé le Compagnon du Solitaire, par
Aj. Gustave FlugeL ( Article de M. $uvestre de Sacy.) 593.
Transactions oft/ie royal Society of littérature ofthe unlted Kingdonx,
( Second article de AI. Letronne. ) . 60 J .
Œuvres diverses, italiennes et françaises , d'Ennius Quirinus Visconti,
par le docteur J. Labus. ( Article de M. Raoul- Rochette. ) . . .. 61 1,
Lettre à Af. le chevalier P. 0. Bronsted , sur quelques médailles
cufiques dans le cabinet du roi de Danemark , par M. Jac. Chu
Lindberg. ( Article de M. Silvestre de Sacy. ). , 63p.
Bejdragen tôt de Flora van Nederlandsch Indie , uitgegeven door C* L.
Blume. ( Article de M. Abel-Rémusat. ) 63a.
Nouvelles littéraires * . t O^i
FIN DE LA TABLE.
JOURNAL
DES SAVANS
NOVEMBRE J830.
t ■
:•:!:.••■■
^»-f
« *
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1830.
\
J ■•
jr
V «i
» ^
f
fl"
■ *
■ * -■ ■
i
« * / -
\ i
» >
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 40 fr. par la poste» hors de Paris, On s'abonne, à la maison de
librairie LEVRAULT, à Paris, rue de la Harpe, n.° 85 ; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33. Il faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouvea ux, les lettres , avis , mémoires, &c. , qui
peuvent concerner LA ftÉDAGTWff' de- ce journal , doivent être
adressés [au bureau du Journal des Savans, à Paris, rue de
Ménil-montant , n.° 22.
'.-■ \ tj ;
».
o?Hi
JOURNAL
« r .,.»,?
DES S A VAN S.
NOVEMBRE 1830.
Annals and anti quittes of Rajasthan , or the central and western
Rajpoot states of India, by lieutenant- colonel James Tod,
la te political agent to the western Rajpoot states; vol,. I. — ^
Annales et, antiquités du Rajasthan , ou des états des Rajr
poiites dans les répons centrales et occidentales de l Inde 0 par
M. le lieutenant-colonel J. Tod ; cl- devant agent politique
auprès des étais occidentaux dès Rajpoutes; tome I. Londres.
1 829 , xxx et 806 pag. grand in-4.0, avec divers tableaux
et planches gravées.
v^j'EST peut-être une entreprise téméraire que d'essayer de fore con-
noître, même très-superficiellement, en un ou deux articles <Tun
journal , un volume in- 4* de plus de 800 .pages , où la mythologie et
Fhistoire , des traditions embellies ou défigurées par l'imagination dès
poètes et des conjectures plus ou moins plausibles, mais toujours
fondées sur un nombre infini de rapprochement ingénieux , les antiquités
et les monutaens de tout genre, comme les aventures personnelles d'un
voyageur , les questions les plus délicates de la critique historique et
les considérations les plus graves de la politique , se trouvent réunis
ou plutôt mêlés et coitfbndus ; un ouvrage pour la juste appréciation
duquel il faudrait, à chaque instant, avant d'admettre ou de rejeter les
opinions de l'auteur , peser et soumettre à répreuve de fa, critique les
preuves empruntées aux historiens cfe la Grèce et de Rome , aux poètes
et aux mythologues indiens, aussi bien qu'aux anciennes chroniques de$
Mrtimm a % *,*!"
644 JOURNAL DES SAVA-NS, '
peuples du nord et de toutes ces nations que l'Asie a vomies à diverses
époques sur l'Europe; un ouvrage, enfin, où jouent un rôle très- «
important les ^étymologies et la comparaison des langues , genre de
preuves dont F usage légitime est cértairiefaient chine grande autorité ,
mais dont il est si facile d'abuser. Aussi devons-nous ', "avant tout, nous
empresser d'avertir les lecteurs que , tout-à-fait étrangers aux langues
de l'Inde , et inhabiles par conséquent à appliquer la critique aux monu-
mens écrits de tout genre de ce$ contrées » nous admettrons toutes les
autorités qu'ils fournissent au savant auteur, lors même que nous
pourrions concevoir quelques doutes sur leur authenticité ou leur
interprétation. Nous serons d'ailleurs obligés à passer tout-à-fait sous
silence plusieurs des objets qui occupent une place importante dans
l'ouvrage de M. Tod, ou à les indiquer seulement en peu de mots. Ce-
qui nous occupera principalement , ce sera de faire connohre jusqu'à
quel point on peut espérer de trouver, dans les traditions et les monu-
mens du Rajas than , quelques données certaines ou du moins très-
Vraisemblables , capables de former la base , ou, si l'on veut, le canevas
d'une histoire de rlftde antérieurement à l'invasion des musulmans.
En dirigeant principalement vers cet objet l'attention des lecteurs ,
nous entrons tovit-à-fkit dans les vues de M. Tod lui-même, comme on
le voit par l'introduction qu'il a placée à la tète de son livre , et dont
nous allons donner une idée. '
Les espérances qu'on avoit d'abord conçues de trouver dans la
littérature sanscrite une source abondante de notions historiques qui
pourroient jeter un grand jour sur les premiers âges du monde , ayyit
été pendant. long- temps complètement déçues , une opinion ou, si l'on
veut, un préjugé tout contraire a prévalu parmi les savans, et Ton
croît assez généralement aujourd'hui que les peuples de l'Inde n'ont
point et n'ont jamais ëù d'histoire nationale. II y a, suivant toute
apparence , Beaucoup d'exagération dans cette opinion, comme l'espoir
que , sous ce point de vue , on avoit fondé sur la littérature indienne,
é.toit exagéré. Les annales du royaume de Caschmir, écrites pàrdiffèrens
historiens, indiens» et que le savant M. Wilson a fait connoître dans le
tome XV àes* Recherches asiatiques 9 ont déjà prouvé que les compositions
historiques ne sont pas étrangères à la littérature sanscrite , et il est
permis .de concevoir l'espérance de découvrir d'autres ouvrages du
même gjenre.ll faut pourtant observer que, quand on viendfoit à trouver
beaucoup d'autres annales dçs provinces ou des royaumes de l'Jrtde ,
semblables zn Raja Tarringini ou Annales de Caschmir , l'histoire des
âges anciens du monde y gagnerait vraisemblablement bien peu.
NOVEMBRE 1830. 64
M. Tod, au surplus, remarque que nous sommes encore aujourd'hui bie
loin de connoître toute l'étendue de la littérature indienne, et qu'on
peut sans témérité attendre de nouvelles lumières d'un nombre considé-
rable d'anciennes bibliothèques, antérieures aux invasions des musul-
mans , et qui ont échappé à leurs recherches et à leur fanatisme
destructeur. De semblables collections , soit publiques, soit particu-
lières, sont communes dans les provinces centrales et occidentales de
l'Inde. Parmi les livres qu'elles renferment , il y en a qui sont écrits en
un caractère inconnu aujourd'hui aux propriétaires de ces collections.
Certes, il est bien difficile de supposer que, chez des peuples où les
sciences, les lettres et les arts étoient cultivés avec tant de succès, il ne
soit venu en idée à personne de consigner par écrit les événemens qui
intéressoient les nations ou les princes. Comment un peuple qui nous
a laissé tant de monumens de son existence et de sa grandeur, dans les
ruines de Hastinapour et d'Indraprestha (aujourd'hui Dehlî) , d'Anhal-
warra (Nehrwala ou Pattan, dans le Guzarate) et de Soumenat,
dans les excavations d'Éléphanta et tfEIIora , auroit-il été sans histo-
riens ! Ne faut-il pas plutôt attribuer la disette de monumens historiques
écrits , aux musulmans qui , à tant de reprises , depuis bien des siècles ,
ont envahi et dévasté ces contrées! C'est un fait dont ces invasions
étrangères suffisent pour rendre compte, que , pour les temps qui se
sont écoulés depuis la mémorable guerre qui fait le sujet du grand
poème épique Makabharata, jusqu'à l'expédition d'Alexandre, et depuis
ce grand événement jusqu'à l'invasion de Mahmoud le Gaznévide, la
littérature indienne a offert à peine à la curiosité des Européens quelques
lignes vraiment historiques, excepté toutefois les annales de Caschmir.
Cependant, dans l'Histoire héroïque de Pirthiraja (i), le dernier des
souverains indiens de Dehli, écrite par le barde Tchand ( je me sers ici
de la dénomination de barde , parce que c'est elle qu'emploie constam-
ment M. Tod ) , nous trouvons des indications qui nous autorisent à
penser que , lorsqu'il écrivoit , il existoit des compositions de la nature
de la sienne propre , pour les temps qui séparent Mahmoud le Gaz-
névide de Schéhab-eddin Gouride ( 1000 de J. C. à noj ).
Au reste, dit M. Tod , si nous manquons encore , pour l'histoire
ancienne de l'Inde, d'annales proprement dites, il existe une foule
d'autres sources qui, sous la main d'un critique habile et patient, peuvent
(1) Pour la transcription des nomi indiens , je me suis en général conformé
à 1 orthographe de M. Tod , excepté dans le cas où leur prononciation mVtoic
parfaitement connue.
'
646 JOURNAL DES S A VAN S,
fournir , pour remplir cette lacune f dès matériaux qui ne sont nulle-»
ment à mépriser. Au premier rang sont les Pourana, Ces ouvrages t
toujours suivant M. Tod , au milieu de détails mythologiques , dajlé-
gories , et de circonstances improbables , contiennent néanmoins beau*
coup .de faits qui peuvent servir comme de points de reconnoissanoe
pour diriger les recherches de l'historien* M. Tod applique aux Pouranfi
ce que Hume a dit des annales et des annalistes de i'heptarchfe
saxonne (i); et ce jugement réduit, ce nous semble, à bien peu de
chose le secours que l'histoire peut attendre des Pourana : d'ailleurs f
pour faire uii usage légitime de ces légendes , et ?vant d'entreprendre
avec quelque espoir de succès le départ de la vérité , cachée peut-être
sous ces fables , il fàu droit pouvoir fixer avec vraisemblance l'époque
où chacun de ces livres a été écrit , en connoître les auteurs, et savoir
sous l'influence de quelles circonstances ils ont été composés. Or , c'est
précisément , nous le croyons du moins , ce que , jusqu'à présent , if
n'est point possible de faire.
Les, poèmes héroïques de l'Inde sont la seconde source à laquelle
peut puiser l'historien. « Dans l'Inde , dit M. Tod , Calliope a reçu Iç
» culte des bardes, depuis le temps de Viyasa, contemporain de Job ,
» jusqu'à celui de Béni-dasa , le chroniqueur actuel du Méwar. Les
» poètes sont les principaux , pour ne pas dire les seuls historiens de
» l'Inde occidentale , et il n'en manque pas ; toutefois ils ont un
» langage particulier , qui veut être traduit dans le langage simple de
» la probabilité. En dédommagement de leur enflure et de leur obscu-
» rite , leur plume est libre ; le despotisme des princes rajpoutes ne
» s'étend point jusqu'aux chants des poètes ; ces chants coulent sans
» autre contrainte que celle que leur impose la. rigueur inflexible dé
»Ia s tance serpentine [ tchand bhoijounga ] ', contrainte qui, il faut
» l'avouer , n'est pas un petit obstacle à la marche*Iibre de la muse
» historique. » Il est fâcheux que cet éloge de la liberté que le despo-
tisme laisse à la plume -du poète, éprouve, de l'aveu de M. Tod, u&e
■ ■■'
(i) ce Elles abondent en noms, mais sont extrêmement stériles en faits,
» ou bien ces faits sont tellement racontés, dépouillés de leurs causes ec de
» leurs circonstances , aue l'écrivain le plus profond et le plus éloquent doit
• désespérer de les rendre instructifs ou amusa n s pour le lecteur. Les moines
»( substituez aux moines les brahmines) vivant éloignés des affaires publiques ,
» ne considéraient toutes les transactions civiles que dans leurs rapports avec les
» affaires ecclésiastiques, et étoiem excessivement crédules , amis du merveil-
leux et enclins à l'imposture. » Nous pensons que, pour ce dernier trait,,
l'historien anglais a cédé lui-même à un sentiment de partialité. v
NOVEMBRE 1830. 647
bien importante restriction , par la libéralité avec laquelle les princes
paient la louange et ia flatterie , et par l'empressement des poètes à
obtenir le prix de leurs complaisances. Sans doute cette circonstance
diminue de beaucoup le .prix que l'historien peut attacher à ces poèmes
héroïques, ce qui n'empêche pas toutefois que, quand ils sont dus à
des poètes contemporains de* princes qu'ils chantent, l'histoire ne puisse
tirer un parti très -utile de ces compositions. Peut-être y a-t-il bien peu
à attendre, pour l'histoire proprement dite , des épopées mythologiques ,
telles que le Mahabkarata et le Ramayana ; au contraire , des poèmes
historiques, tels que celui dont M. Tod invoque souvent l'autorité, et
qu'il a fait connoître dans un mémoire inséré dans la première partie
du tome I des Aie m oins de la Société asiatique , je veux dire l'histoire
héroïque de Pirthiraja par Tchand, présentent un intérêt très-réel à
l'historien. Il seroit à souhaiter qu'on en possédât un grand nombre
de ce genre, composés a diverses époques, sur-tout s'ils étoient
antérieurs aux invasions des Musulmans.
Enfin il existe encore une troisième sorte de documens qui , sans
avoir pris leur naissance dans l'intérêt de l'histoire politique et civile de
l'Inde, contiennent cependant un nombre considérable de renseigne-
mens historiques , propres à jeter du jour sur la géographie et la chro-
nologie. Je veux parler des monnoîes, des inscriptions gravées sur la
pierre et sur le cuivre , relatives à la construction , la réparation et la
dotation des temples ou autres établissemeus religieux; des légendes
conservées par les brahmines, concernant le même objet, et ainsique
les rites et les cérémonies pratiquées dans les lieux de pèlerinage;
enfin des écrits qui ont trait aux controverses religieuses, et qui sont
entre les mains des djaïnas. Parmi cette troisième sorte de documens,
on conçoit facilement de quelle importance sont, sur-tout sous le rap-
port chronologique , les inscriptions , et les titres de concession gravés
sur des planches de cuivre.
Tefs sont les divers matériaux a la recherche desquels M. Tod s'est
livré avec un zèle digne des plus grands éloges , pendant plusieurs
années que les intérêts politiques de la compagnie des Indes et les
devoirs de sa place l'ont obligé a passer dans la partie de l'Hindoustan
qui est connue sous les noms de Rajpoutana ou province d'Ajmir ,
et qu'il désigne sous la dénomination de Rajasthan. Je dois passer les
détails qu'il donne sur le nombre et la nature des matériaux que lui
ont fournis ses recherches , et sur les secours de tout genre dont il a
fait usage pour s'en procurer l'intelligence ; mais je ne saurois omettre
de faire remarquer, avec l'auteur, qu'il ne faut point juger de fimpor-
I
6A& JOURNAL DES SA VAN S,
tance que doit avoir l'histoire de ce pays , par le rôle très-secondai»
que jouent aujourd'hui les Rajpoutes et leurs états dans FInde centsaie
et occidentale. Peut-être le lecteur ne partagera-t-il pas tout Teinfiatè
siasme de M. Tod pour un peuple et une contrée auxquels ii *
consacré tant (Tannées de voyages , de travaux et de recherches pénibles;
mais, s'il esc impartial , il sera forcé d'avouer que, san$ cet enthousiasme,
fauteur auroit été bientôt rebuté par les difficultés de cette entreprise;
et l'Europe eût été privée , peut-être pour toujours , des lumières que
son travail ne peut manquer de jeter sur l'histoire entière de' l'Inde.
En ce qui concerne l'antiquité des familles de Rajpoutes qui se
partagent présentement ht souveraineté plus ou moins indépendant» du
Rajasthan, je ne puis mieux faire que de transcrire.ee qu'en dit M. Tod
« De toutes les dynasties , dit-il , qui exercent aujourd'hui autorité dus
» FInde centrale et occidentale , il n'y en a que deux dont l'origine né
» soit pas complètement renfermée dans les* limites de la probabilité
» historique; toutes les autres n'ayant dû- leur premier établissement
» qu'au progrès des armes musulmanes , leurs annales sont confirmées
« par celles du peuple conquérant. Ii est de fait que toutes les familles
» qui existent maintenant , n'ont obtenu leurs domaines actuels qu'à
» des époques postérieures aux invasions des Musulmans , à l'exception
» des états de Méwar et de Jessebner, et de quelques principautés plus
» petites situées dans le désert ; tandis que d'autres familles de la plus
» haute importance, telles que celles de Promara ( ou Puar), et de
»SoIanki, qui gouvemoient à Dhar (Daranaggar) et Anhalwarm,
» ont cessé d'exister depuis plusieurs siècles. »
Le passage suivant n'est pas moins important , puisqu'il expose en
quelques lignes un objet que M. Tod nous paroît n'avoir jamais perdu
de vue dans tout le cours de ses recherches et dans la rédaction de son
ouvrage, ce J'ai osé affirmer , c'est ainsi qu'il s'exprime , et j'ai essayé de
» prouver que les tribus martiales du Rajasthan et celles de l'ancienne
» Europe ont une origine commune. Je me suis étendu un peu I&igte-
» ment sur les preuves qui établissent l'existence dans l'Inde , d'un
» système féodal semblable à celui qui a dominé dans FEurope coati»
n nehtale pendant les âges passés , et dont il reste encore des traces dans
» les lois de notre propre nation. » M. Tod n'ignore pas que des
systèmes de ce genre ne trouvent pas un accès facile dans les esprits»
naturellement prévenus contre de semblables rapprochemens ; mais»
comme il soumet les preuves de ses assertions au jugement des lecteuin»
il ne doit point encourir le reproche d'avoir cherché à introduire dàri*
l'histoire des paradoxes que rien ne, justifie. On connoissoit déjà fto
NOVEMBRE 1830.
«4j
partie son opinion à cet égard , par le mémoire qu'il a inséré dans le
tome I du recueil de la Société asiatique de l'Angleterre.
En terminant cette introduction , M. Tod fait observer qu'il n'a pas
prétendu écrire précisément une histoire , ce qui i'auroit obligé d'exclure
de son livre bien des détails qui, sous d'autres points de vue , ne seront
point sans utilité, et il désire que l'on considère son ouvrage comme une
réunion de matériaux offerts à un historien futur; s'il a éprouvé une
crainte , en le composant, c'a été bien moins de les trop multiplier ,
que d'omettre quelque chose d'utile.
Après avoir donné cet extrait de l'introduction de M. Tod , je dois
présenter les principales divisions dont se compose ce premier volume.
On y trouve d'abord une esquisse de la géographie du Rajasihan ou
Rajpoutana, puis l'histoire des tribus des Rajpoutes, divisée en huit
chapitres. Vient ensuite un tableau du système féodal établi dans cette
contrée ; il contient cinq chapitres et un appindix. Une quatrième
grande division , composée de trente chapitres et d'un appendix , et qui
occupe environ six cents pages , est partagée en trois subdivisions :
i." annales de l'état de Méwar, chap. t a i 8 inclusivement; 2." établisse-
mens religieux, fêtes et usages de Méwar, chap, 19 à 24; î.°récitdes
faits personnels à l'auteur , chap. 2 $ à jo. h'appendix est formé de la
traduction de quelques inscriptions qui fixent des ères dans l'histoire
des Rajpoutes, et du traité conclu le ij janvier 1828, sous le
gouvernement du marquis Hastings , entre la compagnie des Indes et
le grand raja ou makarana Bhim-sing, rana d'Oudipour.
Pour la partie géographique , il me suffira de donner une idée
générale de ce qu'on entend aujourd'hui par Rajasthan , Rajwarra ,
comme on dit dans l'idiome vulgaire de cette contrée , ou Rajpoutana ,
selon l'appellation la plus commune , c'est à-dire , de la région où sont
renfermés les principautés ou domaines des Rajpoutes.
En se reportant a l'époque antérieure à l'établissement des petits
royaumes musulmans de Mandou et d'Ahmedabab , capitales du Malwa
et du Guzarate, établies sur les ruines de Dhar et d'Anhalwarra-Pattan,
le nom de Rajasihan s'applique à l'espace qui est terminé à l'ouest par
la vallée de l'Indus , a l'est par le Boundelkhand , au nord par les déserts
de sable situés au midi du Sétledje , et nommés Jongktl-dis ; au sud
enfin , par les monts Vindhiya, ce qui comprend à-peu-près 8 degrés
de latitude et 9 de longitude, et produit une superficie de j 50,000
milles carrés. Parmi les états qui se partagent cette vaste contrée, et dont
l'auteur se propose d'esquisser [a situation passée et actuelle , il annonce
qu'il s'attachera sur-tout a ceux qui sont situés au centre, savoir -
Nnnn
65ô JOURNAL DES SAVANS,
t.° Méwar ou Oudipour; a/ Marwar ou Jodpour; j.° Bikaneret
Kischengarh; 4** Kouta et 5/ Boundi, réunis sous la dénomination
commune de Harotî ; 6.° Amber on Jeypour avec ses dépendances ;
7.° Jesselmer; 8.° le désert indien jusqu'à fâ vallée de f Indus. Les
détails tnès~étendus dans lesquels ii se propose d'entrer relativement au
Méwar, lui permettront, ainsi qu'il l'observe, d'être plus court en
traitant des autres états. II fait connottre les circonstances qui iîont mis
à portée de recueillir les matériaux à l'aide desquels il a composé sa
description géographique du Rajasthan, et il en a dressé la carte qui
accompagne ce volume. '> . • •
Passons à fhistnire des Rajpoutes. M. Tod, s'appuyant sur quelques
traditions conservées dans les Pourana , et sur certaines circonstances
qui lui paraissent, d'accord avec ces traditions, indiquer une origine
étrangère , émet, dès les premières pages de son histoire, une hypothèse
qui sert dans la suite comme: de point central autour duquel *e groupent
tontes ses observations, savoir, que c'est des plaines de la Scythte que
sont sortis les ancêtres des Rajpoutes, aussi bien que les colonies qui
ont peuplé la Scandinavie; et que les deux races royales connues sous
les noms de Sowrya et In don, ou descends» du soleil et de la lune , qui
ne ton* que deux branchés d'une même fàmitte , reoonnoisseitt pour
leur berceau Communia région où naissent i'Oxus et le Jaxaitès. Noue
auteur ne pense point qu'il y ait trop de témérité à admettre au nombre
des dbcumens historiques , sur la foi des Pourana et de diverses légendes
mythologiques , des listes de princes qui remontent de Vtcrwnaditya à
Rama et k Crisihna , et de ceux-ci à Icschwara* fils de Menou , tige de
la race solaire, et à Bouddha, tige de la race lunaire. II pense que*,
d'après ce qu'on lit dans les Pourana relativement à l'origine de la
race lunaire, on est autorisé k conclure que ces généalogies efisftoimt
dès le temps d'Alexandre. C'est, suivant lai, une circonstance heureuse
que la chronologie qui résulte des diverses listes généalogiques fournies
par les Pourana ne présente pas un parfait accord, que le nombre des
princes varie , qu'il y ait des transpositions dans le* noms: toutefois les
principaux traits se reconnoissent également dans toutes : ce d'oà ¥ on
» doit, dit-il, tirer cette conclusion, que ces listes sont l'ouvrage de
axKfârens écrivains, qui tous ont puisé à une même source primitive. »
Nous doutons beaucoup que ce raisonnement porte la conviction daats
l'esprit de quiconque examinera avec quelque attention ces listes et les
confrontera les unes avec les autres. Que des princes qui se crotent
rtninenriH i du soleil et de iafoae , sachent par qccnr les noms et désire
respectif, cte: tous Jeu* ancètaesj'^ue les généalogistes- de profettfap
; Ilf:
NOVEMBRE 1830.
«ji
puissent réciter ces listes sans hésiter, nous ne voyons pas trop ce que
cela prouve. Ce qu'il faudrait établir sur un fondement solide , ce seroit
l'autorité des Pourana où l'on a dû puiser la connoissance de ces
généalogies. M. Tod, qui les admet, s'autorise d'un petit nombre de
laits, ou plutôt de récits mythologiques, d'où résultent des synchro-
nismes entre des personnages de la race solaire et des princes ou prin-
cesses de ia race lunaire, synchronismes qui ne s'éloignent pas beaucoup
de ceux que fourniroit la seule comparaison des généalogies respectives
de ces deux races. Mais, en supposant que ces synchronismes , transmis
par des traditions , appartiennent pour le fond des événemens à l'histoire,
n'ont-ils pas pu servir comme de jalons pour construire des généalogies
fantastiques ! ■
Au surplus , n'oublions pas de faire observer ce que M. Tod dit lui-
même avec beaucoup de vérité : « Quand , après tout, toutes ces généa-
« logies des anciennes familles de l'Inde seraient des pièces fabriquées ,
» du moins la fabrication remonte à une date ancienne, et ce sont la
n les seules notions que ces familles elles-mêmes possèdent à ce sujet.
» Après une parfaite connoissance des véritables origines antiques des
« nations , le pas le plus important dans celte carrière , c'est de connoitre
» ce que les nations elles-mêmes regardent comme tel. »
Je puis, je crois , sans témérité , appliquer à ces généalogies ce que
notre auteur dit ailleurs a l'occasion des trente-six races royales du
Rajasthan. « Le temps a emporté dans sa course plusieurs de ces
» tribus; maïs le généalogiste qui a horreur du vide dans sa mystique
" page» remplit leur place par d'autres , qui ne sont que des branches
» de quelque ancienne tige tombée dans l'oubli (pag. 211 ). »
Les calculs approximatifs auxquels s'est livré notre auteur , l'ont
déterminé a fixer environ à l'an : 2 s 6 avant l'ère chrétienne , l'établisse-
ment dans Tlnde des deux grandes races des Sourya et des Tchandra,
c'est-à-dire, des descendans du soleil et de la lune. En cela il s'éloigne,
comme il le remarque lut- même , deVAgnî-pourana , suivant lequel fa
race de Sourya, venant de l'Asie centrale, se seroit établie dans l'Inde à
une époque antérieure à l'arrivée de toute autre colonie étrangère. Ce
qui l'oblige à faire coïncider l'établissement des deux races dans l'Inde ,
c'est que Bouddha doit avoir épousé Ella, c'est-à-dire , fa terre , sœur
<rfcschwara.
Les traditions indiennes sur les diverses fondations de royaumes et de
villes attribuées à des princes des deux races , occupent ensuite
M. Tod; maïs ces traditions, semblables à celles de tous les peuples
de POrient, ont presque toujours pour bases des synonymies; et le*
65a JOURNAL DES SAVANS,
noms des fondateurs pourraient bien n'avoir été inventés que plusieurs
siècles après la fondation des villes ou des royaumes: ce qui ne veut
pas dire toutefois que toutes ces traditions soient fausses et inutiles à
recueillir , mais signifie seulement qu'elles peuvent difficilement servir
de fondement à la chronologie et à l'histoire.
Depuis Rama et Crischna jusqu'à Vicramaditya , il est assez vraisem-
blable que peu à peu la mythologie fait place à l'histoire , et que ,
parmi ce grand nombre de noms dont se composent les listes généa-
logiques, ceux auxquels se rattachent quelques événemens, appartiennent
'effectivement à des personnages dont la mémoire s'est conservée,
mais qu'on les a liés entre eux par des degrés intermédiaires dont
l'authenticité est fort douteuse ; en sorte qu'on ne peut assigner aux
faits aucune date qui ne soit très- hasardée. Tout au plus l'époque de
l'invasion v d'Alexandre peut-elle fournir un synchronisme qui fixe un
point au milieu de ce long espace de temps , où cinquante-six rois se
succèdent dans la race de Sourya, depuis Rama jusqu'à Soumhra,
lequel ne précède que de peu de temps Vicramaditya. On les connoît
sous le nom de Sotuyavansa. Les princes actuels qui font remonter leur
origine à la race solaire , descendent , dit-on , Tes uns de Lava, les autres
de Casch , tous deux fils de Rama , ce qui au surplus est encore sujet
à une variété d'opinions. Quant à ceux qui se vantent d'appartenir à là
race lunaire ou de Tchandra , les uns s'y rattachent par Youdischtra, fils
de Pandou et frère cTArjouna, les autres par Jarasandha , qui, ainsi
qu'Arjouna et Youdischtra , appartient à l'époque du Mahabharala :
ces deux lignes collatérales portent en commun le' nom SIndouvansa.
M. Todreconnoît que la liste desdescendansde Pandou par Youdischtra,
lesquels régnèrent à Indraprestha ou Dehli , est entièrement vide de
faits , ce qui assurément doit la faire paroître bien problématique. À la
vérité, s'il étoit bien démontré que Youdischtra eût institué une nouvelle
ère , appelée de son nom , et dont l'usage se conserva durant onze
cents ans , jusqu'à la conquête cTIndraprestha par Vicramaditya , il ne
pourroit point rester de doute sur l'époque de Youdischtra et de la
fondation cTIndraprestha , que M. Tod fixe par approximation à 1 1 79
ans avant J. C. et 1 123 aqs avant Vicramaditya. Mais s'il en étoit
ainsi, M. Tod lui-même n'auroit pas eu besoin de calculs approximatifs
pour fixer l'époque de Youdischtra, dont les aventures d'ailleurs
appartiennent évidemment à la fable bien plus qu'à l'histoire.
•Nous voilà parvenus au sixième chapitre de l'histoire des'Rajpoufep,,
et, (jfoprès le titre que porte ce chapitre, Histoire généalogique des tribus
dfjf Qa)poutcs depuis V\cramadîtya , on pourroit s'attendre à y trouver
NOVEMBRE l
830.
«S3
des listes des princes par lesquels les familles royale» ou princières du
Rajasthan se rattachent, soit a Vicramaditya, soit aux personnages des
branches des Souryayansa ou des Indouvansa, contemporains de ce roi.
Cependant ce qui est relatif à ce sujet a été dit dans le chapitre v ,
ou est réservé pour le chapitre VU, et le chapitre V! n'est que le
développement des deux paragraphes par lesquels il commence, et que
nous devons mettre sous les yeux des lecteurs.
« Ayant ainsi tracé, dit M. Tod , l'histoire généalogique des anciennes
» races guerrières de l'Inde, en descendant depuis la plus ancienne
m période jusquà Youdischtra et Crischna, et de la jusqu'à Vicrami-
» ditya et jusqu'à présen t , il ne sera pas hors de propos de faire quelques
» observations sur les races qui , durant ce dernier espace de temps ,
» ont fait des invasions dans l'Inde , et occupent aujourd'hui une place
» parmi les trente-six familles royales du Rajasthan.
» Les tribus dont j'entends parler ici sont les Hya ou Aswa, les
» Takschac et les Jit ou Cites. H semble qu'on trouve un garant de
» leur communauté d'origine avec les Chinois, les Tartares , les
nMogoIs,!es Hindous et les Scythes, dans les traits de ressemblance
» que présentent leur théogonie , les noms compris dans leurs antiques
» généalogies, et beaucoup d'autres points. »
Il est nécessaire d'ajouter que, sous le nom de Scythes , notre auteur
comprend toutes les peuplades qui , à diverses époques , ont passé des
contrées élevées de l'Asie centrale dans l'Europe. Aussi dans la compa-
raison que M. Tod fait de la religion, des mœurs, des coutumes, des
vétemens de ces diverses nations , avec ceux des habitans du Rajasthan ,
on voit figurer les Ases, les Celtes et leuws druides, les Germains , les
Suèves , les Cattes, les Cimbres , les Huns, les Goths , les Comans ,
et toutes les tribus de la Scandinavie. N'est-il pas à craindre que tant de
rapprochemens avec un si grand nombre de nations diverses, n'af-
foiblissent plutôt qu'ils ne fortifient le système de M. Tod , et qu'à force
de vouloir trop prouver, il n'ait rien démontré! Bornons-nous au
surplus à transcrire ce qu'il dit en finissant ce chapitre.
«Je terminerai ici ces analogies entre les races indo-scythiques du
n Rajasthan et celles de l'ancienne Europe. J'aurois pu les multiplier.
»Les anciens caractères runiques de la Scandinavie, ceux des Celtes,
» des Osques et des Etrusques , comparés avec ceux qu'on voit dans
» les temples souterrains et sur les rocs du Rajasthan et du Saouraschtra
» ( le Guzarate ) , offrent encore des traces évidentes d'une primitive
» ressemblance, et le nom même des Germains, formé de wrr [ guttrt] ,
M JOURNAL ÛfeS SAVANS,
y
» pourroft être considéré comme dérivé des mots wer (dispute] et whî
* f ennemi] ; n*it& chez les Rafpoutes. *
a> S! ces coïncidences sont purement accidentelles , fen ai déjà trdp
»dit; sinon, les autorités que j'ai citées et les hypothèses que fia
» énoncées i pourront servir à d'autres écrivains. » .
Ajoutons seulement que M. Tod rapporte la première migration des
nations scythiques dans l'Inde, au vi.* siècle avant J. C; que, sefoli
les Pourana qull cite & ce sujet," on ne trouvera plus (fans ï'Inde
* autan prince d'un sang pur ( c'est-à-dire , sans doute , descendant
*ikm mélange des rates salaire et lunaire) , mais que les Soudra, les
nTihtkac et les Yavàna (c'est-à-dire, les Turcs et lès Grecs) pire-
» vaudront. * On voit que ceci est dit sous la forme d'une prédiction ,
qu'il faut prendre touteftfe , avec M. Tod , pour Pénoncé d'un fidt
passé à l'époque oit ce Poutana a été écrit. M. Tod a cherché à établir
que tes époques des invasions des races scythiques iTmïilHtilf ufljt I
dent avec celles de leurs migrations daps fÀsie mineure et dans* ht
Scandinavie. Enfin il tient pour certain qu'elles profesoient toutes- la
refigloti de Bouddha*
De ces hypothèses archéologiques , notre auteur passe an tableau des
trente-six races royales, ou éteintes, ou encore existantes, qui ont partagé
ou se- partagent aujourd'hui b possession du Rajasthaa, et à h dts-
ctrtsfon de ce tableau.
Le tableau présente plusieurs listes assez peu d'accord sur un giand
notnbifé de noms , et dont quelques-unes ne contiennent pas le nombre
comtpfef de trente^six. L'auteur a soin de faire connoftre les sources ^|ui
fui ont fourni ces diverses listes, et il déclare qu'il s'arrêtera à h phtt
complète , qui est ie fruit de ses propres recherches, et que c'est (FapÉfes
cette liste qu'il se guidera pour donner une esquisse rapide de chacune
des trerite-six races royales ou raj-cala. Parmi ces races ou cala . H y en
a , et <?e*t le plus grand nombre, qui se divisent en satcha ou brandies,
et se subdivisent en jrùtrà ou familles : un tiers environ n'ont aucune
ramification ; on appelle ce?Ies-cî ika.
Oritte' ces racés ou tribut mHitaîres, on connoît encore, dans le
ftéjÉktftirt, quatre vihgtH^uatre tribus marchandes , la plupart Rafpoute*
(farjgfde, puis dès tnbusiaborigènes , agricoles et pastorales. WL Tod
ne donne de toutes ces autres tribus que les noms.
" VDans tes i^es ândèhs, dît-if, fl n'y avoit que deux races, ceBes dé
*'9Mty* et Tcfiari8ft£^que!fcs eh ftirenta^outées quatre autres qfat^of-
» tout Toutes les autres sont ou des subdivisions des deux races primitives
NOVEMBRE 1830. 6(î
» Sourya et Tchandra , ou bien des salcka ou branches d'origine indo-
» scythi'que, qui obtinrent, sans beaucoup de difficultés, avant 1ère
m mahométane , une place, quoique fort inférieure , parmi les trente-six
«races royales du Rajasthan. Nous pouvons assez convenablement
» considérer, pour le moment , les premières comme les races celtiques ,
» et les autres comme les races gothiques de l'Inde. »
M. Tod nous apprend que chaque xzce(satcha) a son gotmatckarya,
ou sa profession de ibi généalogique, contenant les particularités
essentielles qui la concernent, ses opinions religieuses, et l'indication de
son ancienne résidence (tj. Chaque Rajpoute devroit être en état de
répéter de mémoire son gotra-atcharya ; mais aujourd'hui , il n'y a guère
que le prêtre, le généalogiste ou le poète de la tribu qui possèdent par
cœur ce titre de famille, lequel est cependant dune grande autorité
pour fixer les affinités, et la légitimité ou l'illégitimité des mariages-
Après ces généralités, Al. Tod parcourt successivement toutes ces
races royales , et donne sur chacune d'elles quelques détails historiques,
trop courts pour qu'on puisse en apprécier l'authenticité et la liaison ,
et d'ailleurs dénués des preuves qu'on seroit en droit d'exiger. Sans
doute il a réservé ces détails pour la suite de son ouvrage , qui doit
contenir une histoire proprement dite, sinon de toutes ces races, du
moins des principales. Ici il s'est contenté de fixer les points les plus
importans, et, si j'ose m'exprimer ainsi, de tracer Jes premiers linéamens
de toutes ces histoires particulières. Je vais en donner une idée, en
prenant pour exemple la race nommée Tuar.
« La famille des Tuar , quoique reconnue pour n'être qu'une subdi-
» vision des JWoa, est admise par les meilleurs généalogistes au
» nombre des trente-six races , rang auquel sa célébrité lut donne
« justement droit. D'ordinaire nous pouvons donner l'étymologîe du
m nom de chaque race célèbre. Nous n'en avons aucune pour les Tuar ,
» et nous devons nous contenter de l'assertion du barde , qui affirme
» qu'ifs tirent leur origine des Pandou. Quand les Tuar n'auroîent a
" se faire honneur que de Vicramaditya , ce monarque souverain de
"l'Inde, dont i'ère, qui commence cinquante-six ans avant J, C. ,
» sert encore aujourdhuî comme de base à toute la chronologie în-
» dienne, cela suffiroit pour leur assurer le plus haut rang. Mai»
(l) Il me semble que M. Tod n'a pas toujours apporté assez de rigueur
dam l'usage des mot* race (cala), branche (sarcha), et famille { gotra ) ,-
en général j'ai pensé ne devoir rien changer à sa technologie , lor» misa* tjae
j'ai cm, à tort peut-être, y remarquer quelque confulieo. .
m
6)6 JOURNAL DES SA VANS,
» cette race loyale a encore d'autres titres à nôtre respect. Dehli ,
»Fancienne Indraprestha , fondée par Youdischtra, et qui , suivant la
» tradition , • étoh demeurée dans un état de ruine pendant huit cents
» ans , fut rebâtie et repeuplée par Anangpal Tuar , en l'an 808 du
*> sombrât (c'est-à-dire, de Père de Viaramaditya ) , 792 de J. C.
» Anangpal fut suivi (Tune dynastie de vingt princes, dynastie qui
» Vétteignit avec «m prince du même nom que son fondateur Anangpal,
»en<ran 1228 dû ramfoat, 1 164 de J. C, ijpsque, en contradiction
» avec la loi salique des Rajoutes, ce prince, qui n'avoit point d'enfuis,
m abdiqua fa souveraineté en faveur de son petit-fils Pirtbira|a 9 de la
*» ifccedes Tchohm; -
.3» Aujourd'hui les Tuar doivent se contenter de leur ancienne ce-
» nommée ; car H ne reste plus aucune possession indépendante à cette
» race , qui trace sa généalogie en remontant jusqu'aux Pandou , qui
» s'honore d'avoir produit Vicramaditya , et à laquelle appartient la
» dernière dynastie des empereurs de i Hindoustan.
» Ce seroit un fut qui n'a point son pareil dans l'histoire du monde ,
» si nous pouvions démontrer jusqu'à une entière conviction que le
» dernier Anangpal Tuar étoh le descendant en ligne directe Ai
«fondateur d'Indraprestha » et que la postérité de Youdischtra était
» encore assise , après un laps de deux mille deux cent cinquante ans ,
» sur le trône qu'il avoit élevé. C'est une opinion universellement
» admise , et ce fait est tout aussi bien établi que ie peuvent être beau-
» coup d'autres faits historiques d'une époque si ancienne : aucune
» dynastie, aucune famille en Europe ne peut produire des preuves
» d'une antiquité beaucoup moins reculée , aussi fortes que celles que
» peuvent faire valoir les Tuar.
» Les principales possessions que conservent aujourd'hui les Tuar ,
» sont le district de Tuargar , sur la rive droite du Tchambal, près du
* confluent de cette rivière avec la Joumna, et ie petit domaine de
» Patan-Tûatitesi dans i'état de Jeypour * domaine dont ie chef pré-
**end tenir par affinité aux anciens rois d'Indraprestha. »
/ajoute que M. Tod ne dissimule point la copfusion et les anachro-
nisme* ijue les arinales des Rafpoutes offrent dans quelques-unes de
leur* traditions. Ainsi fa race : des Y/utou mêle des* noms mahométans
i.des ftil§' dont l'époque est de beaucoup antérieure à l'ère chrétienne.
W F£*te donc à savoir si la critique a des moyens suffisons pour distinguer
ra Jç yx*f flu ^^dam (put çe.qui précède Jçs invasions des musulmans.
eqpttilBre l'ordre acfoptéjpiurM. Tçdn'efct^ pas le plus propre k faH?t*r
la Solution de q§p#gblètolt. v..pi j»p v;.- i:;:;r,- ; m '. .
NOVEMBRE 1830. 6i7
Le dernier chapitre de cette première division de l'ouvrage de
M. Tod étant tout-à-fait et exclusivement Telatif aux intérêts politiques
des dominateurs actuels de l'Inde, il nous suffit de l'indiquer à nos
lecteurs.
La seconde division de l'ouvrage que nous analysons, composée, ainsi
qu'il a été dit, de cinq chapitres, offre une esquisse du système féodal
des Rajpoutes , comparé avec celui de l'Europe. Les détails très-curieux
dans lesquels l'auteur est entré sur ce système , et dont il justifie l'exac-
titude , soit par le récit de divers événemens qui en ont été les consé-
quences , soit par un assez grand nombre de doc u mens originaux qu'il a
réunis dans un appcndix , forment un tableau d'un grand intérêt , mais
peu susceptible d'extrait. Nous le recommandons à l'attention des
lecteurs ; et nous aurions vofontiers transcrit le récit d'une anecdote
arrivée sous le règne de Djéhanghir , après que ce prince se fut rendu
maître de la place forte de Tchitore , qui étoit comme le boulevart
de l'état de Méwar , si nous n'avions craint de donner trop d'étendue à
cet article. L&istoire de la féodalité et des siècles chevaleresques de l'Eu-
rope n'offre aucun trait plus remarquable que ne l'est la rivalité de
deux branches de la race royale des Rajpoutes de Méwar , se disputant
l'honneur d'entrer les premiers dans fa forteresse cTOntala, et de
décider ainsi la contestation qui s'étoit élevée entre eux sur le droit de
former i'avant-garde de l'armée qu'avoit mise en campagne le rana de
Méwar.
Dans un second article nous nous occuperons de l'histoire particulière
de la race royale de Méwar , celle des trente-six races royales du
Rajasthan oit se sont le mieux conservés , à ce qu'il paroît, les institu-
tions , les coutumes et l'esprit d'indépendance des Rajpoutes.
SILVESTRE DE SAC Y.
. \
- 1
•
». s * . . .-■:■';. . . ^ ; '* " ' I
OOOO
6 58 JOURNAL DES SAV ANS.,
Storja ed analisi degli ahîichi romani} di càvaUeria e dei poemi
romaneschi d'Italia, cort dissertayoni sull$ origine, \sugV institutl,
su/le cerimonie de cavalierï, su/le corti d'amore, sui tornei, sulle
giostre ed armature de' paladini , sulï inven^ione e suïï uso
degli stemm i , &c. , con figure tratte dai monuments darte ;
del dottore Giulio Çerrario. Milano , dalla tipografîa dell'
autore f i 8 28- 1 8 zp , in-8.° t 4 vol.
Histoire et analyse des anciens romans, de chevalerie et des
poèmes romanesques d'Italie , avec dissertations , &c. , par le
docteur Jules Ferrario. Milan, de l'imprimerie de i au-
teur, &c. Se trouve à Paris chez Valiardi , quai Malaquais,
n.° 15. Pr. 38 fr. , et avec les planches coloriées, 68 fr.
Le titre de cet ouvrage en annonce l'importance, et l'exécution en
constate le mérite. L'auteur a eu le dessein de faire connoître spéciale*
ment , 1 .° les romans de chevalerie qui appartiennent à la. littérature
italienne ; 2.0 les poèmes romanesques de cette littérature*
Pour traiter ce sujet dans tout son ensemble , il a placé d'abord dans
son ouvrage six dissertations , qui en sont -une savante mais longue
introduction , car elles occupent autant d'espace que le fond même du
sujet.
Je commencerai , par l'examen indispensable du travail préliminaire.
a
i.fe DISSERTATION. Origine des romans du moyen âge.
Le docteur Ferrario ajoute peu de faits et peu d'observations à ce qui
avoit été écrit avant lui sur ce sujet.
Quant à l'origine du mot roman, il me semble que, sans entrer
dans aucune discussion , il auroit dû adopter tout simplement l'opinion
de M. Ginguené.
Ce savant académicien avoit pensé que l'idiome formé des débris et
de la corruption de la langue latine , avec quelque mélange de langues
du nord , se divisa en diverses branches , parmi lesquelles la langue des
troubadours et celle des trouvères eurent le nom général de langue
romane; que les diverses, compositions faites dans ces deux langues
prirent le nom de roman ; et qu'enfin ce nom , dans un sens restreint f
désigna spécialement les récits poétiques, fabuleux, héroïques du
.. -r.
i
NOVEMBRE
1830.
6j9
moyen âge , et les diverses compositions destinées a flatter et à amuser
l'imagination des peuples et leur goût pour les narrations merveilleuses
des entreprises guerrières et amoureuses.
L'analyse de ia chronique attribuée à, Turpin occupe un très-grand
nombre de pages. Le docteur Ferrario a rassemblé les différentes con-
jectures qui ont été émises sur l'auteur et sur l'époque de cet ouvrage
pseudonyme. Dans le cours de l'analyse qu'il en présente , il a soin de
désigner les pensées , les images et les détails qu'y ont puisés les auteurs
de Riçkardet , du Roland amoureux et du Roland furieux.
A l'analyse de la chronique de Turpin succèdent de longues notes
historiques sur la vie de Charlemagne: quoiqu'elles aient le mérite de
l'exactitude et de l'érudition, elles ne paroissent pas absolument
nécessaires pour arriver aux romans de chevalerie. L'auteur a discuté
l'opinion de M. Sismondi sur Roland. Une grande difficulté s'est
présentée aux écrivains qui ont regardé Roland comme un héros histo-
rique: il n'est nommé que dans Eginhari ; cet historien ne cite aucun
tait particulier de ce fameux chevalier; il ne parle même pas de sa
mort à Roncevaux.
M. Sismondi a pensé que Roland combattit sous Charles Martel
contre les Sarrasins. En supposant qu'il étoitné dans les dix premières
années du vin.' siècle, il auroit pu combattre en 752 a la bataille de
Poitiers; mais a l'époque de celle de Roncevaux, en 778, il eût été d'un
âge si avancé, qu'il serait difficile d'admettre les actes de prouesse qui
lui sont attribués.
II est étonnant que M. Sismondi ait admis l'hypothèse que Roland,
fils de Berthe et du comte Milon cTAnglante, étoît né dans les dix
premières années du vin.' siècle, puisque Pépin , père de Charlemagne
et de Berthe , ne naquit qu'en 7 1 4-
Le docteur Ferrario propose aussi une hypothèse, savoir, qu'il a
existé deux Roland, l'un sous Chartes Martel, l'autre sous Charle-
magne; il s'appuie sur Éginhart , qui, après avoir nommé Roland fils
de Berthe , sœur de Charlemagne , ajoute : « Il y eut un autre Roland ,
dont je ne dois rien dire à présent.
Mais c'est de Roland neveu de Charlemagne qu'il s'agit dans les
récits soit historiques, soit romanesques, et ce Roland n'a pu naître
qu'après la bataille de Poitiers contre les Sarrasins.
II." DISSERTATION. Origine des chevaliers , et institution de la chevalerie.
L'auteur rassemble tout ce qui a été écrit sur cette institution, que
Juste Lipse fait remonter à l'ordre équestre des Romains.
Oooo 2
66o JOURNAL DES SAVANS,
II mfe suffira de dire ici que , sous Charlemagnè et les Carfo-
vingiens, la création du chevalier consistait seulement dans la céré-
monie de lui ceindre l'épée ; mais il ne paroît pas qu'il existât d'ailleurs
des statuts , une hiérarchie , un ordre de chevalerie 9 comme les
romanciers les ont indiqués ensuite. L'auteur reproduit les détails qu'ont
donnés divers écrivains, et notamment Sainte- Palaye et Mura ton, sur
{'ordre de la chevalerie , sur les droits et les devoirs des chevaliers ;
mais il ne fournit aucune autorité particulière tirée des historiens*: eç
effet, on n'en trouve aucune avant les croisades et avant les institutions
des ordres religieux et militaires.
Parmi les causes de la décadencç de la chevalerie , l'auteur compte
avec raison l'organisation ou , si Ton veut , le rétablissement de la gen-
darmerie sous Charles VII.
Pendant le règne de François I.rT , la chevalerie reprit force et
faveur ; mais elle parut s'ensevelir dans la tombe de Henri II.
L'accident funeste de la mort de ce prince refroidit sur la tenue des
tournois, qui étoient restés encore un des exercices chevaleresques
depuis la décadence de cette célèbre institution militaire.
ili.e dissertation. Cours d'amour.
L'auteur a traité en très-grand détail cette institution du moyen âge ;
il a repris les choses de très-Ioirç, en citant Nostredame, qui ne mérite
pas toujours une entière confiance, les recherches de Crescimbeni et
de Quadrio r le traité du président Roland sur les cours d'amour, M. de
Sainte-Palaye , qui a eu occasion d'en parler dans ses mémoires sur la
chevalerie , et M. Sismondi , dans son Histoire de la littérature du midi
de l'Europe; il en est ensuite venu à l'ouvrage de M. d'Aretin, et enfin
à celui que j'ai inséré au tome II du Choix des poésies originales des
troubadours , sous le titre de Recherches sur les cours d'amour.
• Je ne sais si je m'étois mal exprimé; mais le docteur Ferrario me
reproche de n'avoir pas rendu justice aux auteurs italiens , et d'avoir
voulu donner à entendre que j'avois le premier déterré l'ouvrage
d'André le Chapelain.
Un étranger a pu se méprendre sur mes expressions et sur fespric
qui les avoît dictées. Comment me serois-je vanté d'avoir déterré un
ouvrage dont je cite, pag. Ixxxij, trois éditions, Tune sans date et
les deux autres de 1610 et i6i4> quand je dis expressément que
M. d'Aretin en avoit cité quelques fragmens , et que j'indique même
une traduction italienne !
Voici les expressions qui ont fait croire au docteur Ferrario que
NOVEMBRE 1830 66i
favois voulu dérober à Crescimbenî et à Quadrio l'avantage d'avoir
connu avant moi l'ouvragé d'André le Chapelain.
<c Comme les écrivains qui , avant moi , ont traité ce point intéressant
» de notre histoire , je serois réduit à ne présenter que des conjectures
» plus ou moins fondées , si, dans l'ouvrage de maître André , çhapelaiô
» de la cour royale de France, ouvrage NÉGLIGÉ ou ignoré par ces
» écrivains , je n'avois trouvé les preuves les pluà évidentes et les plus
» complètes de l'existence des cours d'amour , durant le xn.e Siècle,
» c'est-à-dire , de fan 1 1 5 o à l'an 1 200. »
Le docteur Ferrario auroit dû voir, dans le mot NÉGLIGÉ , que je
me fkisois un devoir d'annoncer que d'autres , avant moi , avoient connu
le traité d'André le Chapelain, car on ne néglige que ce qu'on connoît ,
mais que je cntyois qu'ils n'en avoient pas tiré tout le parti que j'espérois
en tirer moi-même.
Ai-je réussi à cet égard ! J'accepte volontiers le docteur Ferrario pour
juge; j'avoue même qu'il a mis dans son opinion sur ce point une
politesse par laquelle il semble vouloir me dédommager de sa critique.
ce Après avoir rendu , dit-il , la justice qui étoit due aux écrivains
» italiens ( Crescimbenî et Quadrio ) , nous avouerons avec une égale
» franchise que M. Raynouard, profitant, plus que tout autre , de 1 ou-
» vrage de maître André , . . • . a su composer un article qui , par la
» quantité des matières qui y sont contenues, et par l'ordre dans
» lequel elles sont distribuées , forme un ensemble qui n'existoit pas
» avant lui. »
Le docteur Ferrario déclare ensuite qu'il reproduira volontiers mon
propre travail, en y ajoutant quelques corrections et d'importantes
notices. II a traduit non-seulement le texte, mais encore les notes de
mon ouvrage ; je regarde comme un succès pour moi qu'il n'en ait
rien omis , et j'aime à l'en remercier.
Quant aux corrections et aux notices , elles ne sont pas relatives aux
cours d'amour ; ce sont des digressions sur les troubadours , sur les
jongleurs , &c. ; elles n'ont qu'un rapport très-indirect aux court
d'amour, qui elles-mêmes ne doivent être qu'un appendice dans
l'histoire de la chevalerie.
IV.C DISSERTATION. Armures des paladins , châteaux , forteresses , sièges ê
machines militaires . Ù'c.
■V. * t
L'auteur remonte à l'époque de Charfemagne; des gravures qui
représentent divers monumens qu'il indique , font connoître la plupart
dés objets dont il parle. Les divers détails qu'on lit dans cette disserta*
46z JOURNAL DES SAVONS,
tion, offrent rarement quelque chose de nouveau aux personnes qui
ont étudié les monumens du moyen âge ; mais le rapprochement de ces
nombreux objets, leur représentation par la gravure, rendent cette
dissertation une des parties les plus intéressantes de l'ouvrage. En voici
quelques traits.
Les hommes du nord , pour se donner un air martial , portaient des
moustaches courtes , lorsqu'ils faisoient leurs invasions sur ia -France ;
frais ils les quittèrent après leur établissement en Normandie. Quand ,
sous Guillaume le Conquérant, ils s'emparèrent de l'Angleterre , en
1066 y les Anglais portoient des moustaches et une touffe de poil au
menton; Guillaume, voulant opérer la fusion des deux peuples y
ordonna que chacun fût rasé.
Au sujet des palefrois et des destriers , Fauteur (fit qife le palefroi et
le roncin étoient destinés aux voyages , tandis que le destrier , conduit
à la main par des écuyers , afin qu'il ne fût pas fatigué au moment de
l'action, servoit spécialement aux chevaliers dans les batailles et dans les
tournois. Alors il quittait le palefroi pour prendre le destrier. Une
loi de f empereur Frédéric I.er établit que celui qui attaqueront un
chevalier monté sur son palefroi , seroit puni comme violateur de la
paix, tandis qu'on ne déclarait pas tel celui qui avoit attaqué un
chevalier monté sur son destrier.
En décrivant les armures des chevaliers , l'auteur indique avec raison
le capuce à mailles de fer tissues ; mais il ne donne pas son véritable
nom. C'étoit le camaïl ; les troubadours l'appeloient cap MAIL, tête,
capuce de mailles. ,
Ni aubère ab capmail
Non fon per els portatz
( Rambaud de Va que iras : ges sitôt ).
Ni haubert avec camail ne fut porté par eux.
Dans la chronique de Bertrand Duguesclrn , on lit : « II voit ses
» chevaliers bien armés de camails, »
Cette armure défensive t destinée à garantir la tète des chevaliers
contre les coups des ennemis , fournit ensuite son nom au camail des
prêtres, destiné à préserver leur tête du froid et de l'humidité des
églises; mais le p de CApMAiL roman ayant été supprimé dans l'ortho-
graphe du mot, un étymoiogiste , l'académicien Huet, évêque <TÀ-
vranches, voulant l'expliquer , «avança que le camail avoit reçu son nom
des poils du chameau , du camelot , étoffe qu'on employoit ordinaire-
ment pour le faire.
NOVEMBRE l
830.
66.
Au sujet des balistes , machines de guerre dont on se servoil pour
lancer des flèches, l'auteur, d'après Muratori, cite le concile II de
Latran , tenu en 1 1 39 sous le pontificat d'Innocent II. Le vingt-
neuvième canon défend, sous peine d'anathème , d'user , contre les
chrétiens et les catholiques, de l'art des baliataires et des sagittaires , art
mortel et réprouvé de Dieu.
Les détails sur les forteresses sont intéressans : l'auteur pense que
celles qui existoient en Italie du temps des Romains et même des Goths,
avoient été détruites , et admet qu'on en bâtit de nouvelles a l'époque des
invasions postérieures, et sur-tout de celles des Sarrasins, quand les
habitans étoient forcés de chercher les moyens les plus expédiens de
mettre leur vie et leur fortune mobilière a l'abri des attaques subites.
Les évêques, les abbés ,*les comtes et les autres puissans du siècle
sollicitoïent et obtenoïent des rois et des princes la permission de
construire des fortifications, des remparts, des tours, des châteaux,
pour résister aux barbares ; Muratori rapporte beaucoup de documens
des ix." et x.* siècles , et bientôt les pays en furent hérissés. La plupart
de ces fortifications étoient bâties sur des montagnes et sur des
hauteurs.
Au sujet des combattans appelés gialdonieri , le docteur Ferrario
critique la définition que l'académie de la Cr'usca a donnée du mot
gialda , quand elle a dit: « sorte d'arme antique, dont l'usage s'est
» perdu ainsi que la connoissance. »
Sans doute ces expressions ne définissent rien , et seraient appli-
cables à un grand nombre d'armes antiques dont on ne se sert plus et
qu'on ne connoît même plus.
Le docteur Ferrario pense que cette arme étoit une espèce de lance
ou pique, d'autant plus que, dans un manuscrit de l'ouvrage de VÏHani,
qui fait mention de ces soldats, on lit lande au lieu de gtalde.
A la faveur des renseignemens que fournissent l'idiome des trou-
badours et celui des trouvères , je présenterai ici quelques observations.
Lagel^e était composée d'une troupe d'hommes armés; on n'y voyoit
pas de chevaliers, mais seulement du peuple.
Dans la langue des troubadours , fauteur du roman de Gérard de
RossfUon a employé le moi gelda, avec l'acception de foute, multi-
tude , troupe de gens.
La GELDA venc ab ircis e ab saeeias
( Roman dt Gérard de Rotsilton, fol. 106. )
Li/ôute vint avec arcs et Sèches,
■' iiwt] uh
66£ JOURNAL DES SàVÀNS,
ir Fetz venir son pavalho
E la gelda que mena la ga/izo.
(Romande Gérard de Rossillon , fol. 106. )'
i. ^ » . . » ■ • •■ .
il fit venir sa tente et la troupe de gens <jur conduit les équipages.
, JLa . tf^duction. du {ivres des Rois, l'un des monumens tes plus
anciens de la langue des trouvères, traduit , fol. <5, ce passage du
Ijyj I,, chap. 4 « et cecideruut de Israël triginta milia pcditum , en ces
termes Y « Hi chaînait trente mille degelde.»
"':' '" ,; -Gelde WEvgeis é de Norraans. ( Roman de Rou , v. 13196.)
J; Nosut geïde et' dos homs fêtes avant haster.
.1
[Roman de Rots, v. 1522.)
Les hommes qui composoient la geïde étoient armés (Tune lance
qufow désignoit paf ; l'adjectif geldîere.
) iiiivj ■ ; r.
r
> •*,»
JCi porte arç e ki hache, kj grant lance geJdiére.
j •!,*;u
( Roman de Rou , v. 4680. )
i rEfifîqi Iescomt)attans<Jutccmîposoient I> geïde s'appelojçnt geldon.< .
•VJ ' ^ Ô ïâ prôci&ion issirent H baron,
, Chevaliers é borgeis etarchiers e §eldûn\
n( | ; ■. ri *ffâf cjj y « j^r '»0 -t ^ pferre et <lç bàston.
( Roman de Rou > y. 1628. )
j^^^r^amrr^ent des diverses acceptions qu'avoient les mots geldum ,
gitaum, venus du saxon gjld , telles que tribut , paiement ', amende) le
mot; çild^ signifia , (dan$ la bass$ latinité, réunion, société, assemblée;
et ^i^dq, confrm^qmpiisnQn. On trouve dans Dy^cange divers passages
qui çoris Wept ces acceptions-
' Le docteur Ferrario traite ensuite dps défis et des gants de^atailie ,
dbf &tjfc.d& guerre , d^s jétendarcïs1, Bannières et penons, <fes tentes et
pavillons , de l'pi^ammê de Sabû-Depjs ^<fe t celui die la famille d'Haïr*
court, du carrosse de Milan ^ qui étoit conduit à l'armée lorsque la, com-
mune combattoit ; d'autres villes avoient aussi leur carrosse. La perte
de ce signe guerner , dans urfe bataille, étoit regardée comme le plus
grand é^hèo 'du. p^ttàlwûrictfc, et. sa) prise corrime le plus beau trophée
du parti vainqueur. Frédéric 1^ #5^ &%% 1}%$* 3? Î^J?<¥Jance ^e sa
NOVEMBRE 1830. 66s
victoire contre les Milanais , envoya aux Romains ses alliés le carrosse
dont il s'étoit rendu maître.
L'invention et l'usage de la poudre opéra une grande révolution mi-
litaire-: il naquit une nouvelle tactique , et la force ne contribua plus aux
succès des combats dans la même proportion qu'autrefois.
v.e DISSERTATION. Tournois , joutes , chevaliers delà table ronde, &*c.
Malgré les recherches qui ont été faites avant le docteur Ferrario et
celles qu'il a tentées lui-même , il n'est guère possible d'avoir une
idée exacte de l'époque et des pays où les tournois furent d'abord en
usage. II est si naturel à des personnes qui s'adonnent ou se destinent
aux armes , de s'essayer dans des combats fictifs , que diverses nations
peuvent s'être livrées à ces exercices guerriers, sans en avoir pris
l'exemple des autres: au reste il a suffi, pour le dessein de l'auteur,
d'analyser les opinions des écrivains qui ont discuté ce point de critique
historique.
Parmi les nombreuses gravures qui accompagnent et éclairassent
cette dissertation , ii a placé celles de quelques bas-reliefs représentant
des joutes et aventures chevaleresques. Ces bas-reliefs en ivoire avoient
déjà été examinés dans une dissertation de M. Lévesque de la Raval-
iière (1); ils appartenoient alors à M. de Boze, de l'Académie fran-
çaise, et secrétaire de l'Académie des inscriptions et belles-lettres , dont
le nom est sans doute connu du docteur Ferrario , quoiqu'il se borne à
le nommer un certo de Boze.
Le docteur Ferrario cherche à expliquer ces bas-reliefs , et à recon-
noître à quel roman ifs ont rapport ; mais si une telle discussion offre
quelque intérêt dans un ouvrage spécial, elle occupe trop d'espace dans
celui-ci , sans aucun résultat direct pour la connoissance des joutes et
tournois.
Je dois dire pourtant que de nombreuses indications de faits histo-
riques et d'opinions d'auteurs qui ont écrit sur la matière 1 recom-
mandent particulièrement cette cinquième dissertation.
Vl.* DISSERTATION. Enseignes, armoiries, blazon, &c.
procède de la même manière que dans les dissertations pré-
cédentes ; ft recueille et compare ce qui a été écrit sur ces sujets.
(1) Histoire de V Académie des inscriptions, tome XVIII » p. 31a.
pppp
666 JOURNAL DES SA VANS ,
JI arrive enfin au point principal et essentiel de son ouvrage , c'est-
à-dire , à l'histoire et à l'analyse des romans de chevalerie et des poème»
romanesques d'Italie , que je me propose d'examiner incessamment r
mais je crois devoir, dès à présent, revendiquer pour un écrivain français
le mérite d'un travail aussi difficile qu'intéressant, qui se retrouve en
partie dans l'ouvrage italien; ce sont les généalogies des héros des
romans dont il y est question.
Quadrio avoit déjà donné quelques généalogies de ces personnages ;
M. Dutens, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, fit un ouvrage
spécial intitulé Tables généalogiques des héros de roman, avec un catalogue
des principaux ouvrages de ce genre ; Londres, chez M. Edwards, Païl-
Mall, iu-+r
Cet opuscule en tableaux est anonyme et rare ; mais je ne puis douter
qu'il ne soit connu du docteur Ferrario.
RAYNOUARD.
Transactions ofthe royal asiatic Society o/Great Britaln and
Irelana; vol. Il, part, i et H. London , 1825) et 1830,
in- 4."
PREMIER ARTICLE.
Les deux parties du second volume des Transactions de la Société
royale asiatique de la Grande Bretagne, formant ensemble plus de 700
pages , ont paru depuis que nous avons entretenu nos lecteurs des mé-
moires contenus dans le premier voiture de cette importante collection
académique { 1 ). Vingt-sept morceaux qu'elles renferment livrent à notre
examen une matière si abondante et si variée , que nous ne saurions
même essayer d'en réduire l'analyse aux bornes cTun article unique.
Nous pourrions nous contenter de joindre aux titres de ces mémoires
une indication succincte de leur contenu; mais nous tomberions dans
l'inconvénient de ne présenter qu'une aride énumération , peu propre
à satisfaire ceux de nos lecteurs qui n'ont pas à leur disposition le re-
cueil dont nous parlons. II paroît plus convenable d'insister particulière-*
(1) V*y*k notre numéro de novembre 182V.
,1 .-.-, ,
NOVEMBRE 1830. 667
ment sur un petit nombre d'écrits que recommandent également et les
noms de leurs auteurs > et l'intérêt des sujets , et de comprendre les autres
dans un résumé rapide et sommaire , ainsi que nous l'avons fait à l'égard
du volume précédent.
Celui-ci s'ouvre par la cinquième partie des recherches de M. Cole-
brooke, sur la philosophie des Hindous : elle sert à compléter ce que ce
savant illustre avoit dit du mimansa pratique, dans un morceau anté-
rieur, qui a été publié par la société ( 1 ) t et dont .nous avons rendu un
compte détaillé (2}. C'est donc un devoir pour nous de donner aussi
le complément de nos précédera extraits , qui s'étendront par-là à l'en-
semble du beau travail exécuté par le président de la Société asiatique.
Le système dont il s'agit dans ce nouveau mémoire est appelé outtara
mimansa ( mimansa supérieur ) , par opposition au mimansa pratique,
parce qu'il consiste dans la recherche des preuves qu'on peut déduire
des Védas par rapport à la théologie , comme l'autre a pour objet les
eeuvres et le mérite qu'elles produisent. On le nomme aussi védanta,
terme qui signifie conclusion des Védas, et qui est relatif aux Oupani-
siads, lesquels, pour la plupart, forment une section additionnelle aux
Védas , auxquels ils appartiennent. Le même mot , dans une autre accep-
tion plus large, exprime aussi la fin et le but des Védas. Les sectateurs
du védanta se partagent en plusieurs sectes anciennes et modernes , sur
lesquelles M. Colebrooke se propose de revenir plus tard. I! cite les titres
d'une douzaine d Oupanishads, dont l'autorité est le plus souvent invoquée
dans ces livres. Certains exercices religieux, par exemple une profonde
méditation prolongée dans une posture particulière , sont recommandés
comme une préparation convenable au savbhr divin. La partie des Védas
qui concerne cet exercice est donc un des fondemçns de la doctrine du
védanta : mais le livre capital où elle est enseignée est le recueil des
Soutras ou aphorismes , intitulé Brahma-s outra ou Sharlrâka mimansa.
Beaucoup de commentaires, et des poèmes didactiques, tels que le
Bkugavat~gitâ et le Yâga*vasishiha , réputés inspirés pour Texeef lèhce de
leur doctrine , sont destinés à éclaircir le sens du recueil dont il s'agît.
On l'attribue à Bâdarâyanâ, qui est le même que Vyàsa, surnommé
Véda-yyâsa. Ce personnage , suivant la mythologie , avoit , dam une
existence antérieure , acquis une connoissance parfaite de là révélation
et de la science divine \ et il avoit obtenu par-là la béatitude éternelle.
Néanmoins > par un commandement exprès de Dieu , H reprit un corps
et «ne forme humaine ; et dans la période qui sépara le troisième âge du
11 j»i
(1) Transactions, tom. I, p. 439. — (^)t Numéro d$ mui» J&&
Pppp a
668 JOURNAL DES SAVANS,
inonde actuel du quatrième âge , ii fut le rédacteur des Védas , ce que
son nom de Vyâsa signifie. Les Pouranas le représentent comme une
incarnation de Vishnou. En laissant de côté les traditions mythologi-
ques , il est naturel d'admettre que celui qui mit en ordre les Védas , rut
conduit à composer un traité sur Fessence de leur doctrine. II est moins
vraisemblable qu'il ait été aussi l'auteur du Mahâbhârata et de plusieurs
des principaux Pouranas, puisqu'on trouve dans ces livres beaucoup
d'idées qui sont en contradiction avec les aphorisme* en question* Le
nom de Vyâsa est plusieurs fois cité à la troisième personne dans le
recueil qu'on lui attribue : il en faut conclure qu'un disciple est le véri-
table rédacteur du livre qui passe sous le nom du maître. Quelques autres
écrivains sont pareillement cités , ce qui établit leur antériorité à l'égard
du recueil ou leurs noms ont trouvé place. Le Shariraha doit aussi , par
la même raison , être postérieur au Yoga de Patandjali , au Sankhya de
Kapila , au système atomistique de Kanadi , aux sectes des Djaïnas , des
Baoudhas , des Pâshoupatas , et d'autres schismatiques , dont les opi-
nions y sont fréquemment combattues et réfutées. D'après ces circons-
tances, M. Colebrooke conclut que ce recueil est le plus récent des six
grands systèmes philosophiques postérieurs aux hérésies qui prirent nais-
sance parmi les Hindous des castes militaires et marchandes , lesquelles,
rejetant l'autorité des Védas , proposèrent comme objet d'adoration un
Djaïna ou un Bouddha plus moderne même que les sectes qui, reconnois-
sant les Védas , s'écartent , en les interprétant , de la doctrine orthodoxe.
Mais si cela est , quelle part le rédacteur de ces mêmes Védas , l'antique
Vyâsa, conserve- 1- il dans la composition du recueil qu'on met sous son
nom î et comment distinguer , parmi ses aphorismes , ceux qu'il a
vraiment écrits au temps de la composition des Védas , et ceux qu'on y
a joints à des époques bien plus rapprochées de nous ? Voilà une de ces
questions littéraires si importantes pour l'histoire de la philosophie,
qui se présentent à l'occasion de presque tous les monumens de la litté-
rature indienne , et pour laquelle M. Colebrooke ne nous fournit pas
de solution , vraisemblablement parce qu'il n'est pas possible d'y ré-
pondre.
La forme des aphorismes attribués à Vyâsa, et les différentes par-
ties dont chacun de ces aphorismes se compose , ressemblent à ce qui
s'observe dans ceux du mimansa pratique , et que nous avons fait con-
nottre (i }. La méthode en est la même; et parmi les six moyens d'arriver
I la connaissance , on trouve également le syllogisme régulier que nous
(0 Journal des Savant, 1828, p* 161.
NOVEMBRE I 830.
6q*û
avions eu occasion de remarquer précédemment (1). La question qui se
présente naturellement , c'est de savoir si celte forme d'argument a été
empruntée d« Grecs , ou si elle est assez facile a inventer pour être née
dans l'Inde même , indépendamment de toute communication éirangère.
M. Colebrooke ,qui ne l'a trouvée que dans des ouvragesassez récens,
semble ici pencher vers la première de ces deux suppositions. L'auteur
réserve pour un autre mémoire l'examen de fa logique des deux ni-
maasas , qui mérite d'être étudiée avec soin , mais qui a été soumise à
une forme régulière par les sectateurs plutôt que par les fondateurs de
cette double école.
Les aphorismes du mlmansa théologique sont de la dernière obscu-
rité, et n'ont jamais pu être entendus sans le secours d'un commentaire.
Les solutions y sont indiquées plutôt qu'exposées ; et il faut que le sens
en ait été expliqué par l'auteur, oralement ou par écrit, ainsi que cela a
dû avoir lieu pour les aphorismes des autres sciences indiennes. Plusieurs
commentateurs on t entrepris d'y jeter du jour, et M , Colebrooke rapporte
les noms des principaux. Le plus célèbre est ce Sankara-âtcharya, fonda-
teur lui-même de l'une des sectes qui dominent encore de nos jours.
L'âge où a vécu ce personnage a été l'objet des recherches de M. Cole-
brooke, de M. Wilson et du savant brahmane Râma-môhen-râya: tous
trois sont d'accord a le placer à la fin du vin.* ou au commencement
du IX.' siècle de notre ère. 11 n'y a pas moyen de déterminer l'époque
des scholiastes plus anciens. Si le personnage auquel on attribue la ré-
daction primitive étoit le véritable auteur , il faudrait remonter à près de
deux mille ans pour fixer le temps de la rédaction des Vedas par Vyâsa.
\2outtara mimansa commence, précisément comme le mim:msa pra-
tique, par indiquer l'objetdu système, presque dans les mêmes termes,
à l'exception d'un seul , celui de dharma ( loi ) , remplacé ici par celui
de Brahma { Dieu }. La recherche est dirigée vers Dieu : il est celui
d'où proviennent la naissance, la continuation et la dissolution de cet
univers ; il est la source des saintes ordonnances. A cette occasion, l'auteur
des aphorismes réfute la doctrine sankhya, qui présente la nature {pra-
dhâna), qui est la cause matérielle de l'univers, comme identique avec la
cause omnisciente et toute-puissante de l'univers reconnue par les Védas.
Il n'en est pas ainsi ; car cette cause a sa volonté , comme on le voit par
ces mots 1 m il souhaita d'être plusieurs et de produire , et il devint mul-
tiple. » II s'agit donc d'un être sensible et rationnel, et non d'un être insen-
sible, comme le Prakrittou iePradhâna selon Kapila. Lacause de l'univers,
(t) Journal des Savant , i$2b, p. 236-
670 JOURNAL DES SÀVÀNS,
omnisciente , toute-puissante, sensible , est essentiellement heureuse :
elle est l'être brillant , dort, que l'on aperçoit en dedans du disque
solaire et de Fœil humain; elle est l'éthétf élémentaire, dteu procèdent
toutes choses et auquel toutes choses retournent ;efle est Je souffle
lequel sont plongés tous les êtres et dans lequel tous prennent fia]
sance ; elle esWa lumière qui brille dans le cid et par«tout -, en haut et
en bas, dans l'univers, et dans l'intérieur de l'être humain ; elle est le
souffle, le moi intelligent, immortel, inaltérable et bienheureux. Le
mot de souffle (prôna ) employé dans ces passages t y -désigne le Brakm*
suprême; c'est la signification qu'il a dans d'autres endroits des Védfc*^
et notamment dans celui oii il est dit que les sens sont ^absorbés xfans
// souffle pendant lui sommeil profond j car, quand un homme don
sans faire de songes, son ame est avec Brakma*
Ailleurs on s'attache à donner une idée de tet être par des propos
sitions négatives , et à enseigner ce qu'H est en faisant rémunération <fe
ce qu'il n'est pas. If n'est pas Pâme incorporée (skwrita) et individuelle;
il n'est pas le feu, mais le dévora teur décrit dans un dialogue tbéologique en
ces termes : « Qui sait où habite cet être ,dont la nourriture est le prêtée
et le militaire, et dont la mort est la sauce ! » D'autre* définitions encore
sont rapportées ; mais elles sont si obscures , qu'elles auroient besoin
d'être commentées au lieu d'être analysées, pour trouver place dans cet
extrait II suffira ff indiquer celle-ci : « C'est \zfirce intérieure ( check ) qui
est l'être suprême , et non famé individuelle ♦ ni la cause matérielle du
monde, ni une divinité subordonnée , régissant le monde avec conscience
et intelligence , ni un saint possédant un pouvoir transcendant. Celui
qui gouverne intérieurement ce monde et les autres mondes et ioùsiles
êtres qu'ils contiennent, q*i , résidant sur la terre, n'est pas h terre r que
la terre. ne connott pas, dont elle est te corps, qui la gouverne ipt&
riëureraent, cet être est ton anfte, ia mienne, la force interne* immor-
telle , &<x » -.!'.*
Il y a deux sciences, l'an* inférieure, l'autre supérieure ; Finfeneàre
comprend les quatre Véda? et leurs dépendances; fa gasanmaiiéj tel:
La supérieure, qui est bien plus profitable v est cettexjûi liait connohÉfc
l'être inaltéra|)lev imperceptible aux sens, insaisissable T qui ne vient
d'aucune race, qui n'appartient à aucune tribu * qui nfe point dtorgaisé,
de* sensation ni <f instrument tf action , le seigneur éternel* présent
par-topt quoique infiniment subtile C'est cerêtre iitvaiiabirquétle sage
contempla «omme Ik soqrce de^^iwiX>OTiuhe
d'elle-même et retirée» elle le fil de sa toile i-eomme- 1* pïame-*ort-4*
terre, comme un cheveu naît de la ^le^a f torrwwr y cfc nfcêrae i'ùniWrs
NOVEMBRE 1830. 671
provient de \ inaluraBlt. On l'appelle aussi V invisible, la source insai-
sissable , Y amg universelle , le jeu , le grand. Une femme demande de
quoi sont filés et tissas le ciel d'en haut ei la terre d'en bas , et la région
transparente qui les sépare , et tout ce qui a été , est ou sera : la ré-
ponse est que c'est de Té ther; et comme elle demande de quoi réther lui-
même a été fait et tissu , on lui apprend que c'est de l'être invariable,
que les Brahmanes affirment n'être ni grossier. ni subtil* ni court ni long.
La syllabe mystique 6m, composée de trois élémens d'articulation,
est le sujet d'une dévote méditation, dont l'efficacité dépend du sens
limité ou étendu sous lequel a lieu la contemplation. Si la dévotfon
est restreinte au sens indiqué par un seul élément , son effet ne dépasse
passes bornes de ce monde. 5i elle s'étend à celui de deux elémens ,
son influence se porte jusqu'au disque de la lune , d'où néanmoins l'àme
revient à une -nouvelle naissance. Si elle embrasse les trois parties du
mot, rame s'élève jusqu'au disque solaire; et de k i dégagée du péché,
et délivrée comme un serpent qui a quitté sa dépouille , elle se rend à
l'habitation de Brahma, et se livre k la contemplation de celui qui réside
en une forme corporelle , c'est-à-dire, à Dieu considéré comme lame du
monde, de Brahma effet, ayant des qualités, le même que le Virad) et
l&*Hiranya~garbka de la mythologie, lequel naquit dans l'œuf du monde.
. En décrivant le plus petit des deux ventricules du coeur, on dit que
dans l'intérieur du corps est un petit lotus , habitation jdans laquelle
est une pente cavité remplie par l'éther. On demande si cet étber est
l'élément ahm nommé, ou lame semitive individuelle , ou lame su-
prême» Les rayons du soleil n y pénètrent pas,. ni la lune, ni les étoile»,
moins encore le feu. Toutes choses brillent par la réflexion de sa lumiène,
dûnti'écïat s'étend à Funivera. Une personne, dit-on ailleurs , pas plus
grosse que le pouce, habite rintérieur de l'individu : elle est brillante
comme une flamme sans fumée, maltresse du passé et de l'avenir \
eUee^t aujourd'hui et fera demain. Qu'est-ce que Famé î la lumière »*
térieurè et intelligente qui est contenue dans le cœur, lumière suprême
qui s>*est point affectée pas le mouvement des choses de ce inonde. Enfin
l'être suprême est considéré comme étant la cause matérielle de l'univers,
aussi bien quç la cause efficiente , et Fon regarde comme autant d'opi-
nions erronées celle des Sankhyas, qui admettent une force plastiqué
sous le nom à&pradhâna, 1» notion des atomes ». celle du vide universel,
etdkutres systèmes , qui sont pareéHemuu en contradiction avec fe> texte
deêVédas. ;./'?. fT -
< j Utte question proposée dans fesrtdeux peemières secfcofis . des apbo-
rna^est de ^eHmm^k^naÈm HinéM
<f7i JOURNAL DES SAVANS,
des trois premières castes est propre à l'étude de bfthéoJogie , et peur par-
venir k la connoissance de Dieu, A ce sujet, on déclare que le soudra ,
ou homme d'une tribu inférieure , n'a point fes qualités nécessaires , -et
que ces qualités appartiennent aux êtres supérieurs à l'homme, Cest
encore un point reconnu dans les deux mimansas que l'éternité du son
articulé : cette notion se lie, suivant M. Colebrooke, à celle de réter-
nité des Védas et de la révélation. II ne seroit pas impossible d'en faire
une autre application plus importante encore.
Brahma jouît de la béatitude que lui cause sa propre contemplation.
N^ auroit-il pas là matière à une objection* tirée de la distinction qui
s'établit entre l'être qui jouit et Fbbjet de la jouissance ! On répond à
cette question en faisant voir que Brahma est-cause et effet, qu'il y a en
lui unité et identité. La mer est une 9 et n'est pas autre chose que ses
eaux; cependant les. vagues, f écume, les gouttes <feau diffèrent les
unes des autres. Un effet n'est autre chose que sa cause. Brahma est
simple et sans second : il n'est pas distinct de Pètre incorporé. II est ame,
et famé est lui. Cependant il ne se borne pas à faire ce qui Iui,est
agréable. La même terre présente des diamans, du cristal de roche, et de
l'orpiment. Le même sol donne naissance à une diversité de plantes»
La même nourriture se convertit en productions de toute nature, les
cheveux , les ongles , &c. Comme le lait se change en fromage , et l'eau
en glace , de même Brahma se transforme et se diversifie à l'infini , sans
le secours d'aucun instrument, d'aucune assistance extérieure. On ne
peut objecter que Brahma est entier et sans parties : il n'est pas totale»
ment transfiguré dans les formes de ce monde. Différera changemens se
présentent à i'ame dans les songes. Le même esprit prend diverses format
illusoires, difFérens déguisemens. Aucun motif que la volonté de
Brahma ne peut être donné pour la création du monde. On ne peu
lui imputer la dureté, l'absence de compassion. Les dieux sont heureux;
les animaux sont misérables; les hommes participent du bonheur et de
('infortune. Chacun a son lot dans le monde renouvelé , suivant ses mé-
rites , ses vertus ou ses vices antérieurs , dans un précédent état du
monde , qui est éternel ei n'a pas de commencement dans le temps.
Le feu, l'eau et la terre procèdent de Brahma, par l'intermédiaire
l'un de Pautre. Le feu provient de l'air, et Tair de Téther. C'est par sa
volonté , et non par leur force propre, qu'ils sont ainsi émanés les un*
des autres , où que , dans un ordre inverse, ils se convertissent Pun em
l'autre , et sont enfin absorbés en lui , dans la dissolution générale des
mondes qui précède le renouvellement de toutes choses. L'intellect,
fegprft, Ue^giiie#(fcwu^ d'action étant ibrmés des élémem pii-
NOVEMBRE 1830. 675
mordiaux se développent et sont absorbés dans Tordre même des élé-
mens qui les constituent ; mais on ne peut affirmer que l'ame soit sujette
aux mêmes alternatives de développement et de réabsorption , de nais-
sance et de mort. Ces alternatives, en ce qui concerne l'individu , se
rapportent uniquement à l'union de l'ame avec le corps ou la matière
fixée. Les âmes individuelles sont comparées, dans les Védas , à des étin-
celles qui se détachent d'un brasier ardent ; et l'on y déclare expressément
qu'elles sont éternelles et n'ont pas eu de naissance. Elles sont perpé-
tuellement intelligentes et constamment sensibles , comme l'enseignent
aussi les Sankhyas , et non par l'effet seul de leur association avec le
mens et l'intellect, ainsi que le prétendent les partisans de Kanadi.
C'est faute d'objets sensibles , et non pas faute de sensibilité ou de fa-
culté percevante , que l'ame est dépourvue de sentiment durant un pro-
fond sommeil,. un évanouissement, un accès de manie. L'ame n'a pas
une dimension finie 9 comme ses transmigrations paroîtroient l'indiquer:
ce n'est pas un petit être habitant dans le cœur, et plus ténu que la cen-
tième partie du centième de la pointe d'un cheveu , comme on le trouve
décrit dans quelques passages; mais, au contraire, par son identité avec
Brahma, elle participe de sa nature infinie. Elle est, non pas passive ,
ainsi que le disent les Sankhyas , mais active , sinon par essence , au
moins par association. C'est ainsi que lé charpentier, muni de ses outils,
travaille et se fatigue, et que , les mettant de coté, il se repose et demeure
tranquille. L'ame agit en raison de ses précédentes dispositions; car le
monde étant éternel , son état actuel a toujours dépendu cTun état an-
térieur. L'ame suprême fait agir les individus conformément à leurs
penchans honnêtes ou vicieux, de la même manière qu'une pluie fé-
condante fait croître différentes sortes de plantes selon leurs espèces.
L'aine étant une portion du seigneur suprême , son rapport avec lui
iv'est pas celui du serviteur au maître , du sujet et du prince , mais de la
partie au tout. Néanmoins cet être suprême ne participe pas à la douleur
et aux souffrances dont famé individuelle a la conscience par sympathie,
durant son association avec le corps : la lumière du soleil et de la lune
paroît comme l'objet qu'elle éclaire , quoiqu'elle en soit distincte. L'i-
mage du disque solaire semble tremblante dans l'eauM'un bassin qu'on
agite ; les autres images réfléchies ailleurs, et le disque même, ne parti-
cipent point à cet ébranlement.
Le nombre des agens corporels est fixé diversement, tantôt à sept,
et tantôt à onze. Ce dernier nombre comprend les cinq sens , les cinq or-
ganes actifs j et la faculté intérieure, le mens, qui renferme l'intelligence,
la conscience et la sensation. Ces agens sont finis et ténus , moins pour-
Qqqq
67A JOURNAL DES SÀVÀNS,
tant que les atomes , mais plus que les élémens grossiers. L'action vitale
ou la respiration est aussi une modification de Brahma. Ce n'est pu
non plus 1 acte d'un organe corporel ; mais c'est une opération vitale ,
dont on distingue cinq formes, trop obscurément décrites pour que nous
les rapportions ici.
Lorsque la nourriture est reçue dans un corps, die se distribue en
trois parties , d'après sa subtilité ou sa grossièreté. Lé blé et les autres
alimens terrestres deviennent de la chair : la partie la plus grossière est
rejetée, et la plus pure nourrit l'organe mental. L'eau se convertit en sang.
Ses parties grossières sent excrétées, et la plus ténue soutient le souffle. %
L'huile et les autres substances combustibles , que l'on croit de nature
ignée , deviennent la moelle. Leur résidu forme les os , et la portion la
plus subtile forme la faculté de parler.
L'ame est sujette à la transmigration. Elle passe d'un état à l'autre ,
enveloppée d'un corps subtil formé dé particules élémentaires, qui sont
la semence ou le rudiment d'un corps plus grossier. En quittant cefui
qu'elle a occupé , elle monte à la lune , ou , revêtue (Tune forme aqueuse ,
elle reçoit la récompense de ses ceuvfes, te d'où elle retourne pour
occuper un nouveau corps , sous 1'hffluence de ses actes antérieurs. En
sortant de sa forme aqueuse , l'ame passe successivement et rapide*
ment à travers i'éther , l'air, la vapeur, le brouillard et les nuages, pour
arriver à la pluie , à l'aide de laquelle elle pénètre dans une plante en
végétation , puis , par la nutrition , dans un embryon. Les êtres mal-
faisans souffrent la peine de leurs crimes dans sept régions déterminées
à cet effet.
L'ame incorporée a trois états ou conditions , la veille , les songes ,
le sommeil profond. On en peut ajouter un quatrième, la mort, et un
cinquième, la manie , l'évanouissement ou k stupeur. Dans cet état in-
termédiaire entre le sommeil et la mort , il y a une série <Tévénemens
fantastiques, une création illusoire, qui toutefois témoigne de l'exis-
tence d'une ame ayant la conscience d'elle-même. Dans le sommeil pro-
fond , l'ame individuelle se retire auprès de Famé suprême , en passant
par les artères du péricarde.
Les partisans dh védanta décrivent d'une manière très-curieuse le
phénomène de la mort, en rapportant, d'après leurs idées sur la na-
ture de l'ame , les degrés qu'elle doit parcourir pour passer d'un individu
à un autre. À la mort d'une personne, la parole, avec les dix autres
facultés extérieures , distinctes des organes qui y servent , est absorbée
dans le mens; car l'activité des organes extérieurs cesse avant celle du
mens. Ce dernier se retire pareillement dans le souffle , avec les autres
NOVEMBRE i8$0. 675
fonctions vitales , qui sont las compagnes de la vie. La même chose a
lieu daps un profond sommeil et dans l'évanouissement. Le souffle,
avec son cortège, est rappelé dans J'ame vivante qui régit les organes
corporels, comme les gens de la suite d'un roi se réunissent à ses
«cotés lorsqu'il se prépare à un voyage. Lame vivante ainsi escortée
se retire dans un rudiment de corps composé de lumière et de cinq
autres élémens dans une forme subtile. Ce départ de lame hors du corps
est commun aux hommes vulgaires et privés de connoissances , aussi
bien qu'aux dévots contemplatifs. Mais lame de ces derniers» avec ses
facultés vitales , reste unie à son corps élémentaire jusqu'à la dissolution
4es^ mondes, où elle se plonge dans le sein de la divinité suprême. Ce
rudiment corporel est assez subtil pour se dérober à la vue des assistans
quand il s'échappe du corps proprement dit , et pour ne pas être altéré
par le brûlement ou les autres traitemens auxquels ce dernier est exposé.
Le corps est maintenu dans sa chaleur par La puissance du rudiment
élémentaire , et devient froid quand celui-ci l'a quitté.
Mais celui qui a obtenu la connôissance de Dieu , ne passe pas par
les degrés dont il vient d'être parié; il se réunit à Dieu lui même, comme
une rivière se jette dans f Océan. Ses facultés vitales et les élémens dont
est composé soit coœs , en tout seize parties, sont absorbées absolument
et complètement : le nom et la forme ont cessé. II est devenu immortel
sans membres ni parties.
Lorsque faîne est, avfeçles acuités vitales qu'elle a absorbées r re-
tirée dans son habitation, qui est le cœur, le sommet de ce viscère devient
brillant , et éclaire le pasiageque cette ame doit traverser, la partie supé-
rieure du crâne chez les sages , toitte autre partie chez les ignorans.
Cent une artères partent du cœur, et l'une de ces artères , nommée sou-'
shoumna , se rend au vertet. . Ce rayon s'étend , pendant l'existence du
corps , depuis le soleil jusqu'à la veine , et de celle-ci au soleil. Le con-
templatif qui a accompli les exercices prescrits par les Védas, jouit de
l'avantage de ce rayon en tout temps , en toute saison, de jour commf
de nuit. L'été est une saison pllis favorable pour les autres , ainsi qu'on
Ip voit par rexejripfo d'un personnage qui attendit le retour de cette
saison pour mourir. Dana. les opinions particulières enseignées par
Sankhya yoga, le temps, le jour et la saison de Tannée ne sont nulief
ntenjt une circonstance indifférente.
Diverses stations sont assignées à Famé voyageuse, et plusieurs
guides lut sont donnés, pour lui tenir lieu des facultés qu'elle a perdues .
Le rayon du soleil la porte au royaume du feu; de là elle vient auprès
,di^ génie du jour, du demi-mois , des six mois d'été et de l'année; puis
Qqqq %
676 JOURNAL DES SAVANS
au séjour des dieux ; a l'air ou au vent , dont le génie
ses domaines à travers un passage comparé au moyeu «
jusqu'au soleil» d'où elle revient a la lune, puis a la
au-dessus de laquelle est le royaume de Varouna , gc
car les éclairs et le tonnerre sont au-dessus des nuxj
aqueuse. Le surplus du chemin est par le royaume
séjour de Pradjâpatt* ou Brahma. L'ame de celui qui
fèction du savoir divin , quittant son enveloppe corp
lumière suprême , qui est Brahma , et s'identifie avei
pure que l'on jette dans un lac limpide.
Celle qui , sans être entièrement délivrée , est parvi
exercices de dévotion et de la méditation , a un éa
moins parfait, arrive au séjour de Brahma, mais ne!
plètement avec lui ; elle jouit d'un pouvoir transcend
un acte de sa volonté seule , appeler les ombres des
cer d'autres (acuités surhumaines. Un tel être est irn
soumis à aucun contrôle. II peut, à son gré, revêti
corps , ou s'en débarrasser. Sous le nom de Yogi, il
de la divinité , à la création prés. Il est exempt du ret
le kalpa ou la période actuelle, mais non pour la péri
n'est par une faveur spéciale de Dieu. L'ame réuni
pensée a tout jamais.
Les corps organisés sont rangés par les partisans du
et aussi sous quatre divisions. Leurs quatre classes »
celles des autres écrivains ; mais la division en trois seml
a cette école. Elle distingue , 1 ," les vivipares , [corn
quadrupèdes; a.Dles ovipares, comme les oiseaux et le
qui se produisent par germes , c'est-à-dire , les anima
de l'eau et les végétaux qui naissent de la terre. Le:
ont un genre de génération équivoque et spontané 01
pagatîon qui s'exerce sans le concours des sexes. '.
dans leur ordre de développement ou de production
avec leurs propriétés caractéristiques, i.*l'éther(âtti
occupant tout l'espace, et ne se distinguant pas du 1
qualité particulière; a." le vent (vaytu /ou l'air en 1
mobilité forme son caractère; le son et la tangibi
sensibles; 3." le feu ou la lumière (tSdjas), qui serf
leur , et par lequel se manifestent le son , la tangib
4-* l'eau (ip) , dont la fluidité est le caractère essenl
on rencontre le son, la tensibilîté , la couleur et le
NOVEMBRE 1830. 677
terre ( prithivi ou arma), que la dureté distingue des antres, et dans
laquelle on remarque le son, la tangibilité, la couleur* le goût et
l'odeur. M. Colebrooke pense que la distinction de l'éther et de Pair pro-
vient de ce que la mobilité a été considérée principalement dans celui-
ci , et de ce que le premier a paru la même chose que le fluide aérien en
repos. De là vient que l'on a comme identifié les idées de vent et de
mouvement , et celles d'éther et d'espace.
Après de nouveaux efforts pour donner la véritable notion de Brahma ,
considéré comme doué de formes et sans forme, et désigné conséquem-
ment par cette expression, ni ainsi t ni ainsi, les auteurs que suit
M. Colebrooke traitent des pratiques de dévotion et des méditations
pieuses qui sont recommandées comme propres à mettre l'âme et Fesprit
en état de recevoir I* science divine. L'auteur passe rapidement Sur cette
partie de son sujet, plus religieuse que philosophique, et il en vient à
montrer quel est le fruit qu'on doit attendre de cette science. Aussitôt
qu'elle est obtenue, les péchés passés sont annuités , et toute offense ul-
térieure est prévenue. Comme l'eau ne mouille pas la feiiUfe-du lotus,
de même le péché, ne touche pas celui qui connoît Dieu. C'est à la
mort que ces conséquences ont lieu. . Le nœud du coeur est rompu,
tous les doutes sont dissipés , et les œuvres périssent , c'est-à-dire que
les mérites et le* démérites disparaissent dès^u'on a vu Dieu. Les bonnes
œuvres comme les mauvaises actions sont: anéanties également; caria
servitude seroit la même , que la chaîne fût (For ou de fer. Le soin d'en-
tretenir un feu perpétuel 4 etlcTkutres pratiques religieuses, conduisent
à la même fin ; car on déclare que les Brahmanes obtiennent la connois-
sance divine par les saintes étudtj yp les sacrifices , les aumônes et la
dévotion.
Des questions très-abstraites , qui ont été agitées par nos théologiens ,
ont aussi fixé l'attendri dès seciaftfciiishJu fcédâdt* ; et oht ot&siomté
parmi eux de longues discussion .Tejs asobi Je fibre arbitre, te grâce
divine , {efficacité, des œuvres et dç'Ifi _fti*£t plusieurs autres peints
difficiles/ Le finit dès œuvres est le prinçijj>al sujet qui es$ Vfdffé dans
le premier m\mansaf cefaf qui cpnçejpe Tçs ctçyoirs religieux, les, sa-
crifices et autres âbserahées» Comnie UiXieç6iiS mimansd,' œïui cJont
nous venons de nous /occuper, tff>Itis Ûë apports âvei les éiïjets {idéo-
logiques proprement dits , on y soutient la doctrine de la grâce ; on
passée
i'unHhrs, avec les renouveflemens infinis des mondes, dans lesquels
67% JOURNAL DES SAVÀNS,
. >
chaque individu* apporte les prédispositions qu'il a contractées dans
des états antérieurs, et ainsi en remontant, sans commencement ni
limite. Ceci , comme on voit , n'a que l'apparence cPuné solution; mais
comment exiger davantage d'un peuple réduit à ses propres lumières
dans une matière où la sagesse de tous les peuples n'a pu, après mille
discussions , qu'arriver à la conviction de son insuffisance !
La notion qui présente le mondé changeant comrtie une illusion
(wfyâ), où tout ce qui se piasse n'est qu'une création de l'imagination,
cette notion ne paroît pas reçue dans la doctrine du védanta. M. Cote-
brooke n'a rien remarqué à ce sujet dans 1er soutras de Vyâsa , ni dans
les gloses de Sankara; mais il y a beaucoup de choses qui s'y rapportent
dans les commentaires du second ordre et dans les traités élémentaires,
k'aïiteur pense que cette idée n'appartenoit pas au védanta primitif,
piais à une : autre branche à laqudUe les écrivains postérieurs. Font em-
pruntée , en mêlant et confondant les deux systèmes.
Nous n'avons pas pft renfermer en moins d'espace l'analyse d'un long
mémoire, sur l'un des plus importans sujets qde présente fhistoire de
h philosophie orientale. L'exposition de M. Gofebrooke est , comme à
l'ordinaire , savante et méthodique; peut-étua «fy rtmarque-t-on pas
jtout-à-fait autant de chrfté qu'A en a su mettre dmitet essais précédons.
JI nous fiwdra au moins lin second article pour les mitres mémoires
compris dans le second volume des TYsxsactions.
J. P. ABEL-RÉMUSAT.
UlMiMM»
p ■ • r
. ^IBUOTHECA CLASfiCA LATIN a. M. Accii Plàuti ComœSa ,
,.xum selectis vdûotum nolis , et novis commentants , curante
■o. . J.Naudet, XLviro in régla Inscripùonum Açadèmïa. Parisiis,
'" excudebat A. Firminns Pidot , . gai Ucarura academiarum
typographus ; colligebat Nie. Elig. Lemaire, poeaeos latin»
profe&sojr, 1830* Voiumen primtim, vi; et 655 pag. in-8*
9
m
M. N audet a renvoyé au dernier volume de cette édition de Plaute ,
Ta notice générale qu'if doit donner de la vie et des écrits de ce poète : la '
préface du tome I." n'offre qu'un simple exposé><fe* devoihf que le savant
fi t». - * t • • - . • • § . 1 . ■ • ■ • ,* • .^^^ »
NOVEMfc^E 1830. m 6y9
éditeur se prescrit ; c'est une courte annonce ctun très-grand travail. Le
texte de Plaute sera reproduit d'après les éditions les plus accréditées
et le manuscrit j 5 68 de la bibliothèque du Roi. On donnera une atten-
tion particulière à ia versification et à l'orthographe, à l'égard desquelles
il subsiste d'assez graves difficultés. Le commentaire aura deux objets
principaux : l'un, cfédaircir les textes que la vétusté du langage ou le ca*
ractère des allusions peut rend», obscurs; fcuttre , de recueillir dans ces
comédies des notions historiques relatives aux usages civils du peuple
romain , et spécialement à ceux qui concernoient l'art théâtral
Le volume que nous annonçons contient six pièces , l'Amphitryon ,
TAsinaria, TAuIutaria, les Bacchides, les Captifs et la Casma. Chacune est
précédée d'un sommaireou argument en vers acrostiches, attribués soit à
Prisden , soit à Sidoine Apollinaire, soit aussi quelquefois , mais sans la
moindre vraisemblance , à Plaute lui-même. Les argumens en prose de
Camerarius sont un peu plus instructifs, e^fc deviennent davantage
quand M. Daudet y fait des additions. 9'
Le prologue de l'Amphitryon a cent cinquante-deux vers; et Iq
nouvel éditeur craint qu'if ne paroisse un peu long aux lecteurs mo-
dernes. Nous croirions plutôt que les détails ingénieux et pjquans dont
il est rempli , doivent inspirer dès l'abord une très-haute idée du talent
de l'auteur : mais on n'attend point de nous des observations sur le
fond des ouvrages de Plaute; il doit nous suffire de faire apprécier,
par quelques exemples, le travail de M. Naudet, le caractère des
notes qu'il a extraites des anciens commentaires, le mérite et l'utilité
de celles qu'il y a foin tes.
Sosie , dont Mercure a pris le nom et la figure , s'écrie : Vivo fi qnod
nunquam qutsquam mvrtudjaciet miki ; «on me fait de mon vivant ce que
jamais personne ne dort me faire après ma mort. » Selon Douza, Sosie
veut dire qu'on lui rend le* honneurs funèbres. Gruter et M.m* Dader
rejettent cette explication cémmë trop vajgue , et citent un passage de
Suétone , où il est dit qu'aux funérailles de Vespasien , le chef dès mimes ,
portant lé masque de cet empereur, contrefrisoit ses gestes et son langage.
Suivant le commentaire de Lambin, le valet d'Amphitryon dit qu'on
porte devant lui son image, et qu'assurément il ne sera point enterré
avec tant de pompe. M. Naudet adopte cette interprétation , indiquée
en effet , à ce qu'il nd^sembfe , par le vers qui précède immédiatement
Vivo fit ^ et qui consiste en ces mots ; Nam hic quiiim omnan imagiàiwf
meam, quœ antekàc filtrat, possidei; « cet homme-ci possède ou porte
mon image toute entière ,» telle qu'elle m'avoh ci-devant appartenu. »
Quand Mercure «fit (scène 111 , vers i<a , 1 3 ) :
6io JOURNAL DES SAVANS,
s£depol , nœ illa si isris rébus te sciât opérant dartj .
Egofaxim te Amphitruonem esse malis, quàm Jovem ,
la, plupart des interprètes croient que c'est Alçmène que le pronom
illa désigne, et Molière paroiten avoir conçu cette idée» Au contraire,
Lambin et M. Naudet sont persuadés qu'il Vagît de. Junou, et que
Mercure lève un doigt au ciel en prononçant cet à-partc. Nous incline-
rions à penser que le poète a voulu qu'/V/d fftt à-ïa-fbis susceptible de
ces deux sens* Alcmèhe, qui vient de dire, Ecastorreexptrfor quanti facias
uxqrcnt tuam , a cru parier d'elle-même ; mais les spectateurs , plus ins-
truits qu'elle y ont pu songer aussi à la véritable épouse de Jupiter. Illa
se rapporte à uxorcm tuam, entendu comme chacun voudjna, Cette am-
biguïté , qui se reproduit plus d'une fois dans la pièce , étoit en quelque
sorte une des données du sujet. :-'.'...
L'Amphitryon de Plwte est suivi, dans la. nouvelle édition,. des
Sosies de Rotrou. La cWèdie de Molière est trop universellement ré-
pandue , pour avoir besoin d'être aussi reproduite. En réimprimant, sauf
quelques- retrandxemens , celle de .Ko trou ,- M. N?ude$ rend hommage
aux talens que ce poète avoit jreçus de U nat^ie* et dopt il auroit pu
faire un plus heureux usage, ce Quisquis Exe ïegerit , mirabitur certè
» illam vim scribendi et elpquentkm poetse illa^oratam , tanqjikm è
*• divite venâ profluentem. Félix profectô et pracclarum viri ingenhun ,
» qui utinam.... studio perfeçisset dotes quas à naturâ acceperat, neque,
» quod magis proclive erat versus prompte fàcienti et voluptatibus de-
» dito, hispanicas fabulas imitari semper voluisset! Inter praecipua nos*
» tratis theatri décora etiam nunc spectaretur. »
Dans le vers 37 de la première scène de l'Asinaria, Equidcm scio )àm
filius qubd amet meus , J. Fred. Gronovius veut qu'on lise quom , quum ou
quant au lieu de quod: il réprouve scio quod cojnme une locution barbare,
étrangère , quoi qu'en ait dit Sciopphis , à l'antique latinité. M. Naudet
prend ici le parti de Scioppius , dont il justifie l'opinion par des exemples
qui nous paroissent décisifs. Adversis animis acceptum quod Jtlio Cl audit
socer Stfanus destinaretur. Tac. Ann. ni, 29. Cognito quod ïnsidlœ sibi
pararaitur. Justin, XXVJI , 3. Cum cernât uterque quod nec inops jaceat
piet as. Claud. de Land. Stilic. jif 129, &c. Plaute, qui i mi toit en
latin des comédies grecques, a fort Jbien pu tra^fee quelquefois ïti par
quod. Ce n'est que par un très-pénible commentaire de ce passage, qu'on
parviendront à y introduire quant ou quum.
Le vers de la même pièce , Velus est, nihili coda est ; scis cujusl
non dico ampli us, est l'un de ceqx.qui ont le pins tourmenté les inter- '
NOVEMBRE 1830. 681
prêtes. D'après Porphyripn et Festus* cocio a été pris pour synonyme
àaxilator, homme qui marchande, qui offre des arrhes, qui veut, de
manière ou d'autre, gagner sur un marché. Selon Gronovius, cocio est un
entremetteur, un courtier qui répond pour l'acheteur. On a supposé aussi
<jUè ce mot pouvoit avoir à-peu-près- le même sens que. propo/a (de *i»to7y)»
brocanteur , qui ne paie qu'après avoir revendu. En somme , nikilf cocio
rr/ a semblé dire que L'argent qui n'est . que promis est réputé nui.
M^is certain* critiques corrigent ce texte : ils y changent cocio , soit en
coaciio, ce qui n'est guère plausible» soit plutôt en cautio. A l'appui .de
cette ^ dernière leçon , Muret cite l'altération de plaudo en plodo , de
çaupo en copo , deXIaudiys en CJodius. Mais il s'en faut que ces ob-
servations .grammaticales suffisent pour éclaircir parfaitement le vers
de Pîaflte. En admettant que les mots vêtus est, annoncent un ancien
proverbe , ce qui semble être la seule explication proposable, fàudra-t-il
traduire scis quojus estpai «vous savez ou savez -vous de qui nous vient
cette maxime!» A notre avis, Une peut g\ièi# être ici question de rechercher
ou de rappeler une telle origine. Selon toute apparence , il s'agit de la
chose ou de la personne dont là cocio ou cautio est sans valeur, Cujus
rei ! nempè pecuniœ rionprœseriiis, ou bien cujus hominis ! scilictt egentis , vel
magna promittentis \ vet forte amatoris , dit le nouveau commentaire. Non
dico amplius, a joutejCiééréta; elle n'en dira pas davantage, soit parce qu'elle
tient. le proverbe pour décisif, soit pa*ce qu'elle a dè)\ bien assez parlé.
Cette Ôééreta, qui fait un trafic infante, vient de s'exprimer en ces termes :
Diim, aquam y soient , lunam, noctem,hœc qrgento non emo :
C cetera, quœque vojumus uti-, çrapca mercamur fidç.
Quum à pistçrç panem pétimus , vinum ex anopolio 9
Si œs habent , iant merçèm : eâdetn nos disciplina utimur.
Sempèr oculatœ manus sunt nostrœ j crtdunt quod vident.
Vêtus est, ifc.
« II y a des choses qui ne s'achètent point, l'eau, la lumière du jour, &c.
Pour le surplus, le commerce s'en fut à la manière grecque. » Mais les
mots grœcâfidt sont aussi l'objet d'une controverse, Turnèbe et Grono-
vius les prennent en bonne, part, c'est-à-dire, pour une convention
loyale , pour un engagement dThonneur. Nous croyons, avec M. Naudet ,
que, devant des spectateurs romains , ils signifioient une vente en argent
comptant; et c'est ce que disent assez les deux vers qui suivent : un
boulanger , un cabaretier ne livrent leurs marchandises que lorsqu'ils
ont .reçu des espèces sonnantes , y cçs habent; nous en usons de même.
Nos mains ont toujours xfes yewc > et n'ont confiance qu'en ce qu'elles
' *fc " % " ' • " . * Rrrr
6U JOURNAL DES S A VANS,
dit-on, chez les anciens Romains, qui pesoient Targent an lieu de le
compter , impensum devoit être ce qui n'avoit pas valu la peine d'être
pesé. S'il faut l'avouer, cette explication nous laissa des doutes, que la
lecture de tout ce monologue de Mnésifochus n'éclaircit aucunement.
La maxime en question y est immédiatement suivie de ces deux vers : «
Mahfactorem amitù satius quant relînqui beneficujtu
JVirnio prœstat inpendiosum te quant ingratum dicter*
ce Mieuxvaut épargner un malfaiteur que de laisser un bienfaiteur san* ré-
compense ; mieux vaut passer pour prodigue que pour ingrat. » Voilà
inpendiûsâs signifiant prodigue et opposé à ingratus, tandis que tout à
l'heure un ingrat étort précisément ce-qu!il y avoit de plus impeiuus^vk
monde. Ces*, dit-on* qvtimpcnsus et iniptndwsus sont deux, termes
tout-à-fait differens; Saumaise l'a décidé ainsi : la particule i* $ négative
dans le premier r est illatrve dans le second. Cettfe distinction peut bpen
s'appliquer à d'autres textes; mais ici le voisinage de <jef deux termes,
pris en deux sens si divers, seroit d'autant plus étrange > qu'on n'y peut
guère soupçonner l'intention d'un jeudt tHotV. S'il nous ûdjoh adopter
une conjecture sur ce passage trèsrdifijafev npm serions fart tentés; de
préférer celle de Pistorius.
r i Dans la neuvième soèoe du quatrième ec**> un esdave dit *u vieipt
Nicobufe : «De deux choses- l'une r il faut que vous As^iez le sacrifice da
votre or 9 ou que votre fils se parpre ; et surce ppint je n'ai rien à vous
ordonner , rien à vous, défendre , pas de conseil à vous offrir, ».
Duœ condifiones 'surit ; iïtram tur àdciptûsvidè :
Vel ut aurum perdas, vd ût àm'aior pejerti* . . ' " '
Ego neque te jubeo , neque veto , rtéqûi iuàdeo/1 '" . *
, - , I ■ ■ , •! * ■ • ' ■ ' *
Dans nos temps modernes» un père awpœ ^'h^sitèro^ pas; à ses yeux ,
la perte de deux cents pistoles seroit un, bieji- plus ^g^nd majheur quç
f impossibilité o|i;$e verrpit ion fils d'accomplir une promesse follement
jurée; et sur nos. théâtres, fe propos du vaIetj^flil^erc4ftJûutiIe ou in-
vraisemblable. Mais il ê$ea falloir qu'il en ftf, Ue pieuse au temps <fc
Piaule, pour des spectateurs roiq^inç ,; chez qjii ia, jtçtigion du sççment
étoitiin semiinçnt-supérjeur à tQus les autresfAib avoiçut; fait du ser-
ment une sorte de divinité, redoutable à q^icoiiq^e osait ['offenser. C'eqt
ce que M. Naudet prftuye jwx des .faits , ef. parycpjièreraentpar un tejpç
de Cicéron ( de 0£j(UstrXU 9 $6:} i> Ce qu'a jfiut Bigulus , U.épfft,
selon Cicéron , imppssible qu'il ne le fîtpa^ la gtojre,§n est à son sj£çjç
plus qu'à lui-même ylllu^idem fâp&&
•:*.:■ ri
t ? /NOVEMBRE! ifcj&Un l jtof
fkéistn/ûxinmfstkàmhris; sedtempàrvm. Il suh de 1à que ià four-
berie de l'esclave, pour, persuader à NicoBuie xpm son: fil* court Me
risque d'un parjure*, devoit faire sur. ftsprit dû meittard tine impression
égale à cette que produit , dans une scène correspondante du théâtre de
Molière, le conte des pintes écouté par un vieux Napolitain, « Spectay
» tores titra sénseruit Chrysalum (semtm) îûrisjurapdi necessitatem
»*què probabiliter «mentkum, ajque nos j in ranpare scenâ Mo^eridaé
v comedix, jucficannis opportnnè excogitatâm à Scapino ptitaticè manûs
? febulam. Seni taiiano refcgio jurât* fidei tarn ineiuctabiKs qdànr sent
* neapoHtano *is paaedômirp f dekdk vident?'. .!
* Nous pourrions nous arrêter plus long- temps i cettexamédiedefe
Itoçhides* qui est l'une des plus 4pirittieUes<£rQduétk>afr du poète latin ;
cependant M. Lemerctef jfcoonçnandè encore plus aux jeunes- poètes
ia'lfccturq des Gaptifv Les notés dont cette pièce est accompagnée
dané -Fédttkm ateu+eile v son t aussi fort iristructôres : o» y! refacontrë
de* notions pdtc»ea attr la langue rde Plante, sw la iqwnre de ses
fSf», sur ^a poétique, iawr fes ]U^es 'auxquels il fiût «aHudion, sur
oeafei&M £rafeésienstou;qorrflions àociaèès, tpériaienkentlsuo celles des
parasités; et des: ësdwes,- Quoique. Ltrscènè soir ■■ en Étcrfie, d'auteur et
fcs sfcteui i se açtroumit souvent dana Aome. C'est ainsi qu'ils parient
( l*ri i a* ) *te importe trigtmip* wpmmmttAt celle psfr où les Horace*
Ht fes CtroMta avofeot passé* jffilMfpnfc mention de ^epsès, de «rânsac^
ttatpiidt pUcfcés j. tftVtsfrtc«j6ttrs cdnfoméaientï aux lois et aux pratiques
des j Jtomain*. ' Ils, nonanent; fcsr ^ahrtaits^ dé -Pîstoie et! dé Plaisance
{***> ;jfeî ^gifant»*^^ btîwfleikfc.CoWvde.Préiièstei fiégni1
lwsînMe^Aiatri (l«^ lok-bo^i^ Makfil^wfà ohaervci q lie ces- noms
sottt pfenfohgéft tfkgsec*': etdéçhifiéabbarfcaresj rodiev&Wâffarii comme
fte mauvaises ttQM*itu?eM : JAi «r *if*r*» ttiMftppm^arè Mit fit tziyri***
Nj w ty^rS?*^^^ barbaricas. urkdQuraiJ
* n: ' L« G*ftp£4f Pfkri* jcfflt4tf ripdHW^ j»r &Qt*Q*>
dont la pi^jest/icrséiamninéc^K^
MkdH^f apr^fô;» te 'si. ÛW a
*r*"Ti (
ÎMfljps ^urçuses de #eg^
4e* MMfls>C[UAiM»$taNiet jM-auoqufrjHu <tefàif*<ebs«rae>:)(j )? *•« -n.-: i.
A
IX
tonsorîs celebracissimt nd»W4«ii^trf^W(*rtBlteTOaiicHfam'\nHM'i^értMrf,
>
68tf J OURrlUL DES SAVAIS,
•
là IriritiètfttVeb de là second* scène du trotsiêéne acte de h Casino
se lit de cette manière dans la nouvelle édition : Nn, tcostor, vi//x tmpnt'sê
modius qui vtnii sutit ; et l'on y suppose . qu* il équivaut k cette phrase*
Ecostor kk komù nom rili nu moéieo prttbo cmêêur* m/^fx todcm pretio qm
vcnksiu w*ditwrm<xllussnlis}<&Gn vérité, ce n'est pus acheter cet homme
à bon marché \ que 4e le ptyer ce que se *etfd un boisseau de sel. *
Mais plusieurs éditeur» %nt écrit ffc*/ et Font suppoeé au nominatif*
Gruter fa changé m */; Douze et XSrottovhy ont substitué mêdtïh
moJiur.Ejifm tctii a) été pris ici pour synonyme éhuhenit : qui rente,
celui qui vient, qui arrive, savoir Alcésfene, qui entre en scène. On *
donné It ce passage des sens si divers, que nous n'entreprenons pas de les
exposer tous ï dans la traduction publiée e? i Bao ^ fi est rendu parlai
mots :« Afoésime n'a pas acheté à bas prie fe bofeaeau ife sel qui lui *
» été vendu ; » ce qui n'a, du moins à dos feiz^nçtta sens ptaut&Ie»
II y a d'ailleurs peu de lumière à tirer de Penseîribie du «Kscours que
ce vers émgmatlqae vient terminer: c'est la femme ^de ; Stalinon qt*
parle, pc Je vois maintenant* dit-elle ri pourquoi <nnpi mari me prestoit
tant Jalkr cherche^ ma joisiàe; à vouloir que la maison cfAlcésirt)*
fût libre 9 afin d'y conduire Gashuul Jeme gâiJawi bieitdfe déplacer i*
votene, ce seroft mettre nos 4euu Tfant libertins trop k l'aise^ Mafté
voici» le vofan- Alyéstme hu wdma » mi prétpadn?) «putten du sénat»
ce défenseur du peuple; ami complafamt qui pt+cè su- maison 1 mon
époux : non ecamr vllfs emptu'stmmtim q*i mAr satiu* Oh[ eoh quH
n'est pas facile de saisir fat iiatsori <Jut doit earissff centre *e wn et iea
précéder* : il est possible que la J6m mai de Smiirton , dans un mtfuvfc*
ment de colère contre Àlcésimèy /avi$e de le rabaisser brusquement au*
dessous de i^ vaJeorcPuntttisseun de^j jfeaiaiKro^mmesiornd* tenir
cette interpréttitioirpottt perëutemeqt ésabêfe. :fiby a des eavans qui ont
• -, ' : ■ ■ ■- ^ '' ■^■■-■>| ' " * , «' \
pariter roachin.*tibné* ihstirttf tit ahcHfaoi ^ryti* aSf&?;d* furè iqo po$teâ bert>
céwarur, bot tahiën dfccritofwë iirter Whrirfèfaé ar^MW^^îM'IitriK Kbtdini
htspaleusis répugnai^ «ibraienib serve* qw»atrffemea?èunJ qaoque sapposb»
tionem fieri, et mœchi ludificattonem, uodè in uiu|ti£tobra r*4w|d«£U $*d
his quifiem simyibus, quantum iptçr; utrçusqu^ Kpnje nwtsr et proipdë popnli
utnnsquê de spçcie decori in vhas privât» cdmmercîo^is^niàtionem interceçlav
maxInYé fit trtanif^taMf; Eô qqpqtie 'tttitia et^Mfcà'feibo.Ia cdntefitem, ijtiM
sermpnls et ^ctnuih. prettrvitaté' lô^ctt t* fc*ettiliéittt** 'fcwrVitâl- iUcMsMIl j jt
mxins.diei.ar, fimHiap.înMnih hnminrs sapfrnfrr admnaantnr, Innyi imam
priusquàm Jiiwleiuii ton«or in pr^9m^)V^DK^n^ Wolfe^ et Rfgnsfdo
profilera** qiwi, eanide^ ^«««^.ii^iWq^ijIfB^^K^f aiteri «BWfU
exprini«^t:iiwili$WFlQp,nna smedmpp^ aOvf^us. i(gHA^çrQP(|uvi9 aUeriflu,^
fororb ab axnante put Uk siniu^i.jiu|(J^ris f xç^tftMk>:. ir -,
NOVEMBRE <ï8$b. 6%f
1 imaginé que le sel ètàt nommé îd comme le symbole ; de fa sagesse ,
I et mis en opposition avec la foire 4e$ den* vieillards*, qêitt duo senes non
\ mitant haben* su lis, scillcet ptant insutêi. M. Ntudet a écarté avec raWdh
m> commentaire tiré de si loin.
>La même femme dit, dans la scène suivante (itl, 3, n , 22) r
JVon matronarum paruan'str sedmmtricium>
Vrr'ualiqiis, rtû vir , subblandirier^ - ., ..
■ . f • • « ■
Au Heu de parfum, la plupart de* éditeurs ont imprimé officium.s et il y
a plusieurs manuscrits qui portent : if on matronarum y arum est officlum*
Apparemment de premiers copistes auront lu pariim pour partum qu'ils
ne comprenoient pas; et ojficium^ es^ peut-être une glose qui se sera
introduite dans le texte ; mais parum e.t pjficium altèrent là mesure, du
vers. La leçon par tu m ^ qui. I* réunît, ef t empruntée par ,JVJ,. Naiidet à
M, Bothe, Le grammairien Charishu nous apprend qû'Enniuç avoit écrit
quatuor partum , et César haxum parfum vous parti um. Nm matronarum
partum'st signifiera apnc : « il .n'est pas <îp rôlç des femmes honnêtes. »
A l'acte. fv déjà même comédie î^ène I ,.v. 18-19), nous lisons :
illœ au te m senem extrudere cupiunt incoçnçm ex çdibus. Lambin et Car
merarius avoient mieux aimé incanatym %c\uî faisoit disparoître le jeu de
mots entre senem et inc&nem.-Çe c^epbourg, que d'anciennes gloses
autorisent à maintenir.» seroit remarquable en ce qu'il supposerait que
la Jettre ç devant « prçnpit dès 1^ tpjnps de Plaute la valeur de ¥s.
Une des scènes suivantes s'ouvrç par ces vers ; . r
Sttavi eanéu eeneelebra omnem hanc plateam hymen œo.
Io hymen hymenaef io hymen!
On pourroit croire que l'aueui pailefnui juueur de ffûte qui sort avec
lui delà maison deStalinon; mais, selon M. Naudet, il s'agit de celui
qui se tenoît constamment sûr le proscenium pour accompagner les
cantica et les diverbia; c'est comme si , sur nos théâtres, un personnage
s'adressoit à l'orchestre ou à l'un des musiciens qui s'y trouvent rassem-
blés : cette conjecture est fort conciliable avec les pratiques des anciens
théâtres. H nous resteroit plus de doutes sur le commentaire des paroles
2ue prononce ensuite le même acteur : esurio arque adeè haud sitio.
)omme quelques-uns de se$ prédécesseurs, le nouvel éditeur veut que
cej texte soit altéré , et propose de remplacer adeè haud par non parùm :
J'ai faim > et je n'ai pas peu soif. Saumaise et M. Bothe ne corrigent rien ,
é»8 JOURNAL DES SAVANS ,
et laissent dire au personnage 3 * J'ai ftim, et tellement fiûm que je ne>sens
point la soif. »]Uid& petttsembfer on peu recherchée } mais .elle est iro-
Hfédiatecnent exprimée,, jw . fes/Ato» ktmi ûtqut adtè ha*4 sitio que
portent tous les manuscrits , et n'est en eU^-ttième dépourvue m ddvér
rite, ni d!mteiîtionçpfpiqu^. •:.;'. ...*: .. ;.:; .::.: .;
Les notes que nous venons de citer sont en bien petit nombre ; elles
ont pourtant des obfetsisi dhrert ,• qu'eHesr^peàvialt suffire pour montrer
que ce nouveau commentaire tiettf à toutes ié$ braifcttes de l'instruction
classique, à la grammaire, à Fhistoirç, à la morale, à la théorie des
beaux-arts , et spécialement dé ; Part dramatique , à là critique mtérîifrë ,
aux annales de fa Kttétature aiïciêhné et moderne. Cest donc àvècjtfus
de finît que jjàttais qtToïî fâîfalépidierf dan* cette é^bii, les fîkâiï-
cieris moifamëriJ qui noué r&tèhf du" théâtre dés TLatihio^rtiêmê de
leur pfôéjfé , $ï nous iiev tétfdte paS.îonipte de qû&qiîeé 'mgfaètë qui
ont trop peu de c'dtosîitariiéè. 'IDéfi iîpr^ëu^jpatsôli antiquité , Phxîié
l'ert encore par fa ^érîôifté àè sbh talent ,; c^iqult1 rfèri ait pas tou-
jours fait le plus heureux nile plus ïouaBfé usage, fi eS? jSârmis de penser
que jusqu'à ce four il n*a été'lraq^sé'dkijs lé gerbe comique que j*ar
Molière. Nous pênsom'IrtuM et
mieux interprété 'qiie , pair sbiï llôtf^eaû cort méritàtfeur , toïrsqtie cet ex-
cellent travail de MÎ Natutët'a^
générale* tet préliminaire* qu*qn "à dtoit fottettdfc de te sàvâftt acadé-
micien. Le volume que iioUs venons (f annoncer est imprimé avec tin
grand soin : il est néanmoins tértniné par un errata qui a plus de 20
articles , et qu^uroit pu être oii5 pètï plus ïôftg. -
DàUNOU.
il fi
■p^»
•' l ' !
NOVEMBRE 183Q. 6ty
Recherches sur quelques-unes des révolutions de la surface du
: globe, présentant différent exemples de coïncidence entre le
redressement dès couchés de certains systèmes de 'montagnes,
et les changement soudain J qui ont produit les lignes de démar-
cation qu'on observé en eertmu étages consécutifs des terrains
de sédiment ; par M* Elle de Beaumont. Paris, chez
Crochard, libraire éditeur* cloître SainfBenoît, n.° 16 9
...■ . ' . -
Nous avons fait connaître , 3 y a ppu de temps 9 dans ce journal ,
un ouvrage de jV^jgiie. dp Beaumont; jious en présentons aujourd'hui
un autre qui u'estpas d'un moindre intérêt. Le premier çontcnoit des
observations sur lès (Jifférentçs formations qui* dans le système de?
Vosges, séparent la formation houUlière de celle dw &*• Dans le
second, Jauteur ^pcçupe de points de géologie rel& tifs aux différentes
chaînes de montages, p^iicuWretflexu à la manière djêtre des couches
qui les composent , et à leurs yariatiqn%t
Une fois qu'il a été reconnu que les chaînes de montagnes s^toient
formées par un soulèvement, et qu'elles étoient sorties déjà terre , on a
été porté à rechercher si elles avoient pu se soulever sans produire sur
la surface du globe de véritables révolutions; si le$ convulsions qui
ont enlevé dçs masses, quasi puissantes .n'ont pas agi sur les couches
de l'intérieur ; si les lignes de démarcation qu'çp, ob^erye dajis Ja
succession des terrains, et i partir de chacuue desquelles le dépôt de?
sédimens semble avoir recommencé , ne seraient pas le résultat des
changemens opérés dans ie* . limites et le régime des mers, par les
mouvemens successifs des montagnes.
Le phénomène du redressement ijes epuches a,imprimé^ux diverses
aspérités de la surface du gjobe terrestre , des caractères particuliers, et
les montagnes se partagent, ep {Qfféprens systèmes qui se distinguent
pettement les uns des autres par des directions qui y dominent.
Le but de M. Elie de pêaumont £st dé prouver que fes époques
auxquelles correspondent plusieurs des solutions de continuité qu'on
observe dans la série des terrains de sédiment , ont coïncidé avec celles
dc^, convulsions auxquelles souv.^f Ifs . redressemeijs et les disloca-
tions de couches qui nous présentent autant de systèmes de montagnes
diràpcts, ou, en d'autres termes, ,dy montrer par des exemples .que la
d($J^pt»on ^u»p m*b& *» «TO^Jff^W du glqbe f miivaut une
Ssss
V
tyà JOURNAL DES SA VANS,
certaine direction, a formé une partie mtégntote et essentielle de chacuh
des cbarçgemens brusqua dont les géologues, et les zoologistes sont
parvenus à reconnoître.ies tcaces» L'état de la surface de notre globe,
du moins à partir de ces temps reculés et encore très- obscurs qui ont vu
se former les terrains dits de transition, paroît dpnc s'être composé
d'une série de périodes de tranquille pfus ou moins analogues à celle
dans laquelle nous vivons, et dont moine a été- séparée de la suivante
par une révolution subite, violente et passagère ; daris laquelle^ les
couches d'un certain système de montagnes ont été redressées dans une
direction déterminée.
Voici les exemples que l'auteur en donne.
1/ Le* antiennes terres1 sur lesquelles Oht cru tes végétaux dont les
couche* de htraiife ont été composées, ne Sont drflkifcs à reconnoître
aujoùrcThm quepàt suite des bouleversement ttemrbtetbc qui sont venus
depuis lors les déformer. L'auteur rite certaSttes parties du bocage en
Normandie,* certaines parties montueusés de TAhgléterre et des Vosges,
qui ont fait partie des îles qui é'éievoient* au-1 dessus des mers de cette
période reculée. Ces vieilles terres doivent évidemment -leur inclmaisori
à des convulsions antérieures au dépôt de fa série des couches dont
celle» de howde font ^ftfè; &t.
a.°< Le Rhin, de Bittgen à Cologne 9 traverse u*j système de mon-
tagnes dont lé Hundruck et les Anfcnne* font partie, et qui se
compose principalement de schiste argileu* , de grauwacke , de calcaire
et de grès houfllier , dirigés à-peu^près de Fest»ndfd-est à F ouest-sud-
ouest. Les couches houillière* inclinées des environs de Sârrebruck , sur
la tranche desquelles s'étendent horizontalement les couches du grès des
Vosges, faisant partie de ce système que M. LéopoM de Buch a
nommé système dès Pays-Bas , il est évident que le redressement des
couches de ce même système a eu lieu entre le dépôt d'un terrain
houillier et celui du grès des Vosges,
3 .° Les couches de grès des Vosges , dont se composent les longues
falaises qui bordent là plaine du Rhin depuis les environs de Bâle jus-
qu'à ceux de Mayence , ne s'y trouvant couronnées en aucun point par
les couche* de grès bigarré et de muscheïkalk qu'on observe si sou-
vent à leur base, H est naturel de penser que ces mêmes falaises ont
dominé, d'une grande partie de leur hauteur actuelle, la nappé cf eau sous
laquelle se sont déposés le grès bigarré et le muscheïkalk de r Alsace ,
et par suite que la feHie qui leur a donné naissance a été' produite entre
la période du dépôt du grés des Vosges et celle du dépôt du grès
bigarré. Telle est uonc la date géologique des acddens qui caractérisent
: NOVEMBRE i8}0. «91
le système que M* Léopoldde Bucb a nommé syrùme du R /tin, et dont
font, partie les longues fàiaises que nous venons dt cher*
4-° Les couches de> calcaire ooKthique , en s'è tendant horizontalement
sur le prolongement des couche» houillières de Montrcéais , de Mont-
fan, dé S»mrGeorge-ChâtriMsdi* {. Mame^feLoiie ) > redressées dins
la.dn%ctioh nord+oaest, sud*est, du système dcscôtps nord-ouest de là
firetagne et de la Vpndée* montrent que ies accident qui «atactérisent
ce système remofitem plus haut <Jueia période furasskjwe. Au centre de
ia Fronce» près cTÀutuh -àt> d^Ayaifan, on voit le* premières couchés
juratsiques , composées idu fia* et d'une partie des arfcosel devenu* ri
célèbres par les savantes recherches de M. de Bonnard, venir embrasser
des pfcotubéhuiicéB afongéesidfaielanttvffe directe* m*d*ouest au sud-
est, et composées àfla-taisiderocfcesgranitiqueier de couches dérangées
du terrain faouilBet et «Pèn afkose particulier, contemporaines marnes
«rséeq. >ità même direction y ef. probablement les, ipé rites circonstances
relatives àlIHttdhsaisoniet ^ ^hup/miiaiité des couches, se présentent
en AUemagàfe daqs IpTtnaâigei liai et-dam fa partie de Bttimar*ald~
gebrige .cotofhrise entre ia Bavière^ et 4a Bohème. Todt annonce donc
que le redressement des couche» cPwi système de montagnes dirigé dit
nord» ouest au sud-est, dans lequel seraient comprises les -collines de
ia cote sud-ouest de la Bretagne , celle de la Vendée , le Morvan , le
Thuringenfrald et ie Bohmanraldgebrige , pt fat* partie de la révolution
du globe qui a établi une ligne 8e démarcation entre' 1a formation des
snames irisées et celle «dunfias ; première assise du- terrain jurassique.
. . 5 .° L'Erzgebiige ehrSaàe, la Côte-cTOr r le PHa$ en Forez, font
partie d'une série d'accktandelasudroda globe ;, qui coupent te
sbéricben de Dijon sous un angle cPeûviron 45 degrés, en «'étendant
depuis les craies «horizontales de la Pologne «et de Dresde , jusqu'au*
dépôts crayeux du midi -de ia francè. Dans; f intervalle* le dépôt juras-
sique tout entier est, afïecté par ces aocidens, aussi bien que toutes les
bouches plus anciennes. iMv» te pRijuerfcalb et te gréa de Konigstekt ,
qui sont contemporains de la craie et dû -grès Tert, ne s'en ressentent paèjr
et l'on remarque aussi qu'un -dépôt contemporain du grèï vert s'est
fermé dans les hautes vallées» longitudinale* $\t Jura » qui *e» rattachent
de proche en proche à ce même système; il est donc évident que le
système dont 1 Erzgebirge y la Otae-d'Qr et Je Pilas font partie , a pris
aon relief actuel entre 4e dépôt du terrain jurassique et celui du grée
wart et de la craie. ■ /» . . ,■."■.;. •; ' "■ . - j
• ^4° On reconnoît , perdes observations du méqie genre , que^hms k
etaîa&de* Pyrénées , da»s les ppncipavx chtîoon* des^Àpenniite >*ir*i
s$$$ 2
69i JOURNAL DES SAVANS,
que dans quelques petites montagnes de la Provence , les couches se
sont redressées entre la période crayeuse et la période tertiaire. Ce
système comprend Pescarpement noid-nord*est du Ha» , les Carpathes,
la Morée, quelques-uns des chaînons .des montagnes du nord de
l'Afrique , Ac, ; les AUeghanys et les Gaies paroissent 6*y rattacher : en
un mot, il se compose d'une suite dé rides qui courent parallèlement à
un fil qu'on tenéîofc sur un globe terrestre depuis Natches sur lé
Mississipi jusqu'au golfe Perskjue, Dans toufces celles de ces rides
qui ont été suffisamment eiaminées, h> amie a .été redressée et les
couches tertiaires, sebt Tenues s'étendra à -leur, pied et dans leurs
intervalles- /,:■"'.-. *•..-.■
7.0 La variatiea subite et considérable qui s^obsenre dans la nature des
couches tertiaires , lorsqu'on passe des iroÉrnes supérieures an gypse
parisien, au grès de Fontainebleau -, qui iëur est iwntédiatemem
superposé j étant rapprochée des analogies itîrées des exemples .précé*
dens , semble conduire à rechercher quets pourraient être les accidens
de la surface du globe qui daterotentde cette i époque» Il parait trèt-«
probable à M. Elie de Beaumont que les hautes vallées de la Loire et
de l'Allier > parallèlement auxquelles, les tuasses volcaniques des mon*
tagnes se .sont éloignées du nord tin sud > la vaHée dans laquelle la
Saône et le Rhône coulent du nord au s«d de Chàlon**sur*Saone à la
Mer Méditerranée , le groupe alongé du nord au sud de Corse et de
Sardaigne, et divers autres accidens du sol. qui sillonnent dans le sens
des méridiens l'Italie , la Turquie et la Hongrie , auront pris naissance
entre le commencement et la fin des dépôts qu'on nomme tertiaires ,
et auront peut-être commencé à se produire au moment du change*
ment par suite duquel le dépôt du grès de Fontainebleau a succédé
aux marnes de ia formation gypseuse de Montmartre.
8.° Dans la partie occidentale des Alpei ( de Marseille à Zurich )$
les couches secondaires et tertiaires se sont toutes également redressées *
en faisant avec le méridien un angle d'environ 26 degrés , et un grand
♦dépôt cFattérissement s'est ensuite lentement accumulé sur les tranches
des couches ternaires verticales , avant f époque du transport des grands
blocs de roches alpines qui sont venus le recouvrir lui-même à une
époque postérieure. Si Ton tend un fil sur un globe terrestre , du cap
Nord de ia Laponié au cap Blanc du royaume de Maroc, et si on le
prolonge dans l'Atlantique jusqu'à la hauteur de Monte- Video ? 9
sera à-peu-près parallèle aux cordilières du Brésil et de la Norvège,
aussi bien qu'à une partie des chaînes de l'empire de Maroc à la ligne
générale de h côtfe d'Espagne , du cap de Gates au cap de Creuss, et
NOVEMBRE 1830- 693
à la direction de la stratification dans la partie occidentale êes Alpes
( de Marseille à Zurich ) . Cette concordance de direction conduit à
supposer que les divers accidens de la surface du globe qui la partagent ,
ont pris naissance en même temps. La position des blocs transportés
dans le nord de l'Allemagne annonce assez que les Alpes Scandinaves
se sont élevées , comme les Alpes de la Savoie , après le dépôt des
terrains tertiaires : du reste , il n'est p^s nécessaire que le transport des
blocs du nord de F Allemagne ait eu lieu dans la même révolution que
celui des blocs du Jura , qui a été opéré à une époque plus récente
encore que celle dont nous venons de parier.
9.0 Les chaînes du Ventoux , du Leberon, de la Sainte-Baume , et
quelques autres qui traversent la Provence de i'ouest-sud-ouest à
l'est-noid-est f ont pris leur relief actuel après le dépôt de l'ancien
terrain d'attérissement posé sur la tranche des couches tertiaires/ En
effet , -cet ancien dépôt d'attérissement se trouve redressé à 7 5 degrés ,
près du prolongement du Ventoux (à Mezei ). Ces chaînes de Provence,
dont quelques- unes sont si riches en dolomies , Courent dans la même
direction que h ligne de- métaphores. et de dolomies qui s'étend de
Baveno et dé Lugano à Predayo et à Bleyberg ( en Carinthie ) , et
parallèlement à la chaîne principale des Alpes du Valais jusqu'en
Autriche. Ce parflléttsme concourt avec quelques autres observations ,
pour prouver que la chaîne principale des Alpes a dû prendre son relief
actuel après le dépôt de l'ancien terrain d'attérissement dont il a été
question, et au moment du transport des blocs qui couvrent la pente du
Jura. On peut de proche en. proche rattacher à ce système les chaînes
d'Espagne , parallèles à la Siera-Morena , celles des Baléares , les prin-
cipaux chaînons de l'Atlas , la partie orientale de l'île de Candie , les
chaînes de l'Asie mineure , le Balkan , la chaîne centrale porphyrique
du Caucase, les paropamissus de l'Hymaiaya. Toutes ces rides sont
parallèles il un fil qu'on tendroit sur un globe terrestre depuis le milieu
de l'empire de Maroc jusqu'au nord de l'empire des Birmans.
1 o.° L'apparition d'une chaîne de montagnes qui , à en juger par les
deux derniers exemples , a produit dans les contrées voisines des effets
si violens , n'a pu au contraire influer sur des contrées lointaines que
par l'agitation qu'elle a causée dans les eaux de la mer, et par un
dérangement plus ou moins grand dans leur niveau ; événemens com-
parables à l'inondation subite et passagère dont on retrouve l'indication
à une date presque uniforme dans les archives de tous les peuples. Si cet
événement historique n'étoit autre chose que la dernière des révolutions
de la surface du globe , on seroit naturellement conduit à demander
loi JOURNAL DES SAVÀNS,
quelle est la chaîne de montagnes dont l'opposition remonte \ la
même date » et peut-être seroit-ce ie cas de remarquer que la chaîne
des Andes, dont les soupiraux Yolcaniques sont encore généTalenpent
en activité, forme le trait le plus étendu, ie plus tranché , et pour ainsi
dire Je moins effacé de la configuration extérieure du globe terrestre.
- ' Les divers systèmes de montagnes dont nous venons de parler se
ressemblent par leur disposition générale , qur consiste à présenter une
série de chaînons de montagnes courant parallèlement les uns aux
autres dans une zone dont ia longueur ne dépasse guère une demi-
circonférence de globe tenture. On crorroit voir autant ^applications
différentes d'une même formule, dans laquelle on auroit fait -varier à-la-
fois le temps et la direction; et Ton doit remarquer que ta série formée
par ces termes successifs étant croissante, rien n'indique qu'elle soit
terminée. 11 seroit donc impossible d'assurer que fat période ^de tran-
quillité, si stable en apparence, dans laquelle nous vivons, ne sera
pas à son tour interrompue par l'apparition d'un grand système de
montagnes* Cette peftsée de M. Elie de Beaumont n'est pas Rassurante
pour les personnes faciles à s'inquiéter; mais elle. n'effraie pas celles
qui savent que des bouleyersemens pareils à ceux dont tf vient cf être
question sont excessivement rares x comme îi l*a feit connottre; Au
reste , nous laissons aux géologues à apprécier todf le métije de* re-
cherches de Fauteur; noiq ne pouvons que recorinoître dans leur publfc-
cation un intéressant travail , dû à des réflexions nées dans Pétude
approfondie du globe terrestre , et auxquelles M. Elie de Beaumont a
été conduit en partie par l'examen sur les lieux de plusieurs chaînes de
montagnes de l'Europe.
TE§SIE£.
NOUVELLES LITTÉRAIRES,
\
INSTITUT ROYAL DE FRANCE, ACADÉMIES.
Le 18 novembre, l'Académie française a élu MM. Cousin et Vienjiet, *eri
remplacement dç MM. Fourier et de aégur,
Le 26, l'Académie royale des inscriptions et balIesJttnres a élu MM* Dugas*
'•
NOVEMBRE 1830. 6^
Montbel et Eusèbe Salverte académiciens libres, en remplacement de MM. Lé*
vêque de Pouilly et Garnier.
Le 29, l'Académie royale des beaux-arts a perdu M« Catel, membre de la
section de composition musicale.
L'Académie royale du Gard a mis au concours les deux questions suivantes:
1. Quels sont les obstacles qu'apportent les patois aux progrès de la civilisation
de* classes inférieures du peuple, dans les contrées où ils sont en usage ! (Prix,
une médaille d'or de la valeur de 300 fr.) ~~ II. Déterminer quelle est l'in-
fluence exercée par les substances salines solublet que l'on peut se procurer à
bas prix dans le commerce, telles que le sel Commun, le sulfate de soude 9
l'hyorochiorate et l'acétate de chaux, les seis ammoniacaux, son employés en
dissolution, %qn à l'état pulvérulent : déduire de ce genre de recherches, et in-
diquer d'après des expériences . quelles ressources 1 agriculture pourroit retire?
de ces sortes de matières employées comme çiigrais. ( Prix , une médaille va-
lant 4 $0 fr. ) — - Les concurrens doivent adresser leurs ouvrages, francs de port,
avant le i." août ^prochain, à M. Nicot, secrétaire de l'Académie, à Nîmes.
L'Académie de Copenhague* entre autres sujets de prix, en propose un de
physique et un d'histoire , en cet termes 1 1. Unde pendec ut darè audiatur
sonus per spatium quantum fieri potes! maximum 1 Quienam postant ex ejus
rei cognitione deduci prjecepta in «dificiis toustruendis observanda , ad ora-
tiones et concentus auoiendos destin atis! Quatenùs sine nimiâ totfus aedificii
immutatîone corrigt poslunt vitia architéctbnila quse audituî àfficiunt! —
IL Constat taedii «tvi tempore , maxime secttiis xill-xv, et initio sec. xvi,
in variis Europsr partibus, exempii causa, in Galtiâ, Angliâ, Germaniâ, Urigàriâ ,
Danià, crebro exortos esse, et veluti contagiotos serpsisse, motus et tumultus
populares,qui^/ii rustica appellari soient» Cùm hi motus et tumultus, Iicet
temporis , loci , et rerum condition* diverti , ubique tamen similem aliquara
faciem habeant, desideratur ut institut* generaK istorum motuum comparatfone,
ottendatur , quid vel in iptlt moliminibus> vel In origine et causis, vel in eventu
et effectibus* commune naberent.
M. Abel-Rémusat a lu, dans le courant d'octobre dernier, à l'Académie des
belles-lettres, un mémoire étendu sur un voyage dans l'intérieur de l'Asie,
commencé l'an 300 de J. C. , et terminé douze ans après, par plusieurs Sa-
manéens ou Bouddhistes de la Chine. La relation de ce voyage existait à Ja
bibliothèque du Roi. Deguignes,qui enavoheu connaissance, avoit renoncé à la
traduire, par la difficulté de recorinohre les noms des lieux indiqués par le
voyageur , et qui ont pour la plupart disparu darts l'éspace.de quatorze siècles.
C'est précisément à déterminer la position de ces lieux et à fixer la synonymie de
cet noms crue M. Abel-Rémusat a consacré les discussions dont son mémoire se
compose. En Combinant les matériaux fournis padH'autres vovagëurs chinois, et
ceux qui ont été tirée en trop petit nombre des anciens (ivres indiens, il est parvenu
à tracer , sans aucune interruption , toute ta série des points visités par les pèle-
rait , et il çn résulte un fait géographique très-remanfeaHe. En effet , il demeure
établi par ce mémoire que Chi-fa-nian et ses compagnons, apte* avoir quitté la
ville de Si-'an-fou dans le Chen-si, traversèrent divers états, vinrent au pays
des Ouïffours,puisàKhotan, et ensuite dans le GtfdWmire ; au'ayam çiavi les*
monta Himalaya et passrf l'indu* aux environs tfAttôck où oe Peishawer, ils
696 JOURNAL DES SAVANS,
trouvèrent sur la rive gauche <Ie ce fleuve une population tout indienne pour
la langue, les usages et la religion, des princes voués au culte bouddhique , et
des états portant des noms sanscrits. Parmi ceux qu'ils visitèrent dans ces
contrées , et dont la relation parle avec quelque détail, se trouvent ceux d*Ott~
diana ou du Jardin, complètement inconnus d'ailleurs, de Gandhara (ou des
Gandhari ) et des Fe-ieou-cha Ou Beloutches , peuple dont on trouve ici la men»
tion la plus ancienne. Après avoir visité tous Jes lieux de ces pays que des
souvenirs religieux a voient rendus célèbres, les pèlerins repassèrent findusy et
entrèrent dans l'Inde proprement dite. Us se rendirent a Matoura et à Ca-
noudje; puis, s'élevant dans la partie de PHindoustan qui est au nord dm
Gange, ils parcoururent les royaumes de Jtoushala, de Kabila, de Rama, de
Kousninagar^ , tous plus ou moins fameux dans les annales au bouddhisme pri-
mitif, et dont la position, demeurée'incertaine jusqu'ici, est indiquée avec pré»
cision par ChMa-hfan, et déterminée, pour la première fois, par AL Abet»
Rémusat. Les pèlerins, continuant leur router vinrent ensuite dans (eMagadha*
à Patalipoutra ou Patna , puis à Kashj . oU Bénarès , le seul point de ce long iri*
néraire que Deguignes ait reconnu dans l'aperçu qu'il en a donné en cinq pages.
De Bénarès, ÇhVfa-hian revint! Patna, et, descendant le Gange, s'arrêta aans
le pays de Tchampaou Bhagelpour, et plus tard dans celui de Tamialipti ou
Tamfouk , où il s'embarqua pour Ceylan. Le séjour qu'il fit dans .ces différens
états est décrit avec plus ou moins de détail. selon le degré d'importance re-
ligieuse des objets qui se présentaient à son observation , et selon les facilités
qu'il y trouva pour étudier le sanscrit, les livres théologiques et les traditions
sacrées. II repaxtit de Ceylan, muni die coftaoissancesJtrès*éftendues en ce genre ,
et d'une riche collection d'ouvrages sanscrits. et d'images religieuses. Une navi-
gation très-orageuse le poussa (FaSord à Java; puis, par une suite de tempêtes,
le vaisseau qui le potfoit, et qui faisoit route vers Canton , ae trouva entraîné
jusque dans le nord de la Chine, et il débarqua dans la province de Chan-
toung. Deguignes s'est trompé même sur ce point , en faisant rentrer Chi-fa~hian
en Chine par Canton. Les conclusions du mémoire de M# Abel-R^musat sont
résumées ainsi qu'il suit: i.° Le bouddhisme étoit, au commencement du
cinquième siècle, établi dans la Tartane centrale, à l'ouest du grand désert,
aux environs du lac de Lop, chez les Ouigours , à Xhotan , dans tous les petits
états au -nord de l'Himalaya: On y voyoit des .monastères peuplés de religieux;
on y celébroit des cérémonies indiennes; on y cultivait le sanscrit, et cette
langue y étoit assez répandue pour donner naissance à des noms de localités.
2~° La même religion etoit encore plus florissante à l'ouest de Tlndus , dans les
états tout indiens qui occupoient alors les montagnes de F Afghanistan, Oudiana,
Gandhara, Beloutcha, Tchioudasira, &c. Le culte de Bouddha y avoit porté
ses pompes, et des traditions locales plaçoient dans* ces contrées le théâtre
de plusieurs événemens relatifs à Tataagata, à ses voyages, à ta deuxième
rédaction des textes sacrés. #ne extension si remarquable des langues et des
doctrines de l'Inde dans l'occident, a'étoit encore que soupçonnée : Fa-hian
en rend l'existence incontestable, en fait connoitre l'époque et l'origine, et
fournit a l'érudition des matériaux qui lut raanquoient pour expliquer le mé-
lange et la combinaison de plusieurs doctrines orientales. 3,0 L'Inde centrale ,
c'est-à-dire, le pays qui est situé sur les bords du Gangs, entre les montagnes
du Nipol, les rivières Djpumna et Gogra, est U véritable patrie du boud-
dhisme, qu'on avpit à tort tfatsportée dans le B^bar nvéridf onaL Chakia-mounf
«tJié à Kapîla,«Hi environ* d'Aoode et de Likltrww.Son pèraétoit un prince
de cep^s,'trtlduiredu-«pi deMagadtH, qui résidait. à Aialipoutrâ; : Toute
ta prédication t'est accomplie au .nord du- Gange,, dans le» province» d'Aoude,
dé Bén»ùf, àkm feBeiW septentrional. 11 * fini isa. carrière au nord de
i*ttt» , d*m lt*TOinmg9 der-montÉnK) du rNipol. Tout ces faits:, ignorés jui-
qtftcl on doa^Uwetw c été.dtpl^aéèv rectifient In eirnnidéceut qui» comme
Oegeigirei j tint 'fbcé là qatsmaoce de iBottddna ^dinrhtCirbemi»* «de ceint
qui, d'après de savans Aftgknt, l'^op reportée dant If aaràe «Mdittwle du Bebar;
p^ye<^yâjAc.4.°*^^d^«ndeicef>waIfl>1b.r^adrfbBTae y avoir; cinq
siècles après f ouverture doriotre ère, conservé, en oppas^ttoa avec le b>ahrn*i
uijme, une sone de supériorité ipaUtiiiae ; des tradition* I» ftrisoient remonter
tans intemipiion Jusqu'au X.* siècle avant J. C Des moanméinf^ dont plus leurs
rahsistoient encore , dont quelques-um étoient en ra in* , tùtifomck m la ttarsenr
de «es cradltums. ç," Le. bouddhisme avoît T^éo-é:)usqae dut*. le .Bengale et
aux embouchures du Gange. 6.* On assurait que la même. religion avojt aussi
pénétré très-anciennement dan* le Décan; er»il cris tort1 dès- for*, \d* M cette
contrée , de* etcavatiohrun forme de temples^ dont on fafawât mtoonter I* cons-
truction, regardée comrde recense, par Le* savans les plus*, célèbres, au temps
même du: lacoesseurimiaea'iÉtlde.-Cbatia-nïftuiii. 7+.L& rsoaddbiiine étoit
dominant à Çeyho, et les etnétnonirs- de re ç*JM n'jî colébxpieiK av.e* tn«f ni-
ficence. On y trouvoit des livres religieux. On s'y croyott, dans le moment, du
voyage de FMdÛ^^hUiAmK3ltm.mdlmàXM»fmpMieiinillèm»-9U'iélkàMm
1* Nirvana de Chakia^nobni. ffiw-rVio doweneétre-afontà» à ce** rque Al, E.
•urnoufa discutés po or fixer l'époque oV introduction du bouddhisme à Cey-
bn.8.*On cKercrwtt dèvlois , par Férùde. des langues sacrées , entreprise dan»
tonte* les partiel de l'Inde, fà compléter la collection, et à faciliter l'intelligence
des textes religieux. On en avait recueiHi'tm très-grand nombre dans la pro-
vince d'Aoude, % Pama^i-Benarèf., au Bengale, a-.Ceylan.; m toutefois il
n'est fait aucune mention» «Via dWerence qui devoh exauer entre lé dialecte
de ces textes; selon qu'île étaient éfarhi en sanscrit ou en paît , .
Indépendammewt 'du;raéqw>ire oV»t on vient de présenter; !•. sommaire,
M. Abel-Sémusat a traduit en entier du chinois la rcJattp* .Ht Fa-hUn , si cu-
rieuse pour la jséognphie urdentie, dé l'Inde et la :Cw*no**sance des tradi-
tions bouddkrquirs.LesécfairasMshtBJ qu'il a Joints à sa ïrad-action ,. lesquels
font connottre d'autres voyagea .du mftne genre et contiennent beaucoup de
renseignenitm sur Ténu de ïHindousaae. tàx IV,*, «t VJ siècles, «ont très»
étendus, et formeront on volume fisKfi.1 *i ■■ : . ■-..-.•■■.■....
tktiicX
On a publié une 19.' édition de la Grammaire grecque de M. Burnouf. Parir,
Aug. Delalain , 1830, in-S.', 11 feuilles et 1/4. Prix, 3 fr.
; Nouveih Rhétorique française, extraite des auteurs suivans : Arktote, Hermo-
gèna, Denis d'Halicarnasse , Lucien, Lorigiti,. Cicéron, Quintilien , J. Seve-
rianus, Fénélon, Larny, Colin, iouvency , Gibert, Roliin,'Crévier, Racine
fils-j Montesquieu, Dumarsais, Voltaire, Marmontel, Batteux, Gaillard , ]La-
rMfpf ,Dpri tainai . Mauiy , Girard ; MM. Amar, de la Malle, &c. ; par un'pVo-
Tllt ""
tfo» JOURJiAL DE&&AMAHS,
feimir del'Unrvewité roy^e^A^daWe de Patiif.*." édition „revufc et cor-
rigée.'Parts, prfrfiin.najo, . ir»f.'. f.fifcmBéi et i/*. Pri* .,■ * Ù. ;8ç> c . ..
- Lettres inidim de A^aiv^AuTeUuxk Froment trtduôtsrsn. fra*ffta .ayec. ie
teite fartitt'WU regard, «t dé* Botês,ipar M. Arnana Ga«<aa*i Paris ,, le ,Vjvi*.
sear, 1H30; 2 vol. i»-A* Prilt, 14 fr. Ceue édition et ces», verrion :ténj faite*
d'après les deux édhic^dotn^et pstrMi Mài^ ej'lb» cirreciioraJde MM. Btftt*
matin, H«iBdorf^'NhAutirt Vo^fa^nrllaaireBiinèi.puUîcsiUq.-tlei enivre* dit
Fnw»i*i nirt»«ife de «spiwibrt iÔi,6ipag. JT^jfi.'^ \'it.'~.* ;' ,-. V,*: .ma
Rtheltide, ouk'W tiette (mm* hiaoriqUr)» par #.?fJpK*»4^eÔ*tr
Périt, Gagniard,' rtoo, 4-ral. în-ii, 900 page». Pri*, 1a fr. M. Siimondie.
pfcàlfé, H y a quelques année* y un ouvrage dp mène genre et-pcatque sur le
même wjwJ,«ou*iethw'<feiAJ/;«,Jiv««. :. ■>.'•■
" '' jLfTHabathmpmtçab > chansons phi losophiqUM f poliâqueftj tatiriques, éro-
rrqn** «IhdltmçrpwMiile Sergent de» Vc^es^ P*jù, tfcflyoart, 183^ , <•>**
Wllfl,1*^ (KM i i(i.'»'i> !i ■ .!;■-■■ <■■(.> ■.■» ',1 .■.;..,.-' y
traduits dei'atfeotand, m précéder d*«ie!N«tké «ar levier et les écrUj.dB
raut^^parMMiAvltwJ-CAar^IlraiPamjAbiChwbubei, ittao.ùwxj
$ voi/.^y^g^eî-ic* page». Prix, rd.fr."tt.iKbiat{i mon en iSni l'âge
de»,V*i*»V»*éttrtt aoçui* C« HrépotarJèn «■< Afleàugne par «et poésie* et ta
r ■ K^*S#«ftA*/w«»i<«Vdt?yp*» D. R^anvABadurt di^^ani). accomjagné
je rtfaWgt dediefetellhrtogr«phiqu«;et précéat jtfahaenifcttQP» ter la. JiitéV*4
tore' âliëtfr nrie Aï itoyen Sge ypex'M. Jac»'MitteivLrespoctenrdei'Atadé«ii(l
de Strasbourg. Swa*boarg,L«ra»lt, ityà'tim<fS>ijdtaaBH*tmt/ttrIittrtariuxi
in AltàtHttnrt tfthàtiiigim ,x-4&i*àmHCÊê «.1734, A'Paiia, è le auSte dei
^id'rfjpiiwAifliwj'de'Mabrllon ( «de Rwnan), m-^,' . .
Dr ta potitiqirt'tt du «Htmttw Ar ptvpin de fantiquitii par .M. A. H. Lt
Heeren,>rflfèiwav-<rhisteii« a l'université de Gwnngue) ouvrage traduit de
l'allemand , sur la quatrième édition > parMt WrSatcaau, Pari», Firtn.- Didotj
1830, ïr&$.*[ t&rh'« 1 et H. Pria dû -Boi; 7 fivj ii y en mil 8. Nous nous
propoîerti dertftilr* osmptede cev'ounraae. :-i > v :■■■•■ ■:■.
- La Proscriptîbfi 3* te vaHhi-BurtHéimy , ■fragment d'hiitoire, dialogué en
5 acte» et enproié, prétedéd une ébaufohiwsmgue des, première» guerres dp
cour oa'guerrésJdë* grarrdi dana ie XTi." siècle, nommées improprement guerre*
de religion; et^d*2 réflexions sur i* Saéao-BaithéVmy y «nrri de remarque* sur
plusieurs accusations portées par divers rùateriea* An no* joan.coéire. Cathe-
rine de Médicis; ( ouyrage de. M,Jioïdçrer). Paris, imprimerie de la Chevar-
diére, librairie d*HeWOrB«tsange,^8i6^^.*> -VrrîÀ48apa|es.
Lt Budget de fleuri III, ou les premiers Çiatj de Étais, comédie historique,
précédée d'une dissertation sur Ir nature dts guerres qu'on a qualifiées de reli-
gion i dans le xvu' siècle, suivie d'une notice nouvelle sur la vie de Henri 111 ;
(par M. Rœdérèr). Pans, imprimerie 'tp* ii' Cfceysrr.dré^ ' *b«rrit de H.
Bossange, 1830. in-S." , vilj et 368'jiagiél. : --■-•'.--•;"'.■ .
Lt Mans anç\entt moderne^ tt sa envffûns, WT KfGnvW :iR|dièIet. Par»,
Desauges; îSjo, ih-i6. Prix, 3 fr. erlrvrecbljlien-f- dW'rjbflrVni préeife* et
curieusc-s sur les monuuiens antiques cSi'dej^fierneTJt de H Strthe.
Delà Grèce jnc-itrnc, et de ses ra>ÇOÉnjl»vA rintiquitc,' par M. Edgar Qui-
nei , n-iihie .de fa commission envoyée pirïe ©tmve*nefnem en Morée. - Srrtfih'
^rg,!*pmh«l*dt-l^iMlt;;P«tt«3traiI*»rg,iibMiwdetev«uIt,i63g,
i*-g.', 460 fag*. ¥«%&&• / ■: ■ .,-.£., ■.- . ,-«..;;.-
" Tabteatt'àè'là flotte** a*clt**f *t~niedenkyyBt\ M, Léonard CbUelw (««-
ht»; ÎJ#.!' tî 1 ■ ./.*. ■ ■ .»■ .' : :t ;,
Hismrt <&i*MMek G>*W, par M.Caw(J*B.P»saneL Paris, Dwauges,
f8ïb, a w& mi£* Prtx, Yyfr. '■"•■■' w "■'
Histoire dit cvtonieï AiiimMj «(«rH'-poK^xéeii dkni VAbytâim «;daos lé
Sestnsatf, iaepnàr. b «IL* pç*W.WUf-,l, C juioft'** IV.* Wtle de fert chré-
tienne, tuivte de dissertations sur 4* .CvUisatjon d«s, peuple», du Soudan, au
ïemptd«:M«K>«i»iieaɧ^fM,di»Ç»i'iii*fiBoi»r<i«» £r*cj«desRooi«ns,
er de ptMÉtdn trnuwsur fe* ifalaiâmw -tomnWrciaiw de.cci: peuples avec I»
negttr, par ftJ. Louis Marco». Ce* evXrage avu 3 -volumes in-$*, mii jpa-,
ioiti-on,t de ) mois «n 3 m«is,.e,p ni» sfxotu accompagnes' d'un atlas. Prix .de
souscription pi^w.çhaqae vol., ofi. ,aa.*ouscrït. cjjp? l'auteur, rue Sjmon-le-
Franc. n." 2t , à foris. ' . y
Etudes élémentaires de philosophie ( ou cours de psychologie ) , par M. de
PardaUlac, ancien professeur Je philosophie au collège royal de Bourbon, à
l'antienne école, normale et à la faculté des lettres, inspecteur de l'Académie de
Paris. Paris, FWin Didot, 1830, 1 vol. "tn-8,> Prix, 15 fr.
Etudes philosophiques , par M- Ch. de Commequiers. Paris, Biaise, 1830,
in-P.° , 1 ç ï pag. Prix, 15 fr. Les facultés intellectuelles v sont réduites à deux,
la conscience et la foi; mais quoique l'ouvrage soii fonde sur ce système, il ne
consiste qu'en chapitres détachés concernant là vertu, la prière, la parole,
Téçriture, &c.
Elémens de philosophie, par M. Patrice Larroque , professeur de philoso-
phie au Collège royal daGrenoble. Paris, Hachette, 1830, in-8.' ,■ 410 pag.
Prix, 7 fr. La philosophie y est divisée en trois parties, métaphysique, logique
et morale; et la métaphysique jubdïviséeen théodicée et psychologie.
Questions politiques , par M, Parent Real, ancien membre du Conseil des
cinq-cents et du Tribunal. Paris, imprimerie de Casimir, librairie de Deiau-
nay, 1830, 68 pagfeMV,VMfti *& 4f-ft ,.-;8i ,->ÀVw. ;[ .•:■-••,»/:? hti
- Otmmtmti iwri* flsrrr»#Psst smecamm*^$ivmu>f, mm M* J}<awàett'*a-
pirsine du.gcat*; aiiéMuêê-iSmà] tarlâàtf9mia.4u<*m»..pt*i'k*-fmïfçrM
dons. Paru, Corréard jeune ci Aucelin, l8jO, 2 vol. ln-8.', xjtih îyQ'tf
417 pages. fra^>f frJ<gew'Jr'UiliA»éè».lfii ni fA .Vwff »Uwiw q>ie
cet otrvràgff, VKfnatmÈÊiÈÊriHUt >«MMéiim'i'
traite
t o Jvragg, tgeiufecqwmwWiUl ,itoiwhian.;M,-M;> ,,:■■. r.im « ,\s-,, J - i
TttitbÀt kfcawÉWi «tmaj «fa mfri /fciwgbt/. totwtHinrirjd jfayfrw *fc«
ité sera publiée à Paris, en même temps que le texte italien -a -M^as>,;.£i
avec les in^wyUirilHK'Ur>W^Bi^^'At£Winidalffiia^ -ËatHlrM «ap-
prouvée par lui. '.'.m .(-.-*;• tv>>ly*'tX , a'/BitiintlJ .nioiv;f«wi
gistarion acro«fla£*jimigb pwdWiémtxM d«noé*Mrt6, lfs|iWecn>S|?y*tfa f
et jurés, par M. E. SedilIot.D. M. de la faculté de Pari*. Paris, CroçWtL,
18)*},! fer-*?, job pït^ri^Vir*. 'UH .■>». '1 .,'1 3,0-jn ,imi,i'.w vi\
On rtnràae ré^rtr^^nrt.hv— biù-rîw àmle*rmtiipMmèii*tf* sjffWBr
pour coIIaborateurt«M.béU»^ HWswr, %shJSm b &&* .****, Çt&na.,
700 JOUHNÀL DE* SAVONS,
de Gérando, Lfcrortriguiére ,. Lévij Lotartnanid* Marrait, Massias, Qurtani,
Rouget-Beaumont, Saphary, Serreau,Thurot, Vantes, &c. II paroft -chaque
mois un cahier in- 8 S de 48 pagpvPrix des 12 nulqéros, 20 h. k Paru, 24 dans
les département , 4 f dans les payt étrangers* .Le bureau (Fabonnenient esc à
Paris, rue de rÉchiquier, n.° 12. L'éditeur, M. Boussi, est auteur éçlaGram*
maire ramenée i sts.prmcrpesiMàUm\*+ in:8f ,. y J&v» et d'une fl/féthode de lecture
et 4e prononciation de la langue française , qui kl publiera pqr. livraisons,, le -rç
de chaque mois. Prix de là livraison ,,ponr les socisfiTpteurs, çocenç-
PAYS-BAS. DefcripthndeemonùmefodéJthadestf&r M. le colonel Rottiers;
Bruxelles, Tenré, 1830, frt-f/, avec figures. ;■ s
PhUosopkorwngracorum , veteruuv fteserfhn qui ante Platonem 6oruerunt j
operum reliquist. Recensait et ttlostravrt ârmon Kursten. Bruxeliis, Frank, 1830;
m-8.ê , vol. I. Pars prima continens Xenophanis reliquias, xxj. et *o8 pag. • '
SUISSE. Plutarchi consotario ad Apollon ium,%nbcè et latine, cum nom
éditons Leonardi Usteri, spicilegio criticb QrelH , varns recnonibus,et rndiribus,
Tiguri, 1830, in-8.ê
ALLEMAGNE.
• < >
* •*
■• ■%
■ ■ 1 *
Der germanisent ttrsprung der lateinischen Sfrachi #| vnd der rétmxchén]
wolkes , ifc. Origine qtrthaniquè de fa langue latine' et dû peuple romain; expo-
tenant un poème didactique arabe sur la prosodie ;âàvfec w frattûction et de4
remarques sur la poésie et les poètes arabes, par M. Freytag. Brjhn, T830;
in-$.ê ' \ ■ ■" ' • ' -;. ;-ï •■'■•'/.■;■ : t. ■"
Pindari capnina que superftmt , cùift deperdftttnnt lîrfcgtntntis sfeleetis , e*
recensione Boèckii , edmmentario perpetuo wnstrmvit Ludolfur Dissenfus. Krfbii
dise, 1830, ïn-8.* , cum duabutf'tifDulis topogf.Ce Volume est le sixième d'une
collection de poètes çrecs.
Exercrtatiohom cririedrUm in romieorgrAcosiïbri trtty avetore Lud. Hano vio ,
Halis Saxonum, Reinicke, 1830, îii-fc' liber priions, rtkd
De Cycle Creecomm tpiern etpoetis cyclicis sàrijKtt , oonnnque fragmenta col*
legh et interprétât** esc C G. Afuller. Lrpstc^ Lehnfaold, 1830, in- 8 S cum
tab. , 1 rxd. ■ ■ - " -i »< . ;*'• . •■■ ■ • ■ v
Herodoti Afuùe. Testons ad Csjsibrdtt>edhk)SWihktecDgnovîc9 perpétua turn
Fr. Creuzeri tum suâ annoutione-insiroait, cbfloùsaentationem de.vtti et scrip-
tif Herodoti, tabniogeographicas,; indicé*q«c,adjedt F. Bakr. Lipsiae, Hahn,
1830V in-f.0 ■■■..• •. • r.
Ris lemnica. Scopsit G. Rodé. AdjncUrnstJLemni tabula, descripta second ùm
Choiseiium. U ratifia viae , Leuckart , 1 829 , in-8.9
1 De éntmuis i&ktmopméb.&cripàvG.. Hu^CutthU Grd&wald», Maurhius,
18*19 , r«-K#^#»irgrJ On remarqué dans ce volnjpe des recherches sur les Pé-
lasaes. ' ■ ; ■ ; • ■ '■' -• .•..■...•".
1 Iter haliçum, autore Fr. Blume. Halle, Anton, 1*30, ntt8.9é 3 roi. II en
paroltra un ^atrietHeWtdernierS, que anrà no us* objet le jfoyaume des deux £î-
ciles. Le troisième àraite des ins^^uonsv» dnsiawhnrés. et des bibliothèque» de
la ville de RoiM« Uifrftttdt chaqâeYoieét tfnolnd. 6 p.
.. - ■ . . ■».
: NOVEMBRE. 1830; ■ 70-1
. Ht Numis vmntaHbma, in nnraophilario goduuo aiservati», comen taiio altéra,
•nmoi dynastiarum recentionun exhrbens; anctore H. Moeiier. Gotha, Ringer,
iSjO, Ùf+S ma/. I nd. 13.
: Inctrti auioîtt mtghtràiuMm H uctrdothnim P. R. Expositianes ineditae.
Cum commentario edidit Ph.Eduardu Hoichke, Juris urrhisqueet philosophiae
•Jocrctr , illiujque profeMor..VraûsIaviarl sumptrbus 1. F. Kornii, 1809, in-S.' ,
xiv et 146 pag, La préfacede l'éjirteiir tàrt coonoitra le m ouate rit qui contient ce
petit traité : ce*.t le manuscrit latin, BdUa-Iettr«* , n.» 6 , de la bibliothèque de
1 Arsenal, i Pari* , volume où se trouvent, fol. «-1 y ; le* deux livre* d'Apulée de
MOI* 0*pirûtionit ttdt ■ dipktIungiMf fol. io-ij , ceux de Priscien dt actxniibusi de
wvwu et pondaiinu 1 fol» 31-36 , divers estrahs oMCeroani-'Iet nombres et
(ni jUMUtti fol. 36-40,. Gwmriht Vtrenteuis de diphthmgh JiMlut ; fol. 4°*43t
WtjMr. notice dé* magistratures et dec sacerdoces dû' peuple romain que publie
M. Huschke. II ne lait pas en quel siècle depuis J. C. elle a été rédigée;
'd, la croirait du i v.*, s'il n'en jageo|i, que par la nature et, l'exactitude de, c er-
tajn* détails,; mais la, latinité ne permet, guèjftjdf la, faire remonter plus haut
«ne lé temps d'Isidore de Séville,. EÙe^est, si courte, que, pour mettre nos
facteurs en étjit de l'apprécier, nous pourrions presque en ■ transrrire ici tous
les articles : en ' Voici un peu plus du ■ tiers, « Kei, Romului omnium primas ;
»sV regeodo diens, Senatoiw k jeneçtut«rajpe|l»ti, wJ.i linendo, quoniam
i consOfio serium. qui tu hune prdinem recepn erant , primé reg« dçirtflc re»p.
nregebâtilr ; àstnendo. verô(quia^magistratibus non plus licebat quam senatus
»iinebat. . .. . Quststorès, qui artrlo pnerecti erant, et sumpttbos publici* în-
wterertnt, qui donec respn. consule carébaV, vîcem régis vél consul» gerebant.
«Console» armaum magbtratum habébïnt;' sed ne duplicata resta potestas
«videreturj liiCujoï-locnrrt consoles succeueram., alteroi» vicibos impera-
» faant ..... Cenwres duo tantùm moribto civitatî* prseeram et lustrU.conCen- '
»êiif qnibus tota trvftai sèqu-eWe populo nrm publica precatione anroîebànt,
«rtcribt cetisori* praieanfe et cs,rmen'carietrr* ùt eSi rénip. uehonm ampliorem-
àmieredderent, censebahtet mifia cTvrâni 1 rbma'norum ino rnstro esseht (ni). ..
i>Tribiini milifim ÇKemrfls pérronrerarrr, quales tribunr ptebit in orbe pro
» plèbe. .. .Triumviri praeerant incendiis noetnmis et excubiis, item rets pu-
« niendis et carceribus. . . . Praîfecti praetorio qui legunt condendarum potesra-
»tem habebani, dummodô generalibus legibus non contraria; essent; nec ab
«eorum sententiis appellare Ficebat. Pontifices maximi ad religionem non ?,d
» publiées magistrat us pertinebant, et exteris prxerant ; nec poteratnisi unus esse
» qui templo Vestl custodiîe palatSii tlnà cum sa'cerdote maximâ pneerat. Pat»r
» pairatus sacerdoiibusfeiialibus prœposiius erat.... Sacerdotes riamines, qui étant
>rà floculo lanse, quem prœeminentia: causa super apice gerebant denorainaE>.
iiCollegium augurumordohominum prudent um erat, qui prodigiispublicis prœe-
» rant. » Ces articles , et Ceux efue nous omettons , ne remplissent en tout que
quatre pages. Les suivantes, j-i 40 sont occupées parle commentaire. M. Huschke
y rapproche de ces notices les textes classiques qui ont les mêmes objets. 11
éclaircit ainsi plusieurs détails, rectifie ou complète ceux que le manuscrit de
l'Arsenal présente, et propose, quand il y a Heu , de meilleures leçons. Nous
n'oserions dire que l'opuscule anonyme sort d'un très-grand prix; mais le' travail
du commentateur se recommande par unesaineet savante critique. Ce volume
est à joindre au livre de J. Laur. Lydus, de magittratibus rçmanis, publié en
1812, in-8.'
7Qx JOURKAIiXïES SAVONS.
Atlas der Wichtigtten Scblahtt» , Ce. , Atlas deestégu et batailla et l'anti-
quité, du mrryen âge et des temps i modernes t. publié par M. Ftançob de Kaufief
('auteur d'un dictionnaire des siège* et batailles). Fribourg^ iSjo, jn-*/ Cet
atlas m publie par livraison»; il y eaaur» 13 ou 14. L'auteur visite, autant qu'il
lui est possible, le» lieux qu'à doit retracer « décrire.
Ltepold von Ledebur. ktiikkt BtUachnatg, 4ft. Exrnne* <r 'tif aw dîr quelque»
pointi de* campagnes de CAarlemagsee contre les0axr)KS et- 1er. Slavtsy pouf servir
à l'histoire et à la géographie d« majréivimfAFiMjrLtop. Ledebur. Berlin,
Mhtler, i8i6.--ivet 19J pagesiW.», 1 nd. ■
Voyage en Nubie, en Kordofim et dans F Arant*) petite, pamculièr«mfltt» KO»
les rapports de la géographie « de la statistique , par ie docteur Edouard Hua»
pell- Francfort, l«0, m-S.% «vec planches. Un» analyse de cet o*W*ge,
par M. Depptng, tient d'être imprimée étiez M. Firmth Didot, io page*
in-st ....... - .■: .*■■'
Rein nach sud-Africa, jFc. Voyage dans l'Afrique du sud ', eï résultat de ntet
expériences fàttet chez les Hottentocs , en ma qualité de missionnaire , avec
le récit de mes aventures , bar M; F. X. Ebner. Berlin, 1830, ■ni-A*"tom. I."*
Die hhtorich-rtaàrsreckliicheit Gnnren motUfner Gcsttrbungen , &C, Les Ifc
mites historiques et politiquement tégater dts Hgfslanons modernes ; ou quels sont
les objets susceptibles ou noii'ifttjè rffclé» par aesibhr; bar le docteur VolIjjrafF,
professeur d'économie publique. Marbonrg.Garthe, 1830, /«-&', ijj pages.
DANEMARK, JVormaunerpet $&tpgt ag dots Nedsmdtnimgi Frankrigt-i .-, . .-
Copenhague, Popp, l8)p, ùwa. Ce»t une traduction danoise de 1 ouvrage.
deM. Depping, sur les expédiions des Normands, et leur tjtjaUisftflMat. et*
Funce [w/. Journal de» Savan», nui et mai j 816, pa*;.. .1,7^178, a8(.iat).
. Le traducteur en M. N. fâ, Peterzen. ■ ,„. ,M '.,,..,■... :■■•.•'.
t>en •Ftzrste Nevemi*rgog4tn,F«TiÇ Auguste. Rtchtnhts fiùfariauei et -ar-
chéologiques sur {ce qui se pratiquait chez les peuples du. nord \ le l.*r no*
vembre et le 1," août, avec un supplément sur le» fête» et te culte dn feu, par
M. Finn Magnosen, professeur et archiviste. Copenhague, Popp, i8ao, ut-è,' ,
236 pages.
GRANDE7BRETAGNE.
DemonotoQ and Witcltcraji. De la démonofogie et de la sorcellerie, par sir
Walter Scott Londres, John Murray, 1830, in~i2 , 400 pag. , avec une gravure.
Prix, y scnHI. Ce volume est le i6.e article de la collection, intitulée Biblio-
thèque de Fami lit ; tht Family libraryl II a été réimprimé à Paris chez M. J.
Didot, sous le titre de Letters on Dcmonology and Wiubcraft, adressée] toJ.G.
iockhart esq. by rir Wa'tter Scott, in-iit 434-Pafr ?"*> 6'fr.,chez A. et.\/..
Galignani.- B !,.,,, . J. . 7, -,..„.^\ . ■ . ,'■ ;„■ . I
Narrative of a journey tinvugfi Gntee** ftécii 4'un voyags tn Criée sn rfjot
avec des remarque» sur f'ërxi actuel des fiacres, miUtaJrts e( navale» de l'Empire
ottoman; par le. capitaine T. A^^rotnnbie Traat .(auteur de l'ouvtage in-
titulé Twaycart in Ava). Lona>esî, pilbur«#t,B«sulèy, tfliQ,i*^.*
The H(storyofÇiodeTn Çrtat- filtre jeUGrict. latine ràavwKMUWr
visiemeut jusqu'à doi)cmuj^ç^ Jajmç»EmenQnvj^l,drfB, Coib,uru .«ijentley,,
18)0, a vol. tth8.' .... .■.}■•■
4} «M i
Jnqutrte
v NOVEMBRE/ tfijôi vr 70.3
TheBoek qf Scatland. Ex Lim A ràdwwfDaciToiicni méthodique de Téurt
ancien et de l'élit actuel de ci pays ); parM. WHl Chaoïben, Edimbourg,
Bucb*nanî eti-omifei.lon^raaat jSjQj «2 pt^as in-i".*
H'utoty of tht Nethtrlands. Histotrt des Pays&m t -pw TWraas Colley
Grattas, Londres, Lnngman , u8}bj Mi/Ai ■'"■■'■
, tfih lift- dmtarboim* in svutk Ammiicm. Surfes itotblet dftf Amérique tttêri-
dionalt. Lontlre* , imprirtnerie de Trfling!, flhp*Ua de JibJcÏ Ridgwal,' 1&3OV
" jtt wt-A.» (Munon d'aiitea».). .1* j K%i'.\ ".-. < ,'* .*''.-
«rw/ «inivrtijjss; thc intrOtctudl ptoerrs «rf'fAr investigation qfxrûtk. Rê~
eaertna sur letfacnhés inteikctutitti/tt svtim manière- de diaHtvriret têecnnoître
iavétiu, pariVLX Abercrorabie, EdlraiMUT|,<Wai<gl* et «>»♦.., 1830, in-#.*
lOjï. *£ ...-!■ ' ■ -.!■•( -λI(.'.
•.-i93hf Pbiltsvpky of sleqr. Lm Pàiéàsqpkàthi tnwntil, fgr ftcb Magnisk
Glasgow, M*ephin, 1830, i*-*1.* ,- ■.■..!.!. .. . .
£TATS-U N IS D'AMER I QUE. TheHistory and topography oftKe United
States, Hlttoite et topographie des États-Unis , par M. J. H îtuon ,.&>&'.'&' plu,-
lietin komitin de lettres d'Amérique et d'Angleterre; ouvrage orné de vues
destinées iar les lieux, et gravées exprès. Philadelphie, Wardle;. New-YoHi,
C*r#flï} ÇbjtOh, Gray et Bowen; Londres, Jennings , 1830, inr^.' > 'fîT
îlvrWsoti. ' ''.'.■■,
ITALIE.
Bibliogrqfia italiana. Tiim des livres qui se publient en Italie. H en a paru
29 numéros in-8.' , à Parme, en 1819 ei 1830. Ce recueil a le roème objet,
mais non, à Ce qu'il semble, la même étendue ni la même exactitude que. la
Bibliographie de la France , rédigée par M. Beuchot,
Storia délia ieiteratiira ïratiana. Histoire de la littérature italienne au JCViji.'
siècle, par M. Ant. Lombardi. Modène, 1830, tome IV et "dernier, in-S/
Intqrno ail' indol^deUaUtumturaJl^anaj^^^Essfij sur. Usarsuilt de la
Hafrâturt tuttinnfBIf X7X".*"îtefr , SVeYBtf!ffiJena!ce""siïr la" poésie Héroïque,
la poésie sacrée et les beaux-arts, par M. Sacchi. Pavie, Landon, i8îo,
/ȣ. .aJaAT
Totiui latinitatis lexicon , consilio et cura Jacobi Faccioiati , operâ et studio
yEgîdii Forcellini; in hâc tertiâ editione auctumet emendawmàlosephoFurla-
netto, seminarii patavini alumntt. Pado'va, tyoîsefùsdeniseriiinarii, 1830. Le io.*
fascicule du tome 3.* de- cette nouvelle édition va jusqu'au mot Pfavîfragvs.
&ggi* di poésie arabiche di Abulctssen ■ , recare rrWersi italiani dal professore
Antonio Rainerî-Bncia, Toscane. Firenze, Magheri, 1830 , in-8.°
HSecolo di Dante, commemo storieo necessario air intelligenza délia divin;
Coin média , scritto da Ferdinando Arrivabene; seconda edizione , arrichita di
tune le illu*rtréfefti^ serît» (fit l?er> Wrcolp) , con fndiee atcntairi-, FrreriW,
Rrettrdi e C-.i^o.-aTOMii-ftVpW/^o^fjfeC ■ £ '"' !, \A ~ .' ■
CHstefon Ceiàtiiêc'idramàfa storïco tf'Crrus.epW^GheTtrdi * Arrêta. Fii
renze, Magherif ïbjàytfr-iBÏ 'f^'-j'^'Vàèi iVWr-Afpliii rr<rrgï;"iWs"J W
Frtttce un drame- biitorjjae1 fl* OTi*rVo^"«oiVjTiar;pifW;*t^^
Racconti di Gxstpait Gozzi,iyc.Ct>ntadeGaspat Gv'tzï\ vqnV rtèie TTOn-
vont pas dans la collection de ses œuvres. Venue, Alvisopoli, 1830, in-8.'
Çollerionedi Romanzi storki trtghati haMhtk ^F&enze , Veroli e C. succeuori
■*
7o4 JOURNAX DESISTA VAN S.
di Gius. Molini, 1830» in-iz> Le prospectus annonce 50 volumes, chacun d'en-
viron 1 80 page», et du. prix et l fiv jo c. Les quatre premiers: tomes ont paru ; ils
contiennent les Prisonniers de Pizzighettone,. ... la Bella céleste (par B.
Bazzoni), GeItrude,Emilia. , ....
Storia d'Italia. Histoire générale de. l'Italie ,< par Gesare Balbo. Turin , Pomba ,
.t 830 , in?8S , tomes J et ÎI , qui ^onesbondent aux années 476 à 774; depuis
Je détrâneraent d'Augustule jùsqè'à rentrée dëCharlemaghe en Italife. '
Annali d'Italia daîryjo al 1819, compilât! da Antonio Coppi; nuova edi-
iione. Roraa^Pietro MërIe,jV30> rn-Af Le dernier tome de la première édi-
tion a paru en 1820: la nouvelle aura six volurnesvqui doivent parohre de deux
en deux mois ; pboe chaque tome 50 ba). (xfivyoc.) Ces annales d'Italie, depuis
le milieu du dernier siècle, continuent celles de Muratori, qui descendent
du. commencement.de Tère vulgaire Jusqu'en 1750, et qui se réimpriment
aujourd'hui à Venise, chez Antonelli, en 48 voL in~i&, y compris une. autre
continuation jusqu'au temps présent.
Atlante geogrqfico, fisico e storico délia Toscana, dei dottor Àtu^io Zuc-
chagni Orlanaini. Firekizè , stamperia granducali, 1830, II avoit déjà paru 12
cartes de cet atlas de la Toscane , au mois de juin dernier.
' Essai sur la géographie physique et botanique du ràyaume de. N aptes, par
M. Tenore. NapIes/imprimerWihUiçais^, in-8.ê , 103 pages, avec deux cartes
coloriées.
r • -v
. . 1 >
Nota. On peut s'adresser à la librairie 4e Àf. Lcyrault, à Paris, rue de la
Harpe, n.° Si; et à Strasbourg, rite dés Juifs,' pour se procurer les divers
ouvrages annoncés dans le Journal du Satians. Il faut affranchir les lettres
et tt prix présumé des ouvrages» ', • ...
*mé
■ ■' Hl.:«l • • ■ >. '•■■/■. 'u' ■'.■. >* ■ ■ \
TABLE.
• :■.•'.'.■■• ■ î " ■
Annales et antiquités du Ra)asthan, ou des états des Radjepoutes
dans les régions centrales et occidentales de l'Inde * par le lieute-
nant-colonel J. Tod. ( Article de M . vSilvestre de Saçy» )• Pag. 643 •
Histoire et analyse des anciens romans de chevalerie et des poèmes
romanesques d'Italie, par U docteur Jules Ferrario. ( Article de
M* Raynouard.) t#;. • •.•.-.»•. . 658.
Transactions ofthe royal asiatic Society ofGreat Britain and frcland;
vol. II. (Article de M. Abel-Rémusat.).. .?..,............. . 666.
Édition de Plaute, par M.J. DlaudeL { Article de /i/;,Daunou.j.. , 678.
Recherches sttr quelques-unes des dévolutions de la surface du glpbe,
par M. Élie de Ëeaumont ( Article de jV.; Tessier, } .„ ,,.,....;, . ',689.
flfouvelles littéraires ..?..v. ...... . ',,,, Wf .... 694.
FIN J)Ç LÀ TABLÉ. v ■., .' : \
JOURNAL
DES SAVANS.
DÉCEMBRE 183O.
*■-*— ^.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE ROYALE.
1831.
i
i
Le prix de l'abonnement au Journal des Savans est de 36 francs par an
et de 4° fr* Par 'a poste , hors de Paris. On s'abonne, à la maison de
librairie LEVRAULT, à Paris, rue de la Harpe, n.° 85; et à Strasbourg,
rue des Juifs, n.° 33. II faut affranchir les lettres et l'argent.
Les livres nouveaux , les lettres, avis, mémoires, &c, qui
peuvent concerner la rédaction de ee journal , doivent être
adressés au bureau du Journal des Savans , à Paris , rue de
Ménil-montant, n.° 22.
JOURNAL
DES SAVANS.
DÉCEMBRE 1830.
Œuvres diverses, italiennes et françaises , </"Ennius Quirinus
Viscohti , recueillies et publiées par le docteur J. Labus ;
Milan, 1 827-1 830, vol. I , II, III.
SECOND ARTICLE.
JLe second volume, dont l'examen* fera le sujet de cet article, s'ouvre
par une dissertation très-remarquable, et qui, dès son apparition même ,
avoit été rendue si rare , qu'on pourroit presque dire qu'elle est publiée
aujourd'hui pour la première fois ; c'est la Description du célèbre vase
Poniatouski ( 1 ) , laquelle parut à Rome, en 1 794 , en un petit volume
in-fol. , tiré à un très-petit nombre d'exemplaires , et distribué exclusive-
ment parmi les amis du prince et ceux de l'antiquaire. Le vase , un des
plus beaux et des plus intéressans que Ton connoisse (2), fut reproduit,
quelques années plus tard, dans le recueil de Millin (3) , qui, dans
son explication , se borna , comme il le dit lui-même , à donner un ex-
trait des observations de Visconti , sans y rien changer, sans y rien
ajouter ; et déjà auparavant, M. Boettiger, dans son exposition du mythe
de Triptolime , destinée à l'intelligence de deux vases du second recueil
d'Hamilton (4) , avoit fait usage du travail de Visconti, en y propo-
sant quelques rectifications plus ou moins importantes. Ce travail étoit
donc suffisamment connu , dans tout ce qu'il avoit de neuf et d'essentiel.
Mais ce n'en est pas moins un service rendu aux études archéologiques,
que d'avoir reproduit en entier , de manière à le sauver pour jamais de
— ■ — Il M^B^—
(1) Totn. II , pag. i-22. — (2) Ce vase, donné par son illustre propriétaire
au cardinal Gonsalvi, se voit maintenant dans la bibliothèque du Vatican. —
(3) Peintures de vases , II , XXXI-XXXII, 4$ -50. — (4) Tischbein , I , VIII, IX;
voy. les Vasengemâlde , II, 193-232.
VVVV 2
7o8 JOURNAL DES SA VANS ,
l'oubli , uii morceau de critique très-recommandable pour l'époque où
il parut , et qui , aujourd'hui encore que la connoissance des vases peints
s'est enrichie de tant de monumens, conserve une- grande partie de son
mérite. Cette opinion, que nous exprimons en toute conviction, suffirait
seule à la gloire de Visconti ; car c'est , à notre avis , ce que l'on pourra
dire, en tout temps, de chacun de ses ouvrages, grands ou petits,
quels que soient les progrès de la science.
L'explication que donne Visconti des deux ordresde figures dont se
compose la peinture principale, aussi judicieuse et plausible qu'elle
étoit neuve et difficile , dans l'état où se trouvoit alors la connoissance
des vases peints, n'éprouveroit pas , aujourd'hui que cette connoissance
s'est si fort étendue, de bien graves modifications. Seulement on
pourroit observer, en général, au sujet de cette représentation du mythe
de Triptolcme , que Viscgnti croyoit si rare , et dont cette rareté même
lui paroissoit tenir au secret imposé dans les mystères , qu'il tiroit une
conséquence trop rigoureuse du petit nombre des monumens alors
connus , quelques-uns desquels , appartenant à l'époque romaine , sont
tout-à-fait hors de la question. Le Eut est que les représentations pure-
ment grecques de ce mythe, telles que. celles des vases peints, sont
maintenant assez communes ( i ) , pour qu'il n'y ait pas lieu de croire que
de pareilles images fussent interdites par le respect des mystères. Quant
au petit nombre de points sur lesquels la science ou la sagacité de Vis-
conti se trouva en défaut , et qu'il me sera facile d'indiquer , j'observerai
encore que ce fut moins la faute de l'antiquaire que celle du temps
où il écrivoit, je veux dire, d'une époque moins riche que la nôtre en
monumens de cette espèce.
Entre les figures de Tordre inférieur , Visconti désigne comme Hécate
et Rhéa ou Cybele, celles qui se présentent à droite et à gauche du groupe
principal: l'une, debout, tenant un flambeau ; l'autre , assise , et offrant
a boire , dans une patère , aux dragons attelés au char de Triptolèmé (2).
M. Boettiger se refuse à croire que des divinités d'un rang aussi élevé
aient pu remplir , dans une composition pareille, un rôle aussi subalterne;
— — »— — — ii ' ■ 1 ■ m ■ ■ ■ ■ ■ ««— —
(i) Indépendamment des vases cités à la note 2 de la page suivante, je
puis encore en indiquer quelques autres, déjà connus du temps de Visconti
ou découverrs depuis: tels scfht , le vase Guahieri, publié par Dempster,
Etrur. reg. 1 , xlvii; les deux du second recueil d'Hamilton, Tischbein ,
V, 8 et 9; celui de la collection Bartholdy, Mus. Bartold. pag. 131; les
trois de la collection de Lamberg, I , XXXIII, XL et LXlil ; et sur-tout le
fameux vase trouvé à Armento, et conservé à Naples, au musée Bourbon,
Neapelsanu Bildwerhe, 1 , 284-286. — (2) Pag. îi-ij.
DÉCEMBRE 1830. 709
il y voit deux simples figures accessoires d'un ordre bacchique ( 1 )• L'obsép-
vation, vraie et juste en général, s'est trouvée pourtant contredite en
partie par les faits. Dans la plupart des compositions de ce mythe qui
ont été récemment découvertes, la même figure, tenant pareillement un
ou deux flambeaux , s'est retrouvée près de Cérès, et, sur quelques-unes
de ces peintures, avec son nom EKATE lisiblement écrit (2) : en sorte qu'il
ne peut rester le moindre doute sur la présence de cette divinité , que
Visconti a voit reconnue ici, uniquement sur la foi de l'hymne homérique
à Cérès. Quant à l'autre figure, il me paroît certain que notre auteur
s'est trompé, aussi bien que M. Boettiger. Cette femme, assise, coiffée en
cheveux , dans un costume et dans une attitude si peu conformes à la
gravité de Cybèie , tç sauroit être la déesse en question ; rien ne ca-
ractérise non plus en elle une nymphe bachique : mais il y a toute
apparence , d'après sa position même et d'après son action , que c'est
la nymphe d'Eleusis, témoin naturel, et pour ainsi dire obligé, d'une
scène? pareille , assise , comme le sont en effet la plupart des nymphes
ou divinités locales (.3) , et nourrissant de sa main les dragons sacrés ; ce
qui étoit aussi l'office le plus convenable pour un pareil personnage.
Dans l'explication de la figure de Cérès, Visconti a commis une
méprise assez grave , qu'il importe de relever , puisqu'elle a été re-
produite par Millin et négligée par M. Boettiger. H a pris pour une
sorte de râteau de bois, ou de herse, l'instrument, fort singulier au pre-
mier aspect , que la déesse porte sur l'épaule gauche; et le même instru-
ment , souvent joint aux images de Cérès et toujours considéré comme
aratoire , a induit en erreur beaucoup d'antiquaires , notamment ceux
qui se sont occupés des médailles de Métaponte (4) , où ce symbole
est figuré avec un type qui a manifestement rapport à l'agriculture.
(1) Vasengetnàldt, II, 204: Es sind bloss Bacchische Nebenfiguren. —
(2) Un de ces vases, appartenant au marquis del Vasto , à Naples, étoit
venu à la connoissance de Visconti lui-même, qui en cite les inscriptions,
nEP2n*ATA (sic), HPMH2, HKATE, AHMHTHP, dans une note ajourée
au V.c volume du Musée P le- Clément in , pag. 77. Un vase célèbre, que je visa
Nota en 1827 , et qui a passé depuis dans le cabinet de M. le duc de Blacas,
offre le personnage S Hécate , indiqué par son nom EKATH , avec ceux de
Triptolbnt et de Déméttr ; ce vase vient d'être publia dans les Monum. ined.
dell* Instit. di corr. ardu tav. iv. — (}) Voy, l'observation que j'ai faite à ce
sujet, Orestéiie, pag. 191 , note 2. — (4) Voyez M. Avellino, qui, après avoir
contribué plus que personne à accréditer, par l'autorité même qui s attache à
ses opinions , Terreur commune au sujet de cet instrument, JtaL vet. num. II ,
19-20, a reconnu sa méprise, etsignaléia véritable nature de l'instrument en
question , Annal, dell9 Instit, di corrispond. archeol. tom. I , pag. aj j-2 j8.
7io JOURNAL DES SAVANS,
Cependant il est certain que ce' prétendu instrument rustique est le
flambeau, symbole constant de Cérès , tel qu'on le voit, en effet , porté
à la main, et allumé \ sur un vase représentant \trapt.de Proserpinc,
qu'a publié en dernier iieu M. Miilingen ( i ) : ce qui réduit au néant
toutes les suppositions auxquelles cet objet avoit donné lieu , sans rien
ôter cependant au mérite des remarques de Visconti , en ce qui con-
cerne l'emploi de l'instrument en question dans l'agriculture antique.
Je ne ferais pas mention de l'observation de notre auteur, au sujet
de la forme particulière du caducée de Mercure (2) , sans l'importance
qu'il attache à cette observation, au point d'y voir un motif grave à
l'appui de l'explication du célèbre groupe , présumé de Mercure et VuU
cain, de la villa Borghèse. II faudrait plus qu'un^inalogie de ce genre,
fût-elle aussi réelle qu'on le prétend, pour autoriser une pareille ex-
plication ; et le caducée se voit figuré tant de fois et de tant de manières
différentes sur les vases peints , qu'il n'y a^ réellement rien à induire de
telle ou telle de ces innombrables variétés , relativement à un monu-
ment de la statuaire antique , de l'ordre de celui dont il s'agit. Mais
une observation plus importante , que* je ne saurois m'empécher de
faire ici, c'est que Visconti s'est totalement mépris sur le sujet de la
seconde peinture du vase Poniatouski , en y voyant, daqs le jeune héros
dia émé, avec un chien à^ses pieds, debout au sein d'une édicule distyle,
Jasion , le héros favori de Cérès ( 3) ; et cela parce qu'il s'est laissé tromper
par la relation intime et nécessaire qu'il croyoit exister entre les deux
compositions de ce vase. II est trop avéré aujourd'hui, par une foule
d'exemples que Millin pouvoit déjà connoître, et qui auroient dû lui
inspirer quelques doutes sur une pareille explication qu'il se borne à re-
produire textuellement; il est, dis- je, trop avéré que la peinture du
rêver* n'avoit le j>Ius souvent rien de commun avec le sujet principal,
ou du moins qu'elle n'y tenoit que par des rapports généraux , en ce
qu'elle noffroit habituellement elle-même qu'une image générale , qu'un
type commun, lié à telle ou telle représentation particulière, par un
système d'idées religieuses ou d'intentions funéraires. Tel est certainement
I&cas de peinture qui nous occupe. On la trouve reproduite au revers
d'un grand nombre de vases, dont le sujet principal varie sans cesse ; de
!>orte qu'il est bien évident que ce n'est pas, sur le vase Poniatouski,
l'image de Jasion, réunie ou opj>osée à celle de Triptolème, à cause
(1) Ane. untd, monutn- part. 1 , pi, XVI, p. 46. — (2) Pag. n9 note /. —
(}) Pag. 16-18.
DÉCEMBRE 183O. ' 7^\
du rapport qu'a voient entre eux ces deux favoris de Çérès, mais bien I^i
représentation , produite sous une forme générale , d'un jeune initié éWyç
a la condition héroïque, et placé dans Vhêroon ou le tombeau, avec
le chien , fidèle compagnon des mânes , et avec tous les attributs de
cette condition , la couronne, la h as te et la bandelette. C'est ce qu,e prouve
(failleurs ta présence, constamment reproduite dans les peintures de
cette espèce, de ces quatre figures placées deux à deux, Tune au-dessus
de l'autre , de chaque côté de Vhêroon , toujours avec les mêmes objets
mystiques ou funéraires, la bandelette , la couronne 9 la ciste, le miroir
mystique (1) , la corbeille de fruits, et figurant ainsi, cte manière
qu'on ne puisse s'y méprendre, les honneurs héroïques, *m iv*j*ey#t* 9.
rendus aux morts , dans la personne de ceux qui leur étoîeut unis par
les liens de la famille ou de l'initiation (2). 1
Parmi tes morceaux qui suivent la dissertation dont il vient d'être
question , je me contenterai de citer la Description d'une ancienne trpmbfi
hydraulique, en bronze (3), trouvée près- do Ci viu-VeCchia., monument
d'antiquité unique jusqu'à ce jour, (Tune conservation parfaite -y et 4on$
le mécanisme s accorde si juste avec la description dp Vitruvç ,4), qu.'il
est impossible d'y méconnoître une? des inventions de ce. Çtésibius
d'Alexandrie, illustré par une foule de travaux de ce genre. Je ^appel-
lerai , à cette occasion , un trait qui auroit pu trouver place dan? la des-
cription de ngtre auteur; c'est l'invention des orgues hydrauliques *
attribuées, au même Çtésibius par Athénée ( 5 ) , et dont l'image s'est con-
servée sur une médaille de Néron (<fy , de telle spr|e que ie monumfpt
numismatique peut servir de commentaire au texte de l'écrivain.
Un morceau de critique , plus considérable à tous égards , est la Lettre
au cardinal Borgia sur un ancien plomb de VeUetri (7) , publiée d'abord ,
aux frais de ce docte et illustre prince de l'église , par un antiquaire qui
continue tous les joltrs encore de rendre & la science numismatique da
»■**■
- (îV Vtscomr s'est trompé awssî sot Ut véritable natuf»-<U c«t inmupieaty
où i^ vQyoit une patere à manche, ou bien une espèce de flabellum ; deux
objets qui n'ont en effet qu'un rapport de ferme tres-éldigné avec le miroir
mystique. — (2) M. Boettiger avoît exprimé ra même idée , en rendant compte
<îu travail de Visconti, dans YAllgem. IU. Zeh. de 1796 1 n. 276; et M P*
reproduite dans ses Vasengemâtde, p. 205. — (3) Pag^-fy-jl. — (4) Vîtruv.
IX , g; conf, PKn. VII , ?0. — • (5) Athen. jv, 2j. — (6) Suétone, "tn/teron;
41 » parle de ces organa hvdraalica novi et ignoti generis; ce qui prouve que*
h cdnnoissance s'en introduisît assez tard à Rome. La médafillf, qui se trouve
dans tous I*s cabinets, a été sur- tout illustrée par h P. Pacciaudf, Puteuê
sacer , %. v, p. 21-22, — (7) Pag. 33-46.
7ii JOURNAL DES SAVANS,
rtouveanx et signalés services , M. Sestini ( i ). Le monument même existe
ail cabinet du Roi ? c'est une tess^re, du genre de celles qui se distribuoiem
daris les Colonies romaines pour ia célébration de certaines fêtes muni*
cipates. A «et égard , l'opinion de notre auteur, d'accord avec celle.de
M. Sestini, nesàuroit être sujette à aucun doute. L'explication qu'il donne
ensuite du double type de cette médaille , comme offrant , du côte de
l'inscription, MVNICIPI veliter, ia tête barbue du Municipe person-
nifié, conformément au mode générai de personnification admis poUf
Senatus, Bot/Ail, Ttfovoi*, et autres êtres allégoriques du même ordre ; et en
regard de la seconde inscription , ivv en a (sic) veliter, h tête jeun*
et imberbeda Collège êtes jeunes gens réunis pour la célébration des fët»
juvenalia; cette explication* dis-je, me paroît véritablement la seule
plausible. La détermination chronologique de ce monument, telle qu'elle
est fixée par notre ''auteur , au premier siècle de notre ère , soit qtfon
la rapporte à la première origine des feux dits juvenalia, sous Caligula,
comme le pense Visconti , soit qu'on la place \ui peu plus bas , à l'époque
de ia restauration et de la plus grande faveur de cette espèce de fêtes ,
sous Néron, comme le crditavec plus de raison M. Labus (2), mè
semble également établie de la manière la plus probable, contre le senti-
ment de M. Sestini, qui voudroit faire descendre ce monument jus»
qu'au vi. c siècle de l'empire. La discussion relative à l'âge et à l'emploi
de la formule d'acclamation, felix, féliciter, de laquelle dépend
en grande partie la fixation de ce point chronologique , ne laisse rien
à désirer en faveur de l'opinion de Visconti : je puis bien dire moi-même
que , d'après l'examen que j'ai fait , à plusieurs reprises , de la tessère en
question, il m'a semblé que tous les caractères du style , dans l'ex-
pression du double type , et que la forme des lettres de la double ins-
cription , s'accordoient parfaitement avec l'idée de Visconti; mais j'a-
voue qu'au sujet des deux leçons IVVENA , ou ivveSta , entré lesquelles
Visconti étoit resté indécis (3) , en témoignant le désir que cette incer-
(2) Illustrayone di un' antïca medaglia di piombo appartenente a Velletri ;
Roma, 1796, /V4.tf Cette illustration étoit adressée au ctlèbre G. Zoëga.—
(2) Prefa^. p. Y. te savant éditeur de Visconti a suivi en cela l'opinion
exprimée par M. Cardin aji, dont le docte et curieux ouvrage, Iscri^. anU
vetitern^ Ùlustrate , Roma, 18^}* in-fol. , mérite d'être consulté sur tout ce
qui a rapport aux inscriptions de Velletri , et en particulier à celles qui nous
occupent ; voy. p. 16-21.— (3) Pag. 4 S : Il determinarsi fra queste due manière,
dipenderebbe assai dall' ispezione del monumento che si dee trovare a ParJgî
nelP immensa collezione del museo nazionale.
.5 DÉCEMBRE !#jo. •?• i\.y
tkude fût dissipée par une vérification exacte, je ne plus partager I opi-
nion vers laquelle il penchoit dès-lors, et où il fut confirmé depuis pajr
Milim, qui croyoit avoir vu les lettres N et T liées ensemble par un?
sfgk (1) ; ce qui ne Jtie parott pas réel, et ce qui ne seroit guère en
rapport avec? la forme et la dimension des lettres , non plus qu'avec l'é-
poque présumée du monument. II y a, du reste, dans cette dissertation-
de Visconti, quelques notions curieuses touchant d'autres plombs anti-
ques extraits du recueil gravé de ficoroni ou de la collection médite
de Récupère ; genre de moftumens beaucoup trop néglige , et sur lequel'
notre auteur a. exercé avec le même succès la sagacité dont il a fait
preuve à l'égard de presque tous les éiértjens de l'archéologie.
C'est encore un plomb antique qui fait le principal objet de la disser-
tation suivante (2) , adressée , sous I? forme de lettre , au célèbre Zoëga ;
et cette médaille de plomb appartient , comme la précédente , à la cité
de Vellétri. On y vok , d'un côté, une tête de femme, tournée à droite,
coiffée à la manière qu'on sait avoir été propre aux princesses de la fa-
mille ou du siècle d'Auguste, avec l'inscription : GERANO. cvra. FELIM
c'est-k-dSre, Gttano Curatori. Féliciter; et au revers, la figure en pied de
Mercure, avec la bourse et le caducée, accompagnée de la légende que voici :
SODAU. velitejr. fel. , c'est-à-dire , Sodalibus Veliternis. Féliciter. Ce
rare et curieux objet d'antiquité , qui faisoit partie du célèbre cabinet Bor-
gîa, à Vellétri, est venu donner une éclatante confirmation à plusieurs
des conjectures proposées par Visconti dans sa dissertation antérieure*
C'est, efi effet, un monument nouveau et authentique de l'usage où étaient
les divers collèges ou corporations établis dans les municipes romains,
de distribuer entre leurs membres de ces sortes de usseres, pour les
fêtes ou cérémonies qu'ils cèlébroient en commun; et l'existence de
ces diverses corporations à Vellétri devient désormais un feit ; indubitable:
Quant à la destination particulière de la tessère en question, Viscontî
présume qu'elle se rapporte à la célébration de jeux funèbres insti-
tués 'en mémoire cFAntonia, mère de Claude, princesse à l'honneur .
de laquelle furent consacrés, comme on sait, beaucoup de médailles
et quelques autres monumens qui* nous Testent, et dont il croit récon*
noître le portrait dans la tète de femme gravée sur cette médaille , en
même temps quefia figure de Mercure Psychopompe lui paroi t un indicé g|
décisif à l'appui de l'usage funèbre de cette tessère.
4 Cette explication très-ingénieuse a pourtant rencontré l'opposition h
plusTive, exprimée «dans les termes les moins mesurés, de I» part d^
«WWWNlWWWWi^WPWW^WP^^wp^,
(!) Pagefy.~(z)Ptg. tyf6.
xxxx
71* JOURNAL DES SAVANS,
•
même critique, M. de Kcehler, dont H a été parlé dans notre précé*
dent article (i). Selon ce critique , décidé d'avance, à ce qu'il paroît,à
tout blâmer dans les travaux de Visconti, c'est sans le moindre fonde-
ment que l'illustre antiquaire a vu le portrait cTÂntonia dans une tète
de femme qui auroit dû être , en ce cas , accompagnée de son nom , et
non pas de celui du magistrat curateur de la corporation qui fît frapper
cette tessère ; et le prétendu Mercure Psychopùmpe n'a pas plus de réa-
lité» Sur ce point seulement, j'avoue que je serois disposé à me ranger
à lavis de l'antiquaire de Pétersbourg. S'il falloit reconnoître , à la bourst
et au caducée , l'emploi funèbre que iremplissoit Mercure en sa qualité
de Dieu Psychopompe , on sexposeroit certainement à de grayes et fré-
quentes méprises; et pourtant il seroit juste d'observer que les nom-
breux exemples produits, par Visconti de la présence de Mercure sur
des monumens du même genre , avec des types évidemment funèbres (a) ,
pouvoient donner, sous un autre rapport, quelque probabilité à son
opinion. Le fait est, suivant nous , que la médaille en question n'a rien
(Je funéraire, et que^r'est tout simplement une tessère gravée à {'usage
des sodales veliterni , et en l'honneur du curator, nommé GE-
banus; L'image de Mercure, avec les attributs de dieu Â^p«uoç ou
Forensis, figure naturellement sur un monument tel que celui-ci , des-
inéà l'usage de corporations dépens de négoce ou d'industrie. Quant
à la question de savoir si c'est véritablement le portrait SAntoniç, mère
de Claude, qur se voit sur cette tessère, on peut dire que toutes les
apparences, le caractère de la tête , la coiffure, et le style même du
monument, autant qu'il est permis d'en juger d'après la gravure , sont
en faveur de l'opinion de Visconti; et il est certain, en tout cas, que
l'objection tirée de la présence du nom de magistrat, au lieu de celui
d'Antonia elle-même, accuse dans le critique qui la propose une igno-
rance complète des monumens numismatiques. Mv Labus a réfuté sur
ce point l'étrange doctrine de l'antiquaire du TiorcI, de manière à ne
laisser rien à dire ni à désirer ( 3 ) ; et j'observe à mon tour , en réponse
au ' reproche général qui signale en masse une foule d'erreurs dans
l'écrit de Visconti , sans en spécifier aucune, que c'est au contraire un
des écrits de notre illustre auteur où il a répandu , dans les détails
de sa composition, le plus de notions neuves et curieuses. Telle est
Tidée qu'il donne des sodales, lorsque ce mot est accompagné d'un nom
cfe peuple, tel. que veliterni, tvscvlani y lXnvvini (4), mo\
*m
(1) Voy. Journal des Savant , octobre 1 830 , pag. 624 1 «uiv. — (2) Pag. 5+ — >
(3) Prefa^. pag. vij-viij. — (4) A ces nom*, cités par Visconti, d'après des
DÉCEMBRE 1830. 715
qu'il expliqué par h réunion des diverses corporations ou confréries d'une
même ville. Telle est aussi ia manière dont il interprète le titre de cufator,
et la distinction qu'il établit entre ce titre et ceux de magister,de quin-
quennatis et de patronus. Telle est sur- tout la discussion relative à la
belle inscription grecque métrique de M. Pompéius Junior , publiée
-<pouria première fois par notre auteur , et interprétée avec autant d'in-
telligence que de bonheur (1). II suffit, sans doute, pour réduire à sa
juste valeur l'opinion si 'rigoureuse de M. de Kcehler, d'observer que le
texte de cette inscription a été reproduit par M. Jacobs (2), tel que
l'avoit donné Visconti , et qye l'interprétation en a été admise par cet
•habile philologue, aussi bien que l'attribution faite de l'çpigramme
grecque à M. Pompéiûs Junior; et il est permis. d'opposer une approba-
tion si. complète, exprimée <Fune manière si honorable, par un savant du
premier ordre , tel que M. Jacobs , à l'expression acerbe d'une critique
iqni ne porte sur aucun fait, et qui n'est réellement d'aucune autorité.
On retrouve les qualités ordinaires de l'esprit de^ Visconti dans
une lettre inédite, adressée à Lambertf #e Milan (3) , an sujet de
rdeux inscriptions, l'une latine, déjà publiée, mais d'une manière
peu correcte, l'autre grecque et médite, mais de peu d'importance. Les
1 notions curieuses qui résultent de ta première de ces inscriptions , sont
très-bien exposées par notre auteur, excepté néanmoins celle qui a
rapport aux cinq décuries de juges /que Visconti croyoit réellement com-
posées de cinquante juges, à raison de la signification rigoureuse du mot.
M- Labus n'a pas manqué dé relever cette inadvertance (4) ? en prou-
vant que les déeufies étoient des réunions ou collèges d'individus, en nombre
de beaucoup supérieur à dix -7 que, dans le cas particulier dont il s'agit ,
f chaque décurie étoit composée de mille personnes au moins ; et consé-
.quemment , que les cinq décuries déjuges Formoient un total de cinq mille,
• entre lesquels on choisissoit des juges pour chaque affaire ; institution
.marbres ou des. tessères Connus de son temps, on peut joindre aujourd'hui ceux
d'ALBANl et de VERVLANI, l'un et l'autre gravés sur des tessères de plomb,
' et tous deux aussi ayant servi au collège des jeunes gens de ces villes, d'après le
•mot IVVEN., qui s'y lit au revers. Ces deux tessères, citées par M. Sestini,
' C/ass. gênerai, pu 12 , comme faisant partie de la collection de M. Millingen ,
viennent d'être acquises par mes soins pour le cabinet du Roi , où il dortm'être
permis de dire , à Cette decasiori, que j ai formé une suite nombreuse deplothbs
antiques, quelques-uns *tfe travail grec, rapportés par moi-même de la Sicile,
et la plupart encore inédits, que je me propose de publier.
• ■(■!•) Poe. (9-96.—? {2) Paralipom. ad. AnthoL Pal. û. VIII, p. 775-756;
conf. ièid..YoL IH, part. III, p..94l-94**-*- (3} /^-Jp-'Of • -" (4) Prefoz.
pag.owrj. <
XXXX X
7\6 JOURNAL DES SAV ANS,
•
tout-à-fait analogue à celle de notre jury moderne , et sur laquelle le té-
. moignagede Pline (i) , accompagné d'expressions , telles que celles-ci f
qui se lisent sur des marbres antiques , Judices selecti ex decuriis (a) ,
Judkés ex quinque. decuriis intersclectos ( 3), ne laissent aucune incertitude.
Je crois devoir me borner à une simple indication des deux Itihts
qui suivent, l'une très-courte et inédite , relative aux sei^e colonnes
de San>Loren%o , à Milan (4) , sur lesquelles on a beaucoup écrié ( j) , et
v que notre auteur croit , avec toute sorte de vraisemblance , avoir été
transportées de quelque édifice antique à la place qu'elles occupent ac-
tuellement; ia seconde, déjà publiée (6j 9 concernait une belle mo-
saïque antique , trouvée dans la Sabine , et placée actuellement au musée
Chiaramonti , derrière la statue colossale du Nil. Une gravure de cette
mosaïque accompagne Popu^cule de Visconti , où il serait facile de
trouver à reprendre quelques légères erreurs , entre autres son opinion
sur l'origine de ia pal mette 9 ornement d'architecture si connu, qu'il
croit procéder du silphium, représenté sur les médailles de Cyrène;
et ia manière même donfril qualifie rarissimes ces médailles > qui
sont au contraire des plus communes. Je me contenterai pareillement
d'indiquer la description tftw groupe^ antique représentant Apollon et
Hyacinthe (7) , et celle d'un autre groupe , de la Paix allaitant
Plutus (&); ce dernier écrit resté jusqu'ici inédit, mais, malheureuse-
ment aussi , privé des éclaircissements et des détails -que rendoit néces-
saires l'importance du sujet. Ceux qui savent à quel point sont
rares les groupes de figures . vraiment antiques, et combien, dans
l'antiquité même , ces sortes de compositions furent toujours peu com-
munes , ne pourront assez s'étonner qu'un monument tel que celui qui
est indiqué en premier lieu , consistant en deux figures de proportion
un peu au-dessus de nature , à ce qu'il paroît ; de grandeur inégale , à
f effet d'indiquer la différence entre un dieu et un mortel ; monument
entièrement neuf pour le sujet, d'une intégrité presque parfaite, de
■*
(1) Plin. H. N. XXXIII, 2> 7: Judicura nonnisi quatuor tlecuria? fuere»
primo ; vbcque singula millia in decuriis inventa sunt. — (2) Gruter, CfcCCLix,
j^ — (3) Maffei, mus. Verou. p. ccclxxj ,4- — (4) Pag* 105-108. — (5) Je me
contente de citer un des écrits publiés le plus récemment sur ce sujet , ia disser-
. tation de M. A. Guillôn , Sulle sedici colonne corintie antickedi rnarnw stanti in
Milano ; Milano , 1 8 1 2 > in-8.°, où Ton cherche à prouver que les seize colonnes
en question sont un reste des thermes Jbâtis à Milan par I empereur Maximien
Hercule, à L'imitation de ceux de Dioclétien , à Rome. — (6) Pag.aog*ti+,pl. y
et K/. Cette lettre avoit d'abord paru dans le tome.I.fr des Memorie romane di
antichità e belle arti ; Roma, 1824, in^.° — (7) Pp^ rjj-r}8,~{$) Pag, rjfi-i+Q*
; DÉCEMBRE fi8jQy !, 717'
marbre et dé ciseau grecs , enfin d'un rare mérite cfexécution, trouvé
dans un lieu aussi célèbre que la Ville Adriénne, à Tivoli, et à une
époque aussi éclairée que celle de 1 ^90 , ait pu rester si complètement
inconnu /que la description de Visconti, qui remplit à peine quelques
pages , n'ait vu ie fou* qu'en 1 8 2 j , dans une feuille périodique ( 1 ) , et
*jue le monument même ah disparu de Rome, sans qu'on puisse
savoir ce qu'il est devenu et en quelles mains il a passé* Je ne puis
cependant inférer d'aucune de ces circonstances rien de contraire à i'au-
jhentreité du monument; mais Avoue que les mêmes considérations
qui s'appliquent à l'autre group*Mfe la Paix allaitant Çlutjis, jne por-
teroient à concevoir quelques dbutes au sujet de ce second monument,
qui n'est devenu tel , d'après l'assertion de Visconti lui-même , qu'à la
suite d'une restauration opérée par le sculpteur romain Paccetti, L'ex-
ttéme brièveté des détails, et l'absence totale des renseignemens concer-
nant un groupe si curieux , sont faites pour inspirer d'assez graves soup-
çons; et, dans tous les cas, il y a lieu d'être surpris qu'un monument
si remarquable à tous égards, s'Uétpit réçHetaent antique, soit demeuré
jusqu'à ce four dans un aussi profond oubli. C'est sur- tout par ce motif
que fai cru devoir signaler l'uft.et l'autre opuscules de Visconti à l'atten-
tion de nos lecteurs , sans prétendre rien préjuger du mérite ou de l'ori-
ginalité des monumens dont il s'agit , en quelque^ état et dans quelque
lieu, qu'ils se retrotfvenj. (La suite au prochain .cahier. J
RAOUUROCHETTE.
. Storia ed andlisi degli antichi roman?} ii cavalleria e dei poemi
romanesçhi d'ttalia, con dissettaiioni suïl' origine, sugt institut!,
sulle ceremoniç de cavalier! , salle corti d'amore , sut tornei, sulle
giostre ed armature de palgdini , suÏÏinvenjione e sulï uso degli
stem mi , &c. , con figure tratte dai monuments d'âne, daldottore
GiuïioFerrario. Milano , dalla tipografia dell' autore, 1828-
1 825) f in+8.° , 4 vol. (A Paris , chez Vallardï / <juai Mala-
quais f n.° i y ; pr. 3 8 fr., ertavec lesplanches coloriées, (58 fr.)
SECOND AfcTICLE.
VII.# DISSERTATION. Romans et pohnes romanesques de chevalerie qui eurent
' pour su/et Us entreprises des Francs , des Bretons et des Gaulois.
Depuis long- temps il est reconnu en histoire littéraire que lès ro-
^
V ■ f
(1) Ejfemeridi romane, fascicolo ouûcu.
718 JOU^frAL DES SAVÀNS,
ffians et épopées de chevalerie offrent trois principales divifioRS : i.° les
romans qui ont pour héros Charlemagne et ses douze pairs, djc. » ce
sont les Francs ou Français : 2.0 les romans qui célèbrent Artur et les
chevaliers de la table ronde, &c+ ; ce sont les Bretons : $.T ceux qui .sont
consacrés au* exploits et aventures cFAmadis des Gaules., &c ; ce sont
les EspagnoIs^Les autres romans de chevalerie qui ne peuvent pas être
classés dans ces trois divisions générales, ne sontni-ea aussi grand nombre»
m aussi anciens que -ceux qui y sont compris. Cest surtout aux romans
français, desï-à-dire,à ceux qui ontr*qgpté les prouesses et les aventures
de Charlemagng et des douze "paire, &c», que les Italiens ont emprunté
plus générafement leurs romans ou épopées de chevalerie; car on pour*
!<ott dire qu'ils n'ont rien imargirtéy mais qu'ils ont seulement travaillé sur
un fond étranger à leur lit tératore : toutefois on doit se ranger & lavis
du -docteur Ferrarro , quand il soutient que l>Vantage honorable cF avoir
-produit tes meilleures épopées romanesques ne peut 'être contesté à
l'Italie. Avant de parler -de ces divers ouvrages 'relatifs à Charlemagne,
à ses pairs , et .aux paladins de France» Je présenterai une observation
qui me paroît de quelque importance pour fixer l'époque où ont pu
commencer les opinions qui ont donné Jitfu aux traditions romanesques
■sur ce grince et sàr ses guerriers.- N'est-ce pas orne circonstance remar-
quable, «que, dans tous lesromahs et ouvrages romanesques relatifs à
Charlemagne et aux sieAs, le siège ëe' fteïppfae soit ^onsaùmpettt il
Paris , qu'il y tienne ses cours , qu'il y soit assiégé , tandis que , sous
son règne, Paris n étott -rien moins <{ue 4a-€apkale de ses états , et qu'à
"peine il a passé accidentellement par cette viHe > sans y faire -aucun
séjour l II m'a semblé qu'on pouvoit induire de cette particularité, que
les premiers ouvrages romanesques relatifs à ce prince et à ses paladins
n'ont été composés qu'à une époque où , sous la troisième dynastie ,
les rois de France avorent étalai définitivement "4 Paris le siège du
royaume, et que cette ville étoit devenue ta véritable .capitale de leurs
états. • • ■ ,
. Romans dont lorigint est française oujrmujue. On trouve, dans la
littérature italienne , un roman dont les héros sont an teneurs à Charle-
magne et aux héros de son* époque; c'est Potivrage intitulé ï Henli di
Francia , c'est-à-dire, les princes de la race royale de France qui précé-
dèrent Charlemagne,, tels que .Fiova , Fiora vante, Bueves d'Au-
tone , Àc &c. Cet ouvrage , écrit d'abord en prose italienne , imprimé ,
pour. la première fois, à Modène, en i49'> ^ut m^s envers par un
auteur qui, le publiant vers l'an 1 j 34 , sous le ndm deCristofano altïs-
simo , avança , sans en fournir aucune preuve , que le savant Alçuin avoit
DÉCEMBRE 1830. 7:19
primitivement composé ce romaivea latin. Dans le roman en prose , il
est parlé de l'oriflamme que Louis le Gros porta le premier dans les
batailles. Le docteur Ferrario s'étonne de ce que Gordon de Percel
n'a pas fait mention des /?<#// di Francia dan$ sa . Bibliothèque des
rçmans. Je. m'étonnerois moi-même de ce que le docteur Ferrario
ignore que cet ouvrage fiançais est pseudonyme , que son véritable
auteur est l'abbé Lenglet du Fresnoy , si je ne trouvois que le docteur
a été induit en erreur par Quadrio, qui nomme toujours, dans son
ouvrage, Percel et non Lenglet du Fresnoy. Dans ces Rtali di Francia,
on distingue entre autres le chevalier du Lion , Fiovo , à qui fut transmise
par un ange. la bannière qu'on nomma oriflamme; Fiorello, de qui
sortit la maison de France; Fiore, qui fut chef de la maison de Darr
demie. Le docteur Ferrario a* inséré dans cette partie de son ouvrage
r arbre généalogique de ces maisons de France et de Dardenne , célèbres
dans l'histoire romanesque de Charlemagne ; la généalogie de la maison
de Claramont , illustrée par: les exploits de Renaud; et enfin la généa-
logie de celle de Montgrave, pu se trouve Guérin dit il Afcschtno,
J> docteur Ferrario regarde le poème du trouvère Adenès, qui fleurit
de 1 270 à 1 28 5 , et célébra Pépin et Berthe au grand pied, comme le
roman français le plus ancien dont le sujet ait été puisé dans la famille*
de Charlemagne.
RoJ>ert Wace , qui écrivait son poème de Rou vers 1150, rapporte
qu'à la bataille (THastings , c'est-à-dire en 1066 y le trouvère Taillefer
Devant If dus atout cantant
De Karlemaine è de RoIIant #
E d'Oliver è des vatsals
Kr moururent en Renchevals.
L'épisode des Rtali di Francia relatif à Bueves cTAntone Ka fourni la
plus ancienne épopée-romanesque dans la littérature italienne.
Bueves cTAntone , }d^scendant ,. d'après la chronologie romanesque,
ainsi que Charlemagne, de l'empereur Constantin , fut bisaïeul de Milon
cTAnglante, père de Roland. Ce poème italien fut imprimé en 1487 ,
in- 4*' Le docteur Ferrario annonce que Quadrio indique un roman
provençal de Bueves d'Antone , dont le manuscrit existe dans la biblio-
thèque du Vatican t pajmi ceux fie la reine de Suède. Crescimbeni
disoit l'avoir vu, et qu'il pgrte le n»° 1 8 1 et la date de 1580. Après le
roman de Bueves cTAatone , le docteur Ferrario cite le poème roma-
nesque imprimé à Venise l'an 14889 et divisé en soixante-quatorze
chants, sou*r fe> titre de ZJfyû dclï inaamaramtnii drf ri Çarlo>&c.
-7*> JOURNAL bES-SÀ-Y ANS,
■ . ■ x »
' Ogier le DaftofS , dont il «t. parié dans f es Reali di Frçncia , avoit été
lé sufet d'un roman attribdé'au trouvère Adenés ; ce roman paroît avoir
fourtoT ïe sujet de deux: po^me's ronlânésqiies italiens, la Mortt 4tl
Danese , par Lasio dâ NAnî., imprimé en 1 jli , et le Danese Uggiai,
par Giroîamo Tromba, publié en 1 799. D'autres ouvrages, tels qu'Ah-
théé le géant, Artabel, et le roi Trojan ,son frère; la Conquête
des Espagne* par le grand Charlemagne, avec les faits et gestes ides
douze pairs de France; et' du grand Fierabras, se rattachent à l'histoire
} fabuleuse dé cet empereur si souvent célébré» Le même sujet de la
conquête des Espagnes par Charlemagne , fut traité en italien sous
le titre de ta Spagna histmata , poënié en quarante chants; on y
lit la dernière expédition de Charlemagne en Espagne jusqu'à la bataillé
de Roncevaux. Le quarantième chant contient là punition du traître
Ganeloh, qui causa les malheurs de cette journée. M. le docteur Fer*
rario en rite une édition de 1 488. Le poème anonyme intitulé Regina
Ahcroja contient7 trente chants. Cette reine guerrière , ahnée contre
Charlemagne , réduit la France aux. dernière* extrémités. Chaque chant
commencé par uçe prière adressée à Dieu, au Père éternel, à son fils,
à la Vierge, afin qu'ils accordent au jxrëte leur assistance pour chante^
dignement les batailles et prouesses dès guerriers,, et même cf autres
actions plus mondaines , dent je citerai un exemple. La reine propose
à Guidon Saunage de lui rendre la liberté à lui et à dTâutrek chevaliers
français ses prisonniers*, à une condition qui n'auroit pas effarouché un
héros vulgaire, mais que la délicatesse de Guidon Sauvage refuse
d'accejflér : un enchanteur, qui vient à son secours, donne à un être
magique la forme et la figure du chevalier rétif; la reine goûte le plaisir
d'être trompée, et les captifs 4pi vent à cette .aimable erreur leur
pleine liberté.
Parmi les romans qui traitent directement des entreprises de Charle-
magne,'où daiis lesquels il figure comme uh. des principaux personr
nages, on cite un roman espagnol en prose Contenant l'histoire de
Charlemagne et des douze pairs de France /imprimé $ Séville en 1 j 28 ,
et divisé en trois livres , le premier tiré déjà Chronique de Turpin , le
second d'un ancien poëme français , et le troisièirtè\du Miroir historfcal
de Vincent de.BëauvAis. Le docteur Ferrario ajoute qu'on crojjt que
ce roman est presque entièrement copié d'un autre écrit en français et
appartenant à la bibliqthèque royale de Paris. Je me borne à indiquer
cette assertion!; J'espère ^vofr bientôt l'occasion de fournir à cet égard
tous les éetfaircissemens convenables.
le m'èYhpfeSse d'arriver aux ouvrages de Pulcr « <W Bojarcjo , qui ,
DÉCEMBRE 1830. 7±*
au xy.e -siècle, puWièrent chacun une épopée romanesque. Louis Pulci,
né en »4}i , composa, sur l'invitation de Laurent 4e (Vlédiçis, pu
peut-être de sa mère Lucrèce Tornabuoni, le Morganu Afaggiore,
où sont célébrées les entreprises de Charlemagne, de Roland et d'autres
paladins. Dans ce poème italien, Roland, irrité contre le traître Gaoelon»
et lié d'amitié avec le géant Atorgant convertr à la foi chrétienne >
s'éloigne avec lui ; ils vont .chercher, des aventures dans les pays des
infidèles. Cependant Renaud, Olivier et Dodon, inquiets de l'absence
du comte de Brave,, partent pour le rencontrer» Paris est assiégé ; les
paladins de Charlemagne. font de grandes prouesses contre les ennemis;
Après le nécit de plusieurs autres entreprises, parmi lesquelles on
distingue celles de Roland et de Morgan t, qui prirent Babytone, de
Renaud, qui vainquit les Amazones et marcha ensuite contre M argile
en Espagne , le poème finit, par la bataille de Ronce vaux , la mort de
Roland et la punitipn de Ganelon. On a prétendu que le docte Politien,
ami de Pulci r lui avort fourni d'utiles indications pour la composition
de son poème; et en effet, dan? le 2 £»e chant, hauteur lui dit : « Q vous,
?> honneur et gloire de Mont/epulci, qui me donnâtes connoissance
» d* Anpaud et cFÀIcuin >&c. » C'est d'Arnaud Daniel , troubadour , que fe
poète parlé ép ces vers. Indépendamment du mérite du style, fe
Àîorgante AJaggiore présente . l'épopée romanesque sous un nouvel
aspect. Pulci quitta le ton grave et sérieux pour le ton comique ef
plaisant ; il fut en quelque sorte le précurseur de l'Àrjoste et <fe Cer-
vantes. r * -■ « ' '< so
.. Si les encouxagemens de la famille Médicis engagèrent Pulci à
composer son poème , ceux de la famille dé Gonzague protégèrent
dan^ le même temps un poète priv^ de, la .vue ,: l'aveugle de Femre,
auteur de Mambriano. Renaud avc4t tué Mambrin, roi d'Asie; Mam->
brian 9 neveu de ce prince, voulut le venger en détrui*aju Montaaban.
Ce poçmeest en quarante-cinq chants. Le docteur $errtrio indfyie
divers ouvrages dans lesquels lç poète peut avoir puisé le sujefet les
détails de sa composition. Mais le pq&e rçxpançsque le plus distingué. de
fépoqpe,. c'est Bojarcfo, auteur de YOrlanda inuamorato, qui fut son
poème le plus célèbre, II est divisé en trois livres, contenant,. le premier
▼ ing t-neuf chaotjS , le second trente- un, et le troisième neuf, parce que-
lau^eor n'eut, pas je temps de le terminer ;en tou^ soixante -neuf chants.
Une gtoire. véritable pour jBçj?fdo, c'est que son poème mérita
d'être contwuç par TÀnîpste , auquel U fournit beaucoup de njatériaur
que ^cejgand poè te . eutJL'ait dLs approprier par sa manière de les
employer. Des critique* gafcwtfqnf p** quoique dç fiuj-e les i^ppéocbe-
Tyyy
72a JOURNAL DES 5AVÂNS,
mens des passages communs aux deux poètes ; on a cité plus de trente
aventures que FArioste a imitées ou déduites de l'ouvrage de Bojardo :
un de ces critiques s'est montré surpris et même scandalisé de ce que
FArioste, ayant emprunté à Bojardo l'invention et la disposition de soi»
poème» et jusqu'aux noms de ses héros , navoit pas daigné ou n'avoit
pas osé le déclarer. Le Tasse, traitant cette question littéraire avec
pfus de respect et sur-tout de modération, trouve qu'il manque une
fin au poème de Bojardo, et un commencement à celui de FArioste,
et il condùt qu'on ne doit considérer celui-ci que comme la suite de
l'autre. Ce qui a nui à la- renommée du ^Roland amoureux, c'est v d'une
part | le mérite supérieur du Roland furieux , et de l'autre le travail de
Berni , qui retoucha l'ouvrage de Bojardo , en insérant , changeant bu
retranchant, selon son goût ou les caprices de son imagination, un
grand nombre de passages. Malgré les critiques qui s'élevèrent contre
l'audace de Berni , son travail • postérieur au poème de FArioste, fut
généralement préféré à celui de Bojardo; Berni est resté en possession
de compter en son propre nom parmi lés poètes romanesques d'Italie.
Peut-être doit- on attribuer fe succès de Berni aux hardiesses, aux
facéties , aux détails scandaleux qui le firent condamner par Fégiise*
D'ailleurs le style a obtenu tous les suffrages > et Bernr fut un des écri-
vains italiens auxquels l'Académie de la Crusca emprunta des exemples
pour autoriser son dictionnaire.
L'Arioste employa longues années à composer et à polir son poème »
qui fut imprimé en i 5 1 j , et dont il soigna encore une édition aug-
mentée de six chants (ï ) , en i 5 32 ; ce qui, indépendamment de son
talent, lui donna un avantage sur Bojardo, qui navoit pas eu le temps
de terminer et sur- tout de corriger son Roland amoureux. On sait que
Dante avoit commencé sa Divlna cctnmed'ta en vers latins \ FArioste vou-
lut d'abord écrire son Orlando en terja rima , à la manière de Dante ;
quelques vers de son travail ont été conservés ; mais il préféra bientôt
Vottava , comme plus propre au développement , à l'arrondissement et
à l'harmonie des périodes poétiques. Bembo avoit conseillé à FArioste
d'écrire son poème en vers latins ; l'Arioste répondit à son ami : « J'aime
39 mieux être un des premiers parmi les écrivains toscans , qu'un des
» seconds parmi les auteurs latins. » C'est une circonstance digne de
remarque , et sur-tout d'être proposée en exemple , que fe soin que FA-
rioste avoit de provoque)* et d'écouter les critiques de ses vers , afin de
h* corriger; Cej illustre péjête prit le parti de laisser pendant deux ans
(1) Lft 33, 37; 39> 4*V«;4 3* ff ides éditions tnaderne*
v ■/■/(
JD£C£MBtlB 1830. jxy
soh manuscrit exposé dans une salie de $a maison, où chacun étoit\
admis k en prendre lecture et fc en dure son jugement.
Le docteur Ferrario pense que, pour comprendre parfaitement l'A-
rioste, il faut lire non-seulement le Roland amoureux , mais encore
les Reali di Frauda , et les autres poèmes chevaleresques antérieurs au
Roland furieux. On a prétendu, que l'Arioste , pour se préparer à la
composition et à l'exécution de son poème, traduisit en italien divers
romans espagnols et français ; aussi y trouve- t-on quelques passages
et épisodes empruntés aux romans de la table ronde. La piste admira-
tion , la haute estime littéraire qu'inspire et mérite l'ouvrage de l'A*
nos te, nous ont accoutumés aux grands éloges que lui ont prodigués
la .vénération et l'enthousiasme de quelques critiques renommés. Baretti
voudroit que la lecture de XOrlando furioso ne fût permise qu'aux
personnes qui 9 par quelque service rendu à la patrie ♦ obtien-
draient en récompense l'autorisation de jouir (Tune aussi belle poésie.
On a disputé kïOr/ando furioso le titre d'épique; mais on a répondu:
« Si vous ne voulez pas l'appeler épique , il faut donc l'appeler divin. »
Quant au reproche fait à l'Arioste d'avoir manqué souvent aux
règles d'une décence sévère , tellement que son poème ne peut être
mis entre les mains de toutes les personnes , les apologistes du poète
répondent qu'au siècle où il a écrit , les gens du monde n'étoient pas
difficiles; un de ces apologistes s exprime ainsi : «Je crois qu'alors on étoit
moins scrupuleux; c'est ainsi que /parmi certains Indiens, la nudité ne
cause pas de scandale, comme elle en causeront parmi les Européens. »
D'ailleurs , observe le docteur Ferrario , si nous comparons les licences
de l'Arioste à celles des auteurs de l'époque, nous nous convaincrons
que c'est un des poètes les plus modestes et les plus réservés. Les har-
diesses de l'Arioste n'effarouchèrent ni les princes de l'église , ni ceux
du siècle , puisque son ouvrage fut imprimé avec le privilège du Roi
4e France , du gouvernement de Venise et d'autres puissances , et
qu'enfin deux papes , Léon X et Clément VII , accordèrent des brefs
imprimés dans les premières éditions.
M. Ferrario ne pouvoit passer sous silence la dispute relative à la
prééminence de l'Arioste ou du Tasse , au sujet de laquelle on avoit
dit que le poème de la' Jérusalem est meilleur, mais que l'auteur du
Roland furieux est plus grand poète; il est peu de littérateurs ita-
liens, plus ou moins distingués , qui n'aient eu à s'expliquer à cet égard.
Le célèbre Métastase écrivoit que , dans sa jeunesse , il avoit été ad-
mirateur de l'Arioste; mais que , dans un âge plus mûr, il se sentit plein
$ admiration pour le Tasse , et d'un implacable courroux contre ceux
Tyjry a
7*4 JOURNAL DES SÀVANS,
qui disent que c'est outrager l'Arioste que de lui comparer fauteur de ht
Jérusalem. H résume ainsi son jugement : «Si, pour manifester sa puîs-
» sahce , H venoit au bon pfèife Apollon la fantaisie de faire de moi tu*
» grand poète , et s'il iri'ordÀnnoit de fui déclarer franchement auquel
a* des deux poèmes je voudroîs que ressemblât celui qu'il daignevoit me
a» dicter , sansdoute j'hésiterais beaucoup ; mais je sens que mon extrême
» goût pour l'ordre , l'exactitude et l'ensemble , me feroit pencher en
» feveur du Goffredo. » Malgré l'autorité de ce jugement, le docteur
Ferrarïo exprime le sien , que je traduiraien entier, comme un des morceaux
dé son ouvrage qui peuvent le mieux faire apprécier sa manière et son'
talent. « lime semble évident que l'auteur de YOrlando a l'imagination
y% beaucoup plus vive et plus féconde que l'auteur de ia Jérusalem. Je
» ne sais quel effet produit dans les autres la lecture de ces deux poèmes ;
*> quant à ce qui appartient à l'énergie des récits et à la vivacité de*
» descriptions; pour moi, j'avoue que les récits du Tasse me plaisent,
» m'intéressent, et je dirai me séduisent, tant Hs sont gracieux, finis et
a» parfaits : mais ceux de ÎArioste me ravissent hors de moi ; ils échauffent
» mon cœur de cet enthousiasme dont Hs sont pleins; tellement qu'il né
y> me semble pas lire, mais voir les choses racontées. Le Tasse me paroît
» un peintre délicat et très-gracieux , dont le dessin et le coloris ont
» toute la pureté qu'on peut désirer ; l'Arioste me semble un Jules
» Romain , un Buonarotti , un Rubèns , qui , avec un hardi et vigou-^
* reux pinceau , place sous mon œil et me fait presque toucher avec
» la main les objets les plus grands , les plus passionnés , les plus ter-*
» ribïes ; et pourtant TArioste lui-même , lorsqu'il veut employer un
» pinceau plus délicat , ne le cède à personne. Angélique fuyant Olympie
» abandonnée , et cent autres passages pareils , qui se rencontrent
x> dans YOrlando y peuvent soutenir le parallèle avec tout ce que les
*> muses grecques et latines offrent de plus séduisant. On ne doit pas
* dissimuler que les narrations de l'Arioste ne sont pas toujours égale*
*> rrierit agréables ; parfois elles languissent et semblent presque ramper;
» celles du Tasse sont plus soutenues et plus égales : mais outre que ce
>à fut peut-être , de la part de l'Arioste , un art pour mieux faire res-
y> sortir les. récits dans lesquels il vouioit se signaler, cela prouve seule-
» ment qtie l'Arioste n'est pas toujours égal h lui-même, mais ne prouve
yy pas qu'il ne soit , quand il lui plaît de l'être , supérieur à tout autre.
» Reste à parler de l'élégance du style ; et en cette partie, on ne peut
»'nier, si je ne me trompe , que le Tasse ne soit supérieur à PArioste,
ly* parce que chaque parole et chaque expression est dans le premier étu-
» dfiée et choisie, et* qu'if dit. toute chose ler plus noblement qu'il «e ^
. r DÉCEMBRE' tS^ÔH x l ?*y
» prisse* 1-e Second, plp* attentif aux choses qu'aux paroles^ ne mer
>*pas beaucoup 4e som dans W choix de expression* et, emplojç par-
» fois des màfetateet Vulgaires : iï sait pourtant' se relever quand il loi
* pfoftv et uw*k propos ides termes 4es plus délicats; il sait, quand il
*lè vëM , plaéer*dan*'ses veife des ornemens et des grâces ; et il nous
» montre que , s'Ufetott pqvAu corriger son Orlando avec un plus grand
» *scirt , ce poème ne le céderoit à aucun autre en élégance; »
Je ne critiquerai pokit le jugement $u docteur Ferrario, mais fas
pensée* exagérées qu'il emploie pour l'exprimer. Est-ce un vrai emhou-
siasnfce cjfce de dire. deT A rioste , « H a peut-êttre mis de l'art à faire des
* torrdiims IsiitguiMariks , pour mieux faire ressortir, ses beaux fécit$; il
» sait -se fefeter, quand >JA lui plaît; il sait, quand il h veut, &c. S'il
navoit voulu corriger avec un plus grand stin/'ôucA » Ces exagéjratiqns
me font souvenir dHine anecdote.insérée dans Je Journal encyclopédique
de Juillet i^ï.^Un Italien, homme de beaucoup d'esprit ,faisoi d'éloge
» du Tasse avec %in grand enthousiasme. N'est-il pas vrai t lui dit*on,q\ie
» si Dieu! véuloft faire un pbéme épique, il en composerait «ncomm&Ii
» Jérusalem délivrée! L'Italien répondit avec vivacité : Se potessc4signori,
* yep&trtse. *> J&'hâs*rderatfciunç observation par laquelle» entre autres ,
je me retids raison de ta préférence assez généralement accordée à TAt
rioste. Les gens du monde, et même la plupart des gens de lettres,
ighoréntcorhbtea ce peëte a pris et choisi dedétails et d'épisodes dans les
composition peu ocÂumes de ses devanciers , tandis que chacui* i^çoon^t
aisémem une grande partie des emprunts faits par le Tasse : Jinsi , dan?
l'Arioste, on admire des parties qu'on croît être de vraies qn&tions^
tandis que dans 4e Tasse on reconnoît souvent que plusieurs parties ne
sont que d'habiles imitations. L'impression différente que produisent ces
divers genres de médite peut avoir rangé un plus grand nombre d'avis
en faveur du poète qui est* cenié créer qu'en, f5rveur.de celui qui imite.
Abandonnant TArkiste , le docteur Ferrario indiqué divers poèmes
romanesque* consacrés encore à Chariemagne ou à se* paladins ; i .° .
les Amours de Miloh ^Angiance et de Berthe , sœur du roi Chariemagne,
là naissance de Roland ,-et lès. descendances ou généalogies des; paladins
de Frafece; *• YOrianéU ; $» les premières entreprises du comte Ro-
land*.^* VAsptamtnte; j.p l'Oroni? géant; 6.° Fakonet; ty.9 \; Anti-
for ai Bdroriâ.tkpWsSbjztàom l'A rioste r des imitateurs osèrent «owinixy
leurs ouvragen Ontmuveun poêrne intitulé Jstfr* de Rolemd fimeux ,m&
ShmertâeRôgerttfp&Vit en i j4î \ il oonôéat soixan te- twris cfcia Wl» Ôfi
^^v^enc«*edeuràu(re«pbè^lie^ Fpn, Roland banni^etl&fti*, Jfttfaad
728 JOUftNAt DES SAVANSj
pouvoit regretter que Schekfius n'eût donnq Ir-. texte d'aucune des
scholies arabes dont il avoit fait usage , et qnç ses propres notes > soit
philologiques, soit historiques, se réduisissent à peu de chose. Ce
regret étoit d'autant mieux fondé «qu&Je jKrëine. cPEbn-Doréid rappelle
une iquJtitude d'événemens et çle personnages célèbres %cjans l'histoire
des Arabes1 ,* soit avant , soit $prè$ f^ririsftie V et qtie , sous le point de
vue dé la tangue, il petit être considéré teomme tfnlivi* classique cfcune
grande autorité. M* Ifoisen a donc &é, heureusement mspiré, en choi-
sissant ce poème pour le sujet du pijjniqr tniuaii par, lequel il vouloi t
signaler son entrée dans la carrière de la littérature orientale. *
1-e volume dont nous allons rendre compte ,* et qui est annoncé
comme la première partie de TouyÀg^ ,* ne contient que les cent
quinze; premiers vers du poème; II se cctoiposèd» texte arabe , tant des
vers que cfes scholies, d'une traduction "btinerdesrv' en , dé prolégomènes,
et dénotes, soit critiques, soit philologiques et historiques.
Les prolégomènes f qui doivent d'abord fixer notre attention , sont
divisés en cinq sections , sous les rubriques Suivantes :
•i. Prafatio. 2. De tiomlnibus , àtg^m^nto et indoh rarmirfîs. 3. ï)e
metto. 4>. De tâUiômbus , codicibus et sikolite. y. De vira atictérls. ■ ■■
' Dans la 'fi replia j*e section, M. Boben Justifie ïe cftoir quli a fait dtt
poème cfFÂh-Doréid pour çn faire fè sujet de son tràv&iï , et Ton voit
^tie.ion ChV)ix a' été déterminé, tant par ion goût personnel, que par
Popihiôn.de plusieurs kà vans célèbre^ qui s*mtéressofent'k sesr snccèè',
et' parmi lesquels M. Freytk'g tient le premier rang.
t . Dans la seconde section, l'auteur s'attache cTabbrd à développer le
• seiW propre du mot kasida &<ya.i1, et les raisons qui ont fait dbnwr
cette dénomination au genre de poésfe auquel appartient le poème
cf Ebri-Dôréid : iï explique ensuite fe titte particulier de* Afaksçura;
puis enfin H présente l'analyse du poème et dés différentes parties
dont il sfe compose; et de cette analyse, frcondirt que le véritable
sujet du poèine est Téïoge ' des ' dëut princes piersans ' Ebn-Mical
( Abd allah , fils de Mohammed ) et Âbôtfi-abba* Ismaèl.
Je doute fort que l'espèce des poèmes nommés kasida ait pris son
nom de ce que dans ces compositions ' le poète se propose un objet
déterminé *#*** f comme le dit M. Boîsèn , propositum aliquod patina-
riftm , ad quod omnia speetant ; car dest là une Qualité commune à toute
composition poétiquç. Je dense bien plutôt que, par cette dénomination ,
on a voulu désigner primitivement; yn poème dune moyenne longueur,
qui n'est ni .très-court, ni très-foiïg; signification qui est tout-à-fait
analogue à celle du verbe û*+2 injransîtif • medio modo se habuit, , non
passa*, non tfacHis; n^é (^(^f^n prodi^ ; non celer > no* fartus;
n DÉCEMBRE 1830.- 72?
modum rectum te nui t. Golius a donc eu raison de traduire ôx*j> et
ôUaÏ par poema justo vetsuum numéro tonstans Ce n'est que par
une conséquence de la dénomination affectée à ce genre de compositions,
et devenue nom, quoique dans l'origine elle fût un adjectif, qu'on a
nommé ^JU le personnage à l'éloge duquel é toit consacrée une
kasida, et que le verbe j-oi , et à la huitième forme oua*ïl, a pris l'ac-
ception jde se fivrer habituellement a la composition du poème de l'espèce
nommée kasida ; car c'est là le sens de ce passage du Kamous ,
et ojLaJlll Jl/* JUtj ne signifie point du tout opus propos itorum conjup-
gère , comme fe traduit M. Boisen, niais bien, iteratis et continuais
vicibus , carminibus e génère kasidarum pangendis operam dare.
L'objet de la troisième section est le mètre du poëme , et en général
le système métrique des Arabes. Nous pensons que c'est avec raison
que M. Boisen refuse son assentiment au système que M. Ewald a
voulu substituer , sans aucun fondement solide , à celui que. lés écrivains
arabes eux-m^mes nous ont transmis, çt qui a été fixé par écrit de? le
premier siècle de rhégïre. Peut-être M. Boisen s'est-il lui-même Kvré
un peu trop à des conjectures sur la formation successive , et, S j'ose
me servir de ce terme, sur l'arbre généalogique des divers mètres
employés par les poètes arabes. II seroit assurément téméraire de
•déterminer à priori Tige respectif des anciennes poésies arabes par de
semblables conjectures; et nos connoissanc^s historiques sur la date
précise de ces antiques compositions sont trop imparfaites , pour que ,
de leur classification chronologique , nous prissions déduire à postêriéri
l'ancienneté respective des diverses sortes de mètres.
* Je passe à la quatrième section ; et laissant de côté ce que M. Boisen
dit des deux précédentes éditions du poème cf Ebn-Doréid , je me borne
à faire connoître le* manuscrits , soit du texte , soit des commentaires,
qui lui ont servi pour son édition et pour la composition de ses notés.
Le manuscrit qui a 'servi de base à l'édition de M. Bofeèn , est uhe
copie faite par le professeur J. P. Berg, de Duisbourg, du manuscrit
n.° 1 J93 de la bibliothèque de l'université de Leyde, le même dont
s'étoit servi Haitsma , et qui est indiqué comme contenant , outre le texte
du poème , les scholies cTEbn-Héscham ( Àbôu-Abd-allah Mohammed ),
Lakhmi Sebti , c'est-à-dire , natif de Ceuta. Berg a joint à sa copie
les variantes que Fui ont fournies les manuscrits n.°* 1 590 et 1 592 de
la même bibliothèque ; il a aussi fait usage (f une copte , faite par le
célèbre A. Schultens , (Fuji autre commentaire dont l'auteur est nommé
•»■"'■• zzzz
730 JOURNAL DES SAVANS,
Abou-Abd-allak Hïséin, fils de Chahuwiya , où plutôt Kkaliwàih
o^U.. Tous ces travaux do professeur Bterg 6ht été mis à contri-
bution pa!r M* Boisen. De plus, il a copié \ Paris le poème d'Ebn-
Doréid , accompagné d'un bon commentaire anonyme , qui se trouve
parmi les manuscrits arabes de la Bibliothèque du Roi, sous le n.# 1 4 ï4?
snfin, if a aussi fait quelque usage d'un manuscrit de la bibliothèque
royale *de Copenhague, portant Ien.° t \ et daris lequel au texte sont
jointes des schoiies très-courtes.
M. Boisen dit qu'il a fait imprimer, en entier les schoiies d'Ebn-
Hescham qui étoient inédites , Haitsma n'en ayant fait presque aucun
usage, ej: que c'est principalement le travail de ce scholiaste qui lui
a servi de guide dans ses notes , sans toutefois qu'il ait négligé de faire
son profit des schoiies cTEbn-Khaléwaïh et de celles des . manuscrits
n.° 2^5 4 de Paris et n.° i de Copenhague*
Il est fâcheux que M. Boisçh ait ignoré que la Bibliothèque du Roi
possède une autre copie du.poëme d'Ebn-Doréid , avec un commen-
taire beaucoup plus étendu que tous ceux dont il a eu connoissance.
Cette copie se trouve à la suite aun traité de jurisprudence, iricdmplet ,
dans le manuscrit n.° 4?0 , et a été fort mal indiquée dans le catalogue
imprimé , d'après une notice manuscrite de Joseph Ascari , en ces
termes \Anonymi carmen obscur issimum, ai doctrinam morum pertinens,
ufà cum commentariis doctoris Eben Draid. Dans ce manuscrit) qui est
excellent et qui a' été corrigé avec soin, le poème d'Ebn-Doréid est
acéphale , et .il manque les seize premiers vers , ainsi que les schoiies
correspondantes. En comparant ce commentaire avec les schoiies cTEbn-
Hescham • publiées par M. Boisen^, je me suis convaincu que ces
schoiies ne sont qu'un extrait du commentaire d'Ebn-Hescham ; que
c'est ce commentaire que nous offre , dans toute son étendue , le manuscrit
n.° 49° » et qu'il fournit presque toujours le moyen de corriger les
fautes assez nombreuses .et de réparer les omissions palpables , soit du
manuscrit même de Leyde, soit de la copie du professeur Berg. Je dois
observer, en passant , que le manuscrit n.° 490 renferme encore un autre
poème d'Ebn-Doréid, mais incomplet, dans lequel chaque vers con-
tient un mot qui , dans une certaine signification , se termine par un
élifbref, et par conséquent est jy+&* , et dans une autre finit par un
tlij long, et par conséquent est ïjouC* Voici les deux premiers vers de
ce poérae, qui donneront une idée juste du but que le poète sfest
proposé, dans cette singulière composition :
.lj-jut *_ïjUu JjcLlj c*j-i--M Jt Û^j*
■
^DÉjOEMBRE 1.83b.' ;' \ ?3'i
*-* 6
Le poème Maksourâ cTEbn-Dçréid a eu un grandi nombre de commen-
tateur*, et j?en possède moi-même un tr?$rbofi m^pi^crit, avec des
schoiies et une analyse grammaticale , qui ont pour auteur Afohammçfl
Comari jijLOI ifaç/ ou Daji \}jj\ ou ^j jJI ,fils de Sçlipian.
La cinquième section des prolégomènes contient fa. vie. cTËtjfi-
Doréid, traduite cTEbn-Hescham , et dont Je texte Forme \\ç epm-
mencement des scholies de ce commentateur. II y a, dans e*ttie wie
plusieurs passages qui ont été mal entendus, pfu: le. traducteur, pp dont
le texte a besoin de correction. C'est ainsi que )f dans le texte Vpag.i.,
lig. rio, il faut lire ï£jJ\ au lieu de jL-^Jl , mauvais? Iççoii que
M. Bôisen a traduite, sans aucune raison-, par s ingu/os versus Jinmant{aj
que, page 2 , ligne z , 4JL* doit être changé en *JL*>f ce qulveujLdire
parmi' st s contemporains , et non pas in amiculo ferait ; enfin que , m£rae
page , lig. 1 7 , an lieu de \y> , ce qui ne saurçit signifier consul to , il
faut lire lo£ ,4)iot qui sert simplement, de transition.
Quant aux errçufs commises dans la traduction , jelles sont en assez
grand nombre»' et déna,turçnt tout à-fait fe sens.
L'auteur Ebn7Hescham commence y . suivant l'usage ,, par céjfébrer
les losanges* de Dieu et, invoquer sa protection en faveur^e Mahomet
et de ses descendons, Jf^ 0*4 J^. Comme il lui fal loi*, pour le parallé-
lisme ^ xme phrase qui rimât avec ceile*Ià , il ajoute ^U&jl j*4 o^ L
éS\ j Vcfc que le traducteur a rendu ainsi: Certe quod subsïderït hemo
autemerserity à Dto pende t~\\ e$t évident tp'il a prononcéle dernier mot
«Jf ou <iBf , 'ce qui ne petit être -, puisque fe' rime seroit en défaut ,
tandis gu'il faut nécessairement prononcer «JL Ici le mot J[ signifie jfe
phinomine du mirage, dont A4. Boisen lui -même a parlé assez au ïorjg
dans son commentaire sur Jçyers 4tt^^n^^.parjticulîèreinenr celui çffi
e*t produit , à l'horion /visuel p^r le brouillard qui s'élève au lever et au
couch/er-4u soleif > et par l'effet, duqjiel les objets éloignés semblent
cftapg/sj de position et s'élever progressivement dans l'atmosphère au-
dessus du soI> Le mot jà^ signifie les.. corps et leur apparence , et <^est
le terme consacré, gua^T on pjrçle de cette, illusion <f optique. Lprsqfip
le brouillard ou la vapeur, épaissit et, s'élève , les objçts que la vue
aperçoit à l'horizon, paraissent aussi s'élever, ce qu'ori exprime par le
mot Ut , .qu*£bai-liprékl lui-même emploie ea ce. sens au vers 49*de son
poëme : qiuuid le brouillard diminue et se dissipe, ils semblent s'abaisser.
Le texte d'Eltei-î^efcfia m signifie doftc'Sla lettre £ éfuamdià suisîdent ,
Zzzz 2
732 JOURNAL DES SAVANS,
vel supematabunt corporum slmulacra in vapore e)us; et c'est une méta-
phore qui veut dire simplement , aussi long-temps qu'il restera des
descendans de sa race qui se succéderont les uns aux autres.
Là singularité de cette métaphore peut excuser l'erreur du traducteur;
mais û est moins excusable d'avoir traduit, page 27 , ligne .5 , jL>Vf , qui
signifie les lunes, par nemo eorum qui eu m eo aléa certarunt, ce qui est
tout-à-fait étranger à fa pensée de l'auteur.
Plus loin, Ehn-Hescham raconte qu'Ebn-Doréid , à l'âge de quatre-
vingt-dix ans , éprouva une violente attaque de paralysie , à la suite de
laquelle cependant il recouvra une santé aussi parfaite qu'il favoit
jamais eue , et ne s'aperçut d'aucun affaiblissement dans ses facultés ; car
c'est là ce que signifient ces mots , CLa <ÛJû &> j£x± Jfj, et non pas , ut
nihilsibi negavit, vel suscipiendum récusant.
Près de mourir , Ebn-Doréid , suivant son biographe , avoit récité
souvent ce vers, dont il se faisoït l'application :
ce Oh ! quel cuisant chagrin pour moi ! je ne possède plus ni une vie
» pleine de charmes , ni de bonnes œuvres capables de plaire à Dieu ! »
Ce vers ne présente aucune obscurité ; toutefois H Jàut excuser
M. Boisen d'en avoir tout-à-fait altéré le sens , puisqu'il a également
échappé à Scheidhis et à M. Hamaker.
Je me suis peut-être arrêté trop long-temps sur ces prolégomènes ;
mais ce que j'en ai dit me permettra d'être plus court quand je parlerai
du commentaire de M. Boisen, commentaire fort estimable sous plu-
sieurs points de vue , mais oit l'on rencontre assez souvent des fautes
pareilles à celles que je viens de signaler. Je dois maintenant m'occuper
du texte arabe , non pas du poème lui-même ,' qui donne lieu à bien peu
d'observations , mais des scholres cFEbn-Hescham , qui ont besoin d'un
assez grand nombre de corrections. Je répète , au surplus , ce que j'ai
déjà dit : ces fautes peuvent appartenir ou à la copie du professeur
Berg , ou même au manuscrit de Leyde. M. Boisen en a corrigé plu-
sieurs ; mais il en est resté pour le moins autant, qu'on peut corriger, ou
par conjecture , bu à l'aide de notre manuscrit n.* 490» Ce secours me
manquant pour les scholies des quinze premiers vers , c'est par
conjecture que je corrige les fautes suivantes :
Pag- 5 > Kg- 4, l— * , 4&ï ,^LJI lisez L,»^ <£& ^L_)f
Pag. J . I. 23 , jU Jc'fÏA f U ^L J* fSj jj Cr
DÉCEMBRE 1830: 733
Pag. 5,1. x j , : jVI lisez « j VI
rag. 0,1.22, « }jV — a — e^JJ « ^ — A — 6 — u
c'est-à-dire , à cause que ce sont des lettres du même
organe à-pcu-prcs.
Pag* 9> '• 2° > ftv** f o-£— a^l lisez pjy- * v ^ f *jf
Pag. 9, 1. 22, l ^ — Lj| rfj l — * — JLJfl &j
c'est-à-dire, de ces deux formes, cette dernière est la
. moins usitée.
m
, Pag. 10 , 1. 9 , isolas j JfjJl A^y Ceci ne donne aucun sens. Le
scholiaste ayant (fit que oJLç est le sujet , ou, comme disent les grammai-
riens arabes, l'agent du verbe ^$, a dû ajouter que, si Pon ne voyoit
pas dans ie mot JLë sur le o la voyelle dhamma qui caractérise le nomi-
natif ou agent du verbe , c'est qu'elle avoit disparu à cause du pronom
affixe de la première personne. Peut-être le texte doit-il être rétabli
ainsi :
^cX^ 3 J5CjlX\ ja-c* *iUV c>**ô JîoJf &fe»j*j
Pag. 1 1 , lig. 4* On ne conçoit pas à quel propos le commentateur
observe que les Arab&s , pour exprimer la possession de cent chameaux
ou de cent brebis, se servent du mot <Jsà , mais que , s'il s'agit de cent
chèvres, ils disent <sS ou ïjï. II n'y a aucun doute qu'il avoit dit
auparavant que , dans ce seizième vers , au lieu de yju»j , quelques per-
sonnes lisoient u*ij ; il faut donc restituer ainsi le texte :
A partir d'ici , nous ayons le secours du manuscrit n.° 490 , qu'un
nouvel éditeur ne manquera sans doute pas de consulter. Je me bornerai
donc à montrer, par quelques exemples , les ressources que ce manuscrit
fournira pour donner plus correctement les scholies cTEbn-Hescham.
Dans la scholie du vers 1 7 f pag. 1 1 , lig. 1 o) , on lit dans l'imprimé ,
t>jj& 4TjJUll * 3 J*»j ; ce qui n'offre aucun sens : tout est clair en
corrigeant <Taprè$ le manuscrit , *jj& t*j*£j s>^" f <* Ja*j-
Au vers 1 6 , on est surpris qu'à l'occasion du mot <^>,qui signifie
là un animal du genre des lézards, le commentateur indique diverses
acceptions de ce mot , et oublie précisément celle que le poète a eu
73i JOURNAL DES SAVANS,
en vue. C'est une omission du copiste ; car, dans le manuscrit 4po , on
J! v,^ , ce qui ne peut être que ia vraie leçon.
La scholie du trente-unième vers, où M. Boisen a corrigé avec
raison plusieurs fautes , exige encore d'autres rectifications. Au lieu de
jut ^j , le manuscrit 490 porte *îoJt ^jt et i^lït Y, au lieu de
olï V ; puis au! oU )t Uwt LjJ JaI , ce qui signifie que le grammai-
rien dont parie Fauteur a regardé LjJ comme un nom qui représente
le sens de *wf aAs] que Dieu le te levé. II est singulier que l'éditeur ait
introduit dans cette scholie deux corrections qui sont non-seulement
inutiles, mais tout-à-fait déplacées. D'abord je ne saurois concevoir
pourquoi il veut substituer o^jyJI &■ oj^j^ » mot <IU* sïgn^e propre-?
ment les grammairiens qui0 s'occupent, non de la grammaire ( on appelle
ceux-ci o^îj^' 9 ma*s ^es mots ^e ^a tangue > ou> si Ton veut , de
son lexique. En second lieu , il substitue p^J^\ 0^0^ J à ce que porte
le manuscrit, >y.>» &41** j* Auroït-il cru que py>» est un nom propre !
ce setoit une erreur. Ce qu'on entend par *;£>-• «iuoA., c'est une pa-
role du prophète qui a .été rapportée par un de ses compagnons,
au! Jy^j Jy ^ ^LjbJI y±\ L, comme dit l'auteur du livre des Défini-
fions.
Dans cette même scholie (pag.16, lig. 1 ) , il v a , dans un vers cité
du poète Ascha ( Maïmoun , fils de Kaïs ) , une faute d'autant pfus
surprenante, que M. Boisen a voit sous les yeux, comme -on le voit
par ses notes, mon Commentaire sur les Séances de Hariri , où se
trouve rapporté ce même vers, et où il est imprimé correctement.
M. Boisen a traduit ainsi ce vers : Camela robore prœdita >, quee si cespi-
taret , periret potius , quam ut ei acclamarem , Resurge ; et il ajoute que
cela veut dire que cet animal, quand il fait un faux pas, se relève si vite ,
que celui qui le monte n'a pas le temps de lui dire UU , c'est-à-dire ,
que Dieu te relevé. C'est effectivement là le sens, mais on le chercherait
inutilement dans le texte, si on lisoit , comme a fait l'éditeur , ^jùJli ,
ce qu'il a rertdu par si periret, tandis que la vraie leçoïi est (jjJJ\9 actio
resurgendi.
La glose du vers j ^ ( même page , lig. 1 % ) exige une correction
qu'on ne pourroit guère faire par conjecture. Au lieu de j JyJt j>jM ,
il faut lire jljM ^f. <
Dans cette même glose , il faut lire ( pag. 1 8 ,. lig. 2 ) ,jUII au lieu
de jUIl , ce qui n'est peut-être qu'une faute d'impression, et ( ij>. lig. 3
DÉCEMBRE 1830. 735
et 4 ) > <j&jau lieu de cjU-j ; puis il faut rétablir ainsi le second des
vers cités pour prouver le sens du mot <jUi :
i.
I — ^ — ft— " e>^*-?y. ^wJ^'
c'est-à-dire , </«/.*■ /??//;.r //riî/fj intrépides qui brisent tes têtes.
II est peu surprenant qu'un copiste ait défiguré le mot ^Jjli, dimi-
nutif dé tfjjL ou L$j&> : cette expression f qui est d'un usage rare , est un
augmentatif de j-^. bon, *
La sçholie du vers 34 ( pag. 17 , lig. 17 )_ contient une observation
grammaticale qui ^ pour objet les racines dont la seconde et ia troisième
radicale sont desj, comme <jçjï, qui estpour jy, ainsi qu'on le
reconnoft à la forme du nom *}-*. A cette occasion , le grammairien
observe qu'il n'y a point en arabe de racine dont la première et la
troisième radicale soient des j , si ce n*est le mot J^ , qui se compose
de trois j. Voici, je pense, comme H faut rétablir ce passage ;
Cette correction est fondée en grande partie sur la leçon du manuscrit
4po , où l'on a omis seulement le mot <âacj.
Je ne pousserai pas plus loin ces observations critiques sur le texte
du commentaire d'Ebn-Hescham. Je passerai légèrement sur la traduc-
tion dû poème , à laquelle je ne pourrois guère me dispenser d'ap-
pliquer les mêmes réflexions que j'ai faites récemment à l'occasion de la
Afoallaka de Tarafk , traduite par M. VuIIers. M. Boisen a dû s'écarter
quelquefois de la traduction de Schpidius , et plus souvent encore de
celle de Haitsma , et Ton ne peut que lui savoir gré de n'avoir pas suivi
aveuglément ses devanciers. II y a pourtant quelques endroits où je
préfère rois la traduction de Scheidius; par exemple ;*u vers 6 ( 4 de
l'édition de Scheidius ) , que M. Boisen rend ainsi : Et (quod) factura sit
pratum lusus siccum et fiaccidum , postquam m adore antea effulliverat;
tandis que Scheidius a voit dit : Et quod évaser ht florida prata hilaris-
simse vitœ mea , a rida, emarcida; postquam fuerant olim cxuberantia
madore ; ce qui est plus clair, et offre une figure plus juste que fe$ mots
* poStquam madore antea ebuf/irrrat
Au vers 1 j , au contraire y M. Boisen a eu raison de s'écarter de la
traduction de Scheidius, qui a mal à propos dooné à la conjonction <!>(
le sens de^J, en traduisant ainsi : Etlamsi depellcret%< . . tune tamen
cor insistera. . . . Cette faute a été souvent commise parles traducteurs.
7i6 JOURNAL DES SAVANS,
qui ont négligé la nuance délicate , mais très-importante , qui distingue
l'une de l'autre ces deux particules.
Le poète , aux vers 1 y et 1 6 , compare sa situation entre l'espérance
et le, désir de voir se réaliser ses vœux , à celle d'un habitant du désert
qui tient les yeux fixés sur un nuage d'où partent , il est vrai , des éclairs ,
mais qui peut-être trompera son espoir, et n'arrosera point la plaine
aride qui soupire après ses eaux. Pour avoir voulu être trop littéral,
M. Boisen est devenu obscur : Status meus , dit-il, anxia observatio est
nubïs , cujus fulgurans [nubes ; deccptrix est, &c. On ne comprend pas
facilement ce que c'est que la nuée d'une nuée , tandis qu'en arabe on sent
très-bien la différence qu'il y a entre c->t^ et £^L, et Haitsma Fa rendue,
sinon avec élégance , du moins d'une manière très-intelligible , en
disant: observa tor (il devoitdire observatio) nubis, cujus falgur sequentem
pluviam non habet.
Le vingtième vers donne aussi lieu à une observation , et ce sera la der-
nière que je ferai sur la traduction. Ce vers est ainsi conçu :
M. Boisen l'a traduit ainsi : Rediturumne est mihi tempus , omnino se
convertens in pristinam consuetudinem* an desperandum est! II est évident
que ce sont les mots JÎUk" Vp» que le traducteur a rendus par, omnino se
convertens , c'est-à-dire , plus littéralement , conversione perfectâ ; mais il n'est
pas moins certain que tous les commentateurs les ont pris dans un sens
fort différent, et que je crois le seul vrai, savoir, annum integrum.Si l'on
traduit «Jj comme verbe actif et transitif, le sens est , restituetne mihi
sors annum integrum ! quai es fuerunt anni priores , si l'on regarde ^Jj
comme verbe neutre , il faudra traduire : rediturane est sors ad me , per
annum integrum , ad priorem suam conditionem !
Il est assez singulier que les trois traducteurs aient commis la même
faute. Scheidius invoque l'autorité du scholiaste en faveur de sa traduc-
tion , conversions plena. Mais je ne sais de quel scholiaste il veut parler. Celui
du manuscrit du Roi n.° i4j4> dit positivement , *Lk"«j~ j} JWfVj».
et explique cela ainsi : « Le sort ramenera-t-il à moi , ne fût-ce que pour
» une année entière, l'état heureux auquel il m'avoit accoutumé! » Le
scholiaste de mon manuscrit n'est pas moins positif; il dit en deux
mots : LkJ\ JjA. On ne peut révoquer en doute que l'opinion d'Ebn-
Hescham ne soit la même , puisqu'il observe , à cette occasion , qu'une
année s'appelle # indifféremment ^U, Jj*, iU~, *aa^ et ïufe. Com-
ment M. Boisen, s'il a cru devoir s'écarter de l'opinion commune des
~s
DÉCEMBRE 183O. 737
sçholiastes , n'en a-t ii pas du moins fait là remarque ! J'ajoute que
l'épi thè te ^Ul^ convient bien mieux, en entendant Jj*> d'une année.
Il me reste à parler des notes que M. Boisen a jointes à sa traduction.
Je dois dire en général qu'elles annoncent dans l'auteur un jugement
droit , une critique sage et réservée , enfin une connoissance approfondie
des principes de la langue arabe , ainsi que des ouvrages les plus im-
portans publiés dans ces dernières années. Une seule partie de ces notes
donne assez souvent prise à la critique : c'est la traduction des vers isolés
cités par le scholiaste, soit pour justifier se* observations, soit à cause
qu'ils offrent des pensées , des métaphores ou des expressions analogues
à celles qui se rencontrent dans le poëme «TEbn-Doréid. C'est en
général ce qu'il y a de plus difficile à entendre dans tous les ouvrages
des grammairiens, et bien souvent on est réduit à cet égard» à des
conjectures plus ou moins plausibles. C'est aussi là que les copistes
font d'ordinaire le plus grand nombre de fautes , à cause de l'obscurité
même de ces y ers, détachés de tout ce qui de voit les précéder et les
suivre. Je vais rétablir le sens de quelques-uns de ces vers.
La glose sur le onzième vers tfEbn-Doréid contient, entre autres
citations, ce vers d'un poète nommé Aswad ,jils de Yafar.
«Je vois en effet que les délices et tout ce qui fait l'amusement de
». l'homme aboutira un jour à la destruction et à l'anéantissement. »
Ce vers , qui a été mal traduit , ne contient cependant qu'une pensée
facile à saisir, et des expressions simples et naturelles.
Le vers suivant du célèbre poète Bokhsori, cité dans la scholie du
vingt-quatrième vers , n'offr oit guère plus de difficultés :
J'ignore de qui parle Je poète, si c'est d'une femme ou d'une femellç
de chameau. Ce qu'il y a de certain, c'est que les verbes omJfet *lï»?
sont au féminin, ce que semble n'avoir pas yu M. Boisen. Le sens est: ^
ce Elle a déjà éprouvé la plupart des vicissitudes fâcheuses du temps,
» et elle ne s'effraiera point lorsqu'il surviendra quelque nouveau mal-
>> heur. »
II étoit peut-être un peu plus difficile de saisir le sens d'un vers (Je
D jérir , que le scholiaste cite à l'occasion du vingt-neuvième vers cFEbn-
poréid. Ce dernier dit : ~
Aaaaa
p4*
*■ * *
\
l
738 JOURNAL DES SAVANS,
ce Je ne savais pas , quoique le sort aime ayee passion à disperser ce
» qui est uni et à détordre les fils qui ont été tordus ensemble , ( je ne
» savais pas , dis- je ) que le destin me jetteroit dans un précipice dont
» ne sauroit revenir celui qui y est une fois tombé. »
Ebn-Héscham , .à l'occasion de la métaphore jy €j*Jûur detor-
quendi filos quitus constat f unis t cite le vers suivant de Djérir :
■
j\j^j ^ I3.>jJI Jj\ if <_j5-« c/Ai <2y >li V
« Qu'un homme fort ne se flatte point que sa vigueur est à l'abri de
» tout, affaiblissement ; car je vois que le temps s'exerce également il
» détordre et à tordre avec force. » .,
Cette métaphore a tout-sà-fait disparu dans la traduction dé M. Boisen,
quoiqu'il ait conservé le sens moral du. vers , en disant : Ne securus sit
r obus tus de potentia sua; equiifem vidi tempus imminuendi et corroborant
potiùs. Je pense qu'il a confondu jaJU détordre, qui est l'opposé de^f^f
tordre fortement , avec jajLi,qui signifie diminution. Il est incontestable
cependant que joaJ est la vraie leçon. Au cçntraire , dans le premier
hémistiche, je conjecture que Djérir a écrit *3j* jai-î.
La scholie sur le vers premier contient un grand nombre de cita-
tions. II s'y trouve entre autres deux vers d'un poète nommé J^»|
Amra ( si ce n'est pas une faute ) fils de Rebia. Je me borne à observer,
relativement à ces vers , que Ljj signifie là une sorte d'étoffe fine dont
s'habillent les femmes (voyez mon Commentaire sur les Séances de
Hariri ,pag. 245 ) , et non pas vclamcn tentoriorum, comme a traduit
M. Boisen, et que >*tj J&\\ cfc-* qu'il a rendu par inter stationem et
montem , indique une portion du temple de la Mecque , et doit signifier
entre la, station (le makam) d'Abraham, et la pierre noire.
Mais je dois supprimer quelques autres observations du même genre,
puisque Je ne prétends pas faire ici une revue complète du poème
d'Ebri-Doréid ; et je finis en répétant que le travail de M. Boisen est
très-estimable, et que c'est ce' qui m'a engagé à profiter, pour le
perfectionner , du bonheur que j'avois de pouvoir consulter deux bons
manuscrits qui n'ont pas été connus de lui.
SILVESTREDESACY.
)
DÉCEMBRE 1830. 739
KAAYAIOT nTOAEMAIOY AAEKANAPEnî IIEPI TH2rBûrPA$IKH2
T^HrHxns, Sec. Traite de géographie de Claude Ptole'me'e
d'Alexandrie, traduit pour la première fois du grec en français,
sur les manuscrits de la Bibliothèque du Roi, par l'abbé
Halma. In-4.9 , xiij et 172 pages. .
Dans sa préface de la traduction de l'AImageste , l'abbé 1 Halma
promettait une édition et une traduction complètes des Commentaires
de Théon et de la Géographie de Ptolémée avec toutes ses tables.
Nous crûmes devoir dès-lors le dissuader de ce projet : nous l'en-
gageâmes ( 1 ) à se contenter d'extraire de Théon un certain nombre de
passages qui intéressent réellement l'histoire des mathématiques , mais
à abandonner l'idée de réimprimer et sur-tout de traduire en entier le
trop verbeux et le plus souvent inutile commentaire dans lequel Théon
a délayé les démonstrations déjà si longues de l'AImageste. L'abbé
Halma n'a pas jugé à propos de suivre ce conseil, et nous doutons
qu'il se sait bien trouvé de sa résolution. Son édition et sa traduction
commencées , mais non achevées , lui ont fait perdre beaucoup de temps
et d'argent, presque sans aucun profit pour la science. Quant à la
Géographie de Ptolémée , nous tâchâmes de lui faire sentir qu'autant
il seroit utile de donner une édition critique des tables de Ptolémée ,
d'après toutes les éditions et manuscrits que l'on possède, autant il
seroît inutile de traduire en français deux cents pages in fol. de noms
propres , avec les colonnes de chiffres qui les accompagnent. Nous lui
conseillâmes de se borner au premier livre , et à la* fin du septième , où
Ptolémée discute la carte de Marin de Tyr, et explique le tracé de sa
propre carte; morceaux du plus grand intérêt , qui sont le complément
nécessaire de l'AImageste. Ici , l'abbé Halma s'est montré plus docile
à des avis qui fui étoient donnés dans wson propre intérêt ; et il avoue
que c'est d'après nos conseils qu'il s'est borné à la partie théorique
de l'ouvrage de Ptolémée.
. Nous avons plusieurs fois rendu compte, dans ce journal , des tra-
ductions de l'abbé Halma; et malgré le désir de ne point désobliger un
homme estimable dont le zèle méritoit plus de succès , nous avons
(1) Journal de* Savant, 1818, p. 275.
Aàaaa 2
74o JOURNAL DES SAVANS,
dû les traiter avec plus de sévérité que nous ne l'aurions voulu.
L'abbé Hàlma , eh poursuivant , avec une persévérance assurément fort
louable , le projet de traduire tout ce qui nous reste des astronomes
grecs , consultoit son goût plus que ses forces. II savoit autant et
plus de ma thématiques qu'il n'étoit nécessaire pour entendre ces auteurs;
mais il ne savoit pas tout-à-fait assez de grec. Sans doute , il n'en faut
pas savoir beaucoup pour suivre , à l'aide des versions latines , des théo-
rèmes et des démonstrations exprimées par des formules de langage qui
reviennent presque toujours les mêmes ; aussi , toutes les fois qu'il ne
^agit pas d'autre chose , l'abbé Halma est à-peu-près sans reproche.
Mais, dans les anciens astronomes, tout n'est pas exposé de théorèmes
ou de constructions; il y a des théories, des considérations , des raison-
nemens. Or, en pareil cas, le traducteur qui ne sait pas suffisam-
ment • le grec se fourvoie , ce qui est arrivé très-souvent à l'abbé
Halma , et parfois sur des points qui intéressent l'histoire de la science.
II étoit du devoir de la critique d'indiquer des fautes qui peuvent
égarer les astronomes et les mathématiciens, auxquels ces traduc-
tions sont principalement destinées , et nous avons jugé utile de fe
faire en parlant de la traduction que l'abbé Halma a donnée de
l'AImageste et de quelques autres ouvrages des astronomes grecs.
Chargés de rendre compte de celle du premier livre de la Géographie,
nous la soumettrons à un examen détaillé que permet le peu d'étendue
de cet ouvrage et que réclame son importance.
Ptolémée connoissoit beaucoup mieux l'astronomie et fa géographie
que l'art d'écrire : son style est entortillé et obscur ; ses phrases sont
souvent d'une longueur désespérante , et leurs diverses parties s'encnaî-
nent mal et se déroulent péniblement. Ces défauts sont peut-être plus
sensibles encore dans la Géographie que dans l'AImageste, excepté
toutefois l'introduction de ce dernier ouvrage , laquelle est un modèle
dé galimathias et d'amphigouri. Quand Ptolémée quitte les formules
mathématiques, il est souvent fort difficile de suivre ses#raisonnemens;
aussi les versions latines, dans tous les endroits obscurs , ne sont presque
jamais plus claires que le texte, et parfois le sont beaucoup moins
encore. On ne sera donc pas très-surpris que l'abbé Halma l'ait rare-
ment bien entendu, quand il s'agit d'autre chose que de démonstrations
mathématiques. II reste souvent à côté du texte ; souvent aussi il se
méprend tout-à-fàit et ne saisit point l'enchaînement des phrases ; on
dirait même quelquefois qu'il traduit au hasard.
Nous ne nous attacherons pas à relever tous les passages où le tra-
ducteur a manqué le sens de Ptolémée ; ce travail seroit trop long et
aussi fastidieux pour nous que pour nos lecteurs. Mais , comme sa
traduction est la seule qui existe en français d'un des morceaux les plus
curieux pour l'histoire de la géographie ancienne, nous relèverons quel-
ques-unes des principales fautes , celles sur-tout que l'obscurité et
l'inexactitude des versions latines , ou l'altération du texte , ôtent les
moyens de rectifier. De cette manière , les personnes, peu versées dans
le grec, qui desireroient étudier cet ouvrage de Ptolémée , après avoir
noté les passages dont nous donnerons le sens , pourront lire la tra-
duction de l'abbé Halma avec plus de confiance (îj.
La préface, dexlj pages, contient quelques généralités sur l'histoire de
la géographie , peu exactes et peu instructives ; elles sont suivies d'une
notice plus satisfaisante sur les éditions et les manuscrits de la géographie
de Ptolémée, Quoique l'éditeur cite plusieurs manuscrits qu'il a, dit-il,
consultés , tl ne rapporte aucune variante , et l'on ne s'aperçoit pas qu'il
ait amélioré le texte : ce texte est même fort incorrectement imprimé ;
la ponctuation sur-tout est presque par-tout vicieuse ; très-souvent l'édi-
teur a séparé les divers membres d'une même phrase par des points , au
lieu de virgules ; ailleurs , il a mis des virgules à la place de poin is , ce
qui rend les phrases inintelligibles. Aussi le traducteur ne les a pas com-
prises ; toutefois il reste incertain s'il ne les a pas mai ponctuées,
justement parce qu'il ne les comprenoit pas.
Chapitre l." Ce chapitre , dans lequel Ptolémée se propose de dire
en quoi la géographie diffère de la chronologie , est mal écrit et
très-obscur. L'abbé Halma s'y est fréquemment trompé. Sa traduction
commence ainsi (z) : « La géographie est la description imitative et
» représentative de toute la partie connue de la terre , avec ce qui
" généralement lui appartient. Elle diffère de la cliorographie , en ce que
» celle-ci , considérant les lieux séparément les uns des autres , les expose
» en particulier , avec l'indication de leurs havres , de leurs villages et
» de leurs plus petites habitations, des dérivations et des détours des
» premiers fleuves , des peuples et de semblables détails L'objet pro-
(i) Nous n'avons sous les yeux que l'édition de P. Montanus (Amsterdam,
1605, celle de Bertius (1618), el la collation du manuscrit Coistin faite par
Montfaucon (Bibl. Coist.), Le temps ne nous a pas permis de voir les manuscrits
— (2) h jtùix**'» /«AMwif i«T Slctyciyn 7tS wj\iKn/ajj.în<i mç }*( f**ÇS*>f <:*'« , /**w
tàt àf mito* cLÙTtv ( i. av-Tùi) uviY/ufiiiuj t#i Jlttiftprt t*ç jai£9jfaç/af , ii\'<N mf «ut*
ftsr aTonioo^m -nùf tant f*i(yç -n-muç ,)*>ei( t tag-nt ^ iulA' iavrtr iXTiStra*, jm«-
«vo^o/*»'™ toctb «^(AVjqu t£ fuKçytam mîrt'jime/AaCg/tt'rai', mo» At/MMr, j^xM/Mtf»
ftjavçij tàç dm lût npânit ■mBfuàtix.Tçpxàçij m roejdAtioxr 7Îr Jï j4ûjj(iiçi«( ïJiit
ail lifiiat ti k. tniity* Jïixrurau iir tyvit'futtn» yit , ùf ty*i fvniDf n k, Stnaiç, *; f*X_'/.
ftitatiSt ttiMÊft ite/ixuKûJTt'f^if me*jfaçrtTf «Îtj «-««t^ttr&iT , oht nÎKmitK, t. *.
liz JOURNAL DES 5AVANS,
» posé de la géographie est uniquement de montrer la terre dans toute
*> l'étendue qu'on lui connok, cojmiw elle se comporte tant par sa nature
** que par sa position, &c.»Tout cela est bien inexact et presque inintel-
ligible. Ptolémée dit : « La géographie ( i ) a pour objet (Fimiter le tracé
» de toute la partie de la terre connue, avec les choses principales
» qui s'y trouvent. Elle diffère de la c horographie , en ce que celle-ci ,
» détachant de l'ensemble les cantons peu considérables , les figure
» sépareraient , en comprenant i sur la carte qui les représente) les plus
» petits détails qu'ils peuvent renfermer , tels que ports , villages ,
*> dêmes , détours des grands fleuves et autres objets de ce genre ;
» tandis que le propre de la géographie est de nous montrer toute
» la terre connue , formant un seul continent , contigu dans toutes ses
«parties (2) ; et cela , en nous indiquant les seuls points qui puissent
*> tenir sur des cartes générales de la terre (3)9 à savoir, les golfes , les
» grandes villes , les peuples , les fleuves les plus importans t et les
» points les plus remarquables en tout genre. »
II y a , dans ce chapitre , d'autres passages fort difficiles qui n'ont point
été compris par le traducteur ; mais comme ils ne concernent que des
définitions et des distinctions inutiles , nous ne nous y arrêterons point (4)«
Le chapitre il a plus d'intérêt, parce qu'il traite des divers genres de ren-
seignemens nécessaires .pour la composition des bonnes cartes géogra-
phiques. Ptolémée le commence ainsi ,dans la traduction de l'abbé Halma:
« Tel est en général le précis de ce qui constitue la différence entre un
» géographe et unchorographe.» Ilfalloit dire: ce Ce qui vient d'être dit
» doit suffire pour exprime* sommairement quel est le but que se propose
yy celui qui veut tracer une carte géographique , et en quoi il diffère du cho-
» rographe. » ( 5 ) Ptoléméec ontinue ; selon l'abbé Halma , il dit : «Mainte-
» nant , comme nous nous proposons de décrire avec le plus d'exactitude
» que nous pourrons la partie connue de la terre , nous croyons nécessaire
(1) Ptolemée prend le mot géographie dans le sera graphique et non des-
criptif. Pour Ptolémée , la géographie est l'art de dresser des cartes générales delà
terre. C'est ce dont l'abbé Halma ne s'est point douté, et ce qui la entraîné dans
une multitude de contre-sens. La définiticm de Ptolémée, qu il trouve singulière,
est fort bonne, quand on sait ce que l'auteur veut dire. — (2) Tnç Jty
yuoy&Ltytaç !<hor iirn, iè pua* tï ksu wn%i SliKrwou 7wV iyvoèc/jukw yi* — (3) *9*
M^X^ t4**6** w' ** 0 Actif ntMTtKiùTi&Liç 7nt*}ecL$ciïç • . . expression obscure:
Ptolémée entend, je crois, par Ikou mptyesLtycù, des cartes générales, des
mappemondes, où Ton est force de ne mettre que les traits impottans. — (4) T//uù
ovr tikcç iW rat y*ù>ypaL$iiwrt , îyù iivt tha^iptt nv jpç^y&Lyov Si cl -nô-mr tic ù
Kâjpahaiotç V7n-nivm<r-dû>. — (5) Dans ce chapitre au lieu de.... iiu7vq ov Jï?, il faut
lire .... i • QiiJii n Jïï avec le manuscrit Coislin.
PÉCEMBRE 1830. 74}
» dédire, avant tout, que la condition préliminaire et fondamentale de cette
w> science est une histoire des voyages qui dopne la plus grande connois-
» sance possible de la terre, d'après des relations de gens déjà instruits
n par l'étude qu'ils en auront faite et qui ensuite auront parcouru les
» pays qu'ils décrivent. Une autre condition aussi essentielle , c'est que ,
y> de tous ces mémoires , fes uns contiennent des mesures géométriques,
» les autres des' observations astronomiques. » Cette traduction ne
donne qu'une idée inexacte de ce passage important. En voici le sens :
« Comme nous nous proposons , dans le présent ouvrage , de faire
»un tracé de notre,- terre habitable qui en donne l'idée ïa plus
» voisine possible de la vérité , nous jugeons nécessaire de poser en
» fait ( 1 ) , d'abord , que ce qui importe le plus pour ce firavail est de
» posséder des récits de voyageurs (2) , d'où se tire la principale con-
» noissance [ de la terre ] , au moyen des renseignemens que nous
» transmettent ceux qui ont parcouru les diverses contrées avec un esprit
» attentif et observateur^ en second lieu, que les renseignemens et les
» faits- sont relatifs soit à la géographie , soîf à ^astronomie : les pre-
» miers indiquent les positions respectives des lieux par la simple
* mesure des distances; les seconds, par les expériences célestes
«observées avec les astrolabes et les intfrumens qui font connoître
» l'ombre (3). » Ptolémée établit ensuite d'une manière précise la diffé-
rence caractéristique de ces deux genres de renseignemens. C'est ce
qu'il n'est guère possible de comprendre dans cette vejsion : ce Cela
» est fadle et peu sujet à l'erreur : mais l'exécution géométrique n'est
>*pas aussi aisée; il faut y recourir à l'astronomie. » L'auteur dit
TO/7Q fttr, iç avimXiç 77 qtft acfcaxrmpor îiuîro, iç oXo<rxpi<rnpov , jyj\ toutou
<mporJïo(t*vov , ce qui signifie : « Ceux-ci [ c'est-à-dire , les renseignemens
» astronomiques ] n'ayant besoin d'aucun secours étranger , et étant
» (Tune grande précision , les autres , au contraire , étant plus vague*
» et ne pouvant se passer du secours des premiers. » Ptolémée ex-
pliqué ensuite ce qu'il vient de dire , en montrant que l'évaluation des
distances sur le terrain exige la connoissance de la direction de la mé-
ridienne, ce qui ne peut s'acquérir qu'au moyen d'observations cé-
lestes. De plus , comme les routes font des détours, il faut encore re-
trancher une quantité quelconque pour les réduire à une ligne droite.
1 ii ,■! ■ ■ i — — — — ^
(1) vtyfiûLKaSiii. — (2) /V«e/*Tte**J>**> ce qui ne veut point dire une his~
toire des voyages. — (3) • • • pa/UT&ixÂ' /*tr , 79 S)à ^xîç âteyjukTpiiautc imt
Jlctrrdcicer tiç TgpV aMwVowç diouç iir ainur iftfcuriÇor jwnotymwiwtr ( Cod»
CoisJ. au lieu de /xttiùfmtoww ) Jt}ro Jl'd tojf yai*0/**9** tud fin <UTç$KëCû»
744 JOURNAL DES SAVANS,
« Ensuite , cela étant donné , dit le traducteur , la mesure par le nombre
» des stades parcourus ne peut pas donner une connoissance de la
» distance vraie , parce qu'ils sont rarement en ligne droite , à cause des
» fréquens détours qu'on est obligé de faire tant sur terre que sur mer.
» Ainsi , pour les rectifier , il faut conjecturer en quels stades et en
» combien de stades les distances ont été calculées , retrancher de cette
» somme ce dont on estime qu'elles différent de la ligne droite (i ). »
Cette traduction peut induire en erreur les géographes : Ptolémée ne
dit pas et ne peut pas dire en quels stades , attendu qu'il ne soupçonnoit
pas la différence des stades. Voici la traduction exacte de ce passage :
« Ensuite , cette connoissance même [c'est-à-dire , des azimuths ] acquise ,
» la mesure«des stades ne fournit pas sûrement celle de la vraie dis-
» tance, parce que rarement elle a lieu sur des routes en droite ligne ,
» à cause des nombreux détours que l'on fait tant sur terre que sur mer.
» II faut donc , à l'égard des routes terrestres , évaluer l'excès^ qui
» résulte de la nature et de ia quantité des détours , retrancher de la
a? somme totale des stades , pour avoir la quantité qui représente fa
» .ligne directe. » Le membre qui suit est difficile : « Dans les naviga-
» tions , l'inconstance des vents et les variations de leur force ne per-
» mettent pas de juger des espaces parcourus. » Ceci n'est pas <:lair ;
les versions latines ne le sont pas plus , parce qu'on a mal construit (a
phrase. Je ponctue ainsi : êsn Ji rSy vawXtui/ [ce qui correspond au membre
précédent9 ASv iiri ymv rSv Troptiwv] , t77 ngj\ 70 tol^/l t*ç ÇopaLç t»f h?ic//u«7w, Jt&
o-oMa)* fMi T7tpouv7Tk>v ttlç ûlÙt*ç fOïctfuiç ivcà/MtXov , TrporJïetKpirur. ce Mais s'il
» s'agit de navigation , il faut] tenir compte en outre de la variation dans Tin-
y> tensité des vents , lesquels ne conservent pas long-temps la même force. »
Je fais dépendre àvufMt^ov du 70 qui suit ï-n j^ , et l'infinitif 7Fpor<fïûLKphuf , au
lieu de dépendre de &Yù>(jta*ov ^ est régi par <ft#V du membre précédent [JïTp
iwi fuv Ti*v nopuav . . . vÇettpiïv ... im À iSv volvtjXiùùv , Ï77 {jty 70 . . . olvuiàaKo*
irporAetupitut J ; tout le passage ne forme qu'une seule phrase. Ptolémée
veut dire que, sur mer, indépendamment des détours que le navire est
obligé de faire , il y a une autre cause d'incertitude sur l'estimation de
la route ; c'est la variation continuelle dans l'intensité du vent , qui
( lisez pmCtuwf avec le manuscrit Coislin) ifMniiï tov dtoidovç jocltuLmi >j*r , && n
jgrç miif t£v tKTQpmv TneAcanvov fWform?, v^pîîr tSï okw rr&MùM tiç 7»»
DECEMBRE 1830, 74j
souffle tantôt plus fort ,* tantôt plus foiblement , et pousse le vaisseau
plus ou moins vite,
Ptolémée continue de comparer les distances en latitude conclues d'ob-
servations astronomiques , aveecellesqui résuItent<Fe$timations déroute : il
fait voir que , pour transporter les premières sur une carte , il suffit desavo ir
quel est le rapport de Tare compris entre deux lieux, avec le grand cercle
terrestre ( 1 } ; mais qu'il n'en est pas ainsi des distances conclues de mesures
itinéraires. Ici, le texte ne manque pas d'obscurité, et il n'a point été
compris ; il y a d'ailleurs dans la traduction de M. Halma une omission
typographique qui rend le passage inintelligible. Voici comme je Pef*-
tends : ce Mais peut- être cela né suffit-if pas pour diviser, soit le péri-
» mètre entier , soit départies de ce périmètre , selon les distances
»dont il s'agit-, déterminées par nos mesures; et par cela seul , il
» est nécessaire d'établir la relation d'une route réduite en ligne
» droite , avec l'arc égal du grand cercle céleste (2); alors, connoissant,
» d'une part , d'après l'observation des phénomènes , le rapport de
» cet arc avec le cercle, entier, et, de l'autre , in. longueur en stades
de la route d'après la mesure de la partie donnée (}) correspon-
» daftte à cet arc , on en conclut la grandeur en stades du périmètre
» terrestre. »• Ptolémée en développe ensuite les preuves en parlant
de la sphéricité de la terre , et de sa place au centre du monde. Voici
comme il s'exprime dans la traduction de l'abbé Halma : ce Car ma-
» thématiquement , présumant que la surface continue de la terre et
» des mers forme une sphère dont le centre est le centre même de la
» sphère des corps célestes , en sorte que tous les plans qui partent
» de ce centre tracent à cette surface en la traversant autant de grands
» cercles de la sphère terrestre , et que les angles au centre par les
» inclinaisons réciproques de ces plans interceptent sur ces grands
» cercles, if s'ensuit #c. »... II faut dire : « Car, comme on sait
» d'avance par les mathématiques que la surface formée delà réunion de la
» terre et de l'eau , considérée dans sa forme générale , est sphérique , et
(l) . . • &i tir Tnixliuif dmXûLfAGûbùvrti 01 Jiio tiint ii%twlf>%i(U tov fia tdv ir rn
yn y^L^ouéfov /jukyiimv nvKKov. Les deux mots /là ipv me semblent deyoir être
retranchés. — (2) \Ar*>*a7or yiyw if*?/^0** W w>r fywmwr o/£r t» Kpnd n
-*%&*%>¥ ifuU ( ajoutez tiv avec le man. Coisl. ) p*yimv njixxov nieAW* jc *r. a.
Les mots tAid •» me/typ? signifient, dans le style de Ptolémée, céleste, en
(;énéral, ce qui enveloppe la terre. Ainsi * **q$ç w m gff 'v>r Simç rjiç ynç signifie
a situation de la terre dans L'espace. — (3) wr fi tXç vvr* axiiiv iJbiï rmJVoipaY
t'x iiiç wr*jjukTM9%a>e à*è A JbSirnç juuioQvç *. r. A.
Bbbbb
746
JOURNAL DES SÀVÀNS,
»» a le même centre que la sphère céleste ( i ) f en sorte que chacun des
» plans menés du centre , formant des sections communes de la sphère
» céleste et des surfaces susdites [ terrestres ] , y trace de grands
«cercles (2), et Çue les angles dont le sommet est à ce centre
» { commun ] interceptent des arcs égaux de ces cercles ( 3 ) ; H s'ensuit
» que Ton peut bien connoître , d'après les mesures du terrain , combien
» de stades, en ligne droite, contiennent les distances terrestres ; mais
» que , quant au rapport de ces distances avec la circonférence entière ,
» on ne peut nullement l'obtenir par ces mêmes mesures , à cause de
» l'impossibilité de projeter cette ligne, mesurée (4) > mais par Tare égal
» du grand cercle céleste. »
Dans le chapitre suivant , le même sujetifte continue. Ptolémée y
montre comment on peut convertir , dans un arc de grand cercle , tane
distance mesurée en stades , quand même elle ne seroit pas dans le sens
du méridien. Dans le passage où l'auteur parle de (a mesure de Tare
céleste , il dit : -mpovrnç cft* w nuo$iptêf t* j^t* xopvçrr tnifJuTet rUr fùo tS?
ft*çn,9\eiç Tnfa.iwv, •t</7»dtr ikf iiroXaLfxCoLfOfinvuf vw ATTOT tdv (JUffUfJiÇùitoZ
mptçèpuct? x. t. X. D'autres éditions portent vif avrôir xSr fumfjdCpswSr
L'une et l'autre des deux leçons n'ont pas de sens ; il faut in ûlvtw
( se. mguim*) TOvitffftytCpjrov; c'est-à-dire : « observant , parles sciothères,
» les points verticaux des deux extrémités de la distance , et s'assurant
» par-là de l'arc du méridien compris entre [les parallèlesde] ces deux points,
» ils &c. » II y a déplacement de l'article dans cette phrase.... 077 &r fà
il* 7»r iroXvv XetfjiÇûLiuptv TON . . . Kv'xAftr, il faut 077 &v pi w JlàL t. t. A...
xiiacXor. Aulieude.... i£f iuXapCûLtopivut iu&uirJtài «iSr mpamtv , il faut lire
tcCoMofurâir avec le manuscrit Coislin. Le même manuscrit donne d'autres
()) 4Êr£9\a/uLCa9o/u*vov yip fx i£r fjut$*/JLtL7»f iî mjJ nt ovvti/upitniw t*ç -y*ç xru nZ
u etureû -xtyç ru KÀrrpt» ô/uotcLÇoLTn^ap£ânj9 1*9 xi/xAar meA<pip***C : *r clut& ne pouvant
signifier que iv t£ Ktrrpu, les mots n^ç ri xt'rrpp qui suivent sont une note
marginale explicative qui a passé dans le texte. — (4) <hd tb tîç m&tCêKwç
coîqux-nv, ce que l'abbé Halma traduit par, « à cause de Fim possibilité de
» projeter une courbe en ligne droite, » Le traducteur latin dit , propter deftetum
pertingentlœ parabolœ, ce qui ne se comprend pas plus que la version française.
Je crois que cela n'exprime pas autre enose que 1 impossibilité de transformer
directement une distance mesurée sur la terre en fonction de la circonférence
du globe.
DÉCEMBRE 1830. 747
bonnes leçons : n&v au lieu de&\i*v; Ji& À toutou \*tvor, au lieu de tw/w.
Chapitre iv. Ptolémée veut montrer que les observations célestes doi-
vent servir de base aux renseignemens des voyageurs. II commence ainsi
dans la traduction française : ce Cela posé, si ceux qui ont parcouru les
» diverses contrées avoient fait de telles observations , Us aur oient pu
donner une description exacte de la terre. » Le sens est : « Les choses
** étant ainsi , si ceux qui ont parcouru les diverses contrées avoient fait
» usage de telles observations, H seroit possible de dresser avec toute
» exactitude une carte de la terre. » ngn*yf*Q* est , non point une des-
cription , mais un tracé graphique. L'abbé Halma s*y est toujours mépris.
Le reste du chapitre, qui renferme un passage classique sur l'ob-
servation des éclipses , a trop d'intérêt pour que nous ne donnions pas
la traduction de ce qu'il y a de plus important ; nous avons à dessein
conservé la marche de la phrase de Ptolémée, afin qu'on ait une idée
de ses phrases d'une page , où tout dépend d'un puisque. « Puisque le
» seul Hipparque (1 ) nous a donné des hauteurs. du pôle boréal , pour
» un petit nombre de villes,, eu égard à la *i .grande multitude de
» celles qui peuvent être placées spr les cartes , et que plusieurs de ceux
a» qui sont venus après lui, ont discuté ia position de quelques-uns des
*> lieux situés au-delà de l'équateur (2) , non pas également distans de ce
39 cercle , mais simplement placés sous le même méridien , autant qu'ils
33 en pouvoient juger d'après ia navigation qu'ils avoient faite par des
» vents du nord ou du midi ; puîsqu'en outre la plupart des distances
33 (relatives ) , sur-tout dons le sens de l'est à l'ouest , et réciproquement,
33 n'ont été transmises que fort grossièrement, non par la négligence
» de ceux qui ont rédigé les relations (3) ; mais peut-être parce qu'ils
33 ne possédoient pas une méthode facile de calcul mathématique, et parce
33 qu'on n'a mentionné qu'un petit nombre des éclipses visibles en même
33 temps en diflferens lieux ( comme celle qui , ayant paru à Arbèles à la
33 cinquième heure , n'a été vue à Carthage qu'à la deuxième (4) ) , au
30 moyen desquelles on sait de combien de temps équinoxiaux (j) les
(1) Il est bien remarquable qu'au temps de Ptolémée, Hipparque fut le seul
qui eîft- mesuré des latitudes boréales. — (2)...T/r*Y wr cùviut/uttcov wV^r. Ptolémée
entend par- là les lieux situés dans l'hémisphère opposé que les navigateurs firent
coruioître depuis Hipparque. — (3) tZ* imScwmiv mç itnzicuç. — (4) Ce
passage capital est mal ponctué et inintelligible dans les traductions. 11 faut,
je pense, le ponctuer ainsi: xgl Sià ii fjm tai/W t£v v*i Tor etvror ypim
TwyYi/uLtrw <n\nYioLKûêY iKMt^tûft ( ûùç w if [/-uV] 'Ap€fao/ç nifAimiç o&lç Çartirar,
it JV XapynSin Sivri&Lç) avctpgetpiç «g/ovtfaf , t£ or x. t. a. — (5) Dans le
langage de Ptolémée , les temps équinoxiaux sont les degrés de l'équateur.
Bbbbb 2
748 JOURNAL DES SAV ANS,
» lieux sont distans les uns des autres, dans le sens de l'est à l'ouest; il
» seroit à propos que celui qui veut dresser une carte ( w -fivyfdtyimvr* )
» conformément à ces renseignemens , prît pour fondement du tracé de
» cette carte les données fournies par les meilleures observations, &c. »
L'éclipsé unique que cite Ptolémée nous montre quelle étoit l'imperfec-
tion des observations des anciens sur le sujet si délicat des longitudes. II
s'agit ici delà célèbre éclipse qui eut lieu onze jours avant fa batailfecTAr-
bèles , le 10 septembre 330 (astron.) , à 7 h. i /2 du soir pour le méridien
de Paris; conséquemment à environ 10 h. i/4 pour celui d'Arbelès (ce
qui répond à 4 h* >/4> selon la manière des anciens , ou au commence-
ment de la j / heure ) ; et ky h. j j ' pour le méridien de Carthage , ou à
' la fin de la deuxième heure: il n'y a donc que 2 h. 1 9' , et non pas trois
heures , entre les deux méridiens ; Terreur est d'environ 1 o° en longitude.
Mais aussi qu'attendre d'observations d'éclipsés marquées en nombre
rond d'heures ï Au reste , telle étoit l'incertitude de ces observations des
anciens , que Pline place cette éclipse à la 2/ heure de la nuit pour
Arbelès ( deux heures au moins plus tôt que Ptolémée ne le dit ), et à la
nuit tombante pour la Sicile. Cicéroi\ la met un peu avant le lever du
soleil, cet astre étant dans le lion , c'est-à-dire ,. environ 8 heures après
l'instant du jour , et un mois au moins avant le jour où elle a eu lieu.
(1) II, 72. Nobili apud Arabiam (f. Arbela) magni Alexandri Victoria,
luna defecisse noctis secundâ horâ prodita est, eademque in Sici/ia exoriens. —
(2) De Divin. I, 53 .... J7 luna paulo an te soiis ortum defecisset in signo
leonis. Au 20 septembre, le soleil étoit dans les derniers degrés de la vierge.
LETRONNE.
* -
P S. Depuis que cet article est écrit , j'ai vu le prospectus d'une édition
de la Géographie de Ptolémée, entreprise par M. Manos, et qui doit paraître
chez MM. Didot. L'auteur^, excellent helléniste et critique exact, autant que
Judicieux , a collationné avec le plus grand soin les éditions et les manuscrits.
Jla donné, comme spécimen, le premier chapitre, avec l'indication scrupuleuse
des fautes des éditions actuelles. Ce spécimen prouve combien une édition nou-
velle étoit nécessaire, et sur-tout une édition traitée par un homme aussi (jabile.
J'ai l'espoir que les observations contenues dans cet article et le suivant ne
seront pas inutiles à l'éditeur, soit pour l'intelligence soit pour la correction
du texte. II ne me reste qu'un vœu à former, c'est que les circonstances per-
mettent à M. Manos et à MM. Didot de mettre à nn leur belle et utile en-
treprise.
mi
DÉCEMBRE 1830. 7A9
Ph^edri Au g. liberti Fabularum jEsopiarum libros quatuor ex
codlce olïm pithœano, deindè peleteriano, conte x tu codicis
nunc primùm intégré in lucem prolato > adjectâque varietate
lectionis , è codice remensi , incendio consumpto , à Dom. Vin-
centio olïm enotatâ cum proie gomenis , annotatione , indice,
edidit Julius Berger de Xivrey. Parisiis, éxcudebat
Ambrosius Firminus Didot , 1830, in-8.° max. 267 pag.
Pr. 20 fr.
SÉNÈQUE dit si positivement qu'il n'existe encore, dans la littérature
latine , à l'époque où il écrit , aucun essai du genre de Papologue , au-
cun recueil de fables à la manière d'Esope , fabulas quoquc et œsopeos
logos , intentatum romanis ingeniis opus ( 1 ) , que plusieurs savans se sont
permis de révoquer en doute l'authenticité des quatre ou cinq livres
de fables ésopiennes attribuées à un affranchi d'Auguste. Les trois
mots de Martial (2) , improbi jocos Pkœdri, sont, de tous les monu-
mens littéraires du i.er siècle de notre ère, le seul texte où le nom de
Phèdre se rencontre ; et l'on a prétendu que ces mots pouvoient s'appli-
quer à quelque personnage tout-à-fait distinct du fabuliste , qu'en effet
ils ne désignent pas avec une précision extrême. Quintilien (3) , Aulu-
Gelle (4), Macrobe (5) , lorsqu'ils parlent des auteurs d'apologues,
ne font aucune mention de Phèdre. Pour le trouver expressément
nommé, il faut descendre au temps où Aviénus dédioit ses propres
fables à l'empereur Théodose : Phèdre y est placé à la suite d'Esope ,
de Socrate , d'Homère et de Babrius : Phœdrus etihm partent aliquam
quinque in libellos resolvit. Cette ligne prouve que les cinq livres de
Phèdre étoient connus à la fin du jv.c siècle; à moins qu'on ne dise
qu'elle a été ajoutée après coup par quelque copiste , ce qui n est sans
doute qu'une hypothèse très-hasardée. -
Cependant , pour essayer de la soutenir , on peut s'autoriser encore
du silence de Priscien , qui, écrivant après Aviénus, et ayant fait une
étude particulière de l'histoire littéraire des âges précédens , cite comme
fabulistes Hésiode , Archiloque , Piaute et Horace , et n'a aucune con-
noissance des fables de Phèdre. Les compilateurs du moyen âge ne le
nomment point encore; mais quelques-uns d'entre eux transcrivent iitté-
■ 1 ■ ■ —— ■ — —^— — ■ — — — — — — — ■-— — .^— — ^— — —
(1) Sen. Consol ad Polyb. c. 27. — (2) in , 20. — (3) Inst. orau I. V, c. x).
— (4) Afoct. att, il, 28. — (5) in Somn. Scip. L I , c. 2.
7Jo JOURNAL DES SAVANS,
ralement ses expressions et ses phrases. C'est ce qu'on remarque d'abord
dans le recueil de fables ésopiennes qui portent le nom de Romulus :
elles sont au nombre de quatre-vingt-trois dans l'édition que M. Schwabe
en a donnée (i), et la plupart reproduisent les récits de Phèdre, des
parcelles de son texte , et , quoiqu'elles soient écrites en prose , plusieurs
de ses hémistiches. On reconnoît ensuite non moins évidemment, parmi
les apologues de Marie.de France en langue vulgaire , des traductions
presque immédiates de ceux qui sont attribués à l'affranchi d'Auguste.
II est visible aussi que Vincent de Beauvais , lorsqu'il recueil loi t dans
son Spéculum historiale (I. III, c. 2-8 ), et mieux encore dans les
chapitres 1 i4-à 123 du m.c livre de son Spéculum doctrinale, vingt-
neuf fables d'Ésope, avoit sous les yeux une collection latine sem-
blable à celle que le nom de Phèdre distingue aujourd'hui. Car, bien
qu'if se donne beaucoup trop la liberté d'abréger ou de paraphraser , de
transformer ou d'intervertir , il conserve çà et là beaucoup de traits
parfaitement reconnoissables : Longèque inferior agnus. — Turbasti mi Ai
aquam bibenti. — A te ad me decurrit. — Factis parti bus leo : ego primus
{ sic) tollo quia leo, &c. Sicque totam illam prœdam sol a improbîtas abs-
tuliu — Ingrata est illa grus , quœ caput incolumis extulit et mercedem sibi
postulat. — Cum de fenestra corvus occasione caseum raperet. — O corve ,
pennarum tuarum quàm magnus est nitorl Si vocem claram habuisses ,
nulla prior avis fuis s eu — Dolosa vulpes avidiysrapuit. Tuncstupens corvus
ingemuit, acdeceptus pœnituit. — Graculus pennas pavonum quœ ceciderant
sus tu lit , et inde se ornavit, suosque contemnere cœpit et gregi pavonum
se miscuit. At illi ignoto et impudenti pennas etipiunt. . . . Ad proprium
genus redire timuit, &c. Il seroit trop aisé de multiplier ces citations;
car des vingt-neuf fables de Vincent , seize sont empruntées de Phèdre :
mais il suffira, pour s'assurer de la conformité dont il s'agit, de rap-
procher des textes que nous venons de citer , les vers correspondans de
Phèdre, tels qu'ils se lisent dans l'édition que nous annonçons. Nous le
citons , pour donner une idée de l'état du texte dans le manuscrit :
Longèque inferior agnus. . .
Turbulentam fecisti mihi
Aquam bibenti
A te decurrit ad meos haustus liquor.
Partibus factis leo r
Ego primam tollo, nominor quia leo. . . .
Sic totam predam (sic) sola improbitas abstulit.
■••*■*
(1) Ad calcem Phœdri , toni. II, p. 582-676. Brunsvîgae, 1806, i/i-£/
DÉCEMBRE 1830. 751
Jngrata es,inquit, ore quae nostro caput
Incoiome [sic) abstuleris , et mercedem postulas! ,
Cum de fenestra corvus raptum caseura. ...
O qui tuarum , corve , pennarum est nitor.
Si vocem haberes, nul la prior aies foret • « .
Dolosa vulpes avidis rapuit dentibus;
Tum demum ingemuit corvi deceptus stupor.
Gragulus (sic ) . . . . ^ ..
Pennas pavonis quae deciderant, sustulit,
Seque exornavit. Deinde contemnens suos ,
Immiscuit se pavonum formoso gregî.
llli impudenti pennas eripiunt avi. . . .
Redire merens ( sic) cœpit ad proprium genus, &c,
II y a là très-certainement un fond commun; et la seule question à
élever seroit de savoir si Romulus et Vincent de Beauvais ont déformé
ainsi des vçrs classiques parvenus jusqu'à eux , ou si , dans l'un des siècles
suivans, au xv.e siècle, par exemple , quelque littérateur plus habile ne
s'est pas emparé de leur prose, souvent lâch^xwt incorrecte, pour la
mettre en vers iambiques plus précis et plus élégans.
Cette seconde hypothèse a sans doute peu de vraisemblance , et n'est
plus même proposable, s'il reste d'anciens* manuscrits du recueil de
Phèdre antérieurs à Vincent de Beauvais et à Romulus. L'existence de
ces manuscrits a été long-temps contestée. Pierre Pithou, en publiant,
à Troyes , en 1 5 96 , la première édition des Fables de Phèdre , déclaroit
l'avoir faite sur une copie manuscrite que lui avoit envoyée son frère
François Pithou ; mais outre que celui-ci ne disoit point et qu'on ne
sait pas encore d où lui venoit cette copie , elle avbit disparu depuis
t 596 , et passoit pour perdue sans ressource. On ne la retrouvoit point
dans la bibliothèque des frères Pithou , léguée par François au collège
de Troyes, et conservée dans cetétablissement jusqu'en 1 79 2. Iln'y a guère
que vingt à vingt-cinq ans qu'on a commencé d'annoncer que ce manus-
crit étoit possédé par MM. le Pelletier. M. Hase, qui l'a soigneusement
examiné, le croit du X.c ou Xl.c siècle, et cette idée est justifiée par le
fac similc inséré dans l'édition que vient de donner M. Berger de
Xivrey, édition où le texte est par-tout et en tout point conforme à ce
même manuscrit, sauf pourtant la distinction des vers et une meilleure
ponctuation. Le titre qui se lit à la première page, est conçu en ces
termes : Fedri ( sic ) Augusti liber ti liber Jabu/arum. Ainsi voïïà quïl
demeure bien établi que des fables de Phèdre , copiées à la vérité comme
de la prose, mais où la mesure des vers iambiques étoit plus ou moins
facile à rétablir, existaient avant Tannée 1200 ou môme 1 1.00.